LES REGARDS DU PILAT ET L'ÉNIGME DE TRÈVES
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Février 2006

Un fronton d'un autre temps

    En arrivant au hameau du Fay, localisé au beau milieu du versant nord de Trèves, assez rapidement nos yeux se trouvent portés, comme naturellement et malgré eux, sur un bien curieux fronton. Me concernant, je peux même affirmer qu'avec 'l'énigme de Trèves' tout a commencé avec ces curieuses gravures. Effectivement, mon père féru d'Histoire, s'était rendu sur cet ancien domaine viticole, pour notamment essayer de contribuer à éclaircir la juste lisibilité de ces signes venus d'un autre temps. Des années après, le débat reste ouvert, car ne nous y trompons pas, il ne demeure pas aussi simple qu'il pourrait peut être y paraître, que de décrypter ces éléments.

    J'ai proposé la photo ci-dessus, comme photo accompagnatrice, exactement en page 4 de mon livre "le Vieux Secret". Pour rappel ou pour découverte, voici les commentaires succincts que j'y portais :  'Mystérieuse croix pattée, peut-être Templière ? Elle est apposée au-dessus d'une voûte, sur un bâtiment au hameau du Fay à Trèves. La petite croix catholique représente la foi. Le coeur symbolise l'amour, celui que se portaient jadis les occupants ? IHS, se traduit en latin par Jésus sauveur des hommes. 1757, peut être l'année d'une rénovation des lieux ?' Depuis cette parution, où je le reconnais, j'étais resté plutôt circonspect dans mes propos en lien avec cette image, un nombre important de personnes, allant du simple curieux au protagoniste plus confirmé, se sont penchés sur les questions qui entoure la conception de ce fronton.  Ce dernier interpelle, il est extraordinairement difficile à faire parler, nous allons néanmoins nous y essayer, forts et enrichis par les commentaires de chercheurs avisés et passionnés.

    Dans toute recherche, le conditionnel s'avère de mise, aussi veuillez interpréter la moindre de nos propositions, comme théorie sérieuse donnant matière à discussion ou réflexion. Plus que jamais vos propres commentaires seront les bienvenus, à cet effet n'hésitez pas à utiliser la rubrique 'Vous avez la parole' pour nous faire part de vos remarques éventuelles.

   Commençons par lister, sans ordre précis, les bizarreries ou incohérences, que nous relevons. Notons déjà, ce que nous considérons sans doute à juste titre comme une lettre 'S', se retrouvant inversée, en tous les cas non gravée dans le bon sens. Ce 'S' s'avère de plus, de plus petite taille que le 'I' et le 'H' qui semblent l'accompagner. Notons encore que ces deux dernières lettres ne sont pas alignées sur notre 'S'. Le coeur et la croix pattée, ne sont pas représentés sur le même support que le reste, ils sont de plus non centrés dans l'espace respectif qui leur est attribué. La croix pattée surprend, elle n'inspire pas au premier abord d'explication sur sa raison d'être ici, ceci tout au moins en simple et première lecture. Le coeur n'est pas accompagné, d'initiale, comme c'est parfois le cas, en l'occurrence ceux des occupants des lieux. Les chiffres présentent des curiosités et font naître par conséquent quelques interrogations. Le '1' est représenté comme un 'I' ; les '7' ne possèdent pas de petite barre centrale horizontale, ce qui peut aussi se comprendre ; notons qu'il semblerait toutefois sur l'extrémité de la barre horizontale, qu'une légère petite queue est tendance à redescendre. Le '5' quant à lui, ressemble à un mélange de '4' et de '5' comme superposés, mal gravés et en tous les cas peut-être au final douteux sur le fait que ce soit réellement un '5'. Nous constatons donc que nous avons pu mettre en évidence un nombre important d'anomalies, ajoutons d'un % significatif en rapport aux éléments en présence. Sans crainte de se tromper, nous pouvons déjà affirmer qu'il est impossible que ce fronton et les gravures qui le composent puissent avoir été ainsi matérialisés sans de bonnes et mystérieuses raisons.
Nous sommes à n'en pas douter en présence d'un cryptage complexe et méticuleux.

