JUILLET 2013

Par Michel BARBOT


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CLISSON : ET IN ARCADIA EGO

 Première partie

DE LA CITÉ DE LYON À LA CITÉ DU LION




À gauche : armoiries de Lyon 1376, de gueules au lion d'argent au chef d'azur chargé de trois fleurs de lys d'or qui est de France.

À droite : armoiries du Connétable de France Olivier de Clisson 1397, de gueules au lion d'argent couronné, lampassé et armé d'or. Devise « Pour ce qu’il me plest ».


Au sud-est de Nantes, la cité de Clisson (Loire-Atlantique), cité des Marches de Bretagne et du Poitou, véhicule aujourd’hui encore toute une aura de mystère que le temps n’a fait qu’épaissir.

Son nom est une énigme. Les formes connues les plus anciennes sont Clizun en 1075 et Clicio en 1152. [Il pourrait rappeler l’époque où le primitif château n’était entouré que de clisses, enclos de branches entrelacées mais ce mot n’est pas attesté en français avant le XIIe siècle. E. Coarer Kalondan en 1959, dans sa plaquette consacrée à Clisson, rêve d’une druidique Kleiziodunon : la Forteresse des Glaives. Cet auteur régional qui fut Druide du Collège Bardique de Bretagne, inspiré par les lieux, raconte la venue des Sages à la blanche vêture dans la forteresse où dansent les glaives. Ces Druides, indique l’auteur, vivaient sous le couvert de la forêt de Dunem. Les Prêtres de Dumen ou Dou-Men (la Pierre Noire) avaient répondu à l’appel des chefs des forteresses du Sud-Loire réunis dans le nouveau Dunom pour décider de la marche à suivre face à l’avancée rapide des Romains.

La vision romantique d’E. C. Kalondan a le mérite de dresser le décor environnant de la cité de Clisson. Tous les érudits locaux aiment à citer l’étymologie celtique de Clisson assurément car elle affirme ainsi le passé lointain de la cité. La carte ci-dessous permet de bien situer cette possible Kleiziodunon. Limite Ouest du territoire de la tribu des Ambilitates près du Pagus Médalgicus (les Mauges), Pays du Métal de l’époque romaine.




Situation de la cité de Clisson

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Pline l’Ancien dans son « Histoire naturelle », positionne dans le Sud-Loire trois tribus gauloises :

1) Les Agésinates Cambalectri dont la capitale correspondait pour certains historiens à la cité vendéenne d’Aizenay. Certains érudits affirment qu’ils auraient fondés la cité d’Angoulème.

2) Les Anagnutes (gaulois Ana Gnatos : les Fils d’Ana) dont la capitale fut peut-être Ratiaton, actuelle cité de Rezé, face à la cité de Nantes.

3) Les Ambiliates dont la capitale correspondait suivant les historiens à Doué-la-Fontaine célèbre pour ses caves souterraines.

Clisson apparait très proche du Pays des Anagnutes où se situe la forêt de Dumen, actuelle forêt de Touffou, mentionnée par l’auteur druidisant.

L’abbé Taverson dans le document « Clisson, hier et aujourd’hui » notait :

« On s’aperçoit que la racine grecque Kleis (qui se prononce clisse) indique une idée de clef, de fermeture, de porte et, par extension, gorge, défilé, forteresse. »

Bien que l’érudit abbé ne retienne pas une origine purement grecque du nom de Clisson, il reconnait au travers de cette racine, une origine préromaine du nom de la petite cité. L’idée de clef est aujourd’hui retenue par plusieurs érudits locaux. Clisson placée au confluent de la Sèvre et de la Moine est bien la Clef médiévale permettant de passer du Poitou à la Bretagne. La contrée fut évangélisée par saint Martin de Vertou qui vécut un temps dans la forêt de Dumen. Plus tard, les Chevaliers de l’Ordre du Temple érigent une commanderie au faubourg de la Madeleine. La chapelle templière se dresse toujours dans la cité.

