DECEMBRE 2017









Par notre Ami
Eric Charpentier




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Avant-propos

 

Le dossier qui va suivre a été achevé le 22 septembre 2017 et traite d’un sujet qui de prime abord n’est pas facilement accessible : la métrologie. Science de la mesure, la « métrologie fondamentale, ou scientifique, vise à étudier, identifier, créer, développer et maintenir des étalons de référence reconnus ». Il sera fait cas de nombreux étalons antiques connus, tels que le pied romain, le pied grec, le pied anglais, le pied ou la coudée royale égyptienne, …etc., ou moins connus, comme les deux pieds gaulois, le pied de Nippur, le pied de Khéops, le pied Drusien, …etc. J’ai essayé autant que possible d’étayer une part de mes propos en m’appuyant sur des bases bibliographiques scientifiquement reconnues et qui figurent en références dans ce dossier. Je n’ai pas fait cas dans ces références du travail magistral de Magdeleine Motte sur la métrologie pré et protohistorique, dont je n’ai pu découvrir les écrits qu’après avoir terminé ce dossier. Le temps me permet encore d’y remédier dans ce bref avant-propos et c’est une opportunité qu’il convient de ne pas laisser passer.  Décédée dans sa 95ème année en septembre 2015, Magdeleine Motte a été bibliothécaire et archiviste. Agrégée et professeur de mathématiques à Toulon, spécialiste de la langue provençale, elle a traduit et édité l'ouvrage de Bertrand Boysset, « La Siensa de destrar : ou le savoir-faire d'un arpenteur arlésien du 14e siècle », (Toulouse, Ecole nationale du cadastre, 1988). En 2010, ce premier travail sera complété et édité par les Presses Universitaires de la Méditerranée sous le titre « Bertran Boysset. Manuscrit 327 de l’Inguimbertine dit Traité d’Arpentage ». Gérard Chouquer1 dira de ce travail « que Magdeleine Motte avait deux qualités pour se lancer dans cette entreprise : sa connaissance de la langue occitane ; ses connaissances en mathématiques. En outre, consciente de ses limites, elle ne s’est pas aventurée sur certains sujets qu’elle ne maîtrise pas, comme le droit ».2 Malgré cet éloge engageant, Gérard Chouquer « reste cependant dubitatif lorsque Magdeleine Motte reprend un thème qui lui tient à cœur, et qui consiste à faire de Boysset et d’Arles, « le dernier maillon d’une chaîne de praticiens-instructeurs ayant assuré une transmission orale des savoirs ». Or M. Motte n’hésite pas à verser dans ce bagage transmis, le « mètre mégalithique » (?), le pied phylétaire (ou philétaire) égyptien, le pied grec de Milet, le pied romain, confirmant par-là que sa vision de la métrologie historique est celle d’une science dont le récit serait généalogique et autonome du reste des influences sociales et dont le but endogène serait d’établir la lignée ininterrompue de ces savoirs transmis et retransmis. Or le fait qu’il existe des parentés de mesure doit-il conduire à lire des généalogies obligées quand on ne possède pas les documents sur lesquels fonder ces spéculations ? Rien n’est moins certain. Il y a un risque réel à envisager un espace-temps aussi global ».

Déjà en 19983, Magdeleine Motte osait aborder au sein d’une archéologie fortement intéressée par la métrologie, le sujet épineux de la métrique préhistorique en évoquant l’existence du Mètre Mégalithique. Il s’agit en fait du Yard Mégalithique de 82,9 cm qu’avait identifié le Professeur Alexander Thom dès les années 1950 et qui aujourd’hui encore a du mal à faire l’unanimité auprès des historiens et archéologues4. Il faut surement voir dans le scepticisme de Gérard Chouquer une réaction prudente face à des propos trop catégoriques. Mathématicienne convaincue, Magdeleine Motte publie néanmoins la somme de ses découvertes métrologiques en 2009 dans « La Cana e lo destre. Essai de métrologie des pays occitano-catalans, et d’ailleurs, de la préhistoire au XVIIIè siècle », aux éditions de la Maison des sciences de l’homme. Elle déclare en introduction avoir bénéficié des encouragements et conseils d’éminentes personnalités comme Jean-Loup Abbé5, François Favory6, Ricardo Gonzalez-Villaescusa7 et Gérard Chouquer8, dont les recherches sont effectivement en étroite relation avec la métrologie antique. Le lecteur y découvrira sans doute la plus remarquable étude métrologique jamais recensée en France dans la mesure où – sans mauvais jeu de mots – l’auteur dresse un répertoire quasi exhaustif de tous les étalons métriques connus dans le bassin méditerranéen, tout en établissant les rapports mathématiques envisageables entre eux. Ce dernier point est capital à la compréhension de la génèse du ou des systèmes métrologiques. Le même lecteur devra néanmoins rester prudent sur les interprétations de Magdeleine Motte qui puisent abondamment dans la science des mathématiques pour tout expliquer et qui de fait suggère cette filiation généalogique qui déconcertait plus haut Gérard Chouquer.

Je n’ai pas choisi d’intituler ce dossier « Le système de mesure préhistorique » en référence aux publications de Magdeleine Motte puisque je les ignorais encore au moment même où j’en terminais la rédaction. Je n’hésiterai cependant pas à y faire référence dorénavant car malgré les critiques que son travail ait pu recueillir, il demeure avant tout un travail scientifique rigoureux, pointant des éléments factuels qui posent questions. Je n’aurai pas la prétention d’émettre l’avis que ma propre réflexion relève d’un travail scientifique rigoureux car, en toute bonne foi ce n’est pas le cas. Mais elle pointe aussi des éléments factuels qui posent questions et il appartiendra naturellement à la communauté scientifique d’y apporter réponses. C’est en tous les cas mon souhait le plus sincère.

 

Eric CHARPENTIER

 

Notes :

1 : Gérard Chouquer est Directeur de recherches au CNRS dans l'équipe Arscan ("Archéologie et Sciences de l'Antiquité" UMR 7041 du CNRS) et la sous-équipe "Archéologies environnementales" que dirige Joëlle Burnouf.

2 : Gérard Chouquer, in : http://www.archeogeographie.org/index.php?rub=presentation/infos/livres/1104

3 : Magdeleine Motte, « Les unité linéaires et agraires pré-( ?) et protohistoriques de l’espace Occitano-Catalan lues dans les unités de la fin du 18ème siècle. La rude tâche du Moyen-Âge », in Métrologie agraire, antique et médiévale ; actes de la Table ronde organisée en Avignon, les 8 et 9 décembre 1998 ; textes rassemblés par François Favory ; Presses Universitaires Franc-Comtoises, Besançon, 2003, pp. 163-166.

4 : Une véritable étude scientifique sur le sujet finirait certainement par valider une fois pour toute l’existence du Yard Mégalithique et apporterait tout aussi surement des éclairages sur les relations que cet étalon entretient avec la métrique mésopotamienne du 4ème millénaire avant notre ère.

5 : Jean-Loup Abbé, a été Maître de Conférences à l'Université Paul Valéry, Montpellier III, puis Professeur d'histoire médiévale à l'Université de Toulouse II-Le Mirail. Il est Professeur des Université émérite depuis septembre 2016. Une partie de ses recherches porte sur les mutations du paysage rural médiéval ainsi que sur les transformations des agglomérations médiévales.

6 : François Favory est Professeur des universités à l’Université de Franche-Comté. Il est l’un des meilleurs spécialistes de la métrologie agraire. Ses travaux portent sur la reconstitution de la morphologie agraire antique : de l’exploitation des textes “gromatiques” de l’élaboration des données archéologiques ; l’approche de l’agrologie antique à partir des agronomes latins et des documents cadastraux d’Orange ; la typologie de l’habitat rural antique et médiéval et approche diachronique de la dynamique du système de peuplement dans la longue durée.

7 : Ricardo González Villaescusa est Professeur des Universités, professeur d'Histoire et Archéologie Antiques de l'Université de Nice-Sophia Antipolis. Il est chercheur associé, depuis 1993, à l’équipe de recherche Archéologie et Territoires du CNRS et de l'Université François Rabelais de Tours (France). Professeur d’Archéologie des mondes antiques à l’Université de Reims et Champagne – Ardenne de 2006 à 2011, il enseigne également l’archéologie des paysages en Tunisie depuis 2008, en qualité de professeur invité, et fait partie de la commission scientifique et pédagogique du Master Paysage, Territoire et Patrimoine de l’Institut Supérieur d’Agronomie de l’Université de Sousse (Tunisie).

8 : Gérard Chouquer est aussi est un spécialiste de l'étude de l'arpentage et de l'histoire du cadastre. Il s'est formé sur le terrain des centuriations romaines au Centre de Recherches d'Histoire Ancienne (Besançon), en participant à la mise au point de techniques de repérage des orientations des parcellaires. Ses résultats sont signalés dans l’Encyclopædia Universalis en 1985, dans l'article de Roger Agache sur l'archéologie aérienne. Il a découvert les localisations des plans cadastraux d'Orange, identifié des centuriations inédites en France et en Italie et il est devenu un spécialiste des textes des gromatici veteres.




Le système de mesure préhistorique

du Yard Mégalithique au Pied Romain

Réflexion sur l’origine commune des mesures antiques

issues des dimensions de la Terre

 

Ce travail vient compléter et expliquer les propos que nous évoquions dans notre précédente intervention sur les pages du site des Regards du Pilat en juin 2016. Il y était question de l’existence d’une mesure très proche de notre mètre actuel, utilisée par les bâtisseurs de l’époque néolithique, et que je nomme arbitrairement le Mètre Mégalithique.

Mes recherches sur le site mégalithique de Sainte-Croix/Marlin ainsi que quelques constats relevés d’après les découvertes d’Howard Crowhurst à Carnac, m’avaient fait comprendre que les bâtisseurs de mégalithes utilisaient une valeur du mètre légèrement supérieure à celle que nous utilisons aujourd’hui, laquelle évaluée à 1,001 mètres, serait ainsi supérieure d’environ 1 millimètre à la valeur du mètre adoptée en 1795. Rappelons qu’à cette époque, le mètre avait été défini comme étant la dix millionième partie du quart du méridien terrestre en prenant 40 000 km comme valeur du méridien :

¼ de 40 000 km / 10 millions = 1 mètre

J’avais évoqué dans le livre « Sainte-Croix-en-Jarez – Sur les Traces d’une géométrie Mégalithique »1 que cette définition avait dû être modifiée depuis car nos calculs modernes avaient permis d’établir que la longueur du méridien terrestre était légèrement supérieure à 40 000 km. Un calcul rapide m’avait encore fait constater que la dix millionième partie du quart de la circonférence terrestre2 valait exactement 1,001036 mètres et que cette valeur avait bien pu être utilisée par les bâtisseurs de mégalithes. En cela, ils auraient été capables quelques millénaires avant la Révolution française de calculer avec plus d’exactitude que nous les dimensions de la Terre…

¼ de 40 041 440 mètres / 10 millions = 1,001036 mètres = 1 Mètre Mégalithique

 

Aussi incroyable que cela puisse paraître, nous allons montrer dans ce présent travail que toutes les mesures antiques sont bel et bien issues des dimensions de la Terre et que par conséquent les géomètres3 qui œuvraient il y a plusieurs millénaires avaient une connaissance profonde des mensurations du monde dans lequel ils vivaient.

