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Le Château de Givors






Présenté par
Marcel Boyer
d'après les travaux d'Etienne Abeille








Juin
2022




A une vingtaine de kilomètres de Lyon les ruines du château de Givors, qui dominait jadis le confluent du Gier et du Rhône, se dressent sur la colline Saint-Gérald, à l’extrême pointe nord-est du massif du massif du Pilat.

Un premier édifice fut construit en bois vers l’an 1050 par le seigneur de Montagny. Les ruines actuelles, qui dominent les Etoiles de l’architecte Renaudie et l’Hôtel-de-ville, sont celles du second château, construit au XIIe siècle par l’archevêque de Lyon Renaud de Forez et détruit au XVIe siècle lors des guerres de religion.

Dans les années 1970 la municipalité qui projetait d’aménager la colline en jardin public dirigea une campagne de fouilles archéologiques qui permit la découverte d’objets et d’établir un plan précis du site.

Nous découvrons l’histoire de ce château sous la plume de l’historien Etienne Abeille, qui publia en 1912 une remarquable « Histoire de Givors », (A La Librairie ancienne de Louis Brun, Lyon).

 

Le premier château de Givors

« Les seigneurs suzerains, qui se partageaient nos contrées au XIe siècle, étaient (sans parler des sires de Beaujeu) l'Eglise de Lyon et les comtes de Lyon et Forez. Les comtes de Lyon et Forez, dont l'origine remonte au VIe siècle, avaient le siège de leur comté dans le Forez : ils possédaient des terres dans le Lyonnais et jusque dans la ville de Lyon. De son côté, l'Eglise de Lyon avait des droits considérables dans le Forez et le Roannais. La situation se compliquait encore en cela que, si le Lyonnais dépendait alors de l'empire germain, les comtes de Lyon et Forez étaient, au contraire, vassaux du roi de France (Des vestiges de cette lointaine époque ont survécu longtemps dans la langue des mariniers qui avaient coutume de désigner par les mots Riaume (Royaume) et Empi (Empire) les rives droite et gauche du Rhône). Cet enchevêtrement et cette rivalité de pouvoirs n'allaient pas sans conflits, et les bouillants comtes de Lyon et Forez ne craignaient pas de soutenir, les armes à la main, leurs revendications contre l'archevêque.

Les possessions de ces grands suzerains se divisèrent en seigneuries dont les titulaires eurent eux-mêmes pour vassaux des nobles, possesseurs de petits fiefs. Ces seigneuries reçurent des noms particuliers selon leur dépendance : on appela « mandements » celles du comté de Lyon et Forez, « châtellenies » celles de la Sirerie de Beaujeu, « obéances » et « mansions » celles de l'Eglise de Lyon. Plus tard on employa aussi la dénomination « mandement » pour les terres de l'Eglise…

Faute de documents précis, on peut présumer que le premier château de Givors, édifié sur la colline que l'on nomme maintenant le coteau Saint-Gérald, a été bâti vers l'an 1050, pendant la période où I'autorité de l'empereur de Germanie n'étant que nominale dans notre province, les seigneurs féodaux établirent solidement leur puissance et l'appuyèrent sur de nombreuses forteresses.

 

Qui a bâti ce château ? L'histoire ne le dit pas, mais tout permet de croire qu'il a été construit par la famille de Montagny·et qu'il ne pouvait être construit que par elle. En effet, outre que les Montagny étaient les seigneurs du « mandement » dont Givors faisait alors partie, qu'il n'y a pas eu à Givors de famille noble qui aurait possédé tout ce fief comme vassal de cette famille, nous verrons, dans la suite des temps, plusieurs cessions et transactions, par les Montagny, relatives à leurs droits sur Givors, documents qui établissent, d'une façon précise, que ces puissants barons étaient seigneurs de Givors et qu'au début ils possédaient certainement la plupart des droits, et peut-être même tous les droits, sur le château de Givors.

Nous trouverons encore deux autres preuves à l'appui de cette hypothèse sur la construction de notre premier château par un Montagny, seigneur de Givors. Car, en dehors de ses droits de propriété sur le coteau de Saint-Gérald, de ses droits de juridiction sur la ville, nous verrons que la famille Montagny possédait, dans l'enclos même de Givors, à flanc de coteau, sur la rive gauche de Merdary, une maison fortifiée, appelée la Maison Blanche, qu'elle prétendait posséder en franc-alleu, c'est-à-dire exempte de toute redevance.

Enfin c'est la Coutume de Montagny qui régissait Givors, et, en 1321, des criminels, poursuivis pour attaque à main armée contre les châteaux de Givors et de Grigny, excipaient encore de cette Coutume et demandaient la nullité de la sentence les condamnant, parce que la procédure suivie « était contraire à la Coutume du Pays de Guichard de Montagny ».

Il a existé pourtant une famille portant le nom « de Givors », famille d'ancienne noblesse puisqu'un de ses membres, Foulques de Givors, était chanoine de l'Eglise de Lyon, le 5 novembre 1193.

Le dernier membre de cette famille, Guillaume de Givors, mourut, dit un auteur, en 1213, laissant, croit-on, ses biens au Chapitre de Lyon.

Il se peut que ce Guillaume ait laissé ses biens à l'Eglise de Lyon, mais ce ne fut pas le dernier membre de la famille de Givors.

