OCTOBRE
2021 |
Christian Fitte |
LES MONNAIES dans la région du Pilat |
Des
premières pièces gauloises
jusqu’aux Francs et aux Euros, en passant par les Sesterces romains,
les
Deniers des archevêques de Vienne et du Puy, ou encore les Ecus
et les Sols
royaux frappés à Lyon, les monnaies ont toujours fait
partie de notre histoire
et de nos vies !
L’association
Visages de notre
Pilat et sa revue Dan l’tan se sont fait, à plusieurs reprises,
l’écho des
trouvailles de monnaies anciennes utilisées et retrouvées
dans notre région,
qu’elles y aient été produites ou non. Avec mon
collègue Patrice Serena, nous
avons approfondi le sujet en synthétisant l’ensemble des
publications
existantes et en y adjoignant, outre nos recherches personnelles, les
découvertes
des adhérents de l’association ainsi que celles
communiquées par des experts et
des professionnels. La moisson a été fructueuse.
En effet, la
circulation
monétaire dans la région du Pilat est
particulièrement intéressante, toujours
située à la frontière de diverses
influences : entre Allobroges et
Ségusiaves dans le très productif Empire
gallo-romain ; entre Royaume de
France et Saint-Empire Romain Germanique qui se partageaient nos
provinces (Forez, Lyonnais, Dauphiné, Vivarais,
Velay) ; puis entre
les six départements qui les ont remplacés (Loire,
Rhône, Isère, Drôme,
Ardèche, Haute-Loire). Sans oublier
les
monnaies de nécessité ou locales de nos
commerçants.
L’intérêt
de l’étude est évident
pour suivre les évolutions historiques, culturelles,
religieuses, ainsi que
dans les domaines des techniques et des arts. Mais ces monnaies de
toutes
époques, que l’on retrouve aujourd’hui, nous relient surtout
à leurs précédents
propriétaires, nos ancêtres. Qu’ils n’aient eu que
quelques pièces de bronze
dans leur bourse ou bien une cassette d’or et d’argent, elles nous
parlent
d’eux, des conflits qui leur ont fait abandonner leurs biens, de la vie
sous
tous les régimes qui se succédés ici pendant plus
de 2000 ans.
Je vais essayer
de donner, dans
les pages suivantes, un aperçu chronologique de nos
connaissances actuelles
dans ce domaine. Avec deux parties :
- Ce
mois-ci : les périodes
gauloise, romaine et du haut Moyen Age.
- Le mois
prochain : les périodes
dites royale et moderne.
PARTIE
I
Gaule – Empire romain – Haut
Moyen Age
Les premières monnaies
La monnaie sous
forme de pièces
métalliques, que l’on utilise encore aujourd’hui, a vu le jour
dans l’est du
bassin méditerranéen. C’était il y a plus de 2500
ans en Lydie, sur les bords
de sa principale rivière au nom resté
célèbre, le Pactole.
Auparavant on
procédait par
échanges (troc) ou bien en utilisant des objets ayant une valeur
définie mais d’un
usage pas toujours aisé.
L’usage et la
fabrication de ces
monnaies n’arriva en Gaule, et dans notre région en particulier,
que plusieurs
siècles plus tard. Les peuples celtes faisaient alors figure de
barbares
relativement à la grande civilisation du monde grec. Par contre,
leur
réputation guerrière fit d'eux des mercenaires
très recherchés. Payés en monnaies
locales, les Celtes les ramenèrent dans leurs régions,
les utilisèrent puis les copièrent.
Ce fut le cas en
particulier du Statère
d’or de Philippe II de Macédoine (père d’Alexandre le
grand) aux environs de -350, puis des
monnaies carthaginoises apportées
dans le sud-est de la Gaule par les troupes d’Hannibal, en guerre
contre Rome,
dans les années -220/-210.
A partir de la
même époque, la
cité grecque de Massalia (Marseille) posséda son propre
monnayage et favorisa
aussi les échanges commerciaux et monétaires en remontant
la vallée du Rhône. Parallèlement,
la République romaine devint ensuite de plus en plus
prédominante, politiquement
et économiquement, dans le sud-est de notre pays.
A
l’est des crêtes du Pilat, se trouvait alors le territoire du
peuple des
Allobroges (capitale Vienna = Vienne en Isère) qui
incluait les deux
rives de la vallée du Rhône, y compris le nord des
départements actuels de
l’Ardèche (jusqu’à la rivière Doux) et de la
Drôme (jusqu’à la rivière Isère).
Les Helviens et les Voconces étaient plus au Sud.
A l’ouest de cette crête du Pilat, habitait le peuple des Ségusiaves (oppidum d’Essalois puis capitale Forum Ségusiavorum = Feurs) dans l’actuel département de la Loire mais leur territoire incluait au Nord une grande partie du département du Rhône. Plus au Sud-ouest, autour de Ruessio (Saint-Paulien) étaient les Vellaves, qui donneront leur nom au Velay mais qui, utilisant les monnaies des Arvernes, n’en produisirent pas eux-mêmes.
Allobroges
Les monnaies
étrangères que nous
avons citées furent particulièrement utilisées par
nos ancêtres allobroges, puis
elles furent copiées mais de façon moins
détaillée. Ce qui n’empêcha pas la
réalisation de pièces plus personnelles et originales.
Les plus
anciennes pièces
allobroges connues, datant de la fin du
2e siècle avant notre ère et dites
« au buste de cheval », sont
apparemment influencées par le
monnayage carthaginois.
Quasiment
à la même époque apparurent les Statères
d’or imités de la fameuse monnaie de
Philippe II de Macédoine avec un attelage
de chevaux sur le revers. En particulier le type dit « d’Annonay », ville
du Nord-Ardèche où furent trouvés les premiers
exemplaires. Les demis et quarts
de Statères existaient également.
