REPORTAGE REGARDS DU PILAT
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JUILLET 2007

MALLEVAL
ET LES ÉNIGMES DE LA MAISON DU PENDU


Maison du pendu

    Malleval est un lieu magique chargé d’histoire. C’est tout le charme pittoresque du style Renaissance de la fin du XVIe siècle que le village nous offre aujourd’hui, avec par exemple la Petite Sorbonne, la Maison des Prébendes, ou l’étonnante Maison de la Gabelle. La balade amène invariablement le promeneur à s’arrêter quelques minutes, dans la ruelle montante longeant cet ancien grenier à sel, devant la maison dite « du pendu ». Ce petit bâtiment, dont le nom véritable (et curieux…) est Maison du Beffroi, est pourtant plus modeste que les autres demeures remarquables de la cité, mais la curiosité, et la réputation légendaire du lieu, suffisent à retenir les passants. Deux énigmes s’offrent alors à leur sagacité, celle des ossements et celle du médaillon. Vont-elles enfin être résolues ?
L’ÉNIGME DES OSSEMENTS
    Pourquoi ce nom « Maison du Pendu » ? Il suffit de lever la tête pour obtenir une partie de la réponse. Au-dessus de la porte, quatre os grisâtres plantés dans la maçonnerie de la façade, dominent les visiteurs et les interpellent : s’agirait-il de tibias humains ? Une croyance populaire affirme : « On plantait dans les murs des maisons les ossements des pendus pour attirer l’attention des passants ! ». Des pendus, il y en eut certes à Malleval, et plus d’un, à l’époque où ses seigneurs avaient le droit de haute justice. Le lieu des exécutions était situé à l’entrée des gorges du Batalon, en contrebas du château de Volan, sur une éminence rocheuse dominant la vallée du Rhône. Les condamnés étaient amenés à pied depuis la prison de Malleval, et tout au long du chemin champêtre ils avaient le loisir de contempler une dernière fois la nature et d’implorer la clémence divine. Aujourd’hui, le sentier pédestre de Volan suit cet itinéraire. On voit encore le rocher taillé en forme de cube, sur lequel était fixée la potence, que des crampons de fer arrimaient solidement à la pierre grâce à quatre petites perforations latérales. Autrefois on trouvait en ce lieu une plante qui ne pousse dit-on qu’au pied des gibets. Il s’agit d’une variété d’anémone pulsatille d’un noir violacé, dite « larmes des pendus ». Mais des prélèvements sauvages et répétés ont fini par la faire disparaître.
    Attendait-on que les corps des suppliciés fussent décharnés, dévorés par les oiseaux charognards alors qu’ils se balançaient aux quatre vents, pour récupérer leurs ossements et les planter dans les façades des maisons ? On dit encore que ces restes macabres auraient été placés là pour effrayer et faire fuir les voyageurs, au temps où Malleval était occupé par des brigands. Mais tout a une fin, même les croyances populaires ! On sait aujourd’hui, grâce aux analyses effectuées en 1994 par le Laboratoire Européen d’Anthropologie, que les os de la Maison du Pendu proviennent d’extrémités de membres de chevaux, plus exactement des doigts de pieds, métatarse ou métacarpe. D’ailleurs Malleval n’est pas un cas unique, par exemple des ossements identiques sont visibles à Pélussin, sous la halle, dans le mur coté est, et même dans le pays lyonnais à Saint-Maurice-sur-Dargoire. Sans doute s’agit-il d’une tradition architecturale dont la finalité semble avoir été pour le moins oubliée.
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L’ÉNIGME DU MÉDAILLON
   L’autre élément décoratif de cette maison est un médaillon censé représenter un monogramme de la Vierge. On y a vu en effet l’entrelacement des lettres A et M, initiales de la formule AVE MARIA, mais cette explication ne tient pas compte des autres éléments composant l’inscription, deux demi-cercles opposés et deux « queues » aux pointes du A et du M supposés. En réalité, les lettres formant le symbole du médaillon ne sont pas latines mais grecques !

En 1614, le roi Louis XIII et son épouse Anne d’Autriche créèrent l’Ordre de Sainte Madeleine, sur proposition du gentilhomme breton Jean Chesnel. L’emblème héraldique de cet ordre chevaleresque était composé des éléments suivants :
- Lettre grecque Mu, équivalent au M latin, pour Madeleine.
- Deux lettres grecques Lambda (posées tête-bêche), équivalent au L latin, pour Louis.
- Lettre grecque Alpha, équivalent au A latin, pour Anne.
- Deux cœurs entrelacés (Louis et Anne) et superposés tête-bêche, percés d’un dard (l’amour divin frappant le cœur de l’homme avec la soudaineté d’une flèche).
La superposition de tous ces éléments permet d’obtenir le tracé du médaillon. Reste le problème des quatre petits signes placés également à l’intérieur du médaillon, au-dessus et au-dessous du tracé. Doit-on considérer ces signes, peu aisés à décrypter, comme des chiffres ? Est-ce une date ? Celle de à la création dans la région d’une section locale de l’Ordre de Sainte Madeleine ? En 1622 le roi Louis XIII et Anne d’Autriche séjournèrent à Condrieu pour y recruter des mariniers, la cour devant se rendre au siège de Montpellier, mais les chiffres ne paraissent pas correspondre. On peut évidemment admettre une imperfection de la part d’un sculpteur illettré, qui aurait reproduit telle qu’il la voyait une matrice de sceau, à l’envers donc.

          Médaillon énigmatique
    L’autre question qui se pose est celle-ci : y avait-il un rapport entre l’Ordre de Sainte Madeleine et les ossements ? Ou ceux-ci ont-ils été plantés dans la façade à une époque plus récente ? On peut voir sur le linteau de la porte la date 1828 ; cette pierre est sans doute un linteau de cheminée récupéré, cette partie-là au moins de la façade a dû être refaite au XIXe siècle. La Maison du Pendu conservera malgré tout une part de mystère.
Patrick Berlier

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