NOVEMBRE 2020



ENTRETIEN-INTERVIEW


Un noble combat ... trop mal connu ...





De nombreux lieux en France font l’objet de luttes pour éviter les implantations d’éoliennes industrielles. C’est le cas du Parc Naturel Régional du Pilat. La Forêt de Taillard est malheureusement sur le point de voir arriver 10 de ces mastodontes répartis sur les communes de Burdignes et de Saint-Sauveur en Rue ; restons optimistes car pour autant le combat continue et deux recours ont été déposés cet été. La commune de Doizieux se sent menacée au même titre. Nous avons l’honneur d’accueillir sur nos colonnes les représentants de l’association Vent du Pilat, représentée par leur présidente, Laurence Richard et leur Trésorier Alexandre Rainoldi. Cette association créée depuis plus de 8 ans (mai 2012), se bat avec courage pour préserver des paysages inviolés et pourtant situés juste à côté de crêtes classées patrimoine paysager national. Cet entretien-interview fait le point sur la situation et plus largement sur les arguments portés par Vent du Pilat.






1/ Les Regards du Pilat : Bonjour. Quelle est votre première motivation de vouloir préserver coûte que coûte votre commune, Doizieux, de l’implantation de 4 à 6 éoliennes industrielles, de 180 mètres de hauteur ?

Vent du Pilat : « on ne possède pas la terre, on l’emprunte à nos enfants ». Partant de là et surtout du fait que nous nous retrouvons dans un Parc Naturel Régional, il est pour nous inconcevable de défigurer pour toujours cette magnifique nature, poumon vert de l’agglomération stéphanoise et lieu de villégiature du grand Lyon.


N'hésitez pas à faire un humble don

2/ Les Regards du Pilat : Est-ce là la seule raison qui vous pousse toujours et encore à cette lutte déséquilibrée, celle du pot de terre contre le pot de fer ?

Vent du Pilat : Non, d’autres arguments complètent notre détermination. L’arrivée d’éoliennes industrielles ici à Doizieux c’est aussi impacter les sources, la faune, la forêt, le tourisme, en un mot détériorer l’environnement au premier sens du terme.

3/ Les Regards du Pilat : Il est régulièrement mis en avant par les ‘promoteurs’ d’éoliennes industrielles et ceux qui les soutiennent que cette source d’énergie pourrait remplacer le nucléaire ou tout du moins le réduire considérablement. Qu’en est-il selon vous ?

Vent du Pilat : le nucléaire représente plus de 75 % de notre consommation nationale et c’est un leurre que de faire croire que l’éolien industriel pourrait palier de manière réelle et concrète cet état de fait ; à l’heure où de plus on continue massivement à exporter du nucléaire. L’éolien fonctionne grâce au vent et ce dernier ne souffle bien entendu pas en permanence. L’Allemagne qui a énormément développé son parc éolien est devenue le premier pollueur d’Europe en termes de rejets de CO2 dans l’atmosphère. Lorsque l’éolien ne peut pas fonctionner en raison de l’absence de vent, les Allemands font inévitablement appel à l’énergie de substitution issue de leurs centrales à charbon. Le nucléaire est certes un confort mais il convient de continuer à chercher la meilleure solution pour traiter ses déchets, principal argument mis en avant par ses opposants. Des progrès pourraient voir le jour en ce sens.

4/ Les Regards du Pilat : On se focalise donc, peut-être trop facilement, sur ces deux seuls moyens que sont les éoliennes industrielles et le nucléaire pour produire de l’électricité. Croyez-vous en l’existence et en l’efficacité d’autres moyens ?

Vent du Pilat : Oui, bien sûr. On doit valoriser le bois, l’eau, pourquoi pas les éoliennes personnelles d’1,50m de hauteur ou un peu plus, sans oublier et ce n’est pas un souhait utopique, l’économie d’énergie dans une société où la surconsommation, le gaspillage ne sont pas de vains mots. Le photovoltaïque utilisé raisonnablement peut aussi être une solution complémentaire.

5/ Les Regards du Pilat : Vous luttez contre des promoteurs financièrement puissants. Comment faites-vous pour de votre côté rivaliser sur un plan financier.

Vent du Pilat : C’est très difficile ; nos moyens sont très limités. Depuis toutes ces années, nous nous efforçons toujours et encore de sensibiliser les populations concernées par l’arrivée potentielle de ces éoliennes industrielles. On les verrait de très, très loin. Sur le secteur concerné, la commune de Pélussin serait dominée par ces monstres. Nos ressources financières proviennent exclusivement des adhésions et des dons en faveur  de notre association.

 

6/ Les Regards du Pilat : Le Préfet de la Loire, dument informé du dossier a refusé ce projet de Doizieux. Il n’a pas jugé opportun de diligenter une enquête publique et pourtant à l’heure où nous vous recevons vous êtes au tribunal. Pourquoi ?

Vent du Pilat : Effectivement le promoteur éolien a fait appel de la décision du Préfet auprès de la cour administrative d’appel de Lyon. Cette requête relance justement et curieusement une enquête publique. L’association Vent du Pilat a dû par la force des choses, entrer dans cette procédure afin de pouvoir suivre le dossier car il faut bien comprendre qu’une telle démarche à la base c’est seulement l’Etat et le promoteur éolien qui sont concernés. Actuellement toutes les conclusions ont été rendues et on attend donc la décision de la cour d’appel.