 

Une seigneurie ecclésiastique

La première répartition, entre les chanoines, des revenus de l’Eglise de Lyon est de 1187… Ce texte est précieux pour nous cependant, car c'est le premier où il soit fait mentions de bien possédés à Givors, par l'Eglise de Lyon.

Le 2 juillet 1190, vivait encore le chanoine Girin de Sal qui vendit, à l'Eglise de Lyon, les droits qu'il avait sur « les châteaux de Givors et d'Yzeron » moyennant cent marcs d'argent et quarante livres viennoises, somme considérable pour l'époque.

On entendait, en ce temps par « château » non seulement la maison fortifiée appartenant au seigneur, mais aussi tout ce qui se trouvait dans les murs d'enceinte, et l'on peut traduire « le château de Givors » par « le bourg de Givors ».

La maison seigneuriale, ou château de Givors proprement dit, n'était alors, comme la plupart des petites forteresses de ce temps, ni solidement établie, ni bien défendue ; bientôt elle allait être réédifiée d'une façon définitive, par l'archevêque Renaud de Forez…

L'origine du Chapitre de Lyon remonterait au VIe siècle, ou au VIIIe siècle ; son point de départ fut modeste et ne pouvait faire présager la haute fortune que l'avenir lui réservait ; son organisation régulière ne daterait que du Xe siècle. Les premiers chanoines vivaient pauvrement, entièrement retirés du monde et occupés exclusivement de leur salut ; ils formaient une petite communauté qui s'accrut peu à peu. D'abord pauvres et austères, les chanoines, avec le temps, s'enrichirent et se laissèrent aller au relâchement ; sur la fin du XVIIIe siècle, il ne restait presque plus rien des anciennes règles. L'intendant d'Herbigny disait, en 1698, que les revenus du chapitre étaient évalués à 40.000 écus, somme considérable pour l'époque.

Le Chapitre se recrutait parmi les grandes familles ; pour en faire partie, le postulant devait justifier d'une noblesse de seize quartiers, c'est à-dire de quatre générations de père et de mère. Jusqu'au milieu du XVe siècle, il n'était pas nécessaire d'être du pays de France pour y être admis, mais à partir de cette époque, presque tous les chanoines furent français…


La domination des chanoines, sur leurs vassaux givordins, ne fut pas opprimante. On doit leur rendre cette justice qu'ils n'écrasèrent point les petits, que minimes furent les redevances diverses qu'ils exigèrent, que grâce à la situation prépondérante du Chapitre de Lyon et à l'équilibre de cette puissante organisation, Givors n'eut pas à souffrir des querelles et compétitions qui, pendant des siècles, ensanglantèrenr, bien souvent, tant de cités vassales de familles nobles. Mais il faut reconnaitre aussi que le système employé par le Chapitre pour l'attribution de ses terres fut la cause du délabrement chronique de tout ce qui appartint à notre seigneurie, et de l'état stationnaire ou Givors resta presque jusqu'à la Révolution…

En effet le mansionnaire n'étant qu'un usufruitier temporaire de sa mansion, ne songeait qu'à encaisser les revenus, à éviter toute dépense ; l'état, l'avenir et les progrès de la mansion ne lui causaient pas grand souci : au décès d'un collègue n'avait-il pas l'espoir d'échanger sa mansion contre une autre meilleure ! Le Chapitre de son coté, n'étant et ne devant jamais être qu'un nu-propriétaire, se refusait autant que possible, à toute dépense au bénéfice particulier de la mansion, et laissait, au mansionnaire, la responsabilité de ce qui pouvait survenir. On comprend facilement qu'un pareil état de choses n'ait pas engendré une grande activité, ni des progrès marqués : ce fut le règne du statu quo.

En 1190, l'Eglise de Lyon possédait donc, tant par une donation que par une acquisition, des droits à Givors, mais c'est pendant l'épiscopat de l'archevêque Renaud de Forez (de 1193 à 1226), que des acquisitions nouvelles lui constituèrent la seigneurie, ou obéance de Givors.

En 1201, une vente fut passée, par Guillaume, prieur du monastère de Notre-Dame de l'Isle-sous-Vienne, à l'Eglise de Lyon, d'une île du Rhône, en pré, qui était située au territoire de Givors, pour le prix de 28 livres fortes.

Bientôt après, eut lieu l'acquisition la plus importante que l'Eglise ait faite à Givors : en 1208, par lettres patentes du roi Philippe-Auguste, le péage de Givors et de la Chance, tant par terre que par eau, fut concédé à l'archevêque Renaud de Forez, et par celui-ci à l'Eglise de Lyon [1]

Des tours édifiées au bord du Rhône, notamment à Bans et à Millery (d'où la Tour de Bans et la Tour de Millery), servirent à surveiller le fleuve, et à abriter les péagers. La tour de Bans, d'après un vieux plan sans date, se trouvait sur la balme rocheuse qui domine le Rhône, c'était une étroite tour carrée, à trois étages peinte en jaune. La tour de Bans était aussi nommée tour d'Herbein.

