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Le Massif du Pilat,
un territoire sacré






Présenté par
Thierry Rollat










Juin
2024




3ème partie

En 2024 on ne sait toujours pas si La Pierre des Trois Evêques a été posée là par l’Homme ou si au contraire elle s’avère complètement naturelle ? L’important avant tout réside dans le fait que des Hommes aient retenu ce lieu comme sacré, un lieu à la fois de frontières mais surtout de grands rassemblements plus ou moins secrets au sein de La Gaule indépendante mais aussi sans doute bien avant les Celtes et cette dimension temporelle à prendre sérieusement en compte, dépasse l’entendement puisque même les romains vont la tolérer et s’en servir comme borne. Les druides avaient leurs repères dans le Pilat ; ils étaient chez eux si l’on peut dire. L’Airellier s’imposait comme un Crêt fort discret mais d’autres Crêts jouèrent des rôles respectés et au final pour au moins un, sacré.

Nous sommes depuis deux dossiers à la recherche de tous les éléments constituant le sacré dans le Massif du Pilat, ce qui a marqué durant des millénaires notre montagne de cette empreinte indélébile de sacré. Eh bien, pour commencer ce nouveau dossier, nous allons nous apercevoir que le sacré, c’est aussi le sacre, mais là commence une enquête ardue pour définir convenablement de quel sacre il s’agit et si on peut réellement et concrètement trancher une vérité non discutable. Nous nous retrouvons au Crêt de la Perdrix, le point géodésique le plus haut de tout le Pilat puisqu’il culmine à 1434 mètres. Il est bien question d’une légende ésotérique visant une perdrix et ses petits. Ne gâchons pas notre plaisir et empruntons à Jean Combe son récit commenté de cette légende évoquée avant.

