REGARDS DU PILAT : LE DOSSIER

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Mars 2006
"Girart de Roussillon et les Roussillon du Dauphiné...légende ou réalité !"
1ère Partie
Par Eric CHARPENTIER

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   De part et d’autre du Mont Pilat, le nom de Roussillon résonne avec tant d’éclat qu’il est venu à l’esprit de nos vieux historiens locaux que l’illustre Girart de Roussillon y était pour quelque chose.
   Girart de Roussillon, c’est celui de la chanson de geste ! Celui-là même – si l’on suit la tradition – qui livra bataille aux portes de la ville de Vienne en l’an 870 ; celui-là même qui fonda l’abbaye de Vézelay en Bourgogne pour y placer les reliques de Sainte Marie Madeleine, celui-là même enfin qui aurait été l’ancêtre de cette puissante famille du même nom et qui pendant près de trois cent ans exerça son autorité sur nos contrées.

   Aujourd’hui encore cette tradition et autres légendes restent tenaces et il est vrai qu’avec un rien de chauvinisme, nous aimerions y croire.
   Ce serait pourtant faire abstraction de la magistrale étude de monsieur René Louis (1) qui en 1946 rétablissait une fois pour toute l’historicité du comte Girart et anéantissait par là même toutes ces merveilleuses théories. Malheureusement, cette étude demeure trop souvent dans l’obscurité la plus totale, à tel point que de nombreux auteurs contemporains continuent à commettre les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs du XIXè siècle.

   Sans prétention et afin de remettre à la lumière du jour le personnage historique du comte Girart, nous aborderons dans un premier chapitre les grandes lignes de sa vie telles que René Louis nous les a présentées. Ensuite, nous serons amené à nous interroger sur les différentes raisons qui laissent penser que Girart de Roussillon pouvait être l’ancêtre des Roussillon du Pilat.
   D’emblée, plusieurs pistes peuvent être retenues : tout d’abord, il y a celle de la progéniture de Girart car à l’heure actuelle, la critique historique n’admet aucune descendance mâle concernant notre personnage ce qui n’est pas sans poser problème si on veut lui trouver en notre famille de Roussillon une descendance éventuelle. De même, il demeure encore beaucoup d’incertitudes sur la retraite du comte Girart après la prise de Vienne : est-il resté dans notre région où certainement il devait avoir des possessions ? Cet examen nous permettra ensuite d’étudier de plus près les origines de la famille de Roussillon dont les premières traces apparaissent précisément au XIè et XIIè siècle non loin de la ville du Dauphiné qui porte le même nom.
   Une autre piste consistera à examiner si la similitude des prénoms Girard et Gérard au sein de la famille de Roussillon permet d’envisager une filiation éventuelle. C’est du moins une probabilité que certains auteurs régionaux évoquaient en leur temps.
   D’autre part, et c’est une caractéristique de la famille Roussillon du Dauphiné, celle-ci semblait vouer un culte prononcé à Sainte Marie Madeleine, la pécheresse des Saints Evangiles dont Girart de Roussillon dota l’abbaye de Vézelay de ses reliques.
   Enfin, et ce sera sans doute l’élément primordial et déclencheur de cette tradition qui voit en Girart l’ancêtre des Roussillon : il s’agit naturellement du patronyme ! Comment en effet ne pas envisager cette filiation lorsque l’on porte le même nom ? Là aussi les auteurs anciens ont évoqué cette possibilité en se fondant sur ce postulat …

   Nous commençons à l’entrevoir : il existe en effet beaucoup de similitudes entre nos protagonistes pour pouvoir imaginer ce lien de parenté…

I. Où il est question du comte Girart dans l’histoire…

   Sans entrer dans les détails développés par René Louis, nous sommes en mesure d’établir la généalogie du comte Girart de la manière suivante : Girart aurait eu pour parents le comte Leuthard et dame Grimeut (Grimild) qu’il citera lui-même dans son testament. Leuthard était fils de Girart 1er  qui servait déjà sous Pépin le Bref en l’an 747. Concernant le comte Girart qui nous intéresse, celui-ci n’aurait pas eu de progéniture si ce n’est un fils nommé Thierry, mort en bas âge et une fille dont on ne connaît que le prénom Ava (Eve). Nous reviendrons sur ces  deux personnages par la suite.

   R. Louis situe la région d’origine de cette branche girardine proche de la ville de Worms en Rhénanie et non dans le Languedoc comme on l’entend parfois.
   Girart du naître vers les années 800 puisqu’il est déjà marié en 819. Il atteindra un bel âge pour l’époque puisque sa mort ne surviendra qu’en 877.

   La jeunesse de Girart nous est totalement inconnue. Leuthard, son père avait été envoyé par Charlemagne en Aquitaine vers 781 où il sembla demeurer dans l’entourage proche de Louis le Pieux. En l’an 801, il reçut le comté de Fezensac (2) toujours en Aquitaine. En 803, il participa à la prise de Barcelone et en 809 au siège de Tortose. C’est là, la dernière date fiable qui nous mentionne le père de Girart.


Louis le Pieux

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   Le comte Leuthard aurait épousé une Grimeut et ensemble ils auraient eu au moins deux fils : Girart et Alart ; et une fille nommé Engeltru. Tous trois passèrent vraisemblablement leur petite enfance dans le comté de Fezensac en Aquitaine.

   C’est sans doute peu avant l’an 819 que Girart reçut pour épouse Berthe, fille du comte de Tour, Hugues le Poltron. Son mariage lui valut sans doute l’attribution immédiate des comtés de Lassois et Avallon en Bourgogne. Dès lors le comte Girart et sa femme s’attacheront à étendre et protéger leurs possessions bourguignonnes.


Mariage de Girart et Berthe d’après une miniature
 du Roman de Girart de Roussillon
Vienne (Autriche) – vers 1450

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    L’amitié et le dévouement de Girart envers l’empereur Louis le Pieux lui vaudra ensuite l’attribution d’un nouveau comté ; et pas des moindres puisqu’il s’agit de celui de Paris qu’avait jadis tenu son grand père Girart 1er (3).

   A la mort de l’empereur survenue en 840, Girart choisit de rallier le parti de Lothaire, fils aîné de feu Louis contre celui de Charles le Chauve. Ce dernier revendiquait la moitié occidentale de l’empire que lui avait légué le défunt Louis son père et finit par l’obtenir par la force en l’an 841. Devenu maître de Paris, Charles le Chauve destitua aussitôt Girart de ses fonctions de comte de Paris pour les attribuer à son frère Alart qui lui était resté fidèle. Néanmoins, il n’apparaît pas que les deux frères furent animés d’une haine farouche l’un envers l’autre, au contraire il semble que chacun ait su protéger les intérêts de l’autre, s’agissant notamment des possessions qu’ils pouvaient avoir en territoire adverse.


Charles le Chauve entouré de ses officiers
(peut-être y trouverons nous Alart …)
Détail d’une enluminure de la Bible de Charles le Chauve (843-851)

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   Le partage officiel de l’Empire eu lieu en août 843 lors du traité de Verdun. Lothaire recevait outre la Francia orientale et l’Italie, les comtés situés sur la rive gauche de la Saône et du Rhône, et sur la rive droite du Rhône, le Vivarais et l’Uzège. Toute la partie occidentale dont l’Aquitaine, qui avait vu grandir Girart, revint à Charles le Chauve.

   A partir de 844, Lothaire nomma Girart à la tête des comtés de Lyon et de Vienne dont l’ensemble prit le titre de duché de Lyon. C’est également pendant cette période 844-850 que l’on apprend le décès d’un fils de Girart : le petit Thierry, âgé d’à peine un an et qui fut inhumé à Pothières en Bourgogne.
   En 855, le roi Lothaire meurt. Il avait au préalable réglé sa succession en partageant son royaume entre ses  trois fils. Le petit Charles reçut la Provence dont le duché de Lyon formait la limite Nord.
Charles était jeune, débile et épileptique. Feu le roi son père Lothaire Ier  avait confié son éducation à Girart et c’est tout naturellement que celui-ci devint le véritable régent de tout le Royaume de Provence.

   Les œuvres du comte Girart dans notre région furent grandes, à commencer par la restitution de nombreux domaines aux Eglises de Lyon et de Vienne, dont celui de Limony aux pieds du Pilat (4).

   Sa qualité de duc et régent du Royaume lui permettait d’agir en véritable souverain.

   En août 856, il participa au traité d’Orbe et su sauvegarder les intérêts du jeune Charles que ses frères destinaient à la tonsure. Mais les craintes de Girart portaient plus sur les ambitions de son vieil adversaire, Charles le Chauve, que sur celles des frères du roi de Provence, Lothaire II et Louis II.
   Il s’inquiétait notamment pour ses domaines situés en Bourgogne et territoire adverse. Ceux-ci risquaient à terme d’être annexés à la couronne de Charles le Chauve.
   C’est dans ce contexte que R. LOUIS place la fondation des abbayes de Pothières et de Vézelay, vers 858-859, et qu’il n’hésite pas à qualifier « d’œuvre pie d’une singulière habileté ». Par ces fondations, Girart donnait à ces abbayes tous ses domaines bourguignons mais en gardait néanmoins l’usufruit. Il plaçait en outre ses fondations sous la tutelle symbolique du Saint Siège à Rome. Mais le véritable coup de génie consistait à désigner Charles le Chauve comme protecteur de ces abbayes nouvellement fondées.
   De fait et d’un même geste, Girart réussissait à s’accorder les faveurs de l’Eglise, à protéger ses domaines des humeurs de Charles le Chauve et enfin à s’assurer malgré tout la jouissance de ceux-ci sa vie durant.
   Nous reviendrons plus loin sur la charte de fondation de ces abbayes qui demeure l’un des documents les plus estimables sur la vie de Girart. Notons simplement pour mémoire que c’est par cet acte de fondation que nous connaissons l’existence d’Ava, fille de Girart et de Berthe, second et dernier enfant connu de ce couple.

   En 860, Girart su encore s’illustrer en chassant les Normands qui étaient remontés par la vallée du Rhône jusqu’à Valence.
   Nous mentionnerons ici une lettre de félicitation adressée à Girart par Servat Loup, abbé de Ferrières, lequel salue la victoire militaire du régent. Plus précisément, cette lettre répond aussi à divers questions du comte Girart à propos du nouvel évêque de Vienne Adon, lequel avait été dans sa jeunesse, moine et disciple de Servat Loup. L’élection d’Adon à l’évêché de Vienne semblait ne pas faire pleinement l’unanimité et nous voyons là Girart saisir l’occasion de cette correspondance pour s’occuper personnellement de cette affaire. Il en ressortit qu’Adon réunissait toutes les qualités théologiques pour assurer cette dignité. Nous verrons alors Girart et Adon entretenir des relations de bonne entente durant ces premières années d’épiscopat.

   L’année 861 marque en quelque sorte l’apogée du « règne » de Girart sur le Royaume de Provence. En cette année le roi Charles le Chauve songeait tout simplement à s’emparer du Royaume de son neveu ; cette tentative manquée allait faire grandir de plus bel le prestige du régent Girart.


Girart et Berthe d’après un manuscrit
de la bibliothèque municipale d’Auxerre

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   En janvier 863, le jeune roi de Provence Charles fut inhumé à St Pierre de Lyon ; il n’avait pas résisté à l’une de ses fréquentes crises d’épilepsie.
   La réaction de son frère Louis II ne se fit pas attendre et avec le consentement du Pape, celui-ci annexa le Royaume déchu. Girart s’en tint à maintenir sous sa coupe le duché de Lyon et de Vienne.
   Cette situation ne dura pas, en mars 863 eu lieu un nouveau partage du Royaume : Louis II conservait la Provence alors que Lothaire II récupérait le Lyonnais, le Viennois, le Sermorens et sur la rive droite du Rhône le Vivarais et l’Uzège. Par ce partage, Girart devenait vassal du roi Lothaire II, souverain lointain et demeurant dans ses régions Rhénanes, il laissera à Girart les pleins pouvoirs pour administrer son duché. Il est d’ailleurs à remarquer que c’est à partir de cette époque que Vienne prendra le pas sur Lyon et deviendra métropole du duché. Girart sera alors qualifié de duc de Viennois et non plus duc de Lyonnais.

   De 863 à 870 environ, Girart sera donc le seul maître du Viennois. Paradoxalement, cette période est peu féconde en événements politiques et ne nous renseigne presque pas sur l’administration de notre région.
   En contre partie, nous sommes mieux informé du devenir des deux abbayes bourguignonnes précédemment fondées par Girart.
   Dès 863, Girart exprimera le souhait de doter ces abbayes de reliques et pour ce faire, il dépêchera à Rome le moine Saron pour demander au Pape l’autorisation d’emmener en Bourgogne les saintes reliques d’Eusèbe et Pontien, martyrs romains. Le Saint Siège donnera son aval à cette translation.
   Dans un premier temps les reliques furent exposées à Lyon, puis Girart y adjoignit deux autres reliques : celle de  Saint Andeux trouvée à Bourg Saint Andéol et celle de Saint Ostien trouvée dans la région de Viviers.
   De Lyon, les quatre reliques gagnèrent les abbayes bourguignonnes de Girart : Vézelay reçut St Pontien et St Andeux alors que Pothières héritait de St Eusèbe et St Ostien.
   Ces translations sont relatées par le martyrologe d’Adon, évêque de Vienne et elles témoignent d’un retentissement certain à l’époque dans le milieu ecclésiastique.


Lothaire II

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   Le paysage politique allait une nouvelle fois être bouleversé à la mort subite du roi Lothaire II survenue le 8 août 869. Rapidement Charles le Chauve occupa la Lorraine où il su s’allier la noblesse. Un nouveau partage eut lieu entre lui et son frère Louis le Germanique en 870, à Meerssen. Charles s’octroya tout ce que Lothaire avait possédé en Lyonnais et en Viennois.
   Les nobles ainsi que l’autorité ecclésiastique ne tardèrent pas à reconnaître l’autorité de Charles que le traité de Meerssen rendait officielle. On verra notamment l’évêque de Vienne Adon, tout comme Rémi de Lyon embrasser de suite le parti de ce nouveau roi.
   Girart, lui, ne l’entendait pas ainsi. L’arrivée au pouvoir de son vieil adversaire ne pouvait signifier pour lui que la fin imminente de son autorité sur le duché de Viennois. Sans doute su t-il encore s’entourer de proches partisans, mais dans l’ensemble il reçut peu de soutien.

   Une charte datée du mois de novembre 870 nous append que Charles le Chauve occupait déjà les environs de Vienne. Néanmoins la ville en elle-même était toujours tenue par Girart. Il en avait confié la garde à sa fidèle épouse Berthe alors que lui-même s’occupait à fortifier une autre de ses villes dont nous ignorons le nom.


Charles le Chauve

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   Charles ordonna le siège de la ville de Vienne, il fit dresser ses tentes sous les murs antiques et organisa le pillage général de toute la région.
   Il fallait se rendre à l’évidence, le comte Girart ne pouvait opposer une grande résistance devant l’armée royale, d’autant qu’à l’intérieur de la ville de Vienne le roi comptait de solides appuis. La comtesse Berthe fit prévenir son mari de sa détresse et celui-ci se résigna à une capitulation honorable. Il vint lui-même ouvrir les portes de la ville à Charles le Chauve. Ce dernier y pénétra le 24 décembre 870, sans que finalement, aucune bataille ne fut livrée.

   Sur ce qu’il advint de Girart par la suite, nous ne pouvons qu’être prudent. La tradition veut que Girart rendit au roi toutes ses places fortes et que celui-ci lui accorda en contre partie l’autorisation d’embarquer ses biens sur trois bateaux. Girart aurait ainsi navigué sur le Rhône jusqu’en Avignon, mais à cela, il n’existe aucun document d’époque qui puisse le justifier. Il est d’ailleurs constant qu’à partir de la prise de Vienne, plus aucune charte ne fera mention d’événements liés au comte Girart.

   Il mourut un 4 mars, vraisemblablement en l’année 877 ; son épouse Berthe l’avait précédé de quelques années et reposait déjà à Pothières, en Bourgogne, auprès de la tombe de leur fils, le petit Thierry. C’est également là que fut inhumé Girart, le 11 mars 877 comme nous l’apprend le nécrologe de l’abbaye de Pothières.

Notes du chapitre I

(1)  René LOUIS, Tome 1, « Girart, comte de Vienne (…819-877) et ses fondations monastiques », Auxerre, 1946.

(2)  Vic-Fezensac dans le Gers.

(3)  On sait qu’il occupe cette fonction en 837-838 lors de la prestation de serment de fidélité de Charles le Chauve.

(4)  R. LOUIS (Op. cit., p. 54-55)

II. Où il est question de la descendance et retraite de Girart en Viennois…

   Il y a plus de trois siècles de cela, Nicolas Chorier (5) répandait l’idée que le comte Girart s’était retiré dans la ville de Roussillon en Isère et que sa postérité avait donné la grande famille de Roussillon du Dauphiné : « Trois bateaux lui furent fournis pour les porter par le Rhosne au lieu qu’il avait destiné… et Girart se fit conduire à Rossillon, qui estoit une dépendance du comté d’Albon. C’est, assurément, de cette terre qu’il prit le nom pour le joindre à son nom propre, quoy que ce ne fût pas alors un usage ordinaire. Il y a apparence que Girard s’y plaisoit plus qu’en nulle part, qu’il venoit s’y divertir de ses grandes occupations et qu’ayant une maison de plaisir, où il demeuroit une partie de l’année, il fut appelé de là Girart de Rossillon… Sa postérité fut puissante dans le Viennois, car c’est de Girard, selon l’opinion de quelques uns, que vint l’illustre maison de Rossillon, qui a duré cinq cens ans après luy. »

   Cependant et à propos de la descendance de Girart et Berthe, nous venons de voir avec certitude que nous pouvions compter au moins deux personnages : le petit Thierry mort en bas âge et Ava. Longtemps, les historiens ont émis des avis partagés sur d’éventuels descendants de ce couple, mais depuis l’étude menée par René Louis, il semble que la critique historique ne favorise pas cette possibilité.

   Il est vrai qu’aucun document ne nous renseigne sur d’autres enfants ce qui sera d’ailleurs le principal argument de René Louis, lequel déclare qu’il n’est pas possible que les enfants de l’illustre Girart aient pu être passés sous silence.
   Cette affirmation nous semble néanmoins un peu hâtive. Rappelons par exemple que les mentions que nous avons du petit Thierry et de Ava figurent en des circonstances très particulières de la vie de Girart et de Berthe, circonstances tellement exceptionnelles qu’il nous paraît déjà extraordinaire de pouvoir en tirer ces renseignements sur la famille du comte.

