Rémy Robert |
Nul bien sans
peine¹ ou Les seigneurs
de Farnay Parmi
les familles nobles ayant
administré notre belle région du Jarez et des contreforts
du Pilat, nous allons
ici nous attacher à celle des Harenc de
la Condamine. Bien
entendu, il n'est pas
question de discourir au sujet d'un secteur qui serait
particulièrement
poissonneux mais plutôt d'une famille dont l'histoire nous
conduit d'Auvergne à
Farnay en passant par les croisades en Terre sainte. Une
branche de cette famille sera
la seule famille noble à avoir à la fois vécu,
être possessionnée dans le petit
village de Farnay et à porter de titre des seigneurs de
Farnay. Parallèlement,
il est à noter que
la famille chevaleresque portant le nom de
Farnay tenait ce nom d'un fief créé en sa faveur
à Doizieux. Ils y
possédaient le château des Farnanches. La
Seigneurie de Farnay, de son
coté, était au moyen-âge, entre les mains de la
famille De Roussillon. D'Auvergne à la Terre Sainte (ou d'une Terre sainte à l'autre) Harenc de la Condamine
apparaît tout d'abord comme un nom curieux. Il faudrait, en fait,
trouver
l'origine Harenc dans les seigneurs de la Roue originaires de
Saint-Anthèlme entre Forez et Auvergne, troisième
baronnie du Forez. Pierre de la Roue épousa Dauphine de Lavieu veuve du sire de
Baugé dont la fille épousa le comte de
Savoie. C'est
une branche de cette famille qui de retour de Terre
Sainte prit le nom de Harenc, par distinction, à l'occasion
d'une alliance avec
l'héritière de la maison de Harenc en
la personne de Pierre 1er de la Roue
alias Harenc. Il épousa le 4 janvier 1400, Louise
de Montouer héritière du fief de la Condamine
à Saint-Julien-Molin-Molette. Jean de Harenc,
chevalier de la première Croisade, s'était établit
en Palestine. De sa descendance Sybille de Harenc épousa Bohemond
II Prince d’Antioche. De
Saint Julien Molin Molette à Saint-Chamond (ou d'un saint à l'autre) Au fil
des lignées notre famille s'unira aux familles Sallemard,
Saint-Chamond. L'arrière
petit fils de Pierre
1er, Philippe Harenc, seigneur de
Trocésar (dont le frère Antoine II
Harenc seigneur de la
Condamine possédait le fief de Saint-Julien-Molin-Molette) épousa en 1525 Sibille de
Saint-Chamond. Il laissa, à Christophe se
Saint-Chamond, la tutelle de ses deux fils. -Louis,
l'ainé prit la succession de son
père et le titre de seigneur de Trocésar,
il épousa la fille du seigneur de
Saint-Chamond. -Artaud, le cadet, Maître d'hôtel² de
Christophe,
prit le titre de gouverneur de Saint-Chamond et de
seigneur de Farnay. Malgré
ces dons généreux, la petite intimité que j'ai pu
construire avec Artaud, malgré les
siècles qui nous séparent, m'a donné à
ressentir chez ce personnage une
certaine frustration. Ici
s'arrête
l'histoire locale officielle, ici commence notre petite histoire.
Artaud Harenc de la Condamine et de Farnay Je dois
préciser ici, que j'ai passé mon enfance dans ce qui
fut la demeure d'Artaud 1er seigneur
de Farnay, loin du monde, dans l'intimité des pierres qui dans
leur langage
chuchotent aux oreilles de celui qui veut bien entendre Avant
l'an1605, Artaud
reçoit donc de Christophe de
Saint-Chamond, une ferme. Aujourd'hui
maison sans cachet particulier, les éléments
laissent apparaître, pour l'époque, une belle ferme en
«U», typique du Jarez
avec : grande habitation, jardins, grange, grenier, écuries,
bergerie, étable
poulailler, pigeonnier , caves voutées, four à pain, des
puits, des mares et de
vastes terres. Maison
pour l'époque avec eau évier en pierre et deux belles
cheminées en pierre. Artaud me semble
donc déçu. Que s'est-il passé? Dépit
amoureux ? Artaud espérait-il avoir la main de
la fille de Christophe ? ….Recevoir le titre plus
prestigieux de seigneur de Trocésar ? Le
voilà donc cantonné dans un nouveau secteur qui portera
plus tard le nom de hameau, aujourd'hui (par la rurbanisation) de rue
de la
Condamine. Ce
domaine n'est pas le sien, il se l'approprie. Est-ce lui
qui effaça le blason de la cheminée dont le symbole a
disparu pour l'éternité?
