FARNAY TERRE A
CUPULES (4ème Partie)
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OCTOBRE 2015 |
AR-MEN-IR couché ![]() par Rémy Robert
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Il
y a 10 ans déjà, j’ouvrais un
petit carnet résumé d’un précédent. Il
commençait en ces termes : « il y a
un peu plus d’un an, sans
m’en rendre compte, je débutais des
« recherches historiques locales ». Mes
promenades dans ma campagne
natale ont été à l’origine de découvertes
telles que…… » J’ouvre
volontiers la porte du
suspens. Mais, je dois surtout avouer que plusieurs carnets se sont
remplis et
qu’il me faudrait bien des lignes et du temps pour en témoigner.
C’était en
fait et surtout des redécouvertes surgissant d’un passé
où petit enfant, je me
baladais avec mon grand-père. Cette nouvelle démarche a
vite pris une dimension
initiatique. Au
milieu de toutes ces
notes j’inscrivais «
parmi les découvertes remarquables notons « depuis
Farnay
entre la Condamine et Vergelas peu après le petit bois, à
droite au-dessus du
chemin, un site comportant une belle pierre couchée en forme de
Menhir ». Voilà
donc où se situe l’objet de
notre chapitre. Un
site, une pierre. J’emploie
volontairement, ici, le
terme de Menhir en partant du bas breton qui qualifie les
obélisques d’
AR-MEN-IR (de Maen : pierre,
Hir :
longue et Ar comme équivalent du Al arabe et correspondant
à notre article
définit le ou la). Nous sommes effectivement en présence
d’une longue pierre de
forme oblongue tel un obélisque et non pas d’une pierre
plantée droite. La
tentation est pourtant grande
de l’imaginer redressée et voilà donc une pierre
levée que l’on aurait
renversé. Pour être tout à fait objectif, il est
peu probable qu’elle fut un jour un menhir
mais plus
certainement, comme en témoigne Louis-pierre GRAS dans son Essai
de
classification¹, un palet
c’est-à-dire une sorte de table de pierre. Pour
reprendre les mots de ce même auteur « interrogez ces
pierres, dit le Prophète,
et ces pierres vous répondront ! ». Mais
comme nul est prophète en
son pays, je n’en ai pas vraiment les secrets. Toutefois une
description du
site est incontournable. Une
pierre, des cupules Cette
pierre fait partie d’un
ensemble. Nous nous trouvons au-dessus d’un chemin bordé de murs
de pierres
sèches. Ici et là dans les éléments de
schiste constituant ce mur, des cupules
sont gravées. On imagine alors un ensemble plus vaste ayant
servi de carrière
pour la construction. Combien de ces roches auraient alors
été débitées pour
construire les habitations des hameaux avoisinant ? Ainsi,
au départ de notre chemin
se trouve au lieu-dit « la condamine » un ancien
puits surmonté d’une
croix (réemployée) et couvert par une large pierre
circulaire à cupules. Le
curieux retrouvera son double au cœur du village de Farnay. Et nous
allons le
voir, cette histoire est aussi une histoire de double. Mais
revenons à notre site.
Depuis le chemin nous sommes à flanc de colline. Au sommet, la
vierge de Farnay,
puis Tetrette. Dans une autre axe la pierre Marcelline et les roches de
Marlin. Juste
en contrebas de notre
chemin un pierrier ou, comme nous dirions dans notre patois locale, un
Mollard
c’est-à-dire l’équivalent d’un Tumulus. Au-dessus, une
vaste pâture et en son
milieu ce que je qualifierai de fourrés, c’est-à-dire un
ensemble épais
d’arbrisseaux et de ronces. C’est ici que ce trouve notre pierre. Les
troupeaux
ne s’aventurant pas sur cette zone rocheuse, le site semble avoir
été préservé.
C’est en contournant ce fourré par la droite en sa partie haute,
que nous
trouvons notre modeste monument. Notons que le terrain, sous le site,
présente
deux décaissements circulaires importants et symétriques. La
pierre se trouve donc couchée
suivant le sens de la pente. Elle est en forme d’obélisque sa
partie la plus
large vers le haut se réduisant selon l’inclinaison du terrain.
Tel un menhir
renversé ses dimensions sont approximativement de 1,5m pour sa
base pour une
longueur de 3m. Il est à remarquer que cette pierre est fendue
et pratiquement
dédoublée dans son épaisseur ce qui la dissocie du
terrain. Des fouilles plus
poussées et un terrassement archéologique permettraient
de donner une réponse
concernant une éventuelle
« dé-solidarité »
de l’ensemble avec le sol rocheux. Cela révèlerait
peut-être d’autres mystères. La
voici donc couchée telle une
table. Sur sa surface, diverses cupules ainsi qu’une croix
gravée ou plutôt un
« + » dont les branches mesurant environ 10cm
chacune sont orientées
de manière cardinale et se terminant en son nord par une cupule.
Est-ce une
marque de christianisation ou un repère autre ? Tout
autour, dans les fourrés,
nous retrouvons des cupules sur des roches émergeantes ainsi que
plusieurs
pierriers. Il
est coutume de donner un nom à
ces pierres. En d’autres temps, elles furent qualifiées de
diaboliques. La
toponymie ne nous aide pas beaucoup en ce secteur. Toutefois l’Atlas
cantonal
de 1887 me donne le nom d’un hameau disparu proche de ce secteur sur la
commune
de Saint-Paul-en-Jarez : « Bresson » La
carte de Cassini nous
situe « Berson » et de nos jours, le Chemin
de « Brosson »
nous mène depuis Saint-Paul à une belle
ferme typique du Jarez en contrebas de notre fourré. Ce chemin
se poursuit, en
fait, au-delà de la ferme passe par des ruines et arrive
à proximité de notre
site. C’est encore L-pierre Gras qui, dans son dictionnaire du
Patois²,
nous donne une traduction de Bresson : Jumeau. Je
m’autorise, alors, à baptiser notre
pierre « pierre bresson ». La
christianisation de certains
de ces sites, les appellations « pierre du
diable » nous montrent que
le culte a perduré et qu’il a été combattu ou
assimilé par l’Eglise. 1/
Essai de classification des monuments Pré-historiques du Forez,
L-Pierre Gras, 1872, imprimerie A Huguet, Montbrison. 2/
Dictionnaire du Patois Forezien, L-Pierre Gras, ED du Bastion, 1863.
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