Mars 2007
Le fantastique Château de Lupé au fil du temps...

Par Thierry ROLLAT

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  Au dernier recensement, deux cent quarante et un habitants peuplaient le petit village de Lupé. Discrète et pour ainsi dire complètement anonyme, cette minuscule commune du Pilat, du canton de Pélussin, est composée de seulement cent quarante six hectares, de terrains plats et dégagés. Pourtant, ce petit village mérite amplement que l'on s'attarde sur son Histoire, sur celle précisément de son splendide et remarquable Château. En rapport à ce monument, nous allons nous apercevoir qu'existe un assez riche et lointain passé, aujourd'hui peut-être partiellement oublié ; nous verrons que ce n'est pas seulement parce que des seigneurs occupèrent ces lieux durant de très longs siècles, que cette Histoire mérite d'être dépoussiérée.

     Effectivement, le Château de Lupé s'impose aujourd'hui comme l'un des plus beaux joyaux du patrimoine du Pilat ; l'un des rares conservés dans un état qui suscite ce plus grand respect. Ce dernier demeure avant tout une superbe propriété privée qui de nos jours ne se visite plus et c'est bien dommage. Le public pourrait découvrir d'exceptionnelles rénovations réalisées sous l'impulsion d'un dynamique et chaleureux propriétaire qui a beaucoup oeuvré par lui- même pour rendre à son bien une âme toute particulière, en l'occurrence sensible et authentique, qu'elle n'a pas toujours eu au fil des siècles. 

    Faisons donc à présent un sérieux retour dans le temps...

    Il existe deux explications lointaines au nom 'Lupé'. Certains se réfèrent au latin 'lupus' qui signifie loup, autrement dit nous aurions été en présence d'un lieu infesté jadis par les loups. D'autres préfèrent y trouver une origine beaucoup plus ancienne encore, gallo romaine en l'occurrence. Dans ce dernier cas un certain Luppius, personnage romain, dont à présent on ne sait plus rien, aurait occupé cette place stratégique il y a près de deux mille ans. Notons que Lupé s'est longtemps écrit avec deux 'p', nous en retrouvons bien deux chez ce Luppius. Mais notons aussi que la ressemblance entre Lupé et Lupus finirent par faire conserver le loup comme emblème des seigneurs du coin. Difficile donc d'affirmer avec certitude la vraie origine du nom, les deux proposées demeurant finalement assez complémentaires.



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    A l'époque gallo-romaine Lupé était déjà une place stratégique de première importance. Un intéressant contrôle entre la Vallée du Rhône et le Velay pouvait s'opérer naturellement. Cette voie intermédiaire était aussi une limite géographique entre différentes peuplades: les Francs, les Burgondes et les Wisigoths.

   Un peu plus tard, vers les VI ème et VII ème siècle nous serions en présence d'une énigmatique principauté. Un chanoine, Jean Marie de la Mure, la mentionne comme telle, ceci en 1674. Nous touchons la un point très important sur les occupants de cette époque ; sur ce site ayant donc précédé le château. Un certain André Bouthiebbe signale cette famille de Lupé comme descendante d'une dynastie sacrée, celle par excellence des Mérovingiens. Cet élément, tout sauf banal, est aussi repris par notre ami Patrick Berlier dans son livre "la Société Angélique, Tome 1", ceci dans un chapitre fouillé et justement en rapport à Lupé, son château et ses prestigieux occupants en des époques diverses. 

    Etienne Mulsant nous livre également une information précieuse sur le sujet en accréditant ce lien de sang avec les premiers Mérovingiens. Il écrit 'les origines de cette maison de Lupé se perdent dans celles de la famille de même nom établie en Armagnac, dont celle de Forez était un rameau'.  Les Luppé d'Armagnac demeurent une des six familles françaises officiellement descendantes de Clovis par les hommes. Pour information les autres sont Comminges, Grallard, Gramont, La Rochefoucault et Montesquiou. 

