Le
Château de Givors
|
Présenté
par
Marcel Boyer d'après
les travaux d'Etienne Abeille
|
Juin
2022 |
A une
vingtaine de kilomètres de Lyon les ruines du
château de Givors, qui dominait jadis le confluent du Gier et du
Rhône, se
dressent sur la colline Saint-Gérald, à l’extrême
pointe nord-est du massif du
massif du Pilat. Un
premier édifice fut construit en bois vers l’an
1050 par le seigneur de Montagny. Les ruines actuelles, qui dominent
les
Etoiles de l’architecte Renaudie et l’Hôtel-de-ville, sont celles
du second
château, construit au XIIe siècle par
l’archevêque de Lyon Renaud de
Forez et détruit au XVIe siècle lors des
guerres de religion. Dans
les années 1970 la municipalité qui projetait
d’aménager la colline en jardin
public dirigea une campagne de fouilles archéologiques qui
permit la découverte
d’objets et d’établir un plan précis du site. Nous
découvrons l’histoire de ce château sous la plume de
l’historien Etienne
Abeille, qui publia en 1912 une remarquable « Histoire de
Givors »,
(A La Librairie ancienne de Louis Brun, Lyon). Le
premier château de Givors « Les
seigneurs
suzerains, qui se partageaient nos contrées au XIe
siècle, étaient
(sans parler des sires de Beaujeu) l'Eglise de Lyon et les comtes de
Lyon et
Forez. Les comtes de Lyon et Forez, dont l'origine remonte au VIe
siècle, avaient le siège de leur comté dans le
Forez : ils possédaient des
terres dans le Lyonnais et jusque dans la ville de Lyon. De son
côté, l'Eglise
de Lyon avait des droits considérables dans le Forez et le
Roannais. La
situation se compliquait encore en cela que, si le Lyonnais
dépendait alors de
l'empire germain, les comtes de Lyon et Forez étaient, au
contraire, vassaux du
roi de France (Des vestiges de cette
lointaine époque ont survécu longtemps dans la langue des
mariniers qui avaient
coutume de désigner par les mots Riaume (Royaume) et Empi
(Empire) les rives
droite et gauche du Rhône). Cet enchevêtrement et cette
rivalité de
pouvoirs n'allaient pas sans conflits, et les bouillants comtes de Lyon
et
Forez ne craignaient pas de soutenir, les armes à la main, leurs
revendications
contre l'archevêque. Les
possessions
de ces grands suzerains se divisèrent en seigneuries dont les
titulaires eurent
eux-mêmes pour vassaux des nobles, possesseurs de petits fiefs.
Ces seigneuries
reçurent des noms particuliers selon leur dépendance : on
appela « mandements »
celles du comté de Lyon et Forez, « châtellenies
» celles de la Sirerie de Beaujeu,
« obéances » et
« mansions » celles de l'Eglise de Lyon.
Plus tard on employa aussi la dénomination
« mandement » pour les
terres de l'Eglise… Faute
de
documents précis, on peut présumer que le premier
château de Givors, édifié sur
la colline que l'on nomme maintenant le coteau Saint-Gérald, a
été bâti vers
l'an 1050, pendant la période où I'autorité de
l'empereur de Germanie n'étant
que nominale dans notre province, les seigneurs féodaux
établirent solidement
leur puissance et l'appuyèrent sur de nombreuses forteresses. Qui
a bâti ce château ? L'histoire ne le dit pas, mais tout
permet de croire qu'il
a été construit par la famille de Montagny·et
qu'il ne pouvait être construit
que par elle. En effet, outre que les Montagny étaient les
seigneurs du « mandement »
dont Givors faisait alors partie, qu'il n'y a pas eu à Givors de
famille noble
qui aurait possédé tout ce fief comme vassal de cette
famille, nous verrons,
dans la suite des temps, plusieurs cessions et transactions, par les
Montagny,
relatives à leurs droits sur Givors, documents qui
établissent, d'une façon
précise, que ces puissants barons étaient seigneurs de
Givors et qu'au début
ils possédaient certainement la plupart des droits, et
peut-être même tous les
droits, sur le château de Givors. Nous
trouverons
encore deux autres preuves à l'appui de cette hypothèse
sur la construction de
notre premier château par un Montagny, seigneur de Givors. Car,
en dehors de
ses droits de propriété sur le coteau de
Saint-Gérald, de ses droits de
juridiction sur la ville, nous verrons que la famille Montagny
possédait, dans
l'enclos même de Givors, à flanc de coteau, sur la rive
gauche de Merdary, une
maison fortifiée, appelée la Maison Blanche, qu'elle
prétendait posséder en
franc-alleu, c'est-à-dire exempte de toute redevance. Enfin
c'est la
Coutume de Montagny qui régissait Givors, et, en 1321, des
criminels, poursuivis
pour attaque à main armée contre les châteaux de
Givors et de Grigny,
excipaient encore de cette Coutume et demandaient la nullité de
la sentence les
condamnant, parce que la procédure suivie
« était contraire à la Coutume du
Pays de Guichard de Montagny ». Il a
existé
pourtant une famille portant le nom « de
Givors », famille d'ancienne
noblesse puisqu'un de ses membres, Foulques de Givors, était
chanoine de
l'Eglise de Lyon, le 5 novembre 1193. Le
dernier
membre de cette famille, Guillaume de Givors, mourut, dit un auteur, en
1213,
laissant, croit-on, ses biens au Chapitre de Lyon. Il se
peut que
ce Guillaume ait laissé ses biens à l'Eglise de Lyon,
mais ce ne fut pas le
dernier membre de la famille de Givors. Une
seigneurie ecclésiastique La
première
répartition, entre les chanoines, des revenus de l’Eglise de
Lyon est de 1187… Ce
texte est précieux pour nous cependant, car c'est le premier
où il soit fait
mentions de bien possédés à Givors, par l'Eglise
de Lyon. Le 2
juillet
1190, vivait encore le chanoine Girin de Sal qui vendit, à
l'Eglise de Lyon,
les droits qu'il avait sur « les châteaux de Givors et
d'Yzeron »
moyennant cent marcs d'argent et quarante livres viennoises, somme
considérable
pour l'époque. On
entendait, en
ce temps par « château » non seulement la
maison fortifiée
appartenant au seigneur, mais aussi tout ce qui se trouvait dans les
murs
d'enceinte, et l'on peut traduire « le château de
Givors » par
« le bourg de Givors ». La
maison seigneuriale, ou château de Givors proprement dit,
n'était alors, comme
la plupart des petites forteresses de ce temps, ni solidement
établie, ni bien
défendue ; bientôt elle allait être
réédifiée d'une façon définitive,
par
l'archevêque Renaud de Forez… L'origine
du
Chapitre de Lyon remonterait au VIe siècle, ou au VIIIe
siècle ; son point de départ fut modeste et ne pouvait
faire présager la haute
fortune que l'avenir lui réservait ; son organisation
régulière ne daterait que
du Xe siècle. Les premiers chanoines vivaient
pauvrement,
entièrement retirés du monde et occupés
exclusivement de leur salut ; ils
formaient une petite communauté qui s'accrut peu à peu.
