Rubrique

Les Papes

Janvier 2025






Par
Antoine Herrgott


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Le Pape Innocent V



(1276/1276)






Pape du Pilat

Né à la source du Furan

Pierre de Tarentaise, Innocent V


Pourquoi ce troisième ouvrage sur notre Pape du PILAT ?

Nommé responsable de l’Association d’histoire de mon village natal, nous entreprenions les recherches sur l’historique de Marlhes situé dans le PILAT sud. Cette ambiance de recherches dans les archives régionales : Archives du Rhône sur la colline de Saint-Paul à Lyon, Archives départementales au Puy-en-Velay, Archives départementales de La Loire à Saint-Etienne, nous a permis de retrouver l’existence de ce village depuis l’an 850.

Mes attaches familiales sur ce terroir me donnaient la belle occasion de me rapprocher de l’histoire de la grande ferme « Courbon-La-Faye. » Famille de grands producteurs de lait « Le Babeurre »1880-1963, fort d’un cheptel de 160 vaches, d’où l’acquisition de terres sur la commune voisine de Tarentaise.

Origines

Cette contrée devient un haut lieu de recherches par des contacts d’habitants.

Tout d’abord la découverte d’une maison forte « Prarouet » dépendance des Chartreux de Sainte-Croix-en-Jarez proche de Rive-de-Gier, Chateauneuf. Par un précieux hasard, je rencontrais une habitante d’un hameau férue d’histoire locale. Cette personne me situait le lieu de naissance de Pierre de Tarentaise, futur Pape Innocent V, dans un des19 moulins voisin au bord du Furan, sur sa commune. Le dernier curé de la paroisse était aussi membre du conseil municipal avec un accès aux archives de la commune. Il avait découvert un document actant la naissance de Pierre Aleysson au moulin du lieu-dit « Le Redoux » au bord du Furan. Cette nouvelle ne devait intéresser que quelques initiés de ce petit village. Les travaux de rénovation de la mairie ont donné lieu à la destruction des archives, au désespoir de certains habitants. La famille Aleysson résidente de Montbrison, bourgade, future préfecture du département de La Loire. Leurs parents propriétaires de ce moulin du Furens, celui-ci sera le lieu de naissance de leur fils Pierre. Très proche de Valbenoite où il descend faire ses premières classes, il se retrouve au séminaire de Verrières en Forez puis il intègre la communauté des dominicains à Lyon proche de la place Bellecour, et devient prêtre sous le patronyme de Pierre de Tarentaise. Ces premières investigations m’ont poussé vers des recherches plus approfondies, et bien au-delà de notre territoire et de la France.

L’Histoire pour devenir soi-même

La sélection encouragée par les traductions des parchemins manuscrits du XIIIe siècle, a favorisé la mise en avant des personnages classés importants de notre histoire au détriment de ceux, en action, laissés dans l’ombre par volonté du moment. Le personnage Pierre de Tarentaise, à la vie très accomplie, fait partie de ceux-là, alors même que condisciple et proche de Saint Thomas d’Aquin et de Saint Bonaventure, il aurait fortement mérité d’être plus reconnu, car il fut le premier Dominicain à monter sur le Siège épiscopal de Saint-Pierre de Rome. Si nous affectons une grande tristesse de la disparition des textes, il est certain que nous n’avons pas encore utilisé plus du quart de ceux qui sont conservés dans nos dépôts d’archives. La mise en place d’un procès de béatification, bien avant 1898, autour de la vie de Pierre de Tarentaise, a été déterminante dans le travail du Révérend Père Hyacinthe LAURENT lorsqu’il ouvrit les documents réunis et collationnés aux archives du Vatican. C’est au cours de la dernière guerre mondiale qu’il a été affecté, dans la cinquième Armée, basée à Rome, où il devait se pencher dans la préparation de son livre sorti en 1947. Très peu d’écrits sont restés dans nos archives régionales et plus particulièrement à Lyon.

La vie de Pierre de Tarentaise se situe, dans la période plus reculée du Haut Moyen-Âge, entre 1226 et 1276, à l’approche de la fin du XIIIe siècle. Très riche dans l’avancée universitaire, comme ces collèges, qu’on voit fleurir grâce aux mécènes souvent princiers qui les créent, ne sont que des logements pour écoliers pauvres, même s’il arrive, comme pour celui de Robert de SORBON à Paris, qu’on en vienne à y enseigner ; et au même moment dans les proches capitales des pays qui nous entourent. Les écoliers qui ne sont pas parvenus à obtenir une bourse familiale ou un “ bénéfice “ d’église, telle la « chapellerie » d’un riche bourgeois, battent le pavé, et à grand bruit. Comment raconter la réalité d’une existence hors du commun aux hommes d’aujourd’hui ? Il y a justement là une force dont nous avons besoin pour réaliser du mieux possible la vie de Pierre de Tarentaise. Actuellement les moyens d’investigations, mis à disposition dans les recherches historiques, sont tels que nous apportons des précisions plus fouillées vers les faits et scènes réels en d’autres cieux ; la légende de plus de sept siècles rentre avec bonheur dans l’Histoire.

Je me sens infiniment redevable aux historiens écrivains qui m’ont informé et éclairé tout au long de mes lectures et mes recherches sur le Moyen-Âge. Je leur en exprime ici toute ma reconnaissance et ma joie d’accomplir, très modestement, ce reçu. Ecrire c’est faire trace.

La Papauté itinérante

Les Papes du Moyen-Âge se sont montrés d’infatigables voyageurs, pour des motifs propres à leur dignité et à leur mission. Il est vrai qu’en ces périodes troubles, les déplacements étaient rendus obligatoires, pour des contraintes inéluctables de diplomatie. Dans notre région nous retrouvons aux alentours de l’an 900 le voyage pontifical par le 1er pape, Jean VIII, qui passa à Lyon. Dans la période qui nous intéresse, nous allons retrouver de nombreux voyages entre Rome l’État Pontifical et notre région plus particulièrement Lyon et Vienne. Lyon et notre région du Forez se sont retrouvées dans la zone médiane séparant la future “France” de la Germanie. Après sa division, cette zone fut unifiée, au milieu du Xe siècle, sous la forme d’un royaume de Bourgogne qui, en 1032, passa aux rois de Germanie, s’intégrant ainsi au « Saint Empire ». Les rapports de Lyon avec la papauté datent des origines de la chrétienté Lyonnaise puisque Saint Irénée, originaire d’Asie Mineure, avait, d’après les historiens, fait un séjour à Rome avant de venir seconder Saint Pothin, premier évêque de Lyon.