Jusqu'à sa mort (1226), l'archevêque Renaud s'efforça d'accroître les possessions de l'Eglise, à Givors. Il acheta des droits, des bâtiments, des terres, des vignes, des jardins, à Givors, à Bans, à la Freydière, etc .... Il acquit de Guillaume Arenc, au prix de soixante sous, deux parts du marché de Givors ; plusieurs propriétaires fonciers prirent de lui, en fief, leurs immeubles. Enfin il acheta la part de poipe que Bérard de Pisaiz possédait dans le château de Givors ; de Guichard de Montagny et de dame Blanche son épouse, il acquit un quart de cette même poipe ; il en acquit un autre quart d’Etienne de Farnay. Dès lors, l’Eglise de Lyon se trouva propriétaire de la poipe et des trois quarts des droits seigneuriaux de Givors, le quatrième quart appartenant encore à la famille de Montagny...

Bientôt après, en avril 1217, l'archevêque Renaud achetait d'Etienne de Farnay et de dame Alise sa mère, pour 58 livres fortes, « tout le droit et la seigneurie qu'ils avaient en la poipe de Givors (in poipia Givore), sous réserve par eux faite de tous autres droits seigneuriaux, tant au « château susdit que dans le mandement d'icelui »…

L'Eglise de Lyon se trouvait dès lors en possession du coteau ou poipe de Givors, et des trois quarts de la juridiction tant haute que basse de cette cité.

Renaud de Forez est mort en 1226, c'est lui qui a reconstruit le château ; on peut donc préciser la date de cette reconstruction entre 1217 et 1226.

Les ruines qui restent du château de Givors et qui défient les injures du temps, le peu de superficie et la forte déclivité du coteau démontrent que, si notre citadelle était d'une solidité à toute épreuve, elle n'occupait qu'une surface relativement peu étendue et ne devait être que de minime importance. Les maisons, qui s'échelonnaient à ses pieds, étaient enserrées dans des remparts, dont on voit encore de nombreux vestiges. Ces remparts doivent remonter au XIe siècle, à la construction du premier château givordin, car si Renaud de Forez les avait réédifiés avec le château, l'Obituaire, qui relate les moindres faits de cet archevêque, à Givors, n'aurait point passé sous silence une œuvre de cette importance…


Nous avons vu que l'archevêque Renaud de Forez, tant par la reconstruction du château que par des acquisitions diverses, fut le créateur, pour l'Eglise de Lyon, de la seigneurie de Givors. Nous avons vu, aussi, qu'à la mort de cet archevêque, la famille de Montagny possédait encore un quart de la juridiction ce Givors. Cette puissante famille possédait, en outre, la maison forte, dit la Maison Blanche, sise à mi-coteau, sur la rive gauche de Merdary, et dans l'enceinte même de Givors.

Malgré la transaction de 1214, qui avait été consentie « pour faire cesser toute contestation », les hostilités reprirent bientôt entre les deux co-seigneurs. Les fortifications de la Maison Blanche portaient ombrage au Chapitre, et d'autre part, le fier baron Guichard de Montagny se refusait à faire foi et hommage, pour ce fonds. Le résultat de ce conflit fut le démantèlement des fortifications de la Maison Blanche, opéré par le Chapitre… C'était un nouvel et sensible abaissement de sa puissance à Givors, au profit de la suzeraineté du Chapitre.

Continuant à accroître ses possessions givordines, le Chapitre traitait, en mai 1292, avec Barthélemy de Miribel, chevalier, de Givors. Celui-ci reconnaissait tenir, à charge d'hommage, des obéanciers de Givors, la maison qu'il possédait en cette ville; il se chargeait, à perpétuité, de payer chaque année la célébration de l'anniversaire général fondé par Hugues de Piseys. En échange le Chapitre lui abandonnait divers droits, dans les paroisses de Loire et Saint-Romain-en-Gal. Par cet acte, le Chapitre arrondissait son fief givordin, il se déchargeait des charges qui grevaient les immeubles provenant de la famille de Piseys, et il payait tout ceci en abandonnant des droits qu'il possédait dans deux villages placés sous la suzeraineté de l'Eglise de Vienne. Or les deux Eglises ayant des rapports rien moins qu'amicaux, le Chapitre de Lyon trouvait là une bonne occasion de se défaire de ces droits, mal situés pour lui.

Il résulte de ce traité que l'obéance de Loire était sous la dépendance de celle de Givors, que les Loirards étaient tenus de contribuer à l'entretien et à la défense du château de Givors, qu'ils avaient leur juge, mais que l'appel des jugements et l'exercice de la haute justice de Loire étaient attribués au juge de Givors. Et comme conséquence de cette attribution, lorsque le crime d'adultère était commis à Loire, et que l'homme et la femme surpris ne payaient pas l'amende, ces deux coupables et malheureux Loirards étaient tenus de courir nus à Givors, fustigés par les officiers de justice de la cité, sous le contrôle du juge givordin, haut justicier. Si les Givordins, coupables du même crime, étaient, ainsi que nous le verrons, soumis à la même peine, ils avaient du moins l'avantage de la subir clans leur propre pays, c'était néanmoins un peu plus intime.

L'histoire ne nous dit pas si, pour l'édification de la jeunesse et la sauvegarde des mœurs, beaucoup de couples fautifs ont étalé leurs charmes dans les rues givordines ; il est probable qu'on payait plutôt l'amende.