     En ce qui nous concerne, un certain Valdebert, seigneur de Lupé, résidait à Lupé avec ses frères, ceci en date de l'an 665, toujours selon les sources de Jean-Marie de la Mure. Il intervint précisément dans les affaires de l'évêque de Lyon, le futur martyre Saint Ennemond; est mentionné comme Valdebert de Lupé en Forez. Avant la minutieuse enquête de Patrick, aucun auteur contemporain à Jean Marie de la Mure ne reprendra dans ses écrits l'existence d'une famille Lupé ayant été donc à la tête de cette hypothétique et bien mystérieuse principauté.



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    L'abbé Batia dans son livre référence "Recherches Historiques sur le Forez Viennois" énumérera seulement cinq familles qui se seraient officiellement succédées comme seigneurs ayant entre autres possédé le château de Lupé ceci entre le onzième siècle et 1923, date de la parution du désormais célèbre ouvrage du très respecté écrivain religieux. En l'occurrence et citons les déjà pour mémoire, les Falatier, les Gaste, les Bressieu, les Baume-le-suze et les Mayol.

    Les premiers Falatier auraient d'abord possédé les deux châteaux de Malleval, peut-être qu'un seul pour Visages de Notre Pilat, ceci au milieu du onzième siècle. On les retrouve au treizième siècle de façon certaine, seigneurs de Lupé. Dans le cartulaire de St Sauveur en rue, l'abbé Batia a retrouvé un écrit visant une donation faite par Guigue Falatier, ceci en 1275. Il s'apprêtait à cette date à partir en Terre Sainte, où cinq ans plus tôt nous rappel l'abbé Batia la huitième et dernière Croisade venait de se terminer à Tunis à la mort de St Louis. Nous verrons un peu plus loin qu'à cette même date, le Château de Lupé, avec l'assentiment de ces mêmes seigneurs, abrita une réunion assez exceptionnelle. Précisons qu'à cette époque et ce jusqu'au quatorzième siècle, on parlait d'une grosse maison forte en lieu et place du château. On retrouve par exemple en 1378 un certain Hugues de Falatier qui reconnaît des limites territoriales et prétend tenir du Comte de Forez 'sa maison forte de Lupé'.

    Ce château fort primitif devint une demeure de plaisance au XVème siècle sous l'impulsion des Gaste. Cette famille resta au château jusqu'à la fin du XVIème siècle. L'aspect défensif extérieur fut conservé, avec la présence d'une tour massive et d'une rangée de mâchicoulis. A l'intérieur, de grandes fenêtres prirent place donnant sur une majestueuse cour, conçue en la circonstance par l'architecte extrêmement renommé Philibert Delorme (1). On peut presque s'en interroger, au sens que ce 'château de campagne' puisse avoir retenu l'attention de cet illustre personnage.

     Les Gaste proviennent de la baronnie d'Argental, ils en étaient des chevaliers. Ils arrivent à Lupé avec Gaston Ier de Gaste qui devient seigneur de Lupé en 1423 par son mariage avec Louise Falatier. Ce même Gaston de Gaste en 1436 obtint pour son château de Lupé les droits de haute et moyenne justice (2) par conséquent les habitants de sa seigneurie n'étaient plus contraints de se rendre à Malleval pour ces types de justice. Mais il alla plus loin encore en fondant à Lupé un centre religieux qui les libéra de l'obligation de se rendre à la messe à Maclas. Lupé devint ainsi autonome grâce à l'érection d'une chapelle, annexe de Maclas. Le curé ou vicaire de Maclas devait alors célébrer une messe tous les dimanches matin et également les jours de fêtes.



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    Notons qu'en 1563 un certain Aymar François de Grôlée-Meuillon, dit Bressieu fut à la tête de ce Château. La baronnie de Bressieu était une des quatre issues du Dauphiné. Le château fut ensuite apporté en dot par une de ses descendantes, Catherine de Gaste unique héritière à son mari Rostaing de la Baume, Comte de Suze, ceci en 1598. Cette famille La Baume resta propriétaire jusqu'en 1729, où à cette date et suite à un procès, elle en fut dessaisi.

   En 1734 François Mayol le racheta. Les Mayol étaient originaires de Provence ; ils possédaient des territoires importants autour d'Aix et de Sisteron. Au début du XIXème siècle cette même famille en fit don aux religieuses de St Joseph. Ces dernières transformèrent complètement l'intérieur.