D'abord pauvres et
austères, les chanoines, avec le temps, s'enrichirent et se
laissèrent aller au
relâchement ; sur la fin du XVIIIe siècle, il
ne restait presque
plus rien des anciennes règles. L'intendant d'Herbigny disait,
en 1698, que les
revenus du chapitre étaient évalués à
40.000 écus, somme considérable pour
l'époque. Le
Chapitre se recrutait parmi les grandes familles ; pour en faire
partie, le
postulant devait justifier d'une noblesse de seize quartiers, c'est
à-dire de
quatre générations de père et de mère.
Jusqu'au milieu du XVe
siècle, il n'était pas nécessaire d'être du
pays de France pour y être admis,
mais à partir de cette époque, presque tous les chanoines
furent français…
La
domination
des chanoines, sur leurs vassaux givordins, ne fut pas opprimante. On
doit leur
rendre cette justice qu'ils n'écrasèrent point les
petits, que minimes furent
les redevances diverses qu'ils exigèrent, que grâce
à la situation
prépondérante du Chapitre de Lyon et à
l'équilibre de cette puissante
organisation, Givors n'eut pas à souffrir des querelles et
compétitions qui,
pendant des siècles, ensanglantèrenr, bien souvent, tant
de cités vassales de
familles nobles. Mais il faut reconnaitre aussi que le système
employé par le
Chapitre pour l'attribution de ses terres fut la cause du
délabrement chronique
de tout ce qui appartint à notre seigneurie, et de l'état
stationnaire ou
Givors resta presque jusqu'à la Révolution… En
effet le
mansionnaire n'étant qu'un usufruitier temporaire de sa mansion,
ne songeait
qu'à encaisser les revenus, à éviter toute
dépense ; l'état, l'avenir et les progrès
de la mansion ne lui causaient pas grand souci : au décès
d'un collègue
n'avait-il pas l'espoir d'échanger sa mansion contre une autre
meilleure ! Le
Chapitre de son coté, n'étant et ne devant jamais
être qu'un nu-propriétaire,
se refusait autant que possible, à toute dépense au
bénéfice particulier de la
mansion, et laissait, au mansionnaire, la responsabilité de ce
qui pouvait
survenir. On comprend facilement qu'un pareil état de choses
n'ait pas engendré
une grande activité, ni des progrès marqués : ce
fut le règne du statu quo. En
1190,
l'Eglise de Lyon possédait donc, tant par une donation que par
une acquisition,
des droits à Givors, mais c'est pendant l'épiscopat de
l'archevêque Renaud de
Forez (de 1193 à 1226), que des acquisitions nouvelles lui
constituèrent la
seigneurie, ou obéance de Givors. En
1201, une
vente fut passée, par Guillaume, prieur du monastère de
Notre-Dame de
l'Isle-sous-Vienne, à l'Eglise de Lyon, d'une île du
Rhône, en pré, qui était
située au territoire de Givors, pour le prix de 28 livres
fortes. Bientôt
après,
eut lieu l'acquisition la plus importante que l'Eglise ait faite
à Givors : en
1208, par lettres patentes du roi Philippe-Auguste, le péage de
Givors et de la
Chance, tant par terre que par eau, fut concédé à
l'archevêque Renaud de Forez,
et par celui-ci à l'Eglise de Lyon [1]
… Des
tours
édifiées au bord du Rhône, notamment à Bans
et à Millery (d'où la Tour de Bans
et la Tour de Millery), servirent à surveiller le fleuve, et
à abriter les
péagers. La tour de Bans, d'après un vieux plan sans
date, se trouvait sur la
balme rocheuse qui domine le Rhône, c'était une
étroite tour carrée, à trois
étages peinte en jaune. La tour de Bans était aussi
nommée tour d'Herbein. Jusqu'à
sa mort
(1226), l'archevêque Renaud s'efforça d'accroître
les possessions de l'Eglise,
à Givors. Il acheta des droits, des bâtiments, des terres,
des vignes, des
jardins, à Givors, à Bans, à la Freydière,
etc .... Il acquit de Guillaume
Arenc, au prix de soixante sous, deux parts du marché de Givors
; plusieurs
propriétaires fonciers prirent de lui, en fief, leurs immeubles.
