Dossier Mars 2012


VALFLEURY

Trésors et curiosités d’un petit village entre Pilat et lyonnais



Par PATRICK BERLIER


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Lorsque l’on monte vers le Pilat à partir de Saint-Chamond, arrivé à Chavanol on peut prendre le temps d’admirer la vue sur la vallée du Gier et les monts du Lyonnais. Au-delà de Saint-Chamond, derrière la première ligne de crête on devine la vallée de la Durèze, parallèle à celle du Gier. C’est là que se cache le village de Valfleury, invisible, ne se découvrant que lorsqu’on y arrive, si près du Pilat pourtant. C’est un bon prétexte pour s’y intéresser.


PETITE HISTOIRE D’UN GRAND LIEU DE DEVOTION

Ce modeste village doit sa célébrité au sanctuaire marial qu’il abrite, fondé suite à la découverte d’une statue de la Vierge aux alentours de l’an 800. Un soir de Noël, des bergers eurent leur attention attirée par un bouquet de genêts miraculeusement fleuris dans la neige. Et au cœur de ces genêts, près d’une source, les attendait une petite statue de la Vierge, en bois sombre. Ils la rapportèrent chez eux, à Saint-Christo, où elle trouva sa place dans l’église. Mais le lendemain la vierge était retournée dans son vallon sauvage. Alors on décida d’élever un oratoire à cet endroit. Bien vite quelques chaumières vinrent l’entourer. Ainsi est né le val fleuri. Puis rapidement la réputation de sa Vierge et de sa source draina vers lui les chrétiens des environs, les premiers miracles s’accomplirent. Mais le temps passant, on négligea les miracles du val fleuri.

Ce sont les Lazaristes, installés à Valfleury depuis la fin du XVIIe siècle, où ils ont succédé aux Bénédictins, qui ont relancé un pèlerinage un peu tombé dans l’oubli. Le curé de la paroisse était désigné par le diocèse de Lyon, et choisi parmi les membres de leur communauté. Généralement c’était son supérieur. Le succès du pèlerinage doit beaucoup à James Lugan, supérieur des Lazaristes et curé de la paroisse, qui à partir de 1840 passa 28 ans de sa vie à Valfleury. Authentique aristocrate languedocien, originaire des environs de Montauban, le comte James Lugan fit construire la nouvelle église, s’adressant à celui qui allait devenir le maître d’œuvre de Notre-Dame de Fourvière à Lyon, le « prince des architectes », Pierre Bossan. C’est le style néogothique, alors très à la mode, qui fut adopté pour la nouvelle église ; Pierre Bossan en était l’un des spécialistes, et avait déjà réalisé dans ce style, quelques années plus tôt, l’église Saint-Georges à Lyon. Sur ce nouveau chantier, il fut secondé par l’architecte lyonnais William Léo.

La première pierre fut bénite le 22 mai 1853. Le devis prévisionnel se montait à 35 000 Francs. De cette somme, rien ne fut demandé ni à la commune ni au département, mais le devis s’avéra très vite dépassé. « Je croyais que les ressources, que Dieu mit entre ses mains, auraient suffi », écrivait le Père Lugan le 14 juillet 1854, en sollicitant l’aide du Préfet de la Loire, par une lettre toujours conservée aux Archives Départementales de la Loire. « Le pays se trouve en une disposition si extraordinairement difficile qu’il faut payer le double de tout ce que l’on peut prévoir », précisait-il pour se justifier. Le Père Lugan ajoutait : « J’ai dépensé trente sept mille francs, il en faut encore vingt », avouant ainsi avoir investi à titre personnel toute sa fortune dans l’entreprise. Son appel à la générosité ne rencontra semble-t-il aucun écho du côté du département. Il ne trouva pas la totalité des 20 000 Francs manquants. Faute de crédits, les travaux finirent par s’arrêter. Quand le Père Lugan quitta Valfleury, seuls l’abside et le chœur étaient achevés.