 

1 - Les dimensions de la Terre et la métrologie préhistorique

 

Il est très difficile de définir précisément les dimensions de notre planète dans la mesure où celle-ci n’est pas une sphère parfaite. La Terre est de forme ellipsoïdale, c’est-à-dire qu’elle est légèrement aplatie aux pôles et inversement légèrement gonflée à l’équateur.

Depuis 1984, nous utilisons le système WGS84 (World Geodetic System 1984) qui est le système géodésique international utilisé notamment par les applications GPS ou satellitaires comme Google Earth par exemple. Dans ce système les mensurations de la Terre ont été établies sur les mesures suivantes :

- Circonférence Polaire (méridien terrestre) : 40 007 864 mètres

- Circonférence Equatoriale (à l’équateur) : 40 075 016 mètres

Ces deux mesures permettent de définir une moyenne théorique, proche de la latitude 45° et correspondant à une sphère parfaite :

- Circonférence Terrestre moyenne : [40 007 864 + 40 075 016] / 2 = 40 041 440 m.

C’est en utilisant ci-dessus cette valeur moyenne, que nous définissions la mesure du Mètre Mégalithique à 1,001036 mètres.

La première mention connue d’une tentative de mesurer la terre provient des écrits d’Aristote au 4ème siècle avant notre ère : « Et les mathématiciens qui ont essayé de mesurer les dimensions de la circonférence, la portent à quarante fois dix mille stades », (De Caelo, Liv. II, chap. 14) ; mais à moins de considérer que 1 stade valait exactement 100 mètres – ce qui n’apparaît dans aucun des systèmes antiques – cette mensuration de la Terre est loin de la réalité.

C’est en Egypte et à Eratosthène que nous devons la première approximation approchée des dimensions de la Terre. Cet astronome, géographe, philosophe et mathématicien grec du 3ème siècle avant notre ère avait en effet réussi à calculer la circonférence polaire à 700 km près, soit une précision de l’ordre de 98 %. En mesurant la différence d’angle (7,2°) que formait la verticale d’un obélisque avec son ombre à midi solaire le jour du solstice d’été dans la ville d’Alexandrie et sachant que dans la ville de Syène (Assouan) située sur le même méridien (il y a 3° d’écart en réalité), il n’y a pas d’ombre portée aux mêmes heure et jour de l’année ; il put évaluer, en connaissant la distance approximative entre ces deux villes (5000 stades), la circonférence de la Terre à 250 000 stades. Il est admis que la valeur du stade utilisée serait de 157,50 m, correspondant au stade « itinéraire » grec, ce qui donnerait 39 375 000 mètres pour la circonférence du méridien terrestre, contre 40 007 864 mètres en réalité (voir illustration 3 ci-après).

Notes :

 

1 : Eric Charpentier, « De Sainte-Croix aux Roches de Marlin, sur les traces d’une géométrie mégalithique », chez l’auteur, 2016.

 

2 : Il s’agit ici de la circonférence moyenne de la Terre et non plus de la longueur du méridien terrestre.

 

3 : Rappelons qu’étymologiquement parlant, le mot géo-mètre désigne l’homme qui mesure la Terre.

2 - Les dimensions de la Terre et le Mille Nautique (1852 mètres)

 

Nos systèmes de coordonnées GPS actuels sont toujours basés sur un quadrillage de la surface de la Terre par des cercles verticaux appelés méridiens ou longitudes, lesquels passent par les pôles et par des cercles horizontaux appelés parallèles ou latitudes. Ces cercles se divisent en 360 degrés, chaque degré en 60 minutes et chaque minute en 60 secondes. En réalité, si les parallèles sont bien des cercles parfaits, les méridiens eux sont des ellipsoïdes. Cette division de l’Espace en degrés, minutes et secondes est un héritage du système de comptage sexagésimal des Sumériens datant du 5ème millénaire avant notre ère. Ils avaient adopté un système identique pour mesurer le Temps qui s’est également conservé jusqu’à nos jours.

Avant l’invention du Mètre à l’époque de la Révolution française il existait déjà une mesure, utilisée en marine, définie par les dimensions de la Terre. Il s’agit du Mille Nautique valant 1 minute de méridien terrestre et fixé aujourd’hui à 1852 mètres : « On doit l’idée d’utiliser la longueur de la minute d’arc sur la Terre comme unité de distance à un abbé de Lyon, Gabriel Mouton, qui la proposa en 1670 »4. En 1799, Charles-Pierre Claret de Fleurieu nous rappelle que 47 pieds et demi du Roi constituent la 120ème partie de cette minute.

 

- Circonférence polaire : 40 007 864 m

- 40 007 864 / 360 / 60 = 1852,21 mètres

- Pied du Roi : 32,48 cm

- 120 x 47,5 x 0,3248 = 1851,36 mètres en France sous l’Ancien Régime

Le Mille Nautique anglais valait quant à lui 1853,18 mètres avant la réforme qui fixa à 1852 mètres la valeur actuelle correspondant à une moyenne terrestre à la latitude de 45° environ.

Notes :

 

4 : Pierre-Yves Bely, « Deux cent cinquante réponses aux questions du marin curieux », Gerfaut, 2004, page 274.

 

3 - Les dimensions de la Terre et les nombres 441 et 440

 

Un travail monumental a été réalisé par les chercheurs britanniques John Michell, Robin Eath et John Neal sur la métrologie antique5 aboutissant à un système unifié des mesures antiques tout à fait intéressant.


Sans entrer dans les détails de ces recherches, ils établissent deux principes qui vont régir la métrologie antique : « Deux révélations : La relation entre le rayon moyen et le rayon polaire de la Terre, est numériquement établi par la fraction 441/440 comme l’a montré Michell dans son livre « The Dimensions of Paradise ». Dans « Ancient Metrology », Michell démontre encore que beaucoup de mesures entretenaient un rapport exact de 176/175 entre elles, et cela selon la latitude du site considéré. Dans « All Done with Mirrors », John Neal montra à la suite que la constante irrationnelle Pi (π = 3,14159…) permettant de passer du diamètre au périmètre d’un cercle était également en relation avec le même rapport de 176/175. Neal combina alors les deux systèmes de fractions 441/440 et 176/175 pour établir toute la structure des anciens systèmes métrologiques. »6


Ce qu’il faut retenir de cette structure et qui expliquerait la multiplicité des mesures rencontrées pour un même étalon, c’est que l’on passe d’un « pied root » (de base) à un « pied standard » par le rapport 441/440, correspondant lui-même au rapport entre le rayon moyen et le rayon polaire de la terre. Puis on passe du « pied standard » au « pied canonique » par le rapport 176/175 évoquant cette fois l’erreur liée à une approximation de Pi (π). Enfin, on passe de ce dernier au « pied géographique » par le même rapport de 176/175. A titre d’exemple, le pied romain a été relevé sur différents monuments ou sur différents étalons de mesures (règles, pieds gravés, …etc.), découverts en différents endroits (différentes latitudes) et les valeurs s’échelonnent entre 29,46 cm et 29,79 cm. On adopte en principe les valeurs communes de 29,57 cm (Daniel Barthélemy et Stéphane Dubois) ou 29,63 cm (D. Lelgemann et E. Knobloch). Le grand métrologue allemand Rolf C.A. Rottländer préfère quant à lui la mesure de 29,62 cm et nous en expliquerons la raison dans ce dossier. L’hypothèse britannique de John Neal consiste à dire que pour la plupart, ces différentes mesures du pied romain sont bien exactes et que l’on passe de l’une à l’autre par ces rapports successifs de 441/440 ou 176/175. Dans le présent exemple, on peut en effet constater qu’aux arrondis près :

29,57 cm x [441/440] = 29,63 cm

Nos deux valeurs les plus couramment admises pour le pied romain de 29,57 et 29,63 cm semblent donc corroborer ce principe. Nous n’allons pas dire que nous sommes entièrement d’accord avec cette structure qui régirait l’ensemble de la métrologie antique car il serait nécessaire de l’étudier bien plus en détail que ce que nous en avons fait. Toutefois, dans le cadre de nos propres recherches, il s’avère que nous n’avons pas forcément eu besoin de faire appel à ces principes pour trouver des réponses à nos interrogations. Mais peut être que nos propres principes relèvent finalement du même fondement, exprimés simplement d’une manière différente, et de relever que ces rapports 441/440 et 176/175 peuvent bien avoir un sens structurel dans la métrologie antique.

Si on s’intéresse de plus près à ce rapport 441/440, on s’aperçoit que ces nombres ne sont pas anodins. En premier lieu, on constate que les dimensions moyennes de la Terre les contient dans son expression numérique en mètres, ce qui d’ailleurs en fait un bon moyen mnémotechnique pour se rappeler de ses dimensions :

 

D’autre part, le nombre 441 est le carré du nombre 21 (3 x 7) : 212 = 441, ce qui en soit en fait un nombre très intéressant en architecture sacrée.

Le nombre 440 est quant à lui bien présent dans le mégalithisme ou dans l’architecture des monuments antiques : on se souviendra que, exprimé en coudée royale égyptienne, il s’agit de la mesure de la grande pyramide de Khéops en Egypte et que j’ai rencontré cette même mesure sur le plateau mornantais entre deux menhirs de Chassagny.

 

A Sainte-Croix-en-Jarez, c’est une distance de 4 x 440 mètres qui relie l’angle nord de l’enceinte de la chartreuse à la Pierre du Dauphin des Roches de Marlin tout en passant par le point du Champ du Peu à la mi-distance de 2 x 440 m.

J’avais aussi évoqué à plusieurs reprises l’importance du nombre 364 dans la géométrie mégalithique des Roches de Marlin et montré la relation symbolique qui existe entre les nombres 440 et 364 par la figure géométrique ci-dessous.

 

Notes :

 

5 : Robin Heath, John Michell, « The lost science of measuring the earth », Kempton (Illinois USA), Adventures Unlimited Press, 2006. Publié pour la première fois en Grande Bretagne sous le titre « The Measure of Albion ».

 

John Neal, « How Ancient Metrology placed Numbers on a Circumference », article mis en ligne sur http://www.megalithicscience.org, vu en avril 2017.

 

John Neal, « Brief Introduction to Ancient Metrology », article mis en ligne sur http://www.megalithicscience.org, vu en avril 2017. ©Richard Heath, 2006.

 

John Neal, « Units & Geography of Ancient Egypt I » et « Arabic & Egyptian Geodesy », Articles aimablement transmis par l’auteur en mars 2017.

 

John Neal, « Ancient Metrology. Vol. I : A numerical code. Metrological Continuity in Neolithic, Bronze, and Iron Age Europe », Glastonbury (Somerset, UK), The Squeeze Press, 2016.

 

6 : Extraits Heath/Michell,2006, Eric Charpentier pour la traduction résumée de l’anglais.