Enfin il
acheta la part de poipe que Bérard de Pisaiz possédait
dans le château de
Givors ; de Guichard de Montagny et de dame Blanche son épouse,
il acquit un
quart de cette même poipe ; il en acquit un autre quart
d’Etienne de
Farnay. Dès lors, l’Eglise de Lyon se trouva propriétaire
de la poipe et des
trois quarts des droits seigneuriaux de Givors, le quatrième
quart appartenant
encore à la famille de Montagny... Bientôt
après,
en avril 1217, l'archevêque Renaud achetait d'Etienne de Farnay
et de dame
Alise sa mère, pour 58 livres fortes, « tout le droit
et la seigneurie
qu'ils avaient en la poipe de Givors (in poipia Givore), sous
réserve
par eux faite de tous autres droits seigneuriaux, tant au
« château susdit
que dans le mandement d'icelui »… L'Eglise
de Lyon
se trouvait dès lors en possession du coteau ou poipe de Givors,
et des trois
quarts de la juridiction tant haute que basse de cette cité. Renaud
de Forez est mort en 1226, c'est lui qui a reconstruit le château
; on peut
donc préciser la date de cette reconstruction entre 1217 et 1226. Les
ruines qui
restent du château de Givors et qui défient les injures du
temps, le peu de
superficie et la forte déclivité du coteau
démontrent que, si notre citadelle
était d'une solidité à toute épreuve, elle
n'occupait qu'une surface
relativement peu étendue et ne devait être que de minime
importance. Les
maisons, qui s'échelonnaient à ses pieds, étaient
enserrées dans des remparts,
dont on voit encore de nombreux vestiges. Ces remparts doivent remonter
au XIe
siècle, à la construction du premier château
givordin, car si Renaud de Forez
les avait réédifiés avec le château,
l'Obituaire, qui relate les moindres faits
de cet archevêque, à Givors, n'aurait point passé
sous silence une œuvre de
cette importance…
Nous
avons vu
que l'archevêque Renaud de Forez, tant par la reconstruction du
château que par
des acquisitions diverses, fut le créateur, pour l'Eglise de
Lyon, de la seigneurie
de Givors. Nous avons vu, aussi, qu'à la mort de cet
archevêque, la famille de
Montagny possédait encore un quart de la juridiction ce Givors.
Cette puissante
famille possédait, en outre, la maison forte, dit la Maison
Blanche, sise à
mi-coteau, sur la rive gauche de Merdary, et dans l'enceinte même
de Givors. Malgré
la
transaction de 1214, qui avait été consentie
« pour faire cesser toute
contestation », les hostilités reprirent
bientôt entre les deux
co-seigneurs. Les fortifications de la Maison Blanche portaient ombrage
au
Chapitre, et d'autre part, le fier baron Guichard de Montagny se
refusait à
faire foi et hommage, pour ce fonds. Le résultat de ce conflit
fut le
démantèlement des fortifications de la Maison Blanche,
opéré par le Chapitre… C'était
un nouvel et sensible abaissement de sa puissance à Givors, au
profit de la
suzeraineté du Chapitre. Continuant
à accroître ses possessions givordines, le Chapitre
traitait, en mai 1292, avec
Barthélemy de Miribel, chevalier, de Givors. Celui-ci
reconnaissait tenir, à
charge d'hommage, des obéanciers de Givors, la maison qu'il
possédait en cette
ville; il se chargeait, à perpétuité, de payer
chaque année la célébration de l'anniversaire
général fondé par Hugues de Piseys. En
échange le Chapitre lui abandonnait
divers droits, dans les paroisses de Loire et Saint-Romain-en-Gal. Par
cet
acte, le Chapitre arrondissait son fief givordin, il se
déchargeait des charges
qui grevaient les immeubles provenant de la famille de Piseys, et il
payait
tout ceci en abandonnant des droits qu'il possédait dans deux
villages placés
sous la suzeraineté de l'Eglise de Vienne. Or les deux Eglises
ayant des
rapports rien moins qu'amicaux, le Chapitre de Lyon trouvait là
une bonne
occasion de se défaire de ces droits, mal situés pour lui. Il
résulte de ce
traité que l'obéance de Loire était sous la
dépendance de celle de Givors, que
les Loirards étaient tenus de contribuer à l'entretien et
à la défense du
château de Givors, qu'ils avaient leur juge, mais que l'appel des
jugements et
l'exercice de la haute justice de Loire étaient attribués
au juge de Givors. Et
comme conséquence de cette attribution, lorsque le crime
d'adultère était
commis à Loire, et que l'homme et la femme surpris ne payaient
pas l'amende,
ces deux coupables et malheureux Loirards étaient tenus de
courir nus à Givors,
fustigés par les officiers de justice de la cité, sous le
contrôle du juge
givordin, haut justicier. Si les Givordins, coupables du même
crime, étaient,
ainsi que nous le verrons, soumis à la même peine, ils
avaient du moins
l'avantage de la subir clans leur propre pays, c'était
néanmoins un peu plus
intime. L'histoire
ne nous dit pas si, pour l'édification de la jeunesse et la
sauvegarde des
mœurs, beaucoup de couples fautifs ont étalé leurs
charmes dans les rues
givordines ; il est probable qu'on payait plutôt l'amende. Cette
méthode de répression, qui nous étonne et nous
offusque, surtout dans un traité
fait par des chanoines, paraissait toute naturelle dans le temps
où elle fut
édictée… Durant
la
période féodale, au temps où la puissance royale
n'était pas encore assez forte
pour obliger les nobles, ardents à la lutte, à rester en
paix, un peu partout,
en France, on guerroyait, voisin contre voisin, château contre
château, au
grand dommage des récoltes et de leurs propriétaires.