L’Église de Lyon, « baptistère des Gaules », resta toujours fidèle à la foi catholique, aussi bien dans les périodes d’expansion paisible, que dans les heures tragiques de persécution. Elle demeura cependant un centre chrétien rayonnant. Clotilde y naquit, et, par elle, Dieu amena Clovis au baptême. Et c’est ainsi que, tant par l’importance de ses institutions ecclésiastiques que par sa situation à la limite du Royaume de France et de l’Empire, la ville de Lyon fut amenée, au Moyen-Âge, à accueillir une dizaine de Papes et deux conciles oecuméniques, comme nous le verrons.

Cet amour des Lyonnais pour le Pape, on l’a vu encore dernièrement dans la joie des 2000 jeunes du diocèse de Lyon qui ont participé aux JMJ de Cologne ; c’est avec simplicité et dans la foi qu’ils ont écouté et applaudi Benoit XVI, le nouveau et actuel Pasteur donné à l’Église catholique. Lyon reste plus que jamais fidèle à sa vocation de ville rayonnante et de carrefour spirituel. En fait, c’est du côté français que pencha de plus en plus la balance : son successeur, Renaud de Forez, prélat « féodal », comprit l’intérêt qu’il y avait à concentrer l’autorité temporelle sur le Lyonnais et ses abords immédiats ; ses propres successeurs l’imitèrent, si bien qu’à l’Est, sur la partie du diocèse sise en terre d’Empire, le pouvoir temporel passa de plus en plus à des seigneurs laïcs, les Dauphins de Viennois et comtes de Savoie en tête. C’est donc au chef d’une principauté ecclésiastique indépendante et forte que les papes du XIIIe siècle pouvaient demander asile.

Infatigables voyageurs, les souverains, les empereurs, et les rois de France étaient confrontés aux combats et à la plus grande diplomatie de terrain. Ils avaient aussi le souci de consommer sur place les produits de leurs domaines ou d’exploiter le droit du gîte qui leur était dû. Il semble démontré que le déplacement était devenu quasi continu par l’ensemble des services et du personnel de la Curie. Les rouages mêmes de l’Église s’en trouvaient grippés et Rome apparaissait de moins en moins la capitale administrative au profit, à la moitié du temps, de Lyon carrefour très important avec Vienne qui avait en charge principalement l’hébergement des souverains. On le voit, Rome n’était plus Rome, et Lyon devenait le lieu incontournable.Il n’est pas faux d’annoncer que Lyon était devenue la ville de la Chrétienté et la cité qui eut le plus longtemps cet honneur par huit ans de séjours et la présence de pas moins de onze souverains pontifes. Dès le début du XIIIe siècle apparaissent les tarifs de péage pour les marchandises entrant et sortant « tant per terra comme per aigui » (eau), la voie fluviale était très utilisée et bien sûr les papes ne furent pas les derniers à l’emprunter. Depuis l’Italie, après le passage des Alpes par le Cenis, deux directions s’offraient aux voyageurs, l’une vers la Champagne et l’autre vers Lyon, par la voie romaine rive droite de la Saône qui très vite devait s’appeler le “chemin de France”.

Grâce à la vigilance éclairée de l’Archevêque Humbert, Lyon possédait enfin un pont de pierre sur la Saône et devait assurer une occupation de plus en plus dense de la « presqu’île ». Toutefois il fallut attendre vers l’année 1183 pour le lancement du premier pont sur le Rhône. Cet ouvrage semble avoir été très largement inspiré par la récente réussite du pont d’Avignon et réalisé par une équipe qui y avait travaillé. Cette oeuvre coûteuse, car techniquement dure dans sa réalisation devenait le passage névralgique pour la traversée de la ville et, très vite, la rue marchande Mercière relia un pont à l’autre et la France au Dauphiné et à l’Italie. Une arche devait s’écrouler dès 1190, preuve de la complexité d’ériger ce lourd monument à travers ce fleuve en furie permanente.

Désormais Lyon devient la capitale des échanges de toutes marchandises et des métiers de l’art. Il est bon de mentionner, en 1180, le passage fort remarqué des croisés conduits par Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion.Ce grand carrefour devait attirer la présence de nombreux Souverains pontifes et réunir par deux fois le Concile autour de la Curie Romaine rassemblée. Lyon rendue plus attractive et plus facile d’accès devenait d’autant mieux placée comme position de repli pour les pontifes soucieux de s’arracher au guêpier italien. La Péninsule était toute proche, bien que séparée d’elle par le bastion protecteur des Alpes et leurs cols, grâce à la voie maritime prolongée par la voie fluviale, les relations de Lyon avec l’Outre-monts n’avaient jamais été interrompues. Nos historiens nous rapportent avec beaucoup d’attention des interférences artistiques perceptibles dès l’époque romane ; ressemblances entre les chapiteaux de Saint-Martin d’Ainay et ceux du cloître d’Aoste, ou de la tour lanterne de Saint-Paul et celle de San Michele de Pavis. Il reste de ce siècle de très nombreuses influences réciproques colportées par les clercs, des pèlerins « romieux », des marchands isolés. Elles devaient s’amplifier avec les croisades, auxquelles, dès les premiers appels d’Urbain II, et jusqu’au temps de Saint-Louis, notre région fournit un apport continu.

La prospérité de la ville frappa beaucoup Innocent IV, dès ce début du XIIIe siècle, lui ce Génois, entouré dans sa cité de fortunes “à l’Italienne”. Il devait devant cette situation favorable se faire accueillir par Lyon pour l’organisation du concile I qui eut lieu en 1244 et 1245. Malheureusement dès les années 1268-69 cette capitale retrouve les revendications politiques, et les violences recommencèrent. Cette situation ne devait pas décourager le pape Grégoire X de choisir, comme son prédécesseur, Lyon pour y réunir son concile. L’atmosphère de guerre civile qui y régna fut peut-être une raison de ce choix et, en tout cas, l’incita à prolonger son séjour pour apaiser les esprits ; grâce aussi à un arbitrage conjoint de Saint-Louis et du légat pontifical en France qui, en 1270, imposa une trêve bien utile. Grégoire X trouvait que Lyon constituait un atout majeur car celle-ci présentait l’avantage de la proximité du royaume capétien, porte ouverte pour un refuge en cas de nécessité, d’autant que la moitié de l’archidiocèse en faisait partie par ses quatre évêchés suffrageants -Autun, Chalon, Mâcon, et Langres. Cette situation devait offrir un avantage précieux sur les rapports constants entre l’archevêque et le roi.