Son successeur Antoine Nicolle obtint en 1860 du pape Pie X le couronnement de la Vierge de Valfleury, insigne honneur accordé aux statues miraculeuses, qui relança la piété et favorisa de nouveaux financements. Le Père Nicolle en avertit la préfecture de la Loire par un courrier en date du 22 décembre 1860, pour la forme car pas un centime n’était demandé au département. Ce courrier est également conservé par les Archives. On y constate que le Père Nicolle assortissait sa signature des trois points qui, dans la franc-maçonnerie, caractérisent le grade de maître. Le nouveau curé de Valfleury était visiblement membre d’un « réseau » discret, grâce auquel il n’eut aucun mal à trouver le financement nécessaire. Le Préfet lui répondit favorablement cinq jours plus tard, l’autorisant à ouvrir une liste de souscription. Toutes les grandes familles d’industriels de la vallée du Gier et du bassin de Saint-Étienne y adhérèrent : les Marrel et les Fleurdelix à Rive-de-Gier, les Granjon et la famille de Boissieu à Saint-Chamond, les Balaÿ et les Giron à Saint-Étienne, pour ne citer que les principales d’entres elles. Le Père Nicolle supervisa la construction de la nef et de la façade, et pour les sculptures il fit appel bien entendu à Joseph-Hugues Fabisch, le sculpteur officiel du diocèse de Lyon. L’église fut consacrée en 1866. Parallèlement, le Père Nicolle avait créé l’œuvre de la Sainte-Agonie, archiconfrérie qui se répandit dans le monde entier et comptait au début du XXe siècle plus d’un million d’adhérents.


Joseph Courtade, qui lui succéda de 1871 à 1873, s’occupa des aménagements intérieurs, les boiseries en particulier. Il fallut attendre 1880 pour voir commencer à s’élever le clocher, et 1885 sa haute flèche en pierre terminée. On doit ces travaux à Pierre Souchon, supérieur de Notre-Dame de Valfleury et curé de la paroisse de 1880 à 1888. Mais les travaux se poursuivirent en réalité jusqu’en 1899. Entre temps, en 1872, Pierre Bossan avait démarré le chantier de Fourvière, puis sa santé l’ayant rapidement amené à quitter Lyon pour la Ciotat, où il devait décéder en 1888, c’est son disciple et successeur Sainte-Marie Perrin qui acheva la construction de Fourvière et de Valfleury.


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Valfleury aujourd’hui

Flânons dans le village. L’endroit reste agréable, même s’il a perdu sa fervente fréquentation de jadis. Les magasins de « bondieuseries » qui lui donnaient l’allure d’un petit Lourdes ont disparu, mais il subsiste un peu partout des décors surannés qui témoignent de l’ancienne magnificence. À l’entrée de l’église, voici une œuvre en haut-relief, réalisée par Fabisch pour orner le tympan. Elle représente la Vierge à l’Enfant, couronnée par deux anges, assise sur un tertre fleuri, vers lequel se dirigent à gauche un pèlerin, un handicapé appuyé sur ses béquilles, une mère et son enfant, et à droite un agriculteur et son bœuf.

Pénétrons dans l’église où nous sommes accueillis par une tête de démon… Cela nous rappelle certes quelque chose : Rennes-le-Château, vous avez dit Rennes-le-Château ? Mais l’on sait désormais que le fait n’est pas si exceptionnel que ce que l’on croyait à une époque. Et puis contrairement à son homologue Asmodée, le diable de Valfleury a l’air plutôt sympathique, car il offre étonnamment un visage souriant, malgré ses grandes oreilles pointues et ses yeux en escarboucles.


