OCTOBRE 2022









PAR PATRICK BERLIER

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CHRISTIAN DOUMERGUE

RETOUR DANS LE PILAT




Christian Doumergue est l'auteur de nombreux livres consacrés à des thèmes toujours liés aux mystères et aux énigmes de notre histoire : Marie-Madeleine, Rennes-le-Château, les Templiers, la Franc-Maçonnerie, etc. Il publie au minimum deux livres par an, quatre en cette année 2022. Le dernier en date est Le Royaume des sorcières, au cœur du féminin sacré. Les thèmes de ses ouvrages sont décidés en concertation avec son éditeur. Son best-seller restera sans nul doute Le secret dévoilé, récit de l'enquête qu'il a menée durant de longues années sur l'affaire de Rennes-le-Château. Malgré ces succès, Christian est resté un homme très simple et sympathique. Il nous avait déjà fait l'amitié de venir passer quelques jours dans le Pilat durant l'été 2007, et quinze ans plus tard en août 2022 le voici de retour pour un petit séjour, l'occasion pour nous de lui montrer d'autres facettes de notre chère montagne.

 

Christian et Keida

C'est à Pélussin que nous retrouvons Christian et sa compagne Keida, en ce matin du mardi 23 août. Il fait un temps magnifique, ciel bleu et soleil, pas trop de chaleur. Pour cette première journée, nous avons décidé de leur faire découvrir d'abord le pittoresque hameau de la Guintranie, tout proche de Pélussin. Dans la maison où nous sommes accueillis en début d'après-midi, une belle demeure bâtie le long de l'ancienne voie romaine, se remarquent plusieurs pierres gravées. On y voit des croix pattées, mais aussi des signes plus difficiles à interpréter.

 

Passage de l'ancienne voie romaine à la Guintranie

Ensuite nous prenons la direction de Colombier. Une courte marche nous permet d'arriver jusqu'au menhir du Flat, qui désormais ne se dévoile qu'au dernier instant, tant il est caché aux regards par l'épais rideau d'arbres qui a poussé durant ces deux dernières années. L'effet des confinements peut-être ? Du coup l'imposant menhir s'entoure d'une aura de mystère supplémentaire. Christian sort son appareil-photo de son sac à dos et commence à mitrailler. Les rochers en contrebas l'attirent, ainsi que le tumulus de l'autre côté. Il passe un moment à explorer tous les recoins du site. Nous l'attendons, assis à l'ombre sur des pierres qui semblent avoir été posées là pour accueillir les visiteurs, face à l'énigmatique visage qui nous scrute de son regard de pierre.

 

L'énigmatique visage du menhir du Flat

L'après-midi avance, il est temps de quitter les lieux, non sans nous être attardés dans le cimetière de Colombier devant le caveau de la famille Odouard, et près de l'église devant le monument élevé par la population reconnaissante à la gloire du « bienfaiteur de l'humanité » que fut Laurent Odouard, célèbre guérisseur pilatois de la fin du XIXe siècle.

 

Devant le monument Odouard – en médaillon : le buste du guérisseur

Sur la route de Pélussin, nous faisons une courte halte au hameau de Gencenas pour y admirer l'étonnante crucifixion, une pierre sculptée remployée en façade d'une maison. Réalisée certainement à une époque fort ancienne, cette scène représente Jésus en croix, entouré de deux personnages que l'on peut identifier comme la Vierge Marie et saint Jean l'Évangéliste. Les traits sont simples, les visages lunaires, mais cette crucifixion reste émouvante par sa naïveté.

 

La crucifixion de Gencenas

Mercredi 24 août, de bonne heure nous voici dans la partie basse de Pélussin, où plusieurs amis nous rejoignent. Là s'élève l'église Notre-Dame, construite à la fin du XIXe siècle, en remplacement d'un édifice primitif remontant au XIe. C'est bien sûr sa crypte dédiée à Notre-Dame-Soubs-Terre que nous voulons montrer à Christian. Plusieurs auteurs font état de la date 881 gravée sur l'un de ses murs, ce qui en ferait le plus ancien monument chrétien du Pilat et même du département de la Loire. Mais cette date n'est plus visible depuis que les murs de la crypte ont été recouverts de plaques de marbre. Selon la légende, ce sont des chrétiens venus de Lyon pour échapper aux persécutions, au IIe siècle de notre ère, qui auraient établi là le culte de la Vierge. Leur communauté aurait perduré, et ce sont leurs descendants qui auraient creusé la crypte dans le rocher, puis la première église aurait été construite par-dessus.

Une célèbre statue de la Vierge à l'Enfant attirait autrefois les foules en pèlerinage dans la crypte. Jadis on lui présentait les enfants mort-nés et chaque fois un petit miracle s'accomplissait, attesté par de multiples témoignages conservés par les registres paroissiaux. Au bout d'un moment, l'enfant revenait à la vie, l'espace d'un instant, juste le temps de le baptiser, ce qui lui assurait d'aller au paradis.