Cette méthode de répression, qui nous étonne et nous offusque, surtout dans un traité fait par des chanoines, paraissait toute naturelle dans le temps où elle fut édictée…

Durant la période féodale, au temps où la puissance royale n'était pas encore assez forte pour obliger les nobles, ardents à la lutte, à rester en paix, un peu partout, en France, on guerroyait, voisin contre voisin, château contre château, au grand dommage des récoltes et de leurs propriétaires. Henri de Miribel, qui, semble-t-il, fut châtelain de Givors, eut ainsi maille à partir avec quelques hobereaux du voisinage. Ce fut l'occasion d'une attaque à main armée, par les ennemis d'Henri, contre le château de Givors et contre le château de Grigny…

A n'écouter que cette longue suite de griefs, il semblerait que Givors était complètement abandonné au bon plaisir du viguier ; il semblerait qu'on n'avait nul souci de veiller sur la ville et sur ses moyens de défense.

Cependant il n'en était pas ainsi. Tout en admettant une négligence possible de la part des obéanciers de Givors, il nous est facile d'établir que le Chapitre prit soin, au contraire, de compléter, à cette époque, les moyens de défense de la ville et même d'assurer son ravitaillement.

En effet, le 28 juin 1362, le Chapitre ordonne de faire recouvrir le château.

Le 8 août 1364, Garin Tornadieu, nommé châtelain de Givors, reçoit du Chapitre, l'ordre de faire publier que défense est faite aux habitants du mandement d'en sortir des vivres, sans la permission du Chapitre, ou celle du châtelain.

Le 2 août 1369, le chapitre cède et remet, pendant douze ans, aux habitants de Givors, le droit de pêche dans les fossés, à condition d'employer le produit des quatre pêches, qui se feront de trois ans en trois ans, à réparer les brèches existant aux murs de la ville.

Le 12 novembre 1381, le Chapitre informe les habitants de Givors, qu'il va établir une taille pour la construction d'un mur déjà commencé pour complément de fortification ; il mande au châtelain de Givors de prendre avec lui deux nobles et quatre notables bourgeois dudit lieu, pour tous ensemble, aviser à faire creuser par les habitants, un nouveau fossé…

Tous ces faits établissent que, pendant la seconde moitié du XIVe siècle, le Chapitre s'occupa, d'une façon suivie, à mettre Givors en état de défense.

 

Ce n'était d'ailleurs pas sans nécessité. Si pendant cette période de la guerre de Cent Ans, période de succès pour nos armes, Givors n'eut pas à redouter l'invasion des Anglais, notre cité craignit du moins les coups de main des Grandes Compagnies, ces bandes de pillards qui désolaient la France, et qui luttaient, avec succès, même contre les troupes royales : témoin la bataille de Brignais, presque à nos portes, où, en 1361, les bandes de Seguin Batifol remportèrent une sanglante victoire sur l'armée de Jacques de Bourbon.

Mais les craintes et les dangers du temps n'empêchèrent pas la continuation des hostilités entre les deux rivaux habituels : le Chapitre de Lyon et la famille de Montagny.

On discute, et on informe, en 1370, pour fixer des limites et planter des bornes qui sépareront le mandement de Givors de celui de Montagny.

Cependant, le 6 juin 1382, François de Montagny consent à faire foi et hommage, au Chapitre, pour ses biens de Givors, et, dans cet acte, le Chapitre reconnaît le droit de son vassal à la quatrième partie de la juridiction de Givors…

Les divers documents, que nous avons analysés, établissent que, pendant la seconde moitié du XIVe siècle, le Chapitre s'occupa, d'une façon suivie, de sa place forte de Givors, et maintint celle-ci en état de défense.

Avec le chanoine Pierre de Lornay, commence, au XVe siècle, la longue série des mansionnaires peu diligents, qui laissèrent tomber en ruine le château de Givors.

Le 24 mars 1411, le chapitre ordonne que le doyen se transportera à Givors, et y fera les réparations nécessaires, aux frais de I'obéance.

Le 8 août 1418, le procureur fiscal, après avoir exposé au Chapitre que le château de Givors menace ruine, qu'il n'a ni portes, ni fenêtres, ni armes, et ce par la faute du Chamarier, obéancier, demande que la terre de Pierre de Lornay soit mise sous la main du Chapitre ; ce qui est ordonné.

Le 8 octobre 1433, a lieu une nouvelle saisie, par le Chapitre, des revenus de Pierre de Lornay, qui devait faire des réparations, à Givors, et ne les avait pas faites.

Le 8 novembre 1438, Pierre de Lornay, mansionnaire de Givors, n'ayant pas fait les réparations qui lui incombaient, le Chapitre fait encore saisir les revenus de la mansion.

Pendant que de minces conflits, entre les coseigneurs de Givors, occupaient la ville, que la négligence du mansionnaire laissait le château sans défense, notre cité goûtait néanmoins une paix enviable, loin des horreurs de la guerre.

« Le 6 novembre 1434, le Chapitre accorde aux habitants de Givors, sur leur demande, la permission de nommer des syndics, à la condition qu'ils ne pourront établir aucun impôt. »

C'est l'établissement du premier conseil municipal givordin ; conseil aux pouvoirs fort limités, il est vrai, mais première admission des habitants dans l'administration de la cité. Désormais nous verrons les syndics intervenir, et représenter les habitants de Givors, dans les affaires relatives à la défense ou à l'avenir de la ville.