   Le petit Thierry nous est connu par son décès malheureux alors qu’il n’avait pas atteint l’âge des un an. Cet épisode se situe dans les années 844-850.  Quelques années plus tard, vers 858-859, alors que Girart et Berthe fondent les abbayes de Pothières et de Vézelay, apparaît le nom d’Ava, sans doute encore mineure et non mariée, au bas de la charte de fondation. Au plus tôt nous pouvons donc évaluer la naissance de Thierry en 843 et celle de Ava en 833, soit  au moins quatorze ans après le mariage de Girart et Berthe en 819. Cet écart de quatorze années nous paraît beaucoup trop long pour ne pas envisager sérieusement que notre couple ait pu avoir d’autres enfants. Certes, ils auraient tous pu subir le même sort que le petit Thierry … Malgré tout, on a du mal à le croire.

   René Louis, tente d’étayer sa conviction en se basant également sur le fait que la charte de fondation des deux abbayes bourguignonnes est rédigée en forme de testament et il s’interroge sur le fait qu’aucun des autres enfants hypothétiques de Girart ne soient mentionnés dans cette charte. De plus cette dernière stipule que Girart et Berthe donnent à ces abbayes tous leur biens situés en Bourgogne et René Louis d’ajouter qu’il est inimaginable que les enfants de notre couple aient pu renoncer ainsi à l’immense héritage de leurs parents.

   Ce que cet auteur passe rapidement sous silence est que la charte de fondation n’est pas un testament au sens propre du terme et cela même s’il en prend toutes les formes (6). Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une donation entre vifs, sur laquelle de surcroît Girart et Berthe se réservent l’usufruit des biens délaissés. A cette date, notre couple est déjà âgé d’environ soixante ans et nous pensons légitime qu’ils aient eu l’occasion de régler leur succession auparavant. A partir de cet état de fait nous ne trouverons rien d’anormal à ce que les autres enfants ne soient pas cités dans la charte et que seule Ava, enfant encore mineure, ait eu son mot à dire.
   D’autre part, les biens donnés aux abbayes ci-dessus ne formaient certainement pas tout l’héritage de Girart et de Berthe ! C’est en tous les cas les présomptions que nous pouvons avoir en ce qui concerne un personnage aussi important que celui de Girart. D’ailleurs nous l’avons vu lui-même rétrocéder certains de ses biens à l’Eglise lorsqu’il occupait la régence du Viennois …
   Enfin, l’une des phrases de la charte a également fait couler beaucoup d’encre puisqu’il y fait mention des enfants vivants ou à venir de Girart et Berthe …
   Non, manifestement l’argumentation que fournit René Louis sur ce point ne tient pas ! La charte de fondation ne suffit pas dans son contenu à une telle affirmation.
   De notre coté nous n’irons pas jusqu’à dire que Girart ait eu à coup sûr une descendance puisque aucun document ne nous le confirme ; par contre nous n’accepterons pas non plus l’opinion qui consiste à nier formellement cette descendance puisque là aussi les documents et argumentations manquent.

   Rappelons également qu’après la prise de Vienne en l’an 870, plus aucune charte de l’époque ne nous parlera du comte Girart, cela malgré son illustre carrière. Et même si la tradition situe la retraite de Girart en Avignon, rien ne permet de le justifier catégoriquement.

   Une autre tradition, typiquement régionale cette fois, situe au contraire la retraite de Girart dans l’une de ses fameuses places fortes qu’il détenait avant la prise de Vienne, voir même celle dans laquelle il s’était retranché face à l’attaque imminente de Charles le Chauve. L’ennui est, que ne connaissant pas l’emplacement de cette place forte, chacun a laissé libre cour à son imagination. Nous sommes néanmoins convaincu qu’il s’agissait d’un lieu non loin de Vienne pour que Girart lui-même ait eu le temps de venir rendre la ville au roi.

   Il existait juste au sud de Vienne un château dénommé Roussillon et dans lequel on situait précisément le repli du comte Girart lors de la prise de la ville (7). Nous ne nous y attarderons pas plus et renverrons le lecteur aux écrits du chanoine Pierre Cavard qui s’est efforcé de faire toute la lumière sur ce sujet (8).


Dernières ruines du château de Roussillon au sud de Vienne
(Manuscrit M-58 de la bibliothèque municipale de Vienne)

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   Plus sérieusement, nous pourrions imaginer la retraite de Girart à quelques lieues seulement de Vienne, en la ville de Roussillon en Isère, toute désignée par sa toponymie. C’était également l’opinion de N. Chorier comme nous l’avons vu ci-dessus. Mais encore une fois nous suivrons ici l’opinion du chanoine P. Cavard lorsqu’il déclare « le bourg de Roussillon en Viennois est absolument étranger à la légende épique comme à l’histoire réelle » (9).
   Toutefois, le hasard faisant bien les choses, cet auteur relève avec ironie que non loin de Roussillon, dans le village de Surieu – village qui fut sous la suzeraineté des seigneurs de Roussillon -  il existe un culte lié à Saint Lazare de Béthanie et que les reliques de ce saint auraient été cachées là quelques temps au IXè siècle avant d’être transférées en Bourgogne. Ces reliques auraient été accompagnées de celles de Sainte Marie Madeleine, dont on connaît les liens étroits avec Girart de Roussillon…

   Enfin, un autre lieu a pu être envisagé à la fois comme l’une des possessions de Girart et à la fois pour sa retraite, il s’agit du site de Sainte-Croix-en-Jarez dans le Pilat.
   Nous savons que sur ce lieu fut fondée en l’an 1280 (1281 n. st.) la chartreuse de Sainte-Croix par Béatrice, veuve de Guillaume de Roussillon. Ce lieu lui appartenait vraisemblablement et sur celui-ci existait aussi une ancienne forteresse (10).


Ancien cloître des Pères Chartreux – Sainte-Croix-en-Jarez
A droite, l’arcade du passage couvert serait antérieure
à la fondation de la chartreuse en 1280

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   C’est sans doute ce qui a fait penser à André Douzet (11) que Sainte-Croix ou du moins un lieu voisin avait pu être le refuge de Girart de Roussillon. Cet auteur s’appuie sur différents écrits dont « le roman de Girart de Roussillon », ouvrage sur lequel nous reviendrons dans un prochain chapitre. Il cite également un extrait du « Journal de la société des amis de la littérature » (12) et dans lequel il est fait mention à Pavezin de ruines connues sous le nom de « Grand Roussilla, ou château du Prince, dont l’histoire très ancienne est un mélange de merveilles et de cruautés … ».  Mais une fois encore, quel crédit historique pouvons nous accorder à ces seuls éléments ?

Notes du chapitre II

(5)  Nicolas CHORIER, « Histoire Générale du Dauphiné », tome I, page 526.

(6)  C’est Girart lui-même qui emploie le terme « testament » dans la charte de fondation et c’est pour cela que les historiens l’utilise également. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une donation prenant effet à la signature et non pas au décès de Girart et de Berthe. De fait, on ne peut considérer cette charte comme un véritable testament dans lequel Girart aurait réglé sa succession.

(7)  Nicolas CHORIER, (Op. cit. p. 526) et aussi « Recherches sur les Antiquités de la ville de Vienne », réédition de 1828, p. 354.
A noter que Chorier fait remarquer immédiatement que les ruines de ce château lui semblent trop récentes pour remonter à l’époque du comte Girart.

(8)  Pierre CAVARD, « Girart de Viane – Vérité et Poésie », manuscrit conservé à la bibliothèque municipale de Vienne, cote M-406.

(9)  Pierre CAVARD, (Op. cit.)

(10)  François JEANTY, « Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez », in bulletin « Mémoire des Pays du Gier », n°2, édité par l’association ARRH, pages 41 à 47, Juin 1994.
et Patrick BERLIER, « Avec les pèlerins de Compostelle », pages 43 à 48, éd. Actes Graphiques, Saint-Etienne, 2002.
La notion de forteresse est peut-être un peu abusive de notre part. Longtemps, l’opinion était à croire que le site de Sainte-Croix était vierge de toutes constructions avant la fondation de la chartreuse. Aujourd’hui nous savons plus précisément qu’il existait un bâti. C’est en tous les cas ce qu’il ressort des récentes campagnes archéologiques effectuées sur le site.

(11)  André DOUZET, « Eléments du Passé de Sainte-Croix-en-Jarez, chartreuse, pour servir à son histoire », Carcassonne, 1994, p. 21 à 25.

(12)  Journal de la Société des amis de la littérature – 2è semestre 1792.
André Douzet n’en dit guère plus dans son ouvrage et ce fameux journal demeure totalement inconnu à nos recherches. Mais selon les dires de M. Douzet, il s’agirait d’une revue éditée par « Christophe-Jean GELE imprimeur, 173 rue de la Harpe » sans doute à Paris et l’article en question aurait été écrit par un certain  « de Beauvert ».

III. Où il est maintenant question des Roussillon et de la ville du même nom …

   « La famille de Roussillon est l’une de celles dont le nom apparaît au Moyen Age à toutes les pages de l’histoire du Dauphiné, du Vivarais, du Lyonnais, et du Forez. A l’exception de nos grands feudataires : les comtes du Forez et les dauphins du Viennois, aucune autre ne fut plus puissante dans nos contrées ; bien plus, on la vit même souvent traiter de pair avec ces derniers, dont ils contestèrent longtemps les droits de suzeraineté.»
   Ces quelques lignes d’introduction d’Antoine VACHEZ (13) expriment à elles seules l’importance de la famille de Roussillon dans notre région. Cet érudit de la fin du XIXè siècle poursuit en ajoutant qu’elle possédait « dans le Dauphiné les terres et seigneuries de Roussillon, Anjou, Montbreton, Tullins, Rives, Jarcieux, Surieux, Age, le Bouchage, Morestel, etc. ; dans le Vivarais, Annonay, Peyraud, Serrières, Ay et Quintenas ; dans le Lyonnais, Riverie, Age, Dargoire et Châteauneuf, et enfin, dans le Forez, Veauche, Nervieu, Miribel et Foris. »


Armes des Roussillon
De gueules, à l’aigle éployée d’argent

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   S’il s’avère exacte qu’à partir du XIIIè siècle les Roussillon possédèrent toutes ces propriétés par l’intermédiaire de ses diverses branches familiales, il nous faut tout de même nuancer ces propos car il n’en fut pas ainsi pour les époques antérieures. En effet, les domaines du Lyonnais n’ont été introduits dans les dépendances des Roussillon qu’au tout début du XIIIè siècle alors que ceux du Vivarais ont été portés en héritage à la famille de Roussillon en 1271 (14). Mais il n’en demeure pas moins que la famille de Roussillon était l’une des plus importantes du Dauphiné et  qu’elle rivalisait d’influence avec les Dauphins eux-mêmes. C’est d’ailleurs  dans la région d’Albon (26), patrie des dauphins, qu’il semble falloir trouver les origines des Roussillon (15).

   Malgré tout, ces origines demeurent assez obscures et à ce sujet il existe un certain nombre de théories que nous développerons succinctement à titre informatif.

   Tout d’abord, si l’on suit les premiers écrits d’Antoine Vachez (16), il semblerait qu’il faille trouver en la famille Roussillon du Dauphiné une ascendance royale mérovingienne. Cet auteur se base sur une tradition légendaire  - dont pour l’heure, nous n’avons pas trouvé de fondement historique -  pour assurer que nos Roussillon descendaient de Sigebert, roi d’Austrasie et troisième fils de Clotaire 1er. C’est aussi cette tradition légendaire qui prête à cette famille seigneuriale, Girart de Roussillon (…819-877) pour ancêtre.

   Une autre hypothèse assez savoureuse et dont nous reparlerons ci-dessous propose une origine à cette famille datant  de l’époque gallo-romaine avec dans un premier temps un patronyme Urseolus qui se serait muté ensuite en Russeolus pour finir enfin en Roussillon (17).

   Enfin, une dernière piste récemment développée,  associe en quelque sorte les deux précédentes. Patrick Berlier (18), tout en repartant du patronyme Urseolus, avance que la famille Roussillon du Dauphiné pourrait être issue de celle de la région pyrénéenne que nous aborderons aussi dans la suite de cet exposé. Cet auteur voit en la forme primitive du patronyme Urseolus une allusion directe à l’Ours, animal totem des grandes familles mérovingiennes. Mais P. Berlier va plus loin encore en plaçant notre famille Roussillon comme l’ancêtre des comtes de Forez de la première race, et grande suzeraine de la région du Pilat (Rois de l’Axe du Monde).

   Revenons maintenant à des données plus concrètes quant à l’origine des Roussillon dauphinois. Cette famille apparaît donc au cours du XIè siècle - quelques années seulement après l’implantation des premiers comtes d’Albon, futurs dauphins du Viennois - et de surcroît dans les environs immédiats de la ville de Roussillon en Isère.


Sceau de Guigues de Roussillon
(Branche d’Anjou)

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   Antoine Vachez définit ainsi les premiers membres connus de cette illustre famille :

   Le premier à être recensé serait selon nos historiens un Gérard ou Girard de Roussillon, gouverneur de Vienne en 1045 et qui décède en 1050 (19). Il nous est connu pour avoir été « vaincu par l’empereur Henri III, à qui il fut contraint de se rendre à discrétion en l’année 1045. » Nous reviendrons par la suite sur ce personnage qui demeure somme toute assez énigmatique.
   Ensuite, nous connaissons Artaud 1er de Roussillon qui semble présent dans un acte de 1079 puis d’autres de 1095 à 1099.
   Viennent encore Guillaume (1057) et Gérard de Roussillon, père et fils. Ce Gérard de Roussillon aurait conduit les Croisés dauphinois en Terre Sainte en l’an 1096, où il commandait le 11è bataillon de l’armée chrétienne, dans le corps d’armée de Raymond, comte de St-Gilles. Là encore, nous apporterons quelques compléments sur ce Gérard de Roussillon qui, à notre avis, n’appartient pas aux Roussillon du Dauphiné.

   Enfin, A. Vachez cite encore Artaud II comme successeur d’Artaud 1er (ci-dessus) et père d’Artaud III ; mais ces liens de filiations ne sont suggérés que par les similitudes des prénoms et nous ne pourrons nous y fier de manière certaine ; d’autant que nous n’avons trouvé que peu d’actes du XIIè siècle susceptible de nous renseigner sur cet Artaud II (20). De même, l’écart séparant Artaud 1er (1079 et peut-être même 1066) d’Artaud III (1202) nous semble trop important pour imaginer Artaud II fils du premier et père du second et nous suspectons A. Vachez d’aller un peu vite en besogne sur ce point !

   Pour ce qui est du XIè siècle, nous ajouterons à notre tour Ponce de Roussillon, mentionné vers l’an 1066 dans une charte de l’abbaye de Saint-Sauveur-en-Rue (21) ; charte dans laquelle il est également fait mention d’Artaud, frère de Ponce. Il pourrait s’agir là d’Artaud 1er dont nous avons parlé ci-dessus.

   Les dernières études « récentes » (22) traitant de ce sujet n’apportent pas d’autres membres connus à cette famille de Roussillon, du moins jusqu’à Artaud III (1202-1228). A partir de celui-ci nous pourrons suivre la généalogie des Roussillon sans interruption. Nous renverrons alors le lecteur à l’ouvrage de A. VACHEZ pour la suite de cette généalogie qui nous paraît assez fiable.

   Comme nous venons de le voir, les origines des Roussillon restent à définir. Le XIè siècle qui nous renseigne sur les premiers membres connus de cette famille est aussi un siècle où le patronyme commence à peine à se figer. Il n’y a donc rien surprenant à ne pas en trouver trace avant cette époque.

   La tendance actuelle est à penser que la famille de Roussillon adopta son patronyme du domaine dont elle était  suzeraine. En l’occurrence, nous pensons bien entendu à la ville de Roussillon en Isère dont on sait qu’elle possédait notamment un château (23) ainsi qu’un important péage par voie d’eau et de terre qui donna plus tard son nom au bourg de Péage de Roussillon (38).

 
 


Roussillon (Isère)
La vieille porte de l’enceinte médiévale

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   Néanmoins faut-il encore que la ville de Roussillon porta déjà ce nom à l’époque qui nous intéresse ! Et cela ne se vérifie pas facilement puisque certains auteurs retiennent l’an 923 comme première apparition du toponyme « Rosselione » (24) alors que les recherches en cours  ne valident cette première mention que pour le XIè siècle (25). Au delà de cette période, nous ne pouvons qu’être prudent sur la manière dont on dénommait cette localité : l’abbé Granger voit en la ville de Roussillon l’antique Figlinae (26) qui évoquerait un lieu où l’on trouve des potiers, mais il semble que les historiens modernes préfèrent associer à cette station romaine la ville de St Rambert d’Albon (26) située 11 km au sud de Roussillon (27).
   Une autre mention également très ancienne est celle figurant cette fois sur l’Itinéraire d’Antonin (IIIè siècle ap. J.C.) et qui cite le long du Rhône entre Vienne et Valence la localité d’Ursolis (28). Là encore la critique moderne attribue ce toponyme ancien à la ville de St Vallier (26) distante seulement de 24 km de Roussillon. Néanmoins il nous paraît intéressant ici de rappeler que l’une des hypothèses sur l’origine du nom « Roussillon » serait que celui-ci viendrait du mot « Urseolus », transformé progressivement en « Russeolus » ; avec cette éventualité proposée par André Douzet (29), on ne peut que se satisfaire du rapprochement possible entre les mots Ursolis et Urseolus…
   Rappelons succinctement ce qu’en dit cet auteur. Il aurait existé à l’époque gallo-romaine une famille portant le nom d’Urseolus et suffisamment importante pour détenir des domaines dans le massif du Pilat, dans la région de Vienne ainsi que dans la vallée du Gier. A partir du IVè siècle, le patronyme devient Russeolus et cette famille semble participer activement aux évènements guerriers de cette époque. André Douzet n’en dit guère plus mais il s’appuie sur les écrits d’un certain Théodore Lavallée (30) qui paraît avoir publié une thèse à ce propos. D’après cet auteur qui reste énigmatique, il ne ferait aucun doute que la famille Roussillon du Dauphiné descendrait de cette branche Russeolus…
   Faute d’avoir pu trouver et vérifier cette source, il nous paraît difficile d’émettre un avis quelconque sur cette théorie, malgré cela, cette piste nous semblait intéressante à présenter ici et peut être quelque lecteur pourra nous renseigner plus abondamment.
   D’un autre coté, il apparaît que l’un des chefs du peuple Allobroge portait au temps de Jules César le nom de Roscille et c’est ce qui a fait dire à Madeleine COSTE (31) que « certains croient que Roussillon a pris son nom »…

   Nous ne pourrons aller plus loin dans cette énumération. Faute de pouvoir apporter de nouveaux éléments, cette petite synthèse des différentes pistes sur les origines des Roussillon aura au moins le mérite de montrer qu’il n’existe toujours pas de vérité absolue sur celles-ci.
   En guise de conclusion à ce chapitre, nous ne pourrons qu’adopter une opinion réservée. Il nous apparaît impossible de trancher catégoriquement sur l’existence de liens éventuels entre le comte Girart historique et la famille de Roussillon du Dauphiné. Comme nous le pensons et contrairement à l’opinion généralement admise,  il n’est pas impossible que Girart ait eu une descendance. Sur celle-ci nous ne connaissons rien. Sur les origines de la famille Roussillon et sur celles de la ville du même nom, il règne le même flou… Alors, rien ne permet d’interdire à ce niveau de notre étude l’hypothèse d’une filiation et de voir en l’illustre comte Girart l’ancêtre de nos seigneurs du Pilat.

