OCTOBRE
2021











Par
Christian Fitte


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LES MONNAIES

dans la région du Pilat




Des premières pièces gauloises jusqu’aux Francs et aux Euros, en passant par les Sesterces romains, les Deniers des archevêques de Vienne et du Puy, ou encore les Ecus et les Sols royaux frappés à Lyon, les monnaies ont toujours fait partie de notre histoire et de nos vies !

L’association Visages de notre Pilat et sa revue Dan l’tan se sont fait, à plusieurs reprises, l’écho des trouvailles de monnaies anciennes utilisées et retrouvées dans notre région, qu’elles y aient été produites ou non. Avec mon collègue Patrice Serena, nous avons approfondi le sujet en synthétisant l’ensemble des publications existantes et en y adjoignant, outre nos recherches personnelles, les découvertes des adhérents de l’association ainsi que celles communiquées par des experts et des professionnels. La moisson a été fructueuse.
En effet, la circulation monétaire dans la région du Pilat est particulièrement intéressante, toujours située à la frontière de diverses influences : entre Allobroges et Ségusiaves dans le très productif Empire gallo-romain ; entre Royaume de France et Saint-Empire Romain Germanique qui se partageaient nos provinces (Forez, Lyonnais, Dauphiné, Vivarais, Velay) ; puis entre les six départements qui les ont remplacés (Loire, Rhône, Isère, Drôme, Ardèche, Haute-Loire).  Sans oublier les monnaies de nécessité ou locales de nos commerçants.
L’intérêt de l’étude est évident pour suivre les évolutions historiques, culturelles, religieuses, ainsi que dans les domaines des techniques et des arts. Mais ces monnaies de toutes époques, que l’on retrouve aujourd’hui, nous relient surtout à leurs précédents propriétaires, nos ancêtres. Qu’ils n’aient eu que quelques pièces de bronze dans leur bourse ou bien une cassette d’or et d’argent, elles nous parlent d’eux, des conflits qui leur ont fait abandonner leurs biens, de la vie sous tous les régimes qui se succédés ici pendant plus de 2000 ans.

Je vais essayer de donner, dans les pages suivantes, un aperçu chronologique de nos connaissances actuelles dans ce domaine. Avec deux parties :
- Ce mois-ci : les périodes gauloise, romaine et du haut Moyen Age.
- Le mois prochain : les périodes dites royale et moderne.

PARTIE  I

Gaule – Empire romain – Haut Moyen Age

 

Les premières monnaies

 

La monnaie sous forme de pièces métalliques, que l’on utilise encore aujourd’hui, a vu le jour dans l’est du bassin méditerranéen. C’était il y a plus de 2500 ans en Lydie, sur les bords de sa principale rivière au nom resté célèbre, le Pactole.
Auparavant on procédait par échanges (troc) ou bien en utilisant des objets ayant une valeur définie mais d’un usage pas toujours aisé.

L’usage et la fabrication de ces monnaies n’arriva en Gaule, et dans notre région en particulier, que plusieurs siècles plus tard. Les peuples celtes faisaient alors figure de barbares relativement à la grande civilisation du monde grec. Par contre, leur réputation guerrière fit d'eux des mercenaires très recherchés. Payés en monnaies locales, les Celtes les ramenèrent dans leurs  régions, les utilisèrent puis les copièrent.
Ce fut le cas en particulier du Statère d’or de Philippe II de Macédoine (père d’Alexandre le grand) aux environs de -350,  puis des monnaies carthaginoises apportées dans le sud-est de la Gaule par les troupes d’Hannibal, en guerre contre Rome, dans les années -220/-210.
A partir de la même époque, la cité grecque de Massalia (Marseille) posséda son propre monnayage et favorisa aussi les échanges commerciaux et monétaires en remontant la vallée du Rhône. Parallèlement, la République romaine devint ensuite de plus en plus prédominante, politiquement et économiquement, dans le sud-est de notre pays.

A l’est des crêtes du Pilat, se trouvait alors le territoire du peuple des Allobroges (capitale Vienna = Vienne en Isère) qui incluait les deux rives de la vallée du Rhône, y compris le nord des départements actuels de l’Ardèche (jusqu’à la rivière Doux) et de la Drôme (jusqu’à la rivière Isère). Les Helviens et les Voconces étaient plus au Sud.

A l’ouest de cette crête du Pilat, habitait le peuple des Ségusiaves (oppidum d’Essalois puis capitale Forum Ségusiavorum = Feurs) dans l’actuel département de la Loire mais leur territoire incluait au Nord une grande partie du département du Rhône. Plus au Sud-ouest, autour de Ruessio (Saint-Paulien) étaient les Vellaves, qui donneront leur nom au Velay mais qui, utilisant les monnaies des Arvernes, n’en produisirent pas eux-mêmes.



Allobroges

 

Les monnaies étrangères que nous avons citées furent particulièrement utilisées par nos ancêtres allobroges, puis elles furent copiées mais de façon moins détaillée. Ce qui n’empêcha pas la réalisation de pièces plus personnelles et originales.

Les plus anciennes pièces allobroges connues, datant de la fin du 2e siècle avant notre ère et dites « au buste de cheval », sont apparemment influencées par le monnayage carthaginois.

Quasiment à la même époque apparurent les Statères d’or imités de la fameuse monnaie de Philippe II de Macédoine avec un attelage de chevaux sur le revers. En particulier le type dit « d’Annonay », ville du Nord-Ardèche où furent trouvés les premiers exemplaires. Les demis et quarts de Statères existaient également.
L’atelier principal de production allobroge était certainement dans leur capitale, donc au sein de l’agglomération viennoise. Puis ces types de monnaies ont circulé et été retrouvé dans tous les abords de  la vallée du Rhône.
Des trouvailles furent faites sous forme d’un unique ou d’un petit nombre d’exemplaires à Saint-Romain-en-Gal, à Saint-Cyr-sur-le-Rhône, à Annonay (une dizaine) ou encore à Roussillon avec par exemple un quart de Statère au type d’Annonay (ci-dessous à gauche).