 

 

4 - Les dimensions de la Terre et le Yard Mégalithique (82,944 cm)

 

Alors que le cercle et le triangle représentent par leur forme géométrique le symbole du CIEL, les nombres 440 et 364 associés pourraient renvoyer quant à eux au symbole de la TERRE et plus particulièrement à celui de ses dimensions.

Effectivement, d’un point de vue purement arithmologique, cette représentation géométrique pourrait être celle de notre Terre : le cercle exprimant à l’évidence la rotondité de la planète alors que le triangle équilatéral inscrit en donnerait les mesures à travers les nombres 364 ou 440. Le triangle équilatéral inscrit, signifierait par ses 3 côtés égaux, la mise en volume et donc le passage du cercle à la sphère terrestre. Logistiquement parlant, cette mise en volume peut s’écrire avec les nombres qui mesurent le triangle : 364 x 364 x 364,

Soit  3643 = Sphère Terrestre

Cette conceptualisation de notre monde, uniquement basée sur la théorisation arithmologique de la figure géométrique ci-dessus, amène naturellement à s’interroger sur le système de mesure qu’il conviendrait d’utiliser pour que cette équation symbolique trouve sa véracité. C’est là qu’intervient à nouveau la notion du Yard Mégalithique7, puisque 364 au cube exprimé dans ce système de mesure, délivre la mesure de 40 000 km, c’est-à-dire la dimension de la circonférence de notre planète.

40 000 km / 3643 = 0,82938 mètres

Soit la valeur approchée du yard mégalithique à 99,99%

Circonférence de la terre : 3643 Yards mégalithiques

J’ai déjà montré comment cette géométrie du triangle équilatéral et du nombre 364 était exprimée sur le site mégalithique des Roches de Marlin dans la relation qui lie la Pierre qui Chante à la Pierre du Châtaigner8.


 On relèvera encore la surprenante relation qu’entretient le yard mégalithique avec les nombres 440 et cette fois 365 (année solaire sur la TERRE), puisque :

- 365 / 440 = 0,8295 soit la valeur du Yard mégalithique à la précision de 99,98 % !

D’autre part, dans son remarquable travail sur le Yard Mégalithique, Quentin Leplat9 avait relevé judicieusement que la minute d’arc de la circonférence équatoriale de la Terre mesurait 2 236,8403 yards mégalithiques et que logistiquement, cette suite numérique correspond à mille fois la valeur de Ѵ5 (Racine de 5 = 2,236067…) :

- Circonférence équatoriale : 40 075 016 mètres

- 1 minute d’arc : 40 075 016 / 360 / 60 = 1855,3248 mètres

- 1 minute d’arc exprimée en yard mégalithique : 1855,3248 / 0,82944 = 2 236,8403 YM

Soit 1 minute d’arc équatorial = 1000 x Ѵ5 Yards Mégalithiques

Mais ce n’est que très récemment que la meilleure définition du yard Mégalithique a été établie. On doit à nouveau cette découverte à Quentin Leplat qui l’a annoncée à l’occasion d’un documentaire sur la chaîne internet NureaTV10. En constatant que la longueur d’un degré de méridien mesuré à la latitude de l’équateur représentait 110 573 mètres environ, Quentin Leplat propose que la valeur métrique du Yard Mégalithique soit l’expression des trois quarts de cette longueur :

- 1 degré de méridien à l’équateur : 110 573 mètres

- Trois quarts d’un degré : ¾ x 110 573 m = 82 930 mètres

Soit la valeur du Yard Mégalithique à 99,98% de précision

1 Yard Mégalithique (YM) = ¾ du degré de méridien à l’équateur

Cette division en quarte partie nous amène naturellement à nous interroger sur la valeur du quart restant du degré de méridien mesuré à l’équateur, soit 27 643 mètres (110573-82930) et Quentin Leplat de rappeler que cette valeur est celle d’une autre mesure bien connue sous le nom de Pied de Nippur de 27,648 cm et dont sa relation au Yard Mégalithique avait déjà été relevée par le métrologue Rolph C. A. Rottländer dès 197911 :

- 1 degré de méridien à l’équateur : 110 573 mètres

- Un quart d’un degré : ¼ x 110 573 m = 27 643 mètres

Soit la valeur du Pied de Nippur à 99,98% de précision

- Relation Yard Mégalithique / Pied de Nippur : 3 x 27,648 cm = 82,944 cm

1 Pied de Nippur (PN) = 1/4 du degré de méridien à l’équateur

1 Yard Mégalithique = 3 Pieds de Nippur

 

Notes :

 

7 : Cette mesure du Yard Mégalithique a été découverte de manière statistique par le Professeur Alexander Thom vers les années 1950 :

- Alexander Thom, « Megalithic sites in Britain », Oxford (London, UK), Clarendon Press, 1967.

- Alexander & Archibald Stevenson Thom, « Megalithic remains in Britain and Brittany », Oxford (London, UK), Clarendon Press, 1978.

 

8 : Eric Charpentier, 2016, op. cit.

 

9 : Quentin Leplat, « Le Yard Mégalithique, l'étalon oublié de la terre », film vidéo de 16 min disponible sur la chaîne : https://www.youtube.com et article disponible sur : http://messagedelanuitdestemps.org

 

10 : Quentin Leplat, « Mégalithes et Pyramides, les gardiens de la mesure de la Terre », émission diffusée le mardi 12 septembre 2017, disponible en ligne sur http://www.nurea.tv

 

11 : Rolf C. A. Rottländer, « Antike Längenmasse », Braunschweig/Wiesbaden (DE), Friedr. Vieweg & Sohn, 1979.

 

 

 

 

5 - Les dimensions de la Terre et le Pied de Nippur (27,648 cm)

 

Cette relation du Pied de Nippur avec le Yard Mégalithique, tous deux étalonnés sur la valeur du même méridien équatorial, est primordiale car le Pied de Nippur est précisément le plus vieil étalon de mesure connu au monde. Il a été découvert en 1916 par l’archéologue allemand - et Conservateur du musée d’Istanbul - Eckhard Unger à l’occasion de fouilles archéologiques dans les ruines de la ville de Nippur en Mésopotamie. Il s’agit d’une barre en alliage de cuivre mesurant environ 1,14
mètres, datée des années 2700 avant J.C. environ et dont les graduations ont permis d’établir l’expression d’une mesure appelée depuis le Pied de Nippur et valant 27,65 cm.

 

Cette règle semble avoir été divisée sur une graduation de 30 doigts, typique du système sexagésimal des Sumériens, qui délivre également la mesure de la Coudée de Nippur (CN) à 51,84 cm. Il s’agit cette fois d’une mesure en pleine relation avec la Toise Mégalithique de 2,0736 mètres puisque : 4 x 51,84 cm = 2,0736 m (1 TM = 2,5 Yards Még.).

1 Toise Mégalithique = 4 Coudées de Nippur

 

Nous aurons l’occasion de reparler de cette mesure de la coudée de Nippur dans la suite de ce travail, pour l’heure, nous pouvons constater que c’est bien cette mesure qui fut utilisée pour la construction du ziggurat Eduranki de l’Ekur, le grand temple dédié au dieu Enlil à Nippur, puisque ses dimensions de 39,40 x 57,00 mètres relevées par les archéologues délivrent les valeurs exactes en coudées de Nippur avec une précision de l’ordre de 99,96% :

- 1 Coudée de Nippur (CN) : 518,400 mm

- 76 x 0,518400 m = 39,3984 mètres

- 110 x 0,518400 m = 57,024 mètres

Dimensions du ziggurat Eduranki : 76 x 110 Coudées de Nippur

 

La relation de la coudée de Nippur avec la Toise Mégalithique se voit encore confirmée par les travaux de Howard Crowhurst, lequel a montré que les plus grands cercles de pierres connus au monde avaient un rayon de 51,84 mètres, c’est-à-dire 100 coudées de Nippur ou 25 Toises mégalithiques : il cite notamment le cercle de pierres de Rogues à Blandas dans le Gard, celui de Brodgar aux Orcades au nord de l’Ecosse, les cercles intérieurs de Avebury en Angleterre ou le cercle extérieur de New Grange en Irlande.

Dans son Histoire Naturelle, Pline l’Ancien (23-79 ap. J.C.) décrit la Grande Pyramide de Khéops en lui donnant pour dimensions à la base, une mesure de 883 pieds : « La plus grande pyramide occupe VIII jugères de terrain ; les quatre angles sont à égale distance, la largeur de chaque côté étant de VIII C LXXX III pieds ». Il a été démontré que cette mesure de 883 pieds résulte probablement d’une erreur de copiste qui aurait ajouté un « L » à la valeur donnée par Pline et que celle-ci doit plutôt s’entendre par celle de 833 pieds12. Or en utilisant la valeur du Pied de Nippur on s’aperçoit qu’elle délivre exactement la dimension de la base de la Grande Pyramide :

- 1 Pied de Nippur (PN) : 27,648 cm

- Base de la Grande Pyramide de Khéops : 230,38 mètres

- 833 x 0,27648 m = 230,31 mètres


Pied de Nippur = 1 Pied de Pline l’Ancien

Nous pourrions également traverser l’océan Atlantique et nous rendre au Mexique sur le site Maya de Chichén Itzá dans la région du Yucatán, et retrouver l’expression du Pied de Nippur dans la mesure donnée à la célèbre pyramide de Kukulcán (El Castillo), dont les dimensions de la base sont données à 55,30 m, c’est-à-dire exactement 200 Pieds de Nippur.

 

- 1 Pied de Nippur (PN) : 27,648 cm

- Base de la Pyramide El Castillo : 55,30 mètres

- 200 x 0,27648 m = 55,296 mètres

Aussi extraordinaire soit-il, le Pied ou la coudée de Nippur sont des mesures qui ont été relevées par les archéologues en divers endroits de la planète, au point que certains n’hésitent pas à en faire la Mesure Mère de toutes les autres mesures connues dans l’antiquité. C’est le cas notamment du métrologue allemand Rolph C.A. Rottländer dont nous avons déjà parlé qui avait repérée la coudée de Nippur dans les plus anciennes constructions de l’Egypte (Enceinte de Zoser à Saqqarah) ou encore en Palestine avec la fameuse coudée d’Ezéchiel mentionnée dans la Bible (Ez. 40,5 ; 43,13)13. Compte tenu de ce que nous exposons dans ce présent dossier, il semblerait que ce ne soit pas tout à fait le cas, puisque nous verrons à la fin de ce dossier, que toutes les mesures antiques sont issues des dimensions de la Terre et que par conséquent chaque peuple et quelle que soit l’époque considérée, avait ainsi la possibilité de retrouver et d’utiliser ces mêmes étalons de mesure indépendamment les uns des autres.

