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Le Moulin à Vent
site archéologique majeur du Pilat






Présenté par
Patrick Berlier






Mai
2021



Le samedi 6 mars 2021, une bonne partie de l'équipe et des amis des Regards du Pilat était réunie pour une découverte du site du Moulin à Vent, sur la commune de Pélussin. En raison du contexte sanitaire, nous avons naturellement tenu à suivre les consignes en vigueur, et avons divisé la troupe en groupes de six, le port du masque et le respect des gestes barrière étant vivement recommandé. Parmi les hôtes de marque, on notait la présence du sympathique archéologue écossais Rob Hope, qui réside dans les environs de Pélussin. Rob a réalisé de nombreux films documentaires, dont un sur le Pilat. Autre invité, Michel Peyrard est venu avec son drone pour prendre des vues aériennes du site.

 

Rob Hope

 

C'est Georges Pétillon qui, dès la création du Parc Naturel Régional du Pilat, fit connaître le site du Moulin à Vent. Ce passionné d'archéologie fut le premier directeur adjoint du Parc. Il avait effectué de nombreuses recherches sur le terrain, et mené plusieurs campagnes de fouilles. Il réalisa l'une des premières publications du Parc, un ensemble de fiches archéologiques qui connut deux versions, l'une pour le grand public sous le titre Si le Pilat m'était conté, l'autre à l'attention des chercheurs, des enseignants, des associations et des élus. Cette seconde version, complète et détaillée commune par commune, est simplement intitulée Fiches archéologiques. Dans la fiche n° 7 de la commune de Pélussin, voici comment l'auteur présente le site du Moulin à Vent :

« Face à Pélussin, au Sud du ravin du Régrillon, un éperon, très abrupt au Nord, beaucoup moins au Sud, est appelé le Moulin à Vent à cause des ruines circulaires d'un moulin à vent. Mais cet éperon est ceinturé de murailles au dessin complexe, souvent doubles ou triples. Peu épaisses sur le versant abrupt, elles le sont beaucoup plus sur le versant Sud où elles font parfois près de 10 m de large pour 3 m de haut. À l'intérieur, on peut voir de nombreux fonds de cabanes. Certaines sont incluses dans la muraille. Une d'elles, encore presque intacte en 1970, a été complètement démolie par les enfants qui viennent y jouer. Partiellement enterrée, elle possédait une voûte en encorbellement, un foyer avec cheminée débouchant sur le toit et deux niches dans les murs. Les enfant continuent d'ailleurs à démolir les murs.

J'ai fait, avec Dominique Bonnaud, un relevé de la partie la mieux conservée, qui est celle bordant les vignes, où les paysans ont entretenu les murailles. Il semble bien qu'on se trouve en présence d'une architecture militaire celto-ligure commandant la route de piedmont. Une portion de cette route a un pavage parfaitement visible, bien qu'elle soit très embroussaillée (portée 11 sur le plan cadastral). J'ai trouvé au pied des murailles des fragments de céramique noire et grise mais aucune trace d'occupation gallo-romaine. »

La route évoquée par ce texte est la voie antique reliant Pélussin à la vallée du Rhône. Elle descendait dans la vallée du Régrillon qu'elle devait franchir par un gué, ou par un pont, remplacé par le pont actuel, puis remontait sur le coteau opposé en passant très près du Moulin à Vent, continuait par la Morcellarie, les Collonges, Gencenas, la chapelle Saint-Claude, Volan, et arrivait dans la vallée du Rhône au nord de Saint-Pierre-de-Bœuf. Cette voie est encore visible en de nombreux endroits, parfois bordée par un alignement de pierres.

 

La voie antique au niveau de la Morcellarie

 

Voici le relevé effectué par Georges Pétillon. Ce plan fut publié entre autres dans la brochure Il était une fois le Pilat.