A Vienne et dans ses alentours ont aussi été retrouvé des pièces allobroges d’argent un peu plus tardives représentant un cheval galopant, un bouquetin ou un hippocampe. Les plus récentes et les plus répandues des monnaies allobroges, frappées entre -70 et -43,  sont celles dites « au cavalier » (ci-dessous à droite) imitées des Deniers de la république romaine occupant alors la région.



A gauche, 1/4 de Statère d’or « au cheval avec aurige » du type d’Annonay, découvert à Roussillon. A droite, 2 revers de Deniers en argent « au cavalier avec lance » (l’avers représentait la  tête casquée de Rome). Le premier est dans un état exceptionnel. Le second fut découvert à Saint-Alban-du-Rhône et est plus représentatif de ce que l’on peut trouver sur le terrain.

Les enfouissements en quantité les plus importantes, dits « de précaution », datent certainement de la période troublée de la fin du 2e siècle avant notre ère et plus précisément de la première conquête de Rome qui vainquit les Allobroges en -121 et les inclut dans sa Province Transalpine.
On retrouve dans notre région des pièces majoritairement allobroges mais certaines avaient été frappées par les peuples voisins avec lesquels existaient des échanges.

Il est intéressant de noter qu’avant la conquête de toute la Gaule par Jules César, la circulation des monnaies allobroges restait circonscrite à leur territoire et au reste de la vallée du Rhône. Par contre, à partir de -52, on retrouve leurs monnaies dans tout le pays.
La réciproque était vraie, que ce soit sur le territoire des Allobroges ou sur celui des Ségusiaves. Le cas le plus représentatif de ces échanges économiques dynamiques, qui ont donc débuté très tôt dans notre région, est bien sûr Lyon/Lugdunum, devenue « capitale des Gaules » au début de l’occupation romaine : parmi les monnaies retrouvées dans le sol des quartiers historiques de Fourvière et de la Croix-Rousse, presque toutes les régions du pays, et même au-delà, étaient représentées !

De même à Saint-Désirat, dans le Nord-Ardèche, les 12 monnaies gauloises retrouvées étaient d’origines massaliotes (Marseille), allobroges (vallée du Rhône), voconces (Drôme, Préalpes), arvernes (Auvergne), carnutes (Beauce) et séquanes (Franche-Comté).


Ségusiaves, Arvernes, …

 

C’est sur les bords de la Loire en 2007, près de Feurs la capitale gallo-romaine des Ségusiaves, qu’a été retrouvée une matrice ayant servi à la fabrication de monnaies d’or datant du 2e siècle avant notre ère. Ces objets sont rares car ils produisaient plusieurs centaines ou milliers de pièces jusqu'à leur dégradation.
On peut voir (ci-dessous à gauche) que la partie représentant l’aurige est abimée alors que le cheval est bien visible avec une lyre entre ses pattes. Plusieurs monnaies de ce type d’1/4 de Statère ont été retrouvées à Lapte en Haute-Loire.






Un autre atelier monétaire ségusiave a du se situer près de leur oppidum et principale place forte d’Essalois (commune de Chambles, un peu à l’ouest de Saint-Etienne) car entre 200 et 300 de leurs pièces y ont été retrouvées, en particulier des « potins » comme l’exemplaire ci-dessus à droite.
Lorsque la production de monnaies augmenta (fin du 2e et surtout 1e siècle avant notre ère), les Gaulois délaissèrent en effet l’or et l’argent au profit de matériaux moins rares : le bronze, qu’ils continuèrent généralement à frapper, et le potin (alliage de cuivre, d’étain et parfois de plomb) à partir duquel ils réalisèrent, par coulage dans des moules, des pièces courantes en plus grandes quantités. Les « potins » les plus classiques de cette région, sont dits « à la grosse tête ». Plusieurs types, retrouvés dans le département de la Loire, sont attribués aux Ségusiaves. En particulier la variante de grosse tête avec trois bandeaux lisses (pièce ci-dessus à droite).

Cependant, comparée aux Allobroges, la production de monnaie ségusiave est très faible. La raison en est qu’ils étaient vassaux des Eduens (important peuple gaulois installé plus au Nord, sur une grande partie de la Bourgogne actuelle) et qu’ils utilisèrent pendant très longtemps leur monnayage.

Par contre, le peuple des Arvernes (Auvergne) devint dominant au milieu du 1e siècle avant notre ère, au moment de la conquête de la Gaule, et ce sont leurs monnaies que l’on retrouve alors en plus grand nombre dans le Forez actuel. Ainsi que dans le Velay voisin puisque les Vellaves (capitale Ruessio, aujourd’hui Saint-Paulien) étaient leurs vassaux et utilisaient leurs monnaies.
La découverte la plus fameuse est celle du trésor de Cordelle, entre Feurs et Roanne : en 1830, un paysan découvrit dans son champ un vase contenant un millier de Statères présentant une tête juvénile laurée (avers) et un cheval au galop (revers). Ces frappes appartenaient à l’avant-dernière émission d’or des Arvernes, juste avant celles émises par Vercingétorix lors de l’ultime coalition de  -52 contre César à laquelle participèrent les Ségusiaves.


Comme on peu le voir sur la pièce allobroge de droite (mais c’est encore plus évident pour les peuples de l’Ouest du pays), la fin de période du monnayage gaulois se distingua souvent par un traitement très stylisé et allégorique du dessin. En particulier pour les représentations animales comme les chevaux : nombre anormal de pattes, têtes humaines, symboles divers. Certaines de ces monnaies, considérées comme les précurseurs de l’art abstrait, sont aujourd’hui très recherchées.

