Les Regards du Pilat : Christian Doumergue, certains de nos lecteurs vous connaissent bien. Nous avons bien souvent évoqué ici même vos précédentes publications. Votre nouveau livre, Le Secret dévoilé : enquête sur les énigmes de Rennes-le-Château (paru le 6 juin 2013 aux éditions de l’Opportun), est présenté par le romancier à succès Jacques Ravenne – co-auteur avec Eric Giaccometti de la préface de votre livre – comme un ouvrage qui fait « déjà date ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Christian Doumergue : À travers ce livre, j’invite avant tout à une nouvelle perception de l’affaire de Rennes-le-Château. C’est en cela qu’il peut marquer les esprits : il conduit à reconsidérer totalement la façon dont on regarde l’énigme du « curé aux milliards ». Je crois qu’il est temps de faire entrer cette histoire dans une nouvelle phase de compréhension. Cette nouvelle compréhension s’appuie sur un réexamen total des faits, aussi bien ceux concernant l’abbé Saunière que ceux qui se sont déroulés bien après sa disparition. Dans un cas comme dans l’autre, on a longtemps eu une vision erronée des faits. Je pense que l’on est à présent en mesure d’approcher avec vérité de nombreuses périodes et de nombreux épisodes de cette histoire extraordinaire. Par exemple, mes recherches identifient clairement le groupe qui a financé certaines réalisations de l’abbé Saunière. De la même façon, un travail méticuleux sur les écrits de Pierre Plantard (ceux relatifs à Rennes-le-Château et les autres !) me permet de mettre en lumière une dimension symbolique insoupçonnée qui éclaire sa pensée – et son œuvre – sous un jour complètement nouveau. Il s’agit de deux choses à priori distinctes bien sûr, mais ce sont deux pièces d’un même puzzle… Il faut donc comprendre toutes ces pièces de l’énigme retrouvées en résonnance les unes avec les autres…  Cela nous amène à, incontestablement, redéfinir cette histoire dans son entier.

Les Regards du Pilat : Quelle est cette nouvelle interprétation de l’affaire de Rennes-le-Château ?

Christian Doumergue : Donnons les grandes lignes factuelles : d’un côté Bérenger Saunière, un curé qui a bien trouvé un trésor, mais quelque chose de beaucoup plus modeste qu’on ne l’a dit et qui ne couvre pas toutes ses dépenses. De l’autre, Pierre Plantard, qui a profité de la rumeur cristallisée autour de l’abbé Saunière pour raconter une histoire tout à fait fantastique mêlant trésor, parchemins codés et société secrète… une histoire dont, certes, il s’est avéré qu’elle avait tout d’un roman, mais, comme je le démontre, d’un roman symbolique ! Comment relier ces deux temps de l’histoire de Rennes ? C’est de cette question – et du travail de recherche qu’induit la réponse – que découle la nouvelle interprétation de l’affaire de Rennes que je propose… Pierre Plantard s’est servi d’une histoire authentique (celle de l’abbé Saunière et de sa vie hors du commun) pour raconter une autre histoire, toute aussi authentique, sous forme de récit symbolique. Ce qu’il a dit en apparence doit donc être compris symboliquement. Son sujet, ce n’est pas Bérenger Saunière. C’est autre chose : l’aboutissement d’une quête personnelle en laquelle il a été aidé par certaines personnes. Ce dont il parle au final n’a donc rien à voir avec le trésor de l’abbé. La nouvelle interprétation de l’affaire de Rennes-le-Château que je propose ne se limite donc pas à une redéfinition  des événements qui se sont déroulés sur et autour de la petite colline audoise, mais aussi du point final de cette histoire.  