Les vitraux de la nef proviennent de l’atelier Mauvernay, réputé vitrailliste de ce temps et de cette région, célèbre pour ses bleus. « Regards du Pilat » s’est déjà intéressé à lui lorsque nous avons étudié les vitraux de Véranne, en particulier celui du mariage de la Vierge, dont on trouve ici une autre variante. Ceux du chœur et de l’avant-chœur sortent quant à eux de l’atelier Barlon, à Grigny (Rhône). Les seconds illustrent les litanies de la Vierge au moyen de 20 médaillons porteurs de symboles et de devises latines. Notons tout de même que ces vitraux-là ont été dessinés par le Père Antoine Nicolle.

Les stations du chemin de croix attirent notre attention. Elles offrent la particularité de représenter des cavaliers romains, tout comme celles (entre autres) du chemin de croix de Notre-Dame de Marceille, dans l’Aude, qui sont dues à un certain Marc Louis Emmanuel Solon, fabricant de statues et d’ornements d’église à Paris dans le troisième quart du XIXe siècle. Solon était semble-t-il le créateur de modèles originaux, reproduits ensuite par moulage, et dont on retrouve la production un peu partout en France. Divers détails permettent de conclure que le chemin de croix de Valfleury est lui aussi de Solon, qui devait sans doute être l’un des fournisseurs attitrés des Lazaristes.

Il y a aussi dans le chemin de croix de Notre-Dame de Valfleury des détails curieux, qui raviraient notre ami Daniel Dugès, auteur de Entre la rose et l’équerre, où il traque une société secrète paramaçonnique ayant laissé des traces un peu partout. En effet à la station IV un personnage, qui brandit deux des clous de la croix au-dessus de l’auréole de Jésus, reproduit subtilement le geste bien connu du « Grand Architecte » traçant de son compas l’orbe de la terre. Là encore, l’ombre d’une fraternité paramaçonnique et catholique semble planer sur Valfleury.


L’église de Valfleury se complète par un ensemble calvaire et chemin de croix champêtres, réalisé en 1881 sous le supériorat de Pierre Souchon, conçu et dessiné par le Père Forestier, construit par Jean-Marie Voron, maître-maçon et rocailleur, et agrémenté de statues en terre cuite sortant de l’atelier de Fabisch. Tout au long d’un sentier bucolique longeant le Jardin des Pères, le pèlerin pouvait se recueillir dans une suite d’édicules en rocaille, véritables petites grottes construites à peu de frais avec des résidus industriels, scories de hauts-fourneaux et déchets de verreries, mêlés à des cailloux trouvés sur place. Leur décor particulièrement « kitsch » était alors très à la mode. Après le calvaire, très ressemblant à celui de Saint-Irénée à Lyon, réalisé par le même Fabisch, le pèlerin pouvait poursuivre sa pérégrination par un chemin de croix monumental, implanté tout au long de l’Allée des Pères : quatorze croix dont les socles sont ornés de bas-reliefs en fonte, sortant des réputées fonderies d’art du Val d’Osne, à qui l’on doit aussi les décors « art nouveau » des entrées de métro à Paris, et les célèbres « fontaines Wallace. »

Tous ces oratoires souffrent aujourd’hui des outrages du temps et de la désaffection des fidèles ; ils ont pourtant attiré des milliers de pèlerins dans les années qui ont suivi leur implantation. À tel point que cet ensemble calvaire et chemin de croix de Valfleury s’est doublé en 1900 d’un rosaire, procédant du même principe et du même art, voulu par le Père Jean-Marie de Bussy, en poste de 1899 à 1903. Ce rosaire composé d’une suite de quinze édicules en rocaille a été réalisé par le même entrepreneur. Il est orné de bas-reliefs de Fabisch, et illustrant les quinze mystères du Rosaire, c’est-à-dire les épisodes de la vie de la Vierge. L’artiste étant décédé en 1886, ces bas-reliefs n’étaient évidemment pas une création originale, mais plutôt sans doute des moulages provenant de son atelier. On peut regretter cependant les « restaurations » naïves qui n’ont fait qu’empâter les sculptures, par la superposition des couches de peintures, et l’emploi de couleurs particulièrement criardes et tape-à-l’œil.