Pour clore cette partie consacrée au Pied de Nippur14, nous pouvons encore établir son rapport au nombre 440 déjà bien évoqué plus haut, puisque dans la géométrie du cercle, nous constatons qu’un rayon de 440 m donne un périmètre valant 10 000 Pieds de Nippur :

 

 

440 mètres x 2π = 10 000 Pieds de Nippur

Enfin, nous évoquerons également la relation qui met en résonnance les dimensions de la Terre avec à nouveau ce nombre 440, la mesure du Pied de Nippur et aussi celle du Pied Anglais de 30,48 cm, puisque 1 minute de la circonférence moyenne terrestre (CMT) peut s’exprimer par la relation :

1     minute CMT = 50 x 440 x 0,27648 x 0,30477

- Circonférence moyenne terrestre : 40 0441 440 m

- 1 minute de circonférence moyenne : 40 0441 440 m / 360 / 60 = 1853,77 mètres

- Pied de Nippur : 27,648 cm – Pied Anglais : 30,48 cm

- 50 x 440 x 27,648 cm x 30,48 cm = 1853,96 mètres (Précision à 99,99 %)

 

Notes :

 

12 : Edme François Jomard, « Description de l'Egypte ou Recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Egypte pendant l'expédition de l'armée française » (2ème édition), Tome 7ème, Paris, 1822, page 147, en ligne sur http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k28004p/

 

13 : La coudée ordinaire d’Ezéchiel a été donnée par A. Segré (1945) à la valeur de 444,25 mm valant 6 paumes. La coudée longue valant 7 paumes est celle de la coudée de Nippur : 7/6ème de 444,25 mm = 518,292 mm.

Rolph C. A. Rottländer, donne une valeur de 518,300 mm à la coudée de Nippur.

 

14 : On pourrait encore préciser que la valeur numérique du pied de Nippur exprimée en angle entretient une relation avec la valeur métrique de la coudée royale égyptienne de 52,36 cm puisque : Tangente (27,64°) = 0,5236…

 

 

6 - Les dimensions de la Terre et le Pied Anglais (30,48 cm)

 

Le nombre 440 ressort encore dans la métrologie britannique puisque nous savons que la mesure du mille anglais valant 1609,344 mètres correspond aussi à 5280 pieds anglais de 30,48 cm. Or le nombre 5280 est précisément l’expression de 12 x 440. On trouverait ici une explication à cette spécificité anglaise qui donne 5280 pieds au mille et non pas 5000 comme il était d’usage15. Nous profitons de ces propos pour donner ici notre position sur cette mesure de 1609,344 mètres constituant le mille terrestre anglais puisque nous pensons qu’il s’agit là d’une mesure directement issue des dimensions de la Terre. En effet, compte tenu de la forme elliptique de notre planète, les minutes de longitudes ont des valeurs très différentes suivant la latitude où l’on se trouve sur la Terre : à l’équateur, la minute de longitude vaut 1855,32 mètres ; à la latitude de 30° elle devient 1608,20 mètres ; puis 1314,20 mètres à 45 ° de latitude ou encore 930 mètres à la latitude de 60°.16 Or ces variations, et plus précisément celle de 1608,20 m qui concerne la latitude 30° attirent inévitablement notre attention. Il apparaît en effet qu’une minute de longitude valant environ 1609 m correspond à une latitude légèrement inférieure de quelques centièmes de degré à celle de 30°, ce qui correspond exactement au secteur géographique compris entre les pyramides égyptiennes du plateau de Gizeh et celle de Saqqarah au sud du Caire. Le Pied anglais serait-il issu de mesures de la Terre effectuées en Egypte ?

L’origine métrologique du Pied Anglais demeure inconnue. Et pour cause ! C’est une mesure que l’on rencontre abondamment dans la géométrie mégalithique que ce soit dans les îles britanniques ou même en France, dans le Morbihan (Carnac). Cette mesure semble bel et bien se perdre dans la nuit des temps puisque Howard Crowhurst a montré comment le plus grand menhir du monde, celui faisant partie des plus vieux vestiges mégalithiques de Bretagne (plus de 7000 ans), le grand menhir brisé d’Er Grah, était mensuré sur la valeur métrique du Pied Anglais17.


Un autre rapprochement avait déjà été fait par John Michell entre le Pied Anglais de 30,48 cm et les dimensions de la Terre. En utilisant la mesure du degré de la circonférence équatoriale de notre planète et en divisant ce degré par le nombre de jours de notre année solaire, on obtient une valeur très proche de celle du Pied Anglais :

- Circonférence équatoriale : 40 075 016 mètres

- 1 degré d’arc : 40 075 016 / 360 = 111 319,488 mètres

- Rapport à l’année solaire exacte : 111 319,488 m / 365,2422 j = 304,78

Soit la valeur de 1000 fois 0,30478 mètres

Quant à savoir comment la mesure du Pied Anglais pourrait être liée à la minute de longitude calculée depuis les pyramides d’Egypte…18.

 

Notes :

 

15 : Dans l’antiquité romaine le mille terrestre – millium passus – était l’équivalent de 1000 pas valant chacun 5 pieds romains et correspondant à une distance de 1 481,75 environ.

 

16 : Olivier Chapuis, « A la mer comme au ciel: Beautemps-Beaupré & la naissance de l'hydrographie moderne (1700-1850) », Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1999, p. 726

 

17 : Howard Crowhurst, « Les Secrets du Grand Menhir- Axe du monde», DVD conférence, Epistéméa (http://www.epistemea.fr)

 

18 : On trouve sur Wikipedia cette mention d’un pied équivalant au pied anglais utilisé en Syrie dans l’antiquité : « On nomme « pechys basilikos » la coudée de l'Antiquité équivalant à deux pieds anglais ».

 

7 - Les dimensions de la Terre et le Pied Gaulois court  (32,184 cm)

 

Faire entrer la notion de durée de l’année solaire de 365 jours dans la notion de métrologie ne semble a priori pas très cohérent. Pourtant, nous venons de voir qu’à deux reprises cette notion fonctionne. D’ailleurs, et de manière purement symbolique, la durée d’une année solaire de 365 jours, qui est propre à notre planète, pourrait très bien constituer en soit un facteur déterminant une unité de mesure de longueur, au même titre que les dimensions de notre planète en sont un.  La mesure du temps telle que nous la connaissons aujourd’hui nous vient pour bonne partie de Mésopotamie et plus particulièrement du peuple Sumérien qui vivait dans le Croissant Fertile cinq millénaires avant Jésus-Christ. Nous avons d’ailleurs conservé le système à base 60, dit système sexagésimal qui donne 24 heures19 pour une journée, 60 minutes pour 1 heure et 60 secondes pour 1 minute. Toutefois, les Sumériens avaient établi leur calendrier annuel sur 12 mois de 30 jours formant ainsi une année de 360 jours à laquelle on ajoutait 5 ou 6 jours complémentaires, des jours hors du temps, pour coïncider avec l’année solaire. Ce calendrier fut d’ailleurs adopté par la suite par les égyptiens.

Dans le système sexagésimal sumérien, un nombre revient souvent avec beaucoup d’importance : il s’agit du nombre 518 400. Dans leur système de mesure du temps, ce nombre correspond au nombre de minutes figurant dans une année de 360 jours :

360 x 24 x 60 = 518 400 minutes

On relèvera ici que 518400 est l’expression numérique exacte de la coudée de Nippur de 51,84 cm. Nous aurons l’occasion de revenir à ce nombre très important pour les sumériens par la suite, pour l’heure contentons-nous de faire un parallèle entre cette notion d’établir le nombre de minutes ou même le nombre de secondes que comprend une année de 360 jours avec la définition d’une mesure de longueur.

Ce parallèle va nous amener à définir ce que nous pourrions appeler le Pied Gaulois court mesurant 32,184 cm. Si nous divisons la circonférence moyenne terrestre par le nombre de secondes que contient une année de 360 jours, nous pourrions écrire :

- Nombre de secondes dans une année de 360 jours : 360 x 24 x 60 x 60 = 31 104 000

- Circonférence terrestre moyenne : 40 041 440 mètres

- Or 40 041 440 / 31 104 000 = 1,2873

Il pourrait s’agir ici d’une mesure de longueur connue pour être celle de l’aune gauloise déjà en usage dans l’antiquité et valant elle-même 4 pieds20. On aurait alors :

1,2873 / 4 = 0,32184 mètres = 1 Pied Gaulois court

De prime abord, cette mesure du Pied Gaulois n’a jamais été formellement identifiée par les archéologues, alors qu’au contraire elle apparaît clairement utilisée sur certains monuments romains qui ont été étudiés au 19ème siècle par M. Louis-Jules Michel21. Il en donne un exemple concret avec notamment les mesures relevées sur le Temple d’Auguste et de Livie à Vienne (Isère), datant des années 20-10 avant J.C. et qui déterminent l’utilisation d’un pied de 32,187 cm soit une erreur de 0,003 % au mètre avec la valeur que nous donnons (l’entrecolonnement a été mesuré au millimètre près à 12,875 m correspondant à 40 pieds de 0,321875 mètres).


D’une manière générale, l’étude de M. Michel montre l’utilisation dans les monuments romains de Lyon et Vienne d’un pied gaulois d’environ 32,2 cm22, permettant à l’auteur de conclure que ces monuments furent construits par une main d’œuvre autochtone utilisant sa propre métrique.

Pour déterminer la valeur du Pied Gaulois, l’archéologie moderne s’appuie plus sur une mesure de distance qui est la lieue gauloise (du latin leuga mais issu du gaulois leuca) mais dont la valeur exacte échappe encore aux scientifiques car elle ne peut être précisément mesurée. Elle serait constituée de 7500 pieds gaulois et on s’accorde à dire que les distances de 2415 mètres, de 2436 mètres et de manière généralisante 2450 mètres23 sont souvent celles qui correspondent au plus près à cette lieue gauloise.

En appliquant la valeur de 32,184 cm au Pied Gaulois, on obtiendrait une distance d’environ 2414 mètres pour la lieue gauloise, ce que semble corroborer l’archéologie avec la distance de 2415 mètres évoquée ci-dessus.

7500 x 0,32184 = 2413,80 mètres = 1 Lieue Gauloise

Mais c’est sur la mesure du Mille terrestre que nous allons pouvoir confirmer, et la valeur du Pied Gaulois et celle du Pied Anglais.

- 1 Mille terrestre = 1000 Pas

- 1 Pas = 5 Pieds

- Donc 1 Mille terrestre = 5000 pieds

5000 x 0,32184 mètres = 1 609,20 mètres = 1 Mille gaulois = 1 Mille Anglais

Nous retrouvons ici cette mesure de 1609 mètres dont nous avions dit qu’elle correspondait à 1 minute de longitude pris à la latitude du Caire, faisant ici la jonction entre le système métrologique standard par le biais du Pied Gaulois de 32,184 cm et le système métrologique anglo-saxon avec son pied de 30,48 cm. Cette mesure du Mille Anglais permettrait d’établir la mesure d’origine du Pied Anglais à 1609,20 / 5280 = 30,477 cm, valeur quasi identique à celle donnée par John Michell ci-dessus.

Cette mesure du Mille terrestre de 1609,20 mètres valant 5000 pieds gaulois nous amène maintenant à considérer que le stade gaulois valant 500 pieds avait pour valeur 1/10ème du Mille terrestre, soit 160,92 mètres ; et de rappeler que si Eratosthène avait utilisé cette valeur du stade il aurait parfaitement défini la circonférence du méridien terrestre 200 ans avant notre ère :

- 500 Pieds Gaulois de 32,184 cm = 160,92 mètres = 1 Stade Gaulois

- 250 000 stades = 40 230 000 mètres = Circonférence terrestre à 200 km près et une erreur de 0,5 % au mètre.

