Février 2018







Par
Rémy Robert


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Nul bien sans peine¹

ou

Les seigneurs de Farnay

 

Parmi les familles nobles ayant administré notre belle région du Jarez et des contreforts du Pilat, nous allons ici nous attacher à celle des Harenc de la Condamine.

Bien entendu, il n'est pas question de discourir au sujet d'un secteur qui serait particulièrement poissonneux mais plutôt d'une famille dont l'histoire nous conduit d'Auvergne à Farnay en passant par les croisades en Terre sainte.

Une branche de cette famille sera la seule famille noble à avoir à la fois vécu, être possessionnée dans le petit village de Farnay et à porter de titre des seigneurs de Farnay.

Parallèlement, il est à noter que la famille chevaleresque portant le nom de Farnay tenait ce nom d'un fief créé en sa faveur à Doizieux. Ils y possédaient le château des Farnanches.

La Seigneurie de Farnay, de son coté, était au moyen-âge, entre les mains de la famille De Roussillon.

D'Auvergne à la Terre Sainte

(ou d'une Terre sainte à l'autre)

Harenc de la Condamine apparaît tout d'abord comme un nom curieux. Il faudrait, en fait, trouver l'origine  Harenc dans les seigneurs de la Roue originaires de Saint-Anthèlme entre Forez et Auvergne, troisième baronnie du Forez. Pierre de la Roue épousa Dauphine de Lavieu veuve du sire de Baugé dont la fille épousa le comte de Savoie.

C'est une branche de cette famille qui de retour de Terre Sainte prit le nom de Harenc, par distinction, à l'occasion d'une alliance avec l'héritière de la maison de Harenc en la personne de Pierre 1er de la Roue alias Harenc. Il épousa le 4 janvier 1400, Louise de Montouer héritière du fief de la Condamine à Saint-Julien-Molin-Molette.

Jean de Harenc, chevalier de la première Croisade, s'était établit en Palestine. De sa descendance Sybille de Harenc épousa Bohemond  II Prince d’Antioche.

De Saint Julien Molin Molette à Saint-Chamond

(ou d'un saint à l'autre)

Au fil des lignées notre famille s'unira aux familles Sallemard, Saint-Chamond.

L'arrière petit fils de Pierre 1er, Philippe Harenc, seigneur de Trocésar (dont le frère Antoine II Harenc seigneur de la Condamine possédait le fief de Saint-Julien-Molin-Molette)  épousa en 1525 Sibille de Saint-Chamond. Il laissa, à Christophe se Saint-Chamond, la tutelle de ses deux fils.

-Louis, l'ainé prit la succession de son père et le titre de seigneur de Trocésar, il épousa la fille du seigneur de Saint-Chamond.

-Artaud,  le cadet, Maître d'hôtel² de Christophe, prit le titre de gouverneur de Saint-Chamond et de seigneur de Farnay.

Malgré ces dons généreux, la petite intimité que j'ai pu construire avec Artaud, malgré les siècles qui nous séparent, m'a donné à ressentir chez ce personnage une certaine frustration.

Ici s'arrête l'histoire locale officielle, ici commence notre petite histoire.


Artaud Harenc

de la Condamine et de Farnay

Je dois préciser ici, que j'ai passé mon enfance dans ce qui fut la demeure d'Artaud 1er seigneur de Farnay, loin du monde, dans l'intimité des pierres qui dans leur langage chuchotent aux oreilles de celui qui veut bien entendre

Avant l'an1605, Artaud reçoit donc de Christophe de Saint-Chamond, une ferme.

Aujourd'hui maison sans cachet particulier, les éléments laissent apparaître, pour l'époque, une belle ferme en «U», typique du Jarez avec : grande habitation, jardins, grange, grenier, écuries, bergerie, étable poulailler, pigeonnier , caves voutées, four à pain, des puits, des mares et de vastes terres.

Maison pour l'époque avec eau évier en pierre et deux belles cheminées en pierre.

Artaud me semble donc déçu. Que s'est-il passé? Dépit amoureux ? Artaud espérait-il avoir la main de la fille de Christophe ? ….Recevoir le titre plus prestigieux de seigneur de Trocésar ?

Le voilà donc cantonné dans un nouveau secteur qui portera plus tard le nom de hameau, aujourd'hui (par la rurbanisation) de rue de la Condamine.