A la fin du XIIe siècle, les ordres religieux militaires s’implantaient ; les Hospitaliers en 1187, les Templiers en 1200, et peu de temps ensuite ce fut le tour « des Frères » que Saint Dominique dépêchait à Lyon, dès 1218, imité deux ans plus tard par Saint François. De même en Forez, Beaujolais et Dombes, ce siècle vit éclore et prospérer de nombreuses maisons grâce aux libéralités des princes ou des empereurs, et au rayonnement des hauts lieux monastiques de Cluny, de Citeaux, de la Chaise Dieu et de la Chartreuse.

Dans les trente dernières années du XIIe siècle, le seul comté du Forez ne se couvrit-il pas de vingt-cinq établissements religieux ? A la même époque, le Temple et l’Hôpital commençaient à y tisser un réseau de maisons souvent postées près des principales voies de circulation et propres à héberger et à nourrir les pèlerins, les passants et encore tout le personnel accompagnant les papes ou les Pères conciliaires. La ville de Vienne, liée à l’Église de Lyon par le sang -les martyrs de l’an 177- favorisée par l’existence d’un antique pont sur le Rhône, devait accueillir huit de nos papes, l’un d’eux, Clément V, y célébra un concile général.

Enfin citons la ville du Puy, lieu de pèlerinage marial que l’on gagnait par une route difficile, à partir de la vallée du Rhône, qui attirait, tout autant les plus humbles fidèles, les papes et les rois - six pontifes y vinrent faire leurs dévotions. Il est utile de rajouter et d’insister sur cette période du milieu du XIIIe siècle, où la ville de Lyon très largement tournée sur les grands courants d’échanges, enrichie, de plus en plus peuplée, de mieux en mieux pourvue en maisons religieuses, comme d’ailleurs en auberges, a acquis ses lettres de noblesse. Deux papes la choisissent pour y demeurer, avec leur Curie de plus en plus étoffée, c’est le temps des séjours. La communauté patriarcale en déplacement pouvait représenter plus de 200 personnes au service du pape. Afin de faire face à la nécessité administrative croissante au cours de cette période du XIIIe siècle, période centrale, l’itinéraire s’avérait être un grave problème. Le besoin de contacts directs, du pape avec ses évêques au cours des hébergements et avec les fidèles et les accompagnateurs de la Curie romaine, occasionnait un tracé proche du casse- tête.

Le Pilat, haut lieu de jouvence

Ce rappel historique accompli, il faut maintenant situer notre « héros », Pierre de Tarentaise, dans son pays natal, et pour cela décrire le Pilat et Tarentaise.

Ce Mont des Cévennes, culminant à 1430 mètres entre l’Auvergne et la chaîne des Alpes a archivé ses légendes et ses intrigues, toutes liées à la fascination des hommes, devant la beauté de ses paysages aux lumières pleines de feux, de calmes et de tendresses, toujours rassurantes, allant de périodes paisibles aux heures tragiques de combats et de persécutions ; territoire fascinant, il devient lieu de passage, de refuge et de médita. Le fleuve Rhône, barrière à l’est, accueille la route fluviale fougueuse, dangereuse aux échanges incessants entre les hommes par et pour les marchandises.

Personne n’est resté insensible à ses paysages, aux couleurs intenses et vives d’automne, au blanc pur et silencieux de la neige, aux reflets arc-en-ciel de la glace, à l’éclat féérique du lever et du coucher de soleil. Les nombreux écrits sur ce territoire nous permettent d’imaginer une importante emprise de feuillus, parsemée de clairières, de prés, assortis des cultures à proximité de constructions en bois pour majorité. Les espaces de roches, les crêtes et les pics ont vu la construction de bâtisses en pierres à la fois signe de richesse et lieu de protection, de défense et d’observations. Sans manquer l’utilité de s’installer à l’abri de fayes ou de combes bien orientées et aux bords des cours d’eau, rus et ruisseaux ; car l’eau ce bien précieux, a toujours été un symbole de vie.


La source de Furan dans les fougères du Grand Bois

Le Grand Bois protège et abrite la source du Furan, sa trace se retrouve en amont du village de Tarentaise et en creux tout au long de son parcours, laissant couler cet or blanc, distribué durant des siècles aux hommes, leur apportant la richesse de vie, en fonction des besoins et des évolutions techniques très inventives. Pour certains, avec les Naïdes du Pilat classées par les historiens romanciers, la nature y cache ses aspects les plus austères et les plus sauvages. Le village de Tarentaise situé sur un plateau de 1093m comptait en 1905, 415 habitants. Les pentes de ces hautes collines, aujourd’hui dénudées du côté de Planfoy, étaient jadis couvertes de forêts, dont les druides recherchaient les ombres épaisses.

Tarentaise vient de Darantasia, est un hydronyme ayant une origine pré celtique et que l’on pourrait traduire par « cours d’eau », avec une nuance nous renvoyant « aux eaux vives ». En langage celtique Tarentaise vient de TAR - AN dieu de la foudre. Il est nécessaire d’approfondir ces données en sachant que le nom de Tarentaise n’apparaît, pour ce village dépendant de Rochetaillée, qu’en 1705 et qu’auparavant le vocable était celui de Prarvé, Praroué: “ le pré du Roy “. Nos anciens du XIIIe siècle ont souhaité rappeler le lieu de naissance de Pierre Aleysson, nommé Pierre de Tarentaise à sa rentrée, dès l’âge de seize ans, chez les Dominicains de Lyon où nous le savons il fit des études brillantes. Cette famille Aleysson est une grande famille de la bourgeoisie Montbrisonnaise, dont la lignée s’est perdue en 1405.

