Le
Château Bélise
|
Présenté
par
Noël Gardon |
2021 |
Le site de
Bélise d'après Gabut il y a plus d'un siècle
En ce qui concerne le passé de notre Histoire
ou de notre Langage, depuis bien des années je suis
étonné par les erreurs,
voire les mensonges qui sont généralement
acceptés, et même parfois enseignés,
sans l’ombre de la moindre critique Aujourd’hui, au crépuscule
de ma vie je
constate l’inutilité qu’il y a à vouloir combattre ces
contre-vérités, et, dans
un sens, je le comprends. Les
évolutions, les évènements ont eu lieu avec les
conséquences dont nous
subissons les effets de façon plus ou moins importante, mais sur
lesquels nous
avons l’impression de pouvoir agir. Mais les causes en sont
passées, nous n’y
pouvons plus rien, alors si on donne une raison acceptable pour notre
mentalité
actuelle, pourquoi ne pas l’accepter, en discuter ne changera rien
à notre vie
présente. On ne se soucie guère alors de vérifier
si la raison donnée n’est pas
contraire à celle admise pour un autre évènement
et si cette prétendue cause
est conforme à la réalité. Ainsi,
quand on parle de Charlemagne, tout de suite vient à l’esprit la
formule
« L’Empereur à la barbe fleurie ». On ne
se soucie pas de savoir ce
que cela veut dire, ni de se rappeler que cet empereur ne portait pas
la barbe,
comme en font foi la petite statue équestre conservée
à Aix la chapelle, ou les
monnaies frappées à son effigie. Les historiens
expliquent que « barbe
fleurie » est simplement une image poétique et
Charlemagne était sans
barbe a une époque et la portait à une autre, circulez
carrosses il n’y a rien
à voir… Or cette formule résulte d’une erreur
d’écriture, une erreur de frappe
dirait-on aujourd’hui. Elle figure pour la première fois dans la
« Chanson
de Roland » qui est une chanson de geste. Comme tous les
textes de ce
genre il est destiné à être récité
oralement. Lorsqu’un scribe se décida de le
mettre par écrit, il entendit Turoldus, le poète qui le
déclamait, déclinait
suivant la formule consacrée, dire, en parlant de
Charlemagne :
« L’Empereur à la barba affleurée »
et il écrivit ce qu’il avait
entendu : « L’Empereur à la barba
fleurée » ce qui ne veut rien
dire, alors qu’affleurer, signifie mise à fleur, et ici à
fleur de peau,
c’est-à-dire rasée, ce qui pour les gens de
l’époque habitués depuis plusieurs
siècles à des empereurs germaniques abondamment barbus,
la pilosité étant un
signe de virilité et de force, était bien un signe
caractéristique, de cet
empereur. Comme cela n’avait aucune conséquence, la formule qui
plaisait a été
adoptée, même si elle est fausse et ne signifie rien. C’est
en onomastique que l’on peut constater un grand nombre de ces
erreurs ; ce
qui est normal puisque cette science, dérive de la linguistique
qui elle-même
est établie à partir d’un postulat très discutable
prétendant que la langue
française dérive en grande partie de la langue latine.
Ainsi Loire le nom du
fleuve qui traverse la France dériverait, par une suite de
transformations dues
à la prononciation, de Liger nom qu’elle portait à
l’époque de la conquête des
Gaules par Jules César… Que la Loire est appelée Liger
à cette lointaine époque
il n’y a pas lieu d’en douter, Strabon en parle ainsi que Polybe mais
que Loire
dérive de ce nom est une autre affaire. Dans
le Bulletin de la Société historique et
archéologique de l’Orléanais, en 1942
M.J Soyer un éminent étymologiste, cité parfois
comme référence par Dauzat, a
publié une étude sur l’étymologie du nom de la
Loire. Après avoir donné
quelques indications sur les plus anciennes formes connues du nom de la
Loire,
il élimine plusieurs étymologies du nom de Liger, et
admet une origine pré
celtique, préconisée par d’Arbois de Jubainville, qui
fait dériver ce nom du
même radical qui a donné le latin rigare =
arroser. Après
avoir dit que ce nom est masculin il explique comment le nom Loire
dérive
naturellement de Ligere(m) : Le premier e étant bref,
l’accent se porte
sur l’i, qui est bref, lui aussi. Or, l’i bref accentue, comme l’e long
accentué, devient en français la diphtongue ei,
puis oi. Le g se change en yod, qui
se combine avec la voyelle précédente ; d’où Leire et Loire. Enfin
il termine en expliquant comment le nom de Loire qui était
à l’origine masculin
est devenu féminin. Il repousse l’hypothèse par laquelle
ce changement serait
intervenu par l’influence des noms latins féminins
terminés en « is »
comme « navis »,
« clavis ». Et il montre que l’on parlait
toujours autrefois de « la rivière de
Loire », pour lui le mot
rivière ayant été oblitéré dans le
langage courant on n’a plus dit que
« la Loire ». M.Soyer
est un savant, il est honnête et se conforme à ce que
disent les règles officielles
de la linguistique, mais il y a d’autres linguistiques qui nous
apprennent
autre chose.