Eratosthène aurait-il utilisé ce pied gaulois de 32,184 cm pour calculer les dimensions de la Terre ? A coup sûr non ! Pourquoi un Grec aurait-il utilisé en Egypte une mesure de la Gaule pour effectuer ses calculs ? A moins peut-être de considérer le rapport évident qu’entretient le Pied Gaulois avec le Pied Grec de 30,896 cm …

 

Notes :

 

19 : Les Sumériens avaient adopté une journée de 12 heures valant chacune 120 minutes.

 

20 : « Ulna habet pedes IIII. » (L’Aune vaut 4 pieds). Mention figurant dans les Gromatici veteres, recueil des anciens arpenteurs datant de la fin de l’antiquité.

 

21 : Louis-Jules Michel, « Détermination de la longueur du Pied Gaulois, à l’aide des monuments antiques de Lyon et de Vienne », Discours de réception à l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, Lyon, Association typographique, 1872.

 

22 : L’auteur détermine également qu’un autre pied proche de 32,5 cm était utilisé concurremment sur les mêmes monuments. Nous en reparlerons plus loin dans ce dossier.

 

23 : Jacques Dassié, « La grande lieue gauloise : approche méthodologique de la métrique des voies », in Gallia, tome 56, 1999, pp.285-311.

Et aussi Daniel Jalmain, « Archéologie aérienne en Ile-de-France », Ed. Technip, 1970.

 

8 - Les dimensions de la Terre et le Pied Grec  (30,896 cm)

 

Il est en effet remarquable de constater que le Pied Gaulois de 32,184 cm entretient un rapport exact de 25 à 24 avec le Pied Grec, dit Pied Olympique :

- 32,184 cm x 24/25 = 30,896 cm = 1 Pied Grec Olympique

Et de rappeler que de tous temps, il était admis que le rapport existant entre le Pied Grec et le Pied Romain était lui aussi de 25 à 24. Nous aurions donc ici le même rapport simple permettant de passer à la fois du pied romain au pied grec, mais aussi du pied grec au pied gaulois…

Le Pied Grec a été mesuré avec une extrême attention et déterminé au plus juste par les archéologues et architectes grecs qui se sont intéressés aux monuments de l’Acropole d’Athènes. Il est en effet notoire que l’Hécatompédon de l’Acropole désignait étymologiquement un temple de 100 pieds exactement (ce qui correspond à la mesure du plèthre grec : 1 plèthre = 100 pieds) et déterminer précisément ses dimensions revenait à définir la valeur exacte du Pied Grec. Dans son ouvrage sur l’Architecture Cachée, Georges Jouven24 rappelle que les mesures de l’Hécatompédon ont permis de déterminer cette valeur du Pied Grec à 30,901 cm, soit un écart de 0,005 % au mètre avec celle que nous donnons ici. C’est encore la même mesure de 30,9 cm qui est adoptée par le métrologue allemand Rolph C. A. Rottländer pour le Pied Grec Olympique.

 

Le temple de l’Hécatompédon aurait été construit sur l’Acropole au 6ème siècle avant J.C. pour être dédié à la déesse Athéna. Il aurait ensuite été intégré au plan du Parthénon pour en constituer la Cella principale25.

Nous avions établi que le Pied Gaulois de 32,184 cm émanait directement des dimensions de la Terre et ce rapport simple de 25 à 24 avec le Pied Grec nous amène à considérer qu’il en était de même pour ce dernier.

Ce point se confirme à l’évidence puisque la mesure de l’Hécatompédon correspond exactement à 1 seconde d’arc de la circonférence terrestre :

- Circonférence moyenne terrestre : 40 041 440 mètres

- 1 seconde d’arc : 40 041 440 / 360 / 60 / 60 = 30,896 mètres

- 1 plèthre grec = 100 pieds grecs = 30,896 mètres

Soit la valeur du Pied Grec Olympique à 0,30896 mètres

On notera en aparté que le rapport à la seconde d’arc délivre la dixième partie du nombre 12 960 000 (34 x 44 x 54) qui est le Grand Nombre Nuptial de Platon : 60 x 60 x 360 = 1 296 000

Ce pied grec olympique était encore considéré comme étant le pied fort de la Grèce antique et on l’attribuait aux mensurations d’Hercule26. Ceci implique également l’existence d’autres pieds grecs de valeurs plus faibles que celle du pied olympique…

 

Notes :

 

24 : Georges Jouven, « L’Architecture Cachée, Tracés harmoniques », Dervy-Livres, 1979

Nous devons à Georges Jouven, Docteur ès-Lettres, Architecte en Chef des Monuments Historiques dans les années 1970-1980, les meilleures études sur l’arithmologie appliquée à l’Architecture, c’est-à-dire « la discipline étudiant la mystique et le symbolisme des nombres et de leurs concepts, ceux-ci représentant par correspondance ou analogie les divers éléments du Cosmos, Dieux, astres, temps, personnes, sans limitation de nature » (G. Jouven, « Les Nombres cachés », Dervy, réédition 2003).

 

25 : Maxime Collignon, « Le Parthénon : l'histoire, l'architecture et la sculpture », Paris, Hachette, 1914.

Maxime Collignon était Membre de l’Institut et Professeur à l’Université de Paris

 

26 : Daniel Jalmain, 1970, op. cit. p.108.

 

9 - Les dimensions de la Terre et le Pied Romain (29,635 cm)

 

Il semble en effet qu’un pied grec un peu plus court que le pied olympique dérive aussi des dimensions de la Terre. Il s’agit du pied correspondant cette fois à 1 seconde d’arc du méridien terrestre et de relever à nouveau la relation avec le nombre 441 que nous évoquions plus haut :

- Circonférence du méridien terrestre : 40 007 864 mètres

- 1 seconde d’arc : 40 007 864 / 360 / 60 / 60 = 30,87 mètres = 1 Pied Grec Standard

 

Or 7 x 441 = 3 087

Il s’agit là d’une valeur numérique tout à fait remarquable dans la mesure où elle réunit deux systèmes de numération : le système sénaire à base 6 et le système septénaire à base 7 autour de la circonférence polaire de notre planète. Ces deux systèmes de numération ont été les bases des divisions métrologiques dans l’antiquité.

On constate également qu’une valeur du Pied Grec Standard à 30,87 cm est en rapport de 1261 à 1260 avec le Pied Grec Olympique que nous évoquions ci-dessus et que ce rapport fait partie de ceux que le britannique John Michell avait établi comme étant celui permettant de passer de la circonférence moyenne à la circonférence équatoriale de la Terre (voir illustration 3 plus haut) :

- 1 Pied Grec Olympique = 30,896 cm

- 1 Pied Grec Standard = 30,870 cm

- 30,870 cm x 1261/1260 = 30,895 cm

En appliquant maintenant le rapport de 24 à 25 admis entre les valeurs du Pied Romain et celle du Pied Grec, nous obtiendrions 29,635 cm pour le Pied Romain :

30,870 x 24/25 = 29,635 cm = 1 Pied Romain Standard

Cette valeur du pied romain à 29,635 cm corrobore d’ailleurs celle du Mille Passus romain à 5000 x 29,635 = 1 481,75 mètres qui est la mesure donnée en général au Mille terrestre romain27. La coudée romaine valant 3/2 du pied romain vaut ainsi : 1,5 x 29,635 = 44,453 cm de longueur ce qui correspond exactement au rapport de 1 à 4 existant avec la millionième partie d’un degré d’arc du méridien terrestre :

- Circonférence du méridien terrestre : 40 007 864 mètres

- 1 degré d’arc : 40 007 864 / 360 = 111 132,96 mètres

- 4 millionième partie du degré d’arc : 111 132,96 x 4 / 1 000 000 = 0,44453 mètres

Soit la valeur de la coudée romaine à 44,453 cm

Il pourrait s’agir encore ici d’une expression de la grande lieue romaine mais aussi utilisée en Grèce à la valeur de 4 445,3 mètres et dont les romains auraient fait leur lieue gallo-romaine d’une valeur de 2 222,65 m équivalent à la moitié28.

C’est encore un rapport de 441/440, comme nous l’avons dit plus haut, qui permettrait de passer de la valeur du Pied Romain Standard à celle du Pied Romain de base valant 29,57 cm :

29,635 x 440/441 = 29,568 cm = 1 Pied Romain « Root » (de base)

 

Notes :

 

27 : Jacques Dassié donne la valeur de 1 481,50 mètres (Dassié, 1999) et Jalmain celle de 1482 mètres (Jalmain, 1970).

 

28 : On donne en général la valeur de 2 220 mètres à la lieue gallo-romaine. Dassié la donne à 2222 mètres (Dassié, 1999).

 

10 - Les dimensions de la Terre et le Pied Egyptien dit de Khéops (30,718 cm)

 

En étudiant plus haut la définition que nous pouvions donner au Pied Grec Olympique de 30,896 cm nous avions dit que l’Hécatompédon de l’Acropole d’Athènes avait été bâti au 6ème siècle avant J.C. sur l’expression de 100 pieds correspondant exactement à 1 seconde d’arc de la circonférence moyenne de la Terre. En cela, le Temple dédié à la déesse Athéna comportait en soit, les dimensions de notre planète !

Il est un autre monument antique dont la tradition dit qu’il comporte en soit les dimensions de la Terre : il s’agit de la Grande Pyramide de Khéops sur le plateau de Gizeh en Egypte. Rappelons ici que c’est à cette latitude du Caire que correspond à 1 minute de longitude, la distance de 1609 mètres délivrant à la fois 12 x 440 pieds anglais et à la fois à 5000 pieds gaulois. C’est encore après avoir désensablé pour les mesurer, les bases de cette grande pyramide par les armées napoléoniennes que chronologiquement parlant, le mètre a vu le jour …

Au 10ème siècle de notre ère, l’auteur arabe Abu-l-Farage, l’un des plus grands littérateur et écrivain de son temps, relatait dans l’un de ses ouvrages, « le voyage du Patriarche Denys de Telmahre qui parcourait l’Egypte avec le Calife Al-Mamoun vers l’an 829 et dans lequel il rapporte que la grande pyramide est longue et large de 500 coudées »29. Ce passage nous étonne un peu compte tenu qu’aujourd’hui nous connaissons précisément les dimensions de la pyramide de Khéops, en moyenne 230,38 mètres de côté, ce qui correspond à 440 coudées royales égyptiennes de 52,36 cm. A l’évidence, le savant Abu-l-Farage faisait mention dans ses écrits d’une autre mesure que celle de la coudée royale égyptienne pour mensurer la grande pyramide. L’intérêt ici est de relever que le coté de la pyramide valait exactement 500 coudées, ce qui nous semble plus approprié qu’une mesure de 440 coudées dans l’intention initiale de son architecte30. Un rapide calcul va nous délivrer les valeurs métriques de cette coudée qui aurait pu servir à construire la grande pyramide :

- Côté moyen de la pyramide : 52,36 cm x 440 = 230,384 mètres

- 230,384 / 500 = 46,077 cm = 1 coudée d’Abu-l-Farage

- 46,077 / 1,5 = 30,718 cm = 1 pied d’Abu-l-Farage

Soit la valeur du pied égyptien de Khéops à 30,718 cm

Cette valeur de 30,718 cm pour le pied de Khéops qui aurait servi d’étalon à l’architecte de la grande pyramide est très proche du pied grec dont nous parlions plus haut, mais il se trouve que c’est une mesure qui a été relevée à de nombreuses reprises sur plusieurs monuments égyptiens à l’occasion des premières campagnes d’Egypte au début du 19ème siècle et rapportée par Edme François Jomard dans son Exposition du système métrique des Anciens Egyptiens31. Les mesures qu’il fournit au millimètre près, notamment du sarcophage de la Chambre du Roi, à 2,301 m semble bien correspondre à une réduction au centième de la base de ladite pyramide.