Henri de Miribel, qui,
semble-t-il, fut châtelain de Givors, eut ainsi maille à
partir avec quelques
hobereaux du voisinage. Ce fut l'occasion d'une attaque à main
armée, par les
ennemis d'Henri, contre le château de Givors et contre le
château de Grigny… A
n'écouter que
cette longue suite de griefs, il semblerait que Givors était
complètement
abandonné au bon plaisir du viguier ; il semblerait qu'on
n'avait nul souci de
veiller sur la ville et sur ses moyens de défense. Cependant
il
n'en était pas ainsi. Tout en admettant une négligence
possible de la part des
obéanciers de Givors, il nous est facile d'établir que le
Chapitre prit soin,
au contraire, de compléter, à cette époque, les
moyens de défense de la ville
et même d'assurer son ravitaillement. En
effet, le 28
juin 1362, le Chapitre ordonne de faire recouvrir le château. Le 8
août 1364,
Garin Tornadieu, nommé châtelain de Givors, reçoit
du Chapitre, l'ordre de
faire publier que défense est faite aux habitants du mandement
d'en sortir des
vivres, sans la permission du Chapitre, ou celle du châtelain. Le 2
août 1369,
le chapitre cède et remet, pendant douze ans, aux habitants de
Givors, le droit
de pêche dans les fossés, à condition d'employer le
produit des quatre pêches,
qui se feront de trois ans en trois ans, à réparer les
brèches existant aux
murs de la ville. Le 12
novembre
1381, le Chapitre informe les habitants de Givors, qu'il va
établir une taille
pour la construction d'un mur déjà commencé pour
complément de fortification ;
il mande au châtelain de Givors de prendre avec lui deux nobles
et quatre
notables bourgeois dudit lieu, pour tous ensemble, aviser à
faire creuser par
les habitants, un nouveau fossé… Tous
ces faits
établissent que, pendant la seconde moitié du XIVe
siècle, le
Chapitre s'occupa, d'une façon suivie, à mettre Givors en
état de défense. Ce
n'était d'ailleurs pas sans nécessité. Si pendant
cette période de la guerre de
Cent Ans, période de succès pour nos armes, Givors n'eut
pas à redouter
l'invasion des Anglais, notre cité craignit du moins les coups
de main des
Grandes Compagnies, ces bandes de pillards qui désolaient la
France, et qui
luttaient, avec succès, même contre les troupes royales :
témoin la bataille de
Brignais, presque à nos portes, où, en 1361, les bandes
de Seguin Batifol
remportèrent une sanglante victoire sur l'armée de
Jacques de Bourbon. Mais
les craintes et les dangers du temps n'empêchèrent pas la
continuation des
hostilités entre les deux rivaux habituels : le Chapitre de Lyon
et la famille
de Montagny. On
discute, et
on informe, en 1370, pour fixer des limites et planter des bornes qui
sépareront le mandement de Givors de celui de Montagny. Cependant,
le 6
juin 1382, François de Montagny consent à faire foi et
hommage, au Chapitre,
pour ses biens de Givors, et, dans cet acte, le Chapitre
reconnaît le droit de
son vassal à la quatrième partie de la juridiction de
Givors… Les
divers
documents, que nous avons analysés, établissent que,
pendant la seconde moitié
du XIVe siècle, le Chapitre s'occupa, d'une
façon suivie, de sa
place forte de Givors, et maintint celle-ci en état de
défense. Avec
le chanoine
Pierre de Lornay, commence, au XVe siècle, la longue
série des
mansionnaires peu diligents, qui laissèrent tomber en ruine le
château de
Givors. Le 24
mars 1411,
le chapitre ordonne que le doyen se transportera à Givors, et y
fera les
réparations nécessaires, aux frais de I'obéance. Le 8
août 1418,
le procureur fiscal, après avoir exposé au Chapitre que
le château de Givors
menace ruine, qu'il n'a ni portes, ni fenêtres, ni armes, et ce
par la faute du
Chamarier, obéancier, demande que la terre de Pierre de Lornay
soit mise sous
la main du Chapitre ; ce qui est ordonné. Le 8
octobre
1433, a lieu une nouvelle saisie, par le Chapitre, des revenus de
Pierre de
Lornay, qui devait faire des réparations, à Givors, et ne
les avait pas faites. Le 8
novembre 1438,
Pierre de Lornay, mansionnaire de Givors, n'ayant pas fait les
réparations qui
lui incombaient, le Chapitre fait encore saisir les revenus de la
mansion. Pendant
que de
minces conflits, entre les coseigneurs de Givors, occupaient la ville,
que la
négligence du mansionnaire laissait le château sans
défense, notre cité goûtait
néanmoins une paix enviable, loin des horreurs de la guerre. « Le
6
novembre 1434, le Chapitre accorde aux habitants de Givors, sur leur
demande,
la permission de nommer des syndics, à la condition qu'ils ne
pourront établir
aucun impôt. » C'est
l'établissement du premier conseil municipal givordin ; conseil
aux pouvoirs
fort limités, il est vrai, mais première admission des
habitants dans
l'administration de la cité. Désormais nous verrons les
syndics intervenir, et
représenter les habitants de Givors, dans les affaires relatives
à la défense
ou à l'avenir de la ville. Mais
cela ne changea rien, naturellement, à la méthode des
mansionnaires : le
chanoine Gillet de Saint-Point, qui reçut la mansion de Givors
le 17 mai 1439,
laissait, lui aussi, le château sans réparations. Le14
juillet 1440, le
Chapitre veut lui retirer la mansion ; le 13 juillet 1447, il est
toujours
mansionnaire ... et la réparation du château est toujours
à faire. Le 7 avril
1470, ce sont les syndics qui, au nom des habitants, prennent la charge
et la
dépense des réparations à faire aux fortifications
de la ville… A
cette époque,
le château de Givors n'ayant pas de prisons utilisables, on
enfermait les
prisonniers à la Maison-Blanche, la maison forte du baron de
Montagny. Cet état
de choses ne pouvant s'éterniser, le Chapitre manda, au
cellerier de Givors, le
29 juin 1491, de faire faire des prisons, aux frais des seigneurs
obéanciers. Cet
ordre fut
promptement exécuté, puisque les prisons de Givors
s'achevèrent en ... 1768 !