« Il y avait une fois une perdrix rouge, qui vivait à la lisière d’un bois. Elle avait quinze petits, vifs et remuants qui, de l’aube au crépuscule, s’ébattaient et cherchaient leur nourriture avec une adresse bien plaisante à voir. Midi. Il faisait une chaleur à cuire un œuf sur une pierre plate. Les bosquets, les champs de bruyère et de genêts du Mont Pilat n’avaient plus d’oiseaux pour sonner des clochettes. Les grillons, que l’on nomme ‘moriets’ dans le pays, avaient eux-mêmes abandonné la porte ronde de leur demeure, où ils se tiennent d’habitude pour faire entendre leur petite musique aigrelette. Dans une tranquillité sans fin, le soleil chauffait de ses rayons la terre, les herbes et les fleurs. Les alouettes, les verdiers et les étourneaux s’étaient assoupis. La perdrix, couleur d’automne et d’aurore, était, elle aussi, à demi sommeillant. Ses paupières descendaient malgré elle sur les perles de ses yeux. Croyant que tous ses petits étaient à ses côtés, elle mit sa tête sous l’une de ses ailes et s’endormit. Soudain, un coup de tonnerre ébranla la montagne. Son grondement était à peine achevé qu’un autre grondement arrivait prendre sa place. On aurait dit, tant le bruit était grand, que toutes les pierres du Mont Pilat roulaient jusque dans les vallées. Au milieu de ces éclats et de ce fracas, la perdrix s’éveilla dans le saisissement. Plus tremblante qu’une feuille agitée par la brise, elle regarda à droite, puis à gauche, mais elle ne vit rien, car son nid était vide et ses petits avaient disparu. Le cœur battant, elle appela et cria, mais ses cris et ses appels se perdirent dans le bruit de l’orage. Alors elle quitta sans tarder la forêt aussi sombre qu’une nuit de malheur. Le vent ronflait comme s’il avait voulu dans sa sauvagerie coucher les sapins dans la mousse. Les éclairs faisaient leurs traits de feu dans un ciel couleur de jus de myrtilles. Soulevée, bousculée, entraînée tel un fétu de paille, la perdrix rouge arriva bientôt sur le découvert où le vent menait un train d’enfer, arrachant de leurs tiges les jonquilles qui brillaient autant que des étoiles et même ces petites pensées qui s’ouvraient comme des yeux de velours dans l’herbe fine. Elle n’avait plus même besoin, pour avancer, de poser ses petites pattes sur le sol, tant elle était poussée par ce vent méchant qui faisait des ‘hou,hou’ de bêtes affamées dans une nuit sans lune. Elle allait – bonnes gens – sans avoir le temps de prendre souffle. A demi folle d’ennui et de terreur, elle arriva enfin au plus haut de la montagne à l’endroit où l’on ne trouve ni fougères, ni bruyères, ni plantes vertes, mais seulement des éboulis de pierres grises. Trébuchant, sautant d’un rocher à l’autre, elle comprit que son heure dernière était venue. Elle rassembla ce qui lui restait de force pour jeter un cri d’adieu à ses petits et à sa montagne. Là-bas dans la forêt, les pies muettes de frayeur, les écureuils blottis dans les branches et les ‘dames de Pilat’ cachées dans les hautes herbes des clairières tremblèrent, en écoutant ces cris de désespoir et d’angoisse. Les sapins, eux-mêmes, de toutes leurs branches agitées et rebroussées, répétèrent ‘adieu…adieu…brave et bonne perdrix’. Un nuage gris, qui, près de là, se balançait dans la tempête, pris de pitié pour cette douleur et cette détresse, s’avança vers la perdrix pour la recueillir. C’était le palais de la fée Uriande. Avec la bienveillance que l’on doit au chagrin, la dame la reçut, la réconforta et pour la rassurer, lui tendit un miroir magique. Alors –oh  merveille ! – la perdrix rouge du Mont Pilat, qui ne pouvait en croire ses yeux, vit sous un buisson ses petits endormis près de son amie la tourterelle. Consolée, elle accepta de se remettre en buvant les gouttes de rosée qu’on lui offrait. – Dormez, dormez en paix, lui dit la fée Uriande, demain, dès ses premiers rayons, l’aurore vous reconduira au Mont Pilat. Rien n’était encore éveillé dans les bois et dans les champs de genêts, lorsque l’aurore ramena la perdrix sur la terre et peignit le plus haut sommet du mont Pilat d’un rose aussi tendre que celui d’une fleur de pêcher. En retrouvant sa chère montagne, la perdrix rouge poussa un si grand cri d’amour et de bonheur qu’elle réveilla toutes les bêtes qui vivaient dans cette contrée de liberté et de paix. La sauterelle commença à sauter en disant ‘voilà la perdrix’. Les grillons se mirent à bavarder, la fouine à courir et les verdiers à voleter. Les pies, qui du haut de leurs nids de branchettes et de brindilles, ont toujours tant à dire, se dépêchaient de porter la bonne nouvelle aux quatre coins du Mont Pilat en répétant : ‘la perdrix est revenue… la perdrix est de retour…’Ce fut alors des bruits d’ailes, des pépiements, des roucoulements, des gazouillis, des ramages. Chacun de poser cent questions et de vouloir connaître ce qui s’était passé, en cette journée pleine du bruit des gouttes d’eau frappant les feuilles et du roulement des tonnerres grondant au-dessus des pâtures, des bois et des ‘chirats’. La mère perdrix, qui n’avait jamais été aussi gaie, raconta sa course dans la montagne depuis l’instant où elle s’était aperçue de la disparition de ses petits, jusqu’au moment où elle avait été contrainte de trouver refuge dans un nuage, où les oiseaux n’ont jamais faim et où les mamans n’ont jamais de soucis pour leurs petits. Alors ramages et gazouillements redoublèrent. Ils s’enflèrent pour n’être finalement qu’une clameur d’admiration. D’un commun accord, la perdrix rouge fut alors proclamée reine. Et l’on décida que cette montagne si riante avec ses grands arbres, ses fleurs sauvages et ses sources, qui chantent au ras de la mousse, porterait désormais le nom de la gracieuse reine. Depuis ce temps toutes les bêtes qui courent, volent et rampent dans les jardins du Mont Pilat attendent pour dormir et pour s’éveiller le chant de la perdrix, qui tombe goutte à goutte sur la grande prairie de l’Œillon et de la Grange-de-Bote. L’eau du Gier courant dans les herbages, le vent flottant sur les sapins, les clochettes des campanules et tous les oiseaux des taillis firent si bien amitié avec l’aventure de la perdrix rouge que les habitants du Jarez – ce haut pays riant sous la lumière – s’accordèrent pour nommer Crêt de la Perdrix, ce sommet du Mont Pilat, si vert sous les promesses du ciel… »