 

Les dimensions du sarcophage sont validées par les mesures actuelles qui fixent ainsi à 4,4 coudées royales sa longueur. Aux vues de ce que nous venons de dire ci-dessus, il nous paraît plus opportun d’imaginer qu’initialement ce sarcophage avait été pensé sur une mesure de 5 coudées. En effet, en architecture sacrée, le nombre cinq est celui qui est lié au thème du bicarré, et ici précisément, la chambre du roi est aux proportions du bicarré.

Dans son ouvrage et en parlant de ce pied égyptien, Jomard généralise la valeur du pied en nous disant que « sa dimension est de 0,308, et c’est celle que les Grecs ont adoptée ». Or la valeur de 30,718 cm que nous donnons n’est pas tout à fait la même que celles que nous avons définies à 30,896 ou encore 30,870 cm ci-dessus. Toutefois cette assertion de Jomard n’est peut-être qu’à moitié fausse car il est fort possible que ce pied égyptien dérive lui aussi du Pied Grec Olympique de 30,896 mètres par le rapport 176/175 découvert par John Neal :

- 1 Pied Olympique Grec : 30,896 cm

- 1 Pied Egyptien : 30,896 x 175/176 = 30,720 cm

Soit la valeur du pied égyptien de 30,718 cm à 0,002 % d’erreur au mètre

Néanmoins, il se trouve que la mesure du Pied Egyptien de Khéops relève elle-aussi directement des dimensions de la Terre. Nous avons évoqué le fait que la Terre était de forme ellipsoïdale et non sphérique, ce qui engendre que les distances sur le méridien entre deux latitudes n’ont pas tout à fait les mêmes dimensions selon l’endroit où on se trouve sur la planète. En l’occurrence, nous avons vu qu’à une latitude moyenne de 45°, la minute d’arc était de 1852 mètres, et que c’est cette mesure qui a déterminé la valeur du Mille Nautique. A l’Equateur, cette même minute d’arc est réduite à 1843 mètres alors qu’aux pôles elle est agrandie à 1861 mètres32. En utilisant la valeur métrique de la minute d’arc à l’Equateur, c’est-à-dire là où la circonférence terrestre est la plus grande, la seconde d’arc correspond exactement à la valeur numérique du Pied Egyptien de Khéops :

- 1 minute d’arc à l’Equateur : 1843 mètres

- 1 seconde d’arc à l’équateur : 1843 / 60 = 30,717 mètres

Soit 100 fois la valeur du pied de Khéops de 30,718 cm à 0,0013 % d’erreur au mètre

Nous aurons dorénavant plutôt tendance à considérer que c’est cette relation aux dimensions de la Terre qui est à l’origine de ce Pied Egyptien à partir duquel la Grande Pyramide fut bâtie. Cette mesure du pied à 30,718 cm semble en outre revêtir un caractère universel, puisqu’elle correspond exactement dans les dimensions de la pyramide à une mesure de 440 coudées royales égyptiennes. De fait, nous pourrions nous interroger sur la distance de 230,38 mètres que nous avions relevée entre les deux menhirs de Chassagny évoqués plus haut, et nous demander si elle n’était pas plutôt l’expression de 500 pieds. Ce qui nous porterait à le penser c’est que cette mesure du Pied Egyptien de 30,718 cm pourrait être celle qui a été concurremment utilisée avec le Pied Gaulois de 32,184 cm pour la construction de l’aqueduc du Gier entre Saint-Chamond et Lyon et qui passe à quelques pas de Chassagny. Dans la partie de son ouvrage consacrée à la métrologie de l’aqueduc du Gier, l’archéologue Jean Burdy déclare que la valeur métrique du pied utilisée est de 30,7 cm à ± 1 mm au maximum et de conclure : « Est-ce simple coïncidence si le pied utilisé pour l’aqueduc du Gier est si proche du pied de 30,8 cm en usage en Grèce et en Orient ? »33.

 

Notes :

 

29 : M. le Chevalier Drovetti, « Lettre à M. Abel Rémusat sur une nouvelle mesure de coudée trouvée à Memphis », Paris, De Bure, 1827.

 

30 : Dans une publication récente « La coudée nilométrique de Khephren et le mètre » en ligne sur (http://messagedelanuitdestemps.org), Quentin Leplat montre que la pyramide de Khephren mesure exactement 400 coudées nilométriques alors qu’on lui donne d’ordinaire 412 coudées royales égyptiennes. Ce fait viendrait confirmer une préférence à utiliser des centaines de coudées exactes pour unité des bases des pyramides. Cette coudée nilométrique vaut exactement le tiers du nombre d’or, soit 53,934 cm.

 

31 : Edme François Jomard, « Description de l'Egypte ou Recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Egypte pendant l'expédition de l'armée française » (2ème édition), Tome 7ème, Paris, 1822.

Je remercie ici Quentin Leplat qui m’a transmis les références de cet ouvrage très utile à nos recherches.

 

32 : Pierre-Yves Bely, 2004, op. cit.

 

33 : Jean Burdy, « L’aqueduc romain du Gier », éditions du Préinventaire des monuments et richesses artistiques, Département du Rhône, Tome IV – LYON, 1996, page 310. Il a encore été établi que les regards de l’aqueduc espacés de 2 actus, soit 240 pieds, étaient distants d’environ 77 mètres, ce qui dans ce cas-là correspond à l’utilisation du Pied Gaulois court de 32,184 cm :

240 x 0,32184 = 77,24 mètres

 

11 - Les dimensions de la Terre et la Coudée Royale Egyptienne (52,36 cm)

 

La coudée royale égyptienne, cette fameuse unité de mesure de 52,36 cm qui fut utilisée pour construire la Grande Pyramide de Khéops34 en Egypte concurremment avec le pied égyptien de 30,718 cm que nous donnions ci-avant est encore appelée la Coudée de Memphis, la Coudée de Maya ou la Coudée des Initiés. Si, comme nous l’avons dit, le pied égyptien est bien une mesure issue des dimensions de la Terre, qu’en est-il de cette coudée royale ? Car a priori, cette mesure pourrait relever d’une autre intention que celle d’exprimer les dimensions de la Terre, à savoir celle de théoriser une mesure à partir de la notion de « perfection ».

 

Cette volonté de théoriser la mesure de la Coudée Royale à 52,36 cm serait ici manifestée par la relation très singulière qu’entretient cette valeur avec les deux grandes constantes de l’Univers, que sont les nombres Pi (π) = 3,14159… et Phi (ϕ) = 1,61803… encore appelé le Nombre d’Or.

En effet, nous constatons aisément par le calcul arithmétique que :

 

- π / 6 = 0,5235987… soit 0,5236 au 1/10 000ème près.

- ϕ2/5 = 0,5236067… soit 0,5236 au 1/10 000ème près.

 

Ces deux valeurs numériques exactes sont par un hasard tout à fait remarquable, parfaitement identiques à la précision de 99,998 %.

 

Mais ces calculs, aussi exacts soient-ils, ne sont pas validés par la communauté scientifique pour faire valoir la mesure de la Coudée Royale. Ce principe est trop « dérangeant » et l’opinion des métrologues, historiens, archéologues, égyptologues, est de considérer qu’admettre une telle théorie revient finalement à accepter l’existence du Mètre à une époque où cette mesure n’est pas censée exister. Aussi, l’avis académique actuel sur la valeur métrique de la Coudée Royale peut être résumé par les propos de Jean-François Carlotti35, ci-dessous :

 

 « La valeur métrique de la coudée royale a été l'objet de nombreuses polémiques par le passé. Mais, aujourd'hui, on peut raisonnablement déterminer une fourchette comprise entre 0,52 m et 0,54 m avec quelques exceptions, sans doute très rares, en deçà et au-delà. Une valeur de la coudée royale au Nouvel Empire, comprise entre 0,523 m et 0,525 m, a cependant été observée par de nombreux auteurs.

L'Égypte n'a donc pas connu une mais plusieurs valeurs de la coudée en fonction du lieu, de l'époque et même du bâtiment. On notera que la réforme métrologique de la XXVIe dynastie a eu pour effet une augmentation de la valeur métrique de certaines unités de partition de la coudée royale et de la canne. Dans l'hypothèse d'une valeur métrique constante de l'étalon à 0,525 m pour la coudée royale dans les systèmes digital et oncial, et à 0,70 m pour la canne dans le système oncial ; les autres unités, à commencer par le doigt et le pouce, ont une valeur

Métrique plus grande après la réforme et par là même ne correspondent plus à leur valeur anatomique, comme c'était le cas avant la réforme.

Enfin, les quelques valeurs métriques des différents types de coudées données par R. A. Schwaller de Lubicz sont issues de calculs sur l'arc de méridien moyen de la latitude de l'Égypte. Sa démarche comparative avec les coudées dites « votives » n'est pas dépourvue d'intérêt, et permet de se pencher sur le problème de leur utilisation. Les débats sur la valeur métrique de la coudée royale semblent désormais inutiles ; les études architecturales les plus récentes ont confirmé 'hypothèse de la variation de la coudée royale dans le temps et l'espace. Établir un raisonnement sur la valeur de la coudée en dehors de tout contexte est donc inopérant. »

 

 

L’étalon de mesure que l’on appelle la Coudée de Maya, du nom du ministre des finances et Architecte de Toutânkhamon à Horemheb, conservé au musée du Louvre à Paris a été étudié de manière très précise par le milieu scientifique et délivre la mesure de 52,3 cm, soit 523 mm.

 

 

Voici ce qu’en dit Geneviève Pierrat-Bonnefois36, Conservateur au Département des antiquités égyptiennes :

 

« La comptabilité des récoltes et la mesure annuelle des surfaces agricoles, après la crue qui bouscule les bornes du cadastre, comptent parmi les fondements de la bureaucratie égyptienne. La mesure étalon est la coudée, d’environ 52,5 cm, dont voici un exemplaire très bien conservé au nom d’un grand personnage : Maya, ministre des Finances de Toutânkhamon à Horemheb.

 

Une règle très détaillée :

 

Cette règle consiste en une baguette en bois dur de profil rectangulaire avec un angle biseauté : elle présente donc cinq facettes. Sur la face en biseau se trouvent les indications les plus précieuses : à l’extrême gauche, le doigt (ici 1,86 cm) et la palme, soit quatre doigts (ici 7,47 cm) ; à droite, les graduations correspondant à la coudée royale de 7 palmes (ici 52,3 cm) et à la petite coudée de 6 palmes. Les autres graduations correspondent à des mesures moins courantes. Sur la face verticale sous le biseau, à droite, 15 mesures de doigts portent des subdivisions allant de ½ à 1/16ème, dûment inscrites au-dessus.  