L’Inventaire des biens de feu Pierre Aleysson, père du futur dominicain, bourgeois de Montbrison, présenté en 1288 par Thomas Gayti, tuteur de Pierre de Tarentaise, fournirait un nouvel indice de son origine forézienne. Nous n’avons pas trouvé le nom du religieux qui devait l’avoir pris sous sa protection, dès son jeune âge. Il reconnaît sans doute sa grande capacité intellectuelle, permettant à Pierre son entrée dans l’ordre des Prêcheurs de Lyon.

La tradition a conservé le nom de Champ Blanc, au lieu où ils tenaient leurs assemblées, et celui de la Grotte de la Faye ou du Trou des Sarrazines, à la cavité dans laquelle se retiraient les druidesses. Au moyen-âge le premier village rencontré, après le Pré du Roy, sera celui de Valbenoite avec son abbaye, plusieurs fois envahie par les eaux tumultueuses du Furens. Cette montagne, aussi célèbre dans les Gaules que l’Olympe l’était chez les grecs ; verdoyante et gracieuse aux retours des zéphyrs, fleurie et parfumée durant l’été ; se montrant décolorée aux approches de l’hiver, prise par les brouillards, les vents et les pluies. Pilat du latin pileatus, couvert d’un chapeau. Pi = montagne ; ate, aite = endroit ou région ; mais aussi de Ponce Pilate originaire de Vienne sur le Rhône, grande personnalité de son époque qui, en l’an quarante, de retour de Judée après un long séjour se serait donné la mort. L’Histoire rapporte que cet homme acteur puissant a endossé des responsabilités très importantes et porté sur ses épaules nombre d’engagements qui pour certains le disqualifient à tort.

En langue Celtique « Pyla » signifie « porte » ; à traduire très certainement comme un point de passage entre la plaine de Forez et la vallée du Rhône. De tout temps classé, montagne sacrée, Le Pilat reste un culte, de longues réflexions que ce soit : sur la flore et la faune ; le langage des Pierres gravées en reflets des cieux, et celles appelées roches à cupules. Les très nombreuses cérémonies et rassemblements religieux sont là pour témoigner l’attractivité de cette barre rocheuse du Massif Central protectrice du fleuve Rhône.

La légende de l’époque sur la naissance de Pierre de Tarentaise, notre futur pape, n’a-t-elle pas inconsciemment inspiré notre Saint Marcellin Champagnat, lors de ses parcours à pied entre sa famille du Rosey à Marlhes et sa fondation des Frères Maristes à La Valla en Gier. Les historiens rapportent qu’une nuit de forte tempête de neige, St. Marcellin aurait été sauvé grâce à la vue d’une petite lumière au hameau « Les Palais », et grâce à l’accueil très chaleureux de cette famille, il devait poursuivre son chemin dès le lendemain matin.

L’anonymat d’un heureux événement

Heureux événement en effet que la naissance de Pierre Aleysson, devenu frère Pierre de Tarentaise. C’est au cours du Moyen Âge Central -classé beau Moyen Âge par certains historiens- et dans l’année 1226 qu’il faut situer la naissance de Pierre Aleysson, qui le fait appartenir à notre région du Bas-Forez. Cette région relevait de l’ancien royaume de Bourgogne, d’où la qualification de «Bourguignon» dont maints auteurs ont fait suivre son nom : Pierre de Tarentaise, Bourguignon, Forézien.


Prarouet

Il est né sur les premiers contreforts du Massif du Mont-Pilat, non loin des gorges du Furens naissant, proche du lieu-dit “Prarouet”-Tarentaise et de sa petite église succursale du château de Rochetaillée, lui-même rattaché au diocèse de Lyon. En aval nous trouvons le bourg de Valbenoite et son Abbaye puis à environ une lieue, Furania le village, devenu Saint- Étienne. Dans cette belle contrée, pour ceux qui vivent le silence, nous entrons dans le domaine vaporeux de la légende et de la mystique. Tout est dissimulé aux yeux de celui qui cherche des gages, il faut y pénétrer dans le souffle léger du crédo et de la crédibilité.

Deux lieux nous inspirent pour la naissance de Pierre : proche du lieu-dit « les Palais », nom de lieu donné par une grande famille et Prarouet, maison forte où l’histoire débute dès le XII° siècle, habité par les Chartreux de Sainte-Croix-en-Jarez de 1690 à la révolution, et le moulin « Le Redoux ». Aujourd’hui Tarentaise est un petit village, devenu commune en 1710 et fait partie entre le Bessat et le Col de La République, du Parc Naturel Régional du Pilat - Le Haut Pilat.

Pierre est décrit comme un homme de bonne figure et tout en nuances, il devient souverain pontife « Bienheureux Innocent V ». Devenu frère prêcheur dans la Province dominicaine de France et une des gloires de l’Université de Paris, il sera nommé Archevêque de Lyon, Primat des Gaules par Grégoire X qui le créa cardinal-évêque d’Ostie. Pierre devait succéder à son maître sur la chaire de Saint-Pierre de Rome.

L’an 1226, année de la naissance de Pierre, en pleine période de l’inquisition, sous Louis VIII qui meurt prématurément laissant le trône de France à Louis IX, sous la régence de sa mère Blanche de Castille, jusqu’en 1236. A Lyon, mort de l’Archevêque Renaud de Forez qui a fait du Lyonnais un quasi État sous la souveraineté nominale de l’empereur allemand et réglé les différends principaux entre la partie occidentale et orientale de l’archidiocèse. Les dominicains s’installent sur un terrain loué à l’abbaye d’Ainay près de la chapelle Notre Dame de Confort : les Jacobins. Pierre de Tarentaise, aurait pu être le frère du futur roi de France Louis IX, tant ils furent proches sous cette régence de Blanche de Castille la mère de ce dernier qui régna jusqu’en 1270 date à laquelle il devait mourir à Tunis, lors de cette dernière croisade voulue par le pape Grégoire X. Louis IX, le plus connu de nos souverains, fut rejoint par le chevalier Joinville de haute noblesse, devenu son conseiller. Louis IX est canonisé en 1297 et devient Saint-Louis. Nous verrons aussi les relations très étroites avec un autre frère de Louis IX, Charles V d’Anjou devenu roi de Sicile.Ce que de nos jours on connait le moins de la haute figure d’Innocent V, c’est sa valeur intellectuelle et l’importance de son oeuvre théologique. On admire le Saint ; on ignore le docteur. Le Père GILLET dans la préface du livre du R.P. H. Laurent a voulu expliquer à quel point il y a eu une forte injustice et, dans la mesure du possible, la réparer, tant elle est criante et insupportable. Si à la fin du XVe siècle, où son autorité doctrinale était encore incontestée, son oeuvre avait pu être imprimée, comme celles de tant d’autres théologiens qui ne le valaient pas, personne aujourd’hui n’ignorerait que, de son vivant et au cours des siècles qui suivirent, Pierre de Tarentaise jouit, dans son Ordre et dans l’Église, d’une réputation doctrinale de premier ordre, presque à l’égal de celles de Saint Thomas d’Aquin et de Saint Bonaventure, ses contemporains et condisciples, bien que son génie n’égalât pas le leur.

