RUBRIQUE
SAINT-GRAAL

Janvier 2017












Par
Michel Barbot


<RETOUR AU SOMMAIRE DE LA GRANDE AFFAIRE>



...ET L'ABBÉ GILLARD AU COEUR DU GRAAL RALLUMA LA FLAMME...

 

À Patrick Lelièvre, l’élément déclencheur qui me permit
de véritablement découvrir les mystères de la forêt de Brocéliande.

 

En cette année 1940, l’abbé Henri Antoine Marie Gillard se trouve près de Rodez où il vient de se faire démobiliser. Sa « drôle de guerre », ainsi qu’il la nomme, se termine avec cette fin peu glorieuse qui avait suivi la débâcle de l’armée française devant les troupes allemandes. Comme tout bon citoyen de la République, en âge de porter les armes, il avait revêtu l’uniforme ainsi que le rapportent ses amis.

Ce Breton, avide de connaissance, décide, avant de regagner la Bretagne où son ministère ecclésiastique l’attend, de visiter cette région qu’il ne connaît pas. C’est ainsi que de l’Aveyron il passe en Ariège et monte à Montségur. Cet homme à la curiosité débordante ne pouvait que faire de belles rencontres et c’est ainsi qu’il se retrouva dans le département de l’Aude et fit l’ascension  de Rennes-le-Château, la colline inspirée. Le nom même de cette commune ne pouvait que lui rappeler le nom de la Rennes bretonne…

Voici ce que Jean Markale écrit sur le sujet dans son livre Rennes-le-Château et l’énigme de l’or maudit (Éditions Pygmalion) :

« Il est allé à Montségur, où le thème du Saint-Graal, lié à la forteresse cathare, n’a pas été sans influence sur l’intérêt qu’il manifesta ensuite pour les romans dits arthuriens et pour ce mythe majeur de l’Occident. Et il m’avait parlé d’un village de l’Aude où, autrefois, un modeste curé avait complètement restauré son église paroissiale en ruine, voulant faire de ce village une sorte de lieu de pèlerinage satisfaisant à la fois ses préoccupations religieuses et les intérêts des habitants du pays. En somme, l’abbé Gillard avait découvert là-bas la vocation du tourisme religieux et culturel qu’il allait, dans les années qui suivirent, mettre en pratique à Tréhorenteuc, haut lieu de la Brocéliande légendaire. Et ce là-bas, je ne l’avais pas compris à l’époque, c’était tout simplement Rennes-le-Château. »

Nous pouvons imaginer l’abbé Gillard s’arrêter longuement dans la petite église rennaise, devant le diable supportant le bénitier. Bien entendu, ce diable lui rappelle un autre diable dans sa Bretagne natale. À l’orée de la légendaire forêt de Brocéliande dans l’église de Campénéac un diable soutient la chaire du prédicateur…

 

Le diable de l’église de Campénéac

(Photos Christian Lelièvre 2003)

 

Le diable de Campénéac condamné à supporter l’Évangile, pourrait dater de l’année 1850, année de la reconstruction de l’église, alors en ruine. Certains chercheurs le disent plus ancien et avancent qu’il se trouvait dans le précédent édifice. D’autres supposent qu’il s’agirait de la copie d’une précédente statue placée dans l’édifice primitif. Sophia Raymond dans son magnifique roman Le Cercle de Dinas Bran (Éditions Les Presses de la Cité – 2015), émet l’hypothèse suivant laquelle la statue aurait été commanditée par le dernier seigneur de Trécesson...

 

La fresque (le CYCLE DE LA TABLE RONDE) réalisée par Monsieur Hervé QUIDU en 1995. Le peintre y plaça sous le nom de Campénéac, le diable de Campénéac

 

Quelques chercheurs pensent que ce diable serait une représentation du druide Merlin présenté dans la tradition bretonne comme le fils d’une vierge chrétienne et d’un Duz, démon de la mythologie celto-bretonne. Dans le conte MERLIN AU BERCEAU (BARZAZ BREIZ du Vicomte Hersart de la Villemarqué – 1867), le petit Merlin veut consoler sa mère :

« Taisez-vous, ma mère, ne pleurez pas, je ne vous causerai aucun chagrin – Dors donc, etc. –Mais c’est pour moi un grand crève-cœur d’entendre appeler mon père un Esprit noir. – Dors donc, etc. – Mon père, entre le ciel et la terre, est aussi brillant que la lune. »

Le diable que l’abbé Gillard observa à Rennes-le-Château n’était pas Merlin ou son Duz de père, il s’agissait dit-on d’Asmodée, le gardien des trésors…

Jean Markale ne relate aucunement la visite de celui qui deviendra son Maître spirituel sur la colline inspirée. L’abbé ne fut apparemment guère loquace sur le sujet. N’est-il pas curieux qu’il nomme ce lieu Là-bas ? Comment peut-il avoir oublié le nom même de cette colline : Rennes ? Un nom qu’il connaît particulièrement bien ! Il est certain que son passage à Rennes-le-Château a joué un rôle d’importance dans la mission qu’il s’est assignée à Tréhorenteuc.

Jean Markale ajoute : « Bien sûr, il ne s’agit pas dans mon esprit d’assimiler l’abbé Saunière et l’abbé Gillard. Ils n’étaient ni de la même époque, ni de la même trempe, et leurs motivations profondes semblent avoir été fondamentalement différentes. Le seul lien, est au premier degré, d’avoir voulu faire d’une modeste église paroissiale un lieu de '' tourisme religieux et culturel '', et d’avoir laissé, dans les édifices concernés, une empreinte indélébile. »

En 1990, l’abbé Emmanuel Rouxel, qui fut un proche de l’abbé Henri Gillard, organise la rédaction d’un opuscule titré L’Abbé Henri GILLARD RECTEUR DE TRÉHORENCTEUC de 1942 à 1962. Pour cet ouvrage, il sollicite l’abbé Édouard Nizan en retraite à Guégon et Jean Markale fidèle compagnon depuis l’année 1945.

L’abbé Rouxel, prêtre de Néant-Sur-Yvel, puis de Tréhorenteuc, sitôt son prologue rédigé, attaque fort, en titrant le premier chapitre : TREHORENTEUC ET RENNES-LE-CHATEAU. L’abbé rappelle que Bérenger Saunière fut curé «  de cette paroisse de 1885 à 1917 ». Puis il poursuit :

« La première personne de cette paroisse que nous avons rencontrée à Tréhorenteuc voyait une certaine analogie entre l’œuvre de l’abbé Saunière et celle, réalisée par l’abbé Gillard à Tréhorenteuc. La deuxième personne nous dit sa conviction sur l’existence d’un trésor réel appartenant aux Cathares, en somme une sorte de Graal, enfoui quelque part à Rennes-le-Château ou dans la région ».

 

L'église de Tréhorenteuc (carte postale années 50)

 

Contrairement à ce que laissait présager le titre du chapitre, l’abbé Rouxel ne s’emballe pas. Il n’établit, quant à lui, aucun parallèle avec Rennes-le-Château, se contentant de noter : « En parlant ainsi, nous ne voulons pas porter un jugement de valeur sur cette énigme, restée en suspens depuis près d’un siècle. »

Il n’en reste pas moins que l’abbé Rouxel par ce titre, reconnaît, comme le reconnaît Jean Markale, un rapprochement possible entre Rennes-le-Château et Tréhorenteuc mais sans pouvoir ou vouloir en déterminer le lien.

Une certaine relation peut assurément être relevée entre l’œuvre de l’abbé Saunière et celle de l’abbé Gillard. Jean Markale ne l’infirme pas, il la reconnaîtrait même sans toutefois s’y appuyer pour expliquer l’œuvre de celui qui fut – il le reconnaîtra – son Maître. Faut-il par ailleurs, écouter avec attention ce qu’a pu dire à l’abbé Rouxel, la seconde personne de la paroisse de Tréhorenteuc qu’il rencontra ? Un trésor réel appartenant aux Cathares, une sorte de Graal, serait enfoui quelque part à Rennes-le-Château ou (et ?... c’est moi qui ajoute ce petit « et ») à Tréhorenteuc ? Il est certain qu’à Tréhorenteuc, une certaine forme de Catharisme a pu s’imposer un temps – et au-delà même de ce temps… Il convient de lire tout particulièrement sur le sujet dans le dernier ouvrage de Christian Doumergue Voyage dans la France magique (Les Éditions de l’Opportun), la partie consacrée à la mystérieuse forêt de Brocéliande. Au cœur de cette forêt druidique, est né l’Étoilisme ou l’Éonisme, la secte fondée par le mystérieux moine Éon de l’Étoile, abbé au XIIe siècle de l’abbaye de Moinet près de la Fontaine de Barenton. Évoquer dans cette étude, la vie de ce moine gnostique, Mage pour les uns,  Druide pour les autres, doublé d’un Robin des Bois lié à la Folle Pensée, nous mènerait trop loin… aussi loin que l’Éonisme qui pénétra jusqu’en Gascogne.

