RUBRIQUE
TERRE SAINTE

Septembre 2016












Par
Michel Barbot


<RETOUR AU SOMMAIRE DE LA GRANDE AFFAIRE>


LA *MENORA OU LA MONTÉE DES 39 MARCHES




*La Menora est le nom donné au célèbre chandelier d'or à sept branches du judaïsme. On utilise indifféremment les orthographes Ménorah ou Menora, cette dernière étant préférée des puristes. Nous utilisions déjà cette orthographe dans l’article « LUMIÈRE MESSIANIQUE SUR LE MARIAGE DE LA VIERGE » consacré au curieux vitrail de l’église de Véranne.

 

Détail du vitrail de Véranne : la Menora

 
«  Et tu feras un chandelier d’or pur. D’une seule pièce sera fait le chandelier ; son pied et sa tige, ses coupes, ses pommeaux et ses fleurs viendront de lui. Six branches sortent de ses côtés : trois branches du chandelier d’un côté, et trois branches du chandelier de l’autre » Exode 25 : 31 et 32 – Traduction du Rabbinat Français adaptée au Commentaire de Rashi sous la direction de Monsieur le Rabbin Élie MUNK – Fondation Samuel et Odette Levy.

Rashi le grand commentateur médiéval, commentait : « D’UNE SEULE PIECE SERA FAIT LE CHANDELIER. On ne doit pas le faire par morceaux, et on ne doit pas faire ses branches et ses lampes membre par membre et les rattacher ensuite, comme font les orfèvres, ce qu’on appelle en français soulder. Mais tout doit venir d’une seule masse »

Moïse éprouvait quelques difficultés à concevoir la Menora. Aussi Dieu sur le Mont Sinaï dit à Moïse : « Regarde et exécute selon, le plan qui a été montré sur la montagne. » Cette traduction de la Fondation S. et O. Levy est accompagnée du commentaire de Rashi : « REGARDE ET EXECUTE. Regarde ici sur la montagne le modèle que Je te montre. Ce qui indique que Moïse était embarrassé pour faire le chandelier, jusqu’à ce que le Saint Béni soit-Il lui ait montré un chandelier de feu ».

Le texte hébreu comporte ici une certaine ambiguïté. André Chouraqui traduit : « Vois et fais, selon leur modèle qui t’a été montré sur le mont. » Samuel Cahen (1831-1851 - Transcription DJEP 2014) traduisait : « Regarde et exécute selon leurs modèles qu’on te fait voir sur la montagne. »

« Selon leur(s) modèle(s) » : « BéTabniytam ». Bé = d’après, selon – Tabniyt = plan, modèle, patron. Le Mem final (M) serait pris ici pour le mot Hem = leurs. Difficulté de traduction… Faut-il traduire ce M ? Et dans l’affirmative, faut-il le traduire au pluriel ou au singulier ? La majorité des traducteurs ne le retiennent pas, d’où cette traduction : « selon le modèle (le plan) ». La traduction du Mem final sous-entend un prolongement de lecture. Que cache ce « leur(s) » ? La réponse pourrait être double. Ce « leurs » pourrait désigner  tout à la fois les êtres qui montrèrent à Moïse le Chandelier de feu ou Menora shel èch, soit des anges… Des anges spécialisés dans le luminaire, mais aussi le nombre pluriel des luminaires dont Moïse observe un modèle, dans l’éventail d’une gamme existante. 

Cette seconde hypothèse interroge. S’il existe toute une gamme de Chandeliers, pourquoi Dieu ne donne-t-il pas directement un exemplaire de cette Menora ? La réponse serait que l’exemplaire de Menora shel èche observé par Moïse sur le Mont Sinaï, fut observé en vision, de manière holographique.

 

La Menora
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TAL, ou la rosée de la Menora, l’amandier d’or

Gérald Scozzari publie dans le N° 413 de la revue ATLANTIS, sous le titre « Ésotérisme philatélique : Hitler caché dans l’arbre et la Menora de l’archevêque suédois », une très intéressante étude dans laquelle il évoque un sujet rarement étudié, la Menora dans la philatélie. Bien que l’auteur de l’article ne développe pas en ce sens, nous pourrions envisager dans le thème « Hitler caché dans un arbre », l’attrait du chancelier pour, non seulement la Menora, mais aussi pour… la Cité Bleue qui sera évoquée plus avant dans cette étude. G. Scozzari évoque trois timbres énigmatiques émis pour le premier en 1947, pour le second en 1964 et pour le troisième en 1967. Au sujet du premier, l’auteur nous apprend : « […] en 1947, la Saar était occupée par la France. On fit remarquer qu’un timbre émis cette année-là présentait une "curiosité" occulte : entre les jambes d’un ouvrier de haut fourneau, le charbon dessinait (à l’envers) un portrait – certes minuscule mais bien lisible – d’Adolphe Hitler. Les émissions suivantes furent vite "noircies" à l’emplacement du portrait ; pourtant, ce n’était pas très flatteur pour l’auteur de Mein Kampf de finir ainsi sur un support réputé prestigieux au niveau national… »