Louis-Ferdinand
Flutre, aux dires de Marguerite Gonon, linguistique aussi timide et
modeste que
compétent, professeur de linguistique à
l’Université de Lyon, dans son ouvrage
intitulé Les éléments de toponymie
pré-gauloise en Lozère, publié en 1952, aux
« Belles Lettres »
dans la série des Annales de l’Université de Lyon,
consacre un chapitre au mot
« Ar ». Après avoir reconnu la
présence de ce mot dans plusieurs noms
de cours d’eau du département, il indique très clairement
que « Voilà
longtemps que l’on a supposé que cette racine
« Ar » appartenant à
une langue inconnue, devait signifier « eau » ou
plus spécialement
« eau courante » ». Il donne des
exemples. Albert Dauzat, le très
célèbre et
respecté linguistique, dont les
travaux d’onomastique font toujours autorité, fondateur de la
revue
linguistique Le Français moderne, et
professeur à l’école pratique des Hautes études,
dans son livre La toponymie française (Paris
1971)
p.131 : à aussi quelques pages à propos de ce
même mot ar. Il reprend textuellement, la phrase
de L.F. Flutre : « Voilà longtemps qu’on a
supposé que cette racine,
appartenant à une langue inconnue, devait signifier
« eau » ou plus
spécialement : « eau courante » …
Dans ses conclusions il écrit
(p.141) Ar- est bien une base
hydronymique pré-indo-européenne … Ce
mot « Ar », signifiait donc autrefois, dans nos
régions, « eau
qui coule ». Mais, aujourd’hui en français, l’eau
courante est d’un genre
indéterminé, tantôt masculin tantôt
féminin. En effet nous disons La Source, puis Le Ruisseau, ensuite La Rivière,
Le Fleuve, etc… Quant aux noms
propres donnés aux cours d’eau ils sont d’un genre
indépendant de celui du
cours d’eau auquel il se rapporte. Nous avons bien Le Rhône,
et La Saône,
pour un fleuve et une rivière
mais nous avons la Seine pour un fleuve
et le Furan,
pour une rivière. Nous ne parlons
pas de La Loire qui a changée de genre au XVIIe siècle.
D’abord masculin. Nous
avons tous en mémoire ces vers de Joachim du Bellay : Plus me plaist le
séjour qu’on basty mes
aïeux Que des palais romains le front
audacieux Plus que le marbre dur me plait
l’ardoise
fine Plus mon Loyre
gaulois, que le Tibre latin Plus mon petit Lyré, que le
Mont Palatin Et plus que l’air marin la douceur
angevine. Pour
devenir féminin après. Pour La Fontaine
elle était déjà au féminin. « Douce
quand il lui plaît quand il lui
plait si fière Qu’à peine arrete-t-on son
cours impétueux Elle ravagerait millle moissons
fertiles Engloutirai des champs, ferait
flotter des
villes
(Lettres à sa
femme 3-09-1663) C’est
Agrippa d’Aubigné qui, avec peut-être l’historien
André Du Chêne, furent les
derniers à parler de Loire au masculin. Cette
imprécision tient à ce que dans notre français
moderne, et depuis bien des
lustres, nous n’avons que deux genres : le masculin et le
féminin. Mais
autrefois il y avait un troisième genre, le neutre que l’on
trouve d’ailleurs
dans certaines autres langues et dans plusieurs de nos patois. Le
masculin et
le féminin étaient réservés, comme leurs
noms l’indiquent, aux êtres animés,
c’est-à-dire l’homme et les animaux. Le masculin aux mâles
avec l’article
« le » et le féminin aux femelles avec
l’article « la ». Le
neutre utilisait l’article « lo ».