Patrick Ferté dans son livre « Arsène Lupin supérieur inconnu » (Edition de la Maisnie) consacre tout un chapitre à « CLISSON HAUT LIEU INITIATIQUE ». Il cite Ogée, historien de Bretagne qui affirmait à la fin du XVIIIe sicle que le peintre Nicolas Poussin se serait inspiré des paysages du Clissonnais pour son tableau « Diogène rejetant son écuelle ». Voici ce qu’écrit précisément Jean-Baptiste Ogée en 1780, dans son « Dictionnaire historique et géographique de la Bretagne » :

« Il est en effet probable que le Poussin qui a peint plusieurs vues de Nantes, avait soigneusement étudié les sites de Clisson. On les retrouve du moins dans la plupart de ses compositions. Le paysage de son tableau de Diogène brisant sa tasse est une vue exacte du château de Clisson. : c’est une remarque de M Lemot, et cet académicien, qui a longtemps habité l’Italie, ne trouve que Tivoli, l’ancienne Tibur, qu’on puisse comparer au Clissonnais. Ce sont ici, comme dans les Apennins, des coteaux ombragés ou couverts de vignes, de fraîches vallées, des retraites solitaires, des rivières, des ruisseaux, des cascades, des lacs, des grottes, des rochers : le chêne étalant le luxe de son feuillage : le peuplier s’élançant dans les airs : des fabriques isolées an milieu des vallons, ou groupées en amphithéâtre sur les collines parmi des masses de verdure. Chaque site, chaque instant, varient les effets de la lumière : chaque pas offre de nouveaux points de vue et des accidents pittoresques de différents genres. C’est un vaste tableau dont toutes les parties sont harmonieusement liées, et dont chaque partie peut s’isoler pour former plusieurs tableaux. »



Le tableau de Nicolas Poussin « Paysage avec Diogène jetant son écuelle » 1648

Nous ne savons si le peintre originaire des Andelys est venu à Nantes, voire même à Clisson, pas plus si les paysages du Clisonnais figurent «  dans la plupart de ses compositions » ainsi que l’affirme bien rapidement Ogée. Mais le voyage à pied que Nicolas Poussin effectua dans sa jeunesse en Poitou  ne vient pas contredire cette hypothèse, bien au contraire !

À Paris, le jeune peintre rencontra Alexandre Courtois, noble poitevin, valet de chambre de la Régente, grâce à qui il pu étudier les estampes d’après Raphaël et Jules Romain, ainsi que les antiques et les tableaux italiens (le Titien) des collections royales. Alexandre Courtois lui proposa de décorer son château du Poitou. Nicolas Poussin accepte et c’est ainsi qu’il se retrouve dans les marais du Poitou en Charente-Maritime suivant certains auteurs, bien que le lieu précis n’ait pu être localisé. Faut-il entendre le Marais Poitevin, ancien Golfe des Pictons, bien connu aujourd’hui sous le nom de Venise Verte ? Ce grand marais qui s’étend dans les départements de la Vendée, des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime, délimitait à l’époque de Nicolas Poussin, l’évêché de Maillezais de l’évêché de Luçon.

La mère du protecteur de Nicolas Poussin, peu inspirée par les talents du jeune peintre, ne lui permit pas d’aménager le château. Déçu, Poussin rentra sur Paris où il arriva malade. Il ne serait pas improbable que ses pas l’aient mené à Clisson et à Nantes, couchant au passage, sur le papier, les paysages vallonnés du Clisonnais qu’il aurait pu, par la suite, réutiliser pour quelque(s) tableau(x).

Si les paysages de son tableau de Diogène rappellent effectivement ceux du Clissonnais, le château, il convient de le reconnaître, y brille par son absence. Jérôme Choloux reconnaît malgré tout que l’église Notre-Dame de Clisson semble présente (www.passion-rlc.fr/clisson.htm‎) bien que ce ne soit pas une certitude. D’autres chercheurs préfèrent, sans l’affirmer par le texte, l’affirmer par l’image. Le tableau représente le philosophe cynique Diogène Laërce se dépouillant et renonçant à son écuelle pour ne plus boire que dans la main, comme le fait un jeune homme. mais commençons par chercher pour quel commanditaire Nicolas Poussin a réalisé cette œuvre…

Clisson, la Cité du Lion, au reflet scintillant dans le miroir de la Cité de Lyon

Nicolas Poussin a peint le tableau pour le banquier Lyonnais Marc-Antoine Lumagne. L’historien amateur de Sannois, Jacques Delaplace, est l’auteur d’un texte de conférence, particulièrement intéressant dans lequel il évoque l’histoire depuis ses origines de LA FAMILLE LUMAGUE : LES BANQUIERS DU ROYAUME

(sdhaa.free.fr/lumague/cadreluma.htm).