La déambulation champêtre aboutit à une tour néogothique, tout en haut du coteau, d’où la vue magnifique permettait de découvrir la région dans son ensemble, jusqu’à Lyon. À condition de ne pas souffrir du vertige ! Aujourd’hui la végétation envahissante a quelque peu réduit cette vue.


Chose étonnante, jusqu’à une époque récente les habitants de Valfleury n’avaient pas de nom officiel. On employait volontiers le mot « couflachures » pour les désigner, terme issu du patois et signifiant littéralement « gonfle chèvres ». Les autochtones avaient en effet jadis la réputation de frotter les pis de leurs chèvres avec des orties pour les faire enfler, et ainsi donner l’illusion de pis bien remplis, ce qui pouvait leur permettre d’en tirer un meilleur prix aux marchés aux bestiaux. Il a fallu un referendum pour remplacer ce terme peu élogieux par le gentilé officiel « Valflorentins ».


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Il est à présent temps de retrouver notre nouvel invité, notre ami et aventurier, Philippe Monteil.












Philippe Monteil est professeur de mathématiques. Etudiant, il a travaillé sur les modèles de temps en sciences fondamentales. Passionné de préhistoire et de spéléologie, il cherche à comprendre les mystères de la Terre. Dans cet esprit et comme l'entretien vous en donnera un aperçu, c'est un touche à tout. Avec rigueur et détermination il s'implique pleinement dans ses multiples entreprises. A présent nous vous laissons faire plus ample connaissance.

1/ Bonjour Philippe. Vous avez de multiples cordes à votre arc. Comment vous définiriez- vous pour commencer et ce en rapport à vos passions ?

Simplement curieux, avec un goût pour l'aventure, une envie de comprendre le monde qui m'entoure, mes confrères et moi-même. D'abord étonné et passionné par les mathématiques (j'ai malheureusement encore du mal à cerner la mathématique, un langage ludique ou 11 peut aussi bien valoir 3* que 6*, et qui en plus d'être ludique nous donne accès aux secrets de la nature), je me suis intéressé aux regards scientifiques, et enfin historiques. Depuis mes 14 ans je me suis intéressé aux grottes et à l'Ardèche méridionale en particulier, l'exploration du monde souterrain et les découvertes et études qui s'en suivent m'ont permis de croiser tous ces centre d'intérêts.

*(11 en base 2 signifie 1x2 + 1 unité soit 3, en base 5, 11 indique 1x5 + 1 unité soit 6, les ordinateurs  comptent en base 2 et les chinois avec leur bouliers en base 5, les mésopotamiens eux  comptaient en base 60 avec leur 5 doigts d'une main pour 5 douzaines et leur douze phalanges de l'autre main, le pouce étant le pointeur et malgré plus de 5000 ans qui nous sépare de cette civilisation nous comptons notre temps toujours ainsi...) voir Georges Ifrah, Histoire universelle des chiffres, 1994.

 2/ Vallon Pont d’Arc est comme un second chez vous. Quel attrait si fort vous anime concernant ce lieu ?

D'abord les paysages sculptés par le temps et la force de l'eau, puis un terrain d'aventure parcouru dès l'adolescence. Cette potentialité, offerte dans les régions karstiques, de découvertes de paysages géographiques souterrains encore inconnus anime en moi une curiosité et un engagement motivant.

Enfin j'ai trouvé beaucoup de richesses et d'amitiés dans les rapports humains, dans et autour de l'association le Césame (http://cesame.ardeche.free.fr/) qui fréquente cette région depuis les années 60.


 3/ Vous vous êtes beaucoup intéressé à la Grotte Chauvet. Qu’en est-il exactement ?

