Discrète
plus que Secrète
La Franc-Maçonnerie est surtout plurielle |
Sociétés Secrètes |
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André
Trabet
|
Peut-on
parler de la
franc-maçonnerie au singulier tant il est vrai que des
divergences
fondamentales séparent, plus que n’opposent, les frères
des différentes
obédiences. Pour
comprendre ces
différences il est impératif de remonter à
l’origine de cette institution et
d’en suivre l’évolution au fil du temps. Nous
laisserons aux
francs-maçons eux-mêmes, le débat sur les origines
antérieures au Moyen-âge et
nous nous en tiendrons à la filiation entre les
confréries de métiers, la
franc-maçonnerie opérative et finalement la
franc-maçonnerie spéculative que
nous connaissons aujourd’hui. Au
temps des cathédrales, les
artisans se constituèrent en confréries de
métiers, sortes de syndicats, voire de
mutuelles appelées à parfaire les techniques et à
venir en aide aux nécessiteux
et plus particulièrement aux veuves et enfants des artisans
malades ou décédés. Il
ne faut pas perdre de vue
le fait qu’un chantier durait très souvent beaucoup plus
longtemps que la vie
d’un homme. Ces
confréries se réunissaient
à proximité de l’ouvrage en cours, dans un local
appelé Loge. Ainsi
existait-il des
confréries de maçons, de charpentiers, de verriers etc… Une
première question se
pose : d’où vient le mot franc-maçon ? Pour
le plaisir reportons-nous
à l’encyclopédie : Un artisan libre d’aller travailler où il l’entendait
et se faisait
reconnaître par des mots de passe et des signes. C’est
très bien, c’est clair,
le drame que cette même encyclopédie continue ainsi : Les artisans regroupés en confréries de
métiers n’étaient pas libres de
leurs mouvements. Libre !
c’est le sens qu’il
faut donner au mot franc et plus précisément à
l’anglais free, nous y reviendrons. Soyons sceptiques quant
à la
liberté dont auraient pu disposer les artisans qui, dans la
plupart des cas,
étaient tout simplement réquisitionnés. Quand
bien même il en eut été
ainsi, pourquoi ne trouvons pas des francs-charpentiers, des
francs-verriers,
des francs-menuisiers etc… Il y
a peut-être une autre explication. Les
tailleurs de pierre
(figure emblématique du franc-maçon, nous verrons
pourquoi) exerçait leurs
talents sur deux sortes de matériau. La pierre dite rought,
destinée aux murs, aux piliers et la pierre free, franche avec laquelle on sculptait
les décors les plus fins. Elle était taillée par
les freestone masons qui deviendront
freemasons. Laissons
aux exégètes,
maçonniques surtout, le soin de plancher sur
le sujet et contentons-nous de dire que le mot franc-maçon
vient, comme la
franc-maçonnerie, de l’anglais free-mason et
s’appliquait, à tous les corps du bâtiment. Apportons
immédiatement un
démenti à cette idée répandue que la
franc-maçonnerie est issue du
compagnonnage lequel est né en 1719 alors que les
premières loges maçonniques
connues sont de la fin du XVIème siècle et du
début du XVIIème. Où
sont-elles ? A
Edimbourg en 1599, puis en Angleterre. Elles sont constituées
par des artisans,
des francs-maçons opératifs. Retenons bien ce mot quoi va
faire débat dès 1670
quand des bourgeois n’ayant aucun rapport, ou si peu, avec l’artisanat
font
leur entrée dans certaines loges. Ce ne sont plus des opératifs mais des spéculatifs. Dans
ce domaine encore,
laissons aux frères le soin d’en débattre sur le conflit
entre les anciens et les modernes. Conflit qui dura
de 1751 à 1813. Restons
en Angleterre, c’est
là que tout se passe. Le 24 juin 1717, trois loges, L’oie
et le gril, le gobelet et les raisins, le pommier et la couronne, ce
sont leur dénominations respectives, se regroupent
pour former la Grande
Loge de Londres et de Westminster. Six
ans plus tard, Anderson,
un pasteur anglican et Desaguliers, un
scientifique fils de pasteur, publient ce que l’on appelle
toujours : Les Constitutions d’Anderson. Il
est impératif, pour
comprendre la réalité de la franc-maçonnerie, de
connaître au moins ces quatre
principes premiers de ces constitutions qui exigent de la part du
candidat : - La
croyance en un Dieu
révélé. - De
n’être ni un athée
stupide ni un libertin irréligieux. -
D’être en paix avec les
pouvoirs civils. -
D’être libre, d’âge mûr,
discret, ni esclave, ni femme, ni immoraux et scandaleux. On
ne peut être plus clair, la
maçonnerie est réservée aux seuls hommes,
croyants, libres et de bonnes mœurs. En
1813 est créée la Grande Loge Unie
d’Angleterre réunissant
la Grande Loge des anciens et celle des modernes. Qu’appelle-t-on
Grande
Loge ? C’est comme une
fédération,
elle préside l’ensemble des loges d’un pays, établit les
règlements, recense
les membres, enregistre les mutations et l’évolution
individuelle des frères (
élévations, mutations etc.) ou encore la création
de nouveaux ateliers ( autre
appellation d’une loge). Mais la Grande loge Unie
d’Angleterre va plus loin. Elle se veut universelle et n’accorde sa reconnaissance qu’aux Grandes Loges
étrangères
qui se rattachent à elle et s’engagent à appliquer ses
règles. C’est
de ces notions de reconnaissance et de régularité
que vont naître certaines
divisions de la franc-maçonnerie. La Grande Loge de France a été
créée en 1738 et en 1773 en
émanera le Grand Orient de France
(G.O.D.F.), avant même la Grande Loge Unie d’Angleterre
(G.L.U.A.) qui ne
pouvait que le reconnaître puisqu’il respectait la règle
et les Constitutions
d’Anderson. Mais,
en 1877, le G.O.D.F.