Nous empruntons les détails qui vont suivre à un article, d’ailleurs fort remarqué, du R.P. Simonin, sur « Les écrits de Pierre de Tarentaise, leur diffusion et leur influence », qui Viennent heureusement compléter les travaux du T.R.P. Gillon. Notons tout d’abord que la diffusion des écrits d’un auteur médiéval manifeste, de façon certaine, le degré de crédit qui leur était accordé dans l’estime des contemporains : le prix élevé des manuscrits empêchant la multiplication d’ouvrages dont la valeur aurait été contestée.

Étant donné le grand nombre d’anciennes bibliothèques détruites ou dispersées sans laisser de traces, la diffusion des écrits de Pierre de Tarentaise apparaît tout à fait remarquable. Elle s’est étendue de la fin du XIIIe au début du XVIe siècle, dans toutes les contrées qui reconnaissaient alors l’autorité de l’Église romaine. Dans les pays les plus divers, réguliers et séculiers, moines noirs et moines blancs, chanoines et religieux mendiants, ont eu ces oeuvres entre leurs mains. Ils les ont considérées, jusqu’à l’avènement de l’imprimerie, comme les instruments indispensables du savoir théologique. Avec les ouvrages similaires de S. Bonaventure et de S.Thomas d’ Aquin, au côté desquels ils figurent dans les bibliothèques, les commentaires de Pierre de Tarentaise sur les Épîtres de S. Paul et les Sentences du Lombard ont fait partie du patrimoine commun de l’Europe chrétienne.

Le chapitre de la province dominicaine de Toulouse, célébré à Orthez le 24 Juin 1316, enjoint aux lecteurs de conformer leur enseignement à celui des «vénérables frères Thomas et Albert, et du seigneur Pierre de Tarentaise, nommé « doctor excellentissimus » et « doctor clarissimus » au concile de Bâle. Pour Jean de Palomar, archidiacre de Barcelone, Pierre de Tarentaise, devenu pape sous le nom d’Innocent V, lui paraît comme le dernier des grands papes qui ont, dans l’histoire, honoré la tiare de l’éclat de leur science et de leur vertu. Il est infiniment probable qu’au XVe siècle, si, non moins favorisés que ceux d’autres scolastiques, les écrits de Pierre de Tarentaise avaient été imprimés, ils continueraient aujourd’hui encore d’être consultés, non seulement par les historiens de la Scolastique mais aussi par les théologiens. Ce qui devait inspirer le pape Grégoire X qui convoqua Le Concile II de Lyon au cours duquel il promulgua les croisades et rechercha vainement, l’union avec l’Église Grecque.

Très jeune vers l’excellence dans sa formation

Pierre de Tarentaise a dû quitter sa famille et sa petite bourgade vers l’âge de sept ans, afin d’entreprendre ses premières études dans une paroisse rurale, tout d’abord vers l’Abbaye de Valbenoîte proche et ensuite très rapidement à Lyon. Nous pouvons imaginer que Pierre de Tarentaise a eu l’accès aux connaissances primaires sous l’influence des moines en l’Abbaye de Valbenoîte. paroisse rurale du bas Forez, fondée en 1184, traversée par le ruisseau du Furens et située à quelques lieux seulement en aval de Tarentaise. A cette époque ce vallon délicieux et désert, ombragé de chênes séculaires et tapissé de buis ; vallée qui a en tout temps inspiré l’esprit religieux des hommes. C’était la propriété d’une famille noble Forézienne les De La Valette, et sous l’allégeance de Renaud II de Forez, fils du Comte Guy II et le frère de Guy III.

Très jeune Pierre est rentré chez les Prêcheurs à Lyon, au monastère de Saint Martin d’Ainay, âgé d’environ seize ans. Les frères Dominicains y professaient depuis 1218. A cette époque le couvent de Lyon, lieu d’accueil de l’ordre des Prêcheurs, sortait heureusement du provisoire où il avait végété durant de longues années. Grâce à une suite de négociations, Humbert de Romans avait obtenu, comme prieur, en 1235-1236, de pouvoir transférer le couvent dans un domaine situé derrière la maison des Templiers et sous la mouvance de l’abbaye de Saint Martin d’Ainay.

Il est fort probable que l’ordination sacerdotale lui fut conférée au sortir de son adolescence, c’est à dire vers vingt cinq ans, fut ordonné à Lyon où le siège primatial des Gaules était occupé depuis quatre ans environ par Philippe de Savoie, qui -on le sait- ne reçut jamais les ordres sacrés. Il faut de même exclure que fr. Pierre ait été ordonné par Hugues de Saint-Cher durant le séjour que ce cardinal fit à Lyon de janvier 1245 à avril 1251: le premier cardinal dominicain n’ayant jamais reçu l’onction épiscopale.