« Ar », eau courante
était du genre neutre, et précédé de
l’article correspondant on disait :
« lo Ar ». Cette expression désignait
aussi bien le fleuve que la rivière. Mais,
dans son article cité plus haut M.Soyer donne des indications
intéressantes. Il
précise en effet : Au reste, les
vieux mariniers et les vieux pêcheurs de Loire ne
désignent point le plus grand
fleuve de France par un autre mot que « la
rivière », tout court. Pour eux,
Loire est un mot livresque, que l’on n’emploie guère qu’en
parlant à des
étrangers. Né sur les bords de la
Loire blésoise, j’ai
entendu fréquemment, dans ma jeunesse, des expressions comme
celles-ci : « la
rivière est
en crue ; il y a du rabais dans la rivière ; la
rivière est
embâclée ; il y a de la houle sur la
rivière ». Et cette façon
de parler ne serait, en
somme, que la traduction de Liger, mot préhistorique banal,
signifiant « cours
d’eau » ; pour les riverainsn
bien entendu, c’est le cours d’eau par excellence. Nous
voici donc informés. Ce que disaient les riverains du temps de
la jeunesse de
MSoyer, n’est autre chose que disaient leurs lointains ancêtres
du temps de
César. Quand celui-ci a demandé comment s’appelait cette
rivière, c’était un
étranger et on lui dit le nom
« livresque » de Liger, mais les
indigènes disaient simplement « la
rivière » et dans leur langage
c’était « lo Ar » d’où Loire. C’est
d’ailleurs l’inverse qui s’est
passé pour la Saône. César a posé la
même question, mais celui qui lui a
répondu a utilisé le langage courant et a dit
« Arar », le doublement
du nom marquant l’importance de la rivière par rapport aux
autres, alors que le
nom « livresque » était : Sauconna. Notons
enfin que « liger » évolue en Leire, puis
Loire, il faut prononcer
« Ligère ». Or, aujourd’hui les latinistes
expliquent que le
« g » latin se prononçait
« gue ». Liger devrait donc être
prononcé « Liguère », ce qui ne
permet pas d’arriver à Leire. Par
contre « Liguère »
renvois à Ligures, comme Ebre renvois à Ibère,
mais cela est une autre
histoire. Prenons
un autre exemple. Saint-Etienne est le nom du chef-lieu du
département de la
Loire. Ses habitants sont appelés les
« Stéphanois ». Cette appellation
dérive d’un autre prénom :
« Stéphane ». Aucune difficulté
disent les linguistes Etienne et Stéphane venant tous les deux
du même nom
latin Stephanus. Stéphane étant la transcription savante
faite par les clercs,
tandis qu’Etienne, est le résultat de l’évolution par le
parler vulgaire du
même mot. Feu
l’abbé Pinton a, dans une étude consciencieuse
publiée en 1990 dans le numéro
157 du Bulletin du vieux Saint-Etienne, essayé
en suivant les règles linguistiques en vigueur, de montrer
l’évolution de Stephanus
et Etienne. Il explique d’abord que Stephanos en grec, veut dire
à la fois cercle d’une armée sur le champ de
bataille ; enceinte d’une ville, couronne de feuillage, de fleurs,
de
métal dont on ceignait la tête des vainqueurs, et
conclu sa remarque en
disant que le participe passé, pris
adjectivement, devait facilement donner lieu à un surnom :
le couronné. L’abbé
Pinton appuis sa démonstration sur les
règles de la linguistique en vigueur actuellement. Mais ces
règles sont pour
nous en grande partie erronées en raison de leur postulat de
départ qui relie
étroitement langue française à l’ancienne langue
latine. Alors reprenons les
faits tels qu’ils nous sont connus. Je
simplifie. Les disciples du Christ s’étant multipliés les
apôtres n’arrivaient
plus à faire ce qu’on appellerait aujourd’hui la
catéchèse, et à s’occuper de
la vie matérielle de la communauté grandissante. Sans
doute y eut-il des abus
comme dans toute société humaine, qui
entraînèrent des récriminations. Ils
décidèrent donc de se faire adjoindre sept diacres qui
s’occuperaient de la vie
matérielle quotidienne. Parmi ces sept membres l’un d’eux, dont
on ignore le
nom, fut choisi en premier. Mais les juifs furent jaloux des miracles
qu’il
accomplissait au nom de Jésus-Christ, ils le firent
comparaître devant leur
tribunal, mais ce diacre, par ses réponses à leurs
questions les ayant encore
plus excités, ils l’entrainèrent hors de Jérusalem
et le lapidèrent. Un peu
plus tard un juif Gamaliel, qui défendait les chrétiens,
pris son corps et le
fit enterrer dans son jardin à quelques distances de la ville.
Quatre cent ans
plus tard, Gamaliel apparut en songe à Lucien et lui dit d’aller
chercher le
corps du martyr, avec le sien et celui de son propre fils. Après
plusieurs
hésitations, Jean, évêque de Jérusalem crut
aux visions de Lucien et fit
déterrer les corps de Gamaliel, de son fils et du diacre premier
martyr. Sur le
corps de ce dernier était une pierre sur laquelle était
gravé le mot
« Cheliel ». Qui semble être celui qui lui
avait été donné au moment
de son martyre. Or « Cheliel » en syriarque veut
dire
« couronné » ; et c’est sous ce nom
qu’était racontée, pour
l’édification des néophytes, l’histoire de ce premier
martyr. Lorsque Saint
Paul, qui dit-on avait participé à la lapidation du
diacre, et ses disciples
évangélisèrent les Grecs, ils traduisirent ce mot,
de « Cheliel » qui
n’était pas un nom propre, mais un qualificatif, dans la langue
du pays et ils
l’appelèrent Stephanos, qui en grec veut dire aussi :
« le
couronné ». Il en
est exactement de même quand les évangélisateurs
vinrent en Gaule, ils
racontèrent la même histoire et traduisirent ce
qualificatif de
« couronné » en langage vulgaire. Je ne
connais pas exactement le mot
gaulois qui fut utilisé, mais il se rapprochait sans doute de
« Tiare » qui est le nom bien connu d’une sorte
de couronne, et du
mot « Tigermo » qui d’après le
dictionnaire de la langue gauloise
veut dire « seigneur ». Disons donc que ce mot
était
« Tierne », voire
« Tienne ». Etienne ne vient donc pas de
Stephanos à travers Stephanus et une évolution suivant
des lois fictives, mais
est simplement la traduction d’un qualificatif grec en un qualificatif
gaulois.