Notes du chapitre III

(13)  Antoine VACHEZ, « Les Roussillon-Annonay - Recherches Historiques et Généalogiques », 1896. Réédition de l’association Visage de Notre Pilat, p. 3.

(14)  C’est Alix de Glane, épouse de Artaud III de Roussillon (1202-1228) qui apporta en dot les terres de Riverie, Dargoire, Châteauneuf, … en Lyonnais.
De même, la Seigneurie d’Annonay fut léguée à Guillaume de Roussillon par Aymar seigneur d’Annonay, (testament du 6 juin 1271).

(15)  A. VACHEZ (Op. Cit. p. 4).
Nous ajouterons que c’est aussi dans les premières années du XIè siècle qu’il faut trouver les origines des comtes d’Albon.

(16)  A. VACHEZ, « La fondation de la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez », in « Revue du Lyonnais », Tome 30, Lyon, 1865.
Et aussi Emmanuel NICOD, « Guillaume et Artaud de Roussillon, seigneurs d’Annonay », in « Revue du Vivarais », Tome 9, Privas, 1901.
Lors de l’édition de son ouvrage sur la chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez en 1904, Antoine Vachez mentionne à nouveau cette tradition d’une origine mérovingienne mais sans y accorder beaucoup de crédit cette fois.

(17)  André DOUZET, « Eléments du Passé de Sainte-Croix-en-Jarez, chartreuse, pour servir à son histoire », Carcassonne, 1994, p. 17.
Et le site internet  http://www.societe-perillos.com/roussillon.html , du même auteur.

(18)  Patrick BERLIER, « La société Angélique », Editions ARQUA, 2004, pp. 203 à 212.

(19)  A. VACHEZ (Op. cit. p. 15).

(20)  Une charte du cartulaire de Saint-Maurice de Vienne (F° 84 v°, n° 220, édition par U. Chevalier, Paris, 1912, p. 12-13. ) mentionne en effet « Artaldum et Poncium de Rossilione, fratres » et cela pour l’année 1192. Néanmoins nous ne pourrons affirmer qu’il s’agit là d’Artaud II car à cette époque cette charte pouvait tout aussi bien faire état d’Artaud III.

(21)  Comte de CHARPIN-FEUGEROLLE, « Cartulaire de l’abbaye de Saint-Sauveur-en-Rue », extraits édités par l’association Visage de Notre Pilat, juin 1994, p. 270.

(22)  Abbé Granger dans « Roussillon et son canton », 1949 - Réédition dans Monographies des villes et villages de France, Paris, Res Universis, 1993.
Cet ouvrage est, en fait, un collectif simplement préfacé par l’abbé Granger. Lorsque nous mentionnerons l’abbé Granger par la suite il faudra comprendre l’ensemble des personnes ayant participé à la rédaction de ce livre.
Et
Louis DUFIER, Pages d’histoire en Dauphiné, « Canton de Roussillon », Editions Bellier, Lyon, 1999.

(23)  Voici ce qu’en écrit l’abbé Granger (Op. cit.p.15) : « Le Manoir des Roussillon s’élevait, au début du Xè siècle probablement, au Nord de l’église actuelle, sur une butte qui semble amassée par la main des hommes. Il était formé de bâtiments considérables. »

(24)  Louis DUFIER, (Op. cit. p. 14.).
Pour sa part, l’ouvrage de l’abbé Granger (Op. cit. p. 14) mentionne les dates de 915 et 975 sans donner plus de détail.

(25)  Cet avis que nous partageons est celui de M. Georges MAZOUYÈS, président de l’association « Roussillon Evocations », in « Patrimoine en Isère - Pays de Roussillon », 2003.

(26)  Figlinis sur la Table de Peutinger.

(27)  André PELLETIER, « Vienne Gallo-Romaine au Bas-Empire », numéro spécial du bulletin de la Société des Amis de Vienne, 1974, p.134
Et
Franck DORY, « La voie romaine d’Agrippa de Vienne à St Vallier », dans l’Indépendant du Viennois, n°10 – 26, septembre 1992 – avril 1993.
On pourra consulter également  le site internet : http://crehangec.free.fr/rhon.htm#26 où l’on peut voir notamment une partie de la Table de Peutinger avec la station de Figlinis.

(28)  Guy ALLARD, « Dictionnaire du Dauphiné », Tome 2, Grenoble, 1864, « Roussillon ». Cet auteur n’hésite pas quant  à lui à identifier la localité d’Ursolis à celle de Roussillon.

(29)  A. DOUZET, (Op. cit. p. 17)

(30)  Théodore LAVALLEE.
D’après les renseignements aimablement fournis par M. André Douzet, Théodore Lavallée serait l’auteur d’une thèse dont nous ignorons le thème, rédigée il y a déjà fort longtemps et qui lui fut confiée par un certain M. Lucien Rouge de la région viennoise il y a une vingtaine d’années.

(31)  Madeleine COSTE, « Roussillon en Dauphiné », opuscule extrait du bulletin « Evocations », nouvelle série, 7è année, n°4, p.4. On trouve également ce rapprochement avec Roscille, chef Allobroge, dans un manuscrit anonyme de la bibliothèque municipale de Vienne (Isère), manuscrit traitant à la fois du château de Roussillon à Vienne, de la famille Roussillon et de la ville de Roussillon en Isère.

IV. De Girard en Gérard, où la similitude des prénoms pourrait être une piste …

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   Il est un fait soit disant avéré que plusieurs membres de la famille de Roussillon portaient le prénom de Gérard ou Girard et comme il était souvent d’usage au moyen âge de transmettre les prénoms de générations en générations, nous ne trouverions rien d’anormal d’établir sur cette constatation un lien avec le comte Girart historique.
   Revenons donc sur les deux Gérard de Roussillon que mentionnent nos historiens locaux pour la période la plus ancienne qui nous intéresse, à savoir le XIè siècle. Il nous apparaît ici nécessaire d’approfondir nos connaissances sur ces deux individus afin d’établir ce lien éventuel avec le comte Girart.
Hors après réflexion, cette éventualité basée sur la similitude des prénoms nous apparaît peu fondée et cela pour deux raisons.
   D’une part nous partageons le sentiment de Vachez (32) lorsqu’il déclare que le prénom Gérard ou Girard était très en vogue à cette époque et qu’il n’y aurait donc rien d’étonnant à le retrouver dans une famille aussi prestigieuse que celle des Roussillon.
   D’autre part, l’authenticité des deux Gérard précités nous semble plus que douteuse, du moins quant à leur appartenance à la branche des Roussillon du Dauphiné. Les lignes qui vont suivre s’attarderont à expliquer le fondement de notre opinion sur ce point et pour cela nous nommerons arbitrairement Gérard I celui qui nous est connu en 1045 et 1050 et le second, Gérard II qui alla guerroyer en Terre Sainte lors de la première croisade.

Gérard I de Roussillon (1045-1050)

   A notre connaissance, Antoine Vachez est le premier historien à citer un Gérard de Roussillon, membre de la famille de Roussillon du Dauphiné en l’an 1045 et 1050 (33). Après lui, il semble que les auteurs et historiens se soient contentés de l’érudition de leur prédécesseur pour affirmer que ce Gérard existait bien à cette époque (34).
   Deux sources, en effet, datant respectivement des années 1045 et environ 1050 nous parlent de Gérard I comme comte et gouverneur de Vienne. A. Vachez ne semble pas utiliser directement ces deux sources mais il cite en référence des auteurs et historiens qui ont pignon sur rue en matière d’histoire régionale ! Alfred de Terrebasse (35), Chorier (36) et Charvet (37). Hors à aucun moment ces auteurs ne mentionnent Girard I comme appartenant à la famille de Roussillon qui nous intéresse.

   Chorier, qui est l’auteur le plus ancien se contente de retranscrire l’épitaphe d’un dénommé Gérard, datant d’après lui de 1050 et qui figurait anciennement sous le porche de l’église St-Pierre de Vienne. Hors cette épitaphe ne mentionne rien d’autre qu’un prénom … Même la date n’y figure pas ! D’ailleurs Chorier s’est permis quelques libertés qui lui sont coutumières en affirmant qu’elle datait de l’an 1050 d’après l’existence d’un M et un D sur cette pierre. Il faut dire qu’à l’époque de Chorier la pierre qui contient l’épitaphe de Gérard I était brisée sur l’un de ses cotés et que cette particularité lui permettait de penser que le reste de la date figurait sur la partie manquante.
   Chorier ajoute ensuite « c’est l’épitaphe de Girard, comte, c’est-à-dire gouverneur de Vienne, environ l’an 1045. C’est le jugement qu’en fait André du Chesne, aux doctes recherches duquel les curieux ont tant d’obligations. D’autres ont cru que c’est Girard de Rossillon (38) qui est enseveli dans ce tombeau. »
Chorier s’appuie ainsi sur les écrits d’André du Chesne (39) pour soutenir que Gérard I était comte de Vienne. Il nous reste donc a examiner ce qu’écrivait cet auteur : « Hermann fait aussi mention d’un Gerold, prince Bourguignon, lequel il dit s’estre soubmis, l’an MXLV, à Henri III, empereur, avec Renaud, comte de Bourgogne. Et croy que c’est encore le mesme Gerard de Vienne, ou de Genève, lequel, suivant les Mémoires de Thomassin, mourut le premier jour de juillet, l’an …… et fut enterré à Vienne, soubs le grand portail de l’abbaye de l’Eglise de Saint-Pierre ».
   Voilà qui devient intéressant car A. du Chesne cite à sont tour deux auteurs plus anciens qui sont susceptibles d’avoir vu l’épitaphe à Vienne dans son intégralité avant qu’elle ne soit brisée. Hors aucun des deux ne mentionne la date de 1050 pour l’épitaphe et nous voyons que du Chesne laisse un « blanc » pour celle-ci. C’est donc bien Chorier qui a inventé la date de l’an 1050 …



Epitaphe de Girard relevée par Chorier, on notera à la fin les lettres ML
qui ont fait dire à Chorier qu’il s’agissait de la date de 1050.
En réalité le L ne figure pas sur l’épitaphe et la présence d’un D et M
en dernière ligne existerait également sur d’autres épitaphes (A. de Terrebasse)

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   D’autre part, il est un autre fait à propos duquel Chorier pourrait être encore l’inventeur : il s’agit de présenter Gérard I comme comte et gouverneur de Vienne. Hors l’épitaphe qui nous est conservée ne le précise pas … Elle stipule simplement : « …TESAVRI MAGNA COLUMNA. NOMINE GIRARDVS, … ». Ce qui signifierait qu’il s’agit d’un « Trésorier » (40)…
   Sur ce sujet, les historiens ne sont en effet pas toujours d’accord. Comme nous venons de le dire, Chorier place Gérard I comte et gouverneur de Vienne car il l’assimile à ce comte Gérard, prince bourguignon cité par A. du Chesne et qui aurait été « vaincu par l’empereur Henri III à qui il fut contraint de se rendre à discrétion en l’an 1045 » (41). Collombet suit l’opinion de Chorier en ajoutant qu’un simple trésorier n’aurait pas eu sa place dans l’enceinte de l’Eglise Saint-Pierre de Vienne et que par conséquent il ne pouvait s’agir que d’un laïc haut placé tel un comte.
   Pour sa part, A. de Terrebasse (42) ne suit pas du tout cette version car il mentionne une épitaphe similaire existant à Lyon et se rapportant à un Chanoine de l’Eglise de Lyon. Pour lui, le contenu de l’épitaphe de Vienne ne permet à aucun moment d’identifier Gérard I à un comte ou gouverneur de Vienne.
   Ajoutons que Terrebasse ne mentionne également à aucun moment que ce Gérard I aurait appartenu à la branche des Roussillon du Dauphiné … Ce qui est d’ailleurs des plus surprenant car étant lui même descendant de l’une de ces familles nobles qui jadis étaient seigneurs d’Anjou, il ne pouvait avoir manqué de s’intéresser à la célèbre famille de Roussillon !

   Néanmoins, et nous l’avons vu avec A. du Chesne, il existe encore une autre source susceptible de nous renseigner sur Gérard I, il s’agit de celle datant de l’an 1045. Hors une fois de plus celle-ci ne nous apprend rien de mieux, si ce n’est l’existence d’un dénommé Gerolt  qui fut vaincu par l’empereur Henri III : « Soleure, 1045 : Reginolt (Renaud) et Gerolt (Girard de Vienne) Burgundiones regi (Henri III) apud Solodorum ad deditionem venerunt » (43). Dans cet extrait, la mention entre parenthèses de Girard de Vienne est de la main d’U. Chevalier qui devait alors s’appuyer sur l’opinion généralement admise pour considérer ce Gerolt comme comte de Vienne !

   Enfin, pour en terminer avec Gérard I, rappelons que Vachez cite en dernier lieu Charvet (44) et qu’il s’agit là, encore une fois, d’une erreur monumentale puisque l’épitaphe que mentionne Charvet dans son ouvrage n’est autre que celle de Girard de Roussillon décédé le 25 mai 1263 et qui n’a donc rien à voir avec celui  qui nous intéresse ici !

   Nous n’avons donc à notre connaissance aucune preuve que Gérard I fut comte et gouverneur de la ville de Vienne, ni qu’il décéda en l’an 1050 même si A. de Terrebasse s’accorde à voir dans cette épitaphe une inscription qui pourrait dater du XIè siècle. Nous n’avons aucune preuve non plus que le Gerolt cité en 1045 ait un lien avec les comtes de Vienne, il ne s’agissait au départ que d’une hypothèse de Hermann qui s’appuyait sur les écrits de Thomassin  et qui fut remaniée ensuite par Chorier.
   Comment dans ces conditions, A. Vachez a-t-il pu associer les Roussillon à ce comte Gérard en le faisant de surcroît le premier membre connu de cette illustre famille, alors que l’authenticité même de ce comte paraît suspecte ? Ces quelques lignes permettront peut-être à un lecteur plus averti que nous de nous éclairer …
   Pour l’heure et jusqu’à preuve du contraire, notre opinion sera de considérer le comte Gérard I comme n’ayant rien à voir avec la famille Roussillon du Dauphiné.

Gérard II de Roussillon (1096)

   De la même manière, nous allons maintenant nous attarder à démontrer que le Gérard II mentionné par Antoine Vachez n’a pas plus de raison de figurer dans la généalogie des Roussillon dauphinois que le Gérard I.
   Rappelons ce qu’en disait A. Vachez (45) : « les chroniqueurs et notamment Le Laboureur citent le nom de Guillaume, …, père de Gérard de Roussillon, qui conduisit, en 1096, les croisés dauphinois en Terre-Sainte, où il commandait le 11è bataillon de l’armée chrétienne, dans le corps d’armée de Raymond, comte de Saint-Gilles ».
Vachez cite cette fois en référence Le Laboureur (46) et Guy Allard (47).
   Nous ajouterons qu’à notre connaissance, aucune de nos chartes régionales ne nous apprend l’existence de ce Gérard II à cette époque et que seule la première croisade nous en parle.

   Donc, pour notre part, nous suivrons de préférence l’ouvrage de P. Roger (48), qui présente une étude très complète sur ces fameuses croisades.
   Hors, dans son livre, nous ne trouvons mentionné pour la première croisade que deux membres de la famille Roussillon : « Gérard, comte de Roussillon. Roussillon (Dom Vaissette. Musée de Versailles) – Gausfred de Roussillon, fils du comte Gérard. Roussillon (Dom Vaissette) ».
   A en croire P. Roger, Gérard de Roussillon serait membre de la famille Roussillon du Roussillon, en région pyrénéenne et non de celle du Dauphiné. Il lui accorde en outre un fils, du nom de Gausfred, qui comme nous l’avons vu, n’apparaît pas dans la généalogie établie des Roussillon dauphinois.

   Cette famille de Roussillon de la région pyrénéenne  a également été abordée par R. Louis (49) dans son ouvrage sur Girart de Roussillon. Cet érudit nous apprend à son tour qu’il existait des comtes et ducs de Roussillon (50) dans la deuxième moitié du Xè siècle. Il cite le nom de Guifred de Roussillon pour l’an 981, puis Gauzfred et Guilabert. Il ajoute enfin : « Guilabert II, qui gouverna le comté de 1060 environ à 1102, donna le nom de Girart à son fils aîné. Ce Girart Ier, avec nombre de ses vassaux, prit part à la première croisade sous le commandement de Raymond de Saint-Gilles, se distingua par ses prouesses au siège de Nicée (1097), à la bataille devant Antioche (1098), et fut l’un des premiers à entrer dans Jérusalem (1099). Revenu en Roussillon en 1100, il succéda en 1102 à son père Guilabert. Il se disposait en 1107 à aller combattre les Sarrasins d’Espagne … En réalité, il fit peu après une nouvelle expédition en Terre-Sainte. Le 27 septembre 1109, Agnès, sa femme, comtesse de Roussillon, unit à l’abbaye de La Grasse celle de Sorède, avec promesse de faire ratifier cette union par le comte Girart, son époux, au cas où il reviendrait du Saint-Sépulcre. Il en revint vers la fin de 1112, mais mourut assassiné en 1113, laissant plusieurs enfants. Son fils, Gauzfred III, eut pour successeur Girart II, dernier comte de Roussillon, qui, à sa mort, en 1172, laissa le comté au roi d’Aragon. »

   A cette lecture, il ne fait plus aucun doute pour nous qu’à un moment donné, nos historiens locaux ont confondu le comte Gérard de Roussillon de la région pyrénéenne avec un éventuel nouveau membre des Roussillon dauphinois.
   Pour leur défense, nous pensons qu’ils ignoraient alors l’existence de cette famille du Roussillon, puisque Vachez ne la cite pas lorsqu’il écrit : « Le nom de Roussillon se retrouve, d’ailleurs, dans plusieurs autres provinces : dans le Bugey et la Provence, comme dans le Dauphiné … »
   Afin de clore ce chapitre déjà suffisamment long, il nous apparaît désormais illusoire et infondé de pouvoir rapprocher le comte Girart historique des seigneurs de Roussillon en Dauphiné par le biais de la transmission du prénom Gérard ou Girard. Cette éventualité aurait pu être envisagée dans la mesure où l’existence de Gérard I et Gérard II étaient soutenable, mais comme nous venons de démontrer que ni l’un ni l’autre n’avaient lieu à prendre place au sein de cette famille, nous ne pourrons aller plus loin dans cette démarche.