En effet, il en sera de la reconstruction des prisons, comme de
l'entretien du
château : les mansionnaires, possesseurs temporaires, ne voudront
pas y
dépenser leurs revenus ; le Chapitre, nu-propriétaire
à perpétuité, ne voudra
pas y engloutir ses fonds. Et c'est pourquoi, après avoir
écrit bien des fois :
« Le château tombe en ruine », aurons-nous
à écrire tout aussi
souvent : « Les prisons ne sont pas encore
reconstruites. »
La
période des guerres de religion Nous
passerons
sous silence les diverses guerres civiles qui ensanglantèrent la
France, de
1562, à la mort de Henri III, en 1589, ou plutôt nous ne
parlerons que de celle
qui commença, à Lyon, en février 1589, car c'est
la première où Givors se soit
trouvé mêlé. Mais pendant cette courte
période, que de calamités notre région
fut le théâtre : la peste s'étendit sur toute la
province en 1564, enlevant,
rien qu'à Lyon soixante mille personnes ; elle sévit, de
nouveau en 1577, 1581,
15S2, 1585 et 1586 ; une famine et un hiver d'une rigueur extrême
marquèrent
l'année 1573. On
sait que la
Ligue qui plus tard devait changer de but et devenir une faction
révolutionnaire,
fut formée, en 1576, pour grouper des catholiques
sincères qui voulaient
défendre leur religion menacée par les progrès des
protestants et par la
faiblesse de Henri III. A
Lyon, on hésitait
entre le parti de la Ligue et le parti de Henri III. « Le 24
février 1589,
alors que dans les rangs de la haute bourgeoisie lyonnaise, on
discutait encore
sur le parti à prendre, le peuple se souleva, prit les armes et
fit des
barricades, c'est-à-dire tendit des chaînes qui
étaient à l'entrée des rues
pour les barrer et servir de remparts aux habitants ; enfin on arbora
des
drapeaux et des écharpes rouges, couleur de l'Espagne, mais que
l'on disait,
d'après une erreur de transcription d'un vieux chroniqueur
anglais, avoir été
l'ancienne couleur française. Puis les trois ordres de la ville
furent
convoqués à la Maison Commune, où tous les
assistants signèrent un acte formel
d'adhésion à la Ligue ; enfin, trois jours après,
le dimanche 27, deux échevins
parcoururent la ville, lisant cet acte dans les trente-six quartiers,
et le
firent jurer au peuple qui prêta serment à
l'unanimité et avec acclamations. Dès
ce moment,
la Commune lyonnaise se trouva constituée en une
république absolument
indépendante gouvernée par la seule volonté du
peuple, dont le Consulat était
le pouvoir exécutif. Les premières démarches
furent de se mettre en relations
avec les provinces du gouvernement, dont les principales villes,
Saint-Chamond,
Montbrison, Saint-Bonnet-le-Château, Saint-Galmier, Roanne,
Villefranche,
Belleville, etc., envoyèrent leur adhésion
empressée. Dans les provinces
voisines, Mâcon au nord, Le Puy et Vienne au midi,
Crémieux à l'est, formèrent
un groupement dont Lyon fut le centre et la capitale. Cet ensemble se
rattachait lui-même au Conseil général de l'Union,
siégeant à Paris, et formait
ainsi un gouvernement improvisé, né spontanément
du sentiment religieux et
national, et dont il serait difficile de trouver un exemple aussi
caractérisé... Quoi
qu'elle
agît en toute indépendance, la République lyonnaise
n'avait cessé de
reconnaître l'autorité du roi et du gouverneur qu'il lui
avait donné. C'était
un jeune homme de 22 ans, Charles, duc de Nemours et de Genève,
fils de Jacques
de Savoie, qui avait été gouverneur vingt ou trente ans
auparavant. Il arriva
le 23 mars, et la ville, tout en protestant de sa
fidélité, établit auprès de
lui un Conseil d'Etat pris dans les trois ordres et fourni
également par le
Forez et le Beaujolais. Nemours ne séjourna pas longtemps à Lyon ; il se rendit à
« Paris, laissant
son frère, le marquis de Saint-Sorlin, pour le
remplacer. » L'assassinat
d'Henri III, le 2 août 1589, en mettant la couronne de France sur
la tête d'un
prince protestant, ne fit qu'affermir les Lyonnais dans leurs
idées et donner
plus de force à la Ligue. Givors
fit
partie de cette république lyonnaise, et, dans notre ville,
l'administration
des consuls de Lvon fut substituée à celle des chanoines,
tout au moins au
point de vue militaire et politique. Les
Ligueurs lyonnais, ayant renforcé leurs places d'armes,
remportèrent d'abord
quelques succès, mais, vers la fin de 1589, ils
commencèrent à subir des revers
: notamment, Vienne et la tour de Sainte-Colombe leur furent
enlevés par les
royalistes, au mépris d'une trêve. Vienne
fut, dès
lors, le boulevard des royalistes ; Givors se trouvant à
mi-chemin des deux
camps ennemis, Vienne et Lyon, on comprend facilement que notre ville
deviendra
le lieu des rencontres ou le but des expéditions. Sans
se
décourager des échecs subis, les Lyonnais se
préparèrent à reprendre Vienne,
et, pour cela, ils demandèrent le concours de Claude de
Beauffremont, seigneur
de Sennecey. Celui-ci répondit à l'appel et vint avec
2.000 hommes; il comptait
recevoir le commandement de toutes les forces lyonnaises. On ne put se
mettre
d'accord sur ce point et, pour tout concilier, le Consulat confia le
commandement en chef au jeune marquis de Saint-Sorlin, alors
âgé de 18 ans.