    Durant la seconde guerre mondiale, un autre Mayol, sans doute un de leurs descendants, Monseigneur Mayol de Lupé devint l'aumônier d'une division S.S. composée de Français, qui se fondit ensuite dans la division Charlemagne. Ce religieux serait précisément intervenu sur ordre des Nazis ,à Gisors en Normandie. Il aurait été dépêché sur le site du château, le point central de l'énigme révélée au grand public dans les années soixante par Gérard de Sède dans le livre 'les Templiers sont parmi Nous'. Mais nous touchons là une affaire, certes intéressante, mais qui jusqu'à preuve du contraire est sans lien avec Lupé et son Histoire. 

    Abandonné et délaissé le château de Lupé fut finalement racheté par un particulier qui avec patience, goût et courage le rénova entièrement durant ces dernières décennies.



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    Plusieurs personnages illustres auraient séjourné à Lupé. 

    Fin 1274, le château aurait donc servi d'abri discret à une réunion au sommet entre le roi de France, Philippe III le Hardi, le pape Grégoire X et les archevêques de Lyon et de Vienne. L'archevêque de Lyon était alors Aymar de Roussillon, fraîchement élu quelques mois plus tôt. Il était le frère de Guillaume, ce dernier venait d'être missionné au concile de Lyon qui vit ce même Aymar devenir archevêque. Guillaume devait alors partir en Terre Sainte (il partit en octobre 1275) à une date charnière dans l'Histoire des Croisades : il fallait sauver l'essentiel ! Il n'était plus question de renverser les forces en présence, la cause chrétienne était entendue, le repli définitif allait sonner. Dans ce contexte, gageons que cette secrète rencontre à Lupé pu servir d'échanges fructueux entre les différents protagonistes, notamment pour s'entretenir de cette impérieuse et délicate mission. Nous pensons que Guillaume était sans doute aussi présent. Patrick Berlier nous précise encore qu'à cette date Lupé se trouvait dans le saint empire germanique, cela permet d'accroître le caractère secret de cette discrète mais au combien importante rencontre.

   Rabelais a séjourné à Lupé ; il y aurait écrit certaines de ses oeuvres, mais surtout il était très proche de Philibert Delorme. Beaucoup moins sûr, mais pourtant évoqué, Nostradamus, ami de Rabelais, serait aussi venu à Lupé.

     Lupé est aujourd'hui un petit village bien tranquille, ancré au coeur du canton de Pélussin. Le château demeure à l'abri du regard du passant et du touriste. Il est pourtant merveilleux. C'est un héritage architectural du XVI ème siècle, de plan polygonal avec une cour Renaissance. 

     Autre remarque, tout près du château, la jolie petite église érigée en 1883 aurait dit-on inspiré le sulfureux prêtre de Rennes le Château, à cette époque, évidemment Bérenger Saunière, jusqu'à s'en inspirer pour réaliser la sienne. Certains croient même aujourd'hui reconnaître des saints languedociens autour de l'église de Lupé , anachroniques ici même dans le Pilat, et semblant défier le temps, comme laissés là pour nous rappeler le passage bien mystérieux dans le Pilat du célèbre curé audois. Nous demandons à être convaincus de pouvoir observer de réels saints languedociens ici même, mais néanmoins, un jour prochain, un chercheur s'engage apparemment à nous les montrer...


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    Il existe aussi à Lupé et ce depuis le XIXème siècle un chemin de croix. Il comporte 30 stations, bâties en murs de pierres, où les statues ont été retirées. Par le passé, le vendredi saint, le curé suivait ce chemin de croix et s'arrêtait durant ce trajet cérémonieux à chaque station.

    Pour finir, notons que comme tout château qui se respecte, une légende de souterrains accompagne l'histoire d'un tel bien. Rien de concret à notre connaissance.