Voir aussi sur le sujet http://timbreserrones.niloo.fr/cadre39.htm

Au sujet du second timbre, l’auteur écrit : « En 1964, on retrouve le portrait sur une émission de la Deutsche Bundepost : 50/Ellwangen/ Jagst, brun. Il est à l’extrême droite, et au faite d’un arbre stylisé près de la majestueuse porte de château d’Ellwangen. Le dessinateur profitait d’une coïncidence : le château d’Ellwangen renvoyait, "en filigrane", au dernier bunker luxueusement protégé du Führer. Hitler y est plus aisément reconnaissable que dans l’émission de la Saar. »

Au sujet du troisième timbre, l’auteur écrit : « En 1967, le graphisme de ce timbre fut changé : du brun militaire il vira au bleu nocturne paisible, et l’arbre très stylisé et dépouillé, se fondit en d’autres frêles silhouettes sylvestres… »

 

Le timbre de 1964
En médaillons: quelques uns des visages cachés dans l'arbre
File:DBP 1964 458 Bauwerke Schlosstor Ellwangen.jpg
Voir aussi sur le sujet http://timbreserrones.niloo.fr/divers.htm

Gérald Scozzari évoque ensuite un timbre suédois bien énigmatique :

« Terminons par une curiosité historique de taille, avec le timbre émis en Suède le 15 janvier 1966, et représentant l’archevêque Nathan Söderblom (1866-1931), dont le manteau est orné d’une belle Menora, le chandelier à 7 branches du culte hébraïque.

« Ce timbre à 55 dents (le côté supérieur n’en possède pas), c’est-à-dire 5 x 11 – où 11 est un chiffre-clef de l’alphabet hébreu qui est composé de 22 consonnes et présente une symétrie avec basculement à la 12e lettre. Or, 5 est une clef chiffrée ésotérique liée à la Menora. Le talmudiste Hillel Roiter fait remarquer :

« un passage biblique des Nombres (VIII, 1-4), dans lequel le mot menora apparaît quatre fois, renferme, pour qui sait chercher, une cinquième menora "codée". En effet, si on compte par intervalles de 39 lettres à partir du M du premier menora, on trouve successivement un N, un R et un H, quatre lettres qui forment un cinquième MeNoRaH, puisqu’en hébreu seules les consonnes s’écrivent. Une coïncidence d’autant plus frappante que dans l’ésotérisme hébraïque, le nombre 39 est depuis toujours lié à la menora ! » (Kountrass, n° 38).

« 39 intervalles… c’est-à-dire les 39 marches d’accès à la Lumière divine des 7 planètes de l’antique tradition.

Gérald Scozzari évoque ensuite dans son étude, le lien exotérique unissant Clef et Menora : « partant pour l’exil en 1492, les Juifs d’Espagne emportèrent avec eux leur menora, bien sûr, et comme dernier souvenir la clef de leur maison : d’où leur symbole de '' menora à la clef ''. »

Gérald Scozzari termine sa pertinente étude en évoquant un mystère italien lié à la Menora :

 « L’ésotérisme hébraïque s’affiche même, en Italie moderne, au grand jour – une tradition locale vieille de 4 siècles au moins : pour l’exposition '' Deux mille ans d’art et de vie juive en Italie ''  (Ferrare, mars-juin 1990), les concepteurs ont écrit Italia… I TAL YA’, c’est-à-dire en hébreu : île (I) de la rosée (TAL) divine (Ya’). Mais signifie également agneau-pur comme la rosée (un des multiples noms de l’agneau, en hébreu biblique) et cette fusion Alchimie et Mystique n’est pas pour déplaire au traditionaliste… Au centre de l’affiche : une menora de l’antiquité romaine (4e s. ap. J.-C.) »

Après cette pertinente étude nous ne pouvons que prolonger en affinant ce nombre 39 traditionnellement lié à la Menora. En effet, la langue hébraïque écrit le nombre 39 avec un Lamed (30) et un Teth (9). Lire 39 en hébreu, c’est aussi lire LaT. Le Dictionnaire Hébreu-Français biblique de Sander et Trenel évoque un mot LaT et renvoie au mot LouT apparaissant également sous la forme LaaT. Ce mot en tant que verbe signifie « couvrir », « envelopper », d’où le mot « voile ». Exemple donné par le dictionnaire : « (il fera disparaître le voile qui voilait, enveloppait tous les peuples » (Isaïe 25-7). Le dictionnaire poursuit : « une autre forme du part. ou adj. est [*] secrètement, doucement, sans bruit ».