La grotte Chauvet est pour moi le meilleur exemple de la richesse de ce patrimoine karstique. Le jour de la découverte de ce site par mes amis spéléos ardéchois, j'étais juste au-dessus avec mon épouse dans les falaises du Cirques d'Estre à la recherche d'un aven que je voulais revoir. Mais nous n'avions pas la même motivation et, alors que l'équipe de Jean-Marie trouvait ce joyaux mondialement connu aujourd'hui, nous nous n'avons même pas retrouvé notre aven et nous avons profité du soleil hivernal ardéchois…

Plus tard quand j'ai appris la découverte de cette grotte, je suis tout de suite descendu à Vallon, seul je suis allé sur ce site que je connaissais bien pour m'imprégner une dernière fois de cette ambiance. J'ai tout de suite compris que cela allait être le déclic pour une autre histoire. Le monde allait porter son regard vers ce site. J'en étais en même temps ravi et un peu apeuré. Qu'allait-il advenir de notre terrain de jeux ?

Nous nous doutions que cela allait finir par arriver et nous le cherchions un peu. Avec le Césame, en 1990 pour le centenaire de la Préhistoire nous avions publié un film « les Gorges de l'Ardèche aux origines de l'Art » et la découverte de la grotte Chauvet venait confirmer ce travail.

(Voir  http://www.culture.gouv.fr/culture/arcnat/chauvet/fr/)

L'intérêt que nous y portons aujourd'hui (scientifiques, politiques et citoyens) me motive et m'encourage. Les efforts de protection, d'études et aujourd'hui de restitution des vestiges que recèlent cette cavité me donnent une touche d'optimisme au milieu de tous les délires orgueilleux des modernes angoissés que nous sommes devenus. Bien sûr le moteur de ces investissements sont les plus anciennes et les mieux conservées des représentations artistiques préhistoriques, mais l'étude pluridisciplinaire de cette cavité amène une réflexion paléontologique, karstologique, éthologique même qui apporte beaucoup d'éléments de réponse à la compréhension et la connaissance de l'ensemble du massif. J'espère que ces travaux feront dates et que d'autres vestiges moins flamboyants suivront aussi ce chemin de la protection, de l'étude et de la restitution.

Le compte-rendu de ma visite de la grotte chauvet sur http://cesame.ardeche.free.fr/?p=69)


4/ L’activité de spéléologie est un autre de vos virus. Comment est né votre intérêt pour ce ‘sport’ bien particulier ?

Cette activité n'est pas pour moi un sport. Bien sûr cela demande un engagement physique et des connaissances techniques pour la progression sur corde et dans un milieu hostile à l'homme, mais la spéléologie est avant tout une école de l'humilité, du bonheur de se dépasser, et d'avancer de façon raisonnée. En effet dans cette activité plus on progresse, plus le retour sera long. Il faut se fixer des objectifs ambitieux mais accessibles pour le groupe. C'est une aventure humaine merveilleuse qui permet son lot de surprises, de découvertes…

Cela apprend à rester humble face à la puissance de la nature mais aussi face à la beauté des formes sculptées ou agencées. Et surtout c'est une école de liberté, une fois les contraintes et le respect du milieu acceptés...

De plus le croisement des regards de préhistoriens, d'historiens, de géologues, de karstologues, de passionnés que l'on trouve dans le milieu spéléologique, est une richesse incomparable. (voir http://ffspeleo.fr/)

Notre activité nous amène à construire des hypothèses que l'exploration spéléologique valide ou anéantit. C'est très intéressant, très grisant et suivi de la découverte de réseau c'est très valorisant.

Il me paraît que nos sociétés modernes vont trop vite en oubliant le passé. L'histoire ancienne ou plus récente se perd dans l'instantanéité contemporaine de notre existence. Aussi les vestiges (géologiques, paléontologiques, préhistoriques ou historiques) encore observables sur et sous terre dans le milieu protégé des grottes sont pour moi une priorité pour parvenir à la compréhension du monde. Et leur mise en valeur pour le grand public afin de prendre conscience de notre histoire est le chemin vers la continuité de notre humanité.

 5/ Pour rester dans vos voyages partons l’espace de cette question dans les Pyrénées. Cette grande région appartient à votre quête souterraine, que pouvez-vous nous en dire ?