Mais cela ne changea rien, naturellement, à la méthode des mansionnaires : le chanoine Gillet de Saint-Point, qui reçut la mansion de Givors le 17 mai 1439, laissait, lui aussi, le château sans réparations. Le14 juillet 1440, le Chapitre veut lui retirer la mansion ; le 13 juillet 1447, il est toujours mansionnaire ... et la réparation du château est toujours à faire. Le 7 avril 1470, ce sont les syndics qui, au nom des habitants, prennent la charge et la dépense des réparations à faire aux fortifications de la ville…

A cette époque, le château de Givors n'ayant pas de prisons utilisables, on enfermait les prisonniers à la Maison-Blanche, la maison forte du baron de Montagny. Cet état de choses ne pouvant s'éterniser, le Chapitre manda, au cellerier de Givors, le 29 juin 1491, de faire faire des prisons, aux frais des seigneurs obéanciers.

Cet ordre fut promptement exécuté, puisque les prisons de Givors s'achevèrent en ... 1768 ! En effet, il en sera de la reconstruction des prisons, comme de l'entretien du château : les mansionnaires, possesseurs temporaires, ne voudront pas y dépenser leurs revenus ; le Chapitre, nu-propriétaire à perpétuité, ne voudra pas y engloutir ses fonds. Et c'est pourquoi, après avoir écrit bien des fois : « Le château tombe en ruine », aurons-nous à écrire tout aussi souvent : « Les prisons ne sont pas encore reconstruites. »


La période des guerres de religion

Nous passerons sous silence les diverses guerres civiles qui ensanglantèrent la France, de 1562, à la mort de Henri III, en 1589, ou plutôt nous ne parlerons que de celle qui commença, à Lyon, en février 1589, car c'est la première où Givors se soit trouvé mêlé. Mais pendant cette courte période, que de calamités notre région fut le théâtre : la peste s'étendit sur toute la province en 1564, enlevant, rien qu'à Lyon soixante mille personnes ; elle sévit, de nouveau en 1577, 1581, 15S2, 1585 et 1586 ; une famine et un hiver d'une rigueur extrême marquèrent l'année 1573.

On sait que la Ligue qui plus tard devait changer de but et devenir une faction révolutionnaire, fut formée, en 1576, pour grouper des catholiques sincères qui voulaient défendre leur religion menacée par les progrès des protestants et par la faiblesse de Henri III.

A Lyon, on hésitait entre le parti de la Ligue et le parti de Henri III. « Le 24 février 1589, alors que dans les rangs de la haute bourgeoisie lyonnaise, on discutait encore sur le parti à prendre, le peuple se souleva, prit les armes et fit des barricades, c'est-à-dire tendit des chaînes qui étaient à l'entrée des rues pour les barrer et servir de remparts aux habitants ; enfin on arbora des drapeaux et des écharpes rouges, couleur de l'Espagne, mais que l'on disait, d'après une erreur de transcription d'un vieux chroniqueur anglais, avoir été l'ancienne couleur française. Puis les trois ordres de la ville furent convoqués à la Maison Commune, où tous les assistants signèrent un acte formel d'adhésion à la Ligue ; enfin, trois jours après, le dimanche 27, deux échevins parcoururent la ville, lisant cet acte dans les trente-six quartiers, et le firent jurer au peuple qui prêta serment à l'unanimité et avec acclamations.

Dès ce moment, la Commune lyonnaise se trouva constituée en une république absolument indépendante gouvernée par la seule volonté du peuple, dont le Consulat était le pouvoir exécutif. Les premières démarches furent de se mettre en relations avec les provinces du gouvernement, dont les principales villes, Saint-Chamond, Montbrison, Saint-Bonnet-le-Château, Saint-Galmier, Roanne, Villefranche, Belleville, etc., envoyèrent leur adhésion empressée. Dans les provinces voisines, Mâcon au nord, Le Puy et Vienne au midi, Crémieux à l'est, formèrent un groupement dont Lyon fut le centre et la capitale. Cet ensemble se rattachait lui-même au Conseil général de l'Union, siégeant à Paris, et formait ainsi un gouvernement improvisé, né spontanément du sentiment religieux et national, et dont il serait difficile de trouver un exemple aussi caractérisé...

Quoi qu'elle agît en toute indépendance, la République lyonnaise n'avait cessé de reconnaître l'autorité du roi et du gouverneur qu'il lui avait donné. C'était un jeune homme de 22 ans, Charles, duc de Nemours et de Genève, fils de Jacques de Savoie, qui avait été gouverneur vingt ou trente ans auparavant. Il arriva le 23 mars, et la ville, tout en protestant de sa fidélité, établit auprès de lui un Conseil d'Etat pris dans les trois ordres et fourni également par le Forez et le Beaujolais. Nemours ne séjourna pas longtemps  à Lyon ; il se rendit à « Paris, laissant son frère, le marquis de Saint-Sorlin, pour le remplacer. »

L'assassinat d'Henri III, le 2 août 1589, en mettant la couronne de France sur la tête d'un prince protestant, ne fit qu'affermir les Lyonnais dans leurs idées et donner plus de force à la Ligue.

Givors fit partie de cette république lyonnaise, et, dans notre ville, l'administration des consuls de Lvon fut substituée à celle des chanoines, tout au moins au point de vue militaire et politique.

Les Ligueurs lyonnais, ayant renforcé leurs places d'armes, remportèrent d'abord quelques succès, mais, vers la fin de 1589, ils commencèrent à subir des revers : notamment, Vienne et la tour de Sainte-Colombe leur furent enlevés par les royalistes, au mépris d'une trêve.