Ici apparaissent deux lettres hébraïques le Lamed et le Theth et donc le mot LaT.

Ce mot en tant que verbe indique également le dictionnaire signifie : « agir, opérer secrètement » d’où le pluriel LaTim : les arts secrets, la magie. Exemple donné ici : « Exode. 8.3, les devins, ou les magiciens, firent la même chose par leurs enchantements secrets. » Enfin, si nous lisons le mot LaT qui est aussi le nombre 39, dans l’autre sens, nous découvrons le mot TAL : la « Rosée »… I TAL Ya’ !

 

Le peintre Chagall et le mystère de la Menora

L’ange porteur de Menora rencontré plus haut, répond présent dans les Midrachim ou contes juifs. Il apporte la Lumière aux hommes. Marc Chagall, peintre aux origines juives, a su utiliser au mieux ce thème, notamment dans ses tableaux représentant des mariages placés sous le sceau de l’Amour et de la Lumière symbolisés par la Menora. L’une de ses œuvres les plus étranges sur le sujet reste Le Songe de Jacob dans le lequel la tradition juive apparaît associée à la tradition chrétienne.

 

Marc Chagall, Le Songe de Jacob (huile sur toile de 1960-1966)
(Musée national Message biblique Marc Chagall, Nice
© Adagp, Paris 2010)

 
Le tableau n’est que symbole. Deux paysages s’offrent à nous. Dissociés non pas dans l’espace mais dans le temps, ces deux paysages sont réunis par la colline où repose Jacob représenté ici comme un homme rouge, bien que cet attribut fut celui de son frère Ésaü le Roux qui lui vendit son droit d’aînesse contre un plat de rouges, de lentilles. Le tableau par son schéma, semble reformuler une partition héraldique : le Parti (1 et 2), surmontant en pointe une Champagne (3).

 

Parti et Champagne

 
La lecture du tableau pourrait donc se faire de façon héraldique : « Parti au 1… et au 2… à une Champagne… »

Le « Parti au 1… » se rapporte pour le tableau à l’échelle, ou Soulam de                            Jacob. Le 1 met en valeur les tons rouge et violet, tandis que le 2 affirme le ton bleu. Le rouge et le bleu, de gueules et d’azur, soit deux couleurs complémentaires dans le blason. Nous retrouvons dans ces deux couleurs héraldiques, les deux couleurs du blason oublié sur lequel Thierry Rollat s’est interrogé… Faudrait-il prolonger cette interrogation à la lumière du tableau/blason de Chagall ? Le mystérieux ange/étoile tenant la Menora pourrait nous le suggérer. Marc Chagall fut-il détenteur de quelques secrets relatifs à la Menora et à… l’Échelle de Jacob ?

Le 3 du tableau reformule, bien que n’en respectant pas la forme, la Champagne héraldique. Ce vieux mot de la langue française, tiré du latin Campania, est attesté en ancien français (XIe siècle) sous la forme CAMPAYNE dans les gloses de Rashi. Il aurait été intéressant de connaître ces gloses car, lorsque Rashi écrit en caractères hébraïques un mot français, il le fait non sans raison. Dans le tableau de Chagall, la Champagne apparaît comme une colline.

Nous retiendrons principalement pour cette étude, l’ange à la Menora et le Soulam ou Échelle de Jacob. Bien que le Livre de la Genèse chapitre XXVIII localise l’Échelle de Jacob à Béthel, Rashi reprend la tradition suivant laquelle L’ENDROIT se trouvait à Jérusalem :

« Il ATTEIGNIT L’ENDROIT La Tora ne donne pas le nom de l’endroit. Mais c’est bien L’ENDROIT qui est nommé ailleurs, c’est le Mont Moria (‘Houlin 91b), ainsi qu’il est dit : il vit L’ENDROIT de loin » (GEN.. 22.4).

Rashi de Troyes, le Rabbi de la Champagne, commente le texte d’étrange façon : « le Mont Moria a été déraciné et est venu se placer à cet endroit. » Il évoque le rétrécissement de la terre, ou la suppression des distances mentionnée dans le Traité talmudique ‘Houlim. « C’est le Sanctuaire lui-même qui était venu à sa rencontre jusqu’à Béthel. C’est là le sens de : Il s’est trouvé avoir atteint l’endroit (au verset 11) ». Dans l’édition mise en ligne sur le Net de ce Commentaire de Rashi, apparaît une glose supplémentaire ne figurant pas dans l’édition de l’Association Samuel et Odette Lévy (Traduction du Rabbinat Français adaptée au Commentaire du Pentateuque de Rashi traduit par le Grand Rabbin Salzer) utilisée pour cette étude. Cette glose figurée entre crochets indiquant qu'il s'agit bien d'un commentaire supplémentaire à l'intérieur du texte, révèle : « [c’est-à-dire qu’il l’a '' rencontré '', à la manière de deux personnes qui se déplacent l’une vers l’autre] ».