    En revanche et suivant une piste-rumeur, en 1988, il a été réalisé une étrange manoeuvre sous la direction des pompiers du canton. Le puits du château fut vidé en totalité de son eau et là une découverte intrigante s'est manifestée. A près de sept mètres sous terre, taillée dans le granit, une cavité-réserve d'eau conséquente, est apparue aux intervenants. Qui a creusé à même le rocher cette importante pièce ? A t-elle toujours eu fonction de réserve d'eau ? A qu'elle époque a t'elle été réalisée ? Toutes ces questions sont restées sans réponse ; ces doutes contribuent à entretenir encore aujourd'hui un petit mystère lié directement au merveilleux château de Lupé.



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(1) C'est très flatteur que de retrouver cet illustre architecte comme repenseur de la conception toujours actuelle du château de Lupé. Philibert Delorme est né à Lyon vers 1510, d'une famille maître maçon et mort en 1570 à Paris. Admirateur de l'Antiquité, Delorme est considéré comme le prometteur de l'architecture classique en France. Son oeuvre théorique se retrouve dans son livre "l'Architecture" qui aura un retentissement considérable pendant près de deux siècles. Il est surintendant des bâtiments, architecte de Fontainebleau sous Henri II, puis des Tuileries et du Château Saint-Maur pour la reine mère Catherine de Médicis. Il réalise notamment le tombeau de François Ier (1547) et travaille au château d'Anet (1547/1555). Son séjour à Lyon est court mais il marque toute l'architecture lyonnaise de son empreinte, car on copiera son style pendant un demi-siècle. Il réalisa entre autres et pour exemple la somptueuse rénovation du Château de Jarnioux dans le Beaujolais, propriété qui se visite justement lors des journées du patrimoine.

   La cour Renaissance du château de Lupé est précisément son oeuvre. Philibert Delorme a aussi laissé un patrimoine remarquable dans le vieux Lyon. C'est lui qui connaissait particulièrement  Rabelais et qui 'l'invita' à séjourner au château de Lupé, justement lorsqu'il entreprenait les travaux de rénovation du château. Notons qu'ils étaient tous deux membres de la ténébreuse Société Angélique ; Patrick y revient largement et admirablement dessus, notamment dans le Tome 2 de son livre "la Société Angélique" que vous retrouvez dans notre rubrique librairie. Indépendamment, on prête à Philibert Delorme un acte particulier, celui d'avoir sur commande mis enceinte la belle-fille de François Ier, la célèbre Catherine de Médicis, épouse d'Henri II ; ce dernier étant dit-on déficient à ce niveau-là. Cette anecdote demeure sérieuse et apparemment authentique ; cette idée et initiative proviendrait directement de François Ier, alors admiratif et proche de Philibert Delorme et qui voulait assurer ainsi la descendance royale de son fils. Retenons que cette descendance prendra forme en la personne de François II. Grasset d'Orcet, adepte de la langue des oiseaux, décryptera des oeuvres de Rabelais qui en son temps développait déjà cette affaire d'adultère 'sur commande', au plus haut niveau du royaume.

(2) Haute Justice : justice pour les crimes, ce droit donne la possibilité de prononcer les condamnations à mort et de les 
      exécuter.
      Moyenne Justice : justice (entre la basse et la haute) pour des délits graves mais ne méritant pas la mort.
      Basse Justice : justice ordinaire, pour les petits délits.

Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur le sujet, je vous invite vivement à lire les "Société Angélique" de Patrick Berlier, sorties en 2004 et 2005 et présentées dans notre librairie. On peut y découvrir une quantité considérable d'anecdotes, de recherches, de faits historiques incontestables. Vous pouvez également, si ce n'est déjà fait, acheter l'incontournable livre du Patrimoine du canton de Pélussin, réalisé par Visages de notre Pilat et édité en 2004. Le village de Lupé, ainsi que le château ont un chapitre à leur intention. De merveilleuses photos accompagnent les pertinents commentaires de Pierre Dumas. Enfin, et toujours disponible auprès de Visages de notre Pilat, vous pouvez vous rapprocher du célèbre ouvrage de l'abbé Batia "Recherches historiques sur le Forez-Viennois" et publié en 1923.

Vous avez là, l'essentiel de mes sources. Je suis à votre disposition pour plus de renseignements.

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