Vienne fut, dès lors, le boulevard des royalistes ; Givors se trouvant à mi-chemin des deux camps ennemis, Vienne et Lyon, on comprend facilement que notre ville deviendra le lieu des rencontres ou le but des expéditions.

 

Sans se décourager des échecs subis, les Lyonnais se préparèrent à reprendre Vienne, et, pour cela, ils demandèrent le concours de Claude de Beauffremont, seigneur de Sennecey. Celui-ci répondit à l'appel et vint avec 2.000 hommes; il comptait recevoir le commandement de toutes les forces lyonnaises. On ne put se mettre d'accord sur ce point et, pour tout concilier, le Consulat confia le commandement en chef au jeune marquis de Saint-Sorlin, alors âgé de 18 ans. « Mais pour assurer l'exécution de son plan et soutenir ce jeune général, qui n'avait jamais fait la guerre encore, le Consulat délégua à l'armée, deux échevins qui devaient accompagner le marquis de Saint-Sorlin pour l'encourager, l'aider par leur avis, assister aux conseils de guerre comme députés de la ville, et veiller à l'exécution des décisions arrêtés par les Consuls. »

La présence des échevins à l'armée lyonnaise fait songer aux représentants du peuple qui, cent ans plus tard, furent adjoints aux armées de la République.

Les préparatifs terminés, les ligueurs lyonnais quittèrent leur ville et marchèrent sur Vienne, 18 avril 1590. Les premiers incidents auraient pu leur paraître de mauvais augure. Ainsi, ce même jour, on avait préparé « un bateau de feu artificiel pour rompre le pont de Vienne, pendant que l'armée serait à Sainte-Colombe, mais ce bateau ne put être utilisé à cause des grands vents qui empêchèrent sa descente ». On ne fut pas plus heureux avec les bateaux qui portèrent l'artillerie ; ces bateaux ayant été déchargés à Givors, l'ennemi s'en empara. Le Consulat paya pour l'un 70 écus, et pour l'autre 45 écus, plus encore 300 écus.

Les derniers mois de 1590, et les premiers de l'année suivante, marquèrent une mauvaise période pour la Ligue Lyonnaise : zizanie parmi ses chefs, inquiétude générale, revers militaires, province cernée de tous les côtés.

Vienne. Sainte-Colombe et Condrieu étant entre les mains des royalistes, Givors formait le poste avancé de la Ligue, sur les bords du Rhône ; aussi, dans le courant de mars 1591 le religionnaire Chambaud, qui avait le commandement des troupes royales dans le Vivarais, fit-il une tentative pour s'emparer de Givors, où les Lyonnais tenaient une forte garnison. Ayant manqué son coup il se retira.

Les Lyonnais, sentant la nécessité d'un chef énergique et pourvu d'autorité, pour rétablir leurs affaires, réclamaient depuis longtemps le retour de leur gouverneur ; mais le duc de Nemours, que les événements retenaient à Paris, ne pouvait se rendre à leur appel. Enfin Nenours revint à Lyon, en avril 1591 ; sa présence et les succès qui marquèrent son retour, rendirent courage et confiance. Malheureusement, de tous côtés à la fois, on sollicitait son concours pour relever le parti de la Ligue ; jugeant que le plus grand danger était en Bourgogne, il s'y rendit bientôt, et les Lyonnais furent de nouveau réduits à leurs propres ressources.

Quand les royalistes du Dauphiné connurent le départ de Nemours, ils se hâtèrent vers Lyon. Le 30 juin leur troupe, sous les ordres de Lesdiguières, se porta jusqu'au faubourg de la Guillotière, pillant les habitants, et enlevant le bétail : mais les Lyonnais ayant, dans une sortie, mis une quarantaine des leurs hors de combat, les royalistes se replièrent. Le même jour, leur armée, avec trois pièces d'artillerie amenées de Vienne, passa le Rhône, au-dessus de Ternay, sur un pont de bateaux, pour venir assiéger Givors.

La canonnade commença sans tarder et dura trois heures, ruinant le bourg et les fortifications ; (le versant du coteau Saint-Gérald, sur la vallée de Merdary, fut criblé de boulets ; en cette partie, on a retrouvé des boulets, jusqu'à nos jours. Ce qui permet de déduire que les canons de Lesdiguières restèrent surtout en batterie sur les flancs du coteau de Cras, formant la rive gauche de Merdary) la nuit suspendit les opérations.

Le 1er juillet 1591, Lesdiguières ordonna l'assaut, la ville fut enlevée et la population massacrée. La garnison sous les ordres du capitaine de Nerestang, résistait encore dans le château ; elle dut se rendre à discrétion le lendemain, et ne fut pas maltraitée.

(Quittant Chambéry, Lesdiguières « prend le chemin de Lyon, se présente au fauxbourg de l'Eguilletiere (La Guillotière) où ne voyant parêtre personne, il marche contre Givors, petite ville du Lyonnais tenue par le duc de Nemours, la bat de trois canons, et la prend de force dans vingt quatre heures. Une partie de ce qui estait dedans fut tué et le surplus ayant gaigné le chasteau (serré de près tout à l'heure par Blanieu) se rendit le lendemain à discrétion et ne fut point mal traité. Il avoit fait cette course pour convier les ennemis au combat, mais ils ne voulurent jamais entendre. » (Histoire du Connestable de Lesdiguières, par Louis Videl, secretaire dudit Connestable. - Voir aussi les Mémoires d'Eustache Piemont, notaire de Saint-Antoine en Dauphiné (1572 à 1608).