L’atelier
principal de production allobroge était certainement dans
leur capitale, donc au sein de l’agglomération
viennoise. Puis ces types de monnaies ont circulé et
été retrouvé dans tous
les abords de la vallée du
Rhône.
Des trouvailles
furent faites
sous forme d’un unique ou d’un petit nombre d’exemplaires à Saint-Romain-en-Gal, à
Saint-Cyr-sur-le-Rhône, à Annonay (une
dizaine) ou encore à Roussillon avec
par exemple un quart
de Statère au type d’Annonay (ci-dessous
à gauche).
A
Vienne et dans ses alentours ont aussi été
retrouvé des pièces
allobroges d’argent un peu plus tardives représentant un cheval galopant, un bouquetin ou
un hippocampe. Les
plus récentes et les plus répandues des
monnaies allobroges, frappées entre -70 et -43, sont
celles dites « au cavalier » (ci-dessous
à droite) imitées des Deniers de la république
romaine
occupant alors la région.
A
gauche, 1/4 de Statère d’or « au cheval avec
aurige » du
type d’Annonay, découvert à Roussillon.
A droite, 2 revers de Deniers en argent « au cavalier avec
lance »
(l’avers représentait la tête casquée de
Rome). Le premier est dans un
état exceptionnel. Le second fut découvert à Saint-Alban-du-Rhône et est plus
représentatif de ce que l’on peut
trouver sur le terrain.
Les
enfouissements en quantité les
plus importantes, dits « de précaution », datent
certainement de la période
troublée de la fin du 2e siècle avant notre
ère et plus précisément de
la première conquête de Rome qui vainquit les Allobroges
en -121 et les inclut
dans sa Province Transalpine.
On retrouve dans
notre région des
pièces majoritairement allobroges mais certaines avaient
été frappées par les
peuples voisins avec lesquels existaient des échanges.
Il est
intéressant de noter qu’avant
la conquête de toute la Gaule par Jules César, la
circulation des monnaies allobroges
restait circonscrite à leur territoire et au reste de la
vallée du Rhône. Par contre, à partir
de -52, on retrouve
leurs monnaies dans tout le pays.
La
réciproque était vraie, que ce
soit sur le territoire des Allobroges ou sur celui des
Ségusiaves. Le cas le
plus représentatif de ces échanges économiques
dynamiques, qui ont donc débuté
très tôt dans notre région, est bien sûr Lyon/Lugdunum,
devenue « capitale des
Gaules » au
début de l’occupation romaine :
parmi les monnaies retrouvées dans le sol des quartiers
historiques de
Fourvière et de la Croix-Rousse, presque toutes les
régions du pays, et même
au-delà, étaient représentées !
De même
à Saint-Désirat, dans le
Nord-Ardèche, les 12 monnaies gauloises
retrouvées étaient d’origines massaliotes (Marseille),
allobroges (vallée du
Rhône), voconces (Drôme, Préalpes), arvernes
(Auvergne), carnutes (Beauce) et séquanes
(Franche-Comté).
Ségusiaves,
Arvernes, …
C’est sur les
bords de la Loire
en 2007, près de Feurs la capitale
gallo-romaine des Ségusiaves, qu’a été
retrouvée une matrice ayant servi à
la fabrication de monnaies d’or datant du 2e siècle
avant notre ère.
Ces objets sont rares car ils produisaient plusieurs centaines ou
milliers de
pièces jusqu'à leur dégradation.
On peut voir (ci-dessous à gauche) que la
partie
représentant l’aurige est abimée
alors que le cheval est bien visible avec une lyre entre ses pattes.
Plusieurs
monnaies de ce type d’1/4 de Statère ont été
retrouvées à Lapte en Haute-Loire.
Un
autre atelier monétaire ségusiave a du se situer
près de leur oppidum
et principale place forte d’Essalois (commune de Chambles, un
peu à
l’ouest de Saint-Etienne) car entre 200 et 300 de leurs pièces y
ont été
retrouvées, en particulier des « potins »
comme l’exemplaire
ci-dessus à droite.
Lorsque la
production de monnaies
augmenta (fin du 2e et surtout 1e siècle
avant notre ère),
les Gaulois délaissèrent en effet l’or et l’argent au
profit de matériaux moins
rares : le bronze, qu’ils continuèrent
généralement à frapper, et le potin
(alliage de cuivre, d’étain et parfois de plomb) à partir
duquel ils réalisèrent,
par coulage dans des moules, des pièces courantes en plus
grandes quantités. Les
« potins » les plus classiques
de cette région, sont dits « à la
grosse tête ». Plusieurs
types, retrouvés dans le département de la Loire, sont
attribués aux
Ségusiaves. En particulier la variante de
grosse tête avec trois bandeaux lisses (pièce ci-dessus
à droite).
Cependant,
comparée aux
Allobroges, la production de monnaie ségusiave est très
faible. La raison en
est qu’ils étaient vassaux des Eduens (important peuple gaulois
installé plus
au Nord, sur une grande partie de la Bourgogne actuelle) et qu’ils
utilisèrent
pendant très longtemps leur monnayage.
Par contre, le peuple des Arvernes (Auvergne) devint
dominant au milieu du 1e siècle avant notre
ère, au moment de la
conquête de la Gaule, et ce sont leurs monnaies que l’on retrouve
alors en plus
grand nombre dans le Forez actuel. Ainsi que dans le Velay voisin
puisque les
Vellaves (capitale Ruessio, aujourd’hui Saint-Paulien) étaient
leurs vassaux et
utilisaient leurs monnaies.
La
découverte la plus fameuse est celle du trésor
de Cordelle, entre Feurs et Roanne : en 1830, un paysan
découvrit dans son champ un vase contenant un millier de
Statères présentant
une tête juvénile laurée (avers) et un cheval au
galop (revers). Ces frappes
appartenaient à l’avant-dernière émission d’or des
Arvernes, juste avant celles
émises par Vercingétorix lors de l’ultime coalition de -52 contre César à laquelle
participèrent les
Ségusiaves.