rendit facultative la croyance en l’immortalité de l’âme
et la référence à Dieu
sous le vocable de : Grand Architecte de
l’Univers. Ce
faisant il sortait de la
règle, donc devenait irrégulier aux yeux de la G.L. U.A.
qui lui retirait
sa reconnaissance. Dès
lors, les maçons, dits
réguliers, se virent interdire de fréquenter les loges du
GODF sous peine
d’excommunication. Le mot est un peu fort mais radiation n’exprimerait
que le
fait d’être rayé des listes alors qu’excommunication a un
sens plus profond. En
1913 se créa la Grande Loge
Nationale Indépendante pour la France et les colonies
Françaises qui devint
deux années plus tard la Grande Loge
Nationale Française, toujours en activité. Reconnue, malgré de récents soubresauts par
la G.LU.Angleterre. Les femmes en franc-maçonnerie. EN
1893, 12 loges du Grand
Orient se regroupent pour créer la Grande
loge Symbolique Ecossaise Mixte de France. Cet
Atelier va initier la
journaliste et féministe convaincue, Maria Deraismes qui, avec
le sénateur
Georges Martin, va fonder en 1893, la Loge mixte « Le Droit
Humain ». qui deviendra en 1901, un Ordre international
représenté
aujourd’hui dans une soixantaine de pays. En
1952, naissance de la
Grande Loge Féminine de France. En
1982, naissance de la
Grande Loge Mixte de France. Quels sont les buts de francs-maçons ? Si
des divergences existent
entre les différentes obédiences, il est au moins une
très ancienne définition
qu’elles acceptent à peu près toutes : La F.M. est une assemblée d’hommes (et de femmes
désormais) éclairés,
unis pour s’instruire et pour participer à l’amélioration
intellectuelle,
spirituelle et morale de l’humanité. Louables intentions mais par
quels moyens : Tous
et toutes d’accord pour
ce qui est de la progression intellectuelle des frères (et
sœurs). Pour
ce qui est de la
recherche spirituelle, nous pouvons dire qu’elle est essentielle dans
une
obédience comme la Grande Loge Nationale Française alors
que le Grand Orient de
France privilégie une recherche sociétale. Cette
obédience a participé à
l’élaboration de certaines lois, comme l’interruption volontaire
de grossesse,
pour ne citer que celle-là. Revenons
à cette image bien
connue du tailleur de pierre qui est emblématique du
franc-maçon, pourquoi. Parce
que le franc-maçon se
veut être tout à la fois le tailleur et la pierre,
allégorie qui signifie qu’il
va chercher, en lui-même, les valeurs
que ses sens lui ont peut-être fait perdre. Et
puisque j’ai parlé
d’allégorie, je vous raconte celle du sculpteur et du jeune
enfant qui passait
chaque jour devant l’atelier de l’artisan occupé à
tailler une grosse pierre
brute. Le sculpteur après de nombreuses heures de travail,
réalisa un
magnifique cheval ; le jeune garçon lui posa alors la
question :
« Comment savais-tu qu’il y avait un cheval à
l’intérieur ? ». Le
cheval du franc-maçon c’est
sa spiritualité, certains diront, la pierre cachée ou
plus souvent encore la
pierre philosophale, pourquoi pas ? Les moyens Chassons
tout de suite l’idée
d’un dogme maçonnique, il n’y en a pas. La maçonnerie
n’apprend rien à ses
adeptes, elle leur apprend à apprendre en s’appuyant, aux trois
premiers degrés
d’apprenti, compagnon et maître, sur le symbolisme. Tous
les outils, décors, colonnes,
tableaux, figurant dans une loge sont étudiés
symboliquement. Le symbole,
dit-on généralise ce que les mots spécifient.
L’Equerre et le compas, qui sont
avec la Bible, les trois grandes valeurs de la franc-maçonnerie
régulière, ne
sont pas que des outils, l’important est ce qu’ils représentent
idéalement. Il
en est ainsi de tout ce que fut ‘l’attirail’ des bâtisseurs. Les
tabliers et décors
vestimentaires que portent les francs-maçons sont autant de
symboles qui
amènent à réfléchir. Réflexion,
réflexion sur
soi-même, telle est la méthode qui doit amener le
maçon, sinon vers la
perfection, du moins à son amélioration intellectuelle,
spirituelle et morale
afin qu’il éclaire la société. Est-ce
prétentieux ?
Peut-être mais, comme l’a dit le Christ, l’important c’est le
chemin.
André
Trabet |