En 1947 E. Coarer-Kalondan dans son livre NANTES PITTORESQUE ET DISPARU (La Renaissance du Livre Éditions Marcel Daubin – Paris) nous parle de ce mystérieux personnage qui s’entretenait, parait-il, avec l’esprit de Merlin, le Druide des Druides :

« […] la doctrine d’Éon prit rapidement un très bel essor. Elle se propagea sans difficulté dans tout le duché et s’établit, entre autres, solidement à Nantes. 

« Émue de cette rapide croissance, la Papauté résolut de frapper fort et droit sur l’hérésie étoiliste. Elle délégua donc le légat Albéric d’Ostie, pour venir, à l’occasion de la fête chrétienne organisée en l’honneur des Reliques des saints Rogatien et Donatien, prêcher sur les bords de la Loire contre les doctrines du maître de Loudéac.

« Après avoir obtenu de l’évêque de Tours une proclamation fulminante contre Éon et sa secte, Albéric d’Ostie se mit en campagne, et du haut des chaires nantaises fit pleuvoir sur la tête des hérétiques des torrents de malédictions et de courroux de l’Église.

« Les étoilistes furent traqués et livrés au bûcher. Le Mage arrêté, fut conduit devant le concile de Reims présidé par le pape Eugène ».

L’abbé Gillard s’intéressa – l’iconographie de son église le démontre – au Mage de Loudéac. Dans le tableau du Saint-Graal, il représente l’hérétique sous l’habit d’un Mage. Le moine tient dans sa main une étoile… comment ne pas penser ici à la mystérieuse Étoile de Nantes dont les Templiers furent les dépositaires

 

Le tableau du Saint-Graal (carte postale)

Éon de l'Étoile est représenté à gauche

 

Cette étoile fait écho dans le tableau à un chandelier à quatre branches, version réduite du chandelier à sept branches ? Quatre branches mais trois seulement sont véritablement visibles : 4+3… Près du chandelier figure un pot d’or, peut-être allusif au vase de la manne. Et près de ce pot ou vase apparaît une volaille rôtie, allusive aux repas bien étranges du Mage entouré de ses disciples. Ces banquets rappellent les banquets celtiques. Mais cette volaille pourrait rappeler les cailles mangées par le peuple Hébreu à la sortie d’Égypte.

 

Détail du tableau : l'étoile, le chandelier, le pot d'or

Photos Christian Lelièvre - 2016

 

Il est certain que la Nantes ducale en ce XIIe siècle était la Cité RayonNantes, jeu de mot que l’on associa à cet autre jeu de mots : Croix RayonNantes. L’abbé Gillard présente sur la table des banquets, près du chandelier, une croix d’or couchée…

Il aurait été intéressant de connaître la position des Templiers de Sainte-Catherine de Nantes face à l’hérésie d’Éon de l’Étoile. Ces moines chevaliers primitivement installés dans la grande île ligérienne de la Hanne, occuperont rapidement la commanderie Sainte-Catherine dans la Prée d’Anian. Les deux sites sont à l’époque médiévale des lieux marécageux.

L’hérésie millénariste progressait dangereusement dans la cité de Bordeaux, débordant même jusque dans le Pays de Gascogne ! Yan Sukellos dans le N° 114 d’AR GWYR Le TEMOIN de la VIE consacre une intéressante étude au Mage de Loudéac intitulée : Éon de l’Étoile sorcier révolutionnaire ou mystique ? (juillet 1993). Au sujet de ce débordement il écrit :

« La doctrine '' éonienne '', si doctrine, il y eut, était parvenue à la connaissance de l’Église. Le légat du pape, Albéric, évêque d’Ostie de passage à Nantes en 1145, proposa à Éon une rencontre pour débattre de sa théologie, mais sûr de sa mission, Éon refusa cette entrevue.

« Hélas, certains de ses partisans ne voulant se contenter de '' ses enseignements sur la justice '', passèrent à l’action, et se constituant en bandes, se livrèrent au pillage de fermes, cures et abbayes, la '' faim faisant sortir les loups du bois '', Ces actions des années 1145 à 1148, qui dépassèrent de loin la région et gagnèrent jusqu’en Gascogne, dit-on, provoquèrent une véritable '' Jacquerie '' ».

Contrairement à ses disciples qui subirent la mort, Éon de l’Étoile « fut confié à la garde de Suger, régent de France et abbé de Saint-Denys, qui l’enferma dans son abbaye où il mourut peu après,  sans avoir révélé la cachette de ses fabuleuses richesses ».

« … ses fabuleuses richesses. » Les mots sont lâchés par le célèbre chercheur de trésors Albert Mata dans son article Le trésor perdu des Éoniens (Revue TRESORS de L’HISTOIRE – PROSPECTION N° 26). Une fois encore, comme pour les Cathares de Montségur, l’hérésie n’est pas le seul moteur justifiant la dissolution de la secte. Pour Albert Mata qui s’appuie sur les récits des érudits locaux, celui qu’il nomme le Chevalier d’Éon (clin d’œil à un autre personnage historique…) aurait dressé son quartier général dans la commune de Mohon au  village  de Bodieu en forêt de Lanouée. Là se trouve le Camp des Rouets que l’auteur présente comme le « Versailles breton » des Rois de Bretagne établis en ce lieu à partir de 600 et jusqu’en 872. Le lieu aurait été aux temps gaulois, le centre de la forêt de Brocéliande, le « Gorsedd des Druides ». « Les érudits du crû pensent qu’il s’agirait du Gorsedd de Bodégat ! »

Albert Mata ajoute au sujet du Camp des Rouets :

« En effet, en dehors du fait que celui-ci, une fois restauré par les anges bûcherons, redevenait une forteresse inattaquable, renforcent notre conviction. Avant la date fatidique du 1145, on cite le nom de ‘’ camp des Rouets ‘’ mais le nom de Bodieu est inconnu. On ne le trouve cité, sous différentes formes : Bodieu, Bodéac, Bodioc, qu’après cette date. Or, Bodieu peut signifier, selon les étymologies : Victoire de Dieu. Broussaille de Dieu, ou Maison de Dieu ».

Les contemporains d’Éon de l’Étoile présentent ce moine comme un fou, doublé d’un illettré. Il semblerait que le Mage ne fut pas si fou que l’on ait voulu l’affirmer. Illettré ? Il ne le fut assurément pas ! Pour s’en convaincre, il convient de lire Christian Doumergue. Le Chevalier d’Éon aurait écrit quelques ouvrages et l’abbé Gillard semblait en connaître un rayon sur le sujet.

Faut-il penser que le Mage de Loudéac ait possédé un trésor, ainsi que le tableau du Saint-Graal de l’église de Tréhorenteuc, pourrait nous le laisser entendre ? L’affirmer serait une erreur certaine. N’oublions pas que le Mage est mort peu après l’année 1145. À cette époque les Chevaliers de l’Ordre du Temple – puisqu’ils semblent avoir une certaine importance dans l’affaire – n’étaient implantés que depuis peu dans le duché de Bretagne (tout comme dans le royaume de France). Il se peut malgré tout que les quelques disciples du Mage passés dans la clandestinité, aient pu approcher quelques mystères liés à ce trésor.

Parmi le ou les trésor(s) ayant appartenu(s) aux Éoniens, Yann Sukellos nous apprend :

« Otto de Freisingen, d’après les minutes du procès, affirme que '' le mauvais esprit mit à la disposition d’Eon, les trésors de Merlin ''. »

Revenons à présent à l’abbé Gillard qui, fort de ses découvertes dans le Midi, s’en est retourné en Bretagne vers sa hiérarchie. Mais il ne fut pas le bienvenu. Il reprit sa place de vicaire à Crédin, fonction qu’il occupait déjà avant guerre. Dans l’opuscule de l’abbé Rouxel, Jean Markale évoque son ami dans un texte qu’il titre : QUI ETAIT HENRI GILLARD ?. De son retour il écrit :

« Il revient prendre sa place à Crédin, affirmant ses idées modernistes et humanistes et n’hésitant pas à prendre des responsabilités en tous genres. Et pour qui se souvient de la mentalité qui régnait à cette époque sur le Morbihan, on conviendra aisément que son zèle moderniste avait peu de chance d’être compris.