 

République romaine et dernières monnaies gauloises

 

Avant la fin de la conquête de la Gaule par Jules César en -52, les monnaies romaines circulaient déjà sur notre territoire. Ceci simultanément avec les productions gauloises, en particulier autour de la vallée du Rhône allobroge devenue romaine depuis -121. Et même bien avant ces dates en raison des échanges économiques ou politiques.

On été trouvés à Saint-Romain-en-Gal, Sainte-Colombe et Vienne des As de bronze et de nombreux Deniers d’argent de la République romaine datés à partir du 3e siècle avant notre ère.
C’est dans l’est de la Haute-Loire que la plus ancienne monnaie de ce type a été découverte, à Saint-Paulien (Ruessio capitale des Vellaves), elle avait été émise à Rome entre -225 et -217.
Pour la Loire, cela concernait Essalois (actuellement sur la commune de Chambles) avec des Deniers dont le plus ancien était de -110. Et Saint-Etienne dont l’exemplaire datait de -69.

C’est évidemment après les conquêtes de -121 puis de -52 que la circulation des ces monnaies romaines s’est surtout développée.

 

Après -43, la création de nouvelles monnaies gauloises fut interdite mais on continua, pendant plusieurs dizaines d’années, d’utiliser celles existantes car la production romaine était insuffisante.

Les premières pièces romaines furent celles des colonies nouvellement implantées dans la région. C’est pour cette raison que l’on nomme monnaies « coloniales » ces monnaies qui vont d’abord être frappées à Lyon, Vienne ou Nîmes.

-A Lyon (Lugdunum), l’atelier monétaire de la colonie romaine fut créé dès -43. Il produisit des As (ou double-As) avec les effigies de Jules César et d’Octave qui deviendra ensuite le premier empereur romain sous le nom d’Auguste. Puis des Deniers et demi-Deniers d’argent dont un a été retrouvé très récemment à Sainte-Colombe. Frappé en -42, il était à l’effigie de Fulvie épouse de Marc-Antoine, l’adversaire malheureux d’Octave-Auguste.

-La colonie romaine de Vienne commença ses frappes en -36.
Ci-après, un de ses As en bronze ainsi qu’un demi-As (obtenu en coupant la pièce en deux). C’est le même type que ceux de Lyon avec César et Octave. Au revers figure une proue de galère :







Trois de ces demi-As viennois ont été retrouvés à Saint-Romain-en-Gal et un autre à Montagny, près de Givors.
Ces monnaies des colonies de Lyon et Vienne furent donc les premières pièces romaines locales qui accélérèrent le remplacement du monnayage gaulois dans notre région. Mais, frappées en trop petit nombre, elles furent loin d’être suffisantes car les besoins en numéraire de la Gaule nouvellement conquise étaient énormes.

-La colonie la plus prolifique fut celle de Nîmes qui débuta ses frappes au moment de la transition entre République et Empire et alimenta une grande partie du pays.
Les double-As du type ci-dessous furent frappés à Nîmes entre -27 et +14. Ils représentent l’empereur Auguste et son gendre et collaborateur Agrippa avec au revers un crocodile et un palmier. Ces derniers sont les symboles de l’Egypte d’où revenaient victorieux les légionnaires à qui avaient été attribuées ces terres nîmoises afin d’en accélérer le développement.
Cette monnaie coloniale, frappée en grand nombre et avant celles des ateliers impériaux en Gaule, a beaucoup circulé y compris au cœur du Pilat.
Un exemplaire a ainsi été découvert par un cultivateur de Chuyer, M. Joseph Merle, alors qu’il travaillait dans un de ses champs du hameau de la Guintranie à Pélussin
(pièce du type ci-dessous à gauche).


Beaucoup de ces monnaies ont été trouvées dans tous les départements environnants : Rhône (Saint-Romain-en-Gal, Sainte-Colombe, Trèves), Loire (Saint-Appolinard), Ardèche, Drôme, Haute-Loire ou Isère comme à Clonas-sur-Varèze  (exemplaire coupé, ci-dessus à droite).
On passait du double-As à l’As simple en coupant la pièce en deux parties. On voit que le haut du revers, avec le palmier, a été conservé sur l’exemplaire de Clonas (le bas du revers, avec le crocodile, provient d’une autre monnaie de ce même type).

Dernières monnaies gauloises

Les anciennes pièces gauloises en potin coulé, produites jusqu’aux environs de la conquête romaine, continuèrent d’être utilisées jusqu’au milieu du premier siècle de notre ère.
Plus surprenantes (et en théorie interdites) sont les monnaies d’environ 5 gr de bronze ou de laiton, produites tardivement par un peuple gaulois de notre région ou de ses proches environs.

Comme on peut le voir sur les photos de Haute-Loire ci-après, l’avers avec le gros œil central, entouré de croissants ou de lauriers, est le vestige d’une tête composite. Sur le revers, le cheval est entouré de petites roues rappelant celles du char des modèles primitifs.
Des pièces de ce même type ont été trouvées à Vichy, à Baden (Suisse) mais également en Haute-Loire, précisément à Siaugues-Saint-Romain (commune de Siaugues-Sainte-Marie) un peu à l’Ouest du Puy-en-Velay, ainsi qu’au Puy-en-Velay même.





Production tardive de Statères en bronze ou laiton découverts en Haute-Loire puis à Sainte-Colombe

Plus récemment, c’est à Sainte-Colombe que 75 pièces de ce même type ont été mises au jour lors des fouilles de 2017. Ce site public, artisanal et résidentiel avait été incendié une première fois en 68 ou 69, et c’est à ce niveau qu’ont été extraites ces monnaies gauloises mêlées à des romaines dont la dernière, datant de Galba (empereur de 68 à 69), était contemporaine de l’incendie.

