LA BALADE DES REGARDS DU PILAT

AVRIL 2007 / SEPTIEME ÉTAPE

LA BORNE DES TROIS SEIGNEURS,
LE CRASH DU 1er NOVEMBRE 1944

Par PATRICK BERLIER
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Nous abordons maintenant un espace sacré : celui de la zone des crêts, allant du Crêt de la Perdrix au Crêt de l’Œillon. Suite de sommets arrondis, désertiques, à la végétation rabougrie, terre de légendes et de croyances. J’ai longuement abordé ce thème dans le chapitre intitulé « le royal secret des six crêts » du tome I de mon livre « La Société Angélique » (voir en rubrique Librairie). Et cela fera l’objet d’un film, actuellement en cours de tournage : « le Druide du Pilat ». « Regards du Pilat » ne manquera pas de vous en dire plus dans les semaines qui vont suivre. Je m’attarderai donc seulement aujourd’hui sur une pierre peu connue, et sur un fait divers dont le souvenir mérite d’être rapporté.

Accès : pédestre uniquement, par un sentier en boucle au départ de la Jasserie. Monter en direction du Crêt de la Perdrix. Lorsqu’on arrive au col, dans le creux entre les crêts de la Perdrix et de l’Arnica, prendre à gauche en suivant les balises « Crêt de la Chèvre ». Inutile d’accéder à cette colline, sous le Crêt de l’Arnica, vers le chalet Bourguisan, prendre le sentier descendant qui serpente dans la forêt, puis à la fourche prendre le sentier de droite, qui sort du bois rapidement et passe devant la Borne des Trois Seigneurs. Poursuivre par le sentier des crêtes. Au col, entre les crêts du Rachat et de Botte, descendre à gauche. Le sentier oblique à l’ouest après un lacet et ramène tranquillement à la Jasserie en passant devant les deux stèles de la catastrophe aérienne de 1944. Compter une demi-journée pour le parcourir tranquillement.

 

La Jasserie, point de départ de la balade, et le Crêt de la Perdrix.

 

            Aucun des auteurs anciens qui ont parcouru le Pilat à la recherche de ses pierres mystérieuses n’a signalé la présence de la « Borne des Trois Seigneurs », toute proche du col qui sépare le Crêt de l’Arnica du Crêt de l’Étançon. En particulier, F. Gabut qui dit avoir arpenté toute la lande de la zone des crêtes ne l’a pas remarquée. C’est l’association « Visage de notre Pilat » qui l’a trouvée ou plutôt « retrouvée » en 1994, en se référant à ce qu’en disaient les anciens. Depuis, le Parc Naturel Régional du Pilat a facilité son accès, grâce à un nouveau sentier balisé qui passe juste devant.

            C’est une pierre taillée, de forme cylindrique, haute de 70 cm pour un diamètre de 30 cm environ. Elle était plantée verticalement (mais a légèrement basculé depuis) entre plusieurs pierres plates qui parsèment la lande. La partie supérieure plate du cylindre est ornée d’une gravure très nette en forme de chevron ou d’équerre (selon l’angle de vision). La plus grosse pierre plate est également ornée d’une gravure, de facture plus grossière, ressemblant à une croix de Lorraine, ou à une croix grecque soulignée d’un trait, ou encore à un T barré (toujours en fonction de l’angle de vision). On y remarque également d’autres « gravures », peut-être d’origine naturelle : une longue rigole et quelques petites alvéoles qu’il est délicat de qualifier de cupules. Cette dalle longtemps laissée « à plat » a aujourd’hui retrouvé la station debout qu’elle devait avoir jadis, ce qui laisse penser qu’il y eut en fait deux marques de limites au même endroit : la pierre et la borne, datant sans doute de deux époques différentes.

            Selon la tradition, cette pierre servait de frontière entre les trois seigneurs de Rochetaillée, de Malleval et d’Argental, croyance surprenante à priori dans la mesure où d’autres seigneurs possédaient des fiefs beaucoup plus proches, comme Doizieu, Virieu, ou le Toil. Le temps aurait-il déformé la tradition d’origine ? On peut avancer que cette pierre servit de limite commune à trois territoires apparaissant sur les cartulaires à partir du Xe siècle : « Ager Jarensis », ou Jarez, qui dépendait du comté de Lyon ; « Ager Masclaticensis », dont la capitale était Maclas ; et « Ager Annonaicensis », dont la capitale était Annonay, ces deux derniers dépendant du comté de Vienne. À la réflexion, Rochetaillée, Malleval et Argental constituaient bien chacun l’une des principales places fortes de ces territoires. La pierre dut aussi servir de frontière entre le Lyonnais et le Viennois, puis en 1173 entre le Forez et le Viennois. En 1296 cette partie du Viennois fut annexée au Forez et la pierre perdit toute utilité.

La borne cylindrique paraît plus récente. Il s’agit plus vraisemblablement d’une limite de propriété, semblable à celles qu’on voit en divers endroits dans les bois autour de Doizieu. 

Descendons un peu sur la face nord de la montagne. Ce « côté obscur » du Pilat, ce « pays du froid et de l’épouvante », fut le décor d’un tragique accident d’aviation, le 1er novembre 1944. En ce jour de la Toussaint, un avion américain Dakota en mission sanitaire tentait de rallier Montélimar au départ de Luxeuil. À son bord cinq membres d’équipage, quinze soldats blessés, des américains et quelques prisonniers allemands, et une infirmière militaire américaine. Le temps était brumeux, le plafond bas. En début d’après-midi, l’avion percutait le massif du Pilat, en contrebas du Crêt de Botte sur la commune de Doizieu, et prenait feu immédiatement. Les premiers secours venus du village mirent plusieurs heures pour arriver sur place en raison du terrain escarpé, et ils ne purent que constater l’absence de survivants.

À la mémoire

des cinq membres d’équipage du Dakota américain

et des quinze soldats blessés alliés et Allemands

qui ont trouvé la mort lors du crash du 1er novembre 1944.

Sous la responsabilité de l’infirmière

Lieutenant Aleda E. Lutz D.F.C.

qui fut la première militaire américaine tombée en opération

au cours de la deuxième Guerre Mondiale.

    Une autre plaque, fixée sur un rocher au bord du sentier entre La Jasserie et les ruines de la ferme de Botte, indique l’endroit exact où le Dakota a percuté le chirat.


EN AOUT 2007

PROCHAINE ETAPE :

DE LA CHAUX D'EGALLET A LA CROIX DE MONTVIEUX,

EN PASSANT PAR LE GRAND HOTEL DU MONT PILAT

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