   Nous ajouterons en dernier lieu que le prénom Girard, apparaît néanmoins chez nos seigneurs de Roussillon, mais seulement à partir du XIIIè siècle, époque à laquelle – malheureusement pour notre hypothèse de départ – on le retrouve tout aussi bien dans n’importe quelle famille chevaleresque.

Notes du chapitre IV

(32)  A. VACHEZ (Op. cit. p. 4).

(33)  Op. cit. P. 4 et 14.

(34)  L’abbé GRANGER (Op. cit. p. 15) et Louis DUFIER (Op. cit. p. 14).
Pour sa part, G. MAZOUYES ne mentionne pas ce Gérard I dans les premiers membres connus de la famille Roussillon.

(35)  A. de TERREBASSE, « Inscriptions de Vienne », T1, p. 186.
Rectifions là une demi erreur de Vachez qui cite cette source, car s’il s’agit bien du tome 1 auquel a participé A. de Terrebasse sur les inscriptions de Vienne, ce volume s’inscrit néanmoins dans une composition dirigée par Allmer et qui comportait quatre volumes préalables. Pour le chercheur désirant consulter cette source il faudra donc se reporter au tome 5 des Inscriptions de Vienne et non au tome 1.

(36)  Nicolas CHORIER, « Recherches sur les Antiquités de la ville de Vienne », réédition de 1828, p. 266.

(37)  C. CHARVET, « Histoire de la Sainte Eglise de Vienne », 1761, p. 779.

(38)  Chorier parle ici du Girart historique (819-877).

(39)  André du CHESNE, « Histoire des Roys, Ducs et Comtes de Bourgogne », Paris, 1619, p. 242.

(40)  C’est également la traduction qu’en donne U. CHEVALIER, « Regeste Dauphinois », Tome I, p. 319, n°1887.

(41)  F.-Z. COLLOMBET, « Histoire de la Sainte Eglise de Vienne », Lyon, 1847, Tome I, p. 408.

(42)  Alfred de TERREBASSE (Op. cit.).

(43)  Ulysse CHEVALIER,  « Regeste Dauphinois », Tome I, p. 310, n°1829.

(44)  C. CHARVET (Op. cit.).

(45)  Antoine VACHEZ (Op. cit. p. 15-16).

(46)  Le Laboureur, « Mazures de l’Isle-Barbe », p. 528.

(47)  Guy ALLARD, « Dictionnaire du Dauphiné », Chapitre  « Roussillon ».

(48)  P. ROGER, « La noblesse de France aux croisades », Paris, 1845, p. 188.

(49)  René LOUIS, Tome 3 « Girart, comte de Vienne, dans les chansons de Geste », 2è partie, Auxerre, 1947, p. 276 et suivantes.
et aussi la page web : http://www.cg66.fr/culture/_Expositions/Ancetres/ANC-girard.htm

(50)  Du nom de l’antique cité Ruscino, devenue par la suite Castell-Rossello.

Fin de la 1ère Partie
Nous remercions vivement Eric pour ce superbe travail.

Maintenant nous vous proposons de retrouver notre nouvel invité, M. André Douzet









Personne jusque-là, n'a pu rester indifférent à André Douzet, dont les recherches demeurent hors du commun. Décrié, contesté, respecté ou adoré, il apporte chaque année de nouvelles pistes, bien souvent imprévisibles, ceci sur bien des sujets engagés, ayant pour cadre des mystères aussi tenaces que profonds. Avant tout originaire du Pilat, il a beaucoup parcouru ces lieux, qui lui tiennent tant à coeur, avant voici maintenant plus d'une dizaine d'années de se rapprocher géographiquement du Saint des Saints : Rennes-le-Château. Dans cette Affaire, il a notamment découvert une maquette, apparemment directement commandé par l'abbé Saunière, maquette qui a fait couler beaucoup d'encre dans ce milieu passionné et passionnant. C'est maintenant à Périllos, petit village des pyrénées, qu'André a plus particulièrement jeté l'ancre. Là-bas, il s'est retrouvé sur des pistes intrigantes. Chercheur, écrivain et conférencier, toutes ces cordes à son arc, lui permettent de débroussailler de nombreux sentiers non balisés. Le Pilat est toujours resté cher à son coeur et omniprésent dans ses recherches ; c'est lors de son passage à la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez que nous l'avons rencontré, lors d'un entretien sans tabou, où nous avons pu passer en revue un panel exhaustif de questions.


RDP : Depuis de très nombreuses années, vous menez de multiples recherches, un grand nombre en rapport au Pilat, quelle flamme vous anime ?

AD : Une recherche familiale commencée par un de mes parents, il y a longtemps, est à l’origine de mon intérêt. Etait-il possible de ne pas m’engager sur cette voie avec le matériel qu’il avait laissé pour poursuivre ses travaux, sans trahir sa mémoire ? Il est vrai que ce matériel situe ses informations sur plusieurs sujets indépendants en apparence mais tous en rapport à mieux y regarder.

RDP : Vos découvertes sont elles le meilleur des encouragements ?

AD : Pas forcément… le meilleur encouragement est surtout ce sentiment intime d’être sur une piste oubliée de tous et qu’elle puisse aboutir en la suivant. Certes une découverte est une motivation… mais si elle n’est pas l’aboutissement, elle représente seulement une étape qui une fois faite perd tout son attrait.

RDP : L’ancienne Chartreuse de Ste Croix-en-Jarez demeure au coeur de certaines de vos investigations, pouvez vous revenir sur les raisons intimes qui selon vous ont conduit à la fondation de ce monastère ?

AD : Ce sont les mêmes que celles des origines de ma recherche. Cette personne de ma famille avait deux propriétés sur le territoire de la Chartreuse. Plusieurs fois, au cours de travaux dans les bâtiments, des choses furent mises à jours (‘sculptures’, la seule ‘bretagne’ chartreuse à ma connaissance, réduits, objets, et amorces de galerie). Ce personnage disposait également de très anciens titres de propriétés et documents qui visiblement ouvraient des perspectives insoupçonnées à propos du passé de Ste Croix. De plus, j’ai passé ma petite enfance à Rive-de-gier face à la maison des Chartreux du puits St Jean. Certains éléments montrent que la fondation du monastère n’a rien d’innocent ou de … traditionnellement cartusien. D’ailleurs à l’époque où nous supposions (il y a plus de 30 ans) que la Chartreuse n’était qu’une ‘façade’ dissimulant astucieusement d’autres constructions, et surtout d’étranges raisons d’être, bien plus anciennes… tout le monde nous riait au nez… aujourd’hui qui rit encore de cette affirmation que les « ténors », toute honte bue, ont fait leur, après l’avoir farouchement niée ? Ce sont ces certitudes en relation avec une autre énigme qui me poussèrent à cette étude.

RDP : Le songe merveilleux masque-t-il selon vous des intentions plus secrètes ?

AD : Le songe est un leurre parfaitement orchestré… avec ou sans le consentement de Béatrix. D’ailleurs il me semble qu’elle en fit les frais en se trouvant sous séquestre sévère ayant toutes les formes d’une retraite paisible et religieuse… car de quoi aurait bien pu avoir à se faire pardonner Béatrix ? Non… ce ‘miracle’ bien huilé était la seule façon d’officialiser un autre événement bien plus grave et important que les visions de la Dame de Châteauneuf ! Vous trouverez, d’ailleurs, sur notre site Société Périllos, le démontage de ce récit fabuleux et d’autres détails surprenants sur les ‘conditions de détention’ de celle qui permit que tout se passe sans que personne ne vienne s’en inquiéter de trop près ! Il y eut quelque chose de déposer dans la forteresse primitive. Mais les temps ayant changé une garnison aurait attiré l’attention. En échange une ‘garnison’ de chartreux détournait tout soupçon ou doute. Béatrix en fit les frais et je pense de manière consentante. A la question (que vous auriez pu me poser) : « Mais qu’a t'on pu cacher sous Ste Croix , qui mérite une telle machination ? », je répondrai qu’elle concerne une information remontant à la fin de l’Antiquité et qui ne pouvait plus être déplacée vers le milieu du Moyen-Âge. J’ajoute que si révélation il y avait eu, bien des choses pouvaient basculer tant sur le plan religieux que pour les dynasties royales en place !

RDP : Bon nombre d’historiens font se terminer ‘l’épopée’ des Croisades en 1270, à la mort de St Louis. Certes, il subsistait des positions croisées, ceci jusqu’en 1291 et la Chute d’Acre. Comment dans ce contexte percevez-vous la mission impérieuse, presque suicidaire en apparence, qui fut confiée à Guillaume de Roussillon en 1274 par le roi de France Philippe III le Hardi ? Existe-t-il selon vous d’autres motivations que celles évoquées par les historiens, comme par exemple Vachez, ayant poussé ce valeureux seigneur à accepter ce ‘combat’ en partie perdu d’avance ?

AD : Je réponds simultanément aux deux questions. D’abord, les dates de la fin des Croisades semblent assez mouvantes. Je me demande comment on peut dire que les Croisades sont finies en 1270, puisqu’en 1274 on demande à Guillaume de Roussillon de prendre le commandement des derniers renforts pour cette cause ! Cette date étant officielle, je pense qu’on veut supposer que dès 1270 plus rien ne peut permettre aux croisés de se maintenir en maître là-bas. Ensuite Guillaume, teste en 1275 (11 août) et on peut comprendre qu’il sait alors qu’il ne reviendra jamais de cette expédition… il meurt en fin d’année 1277 dans le secteur de St Jean d’Acre. Son testament sera ouvert le 3 janvier 1278. L’événement, sans que rien ne le laisse officiellement présager, est le premier d’une série donnant naissance à la Chartreuse de Ste Croix. Ce n’est pas tout puisque Guillaume de Beaujeu grand maître du Temple meurt à son tour en défendant St Jean d’Acre le 18 mai 1291. Donc à cette date les croisés (ou ce qu’il en reste !) sont encore en état de Croisade (en déconfiture !). Nous sommes donc loin de 1270.

Je dis que Guillaume de Roussillon était bien conscient que la mission qu’on lui  demandait de conduire allait lui coûter la vie…Quelle pouvait-elle être pour qu’il l’accepte ? Quel enjeu pouvait être suffisant pour un tel sacrifice ? De plus, observons que des milliers d’hommes ne peuvent plus maintenir la puissance des croisés. Comment peut-on croire que les derniers renforts de tout au plus deux cents hommes, même très courageux, peuvent changer la face de la débâcle ? Non… ce soit disant contingent de renforts pour les croisés sent en fait le baroud d’honneur ou  l’opération commando qui doit être menée vite et durement. Oui… mais quelle opération en force doit conduire Guillaume avec cet escadron dérisoire ? De plus si cette manœuvre pourrait bien être conjointe avec Guillaume de Beaujeu (puisque l’ordre stipule que Guillaume peut s’en remettre à  lui) qui est le grand maître du Temple en Palestine.

Voici un scénario facile à admettre. Le nombre d’hommes sous les ordres du seigneur de Roussillon est dérisoire pour un renfort, mais suffisant pour une opération ponctuelle. Cette dernière à l’avantage de la surprise et de l’efficacité d’hommes commandés par un seigneur qu’ils connaissent. Ces guerriers sont en pleine forme et pas encore désabusés ou résignés par l’état de la situation des croisées. De plus un petit bataillon peut être sévèrement décimé durant cette manœuvre commando… et les rescapés peuvent recevoir l’ordre de rester au côté des derniers défenseurs croisés… C’est assez machiavélique, mais une telle éventualité permet la monstruosité de dire qu’il n’y aura pas de survivants… donc pas de témoin à cette opération. Tous les protagonistes meurent là-bas…Les deux Guillaume et leurs escouades ! L’affaire est menée à bien et personne n’en sera au courant, donc pas de fuite. Il reste Béatrix qui doit savoir une partie du secret…'On' lui conseille de ne pas reconvoler en juste noce et de vivre dans la foi… Le miracle est logique dans cette situation faite d’un mélange astucieux de mysticisme et de chagrin. Les Chartreux assureront la mise sous contrôle de Béatrix qui ne verra plus personne. La boucle est fermée ! On pourrait appeler ceci « petite chronique annoncée pour l’étouffement d’un secret ».

RDP : Vous partagez le point de vue de l’éventualité fondée, d’un lointain lien de parenté entre les Roussillon du Pilat et le célèbre Girard de Roussillon. Est-ce pour vous une certitude ou une probabilité ?

AD : Nous avons plusieurs raisons de penser qu’il y a un lien entre les deux effectivement. Il serait prétentieux d’en affirmer la certitude. Plusieurs événements laissent une forte chance qu’il en soit ainsi. De plus souvent les grandes familles influentes ont un seul berceau et des ramifications multiples au fils des péripéties familiales et des siècles. Les Roussillon sont une de ces familles. Bien malin qui pourrait nier la possibilité d’une origine commune remontant à l’aube du Moyen-Âge…

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RDP : De près ou de loin, votre patiente réflexion vous permet-elle de penser que l’Ordre du Temple a joué un rôle dans le proche environnement de la Chartreuse de Ste Croix juste avant la fondation et dans les décennies ayant suivies cette même fondation ? Entre autres, vous évoquiez jadis la légende du chevalier blanc, cette dernière reste-t-elle simplement une légende, alors sans fondement ?

AD : Je le pense pour plusieurs raisons. Il n’est plus à prouver que Templiers et Chartreux aient eu des liens étroits et logiques, ne serait-ce que pour des raisons religieuses et commerciales (l’excellent métal des forges chartreuses). A ceci nous ajoutons qu’au moment de la destruction de l’Ordre du Temple certains de ces membres trouvent refuge et sécurité près des Chartreux. On en a de nombreux exemples. Mais ce n’est pas tout car il est envisageable qu’il y ait eu bien plus qu’une ‘connivence religieuse’ entre ces deux ordres... une sorte de ‘savoir’ commun naturel ou peut-être forcé. Ce sujet viendra prochainement sur nos colonnes…
La légende du chevalier blanc ? Elle reste à l’état de belle histoire à ce jour. Cependant ne dit-on pas « qu’il n’y a pas de fumée sans feu » ?…J’ajoute que si l’on observe l’une des entrées souterraines de Châteauneuf sa direction, les bribes de son parcours retrouvées lors d’effondrements et les hauteurs et largeurs de cette galerie… un homme à cheval pouvait aisément y circuler. Comment aussi justifier que cette histoire soit située à la même époque que l’événement ‘Guillaume’. De plus Guillaume de Beaujeu s’absente de Palestine étrangement aux dates cruciales qui feront Ste Croix… Un hasard ?

RDP : Depuis maintenant environ 10 ans, vous avez établi des liens novateurs entre l’Affaire de Rennes-le-Château et la région lyonnaise, notamment avec l’accumulation de tout un tas d’indices accréditant la venue de l’abbé Saunière dans le Pilat. Est-ce que pour vous ces déplacements plutôt ‘clandestins’ du curé Audois ont un rôle stratégique majeur dans la finalité de l’énigme de Rennes-le-Château ?

AD : J’ignore ce que la stratégie tient comme place dans ces liens. Le fait est qu’il n’est plus possible de nier les voyages de Saunière à Lyon (puisque nous savons précisément où, et quand, il y était reçu) et dans le Pilat (factures de location de voitures attelées et accident de l’une d’elles dans un secteur du Pilat !). Et puis, sur le principe, qu’y aurait-il eu d’inconcevable si ce curé était venu dans cette contrée ?Il faisait de nombreux déplacements… pourquoi pas celui-ci ? J’ajoute que je ne suis pas le seul à entretenir cette hypothèse. Depuis plusieurs mois d’autres documents retrouvés vont dans ce sens et il n’est guère possible, de bonne foi, de nier l’évidence. Selon ces derniers éléments il est certain qu’une partie de l’énigme de RLC – Périllos se trouve (ou se trouvait) dans certains lieux du Pilat ! (voir sur ces sujets nos interventions sur notre site : BS à Lyon et dans le Pilat).

RDP : Autrement dit le Pilat est-il une clef indispensable au juste déchiffrage du mystère ?

AD : J’en suis intimement persuadé car nous avons déjà utilisé, avec succès, ce que nous avons retrouvé dans ce secteur pour mener à bien nos travaux. C’est peut-être ces découvertes qui agacent certains chercheurs qui prennent de plus en plus de retard sur nous…

RDP : Une partie de vos arguments sur ces liens entre Rennes-le-Château et le Pilat s’appuie sur le désormais célèbre tableau volé de la Chapelle de la Madeleine, or, la Société Historique Visages de Notre Pilat par le biais d’une enquête à épisodes qu’ils ont fait paraître dans leur revue Dan l’Tan, a informé ses lecteurs de la probable réalisation de ce même tableau seulement vers 1920, donc postérieure à la mort de Saunière. C’est l’occasion de donner votre point de vue sur ce sujet : estimez-vous finalement possible que ce tableau puisse en rien avoir influencé Saunière dans le bas relief qu’il aurait lui-même peint dans son église, où un cryptage aurait été laissé ? Au contraire, votre point de vue est-il de plus en plus précis et de plus en plus certain ?

AD : Je ne connais pas de Société Historique ancienne et reconnue depuis des décennies dans le Pilat… peut-être voulez-vous parler de la Diana ou autres qui sont bien connues sous cette qualification ? Peu importe… J’ignore tout d’une ‘enquête à épisodes’ sur le tableau volé dans la chapelle de la Madeleine… J’imaginais qu’une enquête sur un vol ne peut qu’être conduite par les services de Police Judiciaire et la Gendarmerie Nationale, apparemment seuls habilités en la matière ! J’ai dû me tromper…

Ensuite vous avancez la date de 1920 comme étant celle de la réalisation de ce tableau. Ceci pour argumenter sur le fait que Saunière ne pouvait avoir vu cette œuvre… Je reprends les termes indiquant que « la probable réalisation de ce même tableau seulement vers 1920, donc postérieure à la mort de Saunière ». ‘Probable’ ne signifie jamais ‘certitude’… il me semble. Ensuite Saunière décède en 1917… Il ne nous reste déjà plus que 3 ans de différence pour qu’il ait une chance d’avoir vu cette peinture. Cependant ces 3 ans  sont acceptables si la date de 1920 est CERTAINE et il n’y a rien de moins confirmable avec cette précision redoutable!
Ce qui m’étonne c’est des personnes ‘enquêtant’ sur cette disparition qui ne disposent pas des clichés de ce tableau (ce qui aurait pu permettre d’en faire une VRAIE copie et non pas ce que l’on voit maintenant dans la chapelle) et surtout de la ‘pièce’ au dos avec date et nom d’au moins une des personne ayant souhaité ce tableau ici. Si l’on ajoute que cette ‘bienfaitrice’ était la personne qui hébergeait Saunière on est en droit de se poser des questions sur les dates avancées ! Enfin sur cette ‘pièce’ se lit clairement une information en relation avec BS… Mais peut-être les ‘enquêteurs’ nous diront qu’il ne s’agit que d’un hasard ?(Voir sur le sujet notre page BS dans le Pilat sur notre site).