Ce domaine n'est pas le sien, il se l'approprie. Est-ce lui qui effaça le blason de la cheminée dont le symbole a disparu pour l'éternité? En tout cas,  il fit ériger en 1605 aux confins de ses terre (à l'angle de la route de Saint-Paul-en-Jarez à Doizieux et du chemin reliant Farnay), une belle croix que nous pouvons toujours observer. Loin d'être un don, cette croix est venue se substituer à une autre certainement forgée, en d'autres temps, par nos amis Chartreux. Au pied de la croix d'Artaud, le petit archéologue en trouvera les restes. La croix originelle, quant à elle, est devenue la croix de Saint-Marc plantée sur le puits de la Condamine dans une belle pierre à cupules. On imagine Artaud la plantant là en rentrant chez lui tel un trophée.

La croix de Saint Paul porte des inscriptions au nom du noble Artaud et la date 1605. Autrement dit « ici commence mon domaine ».

J'ai longtemps cherché l'origine de ce domaine et un lien éventuel entre familles de Farnay et de Harenc. La famille de Lavieu possédait au XIIIeme siècle la maison forte des Farnanches à Doizieux. Puis, en 1597, Jacques Mitte seigneur de Doizieux et de Saint-Chamond rachète les terres des Farnanches. Ces terres ayant été aux mains de la famille de Farnay, on imagine facilement une dépendance (ferme, droit de cuisage) à Farnay. Quand au fameux blason effacé sur la cheminée, malgré un écu et un cri tous deux très abîmés, aucun détail ne le relie à la famille de Harenc. Les soutiens du blason, quant à eux, sont  intactes et très proches de ceux d'un blason ornant l'entrée d'une cellule de la chartreuse de Sainte Croix en Jarez. Bien que difficilement associables ont peu imaginer un même sculpteur,une même époque. La cheminée faisant corps avec le mur de construction, semble avoir été construite en même temps que l'habitation.

Artaud, épousa Catherine Mayosson en 1590. Il fit prospérer son domaine: élevage,culture châtaigneraie. De leur union naquirent cinq enfants: deux fils et trois filles. L'un mourut à l'âge de 39 ans et c'est Gabriel qui pris la succession avec le titre d'écuyer seigneur de la Condamine et capitaine châtelain de Saint Paul en Jarez. Il épousa à Longes, Hélène du Chol. Mariage d'amour peut-être (ou défaut de la cheminée) puisque de leur union naquirent 15 enfants. Hélène mourut en 1675 à l'âge de 73 ans, Gabriel en 1681 à l'âge de 90 ans...

Parmi ces 15 enfants beaucoup semblent mourir prématurément dont Louis capitaine d'infanterie, le 31 décembre 1657 dans la ville d'Aoste en Piémont au service du roi d'Italie.

Louise, seconde fille de Gabriel, «fut blessée le 26 juin 1642 d'un coup d'arquebuse en la mamelle droite par claude Godin valet domestique» elle mourut, le 4 juillet suivant, à l'âge de 20 ans.

Deux ans plus tard, louis Delahaye dit Saint-amour, natif de Saint-Denis-en-France alors soldat, décédera, dans la grange, des suites « d'un coup d'épée donnée à travers le corps a luy donné par un autre soldat» pas de bataille dans le coin ? s'agit-il d'un duel ? D'un règlement de compte?

Les filles  de la Condamine auraient-elle fait tourner les têtes?

Deux des filles de Gabriel continuèrent à administrer le domaine. Connues sous la dénomination «des demoiselles De la Condamine», elles restèrent dans la mémoire collective comme des personnes s'occupant des déshérités. Puis elles sépareront la maison en deux parties. Françoise épousa finalement François de Saillant à l'âge de 45ans (1699). Jeanne, mourut à l'âge de 89 ans 1711 et fut inhumée dans la nef de l'église du village de Farnay. Le domaine fut vendu.

Voilà pour la petite histoire qui complète bien la grande.


1 : Devise de la famille Harenc de la Condamine.

2 : Le Maitre d'hôtel est alors un seigneur chargé d'organiser le service de bouche et  la « domesticité ».

 

Sources

- Histoire de Saint-Chamond et de la seigneurie de Jarez, par James Condamin 1890.

- Documents et généalogie R.Robert 1990-2017.

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