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DECEMBRE 2014

Michel Servet
Théologien Viennois




PAR NOTRE AMI ANDRÉ TRABET

Né en Espagne entre 1509 et 1511, de parents mal connus mais probablement aisés, il est envoyé dès 1525 à Toulouse pour y étudier les lois et la théologie.

Puis il entreprend un véritable ‘ Tour d’Europe’ un peu à la façon des compagnons dans leur Tour de France, afin de se perfectionner. Nous le retrouvons à Lyon, Hagueneau, en Allemagne, puis Bologne, Bâle, Augsbourg, Strasbourg.

D’ores et déjà, il émet des idées panthéistes, n’hésite pas à se confronter avec les plus éminents théologiens de l’époque.

Le voici au service du secrétaire de Charles Quint avec lequel il assiste au couronnement de l’Empereur.

Avide de culture, il se rend à Paris où il va rencontrer l’Evêque de Vienne Pierre Palmier, un autre érudit, qui l’invite à venir s’installer à  Vienne après un bref séjour à Charlieu où il exerce la médecine.

Servet et Palmier débattent sur les auteurs de leur temps que sont Machiavel et son oeuvre « Le Prince » Erasme et « l’éloge de la folie » – Thomas More et  «  l’utopie » – Ces hommes, si différents en apparence, ont en commun le refus de la scolastique et de la théologie enseignées au Moyen-âge, ils placent leurs espoirs dans l’éducation humaniste.

Dans l’entourage de ces deux brillants érudits, Guy de Maugiron, lieutenant général du Gouvernement en Dauphiné, dont Servet soigne la fille.

Servet écrit beaucoup mais ses idées remettent en cause tout le dogmatisme de l’Eglise Catholique, sans pour autant épargner les réformateurs et, en particulier Calvin.

Sa théorie de la Trinité «  Trinitatius Erroribus » et surtout son «  Christianisme restitué» en font l’homme à abattre. Comme si ça ne suffisait pas, il s’insurge contre le Baptême aux enfants sous le prétexte que :

-«  Dans le Baptême, par la Vertu de la régénération du Christ, c’est-à-dire, sa résurrection, un esprit nouveau est donné, c’est un homme nouveau qui vient au monde….mais pour que le baptême soit efficace, la foi est nécessaire à qui le reçoit….Si vous compreniez ce qu’est cet homme nouveau intérieur né d’une alliance céleste, qui seul mange le corps vivant du Christ, certes vous vous mettriez à courir au baptême ».

Iconoclaste, Servet balaye les saints, statues, peintures et autres accessoires de la foi.

A propos de l’Apocalypse de Jean, il assimile le Pape à l’Antéchrist et dresse un tableau satirique de l’idolâtrie dans l’Eglise. L’excommunication le guette.

Il insiste :

 -«  Dieu n’habite pas dans les temples faits de mains d’hommes, c’est avec l’esprit seul qu’il est adoré ».

Admirateur de Jésus-Christ, il affirme : «  Ce Jésus que vous avez sacrifié, Dieu l’a fait Seigneur et Christ, or, cette onction ne peut être faite qu’à un homme. Cependant cet homme est le fils de Dieu parce qu’il  a été «  conçu du Saint Esprit, Il est engendré de la substance de Dieu. Il en est le fils corporel. ».

Théologien et humaniste, Servet se montre aussi  architecte. Après qu’une crue eut emporté le pont sur la Gère, il trace avec bonheur les plans du nouveau pont selon les théories de Vitruve l’ingénieux architecte militaire romain.

Mais c’est par ses œuvres caritatives que le Docteur Servet  conquiert le cœur des viennois.

Les historiens professent qu’il a développé une thèse sur la petite circulation sanguine, qui fait toujours autorité, et surtout qu’il a, à la tête de la confrérie de Saint Luc, apporté aux pauvres, une assistance de tous instants, fournissant les médicaments et soignant gratuitement les indigents.

Que  lui sera-t-il reproché ?