Aucun souvenir concernant le premier enseignement du futur Innocent V n’est parvenu jusqu’à nous, mais on peut affirmer qu’il fut d’assez courte durée, car dans un acte du 28 mai 1254 tiré du Grand cartulaire de l’abbaye d’Ainay, son nom est suivi de ces deux mots : «quondam lectorem» Le document de 1254, auquel on vient de faire allusion, est -nous croyons- la première pièce d’archives, qui nous ait été conservée, où figure le nom de Pierre de Tarentaise

On peut donc admettre que l’âge de seize ans, donné par les Annales comme étant celui où Pierre entra dans l’ordre des Prêcheurs, est chronologiquement exact. Les données fournies par Étienne de Salagnac et par le dominicain anonyme de Constance ; nous apprennent en effet que Pierre se fit dominicain étant “ invenis “. Or il semble certain que ce terme exclut que le futur Innocent V ait été encore “ puer “, quand il revêtit l’habit dominicain : il avait même atteint, sinon dépassé depuis quelque temps déjà, sa majorité roturière. Ce qui convient de fixer sa prise d’habit vers 1240.

A l’époque où Pierre de Tarentaise sollicita son admission dans l’ordre des Prêcheurs, le couvent de Lyon sortait heureusement du provisoire où il avait végété durant de longues années. Grâce à une suite de négociations, Humbert de Romans avait obtenu, comme prieur, en 1235-1236, de pouvoir transférer le couvent dans un domaine situé derrière la maison des Templiers et sous la mouvance de l’abbaye de Saint Martin d’Ainay. Fr. Pierre venait d’autre part prendre place dans une communauté fervente, dont les membres faisaient hautement honneur à l’Ordre de l’Église. Au cours de ses premières années de vie religieuse, fr. Pierre entendit plus d’une fois, en communauté, le récit émouvant de divers événements, qui agirent profondément sur l’âme populaire et dont Étienne de Bourbon a recueilli les échos dans son fascicule d’exemple ; à propos de la catastrophe du Mont - Granier qui le 24 nov.1248 coûta la vie à 5000 personnes.

La réforme de l’abbaye d’Ainay est le seul souvenir qui nous soit parvenu de l’activité de Pierre de Tarentaise durant les dernières années de son séjour sur les rives du Rhône en tant que professeur en théologie. En 1272 il reviendra à Lyon couronné de gloire « Évêque de Lyon – Primat des Gaules » avant d’assurer le secrétariat général du Concile II de Lyon en 1274. Dès l’été de 1255, fr. Pierre fut désigné pour conquérir ses grades en théologie, il enseignait à cette époque comme bachelier biblique dans l’une des chaires que l’ordre de S. Dominique possédait à l’université de Paris. C’est là désormais qu’il faudra le suivre. Il obtiendra son titre de Maître en Théologie, très rare durant le XIIIe siècle, à l’égal de Thomas d’Aquin et de Hugues de Metz.


Valbenoite (église)

Pierre de Tarentaise fut le 17ème promu ; le titre de maître n’était reconnu dans l’ordre qu’aux religieux qui avaient pris leur grade à Paris. L’année 1255 -1256- celle même où Pierre prit contact avec le milieu intellectuel Parisien fut pour les Dominicains une des plus graves luttes que le « studium generali » de Paris ait eu à traverser au cours du XIIIe siècle. Décembre 1255 et Janvier 1256 marquent le point culminant de ces violences. Pour se protéger et se défendre, les Prêcheurs avaient à nouveau recouru au pape et avaient réclamé la protection du pouvoir civil, et grâce aussi à la protection du pouvoir royal le couvent de Saint-Jacques, échappa aux menaces des séculiers.

Pierre de Tarentaise est né une dizaine d’années après la mort d’Innocent III, pape de 1198 à 1216 qui a repris le nom d’Innocent III l’antipape de 1179 à 1180 ; Innocent IV de 1243 à 1257 devait laisser beaucoup d’inspirations au fr. Pierre qui devint Innocent V : d’une part le Concile I de Lyon, et d’autre part l’appel à la croisade. Trois croisades en Terre Sainte ont été menées alors que fr. Pierre était attaché à connaître et faire connaitre la théologie à l’université de Paris. Au même moment, en 1267, le roi Louis IX «Saint-Louis» part pour la seconde fois en croisade, depuis Aigues-Mortes là où il avait déjà embarqué pour sa première croisade en 1245. Sur le retour, il meurt à Tunis le 1er Juillet 1270.

Les deux provinces dominicaines, entre lesquelles se divisait alors le territoire qui forme la France actuelle -Province de France et Province de Provence -, se sont toujours refusées, durant tout le cours du XIIIe siècle, à ouvrir des écoles, où des religieux auraient donné l’enseignement à ceux qui se destinaient dans un avenir plus ou moins lointain à revêtir l’habit dominicain. Il se peut toutefois que Pierre ait connu l’ordre naissant de Saint- Dominique par l’intermédiaire d’un de ces frères, qui se plaisaient à prêcher aux jeunes écoliers, sous le titre de « De modo docendi pueros », un manuel pour la prédication aux enfants. Car si, au XIIIe siècle, les Dominicains français ne consentirent jamais à devenir eux-mêmes des instituteurs, s’ils eurent le souci constant de ne point sortir de la sphère qui leur était propre, à l’enseignement des sciences élémentaires donné par d’autres, ils voulurent ajouter l’enseignement élémentaire de la science des sciences et vivifier ainsi l’intelligence des enfants par la formation et la direction de leurs jeunes âmes.