« Mais pour assurer l'exécution de son plan et
soutenir ce jeune général,
qui n'avait jamais fait la guerre encore, le Consulat
délégua à l'armée, deux
échevins qui devaient accompagner le marquis de Saint-Sorlin
pour l'encourager,
l'aider par leur avis, assister aux conseils de guerre comme
députés de la
ville, et veiller à l'exécution des décisions
arrêtés par les Consuls. » La
présence des
échevins à l'armée lyonnaise fait songer aux
représentants du peuple qui, cent
ans plus tard, furent adjoints aux armées de la
République. Les
préparatifs
terminés, les ligueurs lyonnais quittèrent leur ville et
marchèrent sur Vienne,
18 avril 1590. Les premiers incidents auraient pu leur paraître
de mauvais
augure. Ainsi, ce même jour, on avait préparé
« un bateau de feu
artificiel pour rompre le pont de Vienne, pendant que l'armée
serait à
Sainte-Colombe, mais ce bateau ne put être utilisé
à cause des grands vents qui
empêchèrent sa descente ». On ne fut pas plus
heureux avec les bateaux qui
portèrent l'artillerie ; ces bateaux ayant été
déchargés à Givors, l'ennemi
s'en empara. Le Consulat paya pour l'un 70 écus, et pour l'autre
45 écus, plus
encore 300 écus. Les
derniers mois de 1590, et les premiers de l'année
suivante, marquèrent une mauvaise période pour la Ligue
Lyonnaise : zizanie
parmi ses chefs, inquiétude générale, revers
militaires, province cernée de
tous les côtés. Vienne.
Sainte-Colombe et Condrieu étant entre les mains
des royalistes, Givors
formait
le poste avancé de la
Ligue, sur les bords du Rhône ; aussi, dans le courant de mars
1591 le
religionnaire Chambaud, qui avait le commandement des troupes royales
dans le
Vivarais, fit-il une tentative pour s'emparer de Givors, où les
Lyonnais
tenaient une forte garnison. Ayant manqué son coup il se retira.
Les
Lyonnais, sentant la nécessité d'un chef énergique
et
pourvu d'autorité, pour rétablir leurs affaires,
réclamaient depuis longtemps
le retour de leur gouverneur ; mais le duc de Nemours, que les
événements
retenaient à Paris, ne pouvait se rendre à leur appel.
Enfin Nenours revint à
Lyon, en avril 1591 ; sa présence et les succès qui
marquèrent son retour,
rendirent courage et confiance. Malheureusement, de tous
côtés à la fois, on
sollicitait son concours pour relever le parti de la Ligue ; jugeant
que le
plus grand danger était en Bourgogne, il s'y rendit
bientôt, et les Lyonnais
furent de nouveau réduits à leurs propres ressources. Quand
les royalistes du Dauphiné
connurent le départ de Nemours, ils se hâtèrent
vers Lyon. Le 30 juin leur
troupe, sous les ordres de Lesdiguières, se porta jusqu'au
faubourg de la
Guillotière, pillant les habitants, et enlevant le bétail
: mais les Lyonnais
ayant, dans une sortie, mis une quarantaine des leurs hors de combat,
les royalistes
se replièrent. Le même jour, leur armée, avec trois
pièces d'artillerie amenées
de Vienne, passa le Rhône, au-dessus de Ternay, sur un pont de
bateaux, pour
venir assiéger Givors. La
canonnade
commença sans tarder et dura trois heures, ruinant le bourg et
les
fortifications ; (le versant du coteau Saint-Gérald, sur la
vallée de Merdary,
fut criblé de boulets ; en cette partie, on a retrouvé
des boulets, jusqu'à nos
jours. Ce qui permet de déduire que les canons de
Lesdiguières restèrent
surtout en batterie sur les flancs du coteau de Cras, formant la rive
gauche de
Merdary) la nuit suspendit les opérations. Le
1er juillet
1591, Lesdiguières ordonna l'assaut, la ville fut enlevée
et la population
massacrée. La garnison sous les ordres du capitaine de
Nerestang, résistait
encore dans le château ; elle dut se rendre à
discrétion le lendemain, et ne
fut pas maltraitée. (Quittant
Chambéry, Lesdiguières « prend le chemin de
Lyon, se présente au
fauxbourg de l'Eguilletiere (La Guillotière) où ne
voyant parêtre personne, il
marche contre Givors, petite ville du Lyonnais tenue par le duc de
Nemours, la
bat de trois canons, et la prend de force dans vingt quatre heures. Une
partie
de ce qui estait dedans fut tué et le surplus ayant
gaigné le chasteau (serré
de près tout à l'heure par Blanieu) se rendit le
lendemain à discrétion et ne
fut point mal traité. Il avoit fait cette course pour convier
les ennemis au combat,
mais ils ne voulurent jamais entendre. » (Histoire
du Connestable de Lesdiguières, par Louis Videl, secretaire
dudit
Connestable. - Voir aussi les Mémoires
d'Eustache Piemont, notaire de Saint-Antoine en Dauphiné (1572
à 1608). (Il
paraît établi que des Adrets n'a pas enlevé Givors.