7/ Les Regards du Pilat : Est-ce que nous pouvons dire que votre lutte est encore trop mal connue et plus largement la cause des anti-éoliennes industrielles trop mal comprise ?

Vent du Pilat : oui, complètement. Nous rencontrons régulièrement des personnes qui nous disent des phrases du genre ‘mais il n’y aura pas d’éoliennes sur Doizieux’ ou encore des personnes convaincues du bien fait des éoliennes industrielles et qui ne connaissent pas l’envers du décor. Il faudrait par exemple que ces personnes regardent la ligne CSPE de la facture d’électricité. Cette ligne, ce montant en % est important et d’année en année il ne cesse d’augmenter : c’est par ce biais là qu’est financé l’éolien industriel  tout comme le photovoltaïque. L’éolien n’est pas une électricité peu couteuse.

Quant à notre lutte, à proprement parler, elle aurait besoin d’être largement diffusée auprès des citoyens, mais il demeure difficile de sensibiliser les gens. Les gens ont d’abord leurs soucis personnels, une vie bien remplie et peu de temps à nous consacrer ; ensuite il leur paraît tellement invraisemblable qu’un jour prochain des éoliennes industrielles hautes de 180 mètres, deux fois l’antenne de l’Œillon, puissent être implantées ici en Pilat (Parc Naturel Régional) qu’ils n’accordent pas toujours l’importance souhaitée à nos arguments. Nous souhaiterions tellement que les citoyens se posent plus de questions, comme les méfaits des infrasons, les centaines de tonnes de béton justifiés pour l’installation d’une seule éolienne, la destruction de certaines espèces comme celle des chauves-souris, la déforestation, les incendies toujours possibles … Enfin, il faut souligner qu’une éolienne dispose d’une durée de vie d’une quinzaine d’années. Que deviendront-elles ensuite ?


Une éolienne c'est plus de 1000 Tonnes de béton

8/ Les Regards du Pilat : Avez-vous d’autres moyens pour informer la population ?

Vent du Pilat : Nous possédons également un site internet pour diffuser l’information auprès des habitants, faire connaître notre lutte, signer la pétition, adhérer à notre association pour la modique somme de 10 euros. Voici les coordonnées : https://ventdupilat.monsite-orange.fr/

9/ Les Regards du Pilat : Les risques d’incendie concernant les éoliennes industrielles restent toujours et encore d’actualité. En septembre 2020, un incendie tout proche de Doizieux, à la Valla en Gier s’est déclaré nécessitant 35 allées et venues en canadair depuis le sinistre jusqu’au Rhône. Quelle est votre réflexion si on imaginait un tel accident sur l’espace où s’érigeraient des éoliennes industrielles ?

Vent du Pilat : Dieu merci il n’y a pas d’éoliennes à la Valla en Gier mais en imaginant ce même type d’incendie sur Doizieux là où certains voudraient implanter des éoliennes industrielles, le feu ne pourrait pas être contenu. Les canadairs ne peuvent pas s’aventurer au-dessus de mastodontes de plus de 180 mètres de haut. Je vous laisse imaginer aisément l’ampleur des dégâts.

10/ Les Regards du Pilat : Le projet de Taillard semble être sur le point de voir le jour. Est-ce encore plus préoccupant pour vous ?

Vent du Pilat : Effectivement et malheureusement il y a maintenant une probabilité forte de voir arriver les 10 éoliennes en forêt de Taillard. Et bien sûr à partir du moment où le parc du Pilat aura été ‘retenu’ une première fois, c’est la porte ouverte à d’autres projets sur ce même sol, celui de notre Parc Naturel Régional. Le principe de précaution n’est pas pris en considération. Maintenant nous nous voulons résolument optimistes car le projet de Doizieux reste une telle aberration. Vous nous direz qu’il en est de même pour celui de Taillard et vous aurez raison, c’est pourquoi plus que jamais nous continuons la lutte et que nous avons besoin de tous les soutiens possibles. Nous nous répétons, mais même modeste, un don reste un don.

11/ Les Regards du Pilat : Avez-vous prévu d’autres manifestations, des interventions plus ponctuelles, dans l’avenir afin de renforcer les moyens qui vous permettent de lutter ?

Vent du Pilat : La crise sanitaire liée au Covid19 nous a imposé le report d’un concert de soutien organisé à Saint-Paul en Jarez. Ce concert exceptionnel de Pilorkestra, devrait voir le jour avec l’ensemble des clarinettes de Lyon, du jazz, du classique et des musiques de films. Nous espérons vraiment que le public répondra présent ; notre association Vent du Pilat en a tellement besoin.

Les Regards du Pilat : Nous ne manquerons pas de tenir informés nos internautes lorsque cet événement se profilera. Laurence et Alexandre, nous vous remercions chaleureusement pour l’ensemble de vos réponses.



Le village de Pélussin ; à l'arrière plan les éoliennes de Doizieux à la taille réelle



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