 

Le relevé de Georges Pétillon

 

Parmi ceux qui se rendirent sur le terrain dans les années qui suivirent, avec le plan de Georges Pétillon en main, l'un des premiers fut notre ami Jacques Patard. Avec le talent qu'on lui connaît, Jacques dessina une vue cavalière du site, réalisée d'après ses propres observations. Voici cette vue :

 

Le relevé de Jacques Patard

 

Jacques remet à tous les participants présents le 6 mars une photocopie de cette vue perspective. Puis il nous invite à une découverte pédestre du site. Nous empruntons tout d'abord le tracé de l'ancienne voie de la Galoche, puis un sentier à gauche permettant d'accéder au Moulin à Vent. Une première roche se présente sur un talus à droite. Une petite ascension nous permet de constater qu'il s'agit d'une « pierre à meules », comme il y en a beaucoup dans la région. Ces pierres datent du Moyen-Âge et ont servi à extraire du filon de granite des meules de moulin, de tailles diverses. Celle-ci présente quatre ou cinq traces d'enlèvement de meules, dont deux de petite taille, probablement des meules à aiguiser. Cette pierre témoigne de l'occupation du site à l'époque médiévale.

 

La pierre à meules

 

Et puisqu'on parle de dates, essayons un peu de déterminer à quelles époques le site du Moulin à vent a été occupé par l'homme. Georges Pétillon raconte comment les fouilles menées sur le sud du site ont ramené divers matériels, dont des silex taillés :

« Au Sud des murailles, dans un léger vallon où se trouvent plusieurs puits et sources, le terrain a été labouré très profond pour planter la vigne et des arbres fruitiers. Ces labours ont remonté des silex. J'en ai ramassé un certain nombre, sans qu'on puisse dire qu'il y a des points de concentration. Beaucoup de gens sont venus en ramasser et ils sont devenus rares. Ce sont de très petits silex, façonnés pour la plupart à partir de lames tronquées. J'ai trouvé aussi quelques outils faits à partir de calcédoine et une pointe en quartz ainsi que de petits nucléi montrant que la matière première venait de galets ramassés au bord du Rhône.

Il est difficile de fixer une époque simplement par typologie, pour les échantillons ramassés en vrac et remaniés par les labours. Cependant, on peut penser à une longue occupation allant au moins du mésolithique à la fin de l'Âge de la Pierre, donc antérieurement à la construction des murailles toutes proches. »

 

Dessins de quelques uns des silex trouvés par Georges Pétillon

 

Le mésolithique est une période préhistorique allant de 12000 à 6000 avant notre ère. Mais les témoignages les plus anciens retrouvés par les fouilles, menées dans les années 70, sont des pointes de flèches du micro-moustérien, autrement dit d'une époque remontant à 60000 ans avant notre ère. Ce serait la plus ancienne trace d'habitat dans le Pilat.

Sur le site on trouve également une pierre creusée d'un grand bassin, regardant le soleil levant. Trois petites croix y ont été gravées, soit pour la christianiser, soit pour matérialiser des limites de propriétés. Cette roche mégalithique remonte quant à elle à l'Âge de Bronze, vers 3000 à 2000 avant notre ère. Le grand bassin sert occasionnellement de barbecue, comme en témoignent les restes de cendres et de charbons de bois encore présents au creux de la cavité. Telle était peut-être, dès l'origine, la destination de cette pierre : servir à allumer un feu, face au soleil levant le jour du solstice d'été, selon un rituel observé en maints endroits du Pilat.

 

Deux vues de la pierre à bassin

 

Les observations de Georges Pétillon permirent de constater qu'après une occupation de plusieurs millénaires, le site fut abandonné au moment de l'occupation romaine, puisqu'on n'a découvert aucun matériel datant de cette époque. Il fut en revanche à nouveau occupé dès le haut Moyen-Âge. Jacques nous entraîne ensuite à la découverte des murailles, qui remontent à l'époque gauloise. Une rampe était aménagée pour accéder au site depuis le sud. Cette rampe existe toujours, bien qu'elle soit envahie de broussailles. Jacques et Thierry sont venus deux jours avant pour tout nettoyer, la rampe est parfaitement nette.