Cette légende, toutes proportions gardées, reste vivace, elle permet de masquer une autre vérité. C’est Noël Gardon qui nous renseigne en mettant clairement en lumière une sonnette indiscutable, comprenez un anachronisme qui mérite explications. En effet pour ce grand chercheur, cet historien féru, la perdrix ne peut nullement avoir été élue reine et pour cause. « En effet la perdrix a la réputation, dans la symbolique traditionnelle, d’être une mauvaise mère ; et une mauvaise femme. D’abord parce qu’on dit que pour son plaisir avec son époux, il lui arrive en s’ébattant de casser les œufs de la couvée, parce que son cri passe pour être un appel à l’amour conjugal ou extra conjugal, et parce que son allure à la démarche d’une femme élégante et hautaine sur de hauts talons. La tradition chrétienne, fait de la perdrix, un symbole de la tentation et de la perdition, une incarnation du démon ». Nous tournons autour du pot avec cette notion de « sacre », mais Noël Gardon va nous débrider la situation. « Le mot ‘perdrix’ ne désigne évidemment pas l’oiseau, nous venons de dire pourquoi, mais comme son nom l’indique c’est le trône royal, la ‘pierre du roi’, la ‘peyre de rix’. Rix étant le même mot que nous trouvons à la fin des surnoms des chefs gaulois, dont le plus connu est Vercingétorix, mais il y eut aussi : Orgetorix, Dumnorix, etc… ».

En 2024, cette explication pointue est maintenant retenue par tous les plus ou moins fins connaisseurs du Pilat. Mieux, on accepte aussi cette tradition visant à voir ici-même un sacre des Rois environnants au moyen de cette pierre sacrée aujourd’hui disparue. Effectivement, lorsque les druides partirent se réunir dans les Carnutes, la Pierre Primitive du sacre suivit très probablement le même chemin. Mais, où cela devient intéressant c’est que ce lieu est resté dans la mémoire collective des dirigeants. Durant la pleine occupation romaine la Perdrix passa sous silence et anodine comme anonyme. Mais voilà qu’au Haut Moyen Âge la tradition ressurgit. Une nouvelle Pierre Sacrée apparut pour sacrer les Rois environnants, les Comtes de Forez dits de la première race. Nous allons franchir un pas, car si la tradition fut reprise au même lieu et selon le même principe de la Pierre du sacre, on peut aller à en conclure que les Comtes de Forez étaient des descendants des Grands Chefs Celtes. Le Pilat n’a jamais été un lieu de hasard, mais de pleine tradition et de Savoirs cachés ; qu’on se le dise. A travers une légende, Jean Combe passe des messages, ce que Noël Gardon appelle des sonnettes (des alarmes dans le texte). Cette tradition indique profondément l’importance du Crêt de la Perdrix. Tout est symbolique, mais l’initié reconnaît lui l’importance de ce lieu de sacre. On peut se reposer la question : le Savoir des Druides avait-il complètement disparu au 3ème siècle de notre ère ? La réponse officielle est affirmative ; la notre est négative… Le Pilat est resté un centre de Savoir ésotérique et probablement de géographie sacrée ; les Crêts principaux et leurs toponymies respectives sont là pour nous le rappeler ; on y viendra bientôt.