Malheureusement je n'ai pas eu la chance de parcourir cette immense barrière montagneuse qui barre l'accès terrestre vers le sud. C'est uniquement dans les Pyrénées Atlantiques, plus précisément à la Pierre Saint Martin, haut lieu de la spéléologie connu et reconnu dans le monde entier que nous avons hérité d'un espace de « jeux ». Depuis les années 50 le monde souterrain de ce massif est exploré et de grands explorateurs y ont laissé un bout de leur histoire (voir http://www.arsip.fr/).

Depuis plus de vingt ans nous passons avec quelques amis, une quinzaine de jour en altitude à la frontière espagnole pour explorer ce massif. Notamment le gouffre des Partages (plus de 80 km de réseau depuis la jonction en 2008 avec le réseau de la Pierre Saint Martin) dans lequel nous avons vécu des moments exceptionnels et inoubliables lors d'expéditions de plusieurs jours loin, très loin du brouhaha superficiel de la surface. J'ai commencé à ce sujet un travail de rédaction de quelques unes de nos aventures mais cela n'a pas encore abouti.

 6/ Le temps d’une Histoire. Tel est le titre du livre que vous avez publié voici quelques années. Comment vous est venu l’idée de prendre la plume et de quoi nous parlez-vous dans cet ouvrage ?

Lors de ma quête de modèles mathématiques pour représenter le monde, j'ai été confronté au modèle linéaire continu du temps qui m'apparut trop simpliste en rapport à ce que je ressentais. Aussi j'ai lu de nombreux ouvrages de géologie, de paléontologie, de préhistoire, de biologie, de physique théorique, de mathématiques, de sciences cognitives, …. je cherchais à accéder à un modèle temporel plus proche de ce que j'observais entre hasard, structures et complexité. Mais mon manque de culture, ma difficulté à accéder aux ouvrages philosophiques incontournables sur un tel sujet, ne m'ont pas permis d'accéder à cette quête. Il fallait revoir mes ambitions, être plus modeste alors j'ai écris une synthèse de ces lectures en essayant de dévoiler la beauté et la fragilité de cet équilibre entre hasard, structures et complexité. Le temps d'une histoire raconte brièvement et de façon très accessible l'histoire de la terre, de la vie, et des hommes en particulier. Cette histoire est volontairement réduite à une échelle d'un an. Une année durant laquelle le 1er janvier se forme une planète pour arriver le 31 décembre à minuit aux modernes angoissés. Si certains lecteurs sont intéressés, il m'en reste encore quelques exemplaires et je suis ouvert à toute proposition de réédition.

7/ Nous arrivons sur votre territoire de vie : le Pilat. Vous qui avez étudié l’époque, que pourriez- vous nous dire ou nous apprendre sur le Pilat mégalithique ? Pierre Juthon demeure un site ancestral remarquable. Quels commentaires vous inspire t-il ?

Il me semble que l'humain a toujours voué un lien profond avec la roche. D'abord matière première pour ses outils, la roche devient support de ses images mentales avec l'art pariétal, frontière entre plusieurs mondes : jours/nuits, avant/après, esprit/matière... Puis, avec la sédentarisation au néolithique, la relation avec la roche change. Cette frontière devient « mur ». La roche est utilisée comme protection, d'abord des morts puis des vivants. Taillée elle devient hache, meule, pierres de construction. Transformée par la chaleur, elle se métamorphose pour donner le métal, le béton.

Dans le Pilat, cette roche est une des plus anciennes de France du point de vue géologique. Ces affleurements rocheux sculptés par le temps, ces « chirats » désertés par le monde végétal, marquent les paysages et ont du interpeller les hommes. De plus la situation géographique du Pilat entre le Rhône et la Loire en fait un lieu particulier, frontière hydrologique sur la ligne de partage des eaux entre l'Atlantique et la Méditerranée. Alors certainement les occupations humaines ont eu un lien fort avec ce massif. Malgré les difficultés dans la conservation, quelques vestiges d'époques reculées ont été retrouvés dans le Pilat. Mais vu la difficulté de lecture, peu de préhistoriens ont étudié de près toutes ces traces. En contrepartie, beaucoup de passionnés se sont engouffrés dans l'interprétation peut-être moins objectives sur de nombreux sites.