Ces pièces gauloises en laiton étaient du même type que celles de Vichy et du Puy-en-Velay ci-dessus. Elles sont post-conquête et semblent même avoir été frappées après la fin de la République, sous l’empereur Auguste voire sous son successeur Tibère.
Des publications sur le sujet sont en cours. La datation précise des monnaies gauloises est un art difficile (ce sera plus aisé avec les civilisations suivantes). Quant à l’attribution de ces Statères tardifs
, elle n’est pas du tout établie pour l’instant. La seule quasi-certitude, compte tenu de la localisation des trouvailles, est qu’il s’agit d’un peuple du Centre-est de la Gaule.

Ensuite, inexorablement, ne sera plus produit et utilisé que le monnayage d’un Empire romain s’étendant sur la majeure partie de l’Europe, de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient, c'est-à-dire sur une aire plus vaste que celle de notre zone €uro actuelle.
Malgré la disparition de ces monnaies gauloises souvent originales, ce sera une période faste pour la numismatique et particulièrement pour notre région.


Haut-Empire romain (de -27 à +235)

 

Auguste, successeur de Jules César, devient le 1er empereur en -27.
Il réorganise le système monétaire avec un poids bien défini de métal pour chacune des monnaies utilisées :    1 Aureus (or) = 25 Deniers.    1 Denier (argent) = 4 Sesterces.
1 Sesterce (bronze/laiton) = 4 As (cuivre). De plus chacune avait ses divisionnaires (1/2, 1/4).

A partir de -15 l’atelier de Lyon, devenue « première cité des Gaules », devient impérial et même le deuxième en importance de l’Empire immédiatement après celui de Rome.
Parmi les nombreuses pièces de grande qualité trouvées à Fourvière ou aux pieds de la Croix-Rousse, beaucoup représentaient l’Autel fédéral des trois Gaules (ci-dessous à gauche). Plus d’une dizaine d’As et Sesterces de ce type ont été aussi extraits lors des fouilles de 2017 à Sainte-Colombe. Un autre avait été découvert à Rive-de-Gier, en 1837, dans les fondations du pont de pierre sur le Gier qui était sans doute sur le passage de la voie romaine reliant la vallée du Rhône à celle de la Loire.





As d’Auguste (revers à l’Autel fédéral des 3 Gaules).                                                        Denier de Tibère (revers symbolisant la Paix).

Sous Tibère, successeur d’Auguste de +14 à +37, Lyon devint même le seul atelier de l’Empire à frapper les monnaies d’or et surtout les Deniers d’argent. Celui de cet empereur avec au revers sa mère Livie symbolisant la paix (ci-dessus à droite) a été diffusé au long de son règne dans tout l’Empire. Ce Denier lyonnais est bien connue des chrétiens du monde entier car, contemporain de la vie du Christ, il est suspecté d’être celui des impôts romains sur lequel Jésus a dit « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » puis, lors de sa mort en 33, d’être de ces fameux 30 Deniers qui ont servi à acheter la trahison de Judas.
Plusieurs de ces pièces ont été trouvées dans la région, en particulier dans toutes les communes de l’agglomération de Vienne où, hasard de l’histoire, Ponce Pilate avait été exilé et serait mort peu après la mort du Christ dont il avait été en partie responsable.

Vienne, qui avait très tôt frappé des monnaies en tant que colonie, rouvrit un atelier en 68 pour produire des Deniers. Mais cela ne dura pas. De plus, à Lyon, l’atelier impérial de la capitale des Gaules ferma en 78. Cela n’empêcha pas la circulation des monnaies dans la région. Elles vinrent alors des autres ateliers de l’Empire et principalement de Rome.
Nous avons déjà évoqué les fouilles de Sainte-Colombe en 2017. Outre les gauloises et les républicaines romaines déjà citées, environ 200 pièces de presque tous les empereurs des deux premiers siècles du Haut-Empire furent alors découvertes sur ce site. Dont, ci-après à gauche, un Denier de l’empereur Galba produit à Tarragone en Espagne. Toujours à Sainte-Colombe, plusieurs Aureus avaient aussi été trouvés auparavant dont celui, en excellent état (ci-après à droite), frappé à Rome en 202 par l’empereur Septime Sévère pour son fils Caracalla né à Lyon 14 ans auparavant.

A Saint-Romain-en-Gal, quartier romain commercial et résidentiel, ont aussi été mis au jour plusieurs rares Aureus. Tout d’abord d’Auguste mais aussi des exemplaires frappés sous Trajan et son successeur Hadrien. Le médaillier du musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal est également riche de plus de 400 pièces majoritairement trouvées dans les proches alentours.





Parmi les nombreuses monnaies du Haut-Empire découvertes à Sainte-Colombe : Denier de l’empereur Galba (frappé en Espagne, 68/69) + Aureus de l’empereur Septime Sévère (Rome, 202).

Les trouvailles de pièces en argent (Deniers) et surtout en bronze (Sesterces) et en cuivre (As) ont été très nombreuses sur les deux côtés du Rhône de l’agglomération viennoise. En effet, l’usage des monnaies se démocratise de plus en plus et se répand dans la population pour l’acquisition les produits de l’agriculture, de l’artisanat ou du petit commerce, ainsi que pour rémunérer certains travailleurs. La monnaie accompagne ainsi le développement des grandes puis des petites villes et de la campagne. De plus, le commerce fluvial rhodanien facilite ces échanges économiques.

Dans le Pilat (en plus de Pélussin, Trèves, Saint-Romain-en-Gal et Sainte-Colombe déjà cités), des monnaies issues des nombreux ateliers de l’Empire romain ont été découvertes :
-A Chavanay, des pièces ont été trouvées au hameau de Monteillet. Plusieurs également, en 1873, à l’occasion des travaux pour la nouvelle voie ferrée Lyon-La Voulte, en particulier dans des terres voisines de la gare, à Luzin et au Chirat. Certaines, à l’effigie des premiers empereurs, étaient très bien conservées.

