REPORTAGE REGARDS
DU PILAT
LES MINES
DE SAINT-JULIEN MOLIN MOLETTE
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En
1717 à Saint-Julien-Molin-Molette(42), un maître mineur autrichien,
François Kayr de Blumenstein fut attiré par la présence
importante dans le sous-sol de ce petit village, de filons métallifères
avec une dominante de minerai de plomb. Avant son arrivée, des fouilles
avaient par le passé été entreprises ; l’histoire
locale nous apprend effectivement que des archives de seigneurie en parlaient
déjà au onzième siècle. Ce grand professionnel
allait devenir le premier en France, à cuire du minerai pour en
obtenir du plomb. Cette réussite surprenante fut très remarquée
à l’époque. De lourds travaux de terrassement se mirent par
conséquent en place rapidement. Sur une durée de cent treize
ans, neuf mille tonnes furent exploitées : en galeries, au moyen
de puits et à ciel ouvert. Les boyaux souterrains mesuraient environ
deux mètres de hauteur pour un mètre de largeur. Le plus
long d’entre eux, selon un rapport de cette époque, aurait atteint
neuf cent soixante-quatorze mètres. Des garçons du pays s’embauchaient
comme manoeuvre. Les spécialistes, mineurs ou piqueurs, arrivaient
d’Allemagne et d’Autriche. Des puits furent creusés lorsque le filon
d’une galerie s’élargissait. Par-dessus certains boyaux, on pouvait
ainsi plus facilement extraire les précieux minerais. Les eaux d’infiltration,
obligatoirement prises en compte dans la conception des galeries et des
puits s’évacuaient grâce à une légère
pente douce. Sur les bons filons, on superposait des galeries qui se rejoignaient
entre elles. La roche autour du minerai paraissait plus ou moins résistante,
notons que le granit par exemple l’était plus que le quartz. Un
travail efficace passait nécessairement par la compétence
de personnels expérimentés et bien formés... Aujourd’hui,
une visite sauvage très intéressante d’une demi-journée
peut s’effectuer en ces lieux. Une vingtaine de filons ont été
exploités. Il y a vingt ans, quatre galeries demeuraient, paraît-il,
encore visibles. Au printemps, nous en avons investi deux, mais rien n’empêche
de penser que les deux autres existent toujours. Nous avions recueilli
des informations approximatives auprès d’une connaissance, pour
retrouver l’une d’entre elles. Après de petites erreurs de chemin,
perdus dans les forêts de ce versant du Pilat, nous avons finalement
découvert la galerie. Elle se perche, sur un petit plateau, au sommet
d’une pente terreuse, dans une zone inhabitée. La terre environnante
mélangée à des particules microscopiques de plomb,
ne donne plus aucune végétation depuis qu’elle a été
entreposée là, à l’abandon depuis 1830 au minimum.
On peut facilement comparer cette galerie à un souterrain de château
médiéval. Sa conception s’affirme en tout point similaire
à celle des anciennes voies secrètes de forteresses. On doit
se recroqueviller pour progresser dans le boyau, car la fine terre drainée
par les pluies, a sensiblement remblayé la cavité sur toute
sa longueur. Le niveau du sol a par conséquent remonté. Un
éboulement bloquant la totalité du passage a empêché
notre progression au bout d’une vingtaine de mètres. On a aperçu
distinctement la trace d’une barre à mine, laissée sur une
des parois rocheuses. L’homme, là encore, nous donne une preuve
de ses immenses possibilités techniques. Aucun progrès majeur
depuis le moyen âge, n’a pu développer de nouvelles méthodes
pour obtenir un tel résultat. Cela signifie que si une bonne raison
le nécessitait, quatre ou cinq cents ans plus tôt, on pouvait
déjà concevoir des souterrains du même type... Nous
avons pris des photos qui demeurent des souvenirs très parlants,
témoins d’une visite pleine d’intérêt. L’impression
ressentie dans la galerie s’apparente à celle que l’on éprouve
dans un souterrain médiéval...
Après
avoir parcouru quelques kilomètres, de gros monticules à
l’horizon ont attiré notre attention. Progressant, en découvrant
au fur et à mesure les chemins qui allaient nous permettre de nous
rapprocher, nous nous sommes enfin garés tout à côté,
près d’habitations, dans un petit hameau. Il nous restait environ
trois cents mètres à parcourir à pied pour parvenir
en contrebas d’une interminable pente d’un degré d’inclinaison important.
Avec de la neige comme couverture, une piste noire pour les sports d’hiver,
s’intégrerait allègrement à ce décor ! Nous
nous trouvions en fait à l’emplacement d’une ancienne mine à
ciel ouvert. Des morceaux de rochers multicolores, entreposés en
tas sur tout un côté du couloir de terre, demeurent les seuls
éléments qui peuvent égayer sensiblement cet endroit
où on éprouve vraiment l’impression d’être dans une
zone désaffectée. Ici aussi, la végétation
ne pousse plus. Pour cette raison, le lieu a tendance à paraître
sinistre. Sur des centaines de mètres, tout a été
laissé sur place. Le gisement en fin d’exploitation, l’homme n’a
visiblement pas eu la moindre pensée pour les générations
futures, seul un appât du gain prononcé a guidé
sa conduite. Heureusement que peu de sites de ce style agrémentent
de la sorte l’environnement verdoyant du Pilat. Soyons néanmoins
positifs et gardons un regard pédagogique sur ces chantiers. Plus
loin, une deuxième carrière à ciel ouvert, mais plus
petite, a attiré par hasard, notre attention. En se déplaçant
au coeur de celle-ci, nous avons observé notre deuxième galerie
de l’après-midi. Les pieds dans l’eau, nous n’avons pu progresser
que sur quatre ou cinq mètres. Une vingtaine de mètres plus
loin, nous avons pu observer une sortie. Cette excursion printanière
a été pleine d’enseignements. Ce sont des milliers de kilomètres
souterrains identiques qui existent dans notre pays !
Thierry Rollat
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