Comme on peu le
voir sur la pièce
allobroge de droite (mais c’est encore plus évident pour les
peuples de l’Ouest
du pays), la fin de période du monnayage gaulois se distingua
souvent par un
traitement très stylisé et allégorique du dessin.
En particulier pour les
représentations animales comme les chevaux : nombre anormal de
pattes, têtes
humaines, symboles divers. Certaines de ces monnaies,
considérées comme les
précurseurs de l’art abstrait, sont aujourd’hui très
recherchées.
République
romaine et dernières monnaies gauloises
Avant la fin de
la conquête de la
Gaule par Jules César en -52, les monnaies romaines circulaient
déjà sur notre
territoire. Ceci simultanément avec les productions gauloises,
en particulier
autour de la vallée du Rhône allobroge devenue romaine
depuis -121. Et même
bien avant ces dates en raison des échanges économiques
ou politiques.
On
été trouvés à
Saint-Romain-en-Gal, Sainte-Colombe et
Vienne des As de bronze et de nombreux Deniers d’argent de la
République
romaine datés à partir du 3e siècle
avant notre ère.
C’est dans l’est
de la
Haute-Loire que la plus ancienne monnaie de ce type a été
découverte, à Saint-Paulien (Ruessio
capitale des
Vellaves), elle avait été émise à Rome
entre -225 et -217.
Pour la Loire,
cela concernait Essalois (actuellement sur la commune
de Chambles) avec des Deniers dont
le plus ancien était de -110. Et Saint-Etienne
dont l’exemplaire datait de -69.
C’est
évidemment après les conquêtes
de -121 puis de -52 que la circulation des ces monnaies romaines s’est
surtout développée.
Après
-43, la création de
nouvelles monnaies gauloises fut interdite mais on continua, pendant
plusieurs
dizaines d’années, d’utiliser celles existantes car la
production romaine était
insuffisante.
Les
premières pièces romaines furent celles des colonies
nouvellement
implantées dans la région. C’est pour cette raison
que l’on nomme monnaies
« coloniales » ces monnaies qui vont d’abord
être frappées à Lyon,
Vienne ou Nîmes.
-A
Lyon (Lugdunum), l’atelier monétaire de la colonie romaine
fut
créé dès -43. Il produisit des As (ou double-As)
avec les effigies de Jules César
et d’Octave qui deviendra ensuite le premier empereur romain sous le
nom
d’Auguste. Puis des Deniers et
demi-Deniers d’argent dont un a été retrouvé
très récemment à Sainte-Colombe. Frappé en -42, il était à l’effigie de
Fulvie épouse de Marc-Antoine, l’adversaire malheureux
d’Octave-Auguste.
-La
colonie romaine de Vienne commença ses frappes en -36.
Ci-après,
un de ses As en bronze ainsi qu’un demi-As (obtenu en
coupant la pièce en deux). C’est le même type que ceux de
Lyon avec César
et Octave. Au revers figure une proue de galère :
Trois de ces
demi-As viennois ont
été retrouvés à
Saint-Romain-en-Gal et
un autre à Montagny, près de Givors.
Ces
monnaies des colonies de Lyon et Vienne furent donc les
premières
pièces romaines locales qui
accélérèrent le remplacement du monnayage
gaulois dans notre région. Mais, frappées en trop petit
nombre, elles furent
loin d’être suffisantes car les besoins en numéraire de la
Gaule nouvellement
conquise étaient énormes.
-La
colonie la plus prolifique fut celle de Nîmes qui
débuta ses
frappes au moment de la transition entre République et Empire et
alimenta une
grande partie du pays.
Les
double-As du type ci-dessous furent frappés à Nîmes
entre -27 et +14. Ils représentent
l’empereur Auguste et son gendre et collaborateur Agrippa avec au
revers un
crocodile et un palmier. Ces derniers sont les symboles de l’Egypte
d’où revenaient
victorieux les légionnaires à qui avaient été attribuées ces terres nîmoises afin
d’en accélérer le développement.
Cette monnaie
coloniale, frappée
en grand nombre et avant celles des ateliers impériaux en Gaule,
a beaucoup
circulé y compris au cœur du Pilat.
Un exemplaire a
ainsi été
découvert par un cultivateur de Chuyer,
M. Joseph Merle, alors qu’il travaillait dans un de ses champs
du hameau de la Guintranie à Pélussin (pièce du type
ci-dessous à gauche).
Beaucoup de ces
monnaies ont été
trouvées dans tous les départements environnants :
Rhône (Saint-Romain-en-Gal, Sainte-Colombe, Trèves), Loire (Saint-Appolinard),
Ardèche, Drôme, Haute-Loire ou Isère comme à Clonas-sur-Varèze
(exemplaire
coupé, ci-dessus à droite).
On passait du
double-As à l’As
simple en coupant la pièce en deux parties. On voit que le
haut du revers,
avec le palmier, a été conservé sur l’exemplaire
de Clonas (le bas du revers,
avec le crocodile, provient d’une autre monnaie de ce même type).
Dernières monnaies gauloises
Les anciennes
pièces gauloises en
potin coulé, produites jusqu’aux environs de la conquête
romaine, continuèrent d’être
utilisées jusqu’au milieu du premier siècle de notre
ère.
Plus
surprenantes (et en théorie
interdites) sont les monnaies d’environ 5 gr de bronze ou de laiton,
produites tardivement
par un peuple gaulois de notre région ou de ses proches
environs.
Comme
on peut le voir sur les photos de Haute-Loire ci-après, l’avers
avec le gros œil
central, entouré de croissants ou de lauriers, est le vestige
d’une tête
composite. Sur le revers, le cheval est entouré de petites roues
rappelant
celles du char des modèles primitifs.
