REPORTAGE REGARDS DU PILAT
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Réflexion sur l'origine
des pierres à Cupules
par Jean-Claude DUCOUDER

  Coincée entre CUPIDON et CURAÇAO aux Antilles, la CUPULE nous est décrite comme étant du genre féminin et venant du latin CUPULA qui veut dire PETITE COUPE.

 
   Aucune des littératures savantes consultées, comme les encyclopédies BORDAS, LAROUSSE, ROBERT… ne nous fait l'aumône d'une description d'un point de vue purement archéologique. Pourquoi ? Devons nous conclure devant cette carence de définition, que ces petites cavités en forme de petites coupes, et creusées dans la roche, sont sans intérêt ?
Non, bien sûr, alors ?  Alors, pour tenter une approche du problème, commençons par répondre à la question suivante :

QU'APPELONS-NOUS UNE PIERRE A CUPULES  ?

   Ce que nous avons l'habitude d'appeler du nom générique de pierre, peut être soit la roche émergente d'un massif, soit un bloc de rocher séparé qui, dans certaines littératures est dit erratique. C'est par exemple le cas des roches à cupules que l'on trouve dans le département de l'Ain. Par contre, ici, dans le massif du Pilat (42), les roches sur lesquelles nous trouvons des cupules, n'ont rien d'erratique!
   Ces deux départements, ne sont certainement pas les seuls à comporter ce type de manifestation du passé. Une étude de la répartition de ces roches sur le territoire national permettrait d'en savoir davantage.

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QUELLE EST LA NATURE DE CES ROCHES ?

   Là aussi, pour émettre une opinion plus définitive, serait-il bon d'explorer d'autres sites. Pour l'instant, et sur les sites régionaux qui m'entourent, la pierre est en général une pierre tendre mais abrasive, soit du schiste ou du grès. Un seul exemple m'est connu où la pierre se trouve être un beau granit bleu - pas particulièrement tendre ! Mais les quelques cupules qui y sont représentées sont-elles bien des cupules au sens que nous leur entendons ?

VOILA POUR CE QUI EST DU SUPPORT, MAINTENANT PASSONS AUX " CUPULES " QUI LES GARNISSENT. QUE SAVONS NOUS SUR ELLES ?

- Comme leur nom le laisse supposer, il s'agit de petites "coupes" creusées dans la roche. Leur dimension va globalement - bien qu'il y est des exceptions - de  3 à 4 cm pour ce qui semble être la majorité.
- Leur nombre peut aller de l'unité à quelques dizaines.
- Leur répartition sur la roche semble aléatoire.
- Dans certains cas de figure, ces petites cavités sont reliées entre elles par des "rigoles", là aussi, d'une manière aléatoire semble-t-il. La première impression veut que ces "rigoles" aillent dans le sens d'un " écoulement " entre les deux cupules qu'elle relie. Mais peut-on avoir une impression différente à partir du moment où la surface d'implantation des cupules n'est généralement pas horizontale ? Méfions nous donc de notre imaginaire, qui peut occulter la véritable signification de ces " rigoles " !
- Bien souvent ces "gravures" sont mitoyennes avec d'autres représentations, du genre petites gravures carrées de deux ou trois centimètres de côté et de profondeur et qu'il serait bizarre d'appeler cupules ! Parfois, nous trouvons également dans le même environnement des bassins triangulaires. Plus rares sont des triangles d'une vingtaine de centimètres de côté avec un point en leur centre. Ces triangles que l'on trouve de loin en loin sont peut-être et tout simplement d'anciens bornages. Pour mémoire il me faut aussi citer les roches où sont gravées des croix de toutes sortes. Bien que situées dans le même environnement que les roches à cupules, je ne pense pas que ces croix soient contemporaines de ces dernières.

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QUELLES SONT LES HYPOTHÈSES AVANCÉES CONCERNANT CES " CUPULES " ?

   Beaucoup d’hypothèses ont été émises concernant ces dernières et si l’on fait une rapide synthèse de ces hypothèses, il ressort que généralement ces gravures en forme de petite coupe seraient l’expression  d’une représentation graphique où l’on discernerait globalement deux familles :

- Pour les uns, nous serions en face d’un système de comptage embryonnaire, voire même du début d’un alphabet.
- Pour les autres, il s’agirait, sans aucun doute, de la représentation de la voûte céleste et chacun d’y trouver une forêt de constellations !

