La
chapelle Sainte-Marguerite, à
Chapelle-Villars |
Présenté
par
Pascale Turbet Delof |
2021 |
Cette chapelle du Pilat,
nommée la Vieille - chapelle,
m’a toujours interpellée… Pourquoi ne pas l’appeler
par son nom Sainte-
Marguerite ? Pourquoi l’eau
s’obstine-t-elle à imprégner les murs de cette
bâtisse médiévale, malgré les drains et les
enduits rénovés ? Pourquoi la route la
frôle-t-elle de si près ? Autant de questions qui
m’ont incitées à pousser la porte
d’entrée… La voie d’accès, la
voie « royale », se fait par le
chemin antique qui descend du col de Grenouze. Ce sentier
révèle un pavage par
endroit, qui a dû voir passer nombre de pèlerins,
carrioles, écoliers ou
marchands : nous sommes sur une grande voie de communication du
Pilat,
reliant le Rhône et la Loire. Patrick Berlier nous en a fait un
tracé
précis : Ce chemin est bordé
de plantation de sapins qui dissimulent de
nombreux tumulus entourés de vestiges de muraille. Un des
tumulus a un fond de
cabane encore bien préservé. Nous sommes donc sur un site
de rituels
funéraires. Plus bas, des terrasses
rythment la pente entre 2 lacets de
sentier. Ces terrasses sont tenues par de larges murs, parfois à
double paroi.
Nous sommes en présence de construction sans doute
d’époque celte … ? Un front de pierre, ancien
front de taille, borde le chemin. Un
œil imaginatif y découvre la représentation d’un reptile,
un saurien, à l’air
menaçant, ou tout du moins sur le qui-vive !
Energétiquement, il s’agit
d’un gardien du sentier, un esprit de la roche
matérialisé. L’approche de cette
roche est difficile, comme si une force nous repoussait ! A partir de ce gardien, la
chapelle est visible. Nous sommes maintenant
dans son périmètre énergétique et visuel. En continuant la descente,
un puisard attire le regard, sur
la droite du sentier. Une maçonnerie en pierre, fermée
autrefois par une porte
en bois (charnières visibles). De l’eau, dans le creux du
puisard. Une croix de bois, de
taille respectable (environ 1.50m), est
fichée dans le sommet de cette construction. Mais, oh !
stupeur, la croix
a traversé la paroi supérieure et pend au-dessus de
l’eau, sans la toucher ! Maintes fois remise en
place, elle retombe aussitôt … Cette source dégage
une énergie ambivalente : un goût de
métal dans la bouche voire même un goût de sang, une
mémoire de combat et en
même temps une grande lumière, une sorte de feu d’artifice
blanc éclatant
perçue dans les yeux de qui sait recevoir. Quel est ce combat
mené ici ? Pourquoi la croix
perfore-t-elle la voute de pierre ? Veut-elle être
avalée par la source
qui sourd en dessous ? Quel être dégage donc une
telle énergie lumineuse
de puissance et de douceur ? Encore des questions … ! Nous continuons notre
chemin, à l’approche de la chapelle. Nous
sommes maintenant
comme dans une bulle d’énergie, paisible. Nous prenons le temps
de tourner
autour de la chapelle, avant d’y entrer. La route la frôle, la
violente même. Nous
apprendrons, plus tard, que le cimetière entourait la chapelle.
Des ossements
ont été transportés jusqu’au nouveau
cimetière à l’occasion des travaux d’élargissement
de la route. La paroi rocheuse affleure
derrière le chœur de la chapelle.