Des
pièces de ce même type ont été
trouvées à Vichy, à Baden (Suisse) mais
également en Haute-Loire, précisément à
Siaugues-Saint-Romain (commune de Siaugues-Sainte-Marie)
un peu à l’Ouest
du Puy-en-Velay, ainsi qu’au Puy-en-Velay
même.
Production tardive de
Statères en bronze ou laiton découverts en Haute-Loire
puis à Sainte-Colombe
Plus
récemment, c’est à Sainte-Colombe que 75
pièces de ce même
type ont été mises au jour lors des fouilles de 2017. Ce
site public, artisanal
et résidentiel avait été incendié une
première fois en 68 ou 69, et c’est à ce
niveau qu’ont été extraites ces monnaies gauloises
mêlées à des romaines dont
la dernière, datant de Galba (empereur de 68 à 69),
était contemporaine de
l’incendie.
Ces
pièces gauloises en laiton étaient
du même type que celles de Vichy et du Puy-en-Velay ci-dessus.
Elles sont post-conquête et semblent
même
avoir été frappées après la fin de la
République, sous l’empereur Auguste voire
sous son successeur Tibère.
Des
publications sur le sujet sont en cours. La datation précise des
monnaies
gauloises est un art difficile (ce sera plus aisé avec les
civilisations
suivantes). Quant à l’attribution de ces Statères tardifs,
elle n’est pas
du tout établie pour l’instant. La seule quasi-certitude, compte
tenu de la
localisation des trouvailles, est qu’il s’agit d’un peuple du
Centre-est de la
Gaule.
Ensuite,
inexorablement, ne sera
plus produit et utilisé que le monnayage d’un Empire romain
s’étendant sur la
majeure partie de l’Europe, de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient,
c'est-à-dire sur une aire plus vaste que celle de notre zone
€uro actuelle.
Malgré la
disparition de ces monnaies
gauloises souvent originales, ce sera une période faste pour la
numismatique et
particulièrement pour notre région.
Haut-Empire
romain (de -27 à +235)
Auguste,
successeur de Jules
César, devient le 1er empereur en -27.
Il
réorganise le système monétaire
avec un poids bien défini
de métal pour chacune des monnaies utilisées : 1 Aureus (or) = 25 Deniers. 1 Denier (argent) = 4 Sesterces.
1 Sesterce
(bronze/laiton) = 4
As (cuivre). De plus chacune avait ses
divisionnaires (1/2, 1/4).
A
partir de -15 l’atelier de Lyon, devenue
« première cité des Gaules »,
devient impérial et
même le deuxième en importance
de l’Empire immédiatement après celui de Rome.
Parmi les
nombreuses pièces de
grande qualité trouvées à Fourvière ou aux
pieds de la Croix-Rousse, beaucoup
représentaient l’Autel fédéral des trois Gaules (ci-dessous à gauche). Plus d’une dizaine d’As et
Sesterces de ce
type ont été aussi extraits lors des fouilles de 2017 à Sainte-Colombe. Un autre avait
été découvert à Rive-de-Gier, en
1837, dans les fondations du pont de pierre sur
le Gier qui était sans doute sur le passage de la voie romaine
reliant la
vallée du Rhône à celle de la Loire.
As
d’Auguste (revers à l’Autel fédéral des 3
Gaules).
Denier de Tibère
(revers symbolisant la Paix).
Sous
Tibère, successeur d’Auguste
de +14 à +37, Lyon devint même le seul
atelier de l’Empire à frapper les monnaies d’or et surtout
les Deniers
d’argent. Celui de cet empereur avec au revers sa mère Livie
symbolisant la
paix (ci-dessus à droite) a été
diffusé au long de son règne dans tout l’Empire. Ce
Denier lyonnais est bien
connue des chrétiens du monde entier car, contemporain de la vie
du Christ, il
est suspecté d’être celui des impôts romains sur
lequel Jésus a dit « Rendez
à César ce qui est à César et à Dieu
ce qui est à Dieu » puis, lors de sa
mort en 33, d’être de ces fameux 30 Deniers
qui ont servi à acheter la trahison de Judas.
Plusieurs de ces
pièces ont été
trouvées dans la région, en particulier dans toutes les
communes de l’agglomération de Vienne
où, hasard de
l’histoire, Ponce Pilate avait été exilé et serait
mort peu après la mort du
Christ dont il avait été en partie responsable.
Vienne,
qui avait très tôt frappé des monnaies en tant
que colonie, rouvrit un atelier en 68 pour
produire des Deniers. Mais cela ne dura pas. De plus, à Lyon,
l’atelier
impérial de la capitale des Gaules ferma en 78. Cela
n’empêcha pas la
circulation des monnaies dans la région. Elles vinrent alors des
autres
ateliers de l’Empire et principalement de Rome.
Nous avons
déjà évoqué les
fouilles de Sainte-Colombe en 2017.
Outre les gauloises et les républicaines romaines
déjà citées, environ 200
pièces de presque tous les empereurs des deux premiers
siècles du Haut-Empire
furent alors découvertes sur ce site. Dont,
ci-après à gauche, un Denier de l’empereur Galba
produit à Tarragone en
Espagne. Toujours à Sainte-Colombe,
plusieurs Aureus avaient
aussi été trouvés auparavant dont celui, en
excellent état (ci-après à droite), frappé à Rome en 202 par l’empereur
Septime Sévère pour son fils
Caracalla né à Lyon 14 ans auparavant.
A
Saint-Romain-en-Gal, quartier romain commercial et
résidentiel,
ont aussi été mis au jour plusieurs rares Aureus. Tout
d’abord d’Auguste mais
aussi des exemplaires frappés sous Trajan et son successeur
Hadrien. Le médaillier du musée gallo-romain
de
Saint-Romain-en-Gal est également riche de plus de 400
pièces
majoritairement trouvées dans les proches alentours.
|
Parmi
les nombreuses monnaies du Haut-Empire découvertes à
Sainte-Colombe : Denier de l’empereur Galba (frappé en
Espagne, 68/69) + Aureus
de l’empereur Septime Sévère (Rome, 202).