RDP : Lorsque l’on approfondit les multiples pistes sur la fortune subite de Bérenger Saunière, il en est une qui nous mène et ceci maintenant depuis un certain temps, aux Mérovingiens, bien sûr à leur ancêtre présumé le plus célèbre, Jésus, mais aussi et là notamment par le fruit de vos recherches à certains de leurs descendants, plus ou moins connus. Effectivement, par le passé en ayant établi un lien généalogique entre les Roussillon du Pilat et Girard de Roussillon, vous supposiez également que ce même Girard de Roussillon puisse être un descendant de ces mêmes Mérovingiens. Croyez-vous toujours à la pertinence de cette piste ?

AD : Il faut à tout être humain pour naître… un père et une mère… à très peu d’exceptions près. Les Roussillon ont eu forcément des origines très lointaines et nobles… Et s’ils sont issus de la racine des Francs ils ont forcément eu un ancêtre aux époques mérovingiennes. C’est une évidence génétique pour toutes les personnes ayant vécu à ce moment, et donc pour leurs descendants ! Si l’on veut me faire dire que les Roussillon descendent directement de Mérovée, je réponds catégoriquement : « je ne sais pas et j’en serai étonné ». En échange je ne crains pas d’affirmer que oui les Roussillon existaient en tant que seigneurs à cette époque mérovingienne. De plus leur puissance étant un état de fait depuis fort longtemps je ne vois rien d’impossible dans le fait qu’il y eut des liens ‘féodaux’ entre ces familles royales et aristocratiques. Il me semble que d’autres familles ayant eu de la puissance dans le Pilat peuvent aussi entrer en liste à propos des Mérovingiens… et je ne suis pas le seul à le penser. Si je ne puis être catégorique, qui peut l’être pour me contredire.

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RDP : De plus en plus, et notamment sur le Net, lorsque l’on évoque André Douzet, on l’assimile à Périllos, petit village pyrénéen distant de plusieurs dizaines de kilomètres de Rennes-le-Château et pourtant apparemment pas totalement étranger à l’Affaire de la célèbre cité Audoise. Pouvez-vous de manière simple nous résumer les liens et rapports entre Périllos et les secrets de l’abbé Saunière ? Là encore Périllos joue-t-il un rôle majeur selon vous dans le juste décryptage de l’énigme ?

AD : Les liens sont simples et vérifiables. Nous avons 4 prêtres impliqués dans l’affaire de RLC : Bigou, Gélis, Boudet et Saunière… plus au moins 2 évêques. On observe que 2 furent vicaires à Durban et que les deux autres passèrent de nombreuses fois dans ce village. De ce point le lien se poursuit ainsi :Lors du rattachement du Roussillon à la France les biens des Périllos échouèrent aux seigneurs de Durban. Les titres et propriétés à la ‘maison’ des barons de Durban et les archives religieuses à l’église de Durban. Nous disposons d’une grande partie de ces archives récupérées. On y trouve des informations claires sur les terres des Périllos recelant un lopin intouchable abritant « un tombeau royal et sacré » ! Ce n’est pas tout car nous avons la maquette commandée par BS. Elle représente en volume une partie du paysage des terres des Périllos. On y trouve plusieurs indications religieuses dont celles du…tombeau de Jésus et plus loin celui de Joseph d’Arimathie ! Admettons que de la part d’un curé ce genre de chose a tout lieu de nous surprendre. Mais si l’on superpose l’acte des propriétés (Notaire royal Courtade-1632)concernant le ‘lopin’ et les sites de la maquette nous arrivons aux mêmes lieux ! Lieux contenant des cavités dont une n’a toujours pas été violée… l’entrée correspond totalement à ce qu’on sait des fermetures des tombes juives de Jérusalem il y a… 2000 ans ! Il y a donc de fortes chances pour que le site et le passé de Périllos joue un rôle majeur dans le décryptage du secret de BS… Si les Périllos étaient de tout temps sur les terres que nous savons… ils devaient allégeance aux princes de Roussillon et aux rois de Catalogne ! Si les Roussillon des Pyrénées Orientales sont de la maison de celui qui sera ‘Girard’… plus rien n’empêche qu’une partie de la ‘transmission’ ne soit fait, il y a des siècles, sur des éléments déposés dans le Pilat. Par ailleurs on trouve un dernier lien entre le Roussillon et le Pilat à propos de Ponce Pilate et d’un ou deux autres personnages sur lesquels nous reviendrons sur nos colonnes.

RDP : Périllos, c’est bien sûr aussi le nom de la société de recherches dont vous êtes, évidemment avec une équipe dynamique, l’animateur principal. Vous menez de front bon nombre de recherches dont votre site sur le Net se fait l’écho. Dans ce cadre-là, vos travaux et vous-même êtes parfois l’objet de polémiques et de vifs échanges - passes d’armes avec vos détracteurs, comment expliquez-vous cet acharnement ?

AD : La Société Périllos (www.societe-perillos.com) est effectivement composée d’une équipe dynamique. Mais je n’en suis pas l’animateur principal. Notre association se montre efficace par le fait que nous fournissons tous un travail qui doit être commun. Sans ses membres la SP n’est rien… Elle ne peut être à ce niveau qu’en raison du travail de tous et de chacun justement mis à la disposition … de tous et de chacun. Il n’y a personne de plus important que les autres. Nos recherches sont conduites maintenant par une centaine d’adhérents de toutes régions (y compris le lyonnais et le Pilat maintenant) et pays…Le site internet de la SP est lui aussi le résultat d’une impulsion commune dont le résultat est visible par tous les visiteurs. Nous sommes pratiquement les seuls à entrer CHAQUE semaine des éléments nouveaux que chacun peut vérifier… peut-être pour cette raison nous devenons de plus en plus gênants pour certains autres chercheurs… ou administrations !
L’acharnement de qui ??? Tout au plus des grincheux pas très heureux de ne pas avoir mis la main sur des éléments certains… avant nous, et qui manifestent tant bien que mal leur désappointement. Nous répondons à tous les messages et toutes les attaques. De plus je dirai que peut-être « on ne prête qu’aux riches » ! Oui, sur de nombreux points nous disposons d’éléments et de quelques longueurs d’avances. En ce qui concerne le Pilat nous ne faisons que commencer depuis à peine quelques mois. Dans les mois qui suivent nous apporterons d’autres sujets et dossiers qui feront sans doute grincer plus d’un chercheur ou… d’une administration car nous donnerons avec nos affirmations des photos ou copies de documents prétendus… inexistants ou faux !Les ‘étoiles de midi’ sont monnaie courante en la matière et surtout dans les si belles contrées du Pilat ! C’est très curieux comme réaction…  Mais puisque certains crient, en nous regardant, au faux et à l’usage de faux, nous ouvrirons notre album de belles photos anciennes pour y voir comment, avec le temps… et les restaurations, les choses disparaissent ou se retrouvent modifiées… et surtout pas par nous ! Il restera aux ‘enquêteurs à rebondissements’ à nous expliquer s’il s’agit de défauts de pellicules, de manipulations, de paranoïa ou… de réalités encore plus difficiles à justifier ! Nous ne doutons pas un instant que les explications seront clairement fournies.
D’autre part, nous savons qu’un service administratif d’Etat du canton de Pélussin « nous a à l’œil »… Comme nous ne nous cachons pas (pourquoi le ferions-nous ?) il ne doit pas être difficile de nous suivre. Curieusement on s’intéresse fiévreusement, et inquiétude, aux sites que nous visitons et aux photos que nous prenons. Pourtant ces sites sont ouverts à tous et nous demandons les clés et souvent un guide nous accompagne (à ce sujet les commentaires donnés laissent souvent à désirer tant ils sont peu précis et parfois hors sujet). Ne doutons pas qu’après notre passage les larbins de service s’empressent d’aller rendre compte de nos visites… à qui de droit…L’ennui est qu’aucun d’entre nous n’étant sous le coup d’une interdiction de séjour dans les accueillantes et riantes contrées du Pilat, nous y circulerons, chercherons (dans le strict cadre de la législation), et prendrons photos et films, sans doute de plus en plus. Bon jeu de piste à nos joyeux… ‘pourchassants’ !

RDP : Nous terminerons, nous pourrions écrire presque naturellement par le Pilat. Déraciné volontaire, on sent bien votre continuel attachement à votre cher Pilat, à son Histoire et à ses mystères. Est-ce envisageable qu’un jour on retrouve André Douzet installé dans son pays natal, auquel il est encore très lié ?

AD : Mais oui… il est tout à fait envisageable qu’un jour on retrouve André Douzet installé dans son pays natal, auquel il est encore très lié !!! On revient toujours à ses racines dit-on. Les miennes, si elles ne sont plus du tout familiales, sont celle plus fidèles de l’amitié qui me lie à celui à qui je dois pratiquement tous mes travaux sur cette région : Raymond Graü ! Et puis je pense que dans très peu de temps l’affaire ‘RLC-Périllos’ sera bouclée. Je n’aurai donc plus de raison de rester dans le sud. Comme il restera tant de choses à découvrir dans le Pilat je compte bien reprendre mes anciens travaux là où je les avais provisoirement laissés en attente il y a plus de dix ans. De plus je sais que mon retour fera plaisir à tant de personnes que je ne peux hésiter à retourner à mes sources...

RDP : Dans l'attente de cet envisageable retour, nous vous remercions pour l'ensemble de vos réponses
 

En Juillet prochain suite du passionnant dossier proposé par Eric et qui s'intitulera à nouveau :

"Girart de Roussillon et les Roussillon du Dauphiné ... légende ou réalité !"

Eric développera les chapitres suivant :

"Où il est question de Girart, Marie Madeleine et des Roussillon !"
et
"Les aventures littéraires de Girart de Roussillon …
ou comment Girart s'est trouvé un nom !"

SUITE

REGARDS DU PILAT : LE DOSSIER

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Juillet 2006
"Girart de Roussillon et les Roussillon du Dauphiné...légende ou réalité !"
2ème Partie
Par Eric CHARPENTIER
V. Où il est question de Girart, Marie Madeleine et des Roussillon !


Vézelay
Façade de la Basilique de la Madeleine

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    Le comte Girart historique, fondateur des deux abbayes bourguignonnes, est également connu pour avoir doté celle de Vézelay des Saintes reliques de Marie Madeleine. C’est en tous les cas la tradition rapportée par la légende de Saint Badilon dont nous pouvons rappeler brièvement le contenu tel que nous le narre René Louis :
« Donc en ce temps-là, les sarrasins d'Espagne, ayant fait irruption en Provence et pillé la cité d'Aix, se retirèrent. Or beaucoup de gens savaient, dès ce moment, que Marie-Madeleine avait été inhumée dans le territoire de la cité d'Aix, par l'évêque saint Maximin (51). La curiosité du comte Girart et de l'abbé Eudes de Vézelay fut piquée par ce bruit : ils envoyèrent au pays d'Aix un frère nommé Badilon, avec la mission de retrouver, si Dieu le permettait, les restes de Marie-Madeleine et de les amener à Vézelay.
 Badilon, avec son escorte, parvint sur le territoire de la cité d'Aix ; elle offrait partout l'image du désastre et de la mort. Comme le moine cherchait en vain quelqu'un qui puit le renseigner sur l'objet de sa mission, il arriva à un tombeau qu'il reconnut avec certitude pour celui de la Madeleine. En effet les sculptures représentaient l'onction de parfum chez Simon le lépreux et les scènes du mâtin de Pâques …
Badilon, parfaitement informé du sens de ces bas-reliefs, profite de la nuit pour perforer le tombeau du coté des pieds, y trouve le corps intact, encore recouvert de la peau, les mains placées sur la poitrine ; une odeur suave s'en dégage, celle des aromates dont Maximin avait embaumé jadis le cadavre de la sainte. Le moine en reste là pour l'instant, va se coucher, mais la sainte lui apparaît en songe et l'encourage.
    Le jour suivant est consacré aux préparatifs du voyage de retour. Quand la nuit revient, Badilon retire le corps du tombeau, l'enveloppe de linges très propres et le charge sur un véhicule. Le petit cortège passe par Salon-de-Provence, Nîmes, où l'on fait halte dans une église : là, Badilon, afin de faire tenir le corps dans un cercueil de dimensions moins voyantes, procède à la dissection du corps saint et, après avoir amputé tous les membres, les range soigneusement le long du tronc.
    On arrive enfin à un mille de Vézelay, au lieu qui est appelé maintenant encore le Coudray Badilon. En cet endroit, le corps saint devient si lourd que tous les compagnons ensemble n'arrivent plus à le soulever. L'un d'eux est dépêché à l'abbé Eudes, auquel il fait part à la fois de l'heureux succès de l'expédition et du petit incident de dernière heure. L'abbé et ses moines vont alors au devant de la Madeleine en procession avec croix, cierges et encensoirs, vêtus d'ornements blancs. Quand la procession est arrivée au Coudray Badilon, le cercueil de la sainte devient si léger que les porteurs n'en sentent plus le poids. Bientôt c'est l'entrée triomphale dans l'église abbatiale, au son des cloches, parmi les lumières et les chants des moines. La déposition solennelle du corps a lieu le 19 mars »(52).

    Nous ne nous attarderons pas sur ce récit qui, à n’en pas douter, est le plus célèbre des textes relatant la translation des restes de Marie Madeleine en Bourgogne. Nous y reviendrons d’ailleurs dans la suite de cette étude. Néanmoins nous relèverons pour le plaisir l’escale importante à Nîmes puisque c’est semble-t-il dans cette ville que Badilon procéda à la dissection du Saint corps. On peut en effet se demander pourquoi le moine Badilon choisit de regagner la Bourgogne en se détournant de la vallée du Rhône et faire ce crochet par Nîmes. D’autant que, et rappelons le, à partir de 843, la ville de Nîmes dépendait de la Francie Occidentale détenue par Charles le Chauve. Dans ce contexte, on voit mal un émissaire du comte Girart prendre du plaisir à franchir les frontières du vieil adversaire de son souverain …
    Ce petit aparté nous pousse maintenant à nous interroger sur les escales éventuelles de ce périple. Même si la légende de Saint Badilon ne nous parle que de celles de Salon de Provence et de Nîmes, il apparaît certain que d’autres eurent lieu. Compte tenu également de l’itinéraire indiqué dans cette légende, nous avons tout lieu de penser que le cortège remonta la vallée du Rhône. Il passa sans doute dans les terres qui deux siècles plus tard appartenaient aux Roussillon du Dauphiné…
Cette réflexion amène aussi à nous rappeler cette curieuse allusion du chanoine Pierre Cavard que nous avions évoquée précédemment (53) : à savoir qu’au IXè siècle, des reliques de Saint Lazare auraient séjournées quelques temps à Surieu, ancienne possession des Roussillon, et qu’avec elles se trouvaient celles de Sainte Marie Madeleine… A dire vrai, nous aimerions bien voir en ce petit village de Surieu une de ces hypothétiques escales du moine Badilon !

Marie Madeleine et le Pilat

    Imaginons un instant que cette tradition trouve là un fondement historique : Badilon remonte la vallée du Rhône, il séjourne quelques temps dans les domaines du comte Girart et de sa famille, ceux-ci en profitent au passage pour retirer discrètement du reliquaire quelques ossements de la Sainte – ajoutons donc ceux de son frère Lazare, pendant que nous y sommes – puis ils font expédier le tout en Bourgogne dont la légende nous retrace l’arrivée à Vézelay (54).
Voilà qui explique bien des choses ! Les quelques reliques conservées par Girart ou les membres de sa descendance furent confiées aux églises et chapelles dépendant des domaines des Roussillon. Aussi trouvons nous dans le Pilat par exemple, les reliques de Lazare à Echalas (55) ou encore trouvons nous mention de nombreux toponymes de la Madeleine comme celui se trouvant juste à coté des ruines du château de la Chance, ancien fief des Roussillon (56). Plus probant encore, nous citerons l’ancienne chapelle de la Madeleine (57) à quelques pas de Châteauneuf, résidence attitrée des Roussillon aux XIIIè et XIVè siècles.


Ruines de l’ancienne chapelle de la Madeleine
Elles furent définitivement rasées lors de la construction de l’échangeur
autoroutier de la Madeleine.

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    La Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez pourrait, elle aussi, être liée à la venue de la Madeleine en Gaule : les visions merveilleuses de Béatrice de la Tour, veuve de Guillaume de Roussillon et fondatrice de ce monastère à Sainte-Croix, ne seraient pas sans rappeler en effet les mêmes visions qui poussèrent Marie Madeleine à suivre une étoile sur le chemin de la Sainte-Baume … Serait-ce d’ailleurs cette même similitude qui aurait amenée le Révérend Père chartreux Dom Polycarpe de la Rivière (58) à écrire son « Duae Magdalenae – Du repos éternel et des sept dormants » (59) ? Mais Dom Polycarpe de la Rivière ne sera pas le seul personnage énigmatique à s’intéresser au culte de la Madeleine : ce sera sans doute pour les mêmes raisons, qu’au siècle dernier, le célèbre abbé Saunière, dont la notoriété n’est plus à faire avec l’affaire de Rennes-le-Château – poussa ses secrètes excursions  jusqu’à la chapelle de la Madeleine au dessus de Pélussin (60) …

    Plus récemment, il est même venu à l’esprit de certains auteurs, qu’à l’instar des légendes bourguignonnes et provençales, il pourrait y avoir aussi une légende viennoise qui situerait la retraite de Marie Madeleine non plus en Provence, mais précisément dans le Pilat (61). Cette présence de la Madeleine dans notre massif serait liée à celle de Ponce Pilate dont la tradition assure qu’il aurait finit ses jours en exil dans la région de Vienne (62)…

    Mais ne poussons pas le bouchon trop loin et revenons à notre sujet ! Naturellement, le lecteur aura compris tout le crédit que nous portons dans l'immédiat à ce genre de discours ; certes, il existe aujourd’hui une multitude de pistes qui permettraient de lier Marie Madeleine au Pilat ainsi qu’aux Roussillon mais rappelons que pour l’essentiel, celles-ci ne reposent que sur la fameuse légende de Saint Badilon dont il conviendrait peut-être maintenant d’examiner de plus près l’authenticité.