La tolérance ne parait pas être sa qualité première mais, contestataire de l’Eglise, l’est-il davantage que Luther ou Calvin ? La différence c’est que ces deux derniers ont réussi, ce qui en fait des réformateurs et non plus des hérétiques.

Servet aurait-il accepté de prêter serment sur la Bible ?

Probablement, mais auparavant il aurait demander à modifier ladite Bible ainsi qu’il l’a fait avec celle de Pagnini .

Oui, il a osé dire que la terre de Canaan n’était pas le jardin fertile décrit par Moïse mais, au contraire, un désert aride et inculte, il avait raison, comme tant d’autres dans d’autres domaines, les Galilée, Pic de la Mirandole, Giordano Bruno, voire Jacques de Molay.

Par ses correspondances avec Calvin, Servet s’en est fait un ennemi juré et s’il signe ses libelles du nom de Michel de Villeneuve, Calvin n’est pas dupe et en connaît bien l’auteur. Il fait accuser Servet d’hérésie et confie à Mathieu Ory, Inquisiteur général de la Foi pour le Royaume de France, le soin de le faire arrêter.

Par qui ? Par Maugiron, qui n’a pas le choix.

L’interrogatoire a lieu le 4 avril 1553 au palais delphinal.

Ory lui demande s’il est bien le sieur Michel Servet, espagnol du Royaume d’Aragon, jadis condamné par le Parlement de Paris pour ses divagations astrologiques ?

Servet répond qu’il est Michel de Villeneuve, docteur en médecine, prieur de la confrérie de Saint Luc et qu’il a utilisé le nom d’un certain Servet qu’il aurait connu autrefois.

Les questions portent essentiellement sur les doctrines de la foi et, naturellement sur les écrits de Servet. Si le théologien viennois se défend fort bien, il est évident que son sort est déjà décidé et les interrogatoires qui se succèdent n’apporteront rien de nouveau. Ory exige son arrestation et demande à ce qu’il soit jugé à Vienne.

Servet est emprisonné par les soins de Guy de Maugiron qui, apparemment,  lui accorde un régime de faveur. Un beau matin, Servet demande au geôlier l’autorisation de se rendre aux toilettes.

Sans surveillance, il ouvre la fenêtre, saute sur le toit tout proche, se laisse glisser dans le jardin et prend la fuite.

Nul ne l’a vu !

L’évêque et le lieutenant général des gardes étaient-ils complices ?

Nous ne le saurons jamais contrairement à la rumeur pour qui le doute n’est pas.

Il semblerait que Servet soit en route pour l’Italie, pourtant, bravant toute prudence le voici, ce 17 août 1553, à Genève, dans l’église de la Madeleine, où il va écouter un prêche de Calvin !

Bien évidemment il est reconnu, arrêté et emprisonné.

Le Petit Conseil se réunit le 23 octobre pour juger Servet, si sa culpabilité n’est pas remise en cause, la sentence fait long débat et ce n’est que le 26 que les juges rendent leur verdict : qu’il soit condamné à être mené en Champel, et là, à être brûlé tout vif et soit exécuté à demain et ses livres brûlés.

Le 27 octobre, le funèbre cortège se dirige vers le bûcher de Champel dans la campagne genevoise. Il demande pardon pour ses erreurs, voire ses péchés, il ne les confesse pas pour autant.  

Alors que déjà la fumée d’un bois trop vert commence à l’asphyxier, Michel Servet, lance ce dernier cri qui ne fait que confirmer sa faute aux yeux de ses détracteurs : Seigneur Jésus, fils du Dieu Eternel, aie pitié de moi !

Il aurait peut-être échappé à ce jugement extrême s’il avait dit lors de ses interrogations : « Seigneur Jésus, fils éternel de Dieu ».

A la demande de Calvin et du Tribunal de l’Inquisition, Michel Servet sera brûlé en effigie à Vienne, dans un bûcher où furent jetés tous ses livres.

Par sa mort, notre théologien, viennois d’adoption, entrait dans la longue liste des victimes de l’intolérance.                                                             






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