Les trouvailles
de pièces en argent
(Deniers) et surtout en bronze (Sesterces) et en cuivre (As) ont
été très
nombreuses sur les deux côtés du Rhône de
l’agglomération viennoise. En effet, l’usage des monnaies se
démocratise de
plus en plus et se répand dans la population pour l’acquisition
les produits de
l’agriculture, de l’artisanat ou du petit commerce, ainsi que pour
rémunérer
certains travailleurs. La monnaie
accompagne ainsi le développement des grandes puis des petites
villes et de la
campagne. De plus, le commerce fluvial rhodanien facilite ces
échanges
économiques.
Dans
le Pilat (en plus de Pélussin, Trèves,
Saint-Romain-en-Gal et
Sainte-Colombe déjà cités), des monnaies issues
des nombreux ateliers de l’Empire
romain ont été découvertes :
-A
Chavanay, des pièces ont été trouvées
au hameau de Monteillet. Plusieurs
également, en 1873, à l’occasion des travaux pour la
nouvelle voie ferrée
Lyon-La Voulte, en particulier dans des terres voisines de la gare,
à Luzin et
au Chirat. Certaines, à l’effigie des
premiers empereurs, étaient très bien conservées.
-A
Saint-Appolinard, lieu-dit de Mérigneux, il s’agissait
d’un Sesterce à l’effigie de l’empereur Septime
Sévère.
-Toujours dans
le Pilat, des
monnaies de cette période ont aussi été
exhumées dans une ancienne villa
gallo-romaine du quartier de Poncin, entre Saint-Michel-sur-Rhône
et Vérin, ainsi qu’au sommet de Montjoux à
Saint-Michel-sur-Rhône. De
même à Saint-Pierre-de-Bœuf, à
Bourg-Argental et à Sainte-Croix-en-Jarez mais sans plus de
précisions
malheureusement.
-Non loin de
là, à Givors, plusieurs Deniers, en
particulier de l'empereur Vespasien, ont été
trouvés dans un habitat
gallo-romain du 1e siècle possédant
également une mosaïque.
Une
découverte extraordinaire est liée à un
évènement
historique : à Genas, au
sud-est de Lyon, furent découvertes
des monnaies datant de la guerre civile de 195/197.
En
février 197, eut lieu la
bataille décisive entre les deux prétendants empereurs,
Septime Sévère installé
à Rome et Clodius Albinus basé à Lyon. Comme il
était de tradition, le salaire
des soldats et des troupes auxiliaires n’était versé
qu’après la bataille et en
cas de victoire. Chaque camp cachait donc auparavant la solde à
distribuer.
Mais, au cours du combat, tout l’état-major de Clodius Albinus
fut tué et
lui-même se suicida. Personne ne put ensuite retrouver le magot
(entre 2000 et
5000 Deniers qu’il venait de faire frapper à son effigie dans
ses ateliers
lyonnais) … avant un fermier de Genas et ses enfants en 1826.
Notons qu’une
autre des monnaies
de Clodius Albinus a été retrouvée à Sainte-Colombe
en 2017.
Anarchie
militaire (de 235 à 284)
Cette
période instable et soumise
aux invasions se caractérise par une succession rapide
d’empereurs. Avec souvent
plusieurs prétendants simultanés soutenus par une partie
de l’armée.
La
dévaluation accompagna les troubles
politiques. L’Antoninien, créé en 215 avec une valeur de
2 Deniers, remplaça
peu à peu ce dernier mais avec un pourcentage d’argent de plus
en plus faible
au fil du temps. L’Empire, plus vaste que notre Europe politique
actuelle était
devenu bien difficile à défendre et à
gérer !
Les deux
monnaies ci-dessous ont été
émises presque au même moment, autour de l’an 269 :
-A gauche, l’avers d’un
Antoninien de l’empereur officiel Claude II, frappé en
269 à Rome. Un
exemplaire de ce type (ne contenant que 2,4% d’argent, le reste
étant en
bronze) a été découvert parmi d’autres monnaies
romaines, sur les bords du
Rhône, près du port pilatois d’Ampuis où
se trouvait une ancienne villa gallo-romaine.
-A droite,
un Antoninien (mais
contenant un
plus grand pourcentage d’argent) frappé à la même
époque en Gaule. D’un type fréquent dans
notre région,
il est à l’effigie de l’empereur
dissident Postumus. Le revers est
une allégorie de la Paix (toujours ardemment
espérée en période de guerre civile).
Après une
assez longue période
d’interruption, l’atelier lyonnais
redevint très actif à partir du milieu des années
270 et le restera
jusqu’en 423, soit pendant environ 150 ans. Ce sont donc, la plupart du
temps, ses
monnaies qui circulèrent à nouveau chez nous.
Si l’on fait le
parallèle avec
nos pièces actuelles en Euros, on retrouve majoritairement dans
nos portes-monnaies
celles frappées en France, mais celles provenant des autres pays
ne sont pas
rares. A l’époque, des pièces issues de presque tous les
ateliers de l’Empire
ont circulé dans notre région, en particulier au
gré des déplacements des
marchands, artisans, militaires et autres fonctionnaires
impériaux. C’est par
exemple le cas pour le trésor de 9310 Antoniniens, émis
entre 270 et 294, trouvés
à Villette-d’Anthon (Est-Lyonnais/Isère)
dans une amphore déterrée lors des travaux
préparatoires à la ligne TGV :
la majorité du contenu provient du nouvel atelier de Lyon et
l’on trouve ensuite
les ateliers de Rome, de l’Italie du Nord et de la Serbie.