Après les guerres de Religion et l’accession au trône du roi Henri IV, l’heure est à la reconstruction. « Les financiers et les marchands, écrit Jacques Delaplace vont se manifester, en particulier les "Italiens". ». L’historien ajoute : « Lyon, par sa situation, a toujours été une ville de commerce. C'est donc le lieu où se sont établis les banquiers. Dès avant l'époque de Catherine de Médicis des familles italiennes, comme les Gondi, travaillaient sur cette place. »

Originaires de l’actuel canton des Grisons de la Confédération Helvétique, les Lumagne ou Lumagué arrivèrent à Lyon possiblement vers 1581, année retenue pour l’arrivée les Mascranny ou Mascrany, eux-mêmes originaires des Grisons. Jehan André Lumagué né semble-t-il en 1564 à Piuro (Plurs) dans le pays des Grisons, se lie à Paul Mascranny vers 1589 en créant une société. Les deux hommes nous dit, J. Delaplace, deviendront, s'ils ne l'étaient auparavant, amis et même alliés jusque dans leurs progénitures.

Détail important pour la suite de cet article : « Cette Société reçoit l'appui d'un marchand de Troyes, Oudart Colbert, grand oncle de Jean-Baptiste Colbert qui deviendra ministre. Nous ne connaissons pas l'acte de constitution. Nous la trouverons plus tard dénommée banque Mascranny et Lumague de Lyon. (…) Les autres frères Lumagué qui interviennent ont seulement la procuration des deux fondateurs tout en étant constamment liés aux diverses opérations. »

La famille Colbert ainsi que l’indique J. Deplace, pèse lourd dans la Société de Lyon qui très vite ouvrit une succursale à Paris : « (…) la famille Colbert : Oudart, qui avait soutenu la société à Lyon et lui avait facilité l'obtention par le roi des lettres patentes pour la création de la manufacture ; Gérard qui fut marchand à Amiens et à Paris, Jean Baptiste le futur ministre qui débuta chez Mascranny et Lumagué à Lyon. »

Les études consacrées à Jehan-André, indiquent que l’un de ses fils se prénommait Marc-Antoine, lui-même banquier à Lyon dans la Société. Nicolas Poussin aurait donc peint le Diogène pour ce fils de Jehan-André. Je découvris ensuite que le fondateur et principal actionnaire de la Société avait un frère nommé Pierre-Antoine mais appelé plus souvent Marc Antoine ou Anthoine, lui-même banquier à Lyon dans la Société. Bien entendu je commençais à douter. Le banquier Lyonnais pour qui Poussin peignit le Diogène était-il l’oncle ou le neveu ? Je contactais Patrick Berlier bien renseigné sur l’histoire lyonnaise de ce XVIIe siècle et principalement sur la Société Angélique contemporaine de la Société Lyonnaise. Il se peut, au vu des personnages qui gravitèrent autour de cette banque aux activités diverses que ces deux sociétés aient eu des contacts bien spécifiques. D’autant que les Mascrany devaient devenir les propriétaires du domaine de l’Angélique où au XVIe siècle se réunissait la Société du même nom, autour du maître des lieux Nicolas de Lange. Patrick transmit ma question au Guichet du Savoir de la Bibliothèque de Lyon. Je tiens à remercier le Guichet du Savoir pour la réponse rapide et surtout précise donnée à la question :

Dans Poussin, le livre d’Alain Mérot nous trouvons cette information : « Le groupe des amis lyonnais de Poussin est particulièrement imposant. Banquiers ou riches marchands, toujours en affaires à Paris ou à Rome, ils se réservèrent une très grande partie de sa production, contribuant à faire monter sa cote jusqu’à des sommets rarement atteints au XVII° siècle. Au premier rang d’entre eux figurent Jean Pointel, installé à Paris, et son associé Jacques Serisier (ou Cérisiers)… Le grand banquier et industriel Lumague (ou Lumagne), l’un des hommes les plus riches de son temps, n’eut pour sa part qu’un seul Poussin, mais l’un de ses sommets dans l’art du paysage : Diogène jetant son écuelle (vers 1648, Louvre). »

Dans la dernière partie de ce document appelée « petit dictionnaire poussinien », le nom de Lumagne ou Lumague est mentionné : Famille de banquiers et d’industriels lyonnais. L’un d’entre eux (peut-être Marc-Antoine, mort en 1654) posséda le « Paysage avec Diogène jetant son écuelle. »

Cet autre ouvrage consacré à Nicolas Poussin et édité par la Réunion des musées nationaux indique qu’il fut peint en 1648 pour « Monsieur Lumague » probalement le banquier lyonnais originaire des Grisons, établi à Gènes en 1619, mort à Milan, Marc-Antoine II de Lumague, 1566 ?-1654.

