Le
quartier de la Terrasse est situé tout au nord de la
ville de Saint-Étienne, à, la limite de la commune de
Saint-Priest-en-Jarez. Il
s’articule principalement autour de la Place Massenet, qui fut pendant
longtemps le terminus de la ligne du tramway, avant que celle-ci ne
soit
prolongée en direction de l’Hôpital Nord. C’est dans l’une
des maisons autour
de la place, au n° 20, qu’est né le 12 mai 1842 le
compositeur Jules Massenet.
Le quartier appartenant alors à l’éphémère
commune libre de Montaud, les
dictionnaires persistent encore aujourd’hui à situer à
« Montaud
(Loire) » le lieu de naissance de Massenet, qui est pourtant
un pur
stéphanois, puisque la commune de Montaud devait rejoindre le
giron de la ville
de Saint-Étienne en 1855.

Aspect de la place au début du XXe
siècle. La maison
natale de Massenet est à droite (carte postale ancienne).
Le quartier, tranquille
jusqu’alors, connut un certain émoi
dans les années 70. La rocade, devant former le contournement
est de la ville
et le raccordement de l’autoroute de Lyon à la future autoroute
de
Clermont-Ferrand, allait passer en tranchée en plein milieu de
la Place
Massenet, et de fait couper le quartier en deux parties. Les riverains
s’en
émurent évidemment, et ils finirent par obtenir gain de
cause. S’il n’était pas
question de déplacer la rocade, on pouvait au moins la recouvrir
et rendre à la
place son intégrité, sans que l’on puisse en rien deviner
le passage en
souterrain de cette voie autoroutière.

Le terminus du tramway dans les
années 30 (carte
postale ancienne)
Le même endroit aujourd’hui. Les
bâtiments
d’arrière-plan ont été remplacés par des
constructions neuves. On aperçoit à
droite le haut de la tour d’angle de l’hôtel.
On parlait déjà du
prolongement de la ligne de tramway, il
paraissait donc impératif de redonner aussi à la Place
Massenet et à ses abords
un petit coup de neuf. Le quartier voisin de Grouchy posait le
même problème,
avec sa vieille caserne de dragons désaffectée. Entre les
deux, la petite
église du Sacré-Cœur, que rien hormis un bien modeste
campanile ne permettait
de distinguer de la grisaille des bâtiments qui l’entouraient,
souffrait elle
aussi de vétusté.
La
municipalité décida donc de réhabiliter ce
quartier,
opération qui fut menée fin des années 80 -
début des années 90. Selon une
rumeur persistante, entretenue par certains auteurs, les architectes
étaient
des Francs-Maçons convaincus qui en auraient profité pour
truffer le quartier
de symboles maçonniques, discrets bien qu’ostentatoires. Une
visite s’impose,
avec un regard neuf…
LES COLONNES TRONQUÉES
La
colonne tronquée est un symbole que l’on rencontre
fréquemment dans les cimetières. Elle matérialise
l’œuvre inachevée du maçon
emporté prématurément par la mort. Elle est
devenue de fait l’un des principaux
emblèmes de la maçonnerie.

La colonne tronquée maçonnique
Lorsque l’on descend du tram
à l’arrêt de la Terrasse, un
coup d’œil circulaire permet de constater que les deux pôles de
ce quartier
sont marqués par de telles colonnes. Mais elles sont tellement
énormes et ostensibles
qu’elles finissent par devenir invisibles. Côté nord c’est
la tour d’angle cylindrique
de l’hôtel qui s’élève en ce lieu ; une tour
dont on est bien obligé
d’admettre qu’elle a la forme d’une colonne tronquée.

La tour / colonne tronquée de
l’hôtel
À l’opposé
côté sud s’élève sa sœur jumelle, la tour du
clocher de la nouvelle église de la Terrasse, également
en forme de colonne
tronquée, comme nous le verrons bientôt. D’un
côté le lieu consacré à la
spiritualité et à la méditation sur l’œuvre du
Grand Architecte de l’Univers,
de l’autre le lieu consacré aux agapes avec le restaurant
attenant à l’hôtel.
Le décor est planté…
LE TRIANGLE, LES TROIS POINTS ET
L’ÉCHELLE
Déplaçons-nous
de quelques mètres ; voici le point de
départ de plusieurs lignes de bus. Une sorte de passerelle
surplombe
l’alignement des quais et des abribus. C’est une structure
métallique
tubulaire, de section triangulaire, abritant une voûte en
plexiglas. Hormis le
fait de matérialiser de loin l’emplacement du terminal des bus,
rien ne
justifie cette construction qui n’a aucune utilité, même
pas celle d’abriter
les voyageurs de la pluie, la voûte étant trop haute et
trop étroite pour cela.
L’œuvre paraît donc purement esthétique, encore que son
esthétisme soit
discutable. La « passerelle » repose d’un
côté sur le petit bâtiment bas
abritant les bureaux de la STAS (la compagnie des transports en commun
de
Saint-Étienne), et de l’autre sur un portique en béton
brut de décoffrage. Une
ouverture carrée y est percée, ouvrant sur une
allée, et invitant à passer de
l’autre côté.