En plus de
l’Europe actuelle (y
compris les ateliers de Londres et de Serbie), il y avait des sites
impériaux de
production en Turquie, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en
Egypte.
Aux environs de
l’an 300, on estime
à 100 millions par an le nombre total de pièces
frappées annuellement dans
l’Empire. Pour retrouver de telles quantités, il faudra attendre
plus de
1 300 ans (après la chute de Rome, le Moyen Age et la
Renaissance) grâce
aux grandes émissions de monnaies de cuivre du 17e
siècle.
Beaucoup
de pièces cachées pendant cette période
troublée dite d’«Anarchie
militaire» ont été retrouvées dans toute la
région, y compris dans le Pilat :
-A
Saint-Romain-en-Gal et à
Sainte-Colombe, toujours très peuplées et
romanisées, furent mises au jour
de nombreuses monnaies de tout métaux à l’effigie des
empereurs de cette époque.
-A
Trèves, on a découvert des pièces aux effigies
des empereurs
Maximin, Gallien et Quintillus (qui n’a pourtant régné
qu’environ deux mois,
mi-270). Sur cette dernière figurait au revers la symbolisation
de la Fortune
(ici au sens de la chance, de la bonne destinée) :
« Fortuna
Redux » bien lisible comme sur l’exemplaire ci-dessous à gauche.
Les très
nombreuses découvertes correspondant
à cette période étaient pour l’essentiel des
épargnes de précaution. L'Empire
subissait alors une de ses pires crises (invasions, révoltes) et
sa partie
Ouest (Gaule/Bretagne/Espagne), s’estimant insuffisamment
défendue, avait même
fait sécession pendant une quinzaine d’années avec
à sa tête des empereurs
militaires dissidents : Postumus, Victorinus et enfin
Tétricus. De très nombreuses monnaies de
ce
dernier ont été retrouvées dans toute la
région dont à Lyon, Saint-Romain-en-Gal,
Rive-de-Gier, Vienne, Estrablin, le Puy-en-Velay, Saint-Paulien, etc.
La
réunification se fit en 274, mais les vagues d’invasions
continuèrent
encore pendant quelques années et la confiance ne revint pas
immédiatement.
La majorité des « trésors »
enterrés à l’époque ne furent retrouvés
que bien plus tard, leurs propriétaires ayant été
tués ou s’étant enfuis.
Les villas et
nombreux domaines ruraux
romains ne manquaient pas de surfaces et de caches où enterrer
efficacement un
bien. Ce sont donc en majorité des paysans qui ont
retrouvé ces pièces en
quantité dans leurs champs, leurs jardins ou leurs vignes.
Majoritairement au
19e siècle, période où nos campagnes
ont été les plus peuplées et où
de grands travaux agricoles on été réalisés
ainsi que des creusements pour les
chemins de fer ou les aménagements routiers.
Les contenants
étaient des pots,
des urnes, des vases ou des amphores, en terre cuite, en argile, en
grès, en
bronze, en cuivre ou en céramique. Parfois, de simples caches
avaient été faites
avec des tuiles ou des galets.
Il est facile de
dater, à
quelques années près, l’enfouissement d’un trésor
monétaire. Les nombreuses pièces
correspondaient généralement à une période
assez large, à l’effigie de
plusieurs empereurs, mais ce sont bien sûr les dernières
en date qui
fournissent l’indication historique.
Nombreuses sont
celles des empereurs
dissidents qui ont régné sur la Gaule pendant une partie
des troubles (260 à
274). Majoritaires, cependant, sont les dépôts dont les
dernières pièces sont à
l’effigie de l’empereur officiel Valérien (253/260) et surtout
de son fils et
coempereur Gallien (253/268) ainsi que de son successeur Claude II
(268/270).
Dans tous les cas cela correspond, pour notre région, aux
années qui ont
précédé la terrible invasion des Alamans en
259/260 puis celle des Goths, des
Alamans et des Francs en 268/269 qui fut suivie par une dernière
vague en
275/276.
Début
de recensement d’un important trésor
monétaire romain. En
médaillon, monnaie banale
dans notre région de Tétricus, dissident romain
et dernier des
empereurs des Gaules de 271
à 274.
Bas-Empire romain (de 284 à 476)
Le régime
va un peu se stabiliser
ensuite avec les longs règnes des empereurs réformateurs
Dioclétien (284/305) et
Constantin 1 (306/337).
Le premier
créa une nouvelle
monnaie, le Follis, qui supplanta Deniers et Antoniniens. Ensuite,
Constantin 1
obtint également une certaine stabilité monétaire
en s’appuyant, pour les
transactions importantes, sur une nouvelle monnaie d’or, le Solidus (au
Moyen
Age, le Solidus ne sera plus en or, son nom sera abrégé
en « Sol » et
deviendra ensuite le Sou …). Les pièces retrouvées datant
du Bas-Empire sont
majoritairement aux effigies de Dioclétien et Constantin (ou de
leurs nombreux
coempereurs adjoints) puis des dynasties constantinienne et
valentinienne.
Constantin I fut
également
célèbre en tant que premier empereur à avoir
autorisé la religion chrétienne. Mais la
pièce ci-dessous à gauche, frappée
en 310 ou 311, représente encore au revers le soleil
divinisé tenant un globe. Les premiers symboles
chrétiens
apparaissent à sa mort en 337 puis se
généralisent sous ses successeurs. Par
exemple, la monnaie ci-dessous à droite représente
Constantin III avec au revers la Croix entourée de l’Alpha et de
l’Omega.
A
Saint-Colombe furent découvertes, en 2017, cinq monnaies de
la
dynastie constantinienne et six autres de la dynastie valentinienne
(près de la
moitié provenant de l’atelier de Lyon). Des monnaies de
Constantin ont aussi
été découvertes, en 1970, dans un jardin de
Givors.