(Il paraît établi que des Adrets n'a pas enlevé Givors. Si divers auteurs, parlant de cette ville, en quelques lignes succinctes, ont cru pouvoir mettre ce fait d'armes à l'actif du baron, ce fut sans plus ample informé et sur la foi d'une tradition locale erronée.)

La prise de Givors fut le résultat de l'incurie et de l'anarchie qui régnaient alors dans la Ligue Lyonnaise, privée de son chef, le duc de Nemours.

Quand le Consulat vit que Lesdiguières se dirigeait sur Givors, il ressentit de vives craintes, car la garnison givordine n'était pas assez forte, et il jugeait la place incapable de résister au canon ; mais il n'avait aucune troupe disponible sous la main pour secourir fa ville menacée. La compagnie du capitaine de Saint-Martin essaya bien de se jeter dans Givors, pour renforcer la garnison : la cavalerie ennemie l'empêcha d'exécuter son projet et l'obligea à se replier.

 

L'infanterie du sieur d'Albigny, qui se trouvait à la Guillotière consentit cependant, contre le versement immédiat de 200 écus, à se rendre à Givors. Le Consulat se hâta de payer la somme demandée, et le 30 juin, à onze heures du soir, les soldats s'embarquèrent sur le Rhône, pour arriver à Givors ayant le jour. La ville était canonnée déjà, non encore prise, les belligérants couchaient sur leurs positions ; si ce renfort était arrivé comme le Consulat l'esperait; Givors pouvait être sauvé. Par malheur, l'argent était touché, il ne restait plus à recevoir que des coups, aussi, avant d'arriver à mi-chemin les vaillantes compagnies du capitaine d'Albignv intimèrent, aux bateliers, l'ordre d'atterrir ; elles débarquèrent du côté du Dauphiné et revinrent tranquillement à leur point de départ, sans plus s'inquiéter de Givors, dont le sort fut fixé comme on sait.

Les royalistes, poursuivant le cours de leurs succès, s'emparèrent de Montagny, dont ils ruinèrent le château, et se portèrent, le 2 juillet, sur Saint-Andéol. Les habitants de ce village fortifié, épouvantés par le massacre des Givordins, ne tentèrent pas la moindre résistance, ils se hâtèrent de composer avec les vainqueurs et de se racheter moyennant 500 écus. L'armée royaliste se dirigea alors vers Dargoire.

Le capitaine de Saint-Martin, qui s'était retiré sur ce point, après sa tentative infructueuse pour secourir Givors, y avait préparé une embuscade. L'armée des protestants, surprise par Saint-Martin, fut battue, le chef royaliste Dizimieu, lieutenant de Maugiron, fut tué dans le combat. Cette défaite arrêta la marche en avant des Dauphinois, qui revinrent sur leurs pas et repassèrent le Rhône, ne laissant, dans Givors, que le sieur de Bothéon, chargé de démanteler la place, le 3 juillet 1591.

Au milieu de ces luttes intestines, la classe pauvre était, dans le Lyonnais réduite à la plus affreuse misère. Frappés des souffrances du peuple, les belligérants avaient bien décidé, dans une conférence tenue à Saint-Genis-Laval, le 23 avril 1591, de neutraliser les non combattants ; les députés de la Ligue Lyonnaise et ceux de l'armée dauphinoise avaient bien, alors, décidé formellement de respecter les laboureurs et les marchands, de maintenir la liberté du commerce, de ne point enlever les bestiaux, ni les récoltes ; on a vu comment cette convention fut exécutée, deux mois plus tard, et comment les malheureux paysans de Givors furent égorgés, au mépris de toutes les belles promesses.

Bothéon avant achevé l'œuvre des canons de Lesdiguières, Givors n'était plus qu'une ruine que les royalistes abandonnèrent complètement. La ville retomba entre les mains des ligueurs.

Et la vie recommença à fleurir dans la cité dévastée. Les habitants reconstruisirent leurs maisons et retournèrent à leurs travaux, qui dans les champs, qui sur le Rhône : il faut manger tous les jours.

Le château-fort et l'église Saint-Gérald ne furent pas reconstruits. On groupa les Givordins survivants, en une seule paroisse…

Les murs d'enceinte étaient encore debout sur beaucoup de points ; les Givordins songèrent bientôt à les réparer et à clore de nouveau leur ville. Le 2 octobre 1592, les habitants demandèrent à leur seigneur suzerain, le Chapitre de Lyon, l'autorisation d'entreprendre ce travail. Le Chapitre, dont le pouvoir sur Givors était toujours subordonné à celui de la Ligue, accorda l'autorisation demandée, mais « à la charge qu'ils obtiendraient la permission du duc de Nemours ». Les habitants devaient supporter seuls la dépense.

Nous ne savons si cette réfection des murs d'enceinte fut exécutée ; en tous cas on mit de nouveau Givors en état de défense, car, dès 1593, le Consulat lyonnais faisait payer une somme de 100 écus au capitaine Boudillon, pour lever une compagnie de gens de pied pour la garde de Givors.                           