Sur la face supérieure, le nom d’une divinité est associé à chacun des 28 doigts, en commençant à droite par Rê.

 

La dédicace :

 

Sur la face inférieure se trouve inscrite en hiéroglyphes, une exhortation de la part de Maya auprès des prêtres d’un temple inconnu, afin qu’ils prononcent la formule de distribution des offrandes revenant de la table du dieu :

« Le porte-éventail à la droite du roi, le scribe royal, le chef du Double trésor du Maître des Deux-Terres, Maya, dit :

« Ô les prêtres-purs, les prêtres lecteurs de ce temple, vos dieux de vos cités écouteront vos prières, vous serez prospères grâce à vos fonctions, après une belle vieillesse, si vous prononcez mon nom et si vous faites pour moi comme (on fait à) un favorisé auprès de son maître, (pour moi) le porte-éventail à la droite du roi, celui qui est aux pieds du Maître des Deux-Terres, celui qui n’a pas quitté le Dieu Bon (le roi) en quelque lieu que ses pas le portaient… »

La coudée, bien qu’elle semble usée par des manipulations prolongées, est donc un objet votif, qui fonctionne au bénéfice de la survie éternelle de Maya à la façon d’une stèle ou d’une statue. On connaît d’autres coudées, en pierre, qui furent ainsi déposées en ex-voto dans les temples par les grands fonctionnaires. Celle trouvée dans la tombe de l’architecte Khâ, toute dorée, était un cadeau du roi (musée de Turin).

 

Maya, ministre des Finances et chef des travaux :

 

La coudée est aussi l’instrument de l’architecte. Parmi ses hautes fonctions, Maya est désigné comme chef des travaux à plusieurs reprises. Dans un graffito, sans doute de sa main, sur le mur de la tombe de Thoutmosis IV dans la Vallée des Rois, il dit avoir restauré la sépulture sur ordre du roi. Très proche de Toutânkhamon, il a laissé son nom sur plusieurs objets de son tombeau. Sa tombe, visitée par Richard Lepsius en 1843, fut oubliée puis redécouverte en 1986 par une équipe d’archéologues anglo-hollandaise. Au musée de Leyde aux Pays-Bas se trouve une superbe statue grandeur nature de lui en compagnie de son épouse Méryt. »

 

Officiellement nous ne pouvons donc pas théoriser une valeur métrique de la Coudée Royale Egyptienne à partir d’une relation basée sur les nombres π ou ϕ, car cela impliquerait d’introduire ici l’existence du Mètre.

 

La question revient maintenant de savoir si à nouveau nous pouvons établir une relation entre la coudée royale égyptienne et les mensurations de la Terre. D’après ce que nous dit Geneviève Pierrat-Bonnefois ci-dessus, les égyptiens disposaient d’une coudée royale valant 7 palmes et d’une petite coudée valant 6 palmes. Cette dernière valant également 3/2 du pied égyptien. En appliquant la mesure du pied égyptien de 30,718 cm utilisé pour la construction de la Grande Pyramide, nous pourrions donc proposer une mesure de la petite coudée à 46,077 cm et une mesure de coudée royale à 53,756 cm. On constate à l’évidence que ces valeurs numériques ne corroborent pas les propos de la conservatrice du Louvre.

 

En revenant aux mensurations de la Terre, on s’aperçoit que la minute du méridien terrestre pourrait avoir un rapport avec la mesure de la coudée royale égyptienne. En effet, à une latitude qui correspondrait approximativement à celle de Rome, mais aussi à celle de la Corse37, la minute de méridien valant 1851,23 mètres environ (c’est aussi approximativement cette mesure de méridien qui déterminait la mesure du Pied du Roi évoqué plus haut), exprimée en coudée royale égyptienne donnerait le résultat de 3 535,58. Or cette mesure est l’expression exacte de 2500 x Ѵ2 :

 

- 1 minute d’arc à la latitude de Rome : 1851,23 mètres

- Or 1851,23 / 0,5236 = 3 535,58 Coudées Royales Egyptiennes

- et 3 535,58 / Ѵ2 = 2 500 Coudées Royales Egyptiennes

Si nous devions traduire ces calculs par un tracé géométrique, il reviendrait à dire que la minute d’arc de méridien à la latitude de Rome correspond à la diagonale d’un carré mesurant 2500 Coudée Royales Egyptiennes, ce qui conférerait d’ailleurs à ce carré un périmètre symbolique de 10 000 CRE (10 puissance 4 : 104).

 

La diagonale de ce carré mesurant 2500 x Ѵ2 Coudées Royales peut également s’exprimer de manière plus simple par la valeur de 5000 Rémens Egyptiennes (RE) puisque l’on sait que la coudée royale était précisément en Egypte la diagonale d’un carré mesurant 1 Rémen de côté.

La valeur de ce Rémen est ainsi 52,36 cm / Ѵ2 = 37,024 cm. Cette coudée Rémen semble entretenir conjointement une relation remarquable avec les nombres 364 et 365,2422, ce dernier étant exactement le nombre de jours dans une année solaire. En revenant aux principes établis par le britannique John Neal évoqués plus haut, nous constatons que :

 

Comme si ce Rémen était finalement la valeur d’une « Coudée Géographique » calculée d’après une « Coudée Root » (de base) valant exactement le nombre de jours dans une année solaire ; ou encore qu’il résultât du nombre 364 par une triple correction de l’erreur liée à l’approximation de Pi (π).

 

Quoi qu’il en soit, il est clair que la mesure de la coudée Rémen a été utilisée bien en dehors de l’Egypte pharaonique, puisque j’ai pu la rencontrer à la fois aux Roches de Marlin où elle est l’unité de mesure du rectangle d’or qui relie la Pierre du Dauphin à la Pierre du Châtaigner (2160 av. J.C.) ; et à la fois à Sainte-Croix-en-Jarez où elle constitue l’unité de mesure utilisée pour l’église médiévale de la chartreuse (14ème siècle). Preuve une fois de plus que ces connaissances métrologiques ont su traverser les millénaires qui séparent les bâtisseurs de mégalithes des bâtisseurs médiévaux…

 

 

Notes :

 

34 : Chaque côté de la base de la Grande Pyramide a été mesurée au millimètre près (voir Howard Crowhurst, « Comment les Anciens positionnaient leurs sites sacrés 1 », DVD Conférence, Epistemea (epistemea.fr)

Base Sud : 230,454 m ; base Nord : 230,253 m ; base Ouest : 230,357 m ; base Est : 230,394 m ; moyenne : 230,3645 mètres.

 

35 : Jean-François Carlotti, « Quelques réflexions sur les unités de mesure utilisées en architecture à l’époque pharaonique », Extrait des Cahiers de Karnak 10, 1995, Centre Franco-Egyptien d’Etudes des Temples de Karnak Louqsor (Egypte), USR 3172 du Cnrs.

 

36 : Geneviève Pierrat-Bonnefois, Conservateur au Département des antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, Antiquités égyptiennes - Nouvel Empire (vers 1550 - vers 1069 av. J.-C.)

 

37 : Ce constat pourrait être rapproché des travaux effectués par Quentin Leplat sur les mégalithes de la Corse.

 

 

12 - Les dimensions de la Terre et le Pied du Roi (32,48 cm)

 

En évoquant plus haut les recherches sur la mesure du pied gaulois de M. Louis-Jules Michel à l’aide des monuments antiques de Lyon et de Vienne, nous avions dit qu’une mesure de 32,5 cm apparaissait également dans les relevés de ces monuments. C’est le cas notamment du Portique du Forum de Vienne (Isère) dont l’ouverture mesure 6,83 m soit 21 pieds et sa hauteur du pavé jusqu’à la clef 11,045 m, soit 34 pieds. Outre un rapport harmonique évident de 34/21 correspondant à deux nombres de la suite de Fibonacci, la mesure de la hauteur relevée au millimètre près permet d’établir l’utilisation d’un pied de 11,045 / 34 = 32,485 cm. Cette valeur de 32,48 se retrouve encore sur l’aqueduc du Gier : « M. de Gasparin a donné, dans le tome 6 des Mémoires de l’Académie de Lyon, classe des sciences, la description de l’aqueduc qui amenait les eaux de la vallée du Gier sur la colline de Fourvières. J’ai extrait de son mémoire les chiffres donnant les dimensions principales des siphons de Saint-Genis et de Soucieu. Evaluées en pieds de roi, ces mesures se transforment en nombres ronds à quelques millimètres près »38.

 

De même, en étudiant la grande lieue gauloise, Jacques Dassié déclare : « Une mesure récente, mais antérieure au système métrique, est la toise de Paris qui fait 1,949 m. Il y a 6 pieds par toise, d’où le pied de Paris (ou Pied de Roy) = 0,3248 m. Si nous calculons une lieue à partir de ce pied gaulois, nous obtenons : 1 lieue = 0,3248333 x 7500, soit 2 436 m. C’est l’une des valeurs de la lieue gauloise la plus fréquemment rencontrée. On peut donc raisonnablement supposer que le pied de Paris n’est que la continuation d’un pied gaulois qui aurait perduré jusqu’à l’époque moderne »39.

 

C’est encore l’opinion de l’archéologue Daniel Jalmain qui a étudié la lieue gauloise, lequel nous dit que « le pied de Paris n’est certainement pas un pied romain dégénéré, mais le descendant direct d’un pied en usage dans les campagnes et les boutiques depuis des siècles »40. Il renvoie notamment aux recherches métrologiques de C. Cochet-Cochet et à ses Notices historiques sur le Brie ancienne (1933), lequel donnait une lieue commune en usage à Provins de 4 385,55 mètres, correspondant à 2250 toises de Paris, à côté de laquelle subsistait une Grande lieue de 2500 toises de 4 872,55 mètres. Cette distance étant sensiblement le double de 2 436 mètres renverrait à la lieue gauloise de 7500 pieds de 32,48 cm.

 

Rappelons qu’en 1799, 47,5 pieds du Roi de 32,48 cm valaient 1/120ème de la minute d’arc du méridien :

 

- 47,5 x 120 x 0,3248 = 1 851,36 mètres

 

 

Nous savons de surcroit par les écrits de Jules César que les druides gaulois avaient probablement connaissance des dimensions de la Terre puisqu’ils l’enseignaient : « Le mouvement des astres, l'immensité de l'univers, la grandeur de la terre, la nature des choses, la force et le pouvoir des dieux immortels, tels sont en outre les sujets de leurs discussions : ils les transmettent à la jeunesse. »41

 

Nous avons pu voir plus haut que le Pied court gaulois de 32,184 cm émanait directement de la circonférence moyenne terrestre et il semble bien que le Pied long gaulois de 32,48 cm soit également issu des mensurations de notre planète. J’ai pu relever à Saint-Sauveur-en-Rue (Loire), une relation très singulière entre le centre du cromlech 2 des Faves et le menhir du Bouchet. Cette relation unique à ce jour se fait dans les trois dimensions car la différence d’altitude a été prise aussi en considération : d’une part une distance à l’horizontale de 1843 mètres et d’autre part une distance au sol de 1861 mètres. Ces deux mesures expriment à l’évidence la longueur d’une minute de méridien mesurée d’une part à l’équateur (1843 m), et d’autre part au Pôle (1861 m). L’orientation horizontale délivre une relation géométrique atypique basée sur la diagonale d’un rectangle de proportion Ѵ5/10, dont l’unité vaut 250 pieds courts de 32,184 cm sur la mesure de 1843 m et 250 pieds longs de 32,48 cm sur la mesure de 1861 m. Cet exemple à lui seul suffit pour confirmer les écrits de César relatifs aux connaissances des druides gaulois.