Les Regards du Pilat : À propos de ce « point final », comme vous dites, les conclusions auxquelles vous arrivez peuvent surprendre… Elles étonneront sans doute ceux qui vous ont précédemment suivi dans les pas de Marie-Madeleine, et des mystères entourant la vie et la disparition de Jésus. Car vous ouvrez sur tout autre chose…

Christian Doumergue : Par rapport à mes précédents écrits, cela pourrait en effet donner l’impression que je passe à un autre sujet. Mais ce n’est pas le cas. Il y a un fil d’Ariane dans toute cette histoire : le suivre nous fait passer par différentes étapes. Marie-Madeleine et la tombe du Christ étaient deux de ces étapes. Mais il y a autre chose après ces jalons : quelque chose qui nous demande qui était vraiment le Christ, et qui sommes-nous ? L’un des derniers chapitres de mon livre s’appelle « Origines » : c’est à cette question que confine le secret de Rennes-le-Château… Quant au caractère surprenant du fin mot de l’histoire, oui, je l’admets, c’est surprenant ! Mais ma démonstration n’est pas une extrapolation. Il s’agit d’une interprétation rigoureuse des faits à notre disposition. Cette interprétation ne peut être contestée : elle démontre que dans les années 1960, un petit groupe de personnes s’est emparé de la rumeur trésoraire gravitant autour de l’affaire Saunière, pour placer l’abbé Saunière au centre d’une histoire qui n’avait plus rien à voir avec sa réalité à lui. Ils ont créé un mythe pour y glisser un message relatif à une découverte qu’ils auraient faite dans la région de Rennes-les-Bains, une découverte qui va bien au-delà de la tombe de Marie-Madeleine. Cela, je le répète, ne peut être contesté. La seule question qui se pose à ce sujet c’est : d’où ces personnes tiraient-elles leur savoir ?

Les Regards du Pilat : Vous en avez une idée ?

Christian Doumergue : Le Secret dévoilé dessine certaines pistes… et pour avoir mis récemment en lumière un nouvel élément clef de l’expérience vécue par Pierre Plantard à Rennes-les-Bains, je peux vous dire que la vérité sur cette histoire est encore plus étonnante que tout ce que nous avions pu imaginer ! L’énigme de Rennes est vraiment loin d’être une simple énigme que l’on tente de comprendre pour se distraire. Certes, c’est une histoire de trésor, avec toutes les résonnances que cela a en nous, à commencer par nos rêves et nos lectures enfantines et adolescentes. Mais ce que je démontre dans mon livre c’est que l’énigme de Rennes – telle qu’elle a été refaçonnée par Pierre Plantard dans les années 1960 – a été pensée comme une fable initiatique par des initiés… J’insiste sur ce terme. Pierre Plantard n’est pas arrivé par hasard dans la Haute Vallée de l’Aude. Il suivait une quête qui l’animait depuis ses plus jeunes années. Et il a vu quelque chose !

Les Regards du Pilat : Le Secret dévoilé… est-ce à dire qu’après cela vous n’aurez plus rien à dire ?

Christian Doumergue : Non ! Le Secret dévoilé n’est pas un terme. Il amène juste à contempler un nouveau territoire, à mettre en lumière son existence et à inviter à son exploration… Qui lira complétement le livre, commencera à voir de quoi je veux parler. Bien loin d’être finie, l’aventure est au contraire amenée à se poursuivre. L’affaire de Rennes ne se dévoile que progressivement. Cela tient à sa structure même, qui confine à l’initiation. Pierre Plantard a créé une fable initiatrice dont chaque lecteur, à son insu, devient le héros.  Un héros qui ne découvre que progressivement les différents chapitres et degrés de lecture pensés par le concepteur du récit… Il faut prendre le temps d’acclimater son regard. Le mien a mis 20 ans à saisir l’énigme de Rennes sous ces nouveaux contours jusque-là insoupçonnés. Autant vous dire que l’effet ressenti est très fort lorsqu’on arrive à ce stade du processus : j’aime à le comparer à l’image brusquement surgie d’une autostéréogramme une fois que l’œil s’y est acclimaté. Une chose invisible jusqu’alors se révèle brusquement. C’est cela que j’ai ressenti en effectuant les découvertes que je rapporte dans mon livre. Le but du Secret dévoilé est d’ouvrir à son lecteur une porte dont il ne soupçonnait peut-être pas même l’existence…