La chapelle de la Madeleine au dessus de Pélussin

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Marie Madeleine à Vézelay

    A vrai dire, nous ne connaissons pas l’origine exacte de cette tradition qui situe les ossements de Marie Madeleine à Vézelay. Nous pouvons néanmoins affirmer catégoriquement que le comte Girart n’y est pour rien et ce n’est pas la légende de Badilon qui nous permettra d’accréditer cette hypothèse.

    Nous avons en effet établi qu’à l’époque où vivait notre héros, celui-ci n’avait établi en Bourgogne que les cultes de Saint Pontien et Saint Andeux (63). Et il est un fait qu’aucune charte des abbayes de Pothières et de Vézelay ne mentionne la présence de Marie Madeleine en Bourgogne avant les années 1040 (64). De fait, il nous semble tout à fait improbable d’imaginer Marie Madeleine reléguée au quatrième plan après la vierge Marie et les deux saints rapportés par le comte Girart.
    René Louis situe l’apparition d’une tradition liée à la présence de Marie Madeleine à Vézelay vers les années 1030 mais il ajoute que ce sera surtout sous la gouverne de Geoffroi, abbé de Vézelay à partir de 1037 que se propagera l’idée que cette abbaye détient les restes de la Sainte.

    Cet auteur démontre formellement qu’à cette époque la légende commençait juste à se diffuser dans l’opinion publique et qu’elle n’était pas encore tout à fait au point. Mais plus cette tradition se répandait dans l’esprit populaire, plus il devenait urgent de trouver les réponses à donner quant à la présence de Marie Madeleine en Bourgogne.

    De là, une toute première composition connue sous l’appellation « Claruit autem Viceliacum » fut établie dans laquelle apparaissait pour la première fois le nom de Badilon. Ce moine bourguignon emprunté à l’histoire de la fin du IXè siècle serait parti en Judée et  aurait ramené en Gaule les reliques de Marie Madeleine.

    Soulagement ! Une réponse venait d’être trouvée et elle légitimait aux yeux de la foule des pèlerins la présence de la Sainte à Vézelay. L’abbé Geoffroi ira jusqu’à obtenir, en 1049, une bulle pontificale plaçant son abbaye sous le patronage de Marie Madeleine.


Crypte de Marie Madeleine à Vézelay

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    A sa mort survenue en 1052, lui succédera le clunisien Boniface. C’est sous son abbatiat que nous voyons le grand abbé de Cluny, Saint Hugues, plaider en faveur de la présence des reliques de la Madeleine à Vézelay. Il obtiendra lui-même en 1058, une nouvelle bulle du Pape Etienne IX reconnaissant officiellement la présence des Saintes reliques en Bourgogne.

    Cependant, avec cette première légende contenue dans le « Claruit autem Viceliacum » , il ne sera fait mot de l’implication du comte Girart dans cette translation du corps de la Sainte. De même, il ne semble pas que les moines de Bourgogne aient eu connaissance à cette époque de la légende provençale qui faisait de Saint Maximin le lieu dépositaire des reliques de la Madeleine (65).

    C’est d’ailleurs la montée en puissance de la Madeleine « Bourguignonne » qui fera réagir le clergé de Provence. Avant la fin du XIè siècle, les moines de St Maximin rédigèrent à leur tour un texte (66) dans lequel la légende provençale était remise au goût du jour : brièvement, il y était fait mention que de toute ancienneté, le corps de Sainte Marie Madeleine reposait à la Sainte-Baume, non loin de leur prieuré de Saint Maximin.
    Qu’à cela ne tienne ! L’abbaye de Vézelay allait répliquer par une nouvelle notice (67) connue sous le nom de légende Autunoise : « Certes, nous nous sommes mépris … Badilon n’était qu’une simple légende sans fondement historique ! Mais nous savons maintenant – après de maintes recherches - que nous devons la translation des reliques de Sainte Marie Madeleine au chevalier Aleaume, qui jadis était frère de Eudes, premier abbé de Vézelay. C’est en effet sous l’impulsion de l’évêque d’Autun Augier, officiant sous le règne du roi Carloman, que Aleaume retrouva les restes de Marie Madeleine à Saint Maximin alors que les Maures venaient de piller la Provence et que votre prieuré était abandonné … » (68).

    Il est un fait qu’à la fin du IXè siècle, la Provence avait du subir les razzias Sarrasines et que le petit prieuré de Saint Maximin avait été laissé à l’abandon. De là, la nouvelle version de l’invention des reliques de la Madeleine pouvait être tout à fait crédible, d’autant que les moines de Vézelay avaient cette fois bien étudié la question ! Tout semblait coller : Eudes avait bien été abbé de l’abbaye bourguignonne de 877 à 911 au moins. Augier, évêque d’Autun, à qui l’on doit l’initiative de cette expédition provençale, était bien en fonction de 875 à 893 ce qui correspond à ce que nous connaissons du règne de Carloman (879-884). Seule peut-être, l’existence du chevalier Aleaume pouvait paraître suspecte mais après tout, il n’était que simple chevalier et il n’y avait là rien d’étonnant à ce que personne ne le connaisse.


Marie Madeleine élevée par les Anges

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    Tout était donc bien orchestré pour faire avaler cette nouvelle version aux moines provençaux … A l’exception malheureuse d’un différent qui allait intervenir entre l’abbaye de Vézelay et l’évêché d’Autun.
En cette fin du XIè siècle, Vézelay avait atteint une telle renommée grâce au pèlerinage de la Madeleine que l’évêque d’Autun en pris ombrage. Sous de vagues prétextes juridictionnels, un conflit éclata entre ces protagonistes : nous pensons plus simplement que l’évêque d’Autun espérait récupérer un peu de notoriété compte tenu du fait que l’on devait la présence de Marie Madeleine en Bourgogne aux bons soins de son prédécesseur l’évêque Augier.

    Du coup, la légende Autunoise qui effectivement mettait en avant les mérites de l’ancien évêque d’Autun, devenait dérangeante pour l’abbaye de Vézelay…
    Qu’à cela ne tienne encore une fois … Les moines bourguignons rédigèrent une troisième version (69) comparable  à la précédente mais dans laquelle cette fois, l’évêque Augier était remplacé par le comte Girart, fondateur de Vézelay et le chevalier Aleaume par « une vieille connaissance, un moment abandonnée : le moine Badilon » (70). C’est la fameuse légende de Saint Badilon que nous évoquions au début de ce chapitre.

    Cette troisième édition – revue et corrigée à la sauce bourguignonne – était de loin la plus complète, la plus développée et fut surtout la plus diffusée : il nous en est parvenu de nombreux manuscrits dont certains du tout début du XIIè siècle. Il n’en demeure pas moins comme le souligne René Louis, que ce nouveau récit était truffé de confusions et d’anachronismes qui aux yeux de la critique moderne anéantissent toute crédibilité à cette version.

    Etrangement, ce nouveau changement de récit n’allait pas provoquer de réaction vive de la part des moines de Saint Maximin. Néanmoins, sans s’opposer catégoriquement à la légende de Saint Badilon, ils continuèrent à vénérer Marie Madeleine à la Sainte-Baume et à entretenir leur prieuré en Provence.

   Ce sont donc deux traditions différentes mais pas formellement contradictoires qui coexistèrent durant ces premiers siècles du nouveau millénaire : Vézelay semblait avoir la faveur des foules, d’autant que le Saint Siège à Rome avait reconnu officiellement la présence de Marie Madeleine en Bourgogne ; pour sa part, Saint Maximin jouait le jeu de l’ignorance et continuait à revendiquer ces précieuses reliques au nom de l’antériorité. De fait, le pèlerinage voué au culte de la Madeleine, s’entendait à cette époque, tout aussi bien en Bourgogne qu’en Provence.
    Mais cette situation n’allait pas durer ad eternam … Peu à peu la classe régnante se mit à favoriser la légende provençale, au nom justement de cette fameuse antériorité. De même, le clergé plus soucieux de faire la part des choses dans cette histoire aura tendance à émettre des doutes sur la version bourguignonne.
    Le coup de théâtre n’aura lieu qu’au cours du XIIIè siècle. Alors que le parti fut pris de faire toute la lumière sur cette affaire, il fut convenu d’engager une campagne de fouilles afin de vérifier si les restes de Marie Madeleine étaient toujours à Saint Maximin… Ce ne sera pas une grande surprise pour le lecteur d’apprendre que la campagne porta ses fruits : on retrouva en effet les reliques de Marie Madeleine ! Cerise sur le gâteau, le sarcophage découvert contenait en plus une petite lettre qui non seulement authentifiait les ossements comme étant ceux de la sainte, mais qui en plus expliquait que ceux-ci avaient été déplacés juste avant les raids Sarrasins  et qu’on les avait remplacé par d’autres moins illustres…
    Sacré coup de génie ! Dans un même temps on était capable de réfuter l’existence des Saintes reliques en Bourgogne puisqu’on venait de les redécouvrir en Provence et cette fois sans conteste possible, mais en plus on était tout aussi capable de réconforter les moines de Vézelay dans leur infortune en leur expliquant tout simplement que Badilon n’avait pas ramené les bonnes reliques …


Le sarcophage provençal
de Marie Madeleine

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    Ainsi se termina définitivement le chapitre Marie-Madeleine en Bourgogne. La page était tournée, la Provence récupérait à son compte une tradition qu’elle n’aurait jamais dû laisser s’échapper et la dignité des moines bourguignons était sauve, puisqu’ils ignoraient tout de cette imposture. (71)

Notes du chapitre V

(51)  A propos du légendaire provençal, nous renverrons le lecteur à l’ouvrage de Christian DOUMERGUE : « Marie Madeleine, la Reine Oubliée - La Terre Elue - Tome 2 », Nîmes, Imprimerie Christian Lacour, 2004, pages 195 à 265.

(52)  René LOUIS, Tome 1, « Girart, comte de Vienne (…819-877) et ses fondations monastiques », Auxerre, 1946, pages 174 et 175)

(53)  Le lecteur pourra se reporter à la première partie de cette étude , chapitre II paru au mois de mars 2006.
Pierre CAVARD, « La Fontaine de Saint Lazare à Surieu », manuscrit conservé à la bibliothèque municipale de Vienne, cote M-398.

(54)  Sans entrer dans des détails qui ne concernent pas directement notre étude, rappelons néanmoins au lecteur qu’au début du XIIè siècle , l’abbaye de Vézelay ne se contentait plus de revendiquer les reliques de Marie Madeleine mais elle assurait détenir également celles de Sainte Marthe et de Saint Lazare.
Aussi, par un tour de passe-passe qui nous échappe encore, nous admettrons prudemment à ce stade, que le moine Badilon aurait très bien pu ramener de Provence toute la famille de Béthanie !

(55)  A priori, les reliques de Saint Lazare à Echalas ne devraient rien à la famille Roussillon, d’autant que celle-ci n’apparaît à aucun moment dans l’histoire de ce petit village. Au contraire, la chapelle de Saint Lazare à Echalas devrait ses saintes reliques à l’occasion de la translation de son corps de Marseille à Autun, lors d’une escale à Vienne en l’an 1147.
(« Echalas – Histoire d’un village du Parc du Pilat », éditions Maury, 2005, pages 30-31 / 38 / 92-94)

(56)  Patrick BERLIER, « Le Guide du Pilat – Le Pilat au fil du Rhône, de Givors à Sainte Colombe », Saint-Etienne, 2000, tome 16, page 32.
Patrick Berlier relève avec justesse que la colline de la Grande Madeleine dont il est question ici se situe précisément à proximité du col du Pilon et celui-ci d’ajouter que « selon la légende provençale, Sainte Madeleine se retira dans une grotte du massif de la Sainte-Baume près du Saint-Pilon »…

A propos du château de la Chance, possession de la famille Roussillon à partir de 1266, on pourra lire le petit opuscule de Marcel BOYER, « Le Château de la Chance », édition de l’association Visage de Notre Pilat, supplément à le revue Dan l’Tan.

(57)  A propos de la chapelle de la Madeleine en dessous de Châteauneuf, on pourra lire :
Eugène CHIPIER, « Béatrix, Dame de Châteauneuf », Rive de Gier, 1912, pages 24-25
et
Robert LACOMBE, « Châteauneuf (dans la Loire) en vues et cartes postales anciennes », Argentan, 1982.

(58)  Dom Polycarpe de la Rivière était prieur de la chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez de 1618 à 1627. Fin lettré, il est l’auteur de nombreux ouvrages spirituels qui lui valurent les honneurs de sa hiérarchie. Etrangement, il se mettra à écrire sur la fin de sa vie des ouvrages plus controversés qui cette fois lui vaudront les foudres de l’autorité religieuse. Sa mystérieuse disparition en 1638 fera couler beaucoup d’encre à son sujet …

(59)  Ouvrage manuscrit naturellement introuvable et ne figurant pas dans la bibliographie officielle de Dom Polycarpe de la Rivière. Nous devons la mention de cet ouvrage à André DOUZET, in « Eléments du Passé de Sainte-Croix-en-Jarez, chartreuse, pour servir à son histoire », Carcassonne, 1994, p. 65.

(60)  Nous devons cette nouvelle évolution du mythe « Rennes-le-Château » à André DOUZET, dont les arguments sont exposés sur son site internet  http://www.societe-perillos.com/roussillon.html.

A propos de la chapelle de la Madeleine, au dessus de Pélussin, le lecteur pourra consulter :

- Louis CHALLET et Bernard PLESSY, « Le Pilat insolite », Saint-Etienne, 1981, pages 15 à 21.
- Marcel BOYER, « Du Crêt de la Perdrix au Crêt de l’Oeillon en cartes postales et vues anciennes », Saint-Julien-Molin-Molette, 1989, pages 108 à 114.
- Patrick BERLIER, « Le Guide du Pilat – Sur les sommets du Pilat », Saint-Etienne, 1985, tome 2, pages 21 à 23.
- Abbé J. BATIA, «Recherches historiques sur le Forez Viennois », Saint-Etienne, 1924, page 240 bis et 249 à 252.

(61)  Patrick BERLIER, « La société Angélique », Editions ARQUA, 2004, tome 1, pp. 173 à 182.

(62)  Le Mont-Pilat devrait d’ailleurs son nom à cette légende qui fait finir l’ancien gouverneur de Judée, plongé dans un puits sans fonds du Pilat.

A propos de la légende de Ponce Pilate en région Viennoise, on pourra consulter :

- Jacques BERLIOZ, « Crochet de fer et puits à tempêtes – La légende de Ponce Pilate à Vienne et au Mont Pilat au XIIIè siècle » in « Le Monde Alpin et Rhodanien », Gap, 1990, 1er et 2ème trimestre, pages 85 à 104.
- Pierre CAVARD, « Vienne la Sainte », édition revue et corrigée, Vienne, 1975, pages 32 à 58.
- Christian DOUMERGUE (Op. cit., tome 2, pages 570 à 578.). Pour sa part, cet auteur suggère que c’est précisément dans l’exil de Ponce Pilate en Gaule qu’il faille trouver également les raisons de la présence de Marie Madeleine sur notre sol.

(63)  Le lecteur pourra se reporter à la première partie de cette étude, chapitre I paru au mois de mars 2006.

(64)  René LOUIS, (Op. cit. pages 164 à 175).

(65)  D’après Christian DOUMERGUE (Op. cit. p. 199), il semble pourtant qu’il faille remonter au IVè siècle pour trouver les premières traces de la légende de Marie Madeleine en Provence.

(66)  Ce texte est connu sous le nom de notice « Post Dominicae resurrectionis » et est daté de la fin du XIè siècle.

(67)  Ce texte est également connu sous le nom de notice « Quomodo autem Virzilliacensium » et est daté de la fin du XIè siècle.

(68)  Le lecteur aura compris que ces quelques lignes entre guillemets ne sont qu’un abrégé rapide et ironique de la légende Autunoise. Naturellement le texte du « Quomodo autem Virzilliacensium » présente les faits de manière plus sérieuse.

(69)  Connu sous le nom de « Légende de Saint Badilon » et daté de l’extrême fin du XIè siècle, début XIIè siècle.

(70)  René LOUIS (Op. cit. p. 172)

(71)  Le lecteur souhaitant approfondir sa réflexion sur Marie Madeleine pourra consulter le site internet : http://www.marie-madeleine.com.
Une attention particulière pourra être portée également aux ouvrages de M. Christian DOUMERGUE : « L'Evangile Interdit (Ste Marie Madeleine et le secret des Cathares) » », Nîmes, Imprimerie Christian Lacour, 2001 ; « Marie Madeleine, la Reine Oubliée - L'épouse du Christ - Tome 1 » et « Marie Madeleine, la Reine Oubliée - La Terre Elue - Tome 2 », Nîmes, Imprimerie Christian Lacour, 2004.
 
 

VI. Les aventures littéraires de Girart de Roussillon …


Girart et Berthe d’après un manuscrit
de la bibliothèque municipale d’Auxerre

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    Le lecteur aura sans doute remarqué que depuis le début de cet exposé nous nous sommes efforcés de ne pas mentionner le patronyme Roussillon lorsque nous parlions du comte Girart, que nous qualifiions alors d’ « historique ». Cette volonté trouve sa raison d’être dans le fait qu’au IXè siècle l’usage du patronyme n’était pas totalement en vigueur et comme toutes les chartes de l’époque ne mentionnent notre héros que par son prénom Girart et jamais sous le nom de Roussillon, nous ne pouvons que conclure que ce patronyme lui fut attribué plus tardivement.
    La question, maintenant, est de savoir à quelle époque eut lieu cet ajout, pour quelles raisons et dans la mesure du possible d’examiner si celles-ci ont un lien avec la famille Roussillon du Dauphiné.

    D’un point de vue historique, Girart de Roussillon n’aurait donc jamais existé et c’est dans la tradition épique du XIIè siècle qu’il faut trouver ce personnage emprunté à l’histoire et remodelé à la manière de la Geste médiévale.
    Pour bien comprendre comment le comte Girart historique s’est muté en ce héros légendaire qu’est devenu Girart de Roussillon, nous suivrons l’opinion et les explications de René Louis (72) à travers l’aventure littéraire de Girart.

De Vienne aux Pyrénées.