 Historiquement, le Pied du Roi de 32,48 cm fut établi par Jean-Baptiste Colbert en 1668 lorsqu’il révisa la Toise de Paris. Avant cette date, le pied de Roy était légèrement supérieur (32,66 cm = 32,474 cm x 175/176). Bizarrement, la tradition donne aussi au Pied du Roi réformé en 1668 le nom de Pied de Charlemagne comme si finalement celui-ci était la résurgence d’une mesure plus ancienne. La mise en place du nouveau Pied en 1668 fit grande polémique mais Colbert ne céda pas aux pressions et imposa ce nouvel étalon. Colbert aurait-il eu connaissance de cette vieille mesure du pied gaulois au point de vouloir l’instaurer contre vents et marées ?

 

Cet épisode ne serait pas sans rappeler celui de l’invention du Mètre et de rappeler que dans les milieux néo-druidiques, il est admis que le Mètre était la verge (yard, tige, canne de mesure) des druides à l’époque celte et que sa mesure conservée au secret par quelques corporations pendant deux millénaires, aurait été donnée à Napoléon par son Ministre d’Etat Talleyrand…

 

Notes :

 

38 : Louis-Jules Michel, 1872, op. cit., p.29

 

39 : Jacques Dassié, 1999, op. cit. p. 289

 

40 : Daniel Jalmain, 1971, op. cit. p. 109.

 

41 : Jules César, « De la Guerre des Gaules », Livre VI – 14

 

 

 

13 - Les dimensions de la Terre et le Pied Drusien (33,339 cm) ou Pied Druidique

 

« L’existence, en Gaule du Nord-Est et en Germanie Inférieure, d’une unité de mesure provinciale, dénommée « pes drusianus », nous est rapportée par l’agronome latin Hygin, dans un ouvrage rédigé au tout début du principat de Trajan, entre 98 et 102 (De conditionibus agrorum). La mention qu’il en fait est des plus laconiques : « Item dicitur in Germania in Tungri pes Drusianus, qui habet monetalem pedem et sescunciam ». Ce pied de Drusus équivaut donc à la mesure officielle du pied monétal, augmentée d’une once et demie, soit en théorie 33,27 cm »42.

 

On a souvent voulu attribuer aux Tongres43 cette mesure du Pied Drusien mais l’archéologie n’a guère trouvé de lien avec la métrologie indigène. D. Barthélémy et S. Dubois rappellent d’ailleurs qu’à Manching en Bavière c’est un pied de 30,9 cm qui semble avoir été utilisé par les autochtones. On retrouve d’ailleurs ici notre Pied Grec Olympique de 30,896 cm correspondant à 1/100ème de seconde d’arc de la circonférence de la Terre. Est-ce alors Drusus, père de Germanicus, qui aurait introduit cette mesure chez les celtes d’Allemagne ? Il ne semble pas non plus, car le pes drusianus a été repéré en plusieurs endroits : Allemagne, Alpes autrichiennes, Amiens ou Nîmes en France, …etc. ;   laissant entendre que cette mesure était déjà bien ancrée en Europe au 1er siècle avant notre ère.

On peut ici s’interroger sur le fait que Hygin ou ses compilateurs auraient pu mal transcrire les pluriels Druidum ou Druidibus de druide, par le singulier Drusianus, mots ayant la même racine dru. Ainsi, le père de Germanicus n’aurait strictement rien à voir dans cet étalon de mesure qu’utilisaient les druides gaulois. Sans doute faut-il suivre l’agronome Hyginus pour simplement envisager que ce pied drusien ou druidique est une variante du Pes Monetalis (pied standard romain) sur un rapport de 9/8ème correspondant en effet à une augmentation du pied romain d’une once et demie. Barthélémy et Dubois, donnent ci-dessus une valeur de 33,27 cm à ce pied drusien, considérant un pied romain de 29,57 cm. De notre côté nous préférons utiliser la valeur du pied romain standard de 29,635 cm qui était la plus généralisée pour déterminer une valeur de 33,339 cm au pied de Drusus ou druidique :

 

- Pied romain standard : 29,635 cm

- 29,635 x 9/8 = 33,339 cm = 1 Pied Drusien = Pied Druidique

 

Ce qui nous pousse à préférer cette valeur numérique, est sa correspondance quasi exacte avec 1/3 de « vrai mètre » (VM) calculé au méridien terrestre. Dans ce schéma, ce « vrai mètre » serait l’équivalent de la verge ou yard des druides valant 3 pieds.

 

- Circonférence du méridien terrestre : 40 007 864 mètres

- 10 millionième partie du ¼ du méridien : 40 007 864 / 40 000 000 = 1,0001966 mètres

- 1 Pied Druidique : 33,339 cm

- 1 yard druidique : 3 x 0,33339 = 1,0001813 mètres à 0,0015 % d’erreur au mètre !

 

Il n’est pas l’objet ici de démontrer l’usage du mètre dans la géométrie mégalithique. Les exemples sont si nombreux dès l’époque néolithique que l’existence du Pied Métrique ou Pied Drusien, ou Pied Druidique est à intégrer aux plus anciens systèmes métriques utilisés au monde.

 

Avant de conclure ce dossier métrologique, nous invitons les curieux à s’immerger dans cette connaissance de la nuit des temps en suivant Howard Crowhurst dans son travail remarquable sur l’utilisation de cette mesure à Locronan44 en Bretagne. Ces recherches permettront de constater que cette valeur du pied métrique a su se transmettre depuis l’époque mégalithique jusqu’aux druides de l’âge du fer, puis au clergé de l’époque gallo-romaine et enfin aux bâtisseurs du Moyen-Âge. Ces derniers ont laissé la « clé » de leur secret inscrit dans le dallage de la chapelle de Saint Ronan…


 

… Une clé qui mesure 33,3 cm

 

Notes :

 

42 : Daniel Barthélémy et Stéphane Dubois, 2007, op. cit., p.377

 

43 : Peuple celte de la Gaule Belgique occupant probablement les provinces modernes du Limbourg belge, du Limbourg hollandais et une partie de l'Allemagne moderne environ jusqu'à Aix-la-Chapelle.

 

44 : Howard Crowhurst, « Les origines secrètes de la Troménie de Locronan », La Pierre Philosophale éditions, 2013 ainsi que « Les origines secrètes de la Troménie de Locronan », Epistemea, DVD conférence disponible sur epistemea.fr

 

 

14 - Du Yard Mégalithique au Pied Romain :

le système de mesure « Préhistorique »

 

Nous arrêterons ici les démonstrations qui mettent en évidence que toutes les mesures antiques les plus connues sont issues des dimensions de la Terre. Il est clair qu’il existe bon nombre d’autres mesures et que chaque peuple avait jadis son propre système métrique, soit qu’il fut issu à son tour de l’un des systèmes dont nous avons parlé, soit qu’il émane lui aussi directement des dimensions de la Terre. Les millénaires qui séparent les premières érections de mégalithes des monument romains du 1er siècle avant notre ère ont certainement contribué à faire évoluer ces mesures en fonction des peuples qui les utilisaient. Mais retenons qu’à l’origine, toutes ces mesures « Mères » que sont le Pied Romain, le Pied Grec, le Pied de Nippur, le Pied Egyptien, le Pied Anglais, le Pieds Gaulois, font partie finalement d’un seul et même système métrologique dont l’étalon premier est notre TERRE.

Parler de « métrologie préhistorique » est surement un contresens historique puisque l’Histoire débute avec l’invention de l’écriture. Mais pourrait-on seulement imaginer l’utilisation d’un système métrique sans écriture ? Non bien sûr, la mesure nécessite le Nombre et son expression par écrit est donc inévitable. Les premiers monuments mégalithiques de Carnac sont datés de 5000 ans avant notre ère et ils sont bâtis à partir d’une géométrie précise utilisant les mesures du Yard Mégalithique, du Pied Anglais et du Mètre Mégalithique. Cette « pensée par formes » pourrait être en soit l’une des manifestations premières de l’écriture dans la recherche d’un équilibre symbolique du Monde tel que le Créateur l’a établi :

 

« Tu as tout ordonné par mesures, nombres et poids »

(Ancien Testament, Livre de la Sagesse 11,20)

 

Intention dans laquelle il convient de traduire poids par proportion car « la comparaison de deux grandeurs ou des nombres concrets qui les mesurent est la projection sur le plan mathématique de l’opération élémentaire du jugement : perception exacte des rapports entre les choses ou les idées ; c’est une mesure, une pesée idéale» (Matila C. Ghyka, Le Nombre d’Or)

Nous avons vu que le plus vieil étalon de mesure connu était celui du Pied de Nippur, découvert en Mésopotamie et qu’il datait du début du 3ème millénaire avant notre ère. Sa relation métrique avec le Yard Mégalithique est exacte puisque :

 

Un Yard Mégalithique est l’expression des trois quarts du degré de méridien de la Terre mesuré à l’équateur alors qu’un Pied de Nippur exprime quant à lui le quart restant. L’addition de ces deux étalons de mesure délivre exactement la valeur d’un degré de méridien de la Terre mesuré à l’équateur.

Nous connaissions déjà par le Professeur Alexander Thom le rapport 5/2 entre le Yard Mégalithique et la Toise Mégalithique, lequel peut se traduire géométriquement par un rectangle de proportion 5 sur 2 ; dont la diagonale mesure Ѵ29 :


C’est cette même Toise Mégalithique qui délivre encore par un rapport très précis de 1 sur 7 la valeur du Pied Romain, que nous exprimons ci-dessous par la représentation géométrique du septuple carré :


 

C’est ce rapport exact de 1 à 7, que privilégie le métrologue allemand Rolph C. A. Rottländer pour définir le Pied Romain à la valeur métrique de 29,62 cm et dont nous pouvons dire par le jeu des rapports successifs, qu’il correspond au 15/56ème du degré de méridien de la Terre mesuré à l’équateur. Difficile à dire quel serait l’intérêt de diviser un cercle en 56 parties, mais c’est pourtant ce que firent les premiers bâtisseurs de Stonehenge 3000 ans avant notre ère et dont les 56 trous d’Aubrey nous conservent le souvenir. Le Nombre d’Or serait-il pour quelque chose dans cette histoire ?

Eric CHARPENTIER

A Loire, le 22 septembre 2017, jour de l’équinoxe






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