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   Les chiffres semblent pourtant bien former la date 1757. Ce domaine du Fay appartenait aux Chartreux en 1791, le livre de la famille Guérin nous l'a accrédité. A partir de là, nous pouvons directement déduire que la carte de Cassini nous apportait de juste informations. Rappelons nous qu'elle mentionnait 'Le Fay ou les Chartreux'. Nous interpréterons donc, et là sans peur de nous tromper, que le Fay appartenait déjà aux Chartreux de Sainte-Croix en 1757, car cette date corrobore bien et même complètement à la période ou le cartographe César François Cassini, entreprit la grande carte de France à l'échelle 1/86 400, que nous avons retenue tout bonnement comme carte de Cassini. La petite boucle est bouclée, les Chartreux étaient les propriétaires du Fay en 1757. Ce fronton aurait donc été réalisé sous leur impulsion, en tous les cas avec leur assentiment, celui précisément du prieur Dom Bruno Fuzeau, qui officiait à cette date. Même en acceptant raisonablement ce dernier fait, à savoir que les Chartreux sont les 'commanditaires' de cette gravure, nous ne sommes pas à première vue mieux renseignés sur les 'anomalies' que nous avons préalablement mentionnées et surtout sur la juste lecture de l'ensemble des éléments laissés à notre connaissance ou plutôt devrais-je écrire méconnaissance. Il devient plus que clair que nous sommes en présence d'un ou de plusieurs messages cryptés, d'un symbolisme bien mystérieux, comprenez et n'ayons pas peur des mots, ésotériques.

    Nous partons du principe qu'avant de rechercher des explications de cet ordre il convient d'avoir épuisé, si l'on peut dire toutes les autres pistes. Ce fut le cas dans notre situation. Comme nous l'avons déjà écrit plus haut, libre à chacun d'entre vous de cogiter sur la question et le cas échéant de nous faire part de votre point de vue, il nous intéresse énormément ; pour l'heure nous allons axer notre réflexion dans cette direction.

Thierry Rollat

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   Patrick va maintenant lui aussi s'intéresser à ce 'décryptage'.

    Les trois lettres IHS forment ce que l’on appelle le trigramme du Christ. À l’origine il s’agissait du nom de Jésus en grec, abrégé en trois lettres : iota – êta – sigma. Lorsque les textes grecs furent traduits en latin, les copistes qui avaient oublié la valeur d’origine de ces lettres les transposèrent en alphabet latin. Le iota devint un I, le sigma un S, mais le êta qui aurait dû devenir un E fut transposé en H, sa forme majuscule en grec. Il fallait trouver une signification à cet IHS. L’Église catholique médiévale, amatrice d’anagrammes secrètes et de mystères kabbalistiques, en fit les initiales de la formule latine Iesus Hominum Salvator, Jésus sauveur des hommes. À partir du XVIIe siècle, le IHS fut fréquemment surmonté d’une croix pour rappeler le sacrifice salvateur de Jésus.

    Au fronton de la maison du Fay, le trigramme IHS est en effet surmonté d’une croix. Mais on remarque que son axe vertical est ondulé. La croix ressemble ainsi à une épée à lame en forme de flamme, dite « épée flamboyante », tournée vers le bas (la branche horizontale de la croix dessinant la garde). Dans la Bible (Genèse, III, 24), après le départ d’Adam et Ève, Dieu place à la porte du Paradis des chérubins avec des épées flamboyantes pour garder le chemin de l’arbre de vie. En symbolisme, l’épée flamboyante est généralement tournée vers le haut, car elle est la gardienne du Ciel. En la tournant ainsi vers le bas, peut-être a-t-on voulu signifier qu’elle est ici la gardienne de la Terre. L’épée est aussi le symbole de la Parole, des Saintes Écritures, puisqu’elle sort de la bouche de Dieu (Apocalypse, XIX, 15). C’est enfin et surtout un symbole de puissance.

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La branche verticale de la croix / épée ressemble également à un serpent, ce qui renvoie encore à la terre. Le serpent est par définition un animal chtonien et diabolique, mais la Genèse (III, 1) nous le présente aussi comme « la plus rusée de toutes les bêtes des champs ». Dans le récit biblique de la chute, il est doué de parole et connaît le secret de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Il s’oppose à Dieu, mais apporte à l’homme cette connaissance : ne peut-on pas considérer le péché originel comme « nécessaire » à la progression de l’homme ? Dans cette optique, le serpent devient l’animal de la Connaissance... Ensuite Dieu dit au serpent :

« Maudit sois-tu entre tous les bestiaux et toutes les bêtes des champs !
Sur ton ventre tu marcheras et poussière tu mangeras. » (Genèse, III, 14)

Le serpent doit se nourrir de poussière, mais cette poussière n’est-elle pas l’homme lui-même ?

« Car tu es poussière et à la poussière tu retourneras. » (Genèse, III, 19)

En résumé, et en termes de spiritualité chrétienne, on peut considérer cette singulière croix / épée / serpent comme un rappel de la chute de l’homme et du péché originel, chute qui entraînera l’homme vers des fautes dont il ne sera racheté que par la mort du Christ sur la croix : Iesus Hominum Salvator, Jésus Sauveur des Hommes, le trigramme IHS…

    Le S du IHS est à l’envers, et plus petit que les deux autres lettres. Ne peut-on le considérer comme un « faible S », soit phonétiquement « faiblesse » ? Si on l’inverse pour le remettre dans le bon sens, on inverse aussi la valeur du mot faiblesse pour trouver son antonyme « force » ou « puissance ». On recoupe ainsi le symbolisme de l’épée. L’épée / serpent tournée vers la terre évoque la puissance tellurique, et le S par définition en forme de serpent, donc chtonien, évoque lui aussi cette puissance.