-Sur les anciennes communes de Rochetaillée et d’Izieux (aujourd’hui rattachées à Saint-Etienne et à Saint-Chamond), non loin des sources du Janon et du Gier d’où partait le grand aqueduc romain desservant Lyon-Lugdunum, ont été mises au jour plusieurs monnaies à l’effigie des empereurs romains, dont une à celle d’Hadrien. 

-A Saint-Appolinard, lieu-dit de Mérigneux, il s’agissait d’un Sesterce à l’effigie de l’empereur Septime Sévère.

-Toujours dans le Pilat, des monnaies de cette période ont aussi été exhumées dans une ancienne villa gallo-romaine du quartier de Poncin, entre Saint-Michel-sur-Rhône et Vérin, ainsi qu’au sommet de Montjoux à Saint-Michel-sur-Rhône.  De même à Saint-Pierre-de-Bœuf, à Bourg-Argental et à Sainte-Croix-en-Jarez mais sans plus de précisions malheureusement.

-Non loin de là, à Givors, plusieurs Deniers, en particulier de l'empereur Vespasien, ont été trouvés dans un habitat gallo-romain du 1e siècle possédant également une mosaïque.

Une découverte extraordinaire est liée à un évènement historique : à Genas, au sud-est de Lyon, furent découvertes des monnaies datant de la guerre civile de 195/197.
En février 197, eut lieu la bataille décisive entre les deux prétendants empereurs, Septime Sévère installé à Rome et Clodius Albinus basé à Lyon. Comme il était de tradition, le salaire des soldats et des troupes auxiliaires n’était versé qu’après la bataille et en cas de victoire. Chaque camp cachait donc auparavant la solde à distribuer. Mais, au cours du combat, tout l’état-major de Clodius Albinus fut tué et lui-même se suicida. Personne ne put ensuite retrouver le magot (entre 2000 et 5000 Deniers qu’il venait de faire frapper à son effigie dans ses ateliers lyonnais) … avant un fermier de Genas et ses enfants en 1826.
Notons qu’une autre des monnaies de Clodius Albinus a été retrouvée à Sainte-Colombe en 2017.


Anarchie militaire (de 235 à 284)

 

Cette période instable et soumise aux invasions se caractérise par une succession rapide d’empereurs. Avec souvent plusieurs prétendants simultanés soutenus par une partie de l’armée.
La dévaluation accompagna les troubles politiques. L’Antoninien, créé en 215 avec une valeur de 2 Deniers, remplaça peu à peu ce dernier mais avec un pourcentage d’argent de plus en plus faible au fil du temps. L’Empire, plus vaste que notre Europe politique actuelle était devenu bien difficile à défendre et à gérer !

Les deux monnaies ci-dessous ont été émises presque au même moment, autour de l’an 269 :




-A gauche, l’avers d’un Antoninien de l’empereur officiel Claude II, frappé en 269 à Rome. Un exemplaire de ce type (ne contenant que 2,4% d’argent, le reste étant en bronze) a été découvert parmi d’autres monnaies romaines, sur les bords du Rhône, près du port pilatois d’Ampuis où se trouvait une ancienne villa gallo-romaine.

-A droite, un Antoninien (mais contenant un plus grand pourcentage d’argent) frappé à la même époque en Gaule. D’un type fréquent dans notre région, il est à l’effigie de l’empereur dissident Postumus.  Le revers est une allégorie de la Paix (toujours ardemment espérée en période de guerre civile).

Après une assez longue période d’interruption, l’atelier lyonnais redevint très actif à partir du milieu des années 270 et le restera jusqu’en 423, soit pendant environ 150 ans. Ce sont donc, la plupart du temps, ses monnaies qui circulèrent à nouveau chez nous.
Si l’on fait le parallèle avec nos pièces actuelles en Euros, on retrouve majoritairement dans nos portes-monnaies celles frappées en France, mais celles provenant des autres pays ne sont pas rares. A l’époque, des pièces issues de presque tous les ateliers de l’Empire ont circulé dans notre région, en particulier au gré des déplacements des marchands, artisans, militaires et autres fonctionnaires impériaux. C’est par exemple le cas pour le trésor de 9310 Antoniniens, émis entre 270 et 294, trouvés à Villette-d’Anthon (Est-Lyonnais/Isère) dans une amphore déterrée lors des travaux préparatoires à la ligne TGV : la majorité du contenu provient du nouvel atelier de Lyon et l’on trouve ensuite les ateliers de Rome, de l’Italie du Nord et de la Serbie.

En plus de l’Europe actuelle (y compris les ateliers de Londres et de Serbie), il y avait des sites impériaux de production en Turquie, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Egypte.
Aux environs de l’an 300, on estime à 100 millions par an le nombre total de pièces frappées annuellement dans l’Empire. Pour retrouver de telles quantités, il faudra attendre plus de 1 300 ans (après la chute de Rome, le Moyen Age et la Renaissance) grâce aux grandes émissions de monnaies de cuivre du 17e siècle.

Beaucoup de pièces cachées pendant cette période troublée dite d’«Anarchie militaire» ont été retrouvées dans toute la région, y compris dans le Pilat :

-A Saint-Romain-en-Gal et à Sainte-Colombe, toujours très peuplées et romanisées, furent mises au jour de nombreuses monnaies de tout métaux à l’effigie des empereurs de cette époque.

-A Trèves, on a découvert des pièces aux effigies des empereurs Maximin, Gallien et Quintillus (qui n’a pourtant régné qu’environ deux mois, mi-270). Sur cette dernière figurait au revers la symbolisation de la Fortune (ici au sens de la chance, de la bonne destinée) : « Fortuna Redux » bien lisible comme sur l’exemplaire ci-dessous à gauche.





-A Pélussin en 1909, dans un champ proche de l’actuel cimetière des Croix/Virieu, a été trouvé un pot en grès empli de monnaies à l’effigie de l’empereur Probus (du type ci-dessus à droite) qui est célèbre pour avoir encouragé et développé la  production de vin en Gaule et particulièrement dans notre vallée du Rhône. Elles sont datées entre 276 et 282.

