Le
Moyen-Âge, sur le sol de notre futur hexagone, a livré son lot de
valeureux Chevaliers. Sans nul doute, Olivier de Termes fut de ceux-là.
Ce héros, car il en est un, mérite amplement à lui tout seul, ce
sujet, et les raisons que nous découvrirons, sont nombreuses. C'est un
personnage historique à part entière et pourtant les livres d'Histoire
ne lui ont que rarement rendu hommage. Avant de nous lancer dans
l'écriture de ce présent article, nous avons studieusement lu,
l'ouvrage de Gauthier Langlois, paru en 2001 : Olivier de Termes, Le
cathare et le croisé. Ce livre passionnant et rigoureux a le mérite de dépoussiérer
un passé éloigné dans lequel la vie de cet homme a failli disparaître,
en tombant dans un oubli définitif ou presque.
Olivier est né dans une famille aux aspirations
religieuses cathares et ce, aux alentours de l'an 1200. C'est important
de notifier cette mention religieuse tout de suite car une bonne partie de sa vie,
jusqu'en l'an 1257 exactement, Olivier de Termes va régulièrement
servir cette cause. Sans être animé d'une Foi criante, il puise ses
origines familiales dans cette mouvance religieuse très implantée en
occitanie et notamment là où il est né en Razès, au château de Termes
très certainement. Très jeune quand débute la croisade des Albigeois
(1209-1229), il sera très marqué par cet épisode qui verra sa famille et
notamment son père lourdement sanctionné suite à sa rédition lors du long siège du château de Termes. Le paternel va se voir
confisquer tous ses biens et peut-être même qu'il est mort dans
les prisons des croisés, mais là il y a débat.
Le clan des de Termes n'était probablement pas
cathare à proprement parler mais défendait selon le moment, de près ou
de loin, les Parfaits et apportait régulièrement soutien aux faidits qui leur le rendaient bien.
Les faydits ou faidits sont les Chevaliers et les Seigneurs
languedociens qui se sont retrouvés dépossédés de leurs fiefs et de
leurs terres lors de la croisade des Albigeois. Ils furent partie
prenante dans la résistance occitane menée contre l'occupation des
croisés venus du nord. Ainsi Olivier aura chroniquement des querelles,
voire prendra part à des combats militaires contre les forces de
l'Eglise catholique et plus largement encore contre le Roi de France.
Les armes seront étroitement liées à sa véritable destinée faisant de
lui un expert en ce domaine, un Chevalier reconnu pour sa bravoure et
son sens tactique du combat autant que du siège. A ce titre, il savait reculer lorsque le
combat était perdu d'avance, ceci à la limite de la déontologie
chevaleresque qui incite plutôt elle, à combattre coûte que coûte.
Olivier, va bon gré mal gré, se doter d'une
solide réputation, celle d'un moteur, d'un meneur d'hommes. A travers
les siècles qui suivront sa vie, l'image véhiculée sera tantôt celle
d'un héros, celle d'un diplomate voire d'un traître. Les historiens
vont faire évoluer cette image en fonction des époques, même s'ils
l'ont surtout passé longtemps sous silence car de son vivant il fut longtemps un farouche
adversaire de l'Eglise catholique et à ce titre cette dernière ne pouvait lui faire reluire
l'habit du téméraire Chevalier qui épousait des causes nobles et pieuses. Olivier
de Termes n'hésitait pas à accepter une trêve, ou une capitalation et
très rapidement derrière reprenait les armes contre son adversaire
d'hier. Courageux, tenace, déterminé, il l'était.
Il s'engageait et s'investissait pleinement pour ses causes, laissant
sa vie de famille plus qu'au second plan, sa femme Thérèse, fut une grande
oubliée dans tout cela.
A la différence de bien de ses contemporains,
souvent
amis, ou plus près encore son frère Bernard, avec lequel il a
longtemps composé un duo et qui est mort au combat, Olivier a lui
réussi toute sa vie à passer entre les mailles du filet si
l'on peut dire, réussisant toujours tôt ou tard à reprendre des biens
qu'on lui avait confisqués et mieux à s'éviter de perdre la vie.