« Bref, il déplut. Et comme il sied en pareil cas, on lui donna de l’avancement et il fut nommé recteur. Mais à Tréhorenteuc, où il s’installa en 1942 et où il allait demeurer jusqu’en 1962. Je peux témoigner de ce que la rumeur publique, à l’époque, répandait au sujet de Tréhorenteuc, '' le pot de chambre du diocèse '' comme disaient les membres du clergé ».

L’église de Tréhorenteuc était en ruine. L’abbé Gillard entreprit de restaurer l’édifice. Il fit mieux que la restaurer il en fit un Temple placé sous le sceau du Saint-Graal !

 

Le Grand Vitrail de l’Arbre de Vie

L’abbé Gillard, dans un premier temps  avec ses propres deniers, enchaînera les réalisations dans son église. En 1951, grâce au legs de sa marraine, Madame Thétiot, et du fils de celle-ci mort tragiquement en 1944, il fait exécuter le grand vitrail du chœur. Ce vitrail n’est que Vie, une vie  nourrie par l’Arbre du jardin d’Éden. Cet arbre n’est pas le traditionnel pommier mais un chêne, l’arbre druidique par excellence. Pour lire le vitrail il convient de partir du bas vers le haut.

 

Le grand vitrail de Tréhorenteuc – photo Ch. L.

 

1) Le Voyage entre les blasons

Au bas du vitrail, de chaque côté apparaît un blason. À droite les armoiries figurées sont présentées comme étant celle des de l’Aage ou de l’Age tandis qu’à gauche figurent les armoiries de la Maison de Bretagne.

Le premier des de l’Aage sieur de la Rue Neuve installé à Tréhorenteuc fut Benjamin de l'Aage, branche de Volude, issu d'une famille originaire du Poitou. Il naquit après 1590, et décéda entre 1659 et 1668. Il avait épousé le 25 novembre 1620, Jacquette Gibon (née après 1595, décédée le 29 octobre 1649, et inhumée dans le chœur de l'église de Tréhorenteuc). Il achète d'Henri de la Trémoille, duc de Thouars, comte de Montfort, vers 1605, les ruines du château de Gurwant, ses bois, son fief, et les bois de Rauco. On lui doit les Rues Neuves dans son aspect actuel.

Les renseignements relatifs à ce noble personnage, ainsi que ses armes représentées ci-dessous, figurent dans le très intéressant site http://cc-mauron-broceliande.com/wiki/index.php5?title=Benjamin_de_l%27Aage

Ses armoiries se lisent : « D'or à une aigle éployée (bicéphale) de sable, becquée et membrée d'azur. »

 

Blasons des de l'Aage

À gauche : de l’Aage de Tréhorenteuc, d'or à une aigle éployée (bicéphale) de sable, becquée et membrée d'azur

À droite : De l’Aage du Poitou, D’or à une aigle éployée (bicéphale) de gueules, becquée et membrée d'azur

 

 

Il est certain que l’abbé Gillard a quelque peu modifié les armoiries des de l’Aage, en s’appuyant sur le blason primitif  des de l’Aage du Poitou. Le nouveau blason ainsi créé, conserve les gueules poitevines de l’oiseau souverain, ainsi que l’azur du bec et des serres (becquée et membrée) commun aux deux branches. Il ne retient pas la nature éployée (bicéphale, à deux têtes) de l’aigle, pas plus que les ailes pareillement éployées (déployées) vers le haut. Ce terme « éployées » appliquées aux ailes n’est pas retenu dans la lecture du blason, puisque par défaut, car il évoque une qualité propre de l’aigle héraldique. Il apparaît en fait, que l’abbé Gillard a transformé, voir transmuté, l’aigle des de l’Aage en un phénix. 

 

Le phénix du grand vitrail – Ch. L.

 

Cet oiseau fabuleux est représenté de profil, le vol étendu, contrairement à l’aigle, de face, ailes éployées. Le phénix héraldique apparaît dans l’écu au-dessus d'un bûcher que l'on nomme immortalité, mais qui ne se blasonne que lorsque son émail est autre que celui de l'oiseau. L’abbé Gillard représente le phénix au-dessus d’une immortalité orangée. Le champ de l’écu ne retient pas l’or initial mais présente une variation de l’orangée, flammes de la renaissance.

Bien que l’abbé Gillard s’éloigne des armoiries des de l’Aage, il n’en a pas moins créé une nouveau blason en s’inspirant du blason poitevin des de l’Aage. En vieux-français Aage ou Age signifie « enclos fortifié » mais aussi « majorité » : « être en aage », être majeur ou « avoir l’aage », avoir la majorité. « Le temps d’aage » désignait l’ancien temps. Le phénix évoque tout à la fois ce « temps d’aage » et un « temps de majorité » appelé à renaître.

Ainsi que le rappelaient les anciens héraldistes, le Phénix est le symbole de l'immortalité, parce que, selon la fable, cet oiseau se renouvelle de cinq siècles en cinq siècles ; alors il se dresse un bûcher, bat des ailes pour l'allumer, et s'y consume : il naît dans l'instant un vers de sa cendre, d'où il se forme un autre Phénix.

Benjamin de l'Aage, premier du nom à Tréhorenteuc naquit après 1590. À supposer que l’abbé Gillard ait pensé ce cycle de cinq siècles, le « temps d’aage » annoncé s’ouvrirait approximativement dans les années d’après 2090, une date pour le moins tardive… Mais peut-être ne convient-il pas de compter un cinquième siècle révolu…

Détail intéressant dans la symbolique brocéliandaise, symbolique débordant du cadre spécifique de ladite forêt de Brocéliande, Benjamin de l’Aage, premier de la Rue Neuve à Tréhorenteuc, avait épousé le 25 novembre 1620, Jacquette Gibon. Or, le 25 novembre est le jour de sainte Catherine d’Alexandrie, clef d’importance pour pénétrer les mystères évoqués par l’abbé Gillard et ses collaborateurs…

L’union de Benjamin de l’Aage et de Jacquette Gibon permettra à certains auteurs bretons de présenter la famille Gibon comme l’une des nobles familles ayant possédé la Rue Neuve en Tréhorenteuc. Nous avons ici un raccourci plus symbolique qu’historique et c’est bien, semble-t-il dans ce raccourci que l’abbé Gillard nous entraîne.

Les Comtes de Gibon ou Gibon-Porhoet sont issus selon les historiens de Guervand, successeur de Salomon III, roi de Bretagne. Ils arborent dans leurs armes les trois gerbes d’or que portaient les anciens princes de Bretagne.

 

Blason des Gibon-Porhoet : De Gueules à trois gerbes d’or, posées deux et un.

Devise : Semen ab alto. (La semence vient d’En Haut)

 

Les armes des Gibon-Porhoet, héritées des anciens princes de Bretagne étaient surmontées, est-il dit, d'un portrait d'ange tenant la gerbe suzeraine ; ainsi était-elle nommée dans les plus anciens titres. Quelquefois, l’ange tenait l’écusson aux trois gerbes, toujours aussi dites les gerbes suzeraines.

Ces gerbes suzeraines étaient celles de la Maison de Bretagne. La duchesse Alix abandonnera le sceau aux trois gerbes d’or pour prendre celui de son mari le capétien Pierre de Dreux qu’elle épouse en 1214. La famille de Dreux a pour armoiries un échiquier d’or et d’azur. Pour se différencier des autres membres de sa famille, le prince consort et régent de la Bretagne porte une brisure qui est un franc-quartier d’hermine qui deviendra rapidement les armes de la Maison de Bretagne, bien que les Ducs garderont pour leur scel secret les trois gerbes suzeraines « avant que le symbole ne soit repris par le duc François 1er qui instituera vers 1445 l’Ordre de l’Épi. Le collier de cet ordre accompagnait les grandes armoiries de Bretagne. » (Devi Kervella : Emblèmes et Symboles des Bretons et des Celtes coop breizh éditions)

Pour l’abbé Gillard la Bretagne au sein de la France se compose des cinq départements historiques et non quatre ! Sujet toujours d’actualité. Un mécontentement c’était élevé parmi les élus locaux en 1941 lorsque le gouvernement de Vichy retira la Loire-Atlantique de la Bretagne. Le blason herminé de la Maison de Bretagne présenté par l’abbé Gillard au bas du grand vitrail, est fragmenté en cinq parties. La partie sombre, image du deuil, représente la Loire-Atlantique, ou diocèse de Nantes. Ce cinquième territoire correspond au Cinquième Royaume de la tradition celtique où règne le Haut-Roi. Le blason du phénix dans la pensée de l’abbé, peut symboliser le retour du Pays Nantais au sein de la Bretagne.

 

Blason de la maison de Bretagne - Photo Ch. L.