Les très nombreuses découvertes correspondant à cette période étaient pour l’essentiel des épargnes de précaution. L'Empire subissait alors une de ses pires crises (invasions, révoltes) et sa partie Ouest (Gaule/Bretagne/Espagne), s’estimant insuffisamment défendue, avait même fait sécession pendant une quinzaine d’années avec à sa tête des empereurs militaires dissidents : Postumus, Victorinus et enfin Tétricus. De très nombreuses monnaies de ce dernier ont été retrouvées dans toute la région dont à Lyon, Saint-Romain-en-Gal, Rive-de-Gier, Vienne, Estrablin, le Puy-en-Velay, Saint-Paulien, etc.

La réunification se fit en 274, mais les vagues d’invasions continuèrent encore pendant quelques années et la confiance ne revint pas immédiatement. La majorité des « trésors » enterrés à l’époque ne furent retrouvés que bien plus tard, leurs propriétaires ayant été tués ou s’étant enfuis.
Les villas et nombreux domaines ruraux romains ne manquaient pas de surfaces et de caches où enterrer efficacement un bien. Ce sont donc en majorité des paysans qui ont retrouvé ces pièces en quantité dans leurs champs, leurs jardins ou leurs vignes. Majoritairement au 19e siècle, période où nos campagnes ont été les plus peuplées et où de grands travaux agricoles on été réalisés ainsi que des creusements pour les chemins de fer ou les aménagements routiers.
Les contenants étaient des pots, des urnes, des vases ou des amphores, en terre cuite, en argile, en grès, en bronze, en cuivre ou en céramique. Parfois, de simples caches avaient été faites avec des tuiles ou des galets.

Il est facile de dater, à quelques années près, l’enfouissement d’un trésor monétaire. Les nombreuses pièces correspondaient généralement à une période assez large, à l’effigie de plusieurs empereurs, mais ce sont bien sûr les dernières en date qui fournissent l’indication historique.
Nombreuses sont celles des empereurs dissidents qui ont régné sur la Gaule pendant une partie des troubles (260 à 274). Majoritaires, cependant, sont les dépôts dont les dernières pièces sont à l’effigie de l’empereur officiel Valérien (253/260) et surtout de son fils et coempereur Gallien (253/268) ainsi que de son successeur Claude II (268/270). Dans tous les cas cela correspond, pour notre région, aux années qui ont précédé la terrible invasion des Alamans en 259/260 puis celle des Goths, des Alamans et des Francs en 268/269 qui fut suivie par une dernière vague en 275/276.

 

Début de recensement d’un important trésor monétaire romain.   En  médaillon, monnaie  banale dans notre région de Tétricus, dissident romain et dernier des empereurs des Gaules de 271 à 274.

Bas-Empire romain (de 284 à 476)


Le régime va un peu se stabiliser ensuite avec les longs règnes des empereurs réformateurs Dioclétien (284/305) et Constantin 1 (306/337).
Le premier créa une nouvelle monnaie, le Follis, qui supplanta Deniers et Antoniniens. Ensuite, Constantin 1 obtint également une certaine stabilité monétaire en s’appuyant, pour les transactions importantes, sur une nouvelle monnaie d’or, le Solidus (au Moyen Age, le Solidus ne sera plus en or, son nom sera abrégé en « Sol » et deviendra ensuite le Sou …). Les pièces retrouvées datant du Bas-Empire sont majoritairement aux effigies de Dioclétien et Constantin (ou de leurs nombreux coempereurs adjoints) puis des dynasties constantinienne et valentinienne.

Constantin I fut également célèbre en tant que premier empereur à avoir autorisé la religion chrétienne. Mais la pièce ci-dessous à gauche, frappée en 310 ou 311, représente encore au revers le soleil divinisé tenant un globe. Les premiers symboles chrétiens apparaissent à sa mort en 337 puis se généralisent sous ses successeurs. Par exemple, la monnaie ci-dessous à droite représente Constantin III avec au revers la Croix entourée de l’Alpha et de l’Omega.




Pour ces deux monnaies, les initiales en bas des revers, PLG pour Constantin I et SMLD pour Constantin III, indiquent qu’elles proviennent de l’atelier impérial de Lyon (LG et LD signifiant LuGDunum).

A Saint-Colombe furent découvertes, en 2017, cinq monnaies de la dynastie constantinienne et six autres de la dynastie valentinienne (près de la moitié provenant de l’atelier de Lyon). Des monnaies de Constantin ont aussi été découvertes, en 1970, dans un jardin de Givors.

Plus rares sont les pièces d’or de l’empereur Théodose. On a pourtant retrouvé à St-Romain-en-Gal le Solidus ci-dessus à gauche (photo Nicolas Dubreu, musée gallo-romain local).
Frappé entre 379 et 392 à Thessalonique, il montre les deux co-empereurs Théodose et Valentinien II tenant un globe surmonté de la Victoire. Après la mort de Valentinien II, Théodose fut ensuite de 392 à 395 le dernier empereur à avoir régné sur la totalité de l’Empire (Occident et Orient réunis).





Et, à Saint-Appolinard, ont été exhumés : -une monnaie de bronze de Maximien (coempereur avec Constantin I, puis dissident de 285 à 310), sans doute un Follis (bronze nappé d’argent) du type de l’exemplaire ci-dessus à droite, avec au revers la mention P LG pour LuGdunum (atelier de Lyon).
-ainsi que, au hameau de Prénat, un bronze plus tardif de la dynastie valentinienne (entre 364 et 455).