Une
preuve de ce que j’avance ici nous est donnée par Theophilos,
nom d’un disciple
de Saint Paul qui est un qualificatif grec signifiant, aimé de
Dieu, ou qui
aime Dieu. Ce « Theophilos » a donné lui
aussi deux prénoms en
français d’aujourd’hui, un d’origine savante :
« Théophile », et
l’autre d’origine populaire :
« Amédée ». Or, à ma
connaissance,
aucun linguiste n’a essayé de faire dériver, suivant les
lois de cette pseudo
science, « Amédée » de
« Theophilos », alors ne cherchons
pas non plus à faire venir « Etienne » de
« Stephanus ». Loire
et Etienne sont des noms connus et nous venons de voir qu’ils ne
viennent pas
d’évolution du langage, mais qu’ils sont restés
invariable depuis toujours. Il
en est de même pour les noms de lieuxdits ou de terroirs qui ne
sont connus que
des proches voisins, a une petite différence cependant. En
effet, un grand
nombre de ces noms n’existaient pas à l’époque
Gallo-romaine, ils ont été
donnés plus tard lorsque les populations, plus nombreuses,
occupèrent des
régions jusqu’alors inhabitées. Ces noms étaient
donnés dans la langue
vulgaire, en raison d’une caractéristique de ces terrains, pour
que chacun
puisse facilement les reconnaître, mais il est arrivé que
certaines de ces
caractéristiques aient disparues, ou que le mot qui les
désignait soit tombé en
désuétude, il a été remplacé par un
mot dont la prononciation était voisine et
devenu plus usuel. Combien d’avions à
« rédaction » n’ont-ils pas
franchit le mur du son au-dessus de la cour de récréation
de nos écoles ?
Ou encore Lemon, qui est le nom ancien de l’orme a été
utilisé autrefois, on a
pu dire de quelqu’un qu’il habitait « Lès
Lemon » c’est-à-dire
« près de l’orme », ou simplement qu’on
allait : à l’orme. A
l’orme c’est-à-dire : A Lemon, ce qui n’a pas tardé
à se dire : Au
Mont. Mais ces transformations, si elles n’ont pas changé
significativement la
prononciation ont changés le sens du mot, et on put ainsi donner
lieu à des
interprétations bien loin de la vérité. Nous
avons ainsi, dans le Pilat un lieu aujourd’hui
« Château de Bélise »,
nom et lieu qui ont intrigués les érudits locaux. Certes
personne n’a cherché à
voir un château, perdu au milieu des bois, avec des hautes tours
couronnées de
toitures pointues, comme on peut les imaginer pour les contes de
Perrault et
autres contes de fée, car il ne s’agit que de quelques murs de
pierres sèches,
assemblées pour former une légère protection,
autrefois sans doute plus
importante qu’aujourd’hui où il ne reste qu’une vague enceinte
à peu près
circulaire d’environ 70 mètres de diamètre, à
peine reconnaissable au milieu
des ronces et des broussailles. C’est son nom de Belise qui a
excité la
curiosité des chercheurs car on y a vu un dérivé
de « Belisama », le
nom de la déesse Minerve gauloise.
Du
Choul, Seytre de la Chabouse, Mulsant, le docteur Francus, le baron
Raverat, ne
parle pas du château de Belise. A Lurent, en 1873,
écrit : « J’ai vu, plusieurs
châteaux de Bélise
sur lesquels tant de légendes redisent des choses merveilleuses
et parfois
absurdes. Ces murs de pierres sèches et colossales se trouvent
près de la roche
des Trois Dents et du col de Montvieux ; ils ne sont point les
restes
d’anciennes fortifications, mais des temples des anciens prêtres
de la Gaule,
des druides qui choisissaient pour leurs sacrifices et
l’accomplissement de
leurs mystères les lieux les plus abrupts et les plus
solitaires ». Le
très sceptique abbé Batia, parlant du Pilat dit : En réalité il n’existe peut-être pas un
seul monument mégalithique
authentiquement constaté. Une exception cepndant semble
mériter d’être faite en
faveur d’un monument qu’on appelle vulgairement le
« Château de
Bélise ». C’est une enceinte de soixante- dix
mètres de diamètre, formée
par un mur de pierres sèches qui disparaissent sous les taillis
et qui
couronnent le crêt de Bourchany situé à 890
mètres d’altitude, entre le col de Montvieux
et celui de Pavezin. Ce nom de Bélise rappelle en effet Belisama
nom celtique
de Minerve, suivant l’abbé Chavet, dans les « fastes
de l’Eglise de
Vienne » ou Belisama la Minerve gauloise suivant
l’abbé Devaux dans ses
« Etymologies lyonnaises ». Cette vaste enceinte
circulaire peut
donc, à juste titre, être regardée comme un
sanctuaire religieux dédié à la
« Minerve gauloise ». Louis
Dugas reprend la description du château
de Bélise donnée par un de ses
prédécesseurs M.Gabut ; mais il
précise : « Ce nom peut-être
expliqué de plusieurs manières. L’étymologie la
plus vraisemblable
doit-être : « Castrum Belisamae » le
camp, l’enceinte de
Belisamae, consacrée à Bélisame mais on peut
également la tirer de « Balla
Esus » village, habitation, temple d’Esus, ou bien
« Bail
Esus », fortification, enceinte d’Esus. La première
étymologie nous semble
préférable ». On
peut continuer à chercher dans les écrits des uns et des
autres quantités de
textes qui font état de la croyance d’un culte
dédié à Belisama, en ce lieu du
château de Bélise. Retenons seulement cette remarque de
Patrick Berlier qui
précise : « Bélise était aussi un
lieu d’habitation, des cases
primitives se retrouvent en peu partout dans les bois alentours,
surtout sur le
flanc est du crêt de Bourchany ».
