Discrète plus que Secrète

La Franc-Maçonnerie est surtout plurielle





Rubrique
Sociétés Secrètes

Mars 2016




Par
André Trabet


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Peut-on parler de la franc-maçonnerie au singulier tant il est vrai que des divergences fondamentales séparent, plus que n’opposent, les frères des différentes obédiences.

Pour comprendre ces différences il est impératif de remonter à l’origine de cette institution et d’en suivre l’évolution au fil du temps.

Nous laisserons aux francs-maçons eux-mêmes, le débat sur les origines antérieures au Moyen-âge et nous nous en tiendrons à la filiation entre les confréries de métiers, la franc-maçonnerie opérative et finalement la franc-maçonnerie spéculative que nous connaissons aujourd’hui.

Au temps des cathédrales, les artisans se constituèrent en confréries de métiers, sortes de syndicats, voire de mutuelles appelées à parfaire les techniques et à venir en aide aux nécessiteux et plus particulièrement aux veuves et enfants des artisans malades ou décédés.

Il ne faut pas perdre de vue le fait qu’un chantier durait très souvent beaucoup plus longtemps que la vie d’un homme.

Ces confréries se réunissaient à proximité de l’ouvrage en cours, dans un local appelé Loge.

Ainsi existait-il des confréries de maçons, de charpentiers, de verriers etc…

Une  première question se pose : d’où vient le mot franc-maçon ?

Pour le plaisir reportons-nous à l’encyclopédie :

Un artisan libre d’aller travailler où il l’entendait et se faisait reconnaître par des mots de passe et des signes.

C’est très bien, c’est clair, le drame que cette même encyclopédie continue ainsi :

Les artisans regroupés en confréries de métiers n’étaient pas libres de leurs mouvements.

Libre ! c’est le sens qu’il faut donner au mot franc et plus précisément à l’anglais free, nous y reviendrons.

Soyons sceptiques quant à la liberté dont auraient pu disposer les artisans qui, dans la plupart des cas, étaient tout simplement réquisitionnés.

Quand bien même il en eut été ainsi, pourquoi ne trouvons pas des francs-charpentiers, des francs-verriers, des francs-menuisiers etc…

Il y a peut-être une autre explication.

Les tailleurs de pierre (figure emblématique du franc-maçon, nous verrons pourquoi) exerçait leurs talents sur deux sortes de matériau. La pierre dite rought, destinée aux murs, aux piliers et la pierre free, franche avec laquelle on sculptait les décors les plus fins. Elle était taillée par les freestone masons qui deviendront freemasons.

Laissons aux exégètes, maçonniques surtout, le soin de plancher sur le sujet et contentons-nous de dire que le mot franc-maçon vient, comme la franc-maçonnerie, de l’anglais free-mason et s’appliquait, à tous les corps du bâtiment.

Apportons immédiatement un démenti à cette idée répandue que la franc-maçonnerie est issue du compagnonnage lequel est né en 1719 alors que les premières loges maçonniques connues sont de la fin du XVIème siècle et du début du XVIIème.

Où sont-elles ? A Edimbourg en 1599, puis en Angleterre. Elles sont constituées par des artisans, des francs-maçons opératifs. Retenons bien ce mot quoi va faire débat dès 1670 quand des bourgeois n’ayant aucun rapport, ou si peu, avec l’artisanat font leur entrée dans certaines loges. Ce ne sont plus des opératifs mais des spéculatifs.

Dans ce domaine encore, laissons aux frères le soin d’en débattre sur le conflit entre les anciens et les modernes. Conflit qui dura de  1751 à  1813.

Restons en Angleterre, c’est là que tout se passe. Le 24 juin 1717, trois loges, L’oie et le gril, le gobelet et les raisins, le pommier et la couronne, ce sont leur dénominations respectives, se regroupent pour former la Grande Loge de Londres et de Westminster.

Six ans plus tard, Anderson, un pasteur anglican  et Desaguliers, un scientifique fils de pasteur, publient ce que l’on appelle toujours : Les Constitutions d’Anderson.

Il est impératif, pour comprendre la réalité de la franc-maçonnerie, de connaître au moins ces quatre principes premiers de ces constitutions qui exigent de la part du candidat :

- La croyance en un Dieu révélé.

- De n’être ni un athée stupide ni un libertin irréligieux.

- D’être en paix avec les pouvoirs civils.

- D’être libre, d’âge mûr, discret, ni esclave, ni femme, ni immoraux et scandaleux.

On ne peut être plus clair, la maçonnerie est réservée aux seuls hommes, croyants, libres et de bonnes mœurs.

En 1813 est créée la Grande Loge Unie d’Angleterre réunissant la Grande Loge des anciens et celle des modernes.

Qu’appelle-t-on Grande Loge ?  C’est comme une fédération, elle préside l’ensemble des loges d’un pays, établit les règlements, recense les membres, enregistre les mutations et l’évolution individuelle des frères ( élévations, mutations etc.) ou encore la création de nouveaux ateliers ( autre appellation d’une loge).