Dès que nous pénétrons dans la crypte, une évidence nous saisit : l'endroit a fait l'objet d'un nettoyage en règle, les murs ont été décapés, et les statues aussi... Celle de la Vierge  n'a jamais été aussi blanche. Pourtant il semblerait qu'à l'origine elle ait représenté une Vierge noire. Plusieurs personnes, parmi les anciens, en ont témoigné, et ce serait dans les années 70 que la statue aurait perdu sa couleur noire. Il va être intéressant maintenant de comparer plusieurs vues successives de Notre-Dame-Soubs-Terre.

 

Trois images successives de la Vierge de Pélussin

L'image de gauche date d'une époque indéterminée, c'est une photo, peut-être une carte postale ancienne, publiée par la revue Dan L'tan de l'association Visage de Notre Pilat, le numéro 5 de l'année 1984. La revue était alors photocopiée, et à l'époque ce procédé ignorait les nuances de gris des photographies. On voit quand même une Vierge noire apparemment, entièrement couverte d'un ample manteau richement décoré, seul son visage et celui de l'Enfant Jésus étant visibles. La photo du centre date du 9 novembre 2017. En observant bien, on remarque encore quelques particules de peinture noire sur le visage de la Vierge, qui a conservé sa couronne dorée et son voile de dentelle. La photo de droite a été prise lors de notre visite le 24 août 2022. Voile et couronne dorée ont disparu, ce qui fait réapparaître la couronne de pierre primitive.

Le même constat s'applique à la statue de sainte Anne apprenant à lire à sa fille Marie, dans la chapelle gauche de la crypte. Jadis couverte d'une patine sombre, ce qui l'a fait parfois confondre avec la Vierge noire, elle est aujourd'hui décapée et claire, comme on peut le constater sur ces photos, de 2017 à gauche et 2022 à droite.

 

La statue de sainte Anne

Il est temps de quitter cette crypte et ses mystères, pour nous confronter aux mystères d'une époque beaucoup plus ancienne. Direction le site du Moulin à Vent, non loin de Pélussin. C'est Jacques Patard, grand connaisseur des lieux, qui va nous guider dans le dédale des murailles de l'oppidum celto-ligure, qui s'est implanté peu avant notre ère sur un emplacement déjà occupé à la préhistoire. Lors d'une précédente sortie, organisée le 6 mars 2021, Jacques nous avait déjà organisé une semblable visite guidée. C'était alors l'hiver, il ne faisait pas très chaud, un temps tout gris. En ce 24 août 2022 c'est tout l'inverse. Le grand soleil qui inonde le site invite à refaire de nouvelles photos des impressionnantes murailles côté sud du site.

 

Le groupe devant les murailles du Moulin à Vent

Dernier objectif de la matinée, la Valette, sa croix et les rares vestiges de son château. C'est à mi-pente que se dresse l'étrange et énigmatique croix de la Valette, sûrement l'une des plus curieuses du Pilat. Elle n'est pas très haute, placée sur un socle, lui-même juché sur un muret de clôture adossé à une haie. Ses branches trilobées lui donnent un air de petit-beurre, mais le plus intéressant est le cœur, formé d'un grand cercle en creux contenant quatre petits cercles en relief disposés en croix autour d'un cinquième placé au centre. L'ensemble, qui n'est plus guère discernable aujourd'hui à cause du lichen qui a envahi la pierre, forme l'image subliminale d'une croix de Malte, légèrement inclinée à gauche.

 

La croix de la Valette – en médaillon : photo antérieure (2007) et sous un autre éclairage, de la partie centrale

L'autre face de la croix n'est pas moins curieuse, bien qu'il soit désormais quasiment impossible de la distinguer à cause de la haie. Des photos plus anciennes montrent un symbole gravé tenant à la fois du soleil et du croissant de lune.

 

L'autre face de la croix – photo de 2004

Au bout de la petite route, ce sont les ruines du château de la Valette. Une première maison forte semble avoir existé ici aux alentours de l'an 1200, sous le nom de Grange-lez-Pélussin. La tradition légendaire y a vu un lieu de rassemblement secret des Templiers. Plus tard elle fut remplacée par un château, qui prit le nom de la Valette, puis il fut ruiné à la Révolution. Aujourd'hui il en reste très peu de choses : une tour dite des gardes, quelques pans de mur, et une salle souterraine, dont la finalité interpelle. Une cave, un nymphée, ou autre chose encore ?