« Si tu ne viens pas à la Montagne, la Montagne ira a toi ! » et c’est précisément ce qui s’est passé : Jacob n’est pas venu à la Montagne, mais c’est la Montagne qui est venue à lui.

 

Un Chandelier et une Arche ou le FIL BLEU de l’immortalité

Le texte biblique de la venue de Jacob à Béthel – l’ancienne Louz – et surtout le commentaire bien particulier qui l’accompagne, pourraient avoir été écrits par un auteur de science-fiction.

Le nom Louz, signifie en hébreu l’Amandier. Le lieu que découvre Jacob n’est que ruines mais dans son sommeil le patriarche découvre la cité telle qu’elle exista longtemps avant sa venue ou (et) peut-être aussi telle qu’elle existerait encore dans une autre réalité. Dans l’amandier (Louz) une ouverture permet d’accéder à la Cité de Louz. Chagall dans son tableau place aux pieds du Soulam, quelques pierres d’un Temple oublié. Sur l’une d’elle se trouvent deux lettres hébraïques.

 

Chagall, détail du tableau : pierre avec lettres hébraïques

 
Ces deux lettres, sont, de droite à gauche, Heth et Iod, soit les nombres 8 et 10. Ces deux nombres ou lettres semblent cacher ici, le nombre 9 ou lettre Teth, la lettre de la Vérité… de la Vie, cette Vie qui en hébreu se prononce Haï et s’écrit précisément Heth – Iod. L’idée du dé à jouer pourrait aussi apparaître dans cette pierre marquée de nombres…

Dans l’étude « Quelques interprétations juives antiques et médiévales du Songe de Jacob (GN 28, 12-13) », (in JACOB Commentaire à plusieurs voix de Gen 25-36 – Éditons Labor et Fides, 2001), Esther Starobinski-Safran rapporte une glose midrashique relative à l’Échelle de Jacob. Ce Midrash nous permet plus encore de comprendre la présence de ces deux lettres visibles dans le tableau de Chagall :

« Les anges du Service y montaient et en descendaient, quand ils apercevaient le visage de Jacob, ils disaient : Ce visage est pareille à celui de la Vivante [*] qui est sur le trône de Gloire. »

* Ici apparaissent dans le texte, de droite à gauche, les trois lettres hébraïques Het – Iod – Hé écrivant le mot Haïa : la « Vivante ».

Le peintre Chagall s’appuyant sur le Midrash aurait pu ajouter la lettre Hé. Dans la vision du peintre, les deux lettres du mot Haï ou Vie ne peuvent qu’annoncer le mot Haïa qui évoque la Vivante. Les commentaires relatifs au mot Haïa et donc au visage de Haïa, la Vivante, évoquent la Merkava, le Char céleste ou Char d’Ézéchiel et les Quatre Vivants. Ces Quatre Vivants sont une représentation de la Shekhina, la présence divine. Ce thème est aussi celui de l’Arche d’Alliance en tant que trône de la Shekhina.

D’un côté du tableau de Chagall nous avons la Menora ou Chandelier à sept branches et de l’autre, nous avons, le Soulam ou Échelle de Jacob. Il convient d’associer, voire même de confondre, dans ce cas précis, le Soulam avec l’Arche d’Alliance. Cette confusion, volontaire, apparaît bien antérieure au tableau de Chagall. Nous la retrouvons au XIVe siècle dans le « Livre des Merveilles » de Jean de Mandeville avec cette bien curieuse illustration :

 

L'Arche d'Alliance et le Songe de Jacob : Échelle de Jacob

MS Français 2810 Folio 161verso

 
Nous découvrons au sommet du Soulam, l’Arche de l’Alliance. Les deux chandeliers dressés à terre symbolisent la Menora. Jacob endormi tient le talon d’un ange. Cette scène reformule dans un premier temps le combat intra-utérin de Jacob et d’Ésaü qui se poursuivit jusqu’à l’accouchement de Rebecca la Matriarche. Jacob (de Akev : « talon »), tenait encore le talon de son frère en sortant du ventre de sa mère, ainsi qu’indiqué en Genèse 25, 25-26. Cette scène évoque aussi Jacob en tant que nation (Israël) retenant le talon de l’ange d’Ésaü (Édom), l’ange de l’Empire d’Édom ou Rome, le Quatrième Empire. Akev, talon, signifie aussi « retenir », « retarder ». En retenant le talon de l’ange d’Édom, Jacob (Israël) retarde l’exil de l’Arche. Cet exil aura lieu durant l’Empire d’Édom mais quelques siècles après celui de la Menora...