Si divers auteurs, parlant de cette ville, en quelques lignes
succinctes, ont
cru pouvoir mettre ce fait d'armes à l'actif du baron, ce fut
sans plus ample
informé et sur la foi d'une tradition locale erronée.) La
prise de
Givors fut le résultat de l'incurie et de l'anarchie qui
régnaient alors dans
la Ligue Lyonnaise, privée de son chef, le duc de Nemours. Quand
le
Consulat vit que Lesdiguières se dirigeait sur Givors, il
ressentit de vives
craintes, car la garnison givordine n'était pas assez forte, et
il jugeait la
place incapable de résister au canon ; mais il n'avait aucune
troupe disponible
sous la main pour secourir fa ville menacée. La compagnie du
capitaine de
Saint-Martin essaya bien de se jeter dans Givors, pour renforcer la
garnison :
la cavalerie ennemie l'empêcha d'exécuter son projet et
l'obligea à se replier. L'infanterie
du
sieur d'Albigny, qui se trouvait à la Guillotière
consentit cependant, contre
le versement immédiat de 200 écus, à se rendre
à Givors. Le Consulat se hâta de
payer la somme demandée, et le 30 juin, à onze heures du
soir, les soldats
s'embarquèrent sur le Rhône, pour arriver à Givors
ayant le jour. La ville
était canonnée déjà, non encore prise, les
belligérants couchaient sur leurs
positions ; si ce renfort était arrivé comme le Consulat
l'esperait; Givors
pouvait être sauvé. Par malheur, l'argent était
touché, il ne restait plus à
recevoir que des coups, aussi, avant d'arriver à mi-chemin les
vaillantes
compagnies du capitaine d'Albignv intimèrent, aux bateliers,
l'ordre d'atterrir
; elles débarquèrent du côté du
Dauphiné et revinrent tranquillement à leur
point de départ, sans plus s'inquiéter de Givors, dont le
sort fut fixé comme
on sait. Les
royalistes,
poursuivant le cours de leurs succès, s'emparèrent de
Montagny, dont ils
ruinèrent le château, et se portèrent, le 2
juillet, sur Saint-Andéol. Les
habitants de ce village fortifié, épouvantés par
le massacre des Givordins, ne
tentèrent pas la moindre résistance, ils se
hâtèrent de composer avec les
vainqueurs et de se racheter moyennant 500 écus. L'armée
royaliste se dirigea
alors vers Dargoire. Le
capitaine de
Saint-Martin, qui s'était retiré sur ce point,
après sa tentative infructueuse
pour secourir Givors, y avait préparé une embuscade.
L'armée des protestants,
surprise par Saint-Martin, fut battue, le chef royaliste Dizimieu,
lieutenant
de Maugiron, fut tué dans le combat. Cette défaite
arrêta la marche en avant
des Dauphinois, qui revinrent sur leurs pas et repassèrent le
Rhône, ne
laissant, dans Givors, que le sieur de Bothéon, chargé de
démanteler la place,
le 3 juillet 1591. Au
milieu de ces
luttes intestines, la classe pauvre était, dans le Lyonnais
réduite à la plus
affreuse misère. Frappés des souffrances du peuple, les
belligérants avaient
bien décidé, dans une conférence tenue à
Saint-Genis-Laval, le 23 avril 1591,
de neutraliser les non combattants ; les députés de la
Ligue Lyonnaise et ceux
de l'armée dauphinoise avaient bien, alors, décidé
formellement de respecter
les laboureurs et les marchands, de maintenir la liberté du
commerce, de ne
point enlever les bestiaux, ni les récoltes ; on a vu comment
cette convention
fut exécutée, deux mois plus tard, et comment les
malheureux paysans de Givors
furent égorgés, au mépris de toutes les belles
promesses. Bothéon
avant achevé l'œuvre des canons de Lesdiguières, Givors
n'était plus qu'une
ruine que les royalistes abandonnèrent complètement. La
ville retomba entre les
mains des ligueurs. Et la
vie
recommença à fleurir dans la cité
dévastée. Les habitants reconstruisirent
leurs maisons et retournèrent à leurs travaux, qui dans
les champs, qui sur le
Rhône : il faut manger tous les jours. Le
château-fort
et l'église Saint-Gérald ne furent pas reconstruits. On
groupa les Givordins
survivants, en une seule paroisse… Les
murs
d'enceinte étaient encore debout sur beaucoup de points ; les
Givordins
songèrent bientôt à les réparer et à
clore de nouveau leur ville. Le 2 octobre
1592, les habitants demandèrent à leur seigneur suzerain,
le Chapitre de Lyon,
l'autorisation d'entreprendre ce travail. Le Chapitre, dont le pouvoir
sur
Givors était toujours subordonné à celui de la
Ligue, accorda l'autorisation
demandée, mais « à la charge qu'ils
obtiendraient la permission du duc de
Nemours ». Les habitants devaient supporter seuls la
dépense. En
1591, les ligueurs lyonnais avaient repris l'avantage. Le marquis de
Saint-Sorlin, notamment, qui bataillait en Bourgogne, avait battu et
capturé un
transfuge, le baron de Sennecey. Le jeune marquis avait ainsi la double
satisfaction de servir son parti et de venger l'injure que le baron lui
avait
faite, l'année précédente, en lui dérobant,
à Givors, son prisonnier d'Ornano. Plus
tard une trêve avait été
signée, entre les parties, trêve qu'on renouvela en
août 1593. Peu
après,
l'ambition du duc de Nemours donna ouverture à un nouveau
conflit. Les
Lyonnais, inquiets des menées de leur gouverneur, poussés
secrètement d'un côté
par Mayenne, et de l'autre par les royalistes, se
révoltèrent contre le duc de
Nemours et enfermèrent celui-ci au château de
Pierre-Scize, en septembre 1593.