Du mur, a dû sortir autrefois un filet d’eau, au-dessus de cette
pierre qui
l’éloigne de la paroi. Côté Ouest,
une maison d’habitation, avec ses hangars
agricoles. Derrière, en amont, une boutasse dont l’eau est
tirée pour
l’arrosage du jardin. Elle se trouve dans l’alignement Ouest de la
chapelle. Il est connu de
mémoire d’homme que de l’eau passe sous la
chapelle…D’ailleurs, un bénitier orne cette même
façade. L’eau bénie est bien
là ! La porte Ouest s’ouvre,
clé et serrure remarquables ! Pas
de pierre de seuil comme dans nombre de chapelles romanes (la
pierre de
seuil est un point de décharge, souvent une pierre plate de
belle taille, sur
lequel le pèlerin passe pour se débarrasser de ses
vieilles énergies). Nous descendons
précautionneusement les marches. Nous nous
sentons, au fil de la descente, avec des pieds de plomb… les marches
font donc
office de pierre de décharge ! Sur la gauche, un fond
baptismal en pierre. Il révèle encore
l’emplacement d’un couvercle en bois, rivé au-dessus. Le
couvercle, souvent
octogonal, dynamisait l’eau par son onde de forme. Celui-ci a disparu… Sensation
de traversée
du Jourdain, présence de Saint -Jean le Baptiste… Dans une niche au Sud,
face au fond baptismal, une statue
surplombe la nef : la sainte du
lieu, Sainte-Marguerite. A ses pieds, un dragon noir… ! Mais qui était donc
Sainte-Marguerite ? Ecoutons sa
légende… Sainte Marguerite aurait
vécu dans le courant du IIIè siècle
de notre ère et serait originaire d’Antioche de Pisidie, au cœur
de l’Anatolie,
Turquie actuelle. Selon toute vraisemblance, elle aurait subi le martyr
pour ne
pas avoir voulu abjurer sa foi chrétienne. Sainte thaumaturge
(qui fait des
miracles de guérison), on l’invoque plus particulièrement
pour les maux de
reins et les accouchements. Cette fonction est
à rattacher au principal épisode de sa
vie, rapporté par Jacques Voragine dans « la
légende dorée ». Selon Victorien Leman
(docteur en histoire médiévale),
Sainte-Marguerite aurait eu à affronter un dragon qui la
dévore. Mais la sainte,
ayant été avalée par le dragon, parvient
miraculeusement à s’extraire du ventre
du monstre en s’aidant d’une croix : elle lui ouvre le ventre,
s'en
échappe et le piétine. Elle est souvent associée
à Saint- Michel, l’archange
qui maitrise la force du dragon de terre ! Photo : la croix de
bois de « la
vieille-chapelle » entrant dans le ventre du dragon d’eau,
dragon
noir ! Un peu
d’éthymologie : Marga en celte/gaulois veut
dire argile, il a donné en français, Mare, Marnes,
Marais, etc.. Nombre de
lieux Margarat jalonnent nos monts, que ce soit sous le rocher
du
Dentillon, ou sur les monts du lyonnais, autour de la rivière
Coise. Ces lieux
indiquent que ces eaux étaient sacralisées par de grands
rituels, pour apporter
la bénédiction à de vastes bassins versants. Et la symbolique du
dragon : il
représente la victoire sur le mal. Il y a des dragons
terrestres, aquatiques,
sous-terrain et céleste (Quetzalcoatl). Ce sont les 4 aspects de
la puissance
divine. Chez les Celtes, le
dragon
symbolise le roi sur son trône associé à la foudre
(le feu représente la
fonction royale) et à la fertilité (l’eau = le rythme de
la vie). En Chine, c’est le
symbole de
l’empereur. La perle du dragon contenue dans sa gorge est la parole de
l’empereur. Il vit dans l’eau, fait naitre les sources, produit la
pluie et le
tonnerre. Il est le lien entre la terre et la pluie céleste qui
la féconde. Le dragon est aussi
l’inconscient collectif, la mémoire ancestrale, la puissance
maléfique. Le dragon recrache sa
proie,
ici Ste Marguerite, après l’avoir transfigurée ! Jean-Louis Augay, dans
« La voie
des pierres », parle de la légende alchimique du
dragon qui divulgue,
par sa symbolique, la véritable transmutation de l’homme ! Mais avançons un
peu plus dans la chapelle et