Plus
prosaïquement Jean Dufour dans son dictionnaire topographique du
Forez dit
simplement : Château Bélise : « Vaste
territoireet bois commune de Chuyers. On signale sur ce territoire
situé en
bordure des communes de Chuyers, Pavezin et Pélussin une
enceinte circulaire en
pierres sèches et des fonds d’habitations antiques ». En
terminant il est intéressant de citer un
article publié par M.Chavas. Dans le numéro 11 de la
revue « Dan
l’tan » écrit : « Dauzat,
éminent spécialiste de l’étymologie
régionale décréta que le nom Bélise venait
du nom de la déesse gauloise Belisama. Il était donc
évident qu’en ce lieu
existait un culte à cette divinité. Depuis tous les
écrivains régionaux ou
presque ont colporté cette affirmation en rajoutant parfois des
détails
imaginaires ». Au
début de son article, Chavas conte une
petite histoire qui me parait significative et je me permets de la
transcrire
telle que je l’ai lue : « Il y
a quelques temps un individu se prétendant spécialiste de
la recherche
archéologique me demanda de lui montrer
« Château Bélise ». Après
quelques recherches et plusieurs passages sur le site je le lui
indiquais.
Presque aussitôt il tomba en extase en me disant :
« Ca y est je sens
le courant tellurique qui monte du sol… » et pendant vingt
minutes il
m’exposa les effets sensuels qu’il ressentait. Personnellement je n’ai
eu
aucune sensation particulière, sans doute ne suis-je pas
initié ! Mais il
me semble curieux que lors de deux passages sur l’emplacement il n’ait
rien
ressenti et qu’il fallut lui indiquer où se trouvait
Bélise pour qu’il entre en
transe ou presque ».
Notons
que Chavas cite Dauzat or le même auteur, dans son ouvrage sur la
« toponymie gauloise », consacre quelques pages
à Belisama, et
surtout sur le suffixe Sama, qui pourrait être un augmentatif
gaulois. Mais il
ne parle pas de Belise, et c’est normal, parce que d’après les
règles de la
linguistique en vigueur, le « m » de Belisama ne
doit pas
disparaître. Belisama devant évoluer en Blesmes, voire
Belesmes ou autres nom
du même genre. Sans nous attarder à cette théorie
linguistique qui doit pouvoir
supporter un grand nombre d’exceptions, notons qu’il y a à
Belise aucune
tradition faisant état d’un quelconque pèlerinage,
d’aucun rassemblement
festif, qu’il n’y a aucune chapelle, statue ou croix pouvant rappeler
la
célébration d’un culte à aucune divinité.
Par contre les textes anciens nous
apprennent que « Bélise » est un nom
récent le terroir s’appelait
autrefois « Bérisse » … ou Bérize.
« Territorium de Berize sive
de Buen en 1375 (terrier de Virieu f 38), nemus situm in territorio de
Berisses
juxta nemus N. de Marechias et justus nemus Johannes Masagnon 1405
(terrier de
Chateauneuf f122v), Nemus situs in Beris 1405 (id.f133), dit le
dictionnaire
topographique de Dufour. Dans
son article cité plus haut Chavas connaissant les
références données par Dufour
ajoute, rappelant ce nom de Berisse : « Il
est curieux de constater que le préfixe
« Ber » de Berisse
correspond, d’après le dictionnaire de l’ancien français
à « baron »
… le suffixe « tisse » ou
« ize » viendrait, d’après les
étymologistes de la même racine que
« ison » que l’on retrouve dans
garnison (la maison des gardes), ce qui donnerait pour Berisse la
maison du
Baron ». Dans la suite de son article Chavas cherche
quel baron
pouvait bien avoir perché son château en cet endroit, et
il se demande s’il
s’agissait bien d’un véritable baron.
« Ber »
est de la même racine que « Baron ». Il
s’agit d’expliquer cela pour
comprendre de quoi nous parlons. Nous avons dit, en parlant de la
Loire, que
« Ar » voulait dire
« eau ». De « eau » il est
aisé de passer à rivière, et de rivière
à vallée, c’est ce qui est advenu à ce
mot « Ar » qui de vallée en est
arrivé à désigner pays, pour la
population, qui vivait en tribu dans cette vallée. En Irlande,
en Ecosse comme
encore aujourd’hui au moyen Orient en Afghanistan, au Pakistan, les
clans
vivent chacun dans une vallée, dans leur vallée. Il en
était de même autrefois
dans ce qui est aujourd’hui la France. Ceci a été mis en
évidence par Ch.