Si l'on peut s'interroger sur certaines de ses postures qui l'ont vu
reculer devant l'ennemi, on ne peut pas dire de lui qu'il n'était pas
loyal avec ses amis ou anciens amis, oeuvrant souvent pour leur cause
ou le rétablissement de leurs droits perdus contre les croisés en
l'occurence ou la Royauté plus tard.
Château de Quéribus aujourd'hui
Progressivement, les décennies passant,
l'éteau va se réduire puis se refermer et il n'aura d'autre choix que
de rejoindre la cause catholique. Au départ, c'est plus par raison que
par croyance, qu'il va se rapprocher de l'Eglise de Rome. Saint
Louis, le Roi de France va même habilement faire en sorte qu'Olivier de Termes
soit le véritable animateur du siège de Quéribus, le dernier château
cathare considéré comme fief des hérétiques. Olivier remplira cette
mission non avec zèle mais avec l'efficacité qui lui était connue
alors et le succès royal sera total puisque dans la foulée les
dernières fortifications cathares tomberont également. Plus tard, une
véritable amitié et beaucoup de confiance, vont s'instaurer entre ce
Roi de France, Saint Louis et Olivier de Termes.
Saint Louis part en Croisade
Le Roi de France partait outre mer d'Aygues-Mortes
A partir de là, sa vie va changer. Nous sommes
en 1257 et il se retrouve du côté du plus fort, lui qui a toujours
livré des combats de l'impossible. Mais le Chevalier de Termes ne
l'entend pas de la sorte et le combat reste toute sa vie, à ce moment là
encore.
Auparavant, de 1248 à 1255 il va se rendre en Terre Sainte et
participera même avec Saint Louis, à la première croisade de ce
dernier. Durant sa vie Olivier va se rendre 5 fois, 5 périodes
variables quant à leur durée respective, en Terre Sainte,
en outre mer comme on disait à l'époque. Il y occupera différentes
fonctions, toutes vouées à combattre contre les musulmans. La croisade
de Saint Louis sera une cuisante défaite, le Roi sera même prisonnier
et relâché moyennant une forte rançon payée par les Templiers. Le Chevalier qu'il
était
jusqu'au bout des ongles sera beaucoup marqué par cette lourde
défaite militaire. Il occupera surtout
là-bas la fonction de Capitaine des Forces françaises, certains le
voient avoir peut-être refusé la fonction de sénéchal par humilité.
En s'arrêtant encore un peu sur la période où
il défendait clairement ou implicitement les cathares, on se souviendra
que son camp et lui-même persécuteront aussi des entités
religieuses fidèles à Rome, s'octroyant des bénéfices injustifés par
exemple sur l'Abbaye de Lagrasse. A contrario et à l'approche de la
60aine, il va alors commencer à accorder des libéralités, des avantages
à ces mêmes structures catholiques. A ces époques le salut de l'âme
n'est pas un vain mot. Non seulement ses quinze dernières années de vie, Olivier
de Termes va oeuvrer pour s'ouvrir les portes du paradis mais il va
délibéremment et presque exclusivement servir Dieu, ceci justifiant son
engagement non forcé cette fois en Terre Sainte. Pour servir sa
dernière cause, celle directement tournée vers Dieu, il a beaucoup
vendu de ses biens pour financer notamment des tiers qui
l'accompagnaient. Son unique fils, Raimond, du prénom de son grand-père
paternel, le père d'Olivier donc, paraît lui en avoir voulu,
considérant qu'il dilapidait sans doute le patrimoine familial. Dans
son testament, Olivier va même freiner d'éventuelles largesses en
direction de son fils, réduisant au minimum l'héritage, préférant même
octroyer des avantages à l'Eglise au détriment de son héritier. Son
Suzerin majeur était le Roi Saint Louis et il lui donnait par
testament son Château princiapl, celui d'Aguilar, là où Olivier a certainement le plus
vécu durant sa vie car il est vrai qu'il a beaucoup voyagé. En
ajoutant toutes les périodes, on considère qu'Olivier de Termes a vécu
près de 25 ans à Aguilar.