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    Dans la date 1757 le 5 est surprenant. Il est peu conforme à la graphie du 5 au XVIIIe siècle, et ressemble plutôt au 5 tel qu’on l’écrivait dans les siècles antérieurs. De plus on a l’impression que le graveur maîtrisait mal les courbes, ce qui n’est pas recevable dans la mesure où le S est parfait, hormis son inversion. De fait, ce 5 ressemble à un zigzag, qui n’est pas sans évoquer un éclair, symbole universel de la puissance divine.

    C’est donc une idée de puissance qui se dégage de l’ensemble du fronton. Puissance de l’épée à lame de flamme, tombant du ciel de même que la foudre. Le roi communiquait un peu de sa puissance au chevalier par l’adoubement à l’aide d’une épée. Puissance tellurique et chtonienne du serpent « issant » du sol : les chiffres 1 et 5 de la date peuvent se lire IS, abréviation du verbe issir, « sortir de ». C’est un verbe d’ancien français tombé en désuétude mais dont subsiste en français actuel la forme « issu » ou « issue », et en héraldique l’adjectif « issant » qualifiant un élément semblant sortir d’un autre. Tout cela peut aussi signaler en ce lieu la « sortie » de quelque chose, en rapport avec des forces souterraines…

     Maintenant, je vous propose à titre d’exercice récréatif, une analyse du fronton selon les règles du « grimoire », une écriture cryptée développée par les sociétés secrètes de l’Ancien Régime, comme les Gouliards ou la Société Angélique. Pour plus de détails, je vous renvoie à mon dernier livre (voir en rubrique librairie). En gros, l’art du grimoire consiste à exposer la description d’une image en une phrase en style télégraphique, sans articles, conjonctions ou prépositions. Puis on élimine les voyelles et les consonnes muettes, pour ne garder que la structure des consonnes sonores. On ne tient pas compte des césures entre les mots. On réintroduit enfin d’autres voyelles pour trouver le texte masqué par le premier. Le résultat est toujours en français. Des consonnes doubles peuvent être réduites à une seule, et à l’inverse une consonne simple peut se transposer par une consonne double. Par exemple, du mot « blanc », on ne retient que les lettres B L N (le C final étant muet), ce qui peut cacher le mot « ballon ».

     Commençons par les deux éléments externes du fronton, le cœur et la croix pattée. J’écris donc :

Cœur croix pattée

J’en tire les consonnes, en éliminant les consonnes muettes (le X de croix), et en réduisant les deux T de pattée à un seul. Il me reste cette structure consonantique :

C R C R P T

En réintroduisant voyelles et césures, j’obtiens :

Écrit crypté

Nous sommes donc prévenus que le reste du fronton est crypté et doit s’analyser de même façon. IHS signifie Iesus Hominum Salvator. De cette formule, j’élimine le H muet d’Hominum et le V de Salvator qui se prononce U en latin et doit donc être considéré comme une voyelle, mais je garde le S final de Iesus qui est sonore. Ce qui donne :

S S M N M S L T R

Sachant que la consonne S peut se transformer soit en C doux soit en CH, je peux tirer de cette structure consonantique la phrase :

iCi CHeMiNe hoMme Sous La TeRre
Ici chemine l’homme sous la terre !

Patrick Berlier

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   Soyez sans crainte, nous reviendrons ultérieurement sur les conclusions du travail de Patrick. Ce fronton commence peut-être à nous livrer sa juste lecture... ?

  Un chercheur nantais, particulièrement investi dans notre affaire depuis la lecture du Vieux Secret, nous a aussi apporté ses lumières, il s'agit de notre ami Michel Barbot. Grand spécialiste, entre autres de la kabbale et de la langue hébraïque, il a comme nous constaté les incohérences flagrantes devant lesquelles nous nous retrouvions. D'emblée, il insista par exemple sur ce 'S' inversé, symbôle à lui seul d'un cryptage. Michel nous précisa : 'Il est assez courant dans les anciennes inscriptions comportant un message ésotérique que la lettre S ou la lettre N apparaissent inversées. Cette inversion est là dit-on pour affirmer l'aspect caché de l'inscription. Mais le S reste un S et le N un N.'

    Pour l'heure, nous patienterons encore un peu et écouterons longuement Michel lors de notre prochain dossier consacré à l'énigme de Trèves. Il est très important de s'attarder sur ce fronton, il demeure probablement une authentique clef menant directement à la présence en ce lieu du souterrain, souterrain révélé par l'abbé Chavannes dans ses écrits du milieu du dix neuvième siècle.

Thierry Rollat

       En juin prochain, nous nous attarderons sur 'L'Inscription de Trèves : Secret Royal'

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