 

La grande rampe d'accès, vue de l'intérieur du site

 

Dans la muraille à gauche, nous remarquons qu'une petite niche a été aménagée, sorte de guérite qui devait accueillir un veilleur. On peut imaginer qu'à l'origine un toit, en pierres ou en branchages, protégeait le gardien, assis sur un banc de pierres toujours visible.

 

Niche dans l'épaisseur de la muraille

 

La rampe nous conduit finalement dans le champ bordant le site au sud et au sud-est. C'est là que l'on trouve les plus grosses murailles, impressionnantes par leur largeur. Des cases sont aménagées dans l'épaisseur des murs. Il y en avait deux, représentées par le plan de Georges Pétillon, l'une à l'ouest et l'autre à l'est de la rampe. Celle de l'ouest, la plus petite mais aussi la mieux conservée, encore visible dans les années 80, a disparu aujourd'hui. Il reste heureusement celle de l'est, la plus grande, avec encore une bonne partie de sa voûte en encorbellement.

 

La plus grande case, à l'intérieur de la muraille

 

Nous passons dans le champ voisin. Pour remonter sur la muraille, nous utilisons la petite rampe, moins d'un mètre de large, ménagée dans l'épaisseur du mur. Une autre rampe analogue permet de descendre de l'autre côté. Quant au mur, il est impressionnant par sa régularité.

 

Rampe montante et descendante

 

Nous voici à nouveau à l'intérieur des murailles. Nous cheminons sur certaines d'entre elles, pour rejoindre le sentier faisant tout le tour du site. Voici les ruines du moulin à vent qui lui a donné son nom. Ce n'est plus qu'un tas de pierres, informe. De quelle époque date-t-il ? Et quel était le nom du lieu avant ? Pour répondre à ces questions, il faut faire appel aux cartes anciennes. Rien sur la carte dite d'État-Major de la fin du XIXe siècle, rien sur le cadastre napoléonien. C'est finalement la carte de Cassini qui va fournir l'information. Entre Éparvier et la Viale, apparaît le nom Le Coma. Avec un symbole, ressemblant un peu à un palmier, figurant un moulin. Il est penché, pour signifier que lorsque cette carte a été levée, à la fin du XVIIIe siècle, le moulin était déjà en ruines. Le Coma apparaît donc comme l'ancien nom du site. En vieux français, comme en patois forézien, coma signifie « chevelure, crinière, toison ». C'est un mot qui paraît venir du grec komêtês qui a donné le français « comète », l'astre chevelu. Mais peut-être avait-il une autre signification en langue celtique ?

 

Extrait de la carte de Cassini

 

Jacques nous montre ensuite la cabane évoquée par Georges Pétillon, celle qui de son temps fut démolie par les enfants venant y jouer. Elle était aménagée dans l'épaisseur d'une muraille. Mais aujourd'hui, il est bien difficile d'en apprécier la forme et les dimensions. La voûte a totalement disparu, et l'élévation du niveau du sol a totalement gommé toute trace de l'intérieur de la case, qui devait être rectangulaire. Pour finir la visite, Jacques nous entraîne vers les « enclos », fermés de murettes, dans lesquelles sont aménagées des portes. Les pierres sont parfaitement appareillées, et ce travail soigné contraste avec les pierres simplement empilées des autres murailles. Sans doute cette partie-là n'est-elle pas aussi ancienne que les autres.

 

Jacques à l'entrée d'un enclos

 

Après avoir fait tout le tour du site, nous sommes de retour dans le pré qui le sépare de l'ancienne voie de la Galoche. Le drone vient alors doucement atterrir. Il a survolé toute la zone, tout seul, obéissant à sa programmation, prenant des quantités d'images. Nul doute que prochainement un nouveau film viendra enrichir la belle collection de vidéos proposées par Michel Peyrard.

 

Le drone nous survole




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