Pour rester encore dans le Pilat et le Forez réunis, Noël Gardon arrête la date de l’an 570 pour le Sacre du 1er Comte de Forez au Crêt de la Perdrix ; le dernier l’aurait été en l’an 977. On ne sait pas exactement ce qu’est devenue la Pierre du sacre ensuite. On présume qu’elle serait descendue à Saint-Chamond en un des premiers châteaux des lieux ; très vite il y en aura deux. Où est-elle à présent ? On peut considérer qu’elle puisse avoir été protégée, au moins un temps, mais qu’en disait alors l’Église ? La tradition celtique a influencé le christianisme, c’est pour cette raison que cette Pierre Sacrée du sacre peut avoir été conservée précieusement. Quoiqu’il en soit nous sommes là en présence d’une très vieille tradition qui a traversé des siècles et des siècles. Il peut être intéressant, en aparté ici, de rappeler que les Anglais possèdent la Pierre de la Destinée, qui dans le même esprit que notre Pierre Sacrée pilatoise, couronne les Rois. Elle a été volée aux Écossais par les Anglais pour leur propre compte. Pour conclure, notre Pierre qui sacrait les Rois avait elle aussi une importance capitale et les Rois locaux ne pouvaient pas être issus de simples familles nobles apparues du jour au lendemain : c’est évident. Il ne faut aussi pas perdre de vue que les Comtes du Forez étaient en réalité à la base des Comtes du Lyonnais et rien n’empêche de penser qu’ils étaient probablement des descendants porteurs du savoir des druides. Depuis la nuit des temps, le Massif du Pilat porte le qualificatif de montagne sacrée ; ce n’est pas pour rien…

Nous venons de voir effectivement que ce soit à l’époque Celtique, ou au Haut Moyen-Âge, le Pilat a rempli des rôles sacrés de tout premier plan. Nommer un chef, en l’occurrence un Roi n’est pas un fait banal. On s’est étendu sur cette fameuse Pierre qui sacrait les Rois. Il faut bien prendre en considération qu’il a existé non pas une mais deux Pierres du sacre ici en Pilat. Dans le dossier précédent, nous avons clairement démontré le rôle central que jouait le Pilat à l’époque gauloise et ce au moins jusqu’à -120 ans avant JC. C’est au Crêt de la Perdrix qu’avaient lieu ces Cérémonies du sacre. Nous sommes en pleine symbolique, dans le sacré gaulois. Les peuplades qui constituaient la Gaule, les Tribus, venaient ici faire «reconnaître» lors d’un cérémonial particulier, leur chef, leur Roi à elles. Les druides supervisaient le bon déroulement de cette cérémonie et la Pierre du sacre était indispensable.

Maintenant nous vous proposons de regarder de plus près mais brièvement d’autres Crêts juste autour du Crêt de la Perdrix et de s’interroger surtout sur leurs toponymies respectives puisque la Perdrix vient de nous éclairer utilement avec son nom même.

Ce bref voyage comme vous pouvez le visualiser sur la carte ci-dessus, nous vous le proposons du Crêt de l’Œillon au Crêt de la Chèvre. Si le Crêt de l’Airellier sur lequel nous ne reviendrons pas, reste le moins connu, le Crêt de l'Œillon, à l’opposé, s’avère le plus connu aujourd’hui ; c’est le terme là-haut, le plus usité. Au 19ème siècle on nommait ce Crêt plus facilement, l’Aillon. Noël Gardon avance qu’il faut décomposer le mot en deux, à savoir ail et on. Par retournement on retrouve lai, qui signifie la loi et on qui indique alors le cas régime. Aillon il faut donc y voir le lieu où se réunissaient les hommes chargés de fixer les règles à observer durant le règne d’un nouveau chef, d’un nouveau roi.

Ensuite vient le Crêt de Botte, écrit aujourd’hui avec deux t alors que jadis il n’en portait qu’un seul. Pour Gabriel de Fay de la Roche, Bote provient de Bod, le père de la Nature dans la mythologie nordique. En patois local c’est aussi la femelle du crapaud. Cet animal diabolique nous rappelle que le Crêt de Botte est maudit, c’est le pays du froid et de l’épouvante ; une solide tradition nous conte que le bébé des derniers habitants y serait mort gelé.