Le mot  français, Talon, vient du latin Talus qui désigne outre le talon, un os du pied, l’astragale. Cet os fut utilisé dans les jeux de hasard, d’où le Talus en tant qu’osselet ou dé. Les trois premières lettres des mots français et latin, T A L, rappellent l’hébreu TAL : la Rosée, d’importance dans cette étude.

Si Jean de Mandeville évoque principalement l’exil de l’Arche de l’Alliance, Chagall semble mettre plus précisément en relief celui de la Menora. L’ange porteur de la Menora, déplace le Chandelier du Saint Lieu, le Temple de Jérusalem. Au-dessus de l’aile supérieure gauche de cet ange, est figuré le Christ en croix dans un ciel assombri par une éclipse. Voici que soudain résonnent les paroles de l’Évangéliste Luc relatant la Mort de Jésus : « C’était déjà environ la sixième heure quand, le soleil s’éclipsant, l’obscurité se fit sur la terre entière, jusqu’à la neuvième heure. Le voile du sanctuaire se déchira par le milieu, et, jetant un grand cri, Jésus dit : '' Père, en tes mains je remets mon esprit. '''  Ayant dit cela, il expira. » Luc 23, 44 à 46. – Traduction Bible de Jérusalem.

 

Chagall, détail du tableau : le Christ en croix

 
Puis résonnent ensuite les paroles de Jean, l’auteur du Livre de l’Apocalypse : « À l’Ange de l’Église d’Éphèse, écris : Ainsi parle celui qui tient les sept étoiles en sa droite et qui marche au milieu des sept candélabres d’or. […] Allons ! rappelle-toi d’où tu es tombé, repens-toi, reprends ta conduite première. Sinon, je vais venir à toi pour changer ton candélabre de son rang, si tu ne te repens. » Ap. 2 – 1 et 5 – Traduction Bible de Jérusalem.

La menace dirigée contre l’Ange de l’Église d’Éphèse par Celui qui tient les sept étoiles (le Christ), se prolonge en direction des Nicolaïtes, énigmatiques hérétiques dirigés par un non moins énigmatique Nicolas que d’aucuns ont, avec plus ou moins de raison, confondus avec saint Nicolas évêque de Myre…

La menace devint réalité l’an 70 de l’ère chrétienne lorsque Titus déplaça la Menora depuis Jérusalem jusqu’à Rome (Édom). Les Romains maîtres de la Palestine, désiraient ardemment ces deux trésors du Temple que sont l’Arche d’Alliance et la Menora. Posséder l’un ou l’autre de ces deux trésors, affirme pour le détenteur un pouvoir certain mais les posséder tous les deux, permettrait le voyage ainsi que le fit Jacob vers une contrée cachée au commun des mortels : la Cité de Louz. Découvrir l’accès de cette cité fut l’un des objectifs majeurs des Quatre Empires qui vont occuper la Terre d’Israël. Mais la découverte de l’accès à la Cité de Louz n’apparaît aucunement comme le gage d’une maîtrise de la cité, loin s’en faut !

Suivant le Sépher-ha-Zohar (ou Livre de la Splendeur), depuis la création du monde, la Lumière de la lettre Teith ou nombre 9 qui est VIE, resta suspendue dans le ciel au-dessus de la Cité de Louz, cité de l’immortalité.

Il est écrit dans Genèse 28-19 (Traduction Bible de Jérusalem) : « À ce lieu, il donna le nom de Béthel, mais auparavant la ville s’appelait Luz. » Soit en hébreu : ve'oulam Louz shem ha'ir larishonah

L’expression « ve’oulam » traduite par « et » ou « mais » se compose curieusement de deux mots : « ve » et « oulam » de même signification. Nous avons donc ici un superlatif qui n’est pas sans évoquer le titre même du livre d’Adepte du roi Salomon : le Cantique des Cantiques ou Shir haShirim considéré comme le plus beau des Chants, le Chant incomparable, de nature divine. Le titre même de ce livre, soit les deux premiers mots de ce livre, s’applique suivant la tradition au Char céleste, Trône divin. Le Cantique des Cantiques est… le Neuvième Cantique ou Cantique suprême.

En quoi le Ve’Oulam  de Jacob peut-il être relié au Shir haShirim de Salomon ? Ce lien apparaît dans le jeu mot affirmé par l’exégèse rabbinique. Bien que toujours traduit par « et » ou « mais », Ve’Oulam, pourrait se traduire « et le Portique », « et le Vestibule », soit pour ve'oulam Louz : « et le Portique de Louz ». La particularité du superlatif ve'oulam est de mettre en relief ce Portique oublié de la Cité du Neuf… Le Portique de Louz, à l’instar du Cantique des Cantiques ou Neuvième Chant, apparaît comme la Neuvième Porte, la Porte suprême menant à Louz.