   Voilà les deux grandes idées généralement émises sur l’interprétation graphique de ces cupules. Bien qu’à peine croyable, subsiste encore dans une certaine littérature issue d’un non moins certain milieu ésotérique, la théorie celtomane de la fin du 19ème siècle. Avant de l’exposer, et pour vous convaincre, regardez donc dans les anciens livres de classe, que j’ai personnellement eus, au chapitre de nos ancêtres les Gaulois les images représentant les druides…
   Maintenant, vous pouvez poursuivre.
   Pour les celtomanes estampillés grand teint, gavés de littératures fin 19ème, ils auront tôt fait de vous faire remarquer – au cas où vous ne l’auriez pas vu – que ces cupules sont reliées par de petits canaux. Bien évidemment, vous ne savez pas à quoi servent ces petits canaux ? Alors, le voile sera déchiré par le savoir des grands prêtres et l’évidence vous sautera alors aux yeux, comme le sang de la victime immolée justement sur la pierre objet de votre contemplation. Ne voyez vous pas la vocation collectrice de ces cupules et de ces canaux ? Ne voyez vous pas que ces cupules sont autant de petits bassins de décantation destinés à récupérer les humeurs de ce sang qui, enfin pur, ira abreuver la terre nourricière ! Et qui étaient ces officiants salvateurs qui égorgeaient l’innocente victime offerte aux dieux sur la pierre des sacrifices? Les druides bien sûr ! Il faut vraiment tout vous dire !

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 Un de mes correspondants,également passionné par ce problème, me citait récemment les faits suivants :

Un de ses amis, italien, lui expédiait, il y a quelques années, de très belles photos prises lors d'une expédition en Himalaya où l'on voyait des femmes réaliser des cupules sur une roche par frottement de galets. Elles accomplissaient cela dans le cadre d'un rite pénitentiel, voire expiatoire !

Ce même ami passionné m'assure qu'il existe  des témoignages de bergers, qui, au début du siècle dernier en Lozère ,"gravaient" également ces mêmes cupules par le même moyen. L'auteur assure que ces bergers accomplissaient  cet acte par … habitude, ayant perdu le sens de cette coutume !

   Ces anecdotes, pour étonnantes qu'elles soient, sont à garder en réserve pour le cas où elles viendraient un jour, corroborer d'autres découvertes dans une recherche en perpétuelle évolution.

   Pour ce qui est des deux hypothèses évoquées en début de chapitre, autant vous dire tout de suite que je n’en cautionne aucune.

   Mais, essayons de poursuivre notre approche :

   Il est bien sûr difficile de dire si toutes ces représentations, - cupules, rigoles - sont contemporaines les unes des autres. Marquent elles, prises isolément, des époques différentes, ou, devons nous d'emblée, les traiter comme un seul et même sujet ?
   Autrement dit :
- Devons nous considérer la cupule seule, comme le résultat d'une volonté représentative, ou la trace d'un procédé utilitaire ?
- Devons nous voir une deuxième époque dans les rigoles ?
Dans ce cas, il faut admettre que les cupules primitives sont alors réemployées.
Évolution d'un rite primitif ou autre destination ?
- Peut-être même, est-il possible de voir une troisième époque; celle de nos ancêtres les gaulois qui auraient utilisé la fameuse pierre à sacrifices ! Cette dernière hypothèse n'est bien sûr là que pour égayer la démonstration !

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   Reste quand même à se poser la question de savoir si ces cupules sont des signes représentatifs ? ou si elles sont la conséquence d'une manipulation utilitaire ?
   Le côté représentatif, alphabet, constellations ou autre, j’ai déjà dit que je n’y croyais pas.

   Alors, la conséquence d’une manipulation utilitaire ?  Oui, mais laquelle ?

   Ce qui va suivre n’est que supposition de ma part, étayée par l’analyse de nombreux sites.
Ne croyez surtout pas que je veuille vous asséner LA VÉRITÉ , non, je laisse ce soin à d’autres, ceux pour qui le doute n’est pas de mise et il y en a !
   Voilà donc …

   A l’origine était l’homo sapiens qui, lancé sur la trajectoire de la connaissance, découvrit les bienfaits du feu à travers une de ses peurs. En effet, on peut imaginer que ce nouvel élément sans consistance, qui naissait de manière spontanée, ait été générateur de peur sinon de respect.
   Puis, le temps passant, nos ancêtres à force d’expériences douloureuses dans un premier temps, puis raisonnées dans un deuxième temps découvrirent les bienfaits de la domestication du feu. Certainement que dans un premier temps, ils se contentèrent d’apprivoiser la flamme issue d’un incendie , de l’entretenir, voire de la transporter lors de la migration des tribus. Mais cela restait aléatoire, et lorsque le feu disparaissait au cours d’un événement météorologique ou autre, on peut facilement imaginer le drame vécu par la tribu, habituée maintenant à manger des aliments cuits et à se chauffer. Aussi,  un jour, l’homo en taillant son silex mit-il le feu à l’herbe sèche environnante. Il avait trouvé le moyen de créer ce feu jusque là si difficile à domestiquer. Mais, certainement, là encore, résidait la difficulté de réunir le moment venu, certaine pierre et certaine herbe sèche. Un autre facteur joua certainement dans cette quête ‘homo-sapienne’ de la domestication du feu, c’est la sédentarisation. Dès lors, la tribu disposait d’un lieu spécifique à la réalisation, à l’entretien et à la vénération du feu.
   Entre temps, nos ancêtres avaient trouvé le moyen de faire du feu tel que le font encore aujourd’hui certaines peuplades aborigènes, en faisant tourner à l’aide d’un genre d’archet une baguette de bois coincée dans l’aspérité d’une roche. Le frottement de cette baguette sur la roche provoque échauffement au point de contact, qui va jusqu’à  embraser un peu d’étoupe.
   Imaginons maintenant que cette opération ait lieu souvent, ce qui serait logique, puisqu’il n’est plus besoin d’entretenir le feu que l’on sait maintenant faire naître relativement facilement. L’empreinte dans la roche, qui est en général une roche tendre et abrasive, schiste ou grès, s’use, et lorsque l’empreinte devient trop importante par rapport au diamètre de la baguette, le frottement n’est plus suffisant pour remplir sa fonction. Le préposé au feu, pose donc la pointe de sa baguette à un autre endroit et comme cela, naît sous vos yeux, la pierre à cupules.