 

Devi Kervella dans le livre cité plus haut, n’a pas oublié cet oiseau mystérieux : « phénix Oiseau mythique qui renaît de ses cendres. Symbole utilisé par les Républicains irlandais pour montrer les persistances de leur combat. À Dublin, Phoenix Park est le lieu de résidence du président  de la République irlandaise et le plus grand jardin public d’Europe. »

L’abbé aimait, c’est certain, sa Bretagne, l’Épouse symbolique des anciens souverains. Cette Bretagne était celle du roi Judicael et de sainte Onenne représentés au bas du grand vitrail sous les traits de Louis Thétiot et de sa mère, cousin et marraine de l’abbé. Les deux personnages, nouvel Adam et nouvelle  Ève, sont recueillis autour d’un arbre arborant un unique fruit, la mystérieuse POMME BLEUE. Le fruit de la Connaissance du bien et du mal ne sera pas mangé…

 

Saint Judicael et sainte Onenne recueillis autour de l’arbre à la pomme bleue - Photo Ch. L.

 

Les deux personnages affichent une nouvelle identité. La sainte femme devient sainte Catherine vénérée le 25 novembre, jour auquel est associé ce vieil adage : « Sainte-Catherine, jour de sort pour les oies de Noël là où on en engraisse ». Pauvres oies… mais la symbolique n’en est pas moins présente. L’oie de la Sainte-Catherine conduit le pèlerin sur le Chemin où figure le bon saint Nicolas lié lui-même au cycle de Noël. Ne parle-t-on pas de la Saint-Nicolas des lièvres (6 décembre). Les vieux chasseurs n’affirment-t-ils pas : "A la Saint Nicolas les femelles de lièvres sont pleines" ? Les deux lapins/lièvres sont bien présents tout à côté de saint Judicael / saint Nicolas.

Mystères du calendrier, sainte Catherine est fêtée le 25 novembre, saint Nicolas le 6 décembre, soit 11 jours après et saint Judicael, le 17 décembre, soit une fois encore 11 jours après… Le nombre 11 apparaît d’importance dans l’énigme Brocéliande, nous le retrouverons plus tard. Sainte Onenne n’apparaît pas dans notre calendrier. Sœur supposée de roi Judicael, son existence n’est pas certifiée. L’abbé Gillard, lui-même ne l’affirmait pas.

 

Les deux lapins du grand vitrail

Toujours entre les blasons de la Maison de Bretagne et du Phénix, apparaissent deux lapins. Certains commentateurs évoquent des lièvres, la symbolique est la même.

 

Les deux lapins – Photo Ch. L.

 

Nous retrouvons ici les célèbres lapins de la suite de Fibonacci. Le nombre d’or préside au grand vitrail. Léonardo Fibonacci (v. 1175 – v. 1250), grand mathématicien italien médiéval, étudia l’algèbre au cours de ses voyages d’affaires en Égypte ou en Syrie. Il rapporta à Pise les chiffres arabes et la notation algébrique que Gerbert d’Aurillac (Sylvestre II le pape de l’An Mil) son illustre devancier, utilisait déjà.

Les deux lapins étudient un parchemin de couleur bleue. Le lapin couleur jaune (or) impose par un geste explicite, le silence. L’expression lever un lièvre prend ici toute son importance. Mais le lapin rouge doit garder le silence. Au dessus des lapins/lièvres, animaux lunaires, la colombe, bec ouvert, révèle le secret. Un secret lié semble-t-il à la Bretagne et plus précisément au Pays Nantais. La partie supérieure droite du cartouche ou cartel héraldique, par son enroulement, affecte la forme d’un rouleau. Ce rouleau serait placé de telle façon que la colombe parait le tenir sous son aile. Les deux lapins par l’étude du parchemin prennent connaissance du chemin. Ils pourront à présent vaquer par chemin et par vau ! Ou par veau et parchemin ce qui est tout un !

Mais qui sont ces deux lapins ? Je découvrais pour la première fois l’église de Tréohorenteuc au début des années 90, accompagné de mes deux amis Patrick et Christian Lelièvre, liés à cette énigmatique forêt de Brocéliande. Lorsque le visiteur pénétrait à l’époque dans l’Église du Saint-Graal, il était accueilli par une femme de l’Office du Tourisme de Mauron. Elle connaissait les moindres détails figurant sur les vitraux et tableaux conçus par l’abbé Gillard. Elle nous apprit que les deux lapins, les Passeurs, figuraient deux Templiers. C’est vrai que l’Ordre du Temple apparaît bien présent sur le grand vitrail au travers, dit-on, du blason du Royaume de Jérusalem placé au-dessus de Joseph d’Arimathie, le porteur du Graal et de la croix de gueules du nimbe de Jésus. Le bouquet de chardons, à gauche du phénix évoquerait également la survivance de l’Ordre du Temple en Écosse.

 

Joseph d’Arimathie en extase sous le Saint-Graal – Photo Ch. L.

 

Il convient de noter qu’en vieux-français le lapin se disait con(n)in ou con(n)il, mot latin d’origine ibérique d’après Pline, avec diminutif en con-. Cette racine CON a donné le moyen-breton conniffl ou connicl. Les Celtes ne connaissaient pas le lapin, ce sont les Romains qui l’introduisirent. Les Bretons ont nommé le lièvre Gad, un nom dont l’origine étymologique est inconnue, mais de signification importante si on le rapproche du GAD hébraïque. Le con- « lapin », n’est pas sans rappeler dans la Bretagne de l’abbé Gillard, le vieux-breton Con signifiant « chien », « chien de guerre », « guerrier ».

Les deux lapins du grand vitrail sont à la fois Con-, « lapin » et Con- « guerrier ». Le terme breton apparait dans le nom de nombreux saints moines de l’Église Celtique et de souverains Bretons ou Irlandais : Conan.

Dans l’ancien Duché de Bretagne, les Chevaliers de l’Ordre du Temple ainsi que les Chevaliers de l’Ordre de Malte sont appelés les Moines Rouges. Ces Moines Rouges reformulent ainsi les vieux ordres celtiques, tel le Rameau Rouge. Il existait également une classe de Druides guerriers appelés Druides Rouges.

Les lapins guerriers, dits aussi lapins tueurs apparaissent dans les enluminures des manuscrits médiévaux.

 

Lapins guerriers

British Library Yates Thompson 8 f. 294r

http://www.brain-magazine.fr/article/brainorama/30255-Le-lapin-tueur-des-Monty-Python-existe

 

Cette enluminure est intéressante, elle associe les deux types médiévaux de Con-. Notre lapin tueur est juché sur un escargot anthropomorphique, peut-être allusif au nombre d’or dont nous parlent les lapins de Fibonacci. Intéressante également cette autre enluminure où le lapin combat l’escargot… la maîtrise du nombre d’or ?

 

Lapin combattant un escargot

Knight v Snail IX:  Just for Fun: A Rabbit, Monkeys, and a Snail Jousting (from the Harley Froissart, Netherlands (Bruges), c. 1470-1472, Harley MS 4379, f. 23v) Further Reading

http://britishlibrary.typepad.co.uk/digitisedmanuscripts/2013/09/knight-v-snail.html

 

Les deux Lapins Jean du grand vitrail deviennent les passeurs d’un grand secret, un secret lié à la cité de Nantes dont le nom breton – NAONED – traduit le Blé de la Faim : Naon, « faim » et Ed, « Ed » qui est aussi la gerbe ou triple gerbe des souverains Bretons.

 

L’écureuil ou fouquet

Le grand vitrail, avons-nous dit, doit se lire de bas en haut. Ce vitrail apparaît d’une telle richesse qu’il devient bien difficile de le lire dans sa totalité. Il apparaît intéressant de noter au passage ce bel écureuil placé au sommet de la table carrée du Graal :

 

L’écureuil ou fouquet – Photos Ch. L.

 

2) La Barque de Pierre ou le Voyage au Pays du Vin

Au bas du grand vitrail le visiteur de l’église découvre dans un premier temps Le Voyage entre les blasons, puis ensuite la table carrée de Joseph d’Arimathie où rayonne le Saint-Graal :

 

La table carrée de Joseph d’Arimathie – Photo Ch. L.

 

Enfin, le visiteur au sommet du grand vitrail découvre la fin du voyage : Le Voyage de la Barque de Pierre dont voici la première phase :

 

La Barque de Pierre – Photo Ch. L.