On peut donc se demander quel fut le religieux qui, ayant recueilli les premières ouvertures de Pierre de Tarentaise, l’orienta vers le couvent que les frères Prêcheurs possédaient depuis une vingtaine d’années dans la ville de Lyon. Une tradition dans l’ordre des Prêcheurs voulait que les études se poursuivent à Saint Jacques de Paris. Car pour un dominicain qui devait acquérir un certain renom dans le monde théologique médiéval, avait dû fréquenter, dès sa jeunesse, le « studium generale » Parisien. Le cas de Thomas d’Aquin n’a pas été étranger à une telle conception, mais l’on a oublié que le cas du Docteur Commun était une exception dictée par des circonstances particulières. Admettre que Pierre de Tarentaise ait étudié aux côtés du dominicain napolitain, c’est vouloir ignorer la discipline en usage chez les Prêcheurs à une époque où, pour atteindre un niveau intellectuel toujours plus élevé, les prieurs provinciaux étaient fréquemment invités à se montrer difficiles dans le choix des étudiants, qui devaient être envoyés auprès de la célèbre université. Tout nous porte à croire qu’il en fut pour Pierre de Tarentaise comme pour les autres profès Dominicains. C’est probablement après avoir suivi durant un certain nombre d’années les cours au studium conventuel de Lyon et y avoir entendu commenter pour la première fois le texte de Pierre Lombard, qu’il fut assigné à Saint Jacques pour y parfaire ses connaissances théologiques. Vers 1250, Pierre de Tarentaise était prêtre depuis quelque temps déjà, car tout en tenant compte d’exemptions toujours possibles, il est probable que l’ordination sacerdotale lui fut conférée au sortir de son adolescence, c’est à dire vers vingt cinq ans. Qui fut le prélat consécrateur de Pierre de Tarentaise, ordonné à Lyon ? En 1250, le siège primatial des Gaules était occupé depuis quatre ans environ par Philippe de Savoie, qui -on le sait - ne reçut jamais les ordres sacrés. Aucun souvenir concernant le premier enseignement du futur Innocent V n’est parvenu jusqu’à nous, mais on peut affirmer qu’il fut d’assez courte durée, car dans un acte délivré en 1254, - Grand cartulaire de l’abbaye d’Ainay de Charpin – Feugerolles et M.Guigue -, son nom est suivi de ces deux mots: “quondam lectorem “. Ce document cité est - croyons nous - la première pièce d’archives, qui nous ait été conservée, où figure le nom de Pierre de Tarentaise. La réforme de l’abbaye d’Ainay, très importante et mise en cause durant plus de quatre années est le seul souvenir qui nous soit parvenu de l’activité de Pierre de Tarentaise durant les dernières années de son séjour sur les rives du Rhône. On ne saurait l’identifier avec un autre religieux du couvent de Lyon: frère Pierre dit Roschelin de Tarentaise. Confirmé par deux grands auteurs - J. Chevalier et Beyssac - le nom de ce dominicain, qui très probablement était d’origine savoyarde, figure dans une suite d’actes concernant soit la tenue des chapitres généraux en Chartreuse en 1255, soit la réforme des chanoines de la cathédrale de Moûtiers, sur inventaire. Ces divers documents appartiennent aux années 1255 et 1256. Or à cette date le futur Innocent V avait quitté Lyon depuis quelques mois déjà. Désigné pour conquérir ses grades en théologie, il enseignait à cette époque comme bachelier biblique dans l’une des chaires que l’ordre de S. Dominique possédait à l’université de Paris. C’est là désormais qu’il nous faudra le suivre.

L’Histoire a basculé, pour un nom gratté

Très attiré par mes lectures et mes découvertes sur un grand Homme, je tiens absolument à vous faire partager mon exaltation dans la reprise de l’Histoire, assurée il faut le dire par les moyens grandissants d’exploration des manuscrits très anciens. C’est ainsi que l’on peut découvrir le lieu de naissance de Pierre de Tarentaise dans notre Forez par les recherches très importantes à la bibliothèque et aux archives du Vatican au cours de cette dernière guerre. Les recherches sérieuses, longues et approfondies du Révérend Père H. Laurent, aux archives du Vatican, nous en apportent le témoignage d’Étienne de Salagnac ce religieux qui a pu être personnellement en rapport avec Pierre de Tarentaise soit à Paris en 1264, soit à Lyon en 1274. Étienne de Salagnac, son contemporain, nous a fourni au sujet de cette naissance, des renseignements majeurs dont la précision géographique exclut toute possibilité de doute. Ses précisions revêtaient beaucoup d’importance ; « Fr. Petrus de Tarantasia, dyocesis Lugdunen, doctor gratiosus, abbreviator Thome compendiosus, scripts super sentences … » compilait « Il ressort que le mot Lugdunen a été corrigé, par une main du XV° Siècle. »

A l’époque de Pierre, le village de Moûtiers est appelé indifféremment “ Monasterium et Tarantasia “ dans les documents savoyards ; aussi bien que dans les documents et lettres pontificales. Nous trouvons aussi un écrit de Bernard Gui, « Priores provinciales » où la parole “ Viennnensis “ a été grattée et remplacée postérieurement par le mot “ eiusdem “ ; et c’est sous cette forme que ce texte a été édité par M.D. Chapotin dans “ Histoire des Dominicains de la province de France “.Les témoignages d’Étienne de Salagnac et de Bernard GUI, que vient confirmer la chronique du monastère de Sainte Catherine à Rouen, revêtent une certaine importance. Ils mettent définitivement un terme à la discussion, qui s’éleva au cours du 19° siècle, entre les historiens de la Savoie et ceux du Val d’Aoste.

Or Pierre n’était ni savoyard ni valdôtain ; il appartenait par sa naissance au Bas-Forez. Cette région relevait, on le sait, de l’ancien royaume de Bourgogne, d’où la qualification de « Bourguignon » dont maints auteurs, à l’exemple de Martin de Troppeau, ont fait suivre le nom de notre Bienheureux. Autre figure, autre confusion : dans la légende de Saint Pierre de Tarentaise (Anvers 1680) Geoffroy de Hautecombe se contente de dire que le Saint vit le jour dans un village du diocèse de Vienne, auquel Pierre aurait, dans la suite, donné le nom de Saint-Maurice. La vérité de l’Histoire s’affine par recoupement et par une mise en condition de l’époque qui nous fait découvrir devant les influences, la puissance de la famille de Savoie au XIIIe siècle dans ce diocèse déjà reconnu et fort d’une volonté d’appropriation d’identité ; au point de rendre aveugles les historiens qui jusqu’au vingtième siècle en acceptaient la version.


Le Furan

Épilogue

Ces oeuvres, chacune entreprise à des périodes et des temps différents, me permettent, maintenant, de lever le rideau de l’Histoire. Le travail de la mémoire n’a de sens que si elle est fidèle à l’Histoire. La civilisation scientifique et technique de nos jours rattrape le temps perdu et rapproche Dieu et la Science.