À la lecture de ces pertinentes indications relatives à la vie de Marc-Antoine II de Lumagne, il apparait que ce « Monsieur Lumague » pour qui Poussin peignit le tableau, fut le fils de Jehan-André Lumague.

L’intérêt des Lumague pour la peinture est reconnu. Jehan Lumague possédait dans sa maison de Paris, plusieurs tableaux de maître. Barthélemy Lumague en 1634 avait commandé au Guerchin le tableau de l’autel du couvent des Carmes Déchaussés de Lyon, l’Apparition du Christ à sainte Thérèse, conservé aujourd’hui dans le musée Granet d’Aix-en-Provence. Dans le château de Lumagne (ou de la Citadelle) situé sur la commune de Saint-Genis-Laval, dans le Rhône, on découvre un salon orné de fresques de l’école de Nicolas Poussin.

Les diocèses frères de Maillezais et de Luçon

Ou l’Appel du Lyon rugissant dans les Marais

En 1665, le tableau « Diogène et l’écuelle brisée » deviendra propriété du duc de Richelieu. Le chef-d’œuvre rejoindra la collection de Louis XIV. Le duc de Richelieu avait-il quelque raison de s’intéresser au tableau de Nicolas Poussin ? La seule acquisition du tableau par le cardinal permet de l’affirmer mais dans l’hypothèse où Nicolas Poussin aurait bien voyagé dans le Clissonnais, l’acquisition de Richelieu devient des plus intéressantes. Le cardinal connaît très bien le Bas-Poitou.

Dans le Haut Moyen-Âge les évêques de Poitiers géraient un important diocèse qui s’étendait jusqu’à l’Océan à l’Ouest et jusqu’à la Loire au Nord. C’est ainsi qu’au VIe siècle saint Martin de Vertou, archidiacre du diocèse de Nantes, à la demande de saint Félix, évêque de Nantes et ami de Fortunat évêque de Poitiers, évangélisa le Sud-Loire jusqu’en Vendée.

En 1317 le pape Jean XXII « afin de pourvoir plus efficacement à l’avancement spirituel des âmes », détacha de l’immense diocèse toute la région occidentale et en forma les deux diocèses de Luçon et de Maillezais. L’évêque de Nantes ainsi que l’évêque de Poitiers s'accordent sur la division des évêchés et des paroisses, qui rejoignent l’un et l’autre diocèse. Le pays de Retz est intégralement rattaché au diocèse de Nantes.

Le diocèse de Luçon comprenait les doyennés d’Aizenay, de Montaigu, de Pareds, de Talmond et de Mareuil qui renfermait Luçon. Le doyenné de Montaigu permettait l’accès direct à Clisson, cité du duché de Bretagne en Pays de Retz. Le diocèse de Maillezais comprenait en plus l’archiprêtré d’Ardin, les quatre doyennés de Fontenay, Saint-Laurent, Vihiers et Bressuire. Il débordait sur le Haut-Poitou et sur l’Anjou englobant une partie du Pays des Mauges. Les deux premiers évêques de ces deux diocèses furent pour Luçon l’abbé Pierre de la Voyrie (1317-1333) et pour Maillezais l’abbé Geoffroy Pouvreau (1317-1333). Les deux derniers abbés occupèrent ainsi dans leur abbaye respective, le nouveau siège épiscopal durant une même période.

En 1441, le siège épiscopal de Luçon est occupé par un personnage d’importance puisqu’il s’agit de Nicolas 1er Cœur, frère de Jacques Cœur le Grand Argentier de Charles VII. Le Chanoine A.-D. Poirier en 1934 dans son livre « NOTRE VENDEE – éléments d’histoire et de géographie régionales » écrit au sujet de ce roi : « C’est à Poitiers ‘’ sa bonne ville fidèle ‘’ que Charles VII, qui avait le Poitou en apanage depuis 1417, transféra le siège de son gouvernement et convoqua les Etats-Généraux. Celui que les Anglais appelaient par dérision le roi de Bourges fut donc en réalité le roi de Poitiers. » Nicolas 1er Cœur s’éteignit après dix années de ministère le 1er octobre 1451.