Même si c’est toujours celui de Lyon qui est le plus représenté, des monnaies de tous les ateliers du  Bas-Empire ont été retrouvées en nombre et l’on peut citer quelques trouvailles régionales remarquables liées aux ultimes grandes invasions :
-A Vienne, lors de la démolition de l’ancienne chapelle de l’évêché, fut mis au jour un lot de 2000 à 3000 petits bronzes.
-A Chavannes (Nord-Drôme) une dizaine de kilos avec entre 2 000 et 3 000 Follis et petites monnaies de bronze et de cuivre.
-A Lyon, fut trouvé en 1847 le plus grand trésor, du moins en quantité : 12 000 petits bronzes.

Si la plupart des pièces ont été découvertes après avoir été perdues, oubliées ou surtout cachées par leur propriétaire, d’autres avaient par contre été volontairement jetées comme offrandes dans des lieux sacrés ou mises dans la tombe d’un parent au moment de son décès. Dans ce deuxième cas, il s’agissait de la survivance du fameux rite funéraire de « l’Obole à Charon ».
Ce dernier, dans la mythologie gréco-romaine, était le pilote de la barque des enfers. Pour faire traverser sa rivière, le Styx, à l’âme du défunt il fallait le payer. D’où la coutume de mettre une pièce de monnaie près des morts, avec leurs cendres (la règle était plutôt l’incinération avant le christianisme) ou bien dans leur bouche ou leur main.

Les exemples sont nombreux :
-Dans la grande nécropole de la rue de la Favorite à Lyon, ainsi que dans celle de Villeurbanne.
-11 monnaies ont aussi été retirées des anciens lieux de sépulture de Saint-Romain-en-Gal.
-A Vienne, quelques tombes du Haut-Empire de la nécropole de Charavel sont concernées : dans l’une, le défunt non incinéré tenait dans sa main 6 Deniers (de Vespasien, Titus, Trajan et Hadrien) ; dans une autre, le vase contenant les cendres (cas majoritaire) renfermait également 4 monnaies portant les traces du feu (un Denier de Trajan, un Sesterce et un as d’Hadrien ainsi qu’un as de Faustine, épouse d’Antonin). Nous voyons également que, dans cette ville importante, la coutume a perduré jusqu’au milieu du 4e siècle : dans les nécropoles des quartiers Nord et Sud de Vienne, les petits bronzes des dernières tombes datent des règnes du dissident Magnence (350/353) et de l’empereur officiel Constance II (337/361).
-A Marennes, un peu à l’est de Givors, le quart des sépultures possédait encore des pièces datant de la première moitié du 4e siècle et il y avait même un petit bronze de Maxime (période 384/388). Cela correspond bien à l’abandon progressif de ces rites devenus « païens » avec la montée en puissance du catholicisme qui deviendra la seule religion autorisée à partir de 392.

 

« Charon prenant l’Obole de la bouche de Psyché » par John Roddam Spencer Stanhope

Parfois, malheureusement, des trésors monétaires ont disparu sans qu’un état précis n’ait eu le temps d’en être fait. Dans les siècles passés, le patrimoine archéologique et historique n’était pas une priorité et certaines monnaies ont été fondues puis revendues au poids. Plus tard, des pièces rares ont au contraire été dispersées et rapidement vendues à des commerçants ou des collectionneurs.
Ainsi, pour les quartiers historiques de Lyon, Feurs ou Vienne qui auraient certainement dû donner lieu à des trouvailles monétaires plus importantes.
Dans l’ouest de l’Isère, à Clonas-sur-Varèze non loin de la villa dite de Licinius et d’un canal romain, ont été trouvées des urnes de 1,2 à 1,3m de hauteur dont l’une au moins était emplie de monnaies non décrites car rapidement dispersées.
Dans le nord de l’Ardèche, à Annonay, une importante quantité de monnaies d’argent a aussi été découverte en 1927. Seul un lot d’Antoniniens de Gordien III et de Philippe l’arabe a pu être récupéré par le musée de la ville. A Serrières, c’était le cas d’une « amphore contenant un grand nombre de pièces d’or et d’argent à l’effigie des empereurs romains », sans plus de précisions.
Dans l’est de la Haute-Loire, des urnes remplies de monnaies d’or et d’argent ont été signalées à (ou près de) Saint-Paulien, en décembre 1727 à l’occasion de grandes inondations. Quelques jours plus tard, des pièces historiques de l’antiquité ont alors abouti dans des collections privées.
Beaucoup d’autres cas ne sont pas connus. Réciproquement, remords ou absence d’héritiers, des retours importants sont parfois faits aux musées locaux mais cela ne représente qu’une partie du total.

Fin de civilisation : Malgré plusieurs réformes, dont la séparation entre Empires romains d’Occident et d’Orient, la décadence était semble-t-il inéluctable. Rome, fut pillée par les « barbares » en 410 ; tout comme les cités de la vallée du Rhône, véritable couloir de passage entre la Germanie et l’Italie. L’atelier impérial de Lyon ferma définitivement en  413.
La déposition du dernier empereur, le 4 septembre 476, date traditionnellement la fin de la partie occidentale de l’Empire romain. Même si la réalité du pouvoir était déjà passée, depuis plusieurs années, aux mains des rois « barbares ».
Dans notre région, comme dans toute la Gaule, les échanges économiques étaient alors au plus bas, chaque communauté se repliant dans une autarcie défensive. La production de monnaies ne reprendra ensuite que très lentement au cours du Moyen Age.

Haut Moyen Age (de 476 à 1000)

Des grandes invasions à l’Empire Carolingien

La chute de l’Empire romain d’Occident, conventionnellement datée de l’an 476, est aussi prise pour début de la longue période dite du Moyen Age. Mais les grandes invasions venues du centre-nord de l’Europe avaient déjà commencé depuis plusieurs dizaines d’années.

Avant l’arrivée des Francs, presque tout le centre-est de notre pays fut occupé à partir de 443 (et jusqu’en 534) par les Burgondes. Leur capitale devint Lyon à partir de 469 et plus d’une dizaine de monnaies de cuivre et d’argent de leur roi Gondebaud y ont été retrouvées.