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   CQFD ? Pas forcément, mais cela a l’avantage d’expliquer différentes choses, dont trois de celles-ci sont :

- La forme de cette fameuse empreinte qu’il semble difficile d’obtenir autrement que par un phénomène d’usure, exclut tout procédé par percussion. A ce moment de la réflexion, il faut se souvenir qu’un auteur décrit au Tibet des femmes, punies ( pour quelle raison ? ) et qui gravent une roche expiatoire en faisant tourner sur lui-même un galet. Mais cet exemple semble difficilement transposable à l’époque de ‘miss sapience’.

- Le côté aléatoire de la disposition des cupules sur la roche. Dans mon hypothèse, il n’est pas exclu de penser que la détermination du nouvel endroit où serait faite l’empreinte, était déterminée par un trou ou une faille naturelle de la pierre favorisant le frottement et par là, l’échauffement nécessaire à l’embrasement.

- En général, si ces pierres dites à cupules se trouvent sur des points hauts, - colline, mamelon  elles ne sont par contre, jamais très hautes par rapport au sol. L’explication, toujours dans mon hypothèse est que, si le point haut est compatible avec : La vénération du dieu feu – La défense éventuelle de ce bien qui devait être inestimable, l’explication du peu de hauteur de la pierre elle même, pourrait bien être la protection de ce feu par temps de pluie ! Une hutte devait nécessairement recouvrir la roche.

   Certains auteurs parlent, et ils ont raison, de très grosses cupules, de dimensions importantes. Ils donnent à ce moment-là le nom de bassin à ces anomalies ‘cupulesques’ !  En général, de tels  bassins se trouvent en très petite quantité dans l’environnement des pierres à cupules et j’en désigne l’utilisation comme étant celle d’un réservoir à braises entretenu par le responsable du feu. Même si maintenant, sapiens savait faire du feu à la demande, ce n’était pas une raison pour lui faire tourner son archet toute la journée ! Je connais un tel bassin qui a conservé sa vocation et dont se servent encore aujourd’hui, les chasseurs, pour réchauffer leur casse-croûte ! Je vous laisse le plaisir de le trouver sur les photos en bas d’article.

   Et les rigoles me direz vous ?

Là est la question à laquelle je n’ai pas de réponse satisfaisante. Ces fameuses rigoles sont-elles contemporaines des cupules ou sont-elles le fait d’une réutilisation à une autre époque ? Support divinatoire dans une religion chamaniste ? J’avoue l’ignorer. Peut-être ne s’agit-il  tout simplement que d’un jeu de bergers qui ont trompé leur ennui en reliant ces cupules ?  Leur présence en point haut n’est-elle pas justifiée par la facilité à surveiller les troupeaux ? Mais il faudrait donc admettre que tous les bergers de tous les lieux où se trouvent des pierres à cupules aient la même distraction ! Après tout, pourquoi pas, des bergers qui s’ennuient il y en a partout !

   Voilà, la réflexion s’achève.

Tout ceci repose simplement sur de très nombreuses explorations de terrain. Je n’ai aucun appui universitaire sur lequel m’appuyer, seul mon bon sens m’aide à la compréhension du mystère qui entoure tous ces témoins du passé.
Ne sommes nous pas là, parce que d’autres nous ont précédés ?

   L’atavisme peut-il me venir en aide ?

   Dois-je valablement écouter cette petite voix, toujours présente à mes côtés ?

Quelquefois, alors que je me penche sur ces pierres, que ma main caresse leur surface et que les buses tournoient là-haut dans le ciel, j’ai souvent eu le sentiment d’une présence et elle essaie de briser le miroir dans lequel je m’égare.

Jean-Claude DUCOUDER

 Nous remercions notre ami Jean-Claude pour nous avoir ainsi fait part de ses pertinentes réflexions.

* Photos accompagnatrices réalisées par Jean-Claude Ducouder lui-même.

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