LES REGARDS DU PILAT PRÉSENTENT

LES EAUX DU PILAT

SEPTEMBRE 2006

QUAND LES ROMAINS PRENAIENT
LEUR EAU DANS LE PILAT

par Patrick BERLIER

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Captage Aqueduc du Gier

C’est à cet emplacement, et à l’aide d’un barrage sans doute très semblable à celui-ci, que les Romains captaient l’eau du Gier au lieu-dit Layat, près de Saint-Chamond.
Document Archéolyon.
www.archeolyon.com
   Les Romains aimaient dit-on à se baigner dans un creux de rivière au-dessus de Saint-Chamond, qui a conservé le nom de Bagnara, du latin Balneolæ. Est-ce au cours de l’une de ces baignades qu’ils remarquèrent la qualité des eaux du Gier ? Peut-être appliquèrent-ils les principes de Vitruve, un architecte romain auteur de l’un des rares livres techniques de cette époque, qui conseillait d’observer les habitants du lieu. « S’ils sont robustes et de bonne couleur, et qu’ils ne soient sujets ni aux maux de jambes, ni aux fluxions sur les yeux, on sera assuré de la bonté des eaux », affirmait-il. L’idée d’un aqueduc s’imposa très vite dans leur esprit de constructeurs émérites.


La Gerle

Le réservoir de chasse de l’un des quatre siphons de l’aqueduc : « la Gerle », près de Soucieux-en-Jarrest.

Photo Francis Cahuzac.
www.chez.com/aseps/aqugier.htm

   Les Romains avaient fait de Lugdunum (Lyon) la capitale des Gaules. Cette ville se devait de témoigner de la grandeur de l’empire, en étant pourvue des grands équipements publics caractérisant la civilisation romaine. Élément primordial, les 75000 m3 d’eau nécessaires chaque jour étaient amenés par quatre aqueducs qui allaient la chercher à de grandes distances. Le plus important d’entre eux était l’aqueduc du Gier ou du Pilat. En tenant compte des contournements de vallées pour rester à niveau, 85 km étaient nécessaires pour amener à Lyon les eaux du Gier captées au-dessus de Saint-Chamond.


Cave du Curé

Exemple d’un passage en tunnel : la « Cave du Curé » à Chagnon.

Photo Daniel Bergero.
http://perso.orange.fr/daniel.bergero/aqueducgier.htm

   L’eau s’écoulant par simple gravité, le captage devait nécessairement être réalisé à une altitude supérieure à celle de l’arrivée. Mais entre la prise d’eau, située quelque part en aval de l’Hermitage, en dessous de Layat, et les réservoirs de Fourvière, la différence de niveau n’est que d’une centaine de mètres, pour une distance à vol d’oiseau de 40 km. Presque deux mille ans après la construction de l’aqueduc, on se demande toujours par quels procédés les Romains ont pu déterminer cette différence d’altitude, sans carte, sans altimètre, sans G.P.S., sans rien d’autre que leur bon sens et leur savoir-faire. Probablement ont-ils procédé à des visées optiques complexes, observant par exemple que le Mont Blanc paraît moins élevé vu de Fourvière que vu du plateau mornantais. Ils ont pu en déduire de façon empirique que ce phénomène s’expliquait par une différence d’altitude. Mais il y a une autre explication encore plus simple : chaque hiver des automobilistes, quittant Lyon par un beau matin, sont bien surpris de trouver la neige à Saint-Chamond ! On peut imaginer un ingénieur romain connaissant une mésaventure semblable : pour expliquer ce phénomène, il n’aurait pu que conclure à une notable différence d’altitude entre les deux sites.

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   L’aqueduc du Gier est souterrain sur 96 % de son parcours. Il ne devient aérien qu’en cas de nécessité pour garder son niveau lorsque le terrain s’abaisse. Il est alors soutenu soit par un pont-canal soit simplement par un mur. En souterrain, le canal de l’aqueduc présente partout la même physionomie : une maçonnerie en forme de U coiffée d’une voûte de claveaux. L’espace intérieur mesure environ 1,60 m de haut (au centre) pour 60 cm de large. Le canal est revêtu d’un enduit imperméable en tuileau, de couleur rosâtre. Un quart de rond, ou moraine, assure l’étanchéité à la jonction des cotés et du fond.

Coupe de terrain schématisée
   Le plus souvent, l’aqueduc était réalisé au fond d’une tranchée, qu’il suffisait ensuite de recouvrir, en ménageant des regards, tous les 77 m environ. Pour franchir des collines, les ouvriers devaient procéder au préalable au percement d’un tunnel (la « Cave du curé », à Chagnon, en constitue un bel exemple), l’aqueduc étant ensuite construit à l’intérieur. Généralement le chantier était attaqué des deux cotés à la fois, à Saint-Martin-la-Plaine les ouvriers ont failli ne pas se rencontrer... Pour la traversée de vallées d’un plus fort dénivelé, les ingénieurs ont eu recours au principe du siphon : l’eau était amenée dans un réservoir de chasse, puis grâce à un rampant sur lequel couraient des tuyaux de plomb elle descendait dans la vallée qu’elle franchissait au moyen d’un pont-siphon, avant de remonter sous l’effet de la pression jusqu’à un réservoir de fuite, situé à un niveau inférieur à celui du réservoir de chasse. L’eau repartait ensuite par un aqueduc classique.

Le principe du siphon
   L’aqueduc du Gier comptait près de trente ponts et quatre siphons. Près de Saint-Genis-Laval, le siphon du Garon possède encore ses trois ouvrages (chasse - pont - fuite) et constitue un site exceptionnel, dans la mesure où les autres siphons du monde antique sont en majeure partie détruits. Il est d’ailleurs à noter que les aqueducs de Lyon possédaient neuf siphons, sur la trentaine recensée dans le monde entier.


Le Plat de l'Air

Une longue suite d’arches : « le Plat de l’Air », près de Chaponost.

Photo Daniel Bergero.

   La question qui reste posée est celle de la date de construction de l’aqueduc. La « pierre de Chagnon », en réalité un ancien « panneau d’interdiction » fait référence à l’empereur Hadrien (IIe siècle), mais la fontaine place du Trion à Lyon présente quant à elle une dédicace à l’empereur Claude (Ier siècle), natif de Lyon. La tendance actuelle serait même de le vieillir encore davantage, pour le faire remonter à la période d’Agrippa, au début de notre ère.


Pont des Granges

Vestige d’un pont-canal, le « Pont des Granges », sur la commune de Saint-Maurice-sur-Dargoire.

Photo Daniel Bergero

EN JANVIER PROCHAIN :

LE BIEF DU ROY

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