 

Dans son livre LES TOURS INACHEVÉES (Éditions Jean-Michel Garnier), Raoul Vergez qui fut Compagnon Charpentier du Devoir de Liberté (les Indiens…), déroule la magnifique épopée des Compagnons « estrangers » du Saint-Devoir entraînés par les Templiers dans les déserts de Syrie. Les Compagnons de cette corporation oubliée furent « les maçon du Temple à construire des forteresses : à Acre, le château Pèlerin, le crac des chevaliers, le couvent forteresse d’Antioche, celui de Tripoli […] la corporation des tailleurs de pierres pouvait orner de mille cathédrales la terre d’Europe, et envoyer en même temps des milliers  d’ ’’estrangers’’ dans les déserts brûlants, sur les pas des chevaliers. »

Raoul Vergez évoque un rite secret dès plus « estrange », pratiqué lors de la nuit des Quatre Couronnés : « Saint Louis avait assisté en personne à l’une des réceptions, sous les lambris de sa chapelle ; les estrangers lui avaient remis, en signe de déférence, un petit compas d’or avec lequel le '' magister '' perça la veine du poignet royal afin que le sang bleu de France se mélangeât au sang rouge des '' pauvres passagers' ', que tout ce sang soit versé dans une coupe à demi pleine de vin de Samos, dont chacun se désaltéra selon le rite. »

La coupe appelée GRAAL était bénie par un moine, puis chacun des « goujats » et des « estrangers » buvait à la coupe. Le patriarche commençait à chanter l’Alleluia des tailleurs de pierres : 

 

Dans la barque de Saint Pierre

Buvons le vin de Noé.

Dans le navire de pierre

Dont la quille est retournée,

Dont la voile est décarquée,

Dont les mâts sont pétrifiés.

Le vin des tailleurs de pierre

Du Saint-Devoir estranger.

 

Si le vent fouette la pierre,

Sur la flèche trop dardée,

De la barque de Saint-Pierre,

Dans la nuit des couronnés,

Buvons le vin de Noé.

Quand Dieu entraîne aux nuées

L’âme des tailleurs de pierre

Du Saint-Devoir estranger.

 

L’abbé Gillard connaissait-il le Cantique de l’Alleluia des tailleurs de pierres ? La partie supérieure du grand vitrail pourrait le donner à penser :

 

Les trois phases du grand vitrail

 

Dans la première phase nous découvrons la Barque de Pierre ou Barque de Noé. La barque est placée entre deux grappes de raisins. Il convient de suivre la Route des Vins. Nous avons ici un trompe-l’œil. Le visiteur placé devant le grand vitrail en découvrant la Barque, a l’impression de découvrir le Nautonier représenté semble-t-il de couleur orangée. Un agrandissement de la partie bâbord de la Barque nous montre qu’il s’agit peut-être d’une feuille de vigne aux couleurs automnales, mais une feuille travaillée de telle façon qu’elle évoque la queue d’un poisson :

 

Détail de la barque de Pierre

 

Le poisson fut le symbole des premiers chrétiens. Le Christianisme est la religion de l’Ère des Poissons. Nous pourrions y reconnaître le Signe de Jonas évoqué par Jésus dans les évangiles et dont l’aspect prophétique a été développé par certains auteurs. Les prophéties évoquent la Barque de Pierre et son Nautonier menant la Barque ecclésiale dans l’Ère du Verseau ou Verse-Eau…

 

L’abbé Henri Gillard et l’abbé Auguste Coudray

L’abbé Henri Gillard, du fond de l’antique forêt de Brocéliande entreprit avec ses moyens, de ranimer la flamme qui brûle au cœur du Graal. Mais fut-il le seul à souffler ce feu graalien ? Nous ne savons que peu chose quant à la présence à ses côtés durant cette période d’après guerre des compagnons de la première heure. Si la silhouette de Jacques Bertrand dit Jean Markale, émerge au grand jour il n’en va pas de même pour les autres collaborateurs mais nous pouvons penser qu’il y en eut. L’abbé Gillard bénéficia, ainsi que le rapporte Jean Markale dans le texte QUI ETAIT HENRI GILLARD ? (in L’Abbé Henri Gillard – livre présenté par l’Abbé Rouxel), du grand réconfort de l’abbé Jarnigon, vicaire de Néant-sur-Yvel puis recteur de Caro mais nous ne savons jusqu’où alla ce soutien.

L’abbé Emmanuel Rouxel qui fut abbé de Néant-sur-Yvel puis de Tréhorenteuc, de 1968 à 1981, n’apparaît aux côtés de l’abbé Gillard qu’en 1965 alors qu’il était recteur de Hélléan. Le 22 février 1972, par Testament, l’abbé Gillard lui lègue ses droits d’auteur. Ce 22e jour de février peut revêtir une symbolique importante surtout si l’on se tourne vers cet autre collaborateur de l’ombre que fut l’abbé Auguste Coudray. Le saint le plus ancien fêté ce jour est l’évêque Abile d’Alexandrie, successeur d’Anien, disciple de l’évangéliste Marc. Abile aurait occupé le siège d’Alexandrie dix années durant, de l’an 86 à l’an 96. Il était dit Meli ou Melien. Notons au passage ce jeu possible entre les noms Abile / Meli… soit de l’abeille au miel. L’abeille de par sa proximité phonétique avec l’abbaye symbolisera au Moyen-Âge le moine œuvrant dans l’abbaye ou ruche.

Nous savons que l’abbé Gillard, dans les premières années de son ministère à Tréhorenteuc eut des contacts avec le néo-druidisme breton. La tenue le dimanche 29 juillet 1951 à Tréhorenteuc au Val sans Retour de la cérémonie druidique dite Gorsedd Digor (cérémonie publique en breton) aurait été organisée par l’abbé de Tréhorenteuc. Une messe en breton est célébrée devant l’église de Tréhorenteuc par le père Alexis Presse.

Voir sur le sujet http://broceliande.brecilien.org/Ceremonies-neo-druidiques-en-foret-de-Broceliande, où figurent textes et photos associés à cet événement, ainsi que le texte de Michel CABARET, Le Val sans retour : Étude et propositions de gestion des ressources humaines, Mémoire de Maîtrise MST AMVR, Université de Rennes 1, 1982. [pages 49-50] :

« *Celui-ci accompagne ensuite l’Archidruide de Galles, le Grand Druide de la Gorsedd de Bretagne et le Grand Barde de Cornouailles en procession dans le '' Val sans Retour ''. Ils sont suivis d’une cinquantaine de membres de la Confrérie des Druides, Bardes et Ovates de Bretagne qui pénètrent dans la vallée dans des charrettes tirées par des bœufs. La cérémonie druidique a lieu dans un cercle de pierres dressé à l’entrée de la '' vallée du Gros-Chêne '' dans le '' Val sans Retour '', cérémonie à laquelle assiste la poétesse bretonne Angèle Vannier. »

* Il s’agit de Dom Alexis Presse. Cet abbé cistercien-trappiste a relevé l’abbaye de Boquen de ses ruines.

L’abbé Gillard, très perspicace, pensait tirer à juste titre, de cet événement, des retombées positives quant à la mission qu’il s’était investie. Bientôt son église s’avéra trop petite pour recevoir tous les visiteurs désireux de visiter mais aussi d’assister à la messe de l’abbé breton.

La date du 22 février que nous venons d’entrevoir pour la signature du Testament de l’abbé GIllard, peut apparaître comme une passerelle reliant Brocéliande à Alexandrie, la cité de sainte Catherine chère au père Coudray qui deviendra un grand ami de l’abbé Gillard.

Dans les années 60 le père Auguste Coudray, aumônier de Kercado à Vannes tombe amoureux du village le Val Richard, à Lizio près de Ploërmel. Le village n’est plus qu’un roncier mais le natif de Sainte-Catherine à Lizio en fait l’acquisition. « Il organise d’abord des pique-niques avec ses ''ados '' de Vannes, puis des chantiers de débroussaillements. […] Dans les années quatre-vingt, le père Auguste est nommé par l’évêque de l’époque pour se consacrer au village. » http://broceliande.levalrichard.fr/public/Presse/presse-02.jpg (article d’Anne Bocandé - Ouest-France - vendredi 18 juillet  2008.  

 

La chapelle Sainte-Catherine de Lizio

L’abbé Auguste Coudray connu pour ses rapports conflictuels avec sa hiérarchie, se montra très intéressé par les travaux de l’abbé Gillard. Bercé dès son enfance, au sein de sa famille, dans l’univers du Compagnonnage il s’intéresse très tôt aux mystères entourant cette corporation. Il observe les Compagnons œuvrant dans la chapelle Sainte-Catherine érigée par celui qu’il nomme « l’inspiré », un Hospitalier de Saint Jean de Jérusalem, Charles Laurencin. Ce prêtre hospitalier fut nommé en 1645 Commandeur de Carentoir. Il restaura les ruines de l’ancienne chapelle des Templiers de Lizio, accumulées pendant la guerre de Cent ans.

