Né
en Espagne entre 1509 et 1511, de parents mal connus mais
probablement aisés, il est envoyé dès 1525
à Toulouse pour y étudier les lois
et la théologie. Puis
il entreprend un véritable ‘
Tour d’Europe’ un peu à la façon des compagnons dans leur
Tour de France, afin
de se perfectionner. Nous le retrouvons à Lyon, Hagueneau, en
Allemagne, puis
Bologne, Bâle, Augsbourg, Strasbourg. D’ores
et déjà, il émet des idées
panthéistes, n’hésite pas à se confronter avec les
plus éminents théologiens de
l’époque. Le
voici au service du secrétaire
de Charles Quint avec lequel il assiste au couronnement de l’Empereur. Avide
de culture, il se rend à
Paris où il va rencontrer l’Evêque de Vienne Pierre
Palmier, un autre érudit,
qui l’invite à venir s’installer à
Vienne après un bref séjour à
Charlieu où il exerce la médecine. Servet
et Palmier débattent sur
les auteurs de leur temps que sont Machiavel et son oeuvre
« Le Prince »
Erasme et « l’éloge de la folie » – Thomas
More et «
l’utopie » – Ces hommes, si différents en apparence,
ont en commun le
refus de la scolastique et de la théologie enseignées au
Moyen-âge, ils placent
leurs espoirs dans l’éducation humaniste. Dans
l’entourage de ces deux
brillants érudits, Guy de Maugiron, lieutenant
général du Gouvernement en
Dauphiné, dont Servet soigne la fille. Servet
écrit beaucoup mais ses
idées remettent en cause tout le dogmatisme de l’Eglise
Catholique, sans pour
autant épargner les réformateurs et, en particulier
Calvin. Sa
théorie de la Trinité «
Trinitatius Erroribus » et surtout son «
Christianisme restitué» en
font l’homme à abattre. Comme si ça ne suffisait pas, il
s’insurge contre le
Baptême aux enfants sous le prétexte que : -« Dans le Baptême, par la Vertu de la
régénération du Christ,
c’est-à-dire, sa résurrection, un esprit nouveau est
donné, c’est un homme
nouveau qui vient au monde….mais pour que le baptême soit
efficace, la foi est
nécessaire à qui le reçoit….Si vous compreniez ce
qu’est cet homme nouveau
intérieur né d’une alliance céleste, qui seul
mange le corps vivant du Christ,
certes vous vous mettriez à courir au baptême ». Iconoclaste,
Servet balaye les
saints, statues, peintures et autres accessoires de la foi. A
propos de l’Apocalypse de Jean,
il assimile le Pape à l’Antéchrist et dresse un tableau
satirique de
l’idolâtrie dans l’Eglise. L’excommunication le guette. Il
insiste : Théologien
et humaniste, Servet
se montre aussi architecte. Après
qu’une
crue eut emporté le pont sur la Gère, il trace avec
bonheur les plans du
nouveau pont selon les théories de Vitruve l’ingénieux
architecte militaire
romain. Mais
c’est par ses œuvres
caritatives que le Docteur Servet conquiert
le cœur des viennois. Les
historiens professent qu’il a
développé une thèse sur la petite circulation
sanguine, qui fait toujours
autorité, et surtout qu’il a, à la tête de la
confrérie de Saint Luc, apporté
aux pauvres, une assistance de tous instants, fournissant les
médicaments et
soignant gratuitement les indigents. Servet
aurait-il accepté de
prêter serment sur la Bible ? Probablement,
mais auparavant il
aurait demander à modifier ladite Bible ainsi qu’il l’a fait
avec celle de
Pagnini . Oui,
il a osé dire que la terre
de Canaan n’était pas le jardin fertile décrit par
Moïse mais, au contraire, un
désert aride et inculte, il avait raison, comme tant d’autres
dans d’autres
domaines, les Galilée, Pic de la Mirandole, Giordano Bruno,
voire Jacques de
Molay. Par
qui ? Par Maugiron, qui
n’a pas le choix. L’interrogatoire
a lieu le 4
avril 1553 au palais delphinal. Ory
lui demande s’il est bien le
sieur Michel Servet, espagnol du Royaume d’Aragon, jadis
condamné par le
Parlement de Paris pour ses divagations astrologiques ? Servet
répond qu’il est Michel de
Villeneuve, docteur en médecine, prieur de la confrérie
de Saint Luc et qu’il a
utilisé le nom d’un certain Servet qu’il aurait connu autrefois. Les
questions portent
essentiellement sur les doctrines de la foi et, naturellement sur les
écrits de
Servet. Si le théologien viennois se défend fort bien, il
est évident que son
sort est déjà décidé et les interrogatoires
qui se succèdent n’apporteront rien
de nouveau. Ory exige son arrestation et demande à ce qu’il soit
jugé à Vienne. Servet
est emprisonné par les
soins de Guy de Maugiron qui, apparemment,
lui accorde un régime de faveur. Un beau matin,
Servet demande au
geôlier l’autorisation de se rendre aux toilettes. Sans
surveillance, il ouvre la
fenêtre, saute sur le toit tout proche, se laisse glisser dans le
jardin et prend
la fuite. Nul
ne l’a vu ! L’évêque
et le lieutenant général
des gardes étaient-ils complices ? Nous
ne le saurons jamais
contrairement à la rumeur pour qui le doute n’est pas. Il
semblerait que Servet soit en
route pour l’Italie, pourtant, bravant toute prudence le voici, ce 17
août
1553, à Genève, dans l’église de la Madeleine,
où il va écouter un prêche de
Calvin ! Bien
évidemment il est reconnu,
arrêté et emprisonné. Le
Petit Conseil se réunit le 23
octobre pour juger Servet, si sa culpabilité n’est pas remise en
cause, la
sentence fait long débat et ce n’est que le 26 que les juges
rendent leur
verdict : qu’il soit condamné à
être
mené en Champel, et là, à être
brûlé tout vif et soit exécuté à
demain et ses
livres brûlés. Le 27
octobre, le funèbre cortège
se dirige vers le bûcher de Champel dans la campagne genevoise.
Il demande
pardon pour ses erreurs, voire ses péchés, il ne les
confesse pas pour autant. Alors
que déjà la fumée d’un bois
trop vert commence à l’asphyxier, Michel Servet, lance ce
dernier cri qui ne
fait que confirmer sa faute aux yeux de ses détracteurs : Seigneur Jésus, fils du Dieu Eternel, aie
pitié de moi ! Il
aurait peut-être échappé à ce
jugement extrême s’il avait dit lors de ses interrogations :
« Seigneur Jésus, fils éternel de
Dieu ». A la
demande de Calvin et du
Tribunal de l’Inquisition, Michel Servet sera brûlé en
effigie à Vienne, dans
un bûcher où furent jetés tous ses livres.
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