Il y a sept siècles, la présence du Pape Grégoire X, ouvrant le Concile II de Lyon ; confirme que Lyon a été, en dehors de l’Italie, la ville la plus visitée par les papes du Moyen-Âge. Il est ici intéressant d’indiquer que entre 1220 - 1250, la Région Lyonnaise faisait, alors, partie de l’Empire Germanique, au même titre que : La Bourgogne, La Lorraine, Le Forez, Le Massif Central, La Savoie, Le Diocèse de Valence, Le Roussillon. Le rôle de métropole de la chrétienté avait fait de Lyon, selon le mot du biographe d’Innocent IV, Nicolas de Curbio, une “ seconde Rome “ et par la suite des rives du Tibre, devait, au siècle suivant, l’amener durablement sur les bords du Rhône. La fusion de l’ensemble des recherches donne tout son sens à l’écriture. Elle éclaire la vie des hommes et de leur terroir tout au long des siècles, en nous apportant ainsi, avec forte expression, l’histoire pour notre liberté. L’Histoire est ce que le présent veut retenir du passé. Ecrire s’est faire trace.

Je voulais absolument tenir et détenir et vous faire découvrir la vérité « de l’Histoire » quelque peu usurpée par la puissante famille de Savoie particulièrement au XIIIe siècle rendant aveugles les historiens de l’époque et ce jusqu’à la première moitié du XXe siècle. Les archives pontificales du Saint Siège, étudiées lors de la dernière guerre, ont permis de faire ressortir beaucoup de manuscrits non publiés et dernièrement traduits. La bibliothèque du Vatican vient de rouvrir ses portes après plusieurs années de travaux ; voilà une magnifique et bonne raison d’assurer une visite, profitable à la précision et l’approfondissement de l’Histoire à retenir. 1342, date à laquelle le trésor fut, sur l’ordre de Clément VI, transporté en Avignon.Au côté de ces documents, il faut mentionner plus spécialement les mandements qui émanent de la chancellerie de Charles d’Anjou. Aucun d’entre eux ne concerne directement Pierre de Tarentaise avant son pontificat. Mais après que le cardinal d’Ostie eut été appelé à succéder à Grégoire X, les actes du roi de Sicile nous permettent de suivre de plus près l’action pacificatrice d’Innocent V tant en Ligurie qu’en Toscane. Signalons aussi un groupe de documents conservés de nos jours dans les archives de Florence, de Pise et de Prato : ils ont trait à la paix signée en juin 1276, grâce à l’intervention d’Innocent V, entre Oise et la Ligue guelfe de Toscane, ainsi que les actes malheureusement trop rares qui nous permettent de suivre l’activité de Pierre de Tarentaise, soit durant son provincialat, soit comme archevêque comte de Lyon. Peut-être sera-t-on amené à se demander si l’héraldique et la sphragistique ne seraient pas à même de fournir, elles aussi, quelques indications utiles. D’aucuns l’ont pensé, mais dans le cas présent les données de ces sciences auxiliaires de l’Histoire demeurent trop vagues, trop incertaines, pour qu’il soit possible d’en utiliser les renseignements.

Appendice

Extraits du catalogue des actes imprimés concernant Innocent V

- 1254 - 28 Mai (Assise). _ prieur des frères Prêcheurs de Lyon et frère Pierre de Tarentaise sont chargés par Hugues de Saint-Cher, cardinal du titre de Sainte Sabine, de veiller à l’exécution des décisions prises par le cardinal pour la REFORME de l’abbaye d’Ainay et de prendre, de concert avec l’abbé du dit monastère, les décisions qui seraient nécessaires à telle fin. (Document inséré dans une bulle d’Alexandre IV du 5 décembre 1258).

- 1265 - juillet à septembre (Pérouse). Clément IV ordonne au provincial de la province dominicaine de France (Pierre de Tarentaise) et aux ministres provinciaux des fr. Mineurs du royaume de France de faire prêcher la croisade contre les Mamelûks.

- 1272 - Juin (Rome, près S. Pierre). Grégoire X fait savoir à Pierre de Tarentaise, provincial de la province de France, qu’il l’a choisi comme archevêque de Lyon.

- 1274 - 7 Mai (Lyon). _ Grégoire X nomme, à la place de Pierre de Tarentaise, comme archevêque de Lyon, Aymar de Rossillon, prieur de Cluny. Le 20 Mai, le chapitre général des frères. Prêcheurs, réuni à Lyon, ordonne à chaque religieux prêtre de célébrer une messe pour Pierre de Tarentaise, cardinal-évêque d’Ostie.

- 1275 - Avant le 20 Février (Lyon). Grégoire X, ayant repoussé la demande que lui avait faite Philippe III le Hardi, roi de France, de dispenser son fils aîné, Louis de France, de l’empêchement du troisième degré de consanguinité, en vue de son mariage avec Jeanne, fille du défunt Henri III, roi de Navarre, consent à accorder ladite dispense à un autre fils de Philippe. Le pape ayant manifesté ses intentions au roi par l’intermédiaire de Pierre de Tarentaise et de fère. Boniface Fieschi de Lavagna, Philippe III désigne son second fils Philippe le Bel: Grégoire X accorde à ce dernier la dite dispense.

- 1276 - Janvier (vers le 15). Rodolphe Ier, ayant appris la mort de Grégoire X, écrit aux cardinaux réunis à Arezzo pour leur demander de placer sur le siège de Pierre un digne pontife.

- 1276 - 15 Janvier (Rome). _ Charles Ier, roi de Sicile, écrit à Gauthier de Sommereuse, justicier de la Terre de Labour, de lui adresser la plus forte somme possible d’argent. Le roi doit demeurer longtemps à Rome et supporter de lourdes dépenses en raison de la création du nouveau pontife.

- 1276 - 25 Février (Rome, Latran). _ Innocent V notifie aux patriarches, archevêques, évêques et abbés et princes du monde catholique son élévation au souverain pontificat.

-1276 - 2 Mars (Rome, Latran). _ Innocent V confirme Charles 1er, roi de Sicile, dans ses charges de sénateur de Rome et de vicaire impérial en Toscane

- 1276 - les 30 et 31 Mars (Rome, Latran). Innocent v confirme à deux reprises les privilèges, immunités et exemptions, accordés par ses prédécesseurs aux religieux de l’Ordre du Temple.

- 1276 - 30 Avril (Rome, Latran). Innocent V confirme les pouvoirs concédés par Grégoire X à Gérard de Grandson, évêque de Verdun, afin que ce dernier choisisse des personnes (sous-collecteurs), aptes à lever en Angleterre et en Irlande la dîme ; imposée par le II° concile de Lyon en faveur de la croisade.- en 1898- Innocent V sera béatifié par le Pape Léon XIII.






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