 

Chapelle Sainte-Catherine de Lizio

 

Dans son livre Langages oubliés des compagnons et maîtres d’œuvre (novembre 1996 * « Mille chemins ouverts » n°4), Auguste Coudray évoque pour la chapelle Sainte-Catherine, « la dédicace de l’inspirée » : « Lucet in tenebris », trois mots extraits du prologue de l’évangéliste Jean (Jean 1-5).

« Rarement inscrite au fronton de l’édifice, la dédicace se dit ordinairement dans le secret à qui veut bien l’entendre. Cependant Charles Laurencin voulut l’inscrire au bas de blason où l’on pouvait voir sur fond d’azur, trois étoiles et un chevron dorés. » L’abbé Coudray ajoute : « Ma grand’mère ignorait que l’inspirateur de la chapelle de Sainte Catherine avait pour devise '' Lucet in tenebris – Lumière qui luit dans les ténèbres '', mais elle tenait probablement de mon père, compagnon tailleur de pierre, que la lumière jouait un grand rôle en cette chapelle puisque, au temps de mon enfance, elle m’a souvent répété que le soleil et les ombres me révéleraient peut-être un jour des secrets quelque part en ce lieu. »

L’aïeule d’Auguste Coudray tenaient des propos prophétiques, car effectivement son petit-fils connaîtra les secrets annoncés par le soleil et les ombres de la chapelle. Il serait trop long de s’attarder sur ces secrets tant, la chapelle comporte de secrets. Le lecteur désireux de connaître les secrets du soleil (et apparemment de Sirius, autre Soleil) et de l’ombre, pourra se reporter au livre de l’abbé Coudray Langages oubliés de compagnons et maîtres d’œuvre et découvrir le livre de Thierry Van de Leur Les phénomènes solaires artificiels éditions www.lulu.com. Il pourra aussi découvrir sur Dailymotion, les vidéos consacrées à la chapelle.

À l’extérieur de la chapelle Sainte-Catherine de Lizio, le pèlerin découvrira la fontaine cryptée ainsi que le calvaire aux inscriptions codées. Cette fontaine et ce calvaire mériteraient à eux seuls, une étude que nous souhaiterions pouvoir associer à la fontaine de Barenton et à la Font Ria de Saint-Genest-Malifaux…

 

1) Le chemin du ciel et de 1763

Le pèlerin avant de pénétrer l’enclos de la chapelle, devra initialement  découvrir l’énigmatique borne de granit sise à deux cents mètres de la chapelle sur le Chemin de Saint-Jacques :

 

La borne du Chemin de Saint-Jacques – Photo Ch. L.

 

D’un côté nous lisons MELETROIT – LEROCH – JOSSELIN et de l’autre VILLEGVEHARD – TROMEUR – SERENT. Jusque-là, rien de surprenant le pèlerin est passé ou est appelé à passer dans ces lieux. L’inscription centrale apparaît autrement énigmatique :

 

CHEMIN DU CIEL ET DE 1763 – photo Ch. L.

 

Si l’expression CHEMIN DU CIEL s’appliquant au Chemin de Saint-Jacques ou bien encore au Chemin du Tro-Breiz, le grand pèlerinage de la Bretagne, peut surprendre, l’énigme apparaît principalement avec les quatre chiffres clôturant l’inscription : 1763. Une lecture rapide oriente le chercheur vers un millésime mais ce serait faire fausse route ou en l’occurrence faux chemin. Cette étrange suite de chiffres n’est peut-être pas sans rapport avec cette autre suite de chiffres – 1630 – apparaissant sur l’inscription de Mauron évoquée dans notre triptyque.

Ce CHEMIN DU CIEL de Sainte-Catherine de Lizio n’est pas sans rappeler l’inscription apparaissant sur les portes de la tour de l’église Saint-Pierre de Mauron :

 

LE TEMPLE DE DIEU – LA PORTE DU CIEL

 
Dans son live Voyage des sentiers perdus (avril 1995 * CAHIERS « Mille chemins ouverts » n° 3), l’abbé Auguste Coudray note :

« Ce '' et de 1763 '' laisse aujourd’hui perplexe 99 % des passants. C’est que nous avons été habitués dès notre jeune âge à considérer le nombre uniquement comme un rapport de quantité alors qu’il peut vouloir dire autre chose. A nous de savoir déchiffrer…

« Par l’expression codée '' chemin du ciel et de 1763 '', le maître d’œuvre annonce au pèlerin qu’en arrivant à la chapelle, il va être invité à suivre à un jeu de piste… »

Dans son livre Langages oubliés… l’abbé Coudray écrit au sujet de 1763 :

« …on ne peut guère penser que c’est une date car les historiens nous apprennent qu’en 1763 le chemin de Compostelle n’était plus fréquenté pour raison d’insécurité. Que veut donc dire ce nombre ? »

L’auteur utilise ce qu’il appelle « La mystique des nombres » de l’abbé Gillard. Les deux abbés se connaissaient bien. Deux esprits aussi impliqués dans le Mystérieux Inconnu inhérent au Christianisme ésotérique, ne pouvaient que devenir amis. Jean-Claude Cappelli, Druide de Brocéliande, romancier et auteur d’essais traitant à la tradition celto-druidique, est l’auteur d’un intéressant roman titré La Bête de Brocéliande paru aux éditions www.lulu.com. Dans ce roman l’un des personnages, claironne au sujet de l’abbé Gillard de Tréhorenteuc : « Et puis… i faudrait p’têt pas oublier qu’l’abbé Gillard, il était copain comme cochon avec l’abbé Coudray ! » Puis d’ajouter : « I mangeait la soupe avec lui tous les mardis  soir paraît-il ! Vous n’avez pas lu l’bouquin qu’il a écrit sur la chapelle sainte Catherine de Lizio, construite au XVIIe siècle au sud de l’orée de la forêt de Brocéliande ? »

L’expression copain comme cochon ne peut que faire sourire, mais il est certain que les deux abbés de Brocéliande, l’un et l’autre mis à l’écart par leur hiérarchie, se rencontraient et œuvraient  assurément dans une direction, un chemin commun.

Dans cette mystique des nombres d’origine compagnonnique utilisée par l’abbé Coudray, le nombre 17 (71 lu droite à gauche) désigne la Porte, le Passage, la Mort, et le nombre 63 (36 ou 18 – 2x18…) désigne le Ciel. Nous retrouvons avec 1763, LA PORTE DU CIEL de Saint-Pierre de Mauron.

 

2) La colonne d’Isis

Cette mystérieuse inscription apparaît gravée à l’extérieur de l’église sur la colonne d’Isis. Associée à un mystérieux soleil, elle est rédigée, suivant l’abbé Courdray, en lettres grecques-coptes :

 

ISIS – Photo Ch. L.

 
« 2 iota et 2 tschina qu’il faut lire ISIS. Bien, sûr, cette interprétation pose immédiatement une autre question : que vient faire Isis dans une chapelle chrétienne ? On a toutes raisons de penser que c’est pour annoncer celle qui est honorée en ce lieu, c’est-à-dire Catherine d’Alexandrie. De fait, on remarque un phénomène curieux qui à lieu le 25 novembre, jour de la fête de Sainte Catherine, et seulement à ce moment-là de l’année, car il faut que le soleil soit très bas sur l’horizon. À partir de midi solaire,  ont voit l’ombre  de la colonne d’Isis pénétrer à l’intérieur de la chapelle par la porte basse. Si on avance sur cette ombre comme si on empruntait un sentier, on arrive juste au milieu de la chapelle et de là on aperçoit au-dessus de l’autel dans une lumière éclatante le tableau représentant Sainte Catherine. »

Ce tableau œuvre du peintre Parfait Pobéguin et daté de 1874 fut étudié par l’abbé Coudray dans ses ouvrages. Au-dessus figure un autre tableau récent car conçu par l’abbé Coudray lui-même.

 

3) Le tableau des Moines Rouges

Le tableau, ainsi qu’indiqué dans le bas à droite, fut peint à Vannes par un artiste dont le nom serait Ch. Raserili…ri. Les points de suspension remplacent des lettres de nos jours invisibles suivies par deux lettres finales présentées avec réserve. Le nom apparaît, quoiqu’il en soit, plutôt curieux !

Ce tableau, curieux plus encore, présente des Moines Rouges ou Templiers. Il rappelle un autre tableau disparu représentant un Moine Rouge et dont Ogée dans son Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne (1845) affirmait la présence en ce XIXe siècle dans la chapelle. Ogée rappelait que seule, la croix des Templiers est rouge. Curieusement l’abbé Coudray qui ne pouvait ignorer les propos d’Ogée, fera lui aussi représenter les Templiers en rouge. Les connaisseurs s’interrogent sur cette anomalie loin d’être unique dans le tableau :

 

Les Moines Rouges – Photo Ch. L.