Aussi pour mieux comprendre ce Pilat mégalithique il faudrait s'intéresser de près rigoureusement et objectivement à quelques sites qui me paraissent emblématiques comme le Menhir du Flat, Saint Sabin, ou le Moulin à Vent ces travaux nous permettraient d'affuter notre regard pour mieux appréhender d'autres sites remarquables comme les Trois Dents, Pierre Juthon, Château Bélise, ou les Roches Merlin... En tout cas cela me paraît un travail important, passionnant mais de longue haleine difficile à mettre en route efficacement dans notre contexte actuel. Il faudrait s'appuyer sur des regards de spécialistes extérieurs via des structures  reconnues dans le domaine (Labo universitaire, Musée de Saint Roman en Gal ?) et trouver quelques moyens pour financer ce genre de projet.

Mais, en tout cas, il y a de la matière sur le sujet dans le Pilat.


 8/ En octobre 2011 vous avez présenté une conférence sur les meulières du Pilat. Qu’avez-vous à nous dire sur ce sujet méconnu ?

Voilà justement un exemple de vestiges anciens oubliés qui méritent protection, étude et mise en valeur. Ces sites d'extraction de meules (des dormantes pour la plupart) nous racontent une histoire ancienne. Suite à une rencontre avec Colette Veron qui réalise une thèse sur les meulières en Ardèche et a publié un article dans Ardèche Archéologie, une revue de la Fédération Ardéchoise de Recherche Archéologique et Préhistorique en Ardèche (http://www.farpa-ardechearcheologie.fr/), j'ai pris contact avec son directeur de thèse, Alain Belmont, universitaire du Laboratoire de Recherche Historique en Rhône Alpes, qui a pris en charge la réalisation d'un inventaire européen des meulières. Je l'ai renseigné sur les sites du Pilat (http://larhra.ish-lyon.cnrs.fr/Database/Meuliere_fr.php). Après de nombreux échanges nous sommes arrivés à des conclusions très intéressantes. L'ensemble des recherches et observations que nous avons pu réaliser montre que nous disposons dans le Pilat de meulières tout à fait remarquables abandonnées et oubliées depuis fort longtemps. D'après les diamètres observées, la plupart sont forcément antérieures aux XIIIème-XIVème siècles.

Il reste aujourd'hui, un travail important de sauvegarde, d'étude et de mise en valeur à mener afin que ce patrimoine, lié à une première activité quasi industrielle dans le Pilat et à l'histoire du pain en europe, ne tombe pas à nouveau dans l'oubli. Voir l'article dans le prochain Danl'tan revue de l'association Visages de Notre Pilat (http://visagesdenotrepilat.com/).


 
9/ La Fête du Livre de Roisey. Vous avez été un acteur notoire dans le renouveau de cette manifestation. Comment voyez-vous l’avenir de ce moment annuel particulièrement convivial ?

Depuis 2004, nous avons créé une association pour reprendre l'organisation de cette manifestation. Et nous avons réussi pour la 8ème année consécutive à organiser différentes actions et les journées du livre le 1er week end de juin, afin de dynamiser la lecture et le livre. Nous travaillons avec beaucoup d'écoles du canton et nous efforçons de resserrer nos liens avec les bibliothèques locales.

Cette année le thème fil conducteur est la littérature policière. Il se peut bien qu'il se passe quelque chose de surprenant dans la région et il faudra mener l'enquête, jusqu'au premier week end de juin où nous vous espérons nombreux à Roisey. (http://www.livre-ensemble.fr/)

Merci Philippe pour la richesse de toutes vos réponses.

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