En tout cas, il fit ériger en 1605
aux
confins de ses terre (à l'angle de la route de
Saint-Paul-en-Jarez à Doizieux
et du chemin reliant Farnay), une belle croix que nous pouvons toujours
observer. Loin d'être un don, cette croix est venue se substituer
à une autre
certainement forgée, en d'autres temps, par nos amis Chartreux.
Au pied de la croix
d'Artaud, le petit archéologue en
trouvera les restes. La croix originelle, quant à elle, est
devenue la croix de
Saint-Marc plantée sur le puits de la Condamine dans une belle
pierre à
cupules. On imagine Artaud la
plantant là en rentrant chez lui tel un trophée. La croix
de Saint Paul porte des inscriptions au nom du
noble Artaud et la date 1605.
Autrement dit « ici commence mon domaine
». J'ai
longtemps cherché l'origine de ce domaine et un lien
éventuel entre familles de Farnay et de Harenc. La famille de Lavieu
possédait au XIIIeme siècle la
maison forte des Farnanches à Doizieux. Puis, en 1597, Jacques
Mitte seigneur
de Doizieux et de Saint-Chamond rachète les terres des
Farnanches. Ces terres
ayant été aux mains de la famille de
Farnay, on imagine facilement une dépendance (ferme, droit
de cuisage) à
Farnay. Quand au fameux blason effacé sur la cheminée,
malgré un écu et un cri
tous deux très abîmés, aucun détail ne le
relie à la famille de Harenc. Les soutiens du
blason, quant
à eux, sont intactes et très
proches de
ceux d'un blason ornant l'entrée d'une cellule de la chartreuse
de Sainte Croix
en Jarez. Bien que difficilement associables ont peu imaginer un
même
sculpteur,une même époque. La cheminée faisant
corps avec le mur de
construction, semble avoir été construite en même
temps que l'habitation. Artaud,
épousa Catherine Mayosson en 1590. Il fit prospérer
son domaine: élevage,culture châtaigneraie. De leur union
naquirent cinq
enfants: deux fils et trois filles. L'un mourut à l'âge de
39 ans et c'est
Gabriel qui pris la succession avec le titre d'écuyer seigneur de la Condamine et capitaine châtelain
de Saint Paul en Jarez. Il épousa à Longes, Hélène
du Chol. Mariage d'amour peut-être (ou défaut de la
cheminée) puisque de
leur union naquirent 15 enfants. Hélène
mourut en 1675 à l'âge de 73 ans, Gabriel
en 1681 à l'âge de 90 ans... Parmi
ces 15 enfants beaucoup semblent mourir prématurément
dont Louis capitaine d'infanterie, le 31 décembre 1657 dans la
ville d'Aoste en
Piémont au service du roi d'Italie. Louise,
seconde fille de Gabriel, «fut blessée le 26
juin 1642 d'un coup d'arquebuse en la mamelle droite
par claude Godin valet domestique» elle mourut, le 4 juillet
suivant, à
l'âge de 20 ans. Deux ans
plus tard,
louis Delahaye dit Saint-amour, natif de Saint-Denis-en-France
alors
soldat, décédera, dans la grange, des suites «
d'un coup d'épée donnée à travers le corps
a luy donné par un autre
soldat» pas de bataille dans le coin ? s'agit-il d'un duel ?
D'un règlement
de compte? Les
filles de la
Condamine auraient-elle fait tourner les têtes? Deux des
filles de Gabriel continuèrent à administrer le
domaine. Connues sous la dénomination «des demoiselles De
la Condamine», elles
restèrent dans la mémoire collective comme des personnes
s'occupant des
déshérités. Puis elles sépareront la maison
en deux parties. Françoise épousa
finalement François de Saillant à l'âge de 45ans
(1699). Jeanne, mourut à l'âge
de 89 ans 1711 et fut inhumée dans la nef de l'église du
village de Farnay. Le
domaine fut vendu. Voilà
pour la petite
histoire qui complète bien la grande.
1 : Devise de la
famille Harenc
de la Condamine. 2 : Le Maitre
d'hôtel est alors un
seigneur chargé d'organiser le service de bouche et
la « domesticité ». Sources - Histoire de
Saint-Chamond et de la seigneurie de Jarez,
par James Condamin 1890. - Documents et généalogie
R.Robert 1990-2017. |