 

Château de la Valette, tour des gardes

La journée se poursuit à Bessey. En début d'après-midi, Philippe Monteil nous emmène au lieu-dit les Alouettes, où l'on peut observer plusieurs traces d'enlèvements de meules de moulin, toutes d'un diamètre de 106 cm. Le plus étrange est que l'une des meules n'a jamais été terminée, elle est toujours là, prête à être détachée du socle rocheux. Chacun y va de son hypothèse quant à la méthode employée pour cela. En vérité, c'est un savoir-faire qui s'est perdu. Comme tous les sites analogues, celui-ci date de l'époque médiévale. Mais les lieux étaient déjà occupés à la préhistoire, comme en témoignent les silex retrouvés là, au hasard des labours, à diverses époques.

Meule en relief sur le site des Alouettes

Il est temps de nous diriger vers Sainte-Croix-en-Jarez pour le plus gros morceau de la journée : la visite détaillée de l'ancienne chartreuse. Rien ne sera épargné à Christian et Keida : le porche monumental, la cour des frères, le corridor, le petit cloître, l'église primitive et ses fameuses peintures murales, l'église actuelle avec ses stalles et ses tableaux, l'ancienne cuisine, la cour des pères, l'hermitage reconstitué, et nous finirons par la petite annexe de la cour des frères avec ses surprenantes latrines suspendues au niveau du premier étage.

 

Chacun marque la surprise à sa façon – à gauche l'objet de leur étonnement

Jeudi 25 août, nous prenons la direction du plateau de Saint-Genest-Malifaux. Nous avons prévu de consacrer la matinée au site dit du Cadran du Pilat, allant de la Pierre des Trois Évêques et au cromlech des Faves. C'est Éric Charpentier, grand connaisseur des lieux, qui sera notre guide. Il est désormais inutile de présenter la Pierre des Trois Évêques, nous l'avons déjà fait plusieurs fois sur ce site. Nous allons plutôt nous attarder sur l'étonnant systèmes d'alignements de pierres, répondant à une géométrie rigoureuse. Pas moins de huit pierres sont alignées à partir des Trois Évêques, formant l'hypoténuse d'un triangle de Pythagore. Cet alignement n'est pas visible à cause de la végétation dense, seul un relevé GPS précis a permis de le mettre en évidence. Une petite pierre marque l'angle droit de ce triangle rectangle, et côté Est le troisième sommet est marqué par un rocher paraissant coupé en deux et formant une sorte de viseur, auquel nous ne pouvons hélas pas accéder à cause de la végétation dense en ce mois d'août.

 

Le viseur Est (octobre 2017)

Un chemin forestier nous emmène jusqu'au cromlech des Faves, du nom du hameau le plus proche. Lui non plus n'est pas discernable en saison estivale, à cause des fougères qui l'ont envahi. Des expériences menées en automne ont permis de démontrer qu'une vingtaine de petites pierres, parfois à peine émergentes, forment un cercle régulier autour d'un bloc central. Des cromlechs semblables ont été observés depuis longtemps au Pays Basque, ce n'est que très récemment que celui-ci a été découvert dans le Pilat.


Une partie du cromlech matérialisée par des volontaires placés chacun sur une pierre (octobre 2018)

En remontant vers le point de départ, nous marquons une pause devant une grande pierre, posée en équilibre sur d'autres. Elle est répertoriée sur la carte IGN par le symbole dédié, et elle doit servir de limite de propriétés, en témoignent les marques à la peinture rouge. Cette pierre n'avait pas de nom connu, faute de mieux comme pour le cromlech nous lui avons donné celui du hameau le plus proche, les Pâturaux.


Pierre des Pâturaux

En début d'après-midi nous voici au château de la Faye, sur la commune de Marlhes. Antoine Herrgott nous a ménagé une entrevue avec le nouveau propriétaire, un antiquaire niçois qui projette d'en faire un lieu culturel dédié à la romanité. Puis nous montons au proche hameau du Monteil, pour montrer à Christian la maison de la Béate, et la croix pattée taillée dans l'une des pierres du soubassement de la maison en face, probablement en réemploi.

Croix pattée au Monteil

Nous sommes entrés sur les anciennes terres des Templiers de Marlhes. Justement, nous allons poursuivre par le hameau du Rozet, où l'on peut voir encore une partie du linteau de la porte de l'ancienne chapelle de la commanderie de Marlhette. L'autre partie de ce linteau est visible dans le village de Marlhes. La chapelle a été détruite à la Révolution, mais les belles pierres taillées ont été récupérées et remployées ici et là.

Succédant au beau temps, l'orage nous surprend alors que nous arrivons au hameau de l'Espinasse, nous obligeant à revenir à Marlhes, où l'église nous offre un abri en attendant la fin de l'averse. Son chemin de croix et ses vitraux ne laissent pas Christian indifférent.

Nos amis nous quittent le vendredi matin. Ils ont prévu de faire un léger crochet pour aller visiter le Palais Idéal du facteur Cheval, lequel n'est pas aussi naïf que ce que l'on pourrait croire. Christian Doumergue y trouvera peut-être la matière d'un futur livre ?






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