RUBRIQUE
PONCE PILATE

Décembre 2012





Par
Christian Doumergue


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Claudia Procula, Femme de Ponce Pilate

La femme de Pilate apparaît dans l’Evangile de Matthieu ( XXVII , 19 ). L'auteur y signale que, lorsque Pilate demanda aux Juifs de choisir entre Jésus et Barrabas, l’homme qu’ils voulaient sauver, la femme de Pilate prit la défense de Jésus auprès de son époux. Elle lui fit dire : « Qu’il n’y ait rien entre toi et ce juste ; car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui. »

Matthieu ne nous dit rien de plus sur cette mystérieuse intervenante, qui n’est pas nommée. Quant aux autres évangiles, ils ne parlent pas même de cet épisode.

Pour que la femme de Pilate nous paraisse un peu moins "impersonelle", il faut aller du côté des textes apocryphes. Plusieurs de ceux-là donnent en effet un nom à l’épouse du préfet de Judée. Originellement composé en grec dans les années 320-380, l’Evangile de Nicodème (qui évoque le même épisode que celui rapporté par Matthieu) l'appelle Claudia Procula.

Qui était-elle ?

L’intervention positive de Claudia Procula en faveur de Jésus lors de son procès a pu faire écrire à plusieurs historiens qu’elle était, très certainement, une chrétienne convertie en secret. L’hypothèse est séduisante. On peut la confirmer à la lecture de certains textes apocryphes. Dans "Le Livre du Coq"  (Ve siècle), Claudia Procula se dit prête à mourir pour le Christ et celui-ci la félicite pour la grandeur de sa foi. Elle est donc, très clairement ici, une disciple du Christ.

Voici pour ce qui est de sa foi, telle qu'elle apparaît ou transparaît dans les textes.

Quant à ses origines, son nom les éclaire partiellement. L’onomastique romaine (la science des noms propres) repose sur l’usage de "tria nomina". Les romains avaient trois noms placés les uns à la suite des autres : le praenomen (l’équivalent de notre prénom ), le nomen (qui est le gentilice), et le cognomen (le surnom, à l’origine personnel puis s’appliquant à une branche de la gens…). Les historiens romains n’ont en général mentionné que le nomen et le cognomen, voir uniquement le cognomen. La femme de Pilate, lorsque elle est mentionnée par les apocryphes, répond tour à tour à ces deux cas de figures, tantôt appelée Claudia Procula, tantôt simplement Procula ou Procla.

Connaître le nom de la femme de Pilate est une information précieuse : son nom nous signale en effet que Procula, ou Procla, appartenait à la gens Claudia, dont les empereurs Tibére et Claude sont deux des plus illustres représentants !

La gens est une famille au sens "large", regroupant toutes les personnes descendant, par leur composante masculine, d’un ancêtre commun. A cause de ce lien les membres d'une même gens possédaient certains biens en commun – dont un cimetière – et ils se réunissaient pour exécuter des rites religieux spécifiques à leur « famille ».

On devine ainsi, à travers le nom de Claudia, ses nobles origines. De celles-ci nous parle également un apocryphe compilant une série de lettres censées avoir été écrites par Claudia à destination d'une amie nommée Fulvia Hersila.

Il est ardu de dater cet apocryphe. Une version en fut publiée en 1886 dans "La Semaine Religieuse de Carcassonne", laquelle présente le texte comme une lettre ayant "été trouvée parmi d’anciens manuscrits, et conservée avec soin comme ayant été écrite de la main même de la femme de Pilate ". Un autre ensemble, similaire si ce n’est qu’il comporte quelques variantes, est composé de trois parchemins qui auraient été, de leur coté, traduits à partir d’un manuscrit latin découvert dans un monastère à Bruges, puis tranféré aux Archives du Vatican. Après sa découverte, plusieurs versions en ont circulé. Madame de Maintenon (1635-1719 ) en possédait une, qu’elle lisait chaque Vendredi Saint. Dans plusieurs communautés monastiques d’Europe, la lecture de l’ensemble se faisait lors de chaque Jeudi Saint.

Cet apocryphe affirme que Claudia Procula était née à Narbonne (Narbo Marcius) dans l'Aude. Alors qu'elle évoque sa jeunesse, Claudia Procula y note : « Je ne te parlerai pas de mes premières années passées à Narbonne sous l’égide de mon père et sous la garde de ton amitié . »

Cette donnée, si elle peut surprendre, est en accord avec la réalité historique. Fondée en 118 avant J.C. Narbo Martius est la plus ancienne colonie romaine établie hors d’Italie. Elle accueillit  à sa création 2000 à 3000 colons. Les inscriptions trouvées à Narbonne et des sources littéraires diverses ont ainsi permis d’établir qu’environ trois habitants de Narbo Martius sur quatre portaient un nom originaire de la Péninsule italienne.

Cette origine gauloise de Claudia Procula expliquerait son retour sur le territoire gaulois. La venue de Claudia Procula sur le sol gaulois est au centre de nombreuses traditions, notamment très ancrées dans le massif du Pilat, qui tirerait son patronyme de la venue de Ponce Pilate et de son épouse en ses envirrons immédiats ! Les lettres attribuées à Claudia, quant à elles, ne parlent pas d'une venue en Gaule, mais bien d'un retour...

Aussi minimes soient-elles, les informations dont nous disposons sur Claudia Procula nous laissent ainsi envisager qu'elle joua un rôle majeur dans les événements qui suivirent la mort de Jésus. Il est indéniable que c'est elle qui, par ses origines comme par ses relations, explique la venue de Marie-Madeleine dans le sud de la France après sa rencontre avec l'empereur Tibère à Rome. Mais ceci est une autre histoire, enfin, façon de parler...


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