Nombreux sont les anciens Maîtres du judaïsme qui présentaient le Soulam ou Échelle de Jacob comme un escalier. André Chouraqui dans sa traduction commentée du Livre de la Genèse (JClattès Éditions) écrit au sujet de cette échelle apparaissant au verset 12 du chapitre 28 :

« 12. escalier soulâm : à rapprocher de l’akkadien simmiltu. C’est l’unique emploi biblique de ce nom qui ne prendra que plus tard le sens d’échelle. Il s’agit manifestement ici d’un escalier assez monumental pour s’élever jusqu’au ciel, et assez somptueux pour servir de siège à IHVH, posté à son sommet. L’escalier du rêve de Ia’acob définit techniquement la fonction essentielle du sanctuaire : un lieu entre le ciel et la terre, entre IHVH et sa création. Comme dans les ziggurats mésopotamiennes, celle d’Ur par exemple qui possède un ample escalier dressé vers le ciel, il assure la communication entre la demeure céleste de la divinité et sa maison terrestre. »

La cité d’Our doit sa célébrité à sa ziggourat, il semble qu’il en fut de même pour la cité de Louz. La ziggourat ou Soulam de Louz appartenait déjà au passé lorsque Jacob passa la nuit dans ce lieu qu’il appela Béthel : la Maison de Dieu. Le Oulam ou Portique de Louz, phonétiquement très proche du Soulam de cette même cité, semble avoir été l’objet d’une quête incessante effectuée par les occupants successifs de la Terre Sainte. 

Lorsque Chagall peint le Songe de Jacob, il nous présente des anges montant et descendant le Soulam en dansant tels des acrobates de cirque que Chagall aimait particulièrement. Le Chant angélique (la trompette de l’ange et le chant de l’oiseau) mène à l’Immortalité de Louz :

 

Chagall, détail du tableau : l'ange à la trompette

 
Adolphe Neubauer dans son livre « La géographie du Talmud » (1868), s’appuyant sur le Talmud évoque la Cité de Louz « où l’on teignit la laine bleue, endroit que ni Sennachérib ni Nabuchodonosor ne purent prendre, et où l’ange de la mort est impuissant. Suivant une tradition, les vieillards, quand ils sont fatigués de la vie, sortent hors du mur de la ville  et meurent. »

Cet auteur écrit : « À l’époque où l’empereur Constantin renouvela les édits de persécution d’Adrien, le chef de l’École de Tibériade voulut informer Rabba, docteur babylonien qui avait décidé pour cette année l’intercalation d’un mois embolismique et que la persécution religieuse recommençait en Palestine. Voici la lettre qu’il lui adressa : '' Un couple (de savants) est venu de Raccath (Tibériade), l’aigle (les Romains) les a saisis, car ils avaient sur eux des objets [de la laine bleue] qu’on fabriquait à Louz ; par la miséricorde de Dieu et par leur propre mérite, ils ont pu échapper''. »

Le grand commentateur médiéval Rashi de Troyes, applique ce récit aux Perses. Ceci démontre que les Perses comme les Romains auxquels ont peut ajouter les Babyloniens de Nabuchodonosor, se sont intéressés au fil bleu ou laine bleue symbolique de la Cité Bleue : Louz.

René Guénon titra le chapitre VII de son livre Le Roi du Monde : « Luz ou le séjour d’immortalité ». Il s’appuie pour cette étude aujourd’hui bien connue, sur la célèbre Jewish Encyclopedia en 12 volumes, initialement publiée entre 1901 et 1906. De cette cité, suivant l’Encyclopedia, provient le blue dye, la teinture ou colorant bleu. La Légende a investi le Lieu avec des qualités miraculeuses. Sennachérib serait entré dans la cité mais n’aurait pu nuire. Nabuchodonosor, dit encore l’Encyclopedia n’a pu détruire la cité, où l’ange de la mort n’a pas de pouvoir.

