LES GUERRES DU
PILAT
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Septembre 2011 |
Le combat de
Malifaux
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Pour ce nouveau dossier consacré aux guerres du Pilat, nous abandonnons provisoirement le récit de batailles historiques pour entrer dans le domaine des batailles légendaires. Mais comme l’a dit un grand penseur : « derrière la fumée des légendes se cache toujours le feu de l’Histoire. » Avec l’article consacré
à
l’énigme de la Font-Ria, dans la série sur les eaux du
Pilat, nous avions fait
la connaissance de Louis Jacquemin, prêtre de la paroisse de
Saint-Genest-Malifaux
au XVIIe siècle, et poète
à ses heures. Il est l’auteur d’un texte, daté
de 1623, intitulé « Antiquitez du lieu de Saint-Genez
de Mallifaut et
environs. » Par
modestie (ne signe-t-il pas « L. Jacquemin,
prestre indigne », signe d’humilité d’un jeune
ecclésiastique encore ému
de son tout récent sacerdoce ?), il le fera réciter
par le jeune François
Rousset, fils du notaire royal Jehan Rousset. C’est dans ce
poème qu’il évoque
la Font du Roy, devenue par déformation patoise Font-Ria. Le
narrateur y est
interpellé par une nymphe qui lui enjoint de quitter ce lieu, ou
de chanter par
ses vers sa renommée, qu’elle va lui faire connaître :
A
caché,
jusqu’icy, aux peuples de la France. Je
te feray
scavant de ses antiquitez ; Je te veux
faire voir toutes ses raretez. Suit un récit mouvementé, racontant comment le grand Hercule, aidé de ses soldats gaulois, a chassé les brigands des bois du Pilat. Histoire imaginaire mais sans doute inspirée du récit d’une bataille ancestrale, remontant peut-être à l’époque romaine, déformé et enjolivé au fil des siècles. C’est surtout un prétexte à calembours approximatifs, comme on les aimait en ce début de XVIIe siècle, tentant d’expliquer, par les divers épisodes de ce combat, les toponymes rencontrés autour de Saint-Genest-Malifaux. |
Vue générale du site de Saint-Genest-Malifaux |
Hercule donc, non content d’avoir accompli ses douze travaux, arrive un jour dans les bois de Saint-Genest pour en déloger les brigands qui en avaient fait leur repaire. Louis Jacquemin précise en préambule :
La
Tesbaide
d’Egipte ils aloyent surpassant Sans
nimphes, sans échos, grandz, désertz et toufus, Pleins
d’espines, de ronces et de buissons confus
Ce
fut au
bois Terné où se ternit leur gloire, Car
là on
commença à gaigner la victoire, La
plus
grande part pourtant s’enfuirent eschapez Jusqu’au
boys de la Trappe où ils furent attrapez. |
Le
Bois de la Trappe (carte
postale ancienne)
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Les brigands, poursuivis par les soldats gaulois, s’enfuient plein sud, ils franchissent la Semène, obliquent à l’est et tentent de trouver refuge dans le bois de la Trappe, au sud de Saint-Genest. Là ils sont attrapés, pris au moyen d’une trappe, puisque telle est en effet l’origine du nom Trappe. Dans ce bois devaient se trouver des pièges pour animaux. Les survivants, fuyant toujours vers l’est, sortent du Bois de la Trappe pour gagner le Bois du Sapt : Fuyons, dit
l’un à l’autre, il faict trop chaut derrière. |
Carte du combat de Malifaux |
Bien
qu’il
perdît des siens, ne perd pas l’espérance, Se
jete en
Mont-reveil, où plusieurs ses amys Au
doux
zéphir du boys s’estoient là endormis. Il
les
réveille tous, au combat les exorte : Il
faut
mourir ou vaincre, ainsi l’honneur s’emporte ; |
Le
coude de la Semène et les
premières pentes de Montboissier
|
Le chef
des bandits descend alors
plein est pour gagner Mont-reveil, autre toponyme qui semble né
de l’imagination
de l’auteur, aux fins de calembour, puisqu’il s’agit en
réalité de Montravel, jadis
propriété d’une famille Ravel. Le chef et ses troupes
fraîches poursuivent
plein est, tandis que l’autre partie depuis Chaudaret traverse le Bois
du Sapt
d’ouest en est, puis oblique plein nord dans le Bois Frison pour gagner
le Bois
Cognet. Les deux colonnes de brigands se rejoignent alors vers le
hameau de la
Pauze, aux abords du Grand Bois, sur les rives de la Semène.
Mauvais choix car
là les attend Hercule et le gros de sa troupe. Le combat
s’annonce
farouche : Puis les
ayant rangé, gaignent vers le Grand-Boys. Mais
Hercules premier y avoyt ses Gauloys, Qui là,
en
embuscade, avoit faict une pause. |
La Pauze en hiver, siège du combat principal (photo P. Berlier) |
Louis Jacquemin nous livre alors le récit « de ce mortel combat, qui fuit, qui suit, qui tue, qui abat, qui débat », au long d’une quinzaine de vers librement inspirés des Odes de Ronsard. Au final les brigands sont décimés : Et
leur sang
frais versé fit tout rougir ses bordz ; Où
les
soldatz vaincueurs, d’arc et de pertuisanne Les
pamairent de vie, et Moriane, pour lors, Fut
toute
ensanglantée et couverte de mortz, Louis
Jacquemin tente d’expliquer ce toponyme Les Selles, proche du
château de Pérusel, dont l’orthographe ancienne La Celle
(1542) indique en réalité
un ermitage, du latin « cella » qui a
donné le mot cellule, au
sens monastique du terme. Mais comme beaucoup de toponymes de cette
origine, le
nom incompris a été transformé en
« selle », un mot beaucoup plus
familier.
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Le Bois Farost (carte postale ancienne) |
Quelques survivants tentent alors de se cacher dans le tout proche Bois Farost, mais Hercule les y attend pour les « dépescher » (exterminer, en ancien français). L’auteur nous explique alors que quelques très rares rescapés s’installent sur le lieu où ils sont et s’y enracinent pour échapper à la guerre, ce qui serait à l’origine de quelques toponymes des environs. C’est ainsi que le Bois Farost devrait son nom au fait que le roi des brigands y avait trouvé refuge : Qui avoit
honnoré en Egipte les roys ;
Qu’il estoit
plein de biens avant que d’estre nay, Premier
bastit Pléné et les champs d’alentour Lors luy
furent donnés pour estre son séjour.
À cause
des
grands maux que l’on y souloit faire [qu’on avait l’habitude d’y
faire] ; Mais lon
changea son nom, son malheur en bonheur, L’appelant
Mallifaut [mal y faut, y fait défaut], privé de
tout malheur,
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Le village de Saint-Genest-Malifaux aujourd’hui |
Un détail à la fin du poème attire l’attention :
Les plaines
d’alentour, les vallons et les crouppes,
- « Deux sources qui parlent – l’énigme de la Font-Ria », par le Père Jean Granger, édité par ses soins en 1971. - « Dictionnaire topographique du Forez », J.-E. Dufour, Macon, imprimerie Protat frères, 1946. - « Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France », Albert Dauzat, Larousse 1963. Et du même auteur « Dictionnaire étymologique des noms de rivières et de montagnes en France », éditions Klincksieck 1982. |