    Le comte Girart historique a donné naissance à trois héros de chansons de Geste : Girart de Vienne, Girart de Fraite et enfin Girart de Roussillon.
De ces trois épopées qui sont toutes très différentes les unes des autres, la critique littéraire actuelle (73) s’accorde à voir en la chanson de Girart de Roussillon la plus ancienne des trois. Il n’en demeure pas moins que toutes trois ne sont que des légendes et René Louis (74) d’ajouter « L’histoire ne mentionne nul séjour du comte Girart dans un château nommé Fraite ou Roussillon. Le combat de Vaubeton est une fiction. Seul parmi les noms de places fortes … celui de Vienne répond à un épisode vécu » de la vie de Girart.
    Sur ce constat, R . Louis suggère qu’immédiatement après les évènements des années 870, il s’est forgée une chanson populaire, orale, une sorte de balade, ancêtre de nos chansons de Geste, qui aurait maintenue pendant une bonne centaine d’années la mémoire des luttes entre Girart et Charles le Chauve.
Cette théorie qui date déjà de quelques décennies ne fait pas encore l’unanimité. Il est vrai qu’elle découle d’une succession de raisonnements logiques qui sont propres à la vision de leur auteur. Naturellement il ne peut y avoir de traces écrites d’une chanson orale ! Malgré cela, R. Louis oppose une évidence : qu’il s’agisse de Vienne ou d’ailleurs il n’existe pas non plus un seul document du Xè siècle qui aurait permis de conserver le souvenir de Girart jusqu’à sa réapparition  vers les années 1050. Il ne peut alors que proposer l’hypothèse d’une chanson orale, transmise et véhiculée par les trouvères de l’époque.
C’est aussi grâce à ce raisonnement que R. Louis peut expliquer la transposition géographique de l’épopée viennoise orale, vers les régions de la Provence et des Pyrénées où seraient nées les chansons écrites où figurent respectivement Girart de Fraite et Girart de Roussillon ; alors que Vienne attendait encore la sienne !


Troubadour sur une miniature
du moyen âge

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    Cet auteur situe l’élaboration de la chanson de Girart de Roussillon aux alentours de l’an 981, précisément dans l’environnement de la cour du duc Guifred de Roussillon dont nous avons déjà parlé dans un précédent chapitre et qui étendait alors son pouvoir sur une bonne partie des Pyrénées orientales.

    De là, cet embryon de chanson épique calqué sur la version orale aurait pris plus de consistance et  l’identité initiale de Girart se serait vue quelque peu remodelée aux goûts des seigneurs de Roussillon pour aboutir au personnage légendaire que nous connaissons. Comme le souligne R. Louis, il devait être plaisant pour le duc Guifred de pouvoir s’enorgueillir d’une origine aussi illustre que celle du nouveau Girart de Roussillon et cet auteur d’ajouter que ces Roussillon n’hésiteront pas à rendre le prénom Girart héréditaire au sein de cette famille dès le début du XIè siècle.

    Ainsi, le souvenir des évènements de Vienne en l’an 870 aurait été transporté oralement dans la région Pyrénéenne et il aura fallu toute l’ingéniosité d’un troubadour de ces époques lointaines pour intégrer Girart à la généalogie d’une puissante famille du Roussillon dont le prestige ne pouvait alors que s’accroître. Girart de Roussillon venait de naître et avec lui tout le récit épique qui allait suivre.

Des Pyrénées en Bourgogne : la Chanson de Girart de Roussillon

    Notre héros se trouvait là une nouvelle patrie d’origine en la région du Roussillon et comme il ne faisait aucun doute que ce Girart de Roussillon était le même que celui qui avait tenu tête à Charles le Chauve et qui avait été vaincu à Vienne, il devenait, de fait, le même qui avait fondé les abbayes de Pothières et de Vézelay. René Louis pense que c’est aux alentours des années 1050 que le nom de Girart de Roussillon fut introduit dans les chartriers de ces abbayes.
    Pour cela, il propose la même transposition géographique de l’épopée qui avait mené le comte Girart historique dans la région du Roussillon, à savoir la chanson orale véhiculée par les troubadours. Mais cette fois, Girart partait du Roussillon où il avait acquit un nom pour rejoindre la Bourgogne. Il ne faudra pas longtemps pour que les moines bourguignons assimilent le Girart historique au Girart de Roussillon chanté par les trouvères. Dès lors et sans imaginer une seconde qu’il s’agissait là d’une imposture, les clercs qui rédigeaient les chartes et documents de l’époque feront état de Girart de Roussillon en voulant parler du fondateur de leur monastère.

    C’est également de Bourgogne que partiront les premières interprétations écrites de la chanson de Girart de Roussillon. La chanson de Vaubeton écrite semble-t-il vers les années 1050 situe l’épopée de Girart dans les régions de Châtillon-sur-Seine, de Vézelay et d’Orléans. C’est aussi dans cette chanson légendaire qu’il faudra trouver l’apparition première du château de Roussillon sur le mont Lassois ; l’imagination du poète avait franchi là un pas décisif entre la réalité historique et son récit.
A la fin du XIè siècle, l’histoire racontée dans la chanson de Vaubeton sera enrichie de quelques faits nouveaux et variantes que l’on retrouve notamment dans la version en prose du XVè siècle insérée dans l’Histoire de Charles Martel. C’est dans cette version qu’apparaît l’épisode où Girart devient charbonnier dans la forêt d’Ardenne.

    Enfin, c’est au XIIè siècle, vers les années 1150 que l’on situera la dernière métamorphose de la chanson de Girart de Roussillon. René Louis déclare qu’elle reçut là « sa forme la plus pleine de sens et la plus belle », et que c’est « celle qui devait faire oublier toutes les rédactions antérieures … Le Xè siècle avait vu naître la première chanson de geste issue de ces ballades primitives, sur les exploits de Girart de Vienne ; les dernières années de ce même siècle avaient vu le transfert géographique de la légende loin de la Bourgogne viennoise, dans la région pyrénéenne, où le héros, empruntant un nouveau surnom, était devenu Girart de Roussillon. Le milieu du XIè siècle avait vu le transfert en Bourgogne franque, dans la région entre Dijon, Autun et Sens, du Girart de Roussillon pyrénéen et l’éclosion de la « chanson de Vaubeton ». Le XIè siècle finissant avait connu la version amplifiée de la chanson de Vaubeton, œuvre d’un continuateur anonyme, conservée seulement dans une mise en prose du XVè siècle. Les années 1146-1149 devaient voir l’épanouissement de ce travail d’élaboration séculaire…».

A la recherche de la vérité … le Roman de Girart de Roussillon


Philippe le Bon
Grand mécène et commanditaire du
Roman de Girart de Roussillon
Vers 1450

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    Avec la chanson de Girart de Roussillon s’achevait ainsi le cycle épique relatant les faits d’armes légendaires de notre héros.
La chanson de geste, tant prisée aux époques féodales perdait de plus en plus de son intérêt en cette fin du moyen âge et le besoin de revenir à des vérités historiques se faisait plus que jamais ressentir.

    Dans ce contexte, de premiers écrits se détachèrent littéralement du style jadis chanté par les trouvères. Une « Vita nobilissimi comitis Girardi de Rossellon », également très ancienne puisque du XIIè siècle, présentait une variante de la légende en prose latine. L’élément novateur de cette version vient de son style narratif, éliminant les effets oraux que pouvait provoquer le récit du troubadour lorsque celui-ci récitait son texte. Mais plus que tout, l’auteur semble utiliser des sources historiques exactes qui font de ce nouveau genre un premier essai sur la recherche d’authenticité.

     Girart n’allait donc pas s’éteindre avec la chanson de geste ! Dans le même esprit que la « Vita », un roman bourguignon allait naître au XIVè siècle. Destiné dans un premier temps à louer la grandeur des ducs de Bourgogne, on ne peut qu’admirer ensuite l’érudition de son auteur et sa volonté de retracer scrupuleusement l’historicité de notre héros. Mais ne nous leurrons pas ! Tout comme René Louis pensait que le Girart de Roussillon était né d’une volonté de mettre en avant le prestige de la famille Roussillon des  Pyrénées, ce nouveau roman devait également illustrer celui des ducs de Bourgogne en les présentant comme successeurs du célèbre Girart de Roussillon. En outre, ce roman s’inspire largement des faits contés par la chanson de geste, qui comme nous l’avons vu ne s’attardait guère sur la véracité de son récit. Il ajoute néanmoins l’épisode du transfert des reliques de Marie Madeleine emprunté à la légende hagiographique de Saint Badilon.

    Enfin, l’aboutissement du roman de Girart de Roussillon n’interviendra qu’au siècle suivant avec l’œuvre du célèbre Jean Wauquelin. C’est en 1447 que cet écrivain - historien remet au duc Philippe le Bon l’ouvrage sur Girart de Roussillon que ce dernier lui avait commandé. Cinq manuscrits de ce roman nous sont parvenus et parmi eux celui de Vienne (Autriche) est le plus accompli en matière de richesse artistique : il s’agit là d’un véritable chef d’œuvre d’enluminures digne de la bibliothèque des grands ducs de Bourgogne (75).


Arrivée des reliques de Marie Madeleine à Vézelay
D’après un manuscrit de Vienne

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    De surcroît, Jean Wauquelin est l’auteur qui aura puisé au plus grand nombre de sources connues à l’époque pouvant lui permettre de rédiger le roman de Girart. Certaines d’entre-elles lui ont d’ailleurs été prêtées par son commanditaire, ce qui prouve l’intérêt que portaient déjà les ducs de Bourgogne à l’épopée de Girart de Roussillon.
    Nous ajouterons simplement que sur le fond, ce roman s’inscrit dans le même idéal que nous venons d’évoquer pour le roman bourguignon du XIVè siècle, à savoir rattacher l’histoire de Girart de Roussillon à celle des ducs de Bourgogne. Mais cette fois, la somme de travail effectuée par Wauquelin ainsi que la richesse de ses manuscrits feront de cette nouvelle édition la base de tous les récits que nous rencontrerons à la Renaissance. Les éditeurs des XVIIè et XVIIIè siècle n’hésiteront plus alors à affubler du qualificatif « authentique » l’histoire du comte Girart de Roussillon qu’ils tirent du roman de Wauquelin.

Le comte Girart pouvait-il être l’ancêtre des Roussillon du Dauphiné ?

    Pour résumer et clore ce chapitre, nous admettrons volontiers les arguments mis en avant par René Louis : Girart de Roussillon n’a pas de crédit historique. Toute son épopée, y compris le roman du XVè siècle, reposent sur des chansons de geste qui ont sans cesse été remaniées depuis le Xè siècle. Mais plus que tout, il ressort de cet examen que le comte Girart n’a jamais porté le patronyme Roussillon !
Dès lors, il n’apparaît plus aucune raison tangible permettant d’assurer une  filiation entre notre héros et les Roussillon ; qu’ils soient d’ailleurs des Pyrénées ou du Dauphiné !
Comme nous l’évoquions au début de cet exposé, l’homonymie fut sans doute le facteur déclenchant de toutes les théories proposant ce lien de parenté entre le Girart historique et les Roussillon. Sans elle, nous ne croyons pas pouvoir suivre ces hypothèses et nous doutons même fortement que quiconque ait pu y songer à un moment donné.


Armes des Roussillon-Annonay
d’après les peintures murales de la fin du XIIIè siècle
conservées dans la salle des Etats du château de Ravel (63)

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    Certes, les plus audacieux feront fi de cette argumentation ! Bien sur, ce n’est pas parce que le comte Girart historique ne portait pas de patronyme que l’on peut le supprimer comme ça de la généalogie des Roussillon et cela, même si maintenant les présomptions s’amincissent … Il est vrai que notre grande famille du Dauphiné aurait pu adopter elle-même le patronyme du Girart épique sachant qu’elle descendait de cet illustre guerrier. Nous avons convenu plus haut que les origines du nom Roussillon en Isère restaient assez obscures et ce seraient là une hypothèse supplémentaire. Néanmoins elle implique que ce choix du patronyme se soit déroulé au cours du XIè siècle puisque nous avons vu avec René Louis que Girart de Roussillon avait pris naissance vers les années 981 en région pyrénéenne et que c’est seulement dans les années 1050 qu’on le retrouve en Bourgogne.
    Mais là encore nous nous heurtons à problème de date car si René Louis voit juste, pour notre part nous avons vu que le nom de Roussillon en Dauphiné avait été relevé dès les années 923 voir même 915 ou 975 (77), devançant ainsi de quelques années l’invention du Girart de Roussillon. Du coup, cette nouvelle hypothèse ne peut plus tenir.

    Pour continuer dans les théories, nous pourrions encore évaluer celle qui consisterait à trouver en la famille Roussillon du Dauphiné – et non plus des Pyrénées -  celle qui aurait fournie son nom au comte Girart historique. Pourquoi en effet aller chercher dans les Pyrénées l’origine d’un nom, que nous serions en mesure de fournir dans la région viennoise ? Et qui plus est, à une époque qui correspond de peu, et dans des domaines ayant jadis été sous la suzeraineté de Girart !
    Là encore, René Louis souligne le manque d’héritage que nous a laissé le Girart historique dans notre région. Pas un monument, pas un document ne permettrait d’accréditer cette thèse. Lors de la prise de Vienne en 870, Girart dû s’exiler, probablement dans le sud, ses domaines de la région viennoise passèrent alors sous l’autorité de Charles le Chauve puis sous celle de Boson, futur roi de Provence. Il paraît difficilement concevable qu’une éventuelle descendance de Girart ait pu rester dans nos contrées.
Enfin, cela était sans compter non plus sur la chanson de geste pyrénéenne, qui elle témoigne sans contrepartie d’un souvenir vivace du Girart historique dans le Languedoc, favorisant de surcroît, l’hypothèse de René Louis quant au rôle de la famille Roussillon des Pyrénées dans l’invention du patronyme de Girart.

    Toutefois, et même si le lien de parenté semble définitivement écarté, nous pourrions encore admettre que ce sont les Roussillon eux-mêmes qui aient souhaité adopter Girart pour ancêtre. Un peu à la manière des Roussillon des Pyrénées qui, de leur coté, avaient titularisé le comte Girart au sein de leur famille en lui octroyant leur propre nom. Dans ce cas de figure, nous pourrions en effet imaginer que nos Roussillon du Dauphiné aient eu vent de la chanson pyrénéenne dont Girart de Roussillon était l’acteur principal. De là, ils auraient pu croire ou voulu faire croire à une illustre ascendance en la personne de Girart en se basant sur l’homonymie du nom Roussillon. Mais nous abordons là des conjectures qui restent difficilement vérifiables et qui en plus ne valident pas ce lien de parenté que nous aimerions bien trouver.

Notes du chapitre VI

(72)  René LOUIS (Op. cit. Tomes 1,2 et 3)

(73)  Michel ZINK, in « Girart de Roussillon ou l’épopée de Bourgogne », Michel Zink, Marcel Thomas et Roger-Henri Guerrand, éditions Philippe Lebaud, 1990, p. 24.

(74)  Op. cit. Tome 3, p. 282.

(75)  Une bonne partie de ces enluminures sont reproduites en fac-similé dans « Girart de Roussillon ou l’épopée de Bourgogne », op. cit.

(76)  Le lecteur pourra se rendre sur le site internet du château de Ravel à l’adresse suivante : http://www.chateauderavel.com/Index.htm

(77)  Louis DUFIER, Pages d’histoire en Dauphiné, « Canton de Roussillon », Editions Bellier, Lyon, 1999, p. 14.). et l’abbé GRANGER dans « Roussillon et son canton », 1949 - Réédition dans Monographies des villes et villages de France, Paris, Res Universis, 1993, p. 14).

Rappelons néanmoins que ces dates ne sont pas toujours suivies par la critique moderne et qu’il faut attendre vraiment le XIè siècle pour trouver les premières mentions du nom de Roussillon en Isère (Georges MAZOUYES, in « Patrimoine en Isère - Pays de Roussillon », 2003)

FIN DU REMARQUABLE DOSSIER RÉALISE PAR ÉRIC : UN GRAND MERCI A LUI !

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Maintenant nous vous proposons de retrouver notre nouvel invité, notre ami Jean-Claude Ducouder
 
Retraité dynamique, ce personnage chaleureux possède un sérieux bon sens qui lui permet de faciliter son approche des choses, ceci dans ses multiples investigations. Il faut noter qu'il cultive un appréciable sens de l'amitié. Grand passionné de la Chartreuse de Ste Croix, il aime se retrouver en ce lieu. Résidant à présent en dehors du territoire Pilat, il apprécie de revenir sur ces terres qu'il a côtoyées durant des décennies. C'est à lui seul une parfaite définition du vrai chercheur. Préférant de loin le conditionnel quand il n'est pas sûr, il réfute en bloc les théories gratuites. Patient dans la recherche, on ne lui fait pas prendre des vessies pour des lanternes. Néanmoins il prend la peine de s'intéresser aux explications d'autrui, sans pour autant y adhérer forcément ; il débattra alors volontiers de tel ou tel point particulier en creusant au plus près de la vérité la piste qu'il suivra. En quelque sorte, disciple du regretté Père Granger, il rend volontiers hommage à ce chercheur de renom disparu, se souvenant en permanence des précieux conseils de ce dernier. Les gravures de St Martin la Plaine sont chères à son coeur, en ce sens il demeure un guide exceptionnel pour ce site unique et vraiment curieux. Nous vous livrons à présent l'interview réalisée auprès de cet homme franc et entier. 
RDP: Pouvez vous succinctement définir vos passe-temps favoris ?

JCD : Il m'est difficile d'énoncer une liste de distractions, car dans la vie tout m'intéresse et je suis curieux de tout. Si je devais tout de même retenir une activité favorite, je dirais la photographie. Depuis que je suis gamin, cette dernière m'a toujours apporté beaucoup de joie. Faut-il y voir le désir désespéré d'arrêter le temps ou celui de partager avec l’autre un instant privilégié ? Certainement un peu des deux.

RDP: Il y a maintenant quelques années, vous avez entrepris un travail bien précis, en faisant traduire par un paléographe le testament de Guillaume de Roussillon. Pourquoi avoir pris cette initiative ?

JCD : Comme beaucoup, un jour j’ai découvert l’ancienne  Chartreuse de Sainte Croix en Jarez et je suis tombé sous le charme de ce village. Je me suis donc intéressé à l’histoire du lieu à travers la lecture de l’ouvrage de référence en la matière : La Chartreuse de Sainte Croix en Jarez d’Antoine Vachez. Tout de suite, j’ai été convaincu de la qualité du travail de cet auteur à l’exception d’un petit détail concernant le testament d’un acteur majeur de cette histoire, je veux parler, et vous l’aurez compris, de Guillaume de Roussillon. En effet, je trouvais curieux, voire léger, qu’un auteur de la qualité d’Antoine Vachez se contente comme appui historique, d’une copie du dit testament que lui aurait  fournie un certain Emmanuel Nicot. En effet, une copie à cette époque, ne pouvait être qu’une retranscription manuelle de la traduction du document (écrit en latin du 13ème) avec les erreurs toujours possibles. Sans mettre en doute systématiquement la qualité du traducteur de l’époque, ni sa qualité de copiste (faut-il le rappeler, nous sommes fin 19ème) il y avait fort à parier que si une seule erreur s’était glissée, à l’origine, dans ce travail, il devenait évident que cette erreur entachait les études suivantes.
 J’ai donc retrouvé ce fameux testament aux Archives Nationales de Paris, lesquelles archives ont accepté de m’en faire une épreuve photographique, par leur laboratoire spécialisé. Ensuite est venu le temps de la recherche d’un traducteur compétent (pas facile !) pour en faire la traduction. Vous connaissez la suite…

RDP: Le résultat de cette traduction vous a t’il apporté des éléments nouveaux ou intéressants ?