 

L’abbé Coudray, grand lecteur, aime à citer Louis Charpentier, connu pour ses ouvrages évoquant notamment les Templiers et à l’Arche d’Alliance que les Chevaliers à la croix rouge auraient, pensait-il ramenée à Chartres.

Le tableau représente une rencontre amicale entre les Chevaliers de l’Ordre du Temple et des Chevaliers Arabes. Il est bien connu que les Templiers au Blanc Manteau aient eu des contacts avec les ordres locaux.

Observons tout d’abord le Temple. La commanderie apparaît peu conforme à la réalité :

 

Le Temple aux deux colonnes – Photo Ch. L.

 

Nous pouvons nous interroger sur la présence de ces femmes dans le Temple vêtues de blanc et de bleu ! L’idée de Vestales n’est pas recevable, pas plus que celles de Templières bien que les femmes peu nombreuses furent bien présentes dans les commanderies. Il aurait été dans la logique plus justifié de trouver ces femmes dans un harem et donc de l’autre côté du tableau…

Autre anomalie, le Triangle maçonnique placé de tradition à l’intérieur du Temple, apparait ici à l’extérieur !

Nous découvrons à l’entrée du Temple un signe placé – effet de perspective – près de la colonne de droite  et ressemblant à s’y méprendre à une lettre de l’alphabet templier inspiré par la croix templière mais, si lettre il s’agit, elle appartient à un autre alphabet. 

 

Le Triangle du Temple (1) et le signe inspiré de la croix des Templiers (2) – Photo Ch. L.

 

Plus insolite encore, apparaît l’autre côté du tableau :

 

Les Chevaliers Arabes – Photo Ch. L.

 

Les Chevaliers Arabes ont pour symbole le mythique phénix d’aspect serpentiforme visible sur l’étoffe posée sur les chameaux.

 

Le Phénix à la tête bleue

 

La bannière des Chevaliers Arabes présente une nouvelle anomalie, plutôt de taille ! Nous y découvrons les armes du Vatican : la clef d’or et la clef d’argent croisées en sautoir ainsi que la tiare papale !!! Non, les Chevaliers Arabes visibles sur le tableau ne sont pas des chevaliers inféodés au pape comme pouvaient l’être les Chevaliers de l’Ordre du Temple.  Une telle méprise apparaît totalement incompréhensible ! Comment ou pourquoi… l’abbé Coudray a-t-il pu commettre une telle erreur ? Aurions-nous ici une volonté délibérée de la part de l’abbé, d’affirmer, mais de façon quelque peu détournée, que les Moines Rouges du tableau s’apprêtent à rencontrer d’autres chevaliers non pas musulmans mais… chrétiens ?

 

La bannière des chevaliers arabes (photo volontairement contrastée)
et comparaison avec les armes du Vatican

 

De la cité d’Alexandrie à la cité d’Iram-aux-Piliers

L’abbé Auguste Coudray a placé ce tableau au-dessus du tableau représentant sainte Catherine d’Alexandrie. La clef de nature géographique serait ici… Alexandrie ! Dans cette cité égyptienne résidait au Moyen-Âge le Pape… Non il ne s’agit pas du Chef de l’Église Romaine mais du Primat de l’Église Copte Orthodoxe portant lui aussi le titre de Pape mais dont les insignes n’étaient assurément pas les clefs de saint Pierre et la tiare à trois couronnes !

L’abbé Coudray en commettant volontairement cette erreur, n’aurait-il pas voulu inciter  le pèlerin découvrant le tableau, à s’interroger sur la véritable nature de ces Chevaliers Arabes. Il ne s’agirait assurément pas de chrétiens Catholiques Romains, mais de chrétiens Coptes d’Égypte ? Certains chercheurs avancent que les Templiers auraient eu des contacts initiatiques avec l’Église Copte d’Égypte, ce que l’abbé Coudray aurait voulu, mais de façon plus que détournée, affirmer sur la toile.

Au bas du tableau, côté des Chevaliers Arabes, apparaît une tête cornue, évoquant peut-être quelque ancienne divinité locale vénérée dans les temps reculés.

Des auteurs anciens ont affirmé qu’Alexandre le Grand, aurait fondé Alexandrie sur les ruines de la mystérieuse cité d’Yrem ou Iram-aux-Piliers évoquée dans le Coran et dans les récits des Milles et Une Nuits. Ces auteurs Arabes divergent quant à la localisation de l’antique cité, évoquant notamment le site primitif de Damas. Autre hypothèse, la cité d’Alexandrie aurait prolongée le souvenir de la mythique cité d’Iram localisée ailleurs et cachée à jamais au regard des Fils d’Adam.

La cité d’Alexandrie fut connue pour son célèbre Phare. François de Polignac dans l’article L’imaginaire arabe et le mythe de la fondation légitime (Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée – 1987 – volume 46 N° 1 – numéro thématique : Alexandrie entre deux mondes) (http://www.persee.fr/doc/remmm_0035-1474_1987_num_46_1_2188) s’appuyant sur quatre ouvrages dont principalement Les prairies d’or de Mas’ûdî (première moitié du Xe siècle), indique que parmi les critères qui ont prévalu à l’édification d’Alexandrie, la présence de colonnes et d’édifices en ruine, fut déterminant ainsi que le vol d’un oiseau… « Les ruines en question sont celles d’une ville édifiée par le célèbre Shaddâd, roi des Adites maudits et bâtisseurs de la mystérieuse '' Irâm au Colonnes '' (Coran, LXXXIX, 6) dont cette ville se voulait la réplique et à laquelle elle n’a apparemment pas survécu quand la colère de Dieu s’est abattue sur ce peuple. »

Pour François de Polignac il apparaît qu’il n’y a pas de véritable fondateur de la cité : « Shaddâd, premier bâtisseur, se réfère à un modèle antérieur, Irâm. Tous mêlent sans les scinder ni les confondre vraiment la fondation d’un ensemble urbain périodiquement reconstruit à l’érection de monuments symboliques qui, transcendent chaque ville particulière, suffisent à évoquer l’idée de la Métropole absolue. Quelle qualification désignera donc le fondateur ? Doit-on même poser la question ainsi puisque la fondation parait chaque fois se dérober derrière l’image contraignante d’une cité antérieure toujours plus ancienne. » 

Ce qui est valable pour la cité, l’est aussi pour le Phare qui fut également édifié par les prédécesseurs d’Alexandre, dont le fameux Shaddad. Le Phare primitif, repaire pour les navires en perdition mais aussi protection pour la cité : Alexandrie ou Iram :

« Une ville est d’abord édifiée à l’emplacement d’Alexandrie par Misraîm, premier roi d’Égypte après le Déluge, qui dresse également des talismans repoussant les monstres marins et une coupole de cuivre surmontée d’un miroir détecteur et destructeur des armadas ennemies, modèle supposé du Phare (Merveilles p. 205-206). »

La coupole de la primitive cité évoquée par F. de Polignac, pourrait peut-être correspondre à celle représentée sur le tableau au-dessus de la cité :

 

La blanche coupole au croissant lunaire

 

Surmontée d’un croissant lunaire, cette blanche coupole peut symboliquement renvoyer à la blanche Pierre de Bath, le pilier central de la cité d’Iram-aux-Piliers. Cette pierre aurait eu la couleur de la marcassite blanche et était dite aetite ou pierre d’aigle car on la trouve dans le nid des aigles. (IRAM-AUX-COLONNES LA VILLE DE CUIVRE – in Le Secret des Milles et Unes Nuits de Michel Gall - Éditions Robert Laffont.)

Cette cité de cuivre ou d’airain aurait eu également comme illustre fondateur, le roi Salomon. S’appuyant sur la présente importante de cuivre dans le Temple de Jérusalem, métal fondu qui plus est, par le grand Hiram, certains auteurs ont affirmé, un peu rapidement, que la cité d’Iram n’était autre que Jérusalem. Les tablettes des archives d’Ebla qui ont confirmé l’existence d’une cité d’Iram, infirment cette hypothèse.

La cité d’Iram correspondrait à la cité d’Ubar découverte l’année 1984 en analysant des photos prises depuis la navette spatiale Colombia, au-dessus du grand désert de Rub' al Khali précisément dans la partie sud de la péninsule arabe en territoire d’Oman.