On passe à présent au Crêt du Rachat qui doit se lire en vieux français ou en patois. On parle alors d’un galeux dans le premier cas et c’est l’autre nom de l’épervier dans le second cas. Maintenant il faut mieux y voir peut-être le parler local car lorsque la ménagère allait chez le boucher elle demandait un morceau de rachat, et c’était tout simplement de l’échine de porc. On se trouverait donc ici avec l’échine du Pilat, l’épine dorsale d’une histoire de monstre.

Avant d’arriver au Crêt de l’Arnica faisons une halte au Crêt de l’Etançon qui doit son nom curieux au col du même nom mais ce nom ne s’explique que par du merveilleux à nouveau. Effectivement il y aurait ici même un étang souterrain et comme cela sonnerait creux lorsque l’on tape du pied on dit que l’Etang sonne.

Le Crêt de l’Arnica n’est séparé du suivant le Crêt de la Chèvre que de 250 mètres ; parfois les cartes les assimilent. Il faut faire appel à l’hébreu, un nom fort ancien, pour décrypter l’Arnica par har nika : la montagne de la justice.

Alors que dans une époque ancienne la Chèvre se dénommait le Crêt Piala, autrement dit le Crêt du Pilat mais notons que l’on évoque qu’une seule Chèvre, un gardien de Trésor, là encore et comme d’ailleurs pour la Perdrix, ou le crapaud avec Botte il y a aussi une notion de trésor.

Si le Crêt de la Perdrix et le Crêt de l’Airellier proposent indéniablement des connotations sacrées de par les traditions ou légendes qui les entourent, il n’en est pas réellement de même pour les autres petites histoires parvenues jusqu’à nous à propos des autres Crêts que nous venons ensemble de visiter mais il fallait le faire pour s’apercevoir que ce n’est pas non plus neutre que les appellations toponymiques proposées. Maintenant pour clore nos visites dans le vaste pays sacré du Pilat, nous allons nous rendre aux Roches de Marlin.

La Pierre qui Chante

Les Roches de Marlin, jadis orthographiées Merlin, se perdent sur les hauteurs de trois communes du Pilat, à savoir Longes (69), Sainte-Croix-en-Jarez (42) et enfin Châteauneuf (42). Pour s’y rendre il suffit de stationner sa voiture au hameau de Marlin et d’entreprendre à pied environ 1 kilomètre en direction des Roches ici en question. Même si un chemin digne du nom traverse le site de part en part, il n’y a pas d’explications sur place et nous croyons bon aussi de signaler que la nature prend le dessus sur les vestiges ; bientôt certains seront ensevelis ! Pourtant ces dernières années le site a été médiatisé en passant par exemple au journal de 13 heures de TF1 et régulièrement sur celui de France 3 Région. En balade pédestre, Les Roches de Marlin, s’accommodent bien avec un trajet les reliant à la Chapelle de Jurieu et pour finir ou plutôt pour commencer, c’est comme on veut, à l’ancienne Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez.

Les Roches de Marlin, à la différence de La Pierre des Trois Evêques, sont très visitées chaque année. Les lieux sont sympathiques même si pour certains envoûtants. La bruyère et les genets se partagent une grande partie du territoire et y gisent pourtant ici ou là de gros mégalithes dont la star des lieux, la Pierre qui Chante. En 2016 Eric Charpentier a publié un ouvrage de référence, « De Sainte-Croix aux Roches de Marlin, sur les traces d’une Géométrie Mégalithique ». Il a mis en évidence la présence d’un tracé régulateur voulu par des bâtisseurs d’un autre temps et mettant clairement en évidence que le site de l’ancienne Chartreuse était lui-même il y a de cela des milliers d’année un site mégalithique. Nous sommes encore là dans le domaine du sacré et l’implantation même du monastère se justifie presque par ce qui y était en ces temps forts reculés.