Camproux dans ses études linguistiques sur les parlers du
Gévaudan. Il a
constaté qu’il y avait moins de différence dans le
langage entre habitants de
l’amont et ceux de l’aval d’une même vallée qu’entre des
personnes de deux
vallées voisines, même si la distance était moins
grande. Si
nous faisons précéder « Ar » du son
représenté par la lettre
« B » nous obtenons « Bar »
et si nous donnons à
« Ar »la signification du pays, le mot
« Bar » apparaît
comme étant celui : « né au
pays », « issu du pays »,
c’est ce que plus tard les chroniqueurs appelleront :
« les enfants
de la ville », c’est-à-dire les jeunes hommes qui,
sans avoir encore la
charge d’une famille sont capables de défendre la
collectivité. En effet la
lettre « B » dérive d’un pictogramme,
lui-même simplification d’un
dessin utilisé à l’origine de l’écriture pour
désigner la maternité. C’est le
profil stylisé d’une femme enceinte à la poitrine
opulente et au ventre
proéminent. Avant d’être utilisé dans la formation
des mots uniquement pour sa
prononciation, la lettre «B » donnait au mot un sens
de filiation. Les
« Bar » sont les défenseurs de la ville,
les défenseurs de la cité.
Si au XVIIe et XVIIIe siècle ces « Bar »
étaient surtout ceux
capables de défendre les habitants par l’éclat de leurs
voix, et désignaient
les jeunes clercs, d’où le nom de
« Basoche » ; dans les
périodes plus anciennes ces « Bar »
étaient les jeunes guerriers. De
là le nom de « Barbares » donné par
les Grecs aux étrangers valeureux
qui les combattaient, le redoublement du mot indiquant le superlatif.
Cette
signification assimilant « Bar » à
guerriers, a donné également le
mot « Baraque », qui, avec sa terminaison
« ac » est
typiquement gauloise. Baraque étant le lieu d’habitation des
guerriers.
Aujourd’hui encore les casernes ne sont bien souvent que des
baraquements.
Notons aussi que de tous temps les jeunes gens ont été
turbulent surtout en
bande, et les jeunes Bar ont parfois été
désignés sous l’appellation de
« loubard » d’où notre français
Loubar.
On
peut remarquer également que les Grecs jetaient les voleurs dans
les fossés de
la cité, ces fossés pouvaient s’appeler,
« Bar » où « ar »
est pris dans sa signification d’eau « Bar »
c’est « né de
l’eau » ce qui correspond bien au rôle d’un
fossé. D’où la signification
de voleur que prend parfois ce mot et qui a donné le nom du
fameux
« Barrabas » nom qui se traduit par
« père des voleurs » ou
« chef des voleurs ». On peut, dans ce cas
admettre que le mot grec
« Barbares » désignerait alors les
« guerriers voleurs ». « Bar »
signifiant :
guerriers, »baron » avec
le suffixe « on » qui indique le cas
régime, signifie : les
guerriers, et par simplification, le plus important des guerriers,
celui à qui
ils doivent obéir, c’est-à-dire le chef des guerriers,
défenseurs de la cité ou
d’une partie de son territoire. Par contre « Bar
isse » désigne
seulement le logement des guerriers, la caserne, puisque
« is » a la
même origine que « Ison » de garnison,
voire de : maison.
Remarquons cependant que le nom « on » de
garnison indique le cas
régime, et que « ison » veut dire
« ceux qui ensemble habitent
la construction ». Le
nom de Bélise ayant intrigué les érudits locaux
certains ont essayés de percer
son origine en faisant des fouilles. Certaines de ces fouilles ont
donné lieu à
la publication de comptes rendus. La
première fouille connue est mentionnée par Dugas, faite
dans l’enceinte à dix
mètres environ de l’entrée : … On a
trouvé d’abord et y compris l’épaisseur du gazon qui
couvrait le sol quinze
centimètres de terre noirâtre fine et légère
composée de débris de végétation,
de sable, et de roches décomposées reposant sur des
morceaux de roche formant
une sorte de parement, puis on a enlevé une autre couche de
terre également
noirâtre conforme à la première, encastrée
entre le parement supérieur et un
second parement posé sur le sol naturel. La pierre plate de ce
second parement
était noircie à sa face supérieure et de couleur
naturelle de la roche sur la
face inférieure indice certain que ces derniers parements ont
été posés sur le
sol resté jusque-là primitif … de la superficie jusqu’au
sol naturel l’épaiseur
est de soixante centimètres savoir « quinze
centimètres au-dessus du
premier parement, dix centimètres épaisseur des pierres
plates posées sur le
sol naturel ». La terre sortie des fouilles ne contenait
aucun débris de
l’industrie humaine, ni poterie, ni outils, ni ossements. Il est juste
de
retenir que la fouille avait juste un mètre carré de
surface. Dans
le même article une autre fouille est
rappelées elle indique que : Dans
les années 60 (1960) la M.J.C. de Pélussin,
emmenée par M.Epinat fit des
fouilles sur le site de Bélise, les quelques tessons de
céramiques et de
poteries qu’ils découvrirent furent datés du haut
Moyen-Âge. Au
début des années 1970 le groupe
archéologique Forez-Jarez s’intéressa au château
Bélise. En plus des hypothèses
émises par les auteurs que nous avons cités il rappelle,
pour mémoire, Belus,
dieu d’Apamée en Syrie, Belus chef légendaire Assyrien
vers 200 avant
J »sus Christ, puis Beltine, venant peut-être de
Bellenus, dieu ancêtre
des celtes. La fête de ce dieu se déroulait le premier
mai, lorsqu’on
conduisait le bétail aux pâturages d’été. On
allumait de grands feux ; un
rite voulait que l’on fasse passer les animaux entre deux feux pour les
préserver des maladies.