Plus rares sont
les pièces d’or de
l’empereur Théodose. On a pourtant retrouvé à St-Romain-en-Gal le Solidus
ci-dessus à gauche (photo Nicolas
Dubreu, musée gallo-romain local).
Frappé
entre 379 et 392 à
Thessalonique, il montre les deux co-empereurs Théodose et
Valentinien II
tenant un globe surmonté de la Victoire. Après la mort de
Valentinien II,
Théodose fut ensuite de 392 à 395 le dernier empereur
à avoir régné sur la
totalité de l’Empire (Occident et Orient réunis).
Et,
à Saint-Appolinard, ont été
exhumés : -une monnaie de bronze de
Maximien (coempereur
avec Constantin I, puis dissident de 285 à 310), sans doute un
Follis (bronze
nappé d’argent) du type de l’exemplaire ci-dessus
à droite, avec au revers la mention P LG pour LuGdunum (atelier
de Lyon).
-ainsi que, au
hameau de Prénat,
un bronze plus tardif de la dynastie valentinienne (entre 364 et
455).
Même si
c’est toujours celui de
Lyon qui est le plus représenté, des
monnaies de tous les ateliers du Bas-Empire
ont été retrouvées en nombre et l’on peut
citer quelques trouvailles régionales
remarquables liées aux ultimes grandes invasions :
-A
Vienne, lors de la démolition de l’ancienne chapelle de
l’évêché, fut mis au jour un lot de 2000
à 3000 petits bronzes.
-A
Chavannes (Nord-Drôme) une dizaine de kilos avec entre 2 000
et
3 000 Follis et petites monnaies de bronze et de cuivre.
-A
Lyon, fut trouvé en
1847 le plus grand trésor, du moins en quantité :
12 000 petits
bronzes.
Si la
plupart
des pièces ont été
découvertes après avoir été perdues,
oubliées ou surtout cachées par leur
propriétaire, d’autres avaient par contre été
volontairement jetées comme
offrandes dans des lieux sacrés ou mises dans la tombe d’un
parent au moment de
son décès. Dans ce deuxième cas, il s’agissait de
la survivance du fameux rite
funéraire de « l’Obole à Charon ».
Ce dernier, dans
la mythologie
gréco-romaine, était le pilote de la barque des enfers.
Pour faire traverser sa
rivière, le Styx, à l’âme du défunt il
fallait le payer. D’où la coutume de
mettre une pièce de monnaie près des morts, avec leurs
cendres (la règle était
plutôt l’incinération avant le christianisme) ou bien dans
leur bouche ou leur
main.
Les exemples sont nombreux :
-Dans la grande nécropole de la
rue de la Favorite à Lyon, ainsi que dans celle
de Villeurbanne.
-11 monnaies ont aussi été
retirées des anciens lieux de sépulture de Saint-Romain-en-Gal.
-A Vienne, quelques
tombes
du Haut-Empire de la nécropole de Charavel sont
concernées : dans l’une, le
défunt non incinéré tenait dans sa main 6 Deniers
(de Vespasien, Titus, Trajan
et Hadrien) ; dans une autre, le vase contenant les cendres (cas
majoritaire) renfermait également 4 monnaies portant les traces
du feu (un
Denier de Trajan, un Sesterce et un as d’Hadrien ainsi qu’un as de
Faustine,
épouse d’Antonin). Nous voyons également que, dans cette
ville importante, la
coutume a perduré jusqu’au milieu du 4e
siècle : dans les
nécropoles des quartiers Nord et Sud de Vienne, les petits
bronzes des
dernières tombes datent des règnes du dissident Magnence
(350/353) et de
l’empereur officiel Constance II (337/361).
-A Marennes, un peu
à l’est
de Givors, le quart des sépultures possédait encore des
pièces datant de la
première moitié du 4e siècle et il y
avait même un petit bronze de
Maxime (période 384/388). Cela correspond bien à
l’abandon progressif de ces
rites devenus « païens » avec la
montée en puissance du catholicisme
qui deviendra la seule religion autorisée à partir de 392.
« Charon
prenant l’Obole de la bouche de Psyché »
par John Roddam Spencer Stanhope
Parfois,
malheureusement, des trésors monétaires ont disparu
sans
qu’un état précis n’ait eu le temps d’en être fait.
Dans les siècles passés, le
patrimoine archéologique et historique n’était pas une
priorité et certaines monnaies
ont été fondues puis revendues au poids. Plus tard, des
pièces rares ont au
contraire été dispersées et rapidement vendues
à des commerçants ou des
collectionneurs.
Ainsi,
pour les quartiers historiques de Lyon, Feurs ou Vienne
qui auraient certainement dû donner lieu
à des trouvailles monétaires
plus importantes.
Dans
l’ouest de l’Isère, à Clonas-sur-Varèze
non loin de la villa dite de Licinius et d’un canal romain, ont
été
trouvées des urnes de 1,2 à 1,3m de hauteur dont l’une au
moins était emplie de
monnaies non décrites car rapidement dispersées.
Dans
le nord de l’Ardèche, à Annonay, une importante
quantité de
monnaies d’argent a aussi été découverte en 1927.
Seul un lot d’Antoniniens de
Gordien III et de Philippe l’arabe a pu être
récupéré par le musée de la ville.
A Serrières, c’était le cas d’une « amphore contenant un grand nombre de
pièces d’or et d’argent à l’effigie des empereurs romains »,
sans plus
de précisions.
Dans
l’est de la Haute-Loire, des urnes remplies de monnaies d’or
et d’argent ont été signalées à (ou
près de) Saint-Paulien, en décembre 1727
à l’occasion de grandes inondations.
Quelques jours plus tard, des pièces historiques de
l’antiquité ont alors
abouti dans des collections privées.