Un trou dans un amandier (Louz) permettait d’accéder dans un premier temps à une caverne (R. Guénon évoque un souterrain) antichambre de la cité de Louz.  La notion d’immortalité liée à la cité, ainsi qu’indiqué dans l’Encyclopedia, se retrouve dans l’araméen LOUZ désignant le coccyx. La croyance veut que l’os LOUZ, indestructible, forme le noyau de la résurrection du corps. R. Guénon, écrit :

« Le même mot luz est aussi le nom donné à une particule corporelle indestructible, représentée symboliquement comme un os très dur, et à laquelle l’âme demeurerait liée après la mort et jusqu’à la résurrection. Comme le noyau contient le germe, et comme l’os contient la moelle, ce luz contient les éléments virtuels nécessaires à la restauration de l’être ; et cette restauration s’opérera sous l’influence de la '' rosée céleste '', revivifiant les ossements desséchés ; c’est à quoi fait allusion, de la façon la plus nette, cette parole de saint Paul : '' Semé dans la corruption, il ressuscitera dans la gloire. '' Ici comme toujours, la '' gloire '' se rapporte à la Shekinah, envisagée dans le monde supérieur, et avec laquelle la '' rosée céleste '' a une étroite relation, ainsi qu’on a pu s’en rendre compte précédemment. Le Luz, étant impérissable, est, dans l’être humain, le '' noyau d’immortalité '', comme le lieu qui est désigné par le même nom est le '' séjour d’immortalité '': là s’arrête, dans les deux cas, le pouvoir de '' l’Ange de la Mort ''. C’est en quelque sorte l’œuf ou l’embryon de l’Immortel ; il peut être comparé aussi à la chrysalide d’où doit sortir le papillon, comparaison qui traduit exactement son rôle par rapport à la résurrection.

« On situe le luz vers l’extrémité inférieure de la colonne vertébrale ; ceci peut sembler assez étrange, mais s’éclaire par un rapprochement avec ce que la tradition hindoue dit de la force appelée Kundalinî, qui est une forme de la Shakti considérée comme immanente à l’être humain. »

La «  rosée céleste » liée à la résurrection des corps, est dit en hébreu, il est important de le rappeler,  TAL, mot dont la guématrie est précisément 39, guématrie reconnue comme étant symbolique de la Menora… Le mot TAL (rosée, brume de la nuit) a pour racine le mot TALAL : « couvrir avec un toit », « recouvrir », « toit ».

Pour parvenir à la Cité de Louz il convient de suivre le fil bleu. Ce fil est appelé en hébreu tsitsith (tresse – frange), de tsits ou tsouts : « fleur », « fleurir », « regarder », « voir ». Et c’est bien cette dernière signification mettant en relief la vision, l’œil, qui est traditionnellement retenue. La couleur du tsitsith est bleue ou plus justement tekhèlet, mot biblique s’appliquant  à une couleur unique. Si tekhèlet désigne en hébreu moderne le bleu clair, il désignait jadis une couleur située entre le bleu indigo et le violet, le bleu de minuit. Les premiers Pères de l’Église ont traduit ce mot par hyacinthe.

Le tekhèlet, couleur spécifique, de nature sacerdotale, vient de la mer… Bernard Dov Hercenberg dans son livre « Du manque à l’œuvre Le monde, l’absence et l’infini » (BEAUCHESNE Éditeur), aborde les différents aspects du tekhèlet  dans la section du livre intitulée « La transcendance du regard et la mise en perspective du tekhèlet ('' bleu biblique '') ». Sur la provenance de cette teinture il écrit :

« '' On ne teint [dans la couleur tekhèlet] qu’à partir d’un hillazon '', de son '' sang '' précisent les traités Tsitsit et Menahot. »

Le hillazon ou hilazon est identifié à un mollusque, le Murex trunculus, auquel la tradition juive associe toute une symbolique. Caché dans les profondeurs du sable, le hillazon monte tous les 70 ans, soit une génération d’homme…

 

À gauche : vue dorsale d’une coquille de Murex trunculus
À droite : pigment carthaginois de Murex de Tunisie

Michel MASSON (Université Paris III – Sorbonne Nouvelle, Orient et Monde Arable, Emeritus) est l’auteur d’une pertinente étude : « Des escargots aux amandiers » (2003) - http://www.academia.edu/3049522/Masson_2003._Des_escargots_aux_amandiers_M%C3%A9langes_David_Cohen_) dans lequel il démontre que le mot hébreu hillazon, « escargot », « murex » est apparenté au mot Louz, « amandier », « amande ».

Pour M. Masson, la racine commune de ces deux mots comporte le sens général de « enrouler », « spirale ». Si ce sens correspond parfaitement à la coquille spiralée de l’escargot, il parait moins évident pour l’amandier. Voici ce que l’auteur avance sur le sujet, non sans reconnaître qu’à première vue le rapport n’apparait pas : « Mais c'est qu'on oublie que les amandiers sont bien connus des botanistes pour présenter une  très curieuse caractéristique, apparemment unique chez les arbres de cette dimension : à partir d'un certain âge, leur tronc pousse en vrille. » 

L’auteur présente l’amandier (Louz) comme « l’arbre vrillé ». L’idée de spirale logarithmique, apparait dans la coquille du hillazon, image de la spirale temporelle. La Cité de Louz ou Cité de l’Amandier apparaît ainsi comme la Cité Vrillée…, le Lieu de tout les possibles géographiques… Oulam Louz, le Portique de la Cité Vrillée !