Les monstres marins hybrides qui montaient régulièrement vers la cité suivant les historiens Arabes, pourraient avoir inspirés le romancier Lovecraft qui évoqua le passé pré-humain d’Yrem-aux-Piliers. Des statues à l’effigie de ces créatures se dressaient dans l’antique cité. Pour Lovecraft il s’agissait d’idoles et pour les auteurs Arabes, de talismans permettant de détruire ces monstres. Nous retrouvons peut-être l’une de ces représentations au bas du tableau.

Cette mystérieuse cité, Atlantide des sables, inspira d’autres romanciers. Nous pouvons citer James Rollins et son très intéressant Tonnerre de Sable mais c’est assurément Daniel Easterman, auteur du roman LE SEPTIEME SANCTUAIRE qui nous permet, peut-être, d’entrevoir le mystère enveloppant l’énigmatique tableau de l’abbé Auguste Coudray.

Daniel Easterman relate dans son roman la découverte de la cité d’Iram et de son Temple par les Nazis. Cette cité, hypothèse du roman, avait été édifiée par un prince d’Israël, descendant du roi Salomon. Le roi Jehoahaz, descendant de ce prince, fit apporter à Iram, un trésor :

« Au onzième jour du mois de Tishri de cette année, après le jour du Grand Pardon, et quand le grand prêtre fut sorti du Temple, le roi Jehoahaz, roi d’Iram et Maître des Sables de l’intérieur, fit apporter le *****. Il appela en sa présence le grand prêtre Amariah bar Malluch et Shamaiah bar Rahum, prêtre du Temple et descendant  d’Aaron […]. »

Étaient également présents, trois lévites ainsi qu’Elihoreph le scribe qui inscrivit les paroles du roi. Le souverain rappela que la faim s’était abattue sur la région :

« En prévision de ce jour funeste, le père du roi, le roi Abishalom, avait fait creuser un endroit profond, sombre et secret, sous la cité, une pièce prise dans le roc. »

Ce fut « cet endroit profond » encore vide de vivres, qui fut utilisé par le roi Jehoahaz :

« Le même jour, alors que de nombreux habitants de la ville dormaient encore en raison du jeûne qu’ils avaient observé la veille, les prêtres et les lévites (j’étais parmi eux) apportèrent le ***** du Temple et l’enveloppèrent d’une couverture de soie. Nous l’emportâmes du Temple et traversâmes la Grande Porte pour nous enfoncer dans les souterrains où reposent les morts. Au passage qui se trouve être le troisième du côté gauche du tunnel, nous tournâmes, portant toujours le *****, Amariah bar Malluch était, un vieillard très digne, il marchait devant nous emportant la lampe […].

« Alors nous apportâmes le *****, le déposâmes dans la petite chambre et scellâmes l’entrée, puis nous y inscrivîmes le nom d’Amariah et le nom de Jehoahaz. »

L’Arche de l’Alliance – hypothèse du roman – fut cachée dans la cité d’Iram. Bien que les Nazis avaient découvert et investi la cité, ce fut un archéologue, David Rosen qui, découvrit le saint coffre dont le nom avait été retiré du rouleau. Différentes hypothèses ou traditions concernant la disparition de l’Arche d’Alliance ont été avancées. Nous retiendrons celle évoquant son exil dans un premier temps en Égypte, puis dans un second temps, en Éthiopie dans le royaume de Ménélik, né des amours de la reine de Saba et du roi Salomon. L’hypothèse du roman de Daniel Easterman édité en 1987, diffère quant à l’étape finale, l’auteur privilégie la cité d’Iram. Cette hypothèse fut-elle déjà formulée avant que le romancier ne la développe dans son roman ? L’abbé Auguste Coudray chercha à comprendre les mystères liés à sainte Catherine d’Alexandrie. Il se rendit dans l’Horeb au couvent Sainte-Catherine et découvrit la cité d’Alexandrie. Les rencontres qu’il effectua l’ont peut-être amené à penser que l’Arche d’Alliance aurait pu transiter par la cité d’Alexandrie puis terminer – pour un temps – sa Route dans l’antique cité d’Iram.

Les prêtes Auguste Coudray et Henri Gillard furent tous deux initiés aux mystères auréolant la lumineuse sainte Catherine et son parèdre l’énigmatique saint Nicolas. Cette initiation fut secrètement codée dans la chapelle Sainte-Catherine de Lizio par un Chevalier Hospitalier de  l’Ordre de Malte, le Commandeur du Temple de Carentoir, Charles Laurencin que l’abbé Coudray nommait « l’inspiré ». 

Nommé en 1645 commandeur du Temple de Carentoir, l’inspiré fut chargé par sa hiérarchie de restaurer les ruines de l’ancienne chapelle Sainte-Catherine des Templiers de Lizio. Charles Laurencin  portait pour armes : « D'azur au chevron d'or, accompagné de trois étoiles de même ». Il plaça au fronton du nouvel édifice son blason, ainsi que sa devise : « Lucet in tenebris » : « La Lumière qui luit dans les ténèbres ». Il imposa sa devise en tant que dédicace du nouvel édifice. L’abbé Coudray note à ce sujet : « la dédicace se dit ordinairement dans le secret à qui veut l’entendre. »

Prêtre religieux de Saint-Jean de Jérusalem, Charles Laurencin fut pourvu le 14 novembre 1649 et prêta serment au roi par procureur à Nantes, le 16 décembre 1651 ; il prit possession de sa commanderie le 1er novembre  1652, devenant alors « grand vicaire au spirituel pour son Ordre de Mgr le grand prieur d'Aquitaine ». Il rendit aveu au roi en 1652 et 1673 et mourut en 1675 (Archives de la Vienne, 3 H, 300 et 301).

Notons que le prêtre de Saint-Jean de Jérusalem prêta serment à Nantes, le 16 décembre, jour de la saint Adon de Vienne et des saints Ananias, Azarias et Misaël…

L’étrange chapelle hospitalière (ancienne chapelle templière) de Carentoir où officia Charles Laurencin apparait elle aussi très étrange. Quelques chercheurs locaux aiment à penser que certains édifices religieux de Carentoir et de La Gacilly, commune voisine, révèlent l’emplacement d’un mystérieux trésor dont Charles Laurencin et ses successeurs avaient connaissance. L’un de ces chercheurs va jusqu’à avancer l’hypothèse que le dit trésor se trouve à La Gascilly en un lieu proche de la Forêt Noire… :

« Où est-il ce fameux trésor ? Et si je vous dis qu’il est peut-être à la Glouzie ? Vous n’allez pas me croire et pourtant certaines suppositions peuvent le laisser penser.

« Près de Dreux, se trouvent les ruines du château de la Robertière construit par Robert I° et que Pierre de Dreux dit Mauclerc, un templier, celui qui devait devenir prince de Bretagne, avait prévu comme retraite du fameux trésor. Mais ce soi-disant secret était connu de tout le monde et cette retraite-cachette avait été changée mais où ? Ce Pierre de Dreux venait régulièrement à la Coeffrie en Messac, la grange qui allait remplacer, plus tard, la commanderie du Temple de Carentoir. D’autre part, dans un document longtemps tenu secret, il est dit : ‘’ Le trésor devait être déposé par des convoyeurs qui feront auberge près du lieu négrisilve ‘’. Curieusement cette phrase fut reprise par un descendant illustre des Templiers, Nostradamus qui veut dire, en passant, Notre-Dame, dans ses prophéties appelées les Centuries. Essayons de traduire cette phrase : le trésor devait être déposé, c’est à dire déchargé et laissé, par des convoyeurs, donc des hommes chargés de son transport, qui feront auberge, c’est à dire qui s’arrêteront pour manger et sans doute pour dormir, dans un lieu négrisilve, c’est sûrement le mot le plus difficile à comprendre ; or, certains érudits l’ont traduit par forêt noire. http://lagacilly.net.pagesperso-orange.fr/st%20jugon/templiers.htm

Ce chercheur de La Gacilly  évoque également cet intéressant tableau de l’église Saint-Nicolas de la Gascilly où apparaissent saint Nicolas et sainte Catherine. http://lagacilly.net.pagesperso-orange.fr/st%20jugon/st_nicolas.htm

L’auteur rappelle l’importance de ces deux bienheureux au sein de l’Ordre du Temple. Il convient assurément de se souvenir de la chapelle Sainte-Catherine des Templiers de Nantes et de sa voisine la chapelle puis église Saint-Nicolas.

Dans le grand vitrail de Tréhorenteuc, l’abbé Gillard évoque la cité de Nantes et ce mariage hermétique saint Nicolas / sainte Catherine…

Oui, nous pouvons le penser, l’abbé Gillard, au cœur du Graal ralluma la flamme ! Puisse ce FEU, entretenu par les Vestales et annoncé par le grand Fulcanelli, ne plus s'éteindre…



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