Château d'Aguilar aujourd'hui
Mais revenons en Terre Sainte. En ces années
1260/1265, la situation des
croisés autour et dans Saint Jean d'Acre est devenue presque
catastrophique. Le Royaume de Jérusalem, amputé de la ville Sainte de Jérusalem depuis des
décennies, semble déjà perdu, il n'est plus que peau de chagrin et
seul un miracle pourrait encore renverser les forces en présence. Ce
miracle Olivier de Termes a bien cru qu'il arrivait lorsque Saint Louis
en
1267 annonce qu'il va reprendre la Croix et lancer sa seconde croisade
après celle de 1248 qui se termine très mal on l'a vu. La logistique, les hommes
et l'argent font défaut cette fois,
l'enthousiasme n'est plus là. Il faudra trois ans au Roi de France pour
concrétiser ce qui sera finalement qu'un semblant de Croisade. Saint
Louis y perdra la vie à Tunis victime d'une épidémie. Charles d'Anjou son frère,
qui va le remplacer, quittera précipitament la place et seul le Roi
d'Angleterre se rendra finalement à Acre, non pour combattre mais pour
se rendre compte par lui même de la situation désespérée et aussi
donner un peu de moral aux troupes encore sur place et dont Olivier de
Termes reste le dernier rempart pour les forces royales
françaises.
Nous sommes là dans les prémices du concile oecuménique de
Lyon, deuxième du nom qui se tiendra à partir de mai 1274 sous
l'autorité du Pape Grégoire X, fraichement élu en 1272. Ce dernier
vivait depuis 6 mois en Terre Sainte lorsqu'il fut appelé à tenir la
fonction suprême. Bien renseigné sur la situation plus que chaotique,
le Pape va
tout faire pour sauver les croisés et ardemment préparer le
renversement de la situation. Ce concile va accoucher d'une souris, en
étant pourtant le plus grand qu'ait rassemblé la chrétienté en termes
de participants (+ de1500 participants). La Croisade bien qu'à l'ordre
du jour, ne sera pas prêchée. Les Templiers feront tout par
l'intermédiaire du Grand
Maître Guillaume de Beaujeu pour maintenir la trève avec les musulmans
et faire échouer la Croisade à laquelle Grégoire X ne croyait plus
également.
Olivier de Termes va décéder en août 1274,
durant le concile par conséquent, sans jamais avoir connu
l'aboutissement de ce dernier. On ne sait pas comment il est mort mais
sûrement pas au combat car il n'y avait plus de combat à ce moment-là.
Il avait près de 75 ans, un bel âge pour l'époque aussi une mort
naturelle ou une maladie semble être à retenir. Il se serait battu
jusqu'au bout pour la cause chrétienne, lui qui maitrisait les techniques militaires musulmanes ayant dans
sa jeunesse déjà combattu les Maures victorieusement de l'autre côté des Pyrénées.
Il souhaitait vivement être enterré en Terre Sainte, mais il n'en fut
rien, sans doute parce que sa sépulture aurait pu être rapidement
profanée.
C'est un Seigneur
pilatois qui va le remplacer comme capitaine des
Forces françaises mais seulement à partir d'octobre 1275 : Guillaume de
Roussillon. Longtemps Olivier de Termes avait rêvé d'un Languedoc
autonome, libre, indépendant. Paradoxalement, il sera ultérieurement le
premier serviteur du Roi de France qui a permis justement que ce
Languedoc auquel il était tant attaché soit rattaché à la couronne de
France : une sacrée
leçon de vie, lui qui a justement vécu plusieurs vies en une seule,
pratiquement toujours du côté du plus faible, un vaillant Chevalier de
l'impossible ...