Ce travail complètement novateur a bouleversé les discours en circulation jusque-là puisqu’il y a encore quelques décennies on partait du principe, largement ancré par un songe féerique et religieux qui nous disait que les Pères Chartreux étaient venus s’installer sur un terrain où avant eux aucune construction n’avait vu le jour. Depuis l’archéologie a mis en évidence une occupation antérieure. Eric Charpentier va même bien plus loin car outre une occupation aux temps mégalithiques il a présenté un autre travail validant la présence d’un Malus en époque mérovingienne.

Dans le livre de 2016, l’auteur démontre patiemment les liens que les architectes du mégalithe ont pris en compte entre des nombreux mégalithes des Roches de Marlin et des point clefs de la Chartreuse telles les 4 tours, le puits, le centre du petit cloître… etc. Comme à la Pierre des Trois Evêques, ici à Marlin, rien n’a été laissé au hasard par ces bâtisseurs du sacré. Il persiste donc un mystère pour comprendre comment en ces époques extrêmement lointaines l’Homme était capable de mesurer avec une précision renversante des distances de plusieurs kilomètres en l’occurrence ici entre l’avant monastère il y a près de 6 à 8000 ans et ces roches qui paraissent, pour certaines, complètement naturelles à savoir non bougées par l’Homme. Bien sûr à l’échelle de la planète on est loin d’avoir expliqué d’autres mystères de ce type et encore plus majestueux. Nous ne citerons que la construction des pyramides ou encore les mystérieuses statues de l’île de Pâques arrivées là où elles sont on ne sait comment.

Nos trois dossiers ont eu pour vocation a bien établir que le Massif du Pilat est sacré pour les Hommes depuis la nuit des temps et que ces sites majeurs que sont entre autres La Pierre des Trois Evêques où Les Roches de Marlin, eh bien ces lieux ont persisté très longtemps dans les croyances religieuses ou populaires. On peut se demander pourquoi un site comme Marlin sorti tout droit du paganisme n’a jamais été christianisé voire détruit. Mieux il semblerait que lors de leur sortie hebdomadaire, le spaciement du lundi, le parcours pédestre des Pères Chartreux empruntait et traversait curieusement le site plusieurs fois millénaires. La religion du Christianisme a épousé des précédentes, s’accommodant bien ainsi d’anciennes croyances. On citera ici l’autel des chapelles ou des églises qui n’est autre qu’un héritage du Dolmen. D’ailleurs on n’hésite plus à dire et à écrire que le grand Bernard de Clairvaux était aussi un druide dissimulé.

Le Massif du Pilat est truffé de sites mégalithiques ; des dizaines et des dizaines de chercheurs les arpentent chaque année et pourtant aucun n’est encore complètement reconnu par les organismes officiels. On progresse nettement maintenant grâce notamment à une collaboration saine et fructueuse entre la DRAC, Le Parc du Pilat et l’Association des Pierres et des Hommes ; c’est tant mieux et vraiment super ! La Tradition Primordiale ne s’est jamais perdue en route. Le flambeau discret, même pour partie secret, a toujours été porté et longtemps par les Grandes Familles, dont étaient issus des druides, des Chevaliers Templiers, des Pères Chartreux …


Epilogue

Voici un EPILOGUE qui n’a rien d’une conclusion, ni d’une synthèse des trois dossiers successifs proposés à votre lecture. A la vérité, il nous tenait à cœur de mettre en relief certains travaux aussi remarquables que solidement ancrés dans notre terrain de prédilection. De découverte en découverte, lesdits travaux s’acheminent vers la parution, à terme, d’un ouvrage promis à trouver toute sa place le moment venu dans la bibliothèque des novices comme des passionnés du Pilat. Je veux parler, là, des recherches de notre Ami Pierre-Bernard Teyssier à propos des Atesui, une peuplade gauloise dont quelques traces ont subsisté, entre autres, dans la toponymie locale, au-travers des Atheux de Saint-Romain-les-Atheux, des Atheux de Saint-Héand, comme dans l’appellation d’une commune du Nord-Ardèche : Saint-Jacques-d’Atticieux. Voilà déjà quatre ans qu’un tel sujet a fait l’objet d’une rubrique des Regards du Pilat, puis d’un article, la même année, dans le bulletin numéro n°24 (10 pp.) du Groupe Archéologique Forez-Jarez. Depuis cette année 2020, Pierre-Bernard n’a cessé d’enregistrer des avancées confortant significativement ses hypothèses de départ. Ses conclusions, qui ne sont toujours pas définitives, s’imposent comme novatrices et susceptibles de bouleverser bien des idées reçues jusque-là.