L’étrange portique à
l’extrémité de la
« passerelle »
Quand on se retourne pour
« admirer » ce portique,
apparaît alors une ouverture triangulaire, surmontant l’ouverture
carrée,
servant de support à l’extrémité de la
« passerelle ». On croit y
voir se matérialiser l’image d’un œil, formant le symbole
maçonnique bien connu
de l’œil dans le triangle. De même les tubulures paraissent
reproduire l’image
du compas et de l’équerre, autre symbole célèbre
que la Franc-Maçonnerie
partage avec le compagnonnage. Sous cette ouverture triangulaire, trois
petits
carrés clairs semblent rappeler quant à eux le symbole
bien connu, et purement
maçonnique celui-là, des trois points, tels qu’on les
dessinait au début de la maçonnerie,
c'est-à-dire alignés et non en triangle. Les trois points
servaient à abréger
des mots pour rendre un texte incompréhensible par le profane.
C’est une
invention française datant du XVIIIe siècle. Le triangle
étant un symbole
maçonnique très fort, on a rapidement pris l’habitude de
disposer ainsi les
fameux trois points. Ceux-ci devinrent tellement synonymes de
Franc-Maçonnerie,
l’expression « frères trois points »
servit un temps à désigner
péjorativement les Francs-Maçons.

Détail du triangle et des trois
points. À droite, pour
comparaison, les symboles maçonniques classiques : l’œil
dans le triangle,
l’équerre et le compas.
Et puis lorsqu’on est sous le
portique, la
« passerelle » se révèle alors
par-dessous et dans sa longueur, et
l’on s’aperçoit que sa base forme une échelle de 33
bareaux, soit les 33 degrés
du Rite Écossais Ancien et Accepté.
LE SACRÉ-CŒUR ET L’AXE DU
MONDE
Faisons quelques pas en direction
de la nouvelle église,
consacrée comme la précédente au Sacré-Cœur
de Jésus. Décidée à la fin des
années 80, sa construction, confiée au cabinet
d’architectes stéphanois
Granet-Daudel, commença en 1992 et l’église fut
consacrée fin 1993. On peut
dire qu’elle ne laisse personne indifférent ! C’est une
œuvre résolument
moderne, pendant spirituel du Musée d’Art Moderne tout proche.
L’édifice est en
béton brut de décoffrage, formé par l’assemblage
de panneaux carrés.
La
nef est une « caisse »
parallélépipédique,
flanquée côté est d’un petit bâtiment
galbé auquel on accède par un escalier
extérieur, et côté nord d’un voile de béton
galbé s’élevant au-dessus de
l’église pour protéger son campanile de quelques cloches
et la croix qui le
surmonte. Ce demi cylindre sert également de puits de
lumière pour éclairer
l’abside, dont il forme le mur du fond. Il faut noter que
l’édifice est orienté
vers le nord, alors que la place de manquait pas pour construire une
église
plus classiquement orientée vers l’est. Mais il faut
préciser que telle était
déjà l’orientation de l’ancien édifice.

La nouvelle église du
Sacré-Cœur
Au fur et à mesure que l’on
fait le tour de l’église, par
l’est puis par le nord, le voile de béton galbé semble se
transformer lentement
et finit par prendre l’apparence d’une tour cylindrique. Arrive un
moment où la
croix disparaît, et la tour en perdant toute apparence de
chrétienté devient
alors clairement une colonne tronquée. On dit que cette
église de la Terrasse
aurait servi de modèle à la cathédrale
d’Évry, en région parisienne, construite
peu après, qui offre elle aussi l’apparence d’une colonne
tronquée.

Vues de l’église sous
différents angles. À gauche la
croix sommitale est encore visible. À droite la croix a disparu
et le clocher
apparaît sous l’aspect d’une colonne tronquée.
À ce point du contournement
de l’église, on s’aperçoit que
l’angle nord-ouest de la nef se détache de la façade et
forme une avancée triangulaire
que rien ne justifie. De même rien ne justifie vraiment le pilier
soutenant
cette avancée, dont on devine qu’il doit empoisonner la vie du
prêtre chaque
fois qu’il rentre sa voiture dans le garage situé
derrière… En vérité ce pilier
soutenant une partie de l’édifice n’est rien d’autre qu’un
« axis
mundi », l’axe du monde, symbole d’unité divine,
essentielle en
maçonnerie. Un axe sud – nord traverse d’ailleurs tout le
quartier, passant par
les deux colonnes tronquées et se prolongeant en direction du
Musée d’Art
Moderne. UN axe, DEUX colonnes, TROIS points et le triangle : les
trois
premiers chiffres sont dûment représentés.

Le pilier de l’axe du monde ?
Les réseaux
maçonniques ont toujours été très influents
à
Saint-Étienne. Dans l’hypothèse d’une volonté
délibérée des architectes de
masquer ces symboles dans leur œuvre, on peut se demander s’ils ont agi
de leur
propre chef ou « aux ordres ». Tant que nous
sommes dans la rumeur
pourquoi ne pas continuer : cette orientation
ésotérique n’aurait pas déplu,
dit-on, à la municipalité d’alors. Succédant en
1983 à la municipalité du
communiste Joseph Sanguedolce, qui comptait déjà quelques
frères, la
municipalité de droite présidée par
François Dubanchet appartenait largement à
la Franc-Maçonnerie, c’est de notoriété publique
et c’est révéler un secret de
Polichinelle que de le dire. « Pratiquement tous les
élus stéphanois
sont des Francs-Maçons », affirmait un
spécialiste en la matière, le
premier adjoint Christian Cabal, lui-même membre du Grand Oient
de France.
L’arrivée en 1993 du radical Michel Thiollière semble
avoir un peu calmé le
jeu, en particulier elle a scellé la disparition de la
fraternelle des élus,
amorcée à la fin des années 80. « Je
ne connais qu’une seule loge,
celle qui lui m’est réservée au stade Geoffroy Guichard »
proclamait
Michel Thiollière. Aujourd’hui les élus stéphanois
Francs-Maçons, parfois
adversaires en politique, sont frères en maçonnerie et se
côtoient dans les
loges, une situation d’ailleurs fortement dénoncée par le
Front National.
Mais après tout nous sommes
peut-être en train de fantasmer.
Tous ces symboles cachés sont de nature subliminale bien
entendu, il faut une
certaine tournure d’esprit pour voir apparaître ces images…
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