Quant
à la destination de ces enceintes il note en vrac : Fortifications, frontières, les parties
démolies pourraient nous y
faire penser, et nous rappeler les commentaires de César sur les
démolitions
des ouvrages fortifiés (De bello-gallico liv.1 chap XI versets 5
à 19) (Je
laisse à l’auteur la responsabilité de cette
référence). Enceinte pour les troupeaux,
Haut lieu religieux, ou saccagé au moment
de la christianisation, christianisé comme Saint Sabin... Des
fouilles effectuées à cette époque dans l’enceinte
de château Bélise ont donné
des fragments de poteries dont un morceau de faible épaisseur
rappelant
certaines formes du bronze et hallstat, des tessons rouges qui seraient
du, ou
postérieurs au II siècle, un rebord qui pourrait se
situer du Ier siècle,
d’autres débris seraient peut-être Tène III un
nombre assez important de
tessons de poterie Moyen-Âge du début à la fin,
dont un genre pichet fin XIIe
et un tesson avec glaçure directement sur pâte de
période possible XIVe au
XVIIIe. A
l’extérieur de l’enceinte, sur le flanc sud des enclos
très importants avec
cabanes incorporées situés dans le bois de Chanal. Un
puits en pierres sèches
d’environ deux mètres en tous sens, a donné des fragments
de tuiles grossières
rougeâtres et au fond des morceaux d’une autre tuile rappelant
les types
rhodaniens, et un seul tesson avec glaçure directement sur
pâte. En
conclusion de cette première campagne, il note : On peut émettre l’hypothèse d’utilisation en
toutes périodes de ces
enceintes comme lieu de défense, de refuge lors des invasions,
ou haut lieu de
rencontres. La
campagne de 1974 ne donna lieu à la
découverte d’aucun matériel ; mais seulement
à un important travail de
relevé du site des enclos dans le bois Chanal.
Pour
compléter notre information il faut préciser
l’emplacement de « château
Bélise », par rapport à son environnement.
Nous empruntons cette
description à M.Chavas : Cette
construction était sur l’ancienne route antique des crêtes
au carrefour de deux
voies importantes, la route de la croix de Montviol à Condrieu
et la route qui
reliait le Jarez à son château de Chanson sur le
Rhône, et près du croisement
du chemin de Chatelneuf. Elle dominait la portion de territoire du
Pilat au
Rhône qui pendant plusieurs siècles faisait partie du
territoire du Jarez.
C’était donc pendant tout le haut Moyen-Âge un point
stratégique du contrôle de
la circulation entre le Rhône et la Loire, entre le Viennois, le
Jarez et le
Forez. La légende orale révèle qu’il y avait
là un abreuvoir en or où quinze
chevaux pouvaient boire ensemble, ce qui confirmerait l’existence d’un
lieu de
passage pour les marchands, les pèlerins et les soldats. Notons
que peut-être cet abreuvoir, n’est autre que le puits de deux
mètres en tous
sens, qui a été fouillé il y a quelques
années. Le qualificatif
« d’or », n’étant qu’une
interprétation de la dénomination :
« d’ore » dans le sens d’entrée,
d’orée, de porte. Enfin,
Louis Dugas, dans une note indique : Le
vieux chemin celtique … partant du col de Pavezin, d’où on le
suit fort bien,
tantôt emprunté par le chemin qui mène de Pavezin
à la grange Rouet, et au col
de Montvieux, tantôt légèrement en dessous de ce
chemin. A quelques 600 ou 800
mètres avant la grange Rouet de ce vieux chemin s’arrête
brusquement et
tournant à angle droit grimpe directement dans la direction du
château Bélise. A peu de distance avant ce
tournant du
vieux chemin, il semble même qu’il y ait eu une espèce de
première enceinte,
très réduite d’ailleurs, et qui a pu être un
premier lieu de rassemblement.