Qui étaient donc (ou qui seraient) ces Atesui ? La trace la plus ancienne, une des rares du reste, émane de Pline l’Ancien (23/79 apr.J-C). Les Atesui figurent, en effet, dans la liste des peuples cités par cet homme d’Etat, naturaliste et géographe et ce aux côtés des Turons et des Ségusiaves. L’ethnonyme Atesui se traduira ultérieurement chez certains auteurs par « Atésuens » ou « Etusiates ». Pierre-Bernard, après avoir fouillé de toutes parts à leur sujet, se pose aujourd’hui une question qui ressemble étrangement à une réponse. Elle se trouve singulièrement reliée à la linguistique gauloise. Ainsi, certains noms de personnes ou de peuplades avérés dans le sud des Alpes ont beaucoup taquiné sa curiosité. Il s’est notamment aperçu que « Vesubiani » avait évolué vers « Esubiani », que « Vesuavius » avait donné « Esuvius », etc. Alors, partant de là, pourquoi n’est-ce pas « Vatesui » qui aurait fini par aboutir à « Atesui » ? Nos (V)atesui, de la sorte, n’hésitent plus guère à se dévoiler comme des « vates » ou ovates, des druides-devins et sacrificateurs, sur l’étude  desquels les historiens ont aujourd’hui beaucoup avancé.

Notons-le, au passage : un tel épilogue, par sa portée, nous entraine, à l’évidence, à une vision du territoire qui, en incluant le Jarez, dépasse sensiblement les limites couramment fixées à notre Pilat. Ceci, néanmoins, n’est plus pour nous surprendre. En effet, ces dernières années, plusieurs historiens, dont feu Bernard Rémy, de l’Université de Grenoble, avaient déjà fait résolument franchir le Rhône aux Allobroges, jusqu’à la Pierre-des-Trois-Evêques, voire au-delà. Quant aux Arvernes et à leurs « clients », les Vellaves, nul n’ignore où leur alliance avec les Allobroges, contre Rome, les conduisit en l’an 121 av.-J.C. : au désastre magistral de la bataille de la Confluence, celle, en l’occurrence, du Rhône et de Isère. Quant à Feurs, à ce-moment-là, cette petite bourgade n’était pas encore le « Forum Segusiavorum », la capitale des Ségusiaves qu’elle devint sous Auguste.  Dans ces conditions, le point de vue développé, arguments crédibles à l’appui, par Pierre-Bernard, pourrait bien nous amener, dans un proche avenir, à accueillir favorablement ces (V)atesui, dans les « Monts Cémènes », comme une sorte d’élite « sacrée » ayant exercé une fonction spécifique (religieuse ?) à la jonction - au sein d’une fédération (?) - des Allobroges, des Vellaves, des Arvernes et des Ségusiaves. Une telle vision des choses n’aurait finalement guère pour surprendre après ce qui a déjà été dit et répété dans nos trois rubriques précédentes.

De nombreux historiens l’ont désormais admis : les druides (druides, (o)vates ou bardes), loin d’avoir eu partie liée exclusivement avec l’arrivée en Gaule des Celtes, les y auraient, en fait, précédés depuis des temps immémoriaux. Tout ceci est lourd de sens. Le Massif du Pilat, « marches » comprises du Jarez, ne cesse, au gré de nouvelles recherches, d’apparaitre comme un « sanctuaire », un territoire investi et protégé par une sorte d’élite, intellectuelle et/ou spirituelle. Ceci, bien avant les Celtes, sans doute. Depuis quand, alors ? Serait-ce depuis le Mésolithique, voire auparavant ? Percerons-nous un jour l’énigme, qui sait ?



Pline l’Ancien

Fin de la troisième et dernière partie


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