Ci-dessus, deux de ses Deniers d’argent dits « à la Victoire » frappés à Lyon entre 507 et 511. Sur l’avers, de part et d’autre de la Victoire, les initiales LD signifient LugDunum. Au revers, gB est le monogramme du roi Gondebaud.

Seul le Velay ne fut pas occupée par les Burgondes mais dépendit des Wisigoths qui dirigèrent un grand quart sud-ouest de la France actuelle (capitale Toulouse) à partir de 412 environ.
En ces périodes troublées où les échanges économiques étaient extrêmement limités, toutes ces pièces étaient très rares (quelques monnaies de prestige en or) ou de piètre qualité.

Après les victoires des Francs, contre les Wisigoths et les Burgondes, notre région, comme tout le pays, vécut sous le règne de la dynastie mérovingienne.
Bien que n’étant plus capitale, Lyon resta un centre de frappe tout comme, à la même époque, Vienne, Valence et Le Puy. Ce sont donc leurs pièces, assez frustes et en nombre réduit, qui circulèrent majoritairement chez nous. Ci-après, à gauche, un de leurs Triens d’or mérovingien frappé à Vienne au 8e siècle. L’avers représente un buste diadémé et le revers une croix chrismée avec légende « +VIENNA FIT ».

Avec les Carolingiens, à partir de 751, on retrouva progressivement sur une grande partie de l’Europe de l’Ouest un Empire plus structuré et administré. Les monnaies d’argent se généralisèrent, plus adaptées au commerce de détail que les rares Triens d’or.
Charlemagne créa un nouveau système monétaire, qui durera en France jusqu'à la Révolution (en Angleterre jusqu’en 1972) ainsi défini, avec la Livre comme unité de compte :
Poids en argent d’1 Livre = 20 Sols ou Sous (ou Shilling) ; et 1 Sol = 12 Deniers (ou Pennies).

Après la mort de Charlemagne et de son fils unique, de nombreux partages s’ensuivirent, l’Empire se fragmenta et des émissions monétaires nationales ou régionales apparurent.
A l’exception du Velay, intégré dans la Francie occidentale, toute notre région fit partie du Royaume de Bourgogne et Provence dont la capitale fut longtemps Vienne. Les souverains les plus célèbres y ont été Boson, Conrad le Pacifique et enfin son fils Rodolphe III.

Ci-après, à droite, ce Denier du roi Boson, roi de Bourgogne et de Provence, fut frappé à Vienne entre 879 et 884.





Frappés à Vienne : Triens d’or mérovingien (8e s.) et Denier d’argent carolingien de Boson (9e s.) Pour ce dernier, la légende de l’avers, autour du mot REX, est : « BOSO GRACIA DEI » (Boson roi par la grâce de dieu). Celle du revers, autour de la croix, est : « VIENNA CIVIS » (Cité de Vienne).

Ce fut ensuite la fin définitive de l’Empire carolingien et les naissances du Saint-Empire Romain Germanique, à partir de 962, et du  royaume de France à partir de 987.
C’est du premier que dépendit la majeure partie de notre région (Lyonnais, Forez, Dauphiné, Vivarais), à travers le royaume de Bourgogne et Provence. Seul le Velay fera alors partie de l’Auvergne-Aquitaine et donc du royaume de France.

Exemple d’importante découverte numismatique : le « trésor de l’an mil » du Puy.
Un trésor datant du 10e siècle fut trouvé en juin 1943 au Puy-en-Velay. Des ouvriers faisaient alors du terrassement pour la construction d’une maison sur le Rozon, colline située au sud-ouest du Puy, et un coup de pioche éventra une sorte de sac d’où s’échappèrent les pièces.

Ce dépôt est doublement intéressant : par la quantité de pièces, entre 300 et 400, ce qui est extraordinaire du fait que peu étaient alors frappées, et par la diversité des origines.
Composé de Deniers et d’Oboles seulement, ce n’était pas forcément la possession de quelqu’un de très riche malgré le nombre important de pièces. C’est la variété et la diversité géographiques qui en font surtout l’intérêt. L’on peut donc penser ici à un voyageur, un commerçant ou plutôt un pèlerin puisque le Puy est un lieu de passage où chacun mettait ses monnaies en circulation. Ce pèlerin aurait pu venir du Nord/Nord-Est, compte tenu de la majorité des pièces, les autres étant obtenues soit pendant le trajet (Bourgogne, Lyonnais, Viennois) soit suite à des échanges avec d’autres pèlerins étrangers (monnaies du Sud et du Nord-Ouest).

En effet, outre celles concernant notre région et ses monarques, des monnaies venant de tous les autres royaumes et comtés alentours sont présentes en quantité : au sud (archevêché d’Arles, comtés de Toulouse et Narbonne, …) ainsi qu’au nord (Amiens, Chartres, Troyes, Auxerre, …) y compris le duché Viking-Normand qui venait de passer sous la suzeraineté du roi de Francie occidentale.
Des monnaies étrangères sont aussi présentes avec la Suisse, l’Angleterre ainsi, bien sûr, que la Germanie (ou Francie orientale) avec des Oboles du roi ou des trois importants évêques de Metz, Toul et Verdun. Surtout, symbole de la transition historique en cours, les monnaies des derniers rois carolingiens côtoient celles des premiers empereurs du Saint-Empire Romain Germanique et des premiers rois de France.

Nous verrons justement, le mois prochain, la suite de la numismatique régionale avec la période royale, puis les monnaies de nécessité locales et les dernières évolutions de l’époque moderne.

PS : pour ceux que le sujet intéresse, ils pourront utilement lire, aux éditions Visages de notre Pilat, l’ouvrage « De la Gaule à l’Europe, les monnaies dans la région du Pilat » dont cet article est une sorte de résumé adapté. Une bibliographie et des références détaillées y sont aussi présentes.


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