Beaucoup
d’autres cas ne sont pas
connus. Réciproquement, remords ou absence d’héritiers,
des retours importants sont
parfois faits aux musées locaux mais cela ne
représente qu’une partie
du total.
Fin de civilisation : Malgré
plusieurs réformes, dont la séparation entre Empires
romains d’Occident et d’Orient,
la décadence était semble-t-il inéluctable. Rome,
fut pillée par les « barbares »
en 410 ; tout comme les cités de la vallée du
Rhône, véritable couloir de
passage entre la Germanie et l’Italie. L’atelier impérial de
Lyon ferma
définitivement en 413.
La
déposition du dernier empereur,
le 4 septembre 476, date traditionnellement la fin de la partie
occidentale de l’Empire
romain. Même si la réalité du pouvoir était
déjà passée, depuis plusieurs
années, aux mains des rois « barbares ».
Dans notre
région, comme dans
toute la Gaule, les échanges économiques étaient
alors au plus bas, chaque
communauté se repliant dans une autarcie défensive. La
production de monnaies
ne reprendra ensuite que très lentement au cours du Moyen Age.
Haut Moyen Age (de 476 à 1000)
Des grandes invasions à l’Empire
Carolingien
La chute de
l’Empire romain d’Occident,
conventionnellement datée de l’an 476, est aussi prise pour
début de la longue
période dite du Moyen Age. Mais les grandes invasions venues du
centre-nord de
l’Europe avaient déjà commencé depuis plusieurs
dizaines d’années.
Avant
l’arrivée des Francs, presque
tout le centre-est de notre pays fut
occupé à partir de 443 (et jusqu’en 534) par
les Burgondes. Leur
capitale devint Lyon à partir de 469
et plus d’une dizaine de monnaies de cuivre et d’argent de leur roi
Gondebaud y
ont été retrouvées.
|
Ci-dessus, deux de ses Deniers d’argent dits « à la Victoire » frappés à Lyon entre 507 et 511. Sur l’avers, de part et d’autre de la Victoire, les initiales LD signifient LugDunum. Au revers, gB est le monogramme du roi Gondebaud.
Seul
le Velay ne fut pas occupée par
les Burgondes mais dépendit des Wisigoths
qui dirigèrent un grand quart sud-ouest de la France
actuelle (capitale
Toulouse) à partir de 412 environ.
En ces
périodes
troublées où les échanges économiques
étaient extrêmement limités, toutes ces
pièces étaient très rares (quelques monnaies de
prestige en or) ou de piètre
qualité.
Après
les victoires des Francs, contre
les Wisigoths et les Burgondes, notre région, comme tout le
pays, vécut sous le
règne de la dynastie mérovingienne.
Bien que
n’étant plus capitale, Lyon resta un centre
de frappe tout comme, à la même époque,
Vienne, Valence et Le Puy.
Ce sont donc leurs pièces, assez
frustes et en nombre réduit, qui circulèrent
majoritairement chez nous.
Ci-après, à gauche, un de leurs Triens
d’or mérovingien frappé à Vienne au 8e
siècle. L’avers représente un buste
diadémé et le revers une croix chrismée
avec légende « +VIENNA FIT ».
Avec
les Carolingiens, à
partir de 751, on retrouva progressivement
sur une grande partie de l’Europe de l’Ouest un Empire plus
structuré et
administré. Les monnaies d’argent se
généralisèrent, plus adaptées au commerce
de détail que les rares Triens d’or.
Charlemagne
créa un nouveau système monétaire,
qui durera
en France jusqu'à la Révolution (en Angleterre jusqu’en
1972) ainsi défini,
avec la Livre comme unité de compte :
Poids en argent
d’1 Livre = 20
Sols ou Sous (ou Shilling) ; et 1 Sol = 12 Deniers (ou Pennies).
Après la
mort de Charlemagne et
de son fils unique, de nombreux partages s’ensuivirent, l’Empire se
fragmenta
et des émissions monétaires nationales ou
régionales apparurent.
A l’exception du
Velay, intégré
dans la Francie occidentale, toute notre région fit partie du Royaume de Bourgogne et Provence dont la
capitale fut longtemps Vienne. Les souverains les plus
célèbres y ont été
Boson, Conrad le Pacifique et enfin son fils Rodolphe III.
Ci-après,
à droite, ce Denier du roi Boson, roi de
Bourgogne et de Provence, fut frappé à Vienne
entre 879 et 884.
Ce fut ensuite
la fin définitive
de l’Empire carolingien et les naissances du
Saint-Empire Romain Germanique, à partir de 962, et du royaume de France
à
partir de 987.
C’est du premier
que dépendit la
majeure partie de notre région (Lyonnais,
Forez, Dauphiné, Vivarais), à travers le royaume de
Bourgogne et Provence. Seul
le Velay fera alors partie de l’Auvergne-Aquitaine et donc du royaume
de France.
Exemple d’importante découverte
numismatique :
le « trésor de l’an mil » du Puy.
Un trésor
datant du 10e
siècle fut trouvé en juin 1943 au Puy-en-Velay.
Des ouvriers faisaient alors du terrassement pour la construction d’une
maison
sur le Rozon, colline située au sud-ouest du Puy, et un coup de
pioche éventra
une sorte de sac d’où s’échappèrent les
pièces.
Ce
dépôt est doublement
intéressant : par la quantité de pièces,
entre 300 et 400, ce qui est
extraordinaire du fait que peu étaient alors frappées, et
par la diversité des
origines.
Composé
de Deniers et d’Oboles
seulement, ce n’était pas forcément la possession de
quelqu’un de très riche
malgré le nombre important de pièces. C’est la
variété et la diversité
géographiques qui en font surtout l’intérêt. L’on
peut donc penser ici à un
voyageur, un commerçant ou plutôt un
pèlerin puisque le Puy est un lieu de
passage où chacun mettait ses monnaies en circulation. Ce
pèlerin aurait pu
venir du