Les chefs de la Ligue Lyonnaise, presque tous hostiles à
Nemours, suivirent le
mouvement populaire, tandis que le marquis de Saint-Sorlin revenait
d'Auvergne,
avec ses troupes, et marchait contre Lyon, au secours du duc de
Nemours, son
frère. Lyon aux abois avait appelé d'Ornano à son
secours, lorsque
Saint-Sorlin, effrayé des conséquences d'une telle
intervention consentit à
suspendre les hostilités. Mais bientôt, prétextant
que la trêve avait été
violée, il se remit en campagne et fit fortifier Givors, au lieu
de rendre
cette ville au Consulat, ainsi qu'il s'y était engagé
(octobre 1593). La
Ligue
Lyonnaise, lorsqu'elle commença la lutte contre les nemouristes,
n'avait pas
encore fait sa soumission au roi, mais déjà ses chefs,
habilement travaillés,
étaient gagnés à la cause royale, et bientôt
le peuple allait lui venir aussi.
Lorsque Henri IV eut abjuré le protestantisme, la cause de la
Sainte Union fut
définitivement perdue, à Lyon. Le peuple lyonnais, qui
avait lutté surtout pour
la défense de sa foi, se rallia, en toute loyauté au roi
catholique ; il brisa
la résistance des ligueurs irréductibles et reçut,
dans Lyon, le colonel
d'Ornano, envoyé d'Henri IV (février 1594). Dès
lors, les anciens ligueurs
lyonnais marchèrent avec les troupes royales contre les
nemouristes. Le
marquis de Saint-Sorlin ne tarda pas à perdre Givors, puisque le
19 mars 1594,
Chevrières, l'ancien chef ligueur devenu royaliste,
écrivait de St-Andéol, à
d'Ornano : « J'ai reçu avis que Monsieur le marquis
de
Saint-Sorlin passa
hier la Loire à Montrond avec toutes ses forces .... Et me donne
avis qu'il
courra du costé de Saint-Chamond et Rive-de-Gier. Celà
est cause que je m'y
achemine en diligence comme c'est necessaire. Je logeray les gens de
pied à
Rive-de-Gier, ayant laissé M. de la Tour de Varennes à
Givors avec une troupe
qui s'acquittera fort bien de ses devoirs, mais il nous faut de la
poudre et
des mèches, car il n'y a aucune ressource dans
l'endroit... » Le
duc de
Nemours s'évada du château de Pierre-Seize, le 26 juillet
1594, et se rendit à
Vienne, place d’armes de ses partisans. Cette évasion ranima
l'ardeur des
nemouristes, qui opposèrent une sérieuse
résistance aux troupes de d'Ornano. Il
fallut du renfort, et Montmorency, que le roi venait d'acheter à
sa cause,
moyennant l'épée de connétable, fut envoyé.
Le 2
octobre
1594, le connétable de Montmorency entra "en ceste ville de
Lyon, par la
porte de Veize, et s'en allarent des troupes à l'instant contre
Givort, et
faillirent à le prendre ; et demeurarent certain temps auprez de
Vienne et fut
faict un pont sur des basteaux prez Givort, pour aller et venir au
Daulphiné. Le
connétable
occupa bientôt Givors et il y établit son camp. En effet,
dès le 21 octobre,
Montmorency écrivait du camp de Givors, que les grands vents
ayant fait ouvrir,
en quelques endroits, le pont de bateaux, il fallait promptement le
réparer,
pour éviter plus grand dommage. Il priait donc le Consulat
d'envoyer à Givors
le capitaine Bertrand et autres entendus en cela, pour le
rétablir, et d'y
faire venir aussi le capitaine Chevalier qui commande la
frégate. Vienne
ne
capitula que le 24 avril 1595. Le 13 août suivant, le duc de
Nemours mourut, et
avec lui, le dernier espoir de son parti. Le bon roi Henri acheta
Saint-Sorlin,
au lieu de le soumettre, et ce dernier devenu duc de Nemours par la
mort de son
frère, reçut ainsi 6o.ooo livres. Lorsque
le 4
septembre 1595, Henri IV fit son entrée à Lyon, Givors
était définitivement
rentré sous l'autorité royale. » Henri
IV réorganisa l'administration municipale de Lyon, qu'il modifia
afin
d'assurer, d'une façon plus effective, dans l'avenir, son
autorité sur la
province. La République lyonnaise, sous le pouvoir des consuls,
avait vécu. [1]
Sur le
sujet du Péage de Givors et de La Chance, voir Marcel Boyer, Le château de La Chance, sur le site des Regards
du Pilat |