JCD : Comme je vous l’ai dit précédemment, le premier avantage de ce document est d’être le point de départ  authentique et non contestable de notre quête historique. Quant à savoir si ce document apporte des éléments nouveaux, c’est à chacun d’en juger. L’élément le plus … perturbateur, réside dans la date supposée du décès de Guillaume de Roussillon avec celle de l’ouverture du testament. D’après A. Vachez, la date du décès de notre preux chevalier se situerait à la fin de l’année 1277 alors que l’ouverture du testament est datée du lundi avant l’Epiphanie 1277 ! Sauf à prétendre à l’instauration d’un sombre complot, l’ouverture du  testament n’a quand même pas eu lieu avant le décès du testateur ! Alors … ? Il y a peut-être une explication à cet anachronisme si l’on se rappelle qu’au Moyen Âge, l’année ne commence pas au 1er janvier, mais suivant les régions, soit à Noël, soit à l’incarnation du Christ le vendredi saint, le 25 mars. Or donc, si à Annonay (lieu d’ouverture du testament), l’année a bien commencé le 25 mars 1277, l’Epiphanie de cette même année se situerait 82 jours avant la fin de l’année 1277, ce qui, compte tenu des délais d’acheminement des nouvelles à cette époque, établit le décès de Guillaume de Roussillon, au mieux dans les premiers mois de l’année 1276. Dans le cas contraire où l’année aurait débuté à Noël, l’Epiphanie 1277 se situerait bien en début d’année, ce qui, compte tenu des mêmes critères, établit le décès de Guillaume de Roussillon dans le milieu de l’année 1276. Qui va trancher ? Pas moi, soyez-en certain.

RDP: On retient, en raison de livres sérieux, que Guillaume serait mort en Terre Sainte dans des conditions pourtant non définies. Pensez-vous, comme l’affirmait voici un siècle, l’abbé Filhol, que ce même Guillaume puisse être décédé finalement sur ses propres terres, dans ses seigneuries, à Annonay en l’occurrence ?

JCD : Je pense qu’il est utile d’accorder un minimum de crédit aux ouvrages que vous qualifiez de sérieux à partir de l’instant où  ces derniers citent leurs sources, sinon c’est la porte ouverte à tous les fantasmes. Il n’est cependant pas exclu d’émettre des hypothèses à partir du moment où elles sont qualifiées comme telles.
Pour en revenir à l’abbé C. Filhol, contrairement à ses détracteurs,  j’ai une tendance certaine à lui accorder crédit. Sa magistrale « Histoire religieuse et civile d'Annonay et du Haut-Vivarais depuis l'origine de cette ville jusqu'à nos jours. »  étude véritablement exhaustive demanda 25 ans de recherche à l'auteur qui nous offre ici un historique complet d'Annonay notamment des protestants dans cette province, des moeurs et des coutumes, des guerres religieuses, de l'époque révolutionnaire, des personnages célèbres et des grandes familles du Vivarais.
On comprend qu’avec une telle richesse de détails, il en ait gêné plus d’un. De là à affirmer que Guillaume de Roussillon soit mort dans ses terres, il y a un doute, mais qu’il soit inhumé là où il voulait l’être, cela devient possible… Voyons d’ailleurs par curiosité ce qu’il dit dans son testament :

« De même s'il arrive que je meure outre-mer, je veux et ordonne que mes os soient ramenés et ensevelis au cimetière de l'église sainte Marie d'Annonay. De même, je donne et lègue aux desservants de la dite église d'Annonay cent livres viennoises pour y célébrer cinq anniversaires au jour du décès du feu sieur Aymar, seigneur d 'Annonay, chaque année et à jamais ainsi qu'il est de coutume en ce lieu, etc… »

Personnellement, si l’on se rapporte aux us et coutumes du temps, lorsqu’un noble seigneur disait « je veux et ordonne » tout devait être fait dans son entourage pour qu’il en fût ainsi. Mais voilà, jusqu’à présent, à ma connaissance, aucun document traitant des circonstances de la fin de Guillaume de Roussillon n’a été mis sous les feux des projecteurs.

RDP: Riche d’une solide expérience en photographie, vous maîtrisez donc plutôt bien cet environnement. Pensez-vous possible de détecter une cavité au moyen de la photographie infrarouge ?

JCD : Question piège que vous me posez-là, mon cher Thierry.
Avec votre permission, je vais tout de suite tordre le cou à une vieille idée que l’on voit ressurgir régulièrement. Si la question est posée pour une exploration en sous-sol, dans un milieu relativement stable thermiquement, la réponse est non ! Pour une prospection en surface, la réponse peut être oui et voila pourquoi :
Infrarouge signifie « en deçà du rouge » du latin infra: « en deçà de », le rouge étant la couleur de longueur d'onde la plus longue de la lumière visible. Cette caractéristique indique donc tout de suite que le phénomène n’est pas visible à l’œil nu. Pour vous en rendre compte, lorsque vous actionnez la télécommande de votre téléviseur, l’information codée est transmise par infrarouge et pourtant vous ne voyez rien ! CQFD !
Par contre, dans l’application de la photographie en infrarouge, les objets, en fonction de leur température, émettent spontanément des radiations dans le domaine des infrarouges,et ces radiations sont enregistrées sous la forme d’un spectre coloré sur une pellicule traitée spécialement. RE-CQFD !
Revenons à une application sur le terrain, et pour ce faire, imaginons d’anciennes substructures (murs d’enceinte ou autres) enfouies sous la surface du sol,   lequel sol pour la démo, est fait d’un substrat très favorable! (Tourbe, humus …) Quelques heures après le coucher du soleil, alors que la journée a été très chaude, nous serons en présence de deux éléments qui, de part leur inertie thermique complètement différente vont, dans un même laps de temps, restituer différemment la chaleur accumulée au cours de la journée. Les murs eux, de structure plus dense,  vont rayonner plus longtemps la chaleur accumulée au soleil de la journée, alors que le sol lui,  va, de par sa structure moins dense et de sa faible inertie thermique, se mettre très rapidement à la température ambiante du lieu. Consécutivement à ce que je vous ai dit précédemment, si nous prenons une photographie infrarouge à cet instant, la pellicule va enregistrer ces différences de température sous la forme d’un spectre qui aura la forme de notre mur d’enceinte pour reprendre notre exemple. Dans ce cas, la réponse à votre question est « oui ».
Mais attention, la manipulation d’une telle pellicule nécessite des soins tout particuliers, non exposition à la chaleur, étanchéité des boîtiers photographique,  se méfier des fenêtres de présence film qu’il faudra occulter par un ‘scotch’ opaque, faire exécuter le développement dès les prises de vue effectuées,  même si la totalité de la pellicule n’a pas été utilisée, etc.
Actuellement à l’ère du numérique, il semblerait que les capteurs équipant les boîtiers, ne soient pas adaptés à l’infrarouge, ce qui d’ailleurs se conçoit aisément pour avoir une qualité d’image optimum, mais là se limite mon commentaire, n’ayant aucune expérience en la matière.

RDP: Vous aimez par-dessus tout le concret. Vous avez comme modèle en matière de recherche votre regretté Père Granger. Pensez-vous qu’une hypothèse, évidemment très bien construite, puisse prévaloir à être retenue comme une preuve par un chercheur, plus précisément encore doit-on toujours patienter jusqu’à l’ultime vérification pour se risquer à avancer une théorie affirmative ?

JCD : Quitte à vous sembler lapidaire, une hypothèse, aussi bien élaborée soit-elle, n’est qu’un outil servant à assurer la progression vers un but final. La meilleure image que l’on puisse en donner est celle d’une échelle où la présence de chaque barreau est nécessaire pour atteindre le suivant. Le dernier barreau atteint nous permet d’accéder au but final que l’on pare généralement du nom pompeux de « vérité ».
Mais attention, les chemins de la  connaissance sont  jalonnés de vérités infirmées.

RDP: Croyez-vous à un avant Chartreuse, autrement dit sur des constructions antérieures à 1280 ?

JCD : Votre question implique que vous n'adhérez pas forcément à la merveilleuse légende de Béatrix et j’ai tendance à vous donner raison, nous allons voir pourquoi.

Deux sources sont exploitées pour déterminer cet éventuel « avant 1280 » :
- L’étude des différents écrits qui nous sont parvenus.
- L’étude des lieux tels que le temps nous les a conservés et le résultat des fouilles effectuées.
Etude des différents écrits :

En premier lieu, cette merveilleuse légende est décrite dans la fameuse lettre que Beatrix aurait écrite à son parent Jean de Louvoyes,  prieur de la Chartreuse de Vauvert près de Paris.
Cette lettre, dont l’original est conservé aux archives de la Grande Chartreuse, nous est parvenue par des chemins que nous tairons, n’en ayant pas vérifié l’authenticité.
Nous prendrons seulement comme support la relation qu’en fait, une fois de plus, A. Vachez dans son ouvrage « La Chartreuse de Sainte Crois en Jarez » et ensuite celle qu’en fait également Ogier en 1847 dans « La France par cantons ».

Mais, la première question que l’on peut  se poser est : pourquoi une telle légende ?

Comme toujours, c’est  A.Vachez qui nous répond à travers un court extrait de son ouvrage sur Sainte-Croix :

«  ... au 13ème siècle, peu de fondations pieuses se dégagent de cette auréole surnaturelle, dont les hommes d'alors entouraient tout ce qui était attaché à l'idée religieuse. Dans un temps où le peuple aimait à voir la vie de chaque saint se revêtir des couleurs du merveilleux, dans les récits des pieux chroniqueurs, l'œuvre de la bienfaisance ou du repentir se transformait d'une manière étrange, dans les traditions populaires, et chaque abbaye avait dans son histoire une de ces miraculeuses légendes, qui servaient d'aliment à cette foi ardente de nos pères, qui fut le plus puissant mobile de toutes les grandes choses, dont ces âges reculés nous ont transmis le souvenir. "
J’ajouterais, bien qu’ici ce ne soit pas apparemment le cas, ( ?) que l’Eglise utilisait également le merveilleux pour combattre le paganisme qui sévissait encore fortement dans nos campagnes  au Moyen-Âge.
Cette digression  faite, revenons à la légende de Sainte-Croix, et à la narration qu’en fait Beatrix dans la lettre adressée à Jean de Louvoyes.
 Il y est dit : «  Et cependant, chose étonnante, à peine s'est-elle arrêtée avec sa suite que survient le maître du lieu qui lui dit : - Noble dame, qu'êtes-vous venue faire ici'? J'ai rêvé que vous désiriez acheter ce domaine. »

Il ne faut pas être grand clerc pour relever que si le ‘maître du lieu’ lui propose d’acheter son ‘domaine’, c'est que bel et bien il y a maître et son domaine.

En plus de ce passage commun à la narration qu’en font Vachez et Ogier, ce dernier complète par ce passage : « … nous fîmes acheter ce terrain par deux hommes prudents et sages. Ces fonds étaient ‘exempts de tout usage et servi’, mais le susdit possesseur nous ‘devait anciennement hommage.’ »
Au total, de ces extraits, nous retiendrons les expressions : Maître des lieux – Domaine – Possesseur - Nous devait anciennement hommage.

Tous termes qui évoquent une antériorité des lieux.

Une autre description vaut la peine d’être narrée, c’est celle du testament de Thibaud de Vassalieu. Dans ce testament ce dernier exprime son désir de voir sa dépouille mortelle confiée à une sépulture située dans « ante hostium capelle antique ». Dans la chapelle antique ! Le testament a été écrit le 23 mai 1327, 47 ans après la fondation de la Chartreuse ! Thibaud de Vassalieu ne pouvait donc pas qualifier d’antique une chapelle de 47 ans d’âge, et l’on peut sans grand risque d’erreur affirmer que la chapelle qu’il désigne est antérieure à la fondation de la Chartreuse en 1280, mais la chapelle de quelle entité ? Là est la vraie question. L. Favarqc en 1896 relève cette même curiosité dans le bulletin de la Diana..

Voilà pour ce qui est de l’analyse des écrits qui nous sont parvenus (sous réserve d’authenticité de la fameuse lettre de Beatrix). Cette liste n’est pas exhaustive et nous comptons sur nos nombreux lecteurs pour la compléter.

RDP: Sur quoi repose votre conviction personnelle ?

JCD : Votre question va me permettre d’évoquer la deuxième tête de chapitre à laquelle je faisais allusion plus haut.
Etude des lieux.

Visuellement, lorsque nous nous trouvons dans la cour du grand cloître, regardant le couloir d’arrivée, c’est à dire l’école immédiatement à notre droite, nous voyons très nettement à la hauteur du premier étage un appareillage de pierres qui évoque une arrête de mur. Est également à considérer la fenêtre qui se trouve au-dessus du passage et qui était beaucoup plus haute à l’origine. Le linteau en cintre est encore visible et de facture beaucoup plus ancienne. Si l’on considère la façade regardée dans son ensemble, on s’aperçoit que la partie délimitée par l’appareillage évoqué plus haut, ressemble étrangement à ce qui est l’ancien clocher actuel. Avec un peu d’imagination – mais juste un petit peu – on se prend à rêver de l’ancienne façade d’un manoir antérieur par la force des choses à l’ancien clocher. Un autre argument peut aussi être effleuré, c’est le puits de 31 mètres qui se trouve à droite du passage. Si l’on considère que la Chartreuse a bien été érigée dans un lieu vierge de toute communauté et dont l’alimentation en eau a été réalisée suivant la technique des tuyaux en argile et d’un réservoir en charge sur la colline ouest,- ensemble qui nous est connu - on voit mal l’utilité de ce puits taillé en pleine roche sur 31 mètres de profondeur, d’autant que la rivière coule au pieds des murs. A bien y considérer, ce puits suggère davantage la réserve d’eau d’une place forte… Autre convergence à mettre au crédit d’une antériorité du lieu ?

Lors des fouilles de cette année 2005, ainsi que celles des années précédentes, des restes d’appareillage de maçonnerie ont été mis au jour sous le niveau du sol actuel, et d’après les archéologues, mais le diront-ils officiellement, ces restes sont de facture 12ème siècle.

Je vous fais grâce de l’argument qui fleurit en d’autre page et qui argue que le moulin qui existe à Sainte Croix est la démonstration flagrante de l’existence d’une communauté antérieure. C’est tout à fait vrai et je ferais volontiers mienne cette démonstration, dans la mesure où l’antériorité du moulin, - antérieur à 1280 – nous est prouvée. Ce qui, à ma connaissance, n’est pas le cas.

Pour conclure sur ce chapitre de l’antériorité éventuelle du lieu où a été fondée la chartreuse, il faut se rappeler notre description précédente de l’hypothèse, ce que nous venons d’écrire n’étant dans ce cas, que les tout premiers barreaux de notre échelle. L’accession à la réponse finale passant, à mon avis, par l’exploration de documents anciens (terriers, généalogie, etc.) faisant état du lieu, mais ces barreaux manquants vont être difficile à trouver !

Comme quoi le sujet est vaste et passionnant, et que beaucoup de travail de recherche reste à faire ou si vous le voulez, du grain à moudre !

RDP: Que vous inspire l’énigmatique prieur Dom Polycarpe de La Rivière ?

JCD :Rien de bien particulier, j'ai essayé en vain d'aller au bout de sa littérature, possédant un exemplaire d'une de ses œuvres, mais j'avoue ne pas y être arrivé. Par contre, le parcours de sa vie, et surtout sa fin ignorée, laisse planer un joli mystère, mais faut-il y voir autre chose qu'un destin personnel ? Cependant, ma réponse ne peut qu’être partielle puisqu’elle est amputée de la connaissance de l’ouvrage de notre ami Patrick Berlier. Cette lacune comblée, je vous promets de revenir sur le sujet.

RDP: En bon curieux, l’époque mégalithique, avec ses cupules et bassins, ne vous laisse pas indifférent. On peut à ce propos retrouver en rubrique « archives reportages » sur ce site une pertinente réflexion menée par vos soins sur le sujet. Retenez-vous le site des Roches de Marlin comme étant un site mégalithique majeur, détaillez votre point de vue ?

JCD : Avec votre permission, puisque vous me demandez de détailler mon propos, je vous répondrai lors d’un autre entretien. En effet, quitte à paraître léger dans mon approche des Roches de Marlin, je dois vous avouer que je ne suis allé sur ce site que deux fois et qu’à aucun moment, je n’ai eu l’impression d’être sur un site mégalithique et encore moins majeur. Tout au plus, en ai-je gardé le souvenir d’une curiosité digne d’alimenter une éventuelle légende, mais pas de trace mégalithique. Je vous promets d’y retourner dès que possible et de vous faire part à nouveau de mon sentiment.

RDP: Le menhir du Flat serait pour certains le seul menhir du Pilat. Pensez-vous que cette roche imposante puisse être à son emplacement naturel ou au contraire que ce soit l’œuvre de l’homme que d’avoir dressé droit ce mégalithe ici même ?

JCD : Là, par contre,  aucun doute possible sur l’origine mégalithique. Est-ce cependant un menhir au sens monolithique et breton du terme ? Je ne le crois pas et il serait relativement facile de conclure par des fouilles succinctes au pied de l’ouvrage. Je suis persuadé que très vite nous mettrions en évidence le fait que ce qu’il est convenu d’appeler « menhir du Flat » n’est qu’une émergence du massif rocher éventuellement retaillée. J’ai d’ailleurs toujours été étonné par le fait que cette appellation de menhir (qui n’en est vraisemblablement pas un) masque et occulte le fait que nous sommes en plein site cultuel ! Je n’en veux pour preuve que ce qui est vraisemblablement un magnifique viseur astronomique dont justement notre pseudo menhir serait la pointe du viseur et bien d’autres choses encore, si là également, ces restes d’un lointain passé ne sont pas détruits par la bêtise humaine. N’ai-je pas vu une bande d’individus se mettre en transes devant un ‘menhir’ enguirlandé de pendeloques douteuses avec dans chaque anfractuosité de rocher une bougie fumeuse. On frémit à la pensée de ce que peut devenir un tel site entre les mains de tels illuminés.

RDP: Nous vous remercions Jean-Claude pour l'ensemble de vos réponses.

En Novembre prochain Patrick nous proposera un nouveau dossier qui s'intitulera :

"Le Pilat aux temps des Romains !"

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