Le voile ou rideau (la Pôrekhet) du Temple de Salomon séparant le Hekhal,  le Saint, (du sumérien É.GAL, palais) du  Qodech Qodachim, le Saint des Saints, était principalement tekhèlet (bleu de minuit) mais aussi pourpre et cramoisi. Des Chérubins ou Kéroubim étaient représentés sur la Pôrekhet. D’un côté du rideau se trouvait la Menora et de l’autre l’Arche de l’Alliance.

 

63 avant J.-C. : le siège de Jérusalem par Pompée

Lorsque Pompée, après trois mois de siège, s'empara du temple de Jérusalem en 63 avant notre ère, il fut stupéfait de constater que le Saint des Saints était un espace vide. Le Saint Coffre avait été caché par les prêtres du Temple.

 

Flavius Josèphe, Les Antiquités judaïques,
enluminure de Jean Fouquet, vers 1470-1475
Paris, BnF, département des Manuscrits, Français 247, fol. 293v. (Livre XIV)

 
Cette enluminure de Jean Fouquet, à la lumière du texte biblique n’apparaît guère recevable mais elle n’en possède pas moins une symbolique intéressante. Nous découvrons les Sept Chandeliers puis l’Arche d’Alliance avec les deux Chérubins. Cette figuration n’est pas sans évoquer celle du « Livre des Merveilles » de Jean de Mandeville. L’Arche, bien qu'absente du Temple à cette époque, est posée sur des colonnes. Le tout donne l’idée d’un Portique et derrière ce Portique, un mur, ou une tenture de couleur bleu minuit… L’idée du Lieu mystérieux de Louz pourrait transparaître ici. Mais nous ne serions que dans l’antichambre de Louz, en effet en ce lieu règne la mort, étrangère à la Cité Bleue de Louz.  Les huit colonnes torsadées, vrillées, semblent nous confirmer cette hypothèse.

Outre le fait que l’Arche d’Alliance ne se dresse plus dans le Temple lors du siège de Pompée, Jean Fouquet a choisi de la représenter dans un espace unique où figure la Menora, ce que contredit le texte biblique. Nulle présence du Rideau du Temple séparant la Menora du lieu vide (le Saint des Saints), où se trouvait primitivement l’Arche Sainte. Ce Rideau est pourtant bien connu des Chrétiens car lié à la mort de Jésus. 

Cet intérieur du Second Temple représenté par Jean Fouquet n’est en rien conforme à la géométrie qui était la sienne. Nous découvrons un lieu qui ressemble beaucoup plus au chœur d’une église chrétienne… une église de France ? De l’Auvergne à la Provence nombre d’églises possèdent un chœur entouré de huit colonnes quelquefois couronnées de chapiteaux sculptés de motifs végétaux, tel le chœur de la magnifique Basilique Notre-Dame d'Orcival. 

L’enluminure de Jean Fouquet inviterait-elle l’étudiant qui la contemple, à découvrir un lieu dans lequel, plane peut-être, l’ombre ou la lumière d’un passé glorieux qui fut celui des Grands Prêtres d’Israël ? Cinq marches permettent d’accéder au maître-autel blanc placé devant la Menora, l’amandier d’or, le Louz, dont nous avons vu que le nombre 5, ainsi que le rapporte Gérald Scozzari, est la clef chiffrée ésotérique liée à la Menora. Les Saints-Anges de l’Arche pourraient nous révéler le ou les titulaire(s) du maître-autel, généralement titulaire(s) de l’église...

Notons que pour accéder au maître-autel – accès que ne semblent pas franchir les soldats  – il convient de passer le chancel (cancel) ou clôture de chœur. Au Moyen Âge, le terme de Cancel pouvait aussi désigner un quartier délimité et fermé où la population juive était assignée à résidence… Jean Fouquet pour la partie visible du cancel, a figuré un losange ou macle. Il parait intéressant dans cette étude de rappeler que pour quelques étymologistes, le mot LOSANGE, LAUSANGE ou LOUSANGE, viendrait de l’hébreu LAUZ ou LOUZ…

Fernand Guériff, historien de la Presqu’île de Guérande, collaborateur de la revue ATLANTIS et de la Société de Mythologie Française, travailla sur le thème du losange et de la macle. Il mit en relief l’aspect commun unissant la macle et la fenêtre.

Jean Fouquet nous prévient. Pour accéder au Saint des Saints, pour accéder à Louz, il convient d’ouvrir la Fenêtre.

Heureux le nouveau JACOB qui pourra accéder au SAINT DES SAINTS !



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