Luçon au début du XXe siècle – au fond le clocher de la cathédrale (carte postale ancienne)

Il convient également de citer durant cette même période, sur le siège épiscopal voisin de Maillezais, Thibaud de Lucé (1432-1455), noblesse du Maine, successeur de son oncle Guillaume de Lucé (1419-1432). Thibaud en qualité de Conseiller du Roi Charles VII, fonction exercée également par son oncle, effectue plusieurs missions, aux côtés notamment de Jean II de Chambes ou Jambes. Par lettres datées de Montilz-lèz-Tours le 11 avril 1453, ils négocièrent un traité d'alliance avec les envoyés de Frédéric II de Saxe, comte palatin du Rhin et duc de Bavière, traité qui fut conclu à Tours le 13 avril 1453. Thibaud de Lucé remplit également ses fonctions de Commissaire aux côtés de JEAN de Bar, autre Conseiller du Roi.

De 1518 à 1543 le siège de Maillezais est géré par Geoffroi de Madaillan d'Estissac. Fulcanelli dans « Les Demeures Philosophales » indique que vers 1525 Rabelais était attaché à la personne de Geoffroy d’Estissac, en qualité probablement de précepteur de son neveu Louis d’Estissac, alors âgé de dix-huit ans. C’est auprès de ce dernier que Rabelais viendra se réfugier vers 1550 à Coulonges-sur-L’Autize. Le château construit par Louis d’Estissac de 1542 à 1568, semble-t-il d’après les plans du Lyonnais Philibert Delorme, est l’une de ces « demeures philosophales » où transparait la tradition spagyrique.



Portail de l’église de Maillezais (carte postale ancienne)

Les années qui vont suivre s’avèrent d’importance pour cette étude. A la tête de l’évêché jumeau de Luçon, apparait la famille de Richelieu. François du Plessis, seigneur de Richelieu, père du futur cardinal Armand de Richelieu, occupe la charge de Grand Prévôt de France. Capitaine des gardes du futur roi Henri IV, il meurt au combat le 10 juin 1590 durant les guerres de religion. Il laisse une famille endettée que le roi Henri III récompense pour la participation de François aux guerres de religion, en donnant l’évêché de Luçon. La famille Richelieu en perçoit ainsi les revenus ce qui mécontente les ecclésiastiques.

Le premier Richelieu à occuper le siège épiscopal de Luçon fut Jacques 1er (Jacob ou Jacobus), oncle de François. A sa mort en 1592, un problème se pose pour la famille de Richelieu. La perte de cet apanage héréditaire n’est pas envisageable. François Hyver ou Yver, curé de Braye dans la paroisse de Richelieu est nommé, au mois de juin 1593, évêque confidenciaire de Luçon, et reçoit d’Hernri IV le titre d’administrateur du diocèse, sous réserve d’en percevoir les revenus au bénéfice des RICHELIEU (régime de la Commende ou régime de la confidence). Le Chapitre reproche à cet homme de paille de la Dame de Richelieu, bien que pourvu des bulles au mois de mars 1598, d’avoir négligé de se faire sacrer. (Voir site web du diocèse de Luçon avec l’extrait de l’ouvrage « Les évêques de Luçon », 1740, par Jean-Baptiste Brumauld de Beauregard, vicaire général - Archives de l’évêché).

François 1er Hyver servira d’intérim en attendant la nomination d’un autre Richelieu : Alphonse-Louis qui termine ses études de théologie. Si le frère du futur cardinal de Richelieu, apparait dans la liste des évêques de Luçon de 1605 à 1607, il en refusa la consécration. Pour Alphonse-Louis de Plessis-Richelieu, Luçon apparait comme une étape qui le mènera rapidement, car tel était son désir, à la Grande Chartreuse, avant d’endosser la robe de Doyen de Saint-Martin de Tours. Suivra ensuite un passage en 1625 à la tête de l’archevêché d’Aix avant d’accéder à la tête de l’archevêché de Lyon en 1628. Nommé cardinal l’année suivante il fera preuve d’un comportement héroïque durant la grande peste de Lyon. Ses qualités dans la diplomatie le mèneront à Rome en qualité d’ambassadeur. Bien que présent à la tête de l’archevêché de Lyon, Alphonse-Louis du Plessis De Richelieu restera toujours présent dans le Bas-Poitou ainsi qu’il sera vu plus avant.

Ce fut son frère aîné, Armand-Jean du Plessis de Richelieu, le futur cardinal et ministre de Louis XIII, qui occupa de 1606 à 1624 le siège épiscopal de Luçon. Ces années passées à la tête de l’évêché durant lesquelles il dû faire face aux Protestants, furent pour lui un véritable apprentissage pour le gouvernement futur de la France. Durant 14 ans, de 1608 à 1622, l’évêque de Luçon reçut en commende l’abbaye de l’Ile-Chauvet dans l’actuelle Baie de Bourgneuf. Devenu ministre de Louis XIII, il restera très impliqué dans la vie de cette abbaye. En 1625 il décide d’y installer des prêtres séculiers qui resteront dans l’Abbaye jusqu’en 1679, année de la venue des Camaldules.