Mais la Grande loge Unie d’Angleterre va plus loin. Elle se veut universelle et n’accorde sa reconnaissance qu’aux Grandes Loges étrangères qui se rattachent à elle et s’engagent à appliquer ses règles.

C’est de ces notions de reconnaissance et de régularité que vont naître certaines divisions de la franc-maçonnerie.

La Grande Loge de France a été créée en 1738 et en 1773 en émanera le Grand Orient de France (G.O.D.F.), avant même la Grande Loge Unie d’Angleterre (G.L.U.A.) qui ne pouvait que le reconnaître puisqu’il respectait la règle et les Constitutions d’Anderson.

Mais, en 1877, le G.O.D.F. rendit facultative la croyance en l’immortalité de l’âme et la référence à Dieu sous le vocable de : Grand Architecte de l’Univers.

Ce faisant il sortait de la règle, donc devenait irrégulier aux yeux de la G.L. U.A. qui lui retirait sa  reconnaissance.

Dès lors, les maçons, dits réguliers, se virent interdire de fréquenter les loges du GODF sous peine d’excommunication. Le mot est un peu fort mais radiation n’exprimerait que le fait d’être rayé des listes alors qu’excommunication a un sens plus profond.

En 1913 se créa la Grande Loge Nationale Indépendante pour la France et les colonies Françaises qui devint deux années plus tard la Grande Loge Nationale Française, toujours en activité. Reconnue, malgré de récents soubresauts par la G.LU.Angleterre.

 

Les femmes en franc-maçonnerie.

EN 1893, 12 loges du Grand Orient se regroupent pour créer la Grande loge Symbolique Ecossaise Mixte de France.

Cet Atelier va initier la journaliste et féministe convaincue, Maria Deraismes qui, avec le sénateur Georges Martin, va fonder en 1893, la Loge mixte «  Le Droit Humain ». qui deviendra en 1901, un Ordre international représenté aujourd’hui dans une soixantaine de pays.

 

En 1952, naissance de la Grande Loge Féminine de France.

En 1982, naissance de la Grande Loge Mixte de France.

 

Quels sont les buts de francs-maçons ?

Si des divergences existent entre les différentes obédiences, il est au moins une très ancienne définition qu’elles acceptent à peu près toutes :

La F.M. est une assemblée d’hommes (et de femmes désormais) éclairés, unis pour s’instruire et pour participer à l’amélioration intellectuelle, spirituelle et morale de l’humanité.

Louables intentions mais par quels moyens :

Tous et toutes d’accord pour ce qui est de la progression intellectuelle des frères (et sœurs).

Pour ce qui est de la recherche spirituelle, nous pouvons dire qu’elle est essentielle dans une obédience comme la Grande Loge Nationale Française alors que le Grand Orient de France privilégie une recherche sociétale. Cette obédience a participé à l’élaboration de certaines lois, comme l’interruption volontaire de grossesse, pour ne citer que celle-là.

Revenons à cette image bien connue du tailleur de pierre qui est emblématique du franc-maçon, pourquoi.

Parce que le franc-maçon se veut être tout à la fois le tailleur et la pierre, allégorie qui signifie qu’il va chercher, en lui-même, les   valeurs que ses sens lui ont peut-être fait perdre.

Et puisque j’ai parlé d’allégorie, je vous raconte celle du sculpteur et du jeune enfant qui passait chaque jour devant l’atelier de l’artisan occupé à tailler une grosse pierre brute. Le sculpteur après de nombreuses heures de travail, réalisa un magnifique cheval ; le jeune garçon lui posa alors la question : « Comment savais-tu qu’il y avait un cheval à l’intérieur ? ».

Le cheval du franc-maçon c’est sa spiritualité, certains diront, la pierre cachée ou plus souvent encore la pierre philosophale, pourquoi pas ?

Les moyens

Chassons tout de suite l’idée d’un dogme maçonnique, il n’y en a pas. La maçonnerie n’apprend rien à ses adeptes, elle leur apprend à apprendre en s’appuyant, aux trois premiers degrés d’apprenti, compagnon et maître, sur le symbolisme.

Tous les outils, décors, colonnes, tableaux, figurant dans une loge sont étudiés symboliquement. Le symbole, dit-on généralise ce que les mots spécifient. L’Equerre et le compas, qui sont avec la Bible, les trois grandes valeurs de la franc-maçonnerie régulière, ne sont pas que des outils, l’important est ce qu’ils représentent idéalement. Il en est ainsi de tout ce que fut ‘l’attirail’ des bâtisseurs.

Les tabliers et décors vestimentaires que portent les francs-maçons sont autant de symboles qui amènent à réfléchir.

Réflexion, réflexion sur soi-même, telle est la méthode qui doit amener le maçon, sinon vers la perfection, du moins à son amélioration intellectuelle, spirituelle et morale afin qu’il éclaire la société.

Est-ce prétentieux ? Peut-être mais, comme l’a dit le Christ, l’important c’est le chemin.

 

                                                                                              André Trabet

 


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