plaçons-nous face à l’ancien autel en bois, disparu
aujourd’hui (encore une
fois, le bois a été utilisé de manière
éphémère). Entre les 2 chapelles
latérales, juste avant l’estrade
actuelle, se trouve un point énergétique fort intense,
que l’on peut nommer vortex. Nous pouvons supposer
que, la
chapelle ayant été agrandie, l’officiant
célébrait à cet emplacement précis. Pénétrons
dans la sacristie : Saint Jacques le Majeur,
coquille sur le front de son couvre-chef. De sa main
démesurée, il bénit le
pèlerin qui marche vers l’eau guérisseuse…Il tient le
livre ouvert, le
livre de la connaissance. Il la transmet ! Face à lui, dans la
sacristie, un petit « lavabo »
en pierre, pour le lavage des mains de l’officiant ; c’est donc
d’ici que
s’écoule l’eau à l’extérieur sur la façade
Est. Il était important
de se laver les mains…Quelles hypothèses
pour cette chapelle entourée d’eau et de sa symbolique ??? Des drains ont
été installés autour du bâtiment, lors de la
rénovation. Les enduits ont été refaits dans les
règles de l’art…Mais l’eau
s’infiltre toujours, laissant des traces sur les dalles, sur les
marches, sur
les murs… Ce chef d’œuvre d’origine
romane, mentionné dès l’an 984,
détruit à multiples reprises (guerres de religion, baron
des Adrets,
révolution, abandon suite à sa désaffectation en
1860…), a été reconstruit
depuis la création en 1984 de l’Association de Sauvegarde de la
Vieille Chapelle,
qui a su, avec ténacité, récolter les moyens et
mettre en œuvre la rénovation
dans les règles du respect du patrimoine (notons que
l’association a vu le jour
pour le 1000ème anniversaire de la chapelle). De ce
fait, l’énergie
de la chapelle est remarquable ! Les vitraux uniques et
emplis de symboles, évoquent les 4
éléments, le passage du matériel au spirituel.
Celui du Sud-ouest
représente la mer, les vagues, une voile de planche à
voile. Ils sont
dans les mêmes tons que les restes de fresques peint dans le
chœur sur le mur
Est. Nous sommes donc face
à un lieu sans doute guérisseur, ou
considéré comme tel, l’eau coulant depuis le Mont Monnet
et le Mont Ministre
étant d’une grande qualité vibratoire. De nombreux
pèlerins sont venus, des marchands, des passants…quels
rituels étaient donc pratiqués à l’emplacement de
la chapelle où l’eau sourdait ? Descendait-on des marches
pour s’immerger dans des fonds
baptismaux païens ? Soignait-elle les maux de reins ? Sa
source rendait-elle
les accouchements plus faciles ? Y pratiquait-on
déjà des
césariennes ? Un certain Monsieur Lazare
aurait été actif et efficace dans
le déblocage de la restauration de la chapelle… Photo : n’est-ce pas
la lumière entrant dans le
tombeau vide ? Par analogie avec la
symbolique de ce nom, nous pouvons nous
poser la question : cette eau redonnait-elle vie aux
bébés morts-nés, le
temps d’un baptême, comme le sont les vierges noires et leurs
sources
associées. Toujours par analogie,
cette fois-ci avec la chapelle
Saint-Sabin à Véranne : bordée de tumulus,
lieu de pèlerinage, sa source
sacrée est bien connue - des fouilles ont
révélé des ex-votos pour des
bébés sans doute morts en bas âge… Que d’hypothèses
que nous laisserons en suspens (terme qui
trouve son origine dans le droit canonique, désignant un
ecclésiastique
suspendu de ses fonctions), le temps de rassembler d’autres
éléments… Moyen en quoi, la date
fixée par l’Association pour les
concerts à l’intérieur de la chapelle, retenue
« par hasard, pour ne pas
concurrencer d’autres fêtes pilatoises » est le 3ème
week-end
de juillet. Notons que dans le calendrier, Sainte Marguerite est
fêtée le 20
juillet ! Quelle justesse ! Pascale Turbet Delof,
le 29 avril 2021 www.aufildelaterre.fr Je remercie
sincèrement
l’Association pour la sauvegarde de la vieille-chapelle ainsi que ses
membres Je remercie Pierre
Dumas, qui
a su, par ses photographies, donner vie à mes propos. |