Pendant vingt ans, de 1633 à 1653, son frère Alphonse Duplessis de Richelieu, devenu grand aumônier de France et archevêque de Lyon, reçoit du roi Louis XIII, à la demande de son ministre, le Cardinal, la commende de l’abbaye de l’Ile-Chauvet.

Hugues Du Tems en 1774 dans son livre « Le clergé de France, ou tableau historique et chronologique des archevêques ... » indique : « XI ALPHONSE Louis DU PLESSXS DE RICHELIEU appelé le Cardinal de Lyon étoit Abbé de l’Isle Chauvet en 1633 & 1643 Il fit faire une cloche avec cette inscription San Benedicte ora pro nobis. »

Durant cette période qui vit la présence de la famille Richelieu sur le siège épiscopal de Luçon, un personnage d’importance arrive dans la cité de Clisson, il s’agit du vénérable Jean-Jacques Olier, fondateur de la congrégation de Saint-Sulpice. Né en 1608 à Paris, le jeune Jean-Jacques quitte la capitale pour la cité de Lyon en 1617 où son père est nommé administrateur de justice. Alors qu’il achève ses études dans la cité de Lyon, il se voit pourvu dès l’âge de dix-huit ans, du prieuré de la Trinité de Clisson. En 1638, allant donner une mission en Saintonge, il passa par son prieuré où une maladie l'obligea de séjourner quelque temps ; il y retourna encore en 1641. Toutes les fois qu'il y résidait, il avait coutume de faire les exercices de la retraite spirituelle à la chapelle de Notre-Dame-de Toutes-Joies.

L’histoire de l’évêché de Luçon que nous n’avons pas quitté, devient une fois encore, bien intéressante, au vu de cet article. Le 8 février 1661, Nicolas Colbert, frère du ministre de Louis XIV devient pour 10 années, le 28ème évêque de la cité vendéenne. Cet ami des lettres laissa dans la cité de Luçon le souvenir d’un homme vertueux mais aussi d’un homme à la santé fragilisée par la proximité, du Marais Poitevin. Le futur cardinal de Richelieu qui aimait cette région fut lui-même incommodé par le climat local.

Dans l’évêché frère de Maillezais, en 1660, en la cité de Maulévrier, Edouard François Colbert, l’autre frère, grand soldat des armées de Louis XIV et futur lieutenant général, acquiert le comté de Maulévrier. Entre 1679 et 1683 il fait construire le château actuel avec comme architecte principal Jules Hardouin Mansart grand architecte du palais de Versailles.

Le dernier évêque de l’évêché frère de Maillezais fut Jacques Raoul de la Guibourgère ancien maire de Nantes et dernier évêque de Maillezais. En 1648, sur recommandation de saint Vincent de Paul, il devient évêque de la Rochelle.

En 1852, l’abbé Lacurie dans son « Histoire de l'Abbaye de Maillezais depuis sa fondation jusqu'à nos jours », évoque la venue dans les murs de l’ancienne abbaye/évêché, en l’année 1589, de François Agrippa d’Aubigné, nouveau gouverneur de la cité. Si l’on doit au poète et écrivain le retour des moines dans l’abbaye, il fut aussi le geôlier d’un personnage bien énigmatique, ainsi que nous le raconte l’abbé Lacurie :  

 « D’Aubigné resta gouverneur de la cité conquise, et nous ne le voyons guère plus prendre part aux expéditions militaires. C’est à lui que Henri Navarre, salué roi sous le nom d’Henri IV, confia la garde du cardinal de Bourbon, cet ancien évêque de Saintes que la ligue avait fait roi sous nom de Charles X. Toutes les tentatives faites pour enlever le prisonnier, échouèrent contre la vigilance du vieux capitaine. Transféré de Maillezais dans les prisons de Fontenay le roi de la ligue mourut le 9 mai 1590. »

À suivre !

Pourquoi le sculpteur lyonnais Frédéric Lemot, auteur de la célèbre statue équestre de Louis XIV Place Bellecour à Lyon, alla-t-il s’installer à Clisson ? Pourquoi chercha-t-il à y recréer l’Arcadie de Nicolas Poussin et son célébrissime tombeau ?

À découvrir le mois prochain, dans la suite de ce dossier.

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