En 1591, les ligueurs lyonnais avaient repris l'avantage. Le marquis de Saint-Sorlin, notamment, qui bataillait en Bourgogne, avait battu et capturé un transfuge, le baron de Sennecey. Le jeune marquis avait ainsi la double satisfaction de servir son parti et de venger l'injure que le baron lui avait faite, l'année précédente, en lui dérobant, à Givors, son prisonnier d'Ornano.

Plus tard une trêve avait été signée, entre les parties, trêve qu'on renouvela en août 1593.

Peu après, l'ambition du duc de Nemours donna ouverture à un nouveau conflit. Les Lyonnais, inquiets des menées de leur gouverneur, poussés secrètement d'un côté par Mayenne, et de l'autre par les royalistes, se révoltèrent contre le duc de Nemours et enfermèrent celui-ci au château de Pierre-Scize, en septembre 1593. Les chefs de la Ligue Lyonnaise, presque tous hostiles à Nemours, suivirent le mouvement populaire, tandis que le marquis de Saint-Sorlin revenait d'Auvergne, avec ses troupes, et marchait contre Lyon, au secours du duc de Nemours, son frère. Lyon aux abois avait appelé d'Ornano à son secours, lorsque Saint-Sorlin, effrayé des conséquences d'une telle intervention consentit à suspendre les hostilités. Mais bientôt, prétextant que la trêve avait été violée, il se remit en campagne et fit fortifier Givors, au lieu de rendre cette ville au Consulat, ainsi qu'il s'y était engagé (octobre 1593).

La Ligue Lyonnaise, lorsqu'elle commença la lutte contre les nemouristes, n'avait pas encore fait sa soumission au roi, mais déjà ses chefs, habilement travaillés, étaient gagnés à la cause royale, et bientôt le peuple allait lui venir aussi. Lorsque Henri IV eut abjuré le protestantisme, la cause de la Sainte Union fut définitivement perdue, à Lyon. Le peuple lyonnais, qui avait lutté surtout pour la défense de sa foi, se rallia, en toute loyauté au roi catholique ; il brisa la résistance des ligueurs irréductibles et reçut, dans Lyon, le colonel d'Ornano, envoyé d'Henri IV (février 1594). Dès lors, les anciens ligueurs lyonnais marchèrent avec les troupes royales contre les nemouristes.

Le marquis de Saint-Sorlin ne tarda pas à perdre Givors, puisque le 19 mars 1594, Chevrières, l'ancien chef ligueur devenu royaliste, écrivait de St-Andéol, à d'Ornano : « J'ai reçu avis que Monsieur le marquis de Saint-Sorlin passa hier la Loire à Montrond avec toutes ses forces .... Et me donne avis qu'il courra du costé de Saint-Chamond et Rive-de-Gier. Celà est cause que je m'y achemine en diligence comme c'est necessaire. Je logeray les gens de pied à Rive-de-Gier, ayant laissé M. de la Tour de Varennes à Givors avec une troupe qui s'acquittera fort bien de ses devoirs, mais il nous faut de la poudre et des mèches, car il n'y a aucune ressource dans l'endroit... »

Le duc de Nemours s'évada du château de Pierre-Seize, le 26 juillet 1594, et se rendit à Vienne, place d’armes de ses partisans. Cette évasion ranima l'ardeur des nemouristes, qui opposèrent une sérieuse résistance aux troupes de d'Ornano. Il fallut du renfort, et Montmorency, que le roi venait d'acheter à sa cause, moyennant l'épée de connétable, fut envoyé.

Le 2 octobre 1594, le connétable de Montmorency entra "en ceste ville de Lyon, par la porte de Veize, et s'en allarent des troupes à l'instant contre Givort, et faillirent à le prendre ; et demeurarent certain temps auprez de Vienne et fut faict un pont sur des basteaux prez Givort, pour aller et venir au Daulphiné.

Le connétable occupa bientôt Givors et il y établit son camp. En effet, dès le 21 octobre, Montmorency écrivait du camp de Givors, que les grands vents ayant fait ouvrir, en quelques endroits, le pont de bateaux, il fallait promptement le réparer, pour éviter plus grand dommage. Il priait donc le Consulat d'envoyer à Givors le capitaine Bertrand et autres entendus en cela, pour le rétablir, et d'y faire venir aussi le capitaine Chevalier qui commande la frégate.

Vienne ne capitula que le 24 avril 1595. Le 13 août suivant, le duc de Nemours mourut, et avec lui, le dernier espoir de son parti. Le bon roi Henri acheta Saint-Sorlin, au lieu de le soumettre, et ce dernier devenu duc de Nemours par la mort de son frère, reçut ainsi 6o.ooo livres.

Lorsque le 4 septembre 1595, Henri IV fit son entrée à Lyon, Givors était définitivement rentré sous l'autorité royale. »

Henri IV réorganisa l'administration municipale de Lyon, qu'il modifia afin d'assurer, d'une façon plus effective, dans l'avenir, son autorité sur la province. La République lyonnaise, sous le pouvoir des consuls, avait vécu.

Le Chapitre de Lyon qui, pendant la Ligue, s'était effacé devant le Consulat, dans les affaires de Givors, reprit l'usage de tous ses droits sur notre cité.






[1] Sur le sujet du Péage de Givors et de La Chance, voir Marcel Boyer, Le château de La Chance, sur le site des Regards du Pilat

Merci à Yves Chapuis pour le prêt de ses cartes postales


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