Aujourd’hui Bélise est une
ruine bien
difficile à repérer mais en 1830 les vestiges devaient
être importants puisque, nous
dit Chavas, les géomètres
impressionnés
en ont reproduit le dessin sur la feuille de la section E de l’ancien
cadastre
de Pélussin. Un
peu plus loin le même auteur écrit : Le
traité de 1173 entre l’Archevêque de Lyon
et le comte de Forez, ne semble mentionner Bélize, pas plus que
l’acte d’achat
par Renaud de Forez des seigneuries de Virieu, Malleval et Chavanay. Prenons
donc le traité de 1173 et voyons ce
qu’il dit, concernant cette région. Le texte latin est : similiter Changium cum mandamento suo et castella
Sancti Ennemondi cum mandamentis suis infre terminos ecclesiae sunt
salva
strata comite a cruce Montis Violis usque Forisium, ce qui veut
dire :
« de même Chagnon et son mandement les deux
châteaux de Saint-Chamond et
leurs mandements sont de la part de l’Eglise sauf le chemin de la Croix
de
Montviol jusqu’au Forez ». Par
ailleurs le même acte donne à l’Eglise les villes ou
châteaux de
Saint-jean-Bonnefonds, Saint-Genest-Lerpt, Villars et
Saint-Victor-sur-Loire,
ce qui coupe en deux parties les possessions du comte de Forez. Notons
que cela
permettait à l’Archevêque d’avoir un accès à
la Loire et aux saumons qui
remontaient le fleuve, nourriture appréciée surtout
pendant les périodes de
carême. Au
cours du XIVe siècle, les comtes de Forez
créèrent, puis se rendirent maîtres
du mandement du Fay, près de Saint-Jean-Bonnefonds, ce qui
permettait de relier
les deux parties du comté, après avoir acquis les
seigneuries mentionnées plus
haut. Nous
pouvons donc conclure ce que fut ce site, et n’en déplaise
à Dauzat et à ses
émules, ainsi qu’aux courants telluriques, Château
Bélise ne doit rien aux
dieux et déesses. Cela est prouvé d’abord par l’absence
de pèlerinage et de
traditions de cette sorte liés à ce lieu. A 880
mètres d’altitude c’est relativement
peu élevé par rapport au « Pic des trois
dents », c’est presque le
bas pays, pourquoi l’aurait-on si vite abandonné ? Ensuite
ce nom de
Bélise qui a déchainé les interprétations
les plus fanatiques quant à
l’antiquité du site et à sa valeur religieuse n’a rien
à voir avec Belisame,
Bellenus ou Esus, car, comme nous l’avons relevé, Bélise
est un nom récent.
Autrefois il s’agissait de Bérisse ou Bérize.
« Territotium de Berize sive
de Buen en 1375 (terrier de Virieu f 38), memus situm in territotio de
Berisses
juxta nemus N. de Marechias et justus nemus Johannes Masagnon 1405
(terrier de
Chateauneuf f 122 v) ; Nemus situs in Beris 1405 (id.f133), dit le
dictionnaire topographique du Forez de Dufour. Remarquons
la première référence : Territorium de Berize
sive de Buen, qui se
traduit : Territoire de Berize ou de Buen. Or, d’après le
dictionnaire du
langage forezien de J.P. Gras le mot « Buen »
signifie
« Borne ». Nous sommes donc là sur une
limite.
Voici
donc ce qu’est « Château Bélise »,
situé à la frontière des
Allobroges et des Ségusiaves. Le site est un lieu de
surveillance de l’antique
voie joignant le Rhône et la Loire, occupé
épisodiquement par un petit groupe
de gardes. Au XIIe siècle lors du traité entre
l’Archevêque de Lyon et le comte
de Forez, celui-ci y installa des gardes permanents qui
réaménagèrent le site
d’où la présence d’un deuxième dallage trente
centimètres au-dessus du pavement
primitif qui avait disparu sous les détritus soit tombés
des chaussures des
premiers et sporadiques occupants, soit venus de la
décomposition des herbes
poussées pendant des décennies. Lorsque le passage par la
Croix de Montviol eut
perdu de son importance, pour le comte de Forez, le poste fut
abandonné. Sans
doute y eut-il de temps à autre une occupation précaire
par quelques bergers ou
fugitifs au cours des temps ultérieurs, mais
« Château Bélise » est
« camp militaire » et rien d’autre. Il est
probable que les cabanes
trouvés dans les bois environnants ont une relation directe avec
cette
occupation par des militaires au Moyen-Âge et servaient à
la population qui
suivait jadis les armées. On trouve également des tombes,
et même des tombes de
chefs. « Château
Bélise » étant un camp
militaire il est arrivé que certains d’entre eux fussent
tués ou blessés lors
d’escarmouches. Si certains furent enterrés sur place, d’autres
furent ramenés
au camp et y furent enterrés, surtout s’il s’agissait de chefs.
La proximité
d’un sol rocheux ne permettant pas de creuser une tombe le corps ou les
corps
étaient, posés au sol et autour d’eux on disposait
quelques grosses pierres
soigneusement mises les unes à côté des autres
formant comme les parois d’un
grand coffre, ou la base des murs d’habitation, puis on recouvrait le,
ou les,
cadavres de pierres, chacun apportant les siennes, chacun apportant sa
pierre à
l’ouvrage. Il y a quelques années encore, dans certaines
campagnes, il était de
tradition, lors d’un enterrement de jeter une pincée de terre
dans la tombe du
défunt. Ces tombes sont l’origine de cette espèce de
nécropole que l’on peut
reconnaître autour du camp. Si l’on voulait donner une date à la construction première de ce camp, et en se basant sur les fouilles opérées, un calcul sommaire donne quinze centimètres de terre noirâtre, depuis 1173, représentant environ 800 ans, 30 centimètres représentant environ 1600 ans, ce qui conduit à environ 500 ans avant notre ère. C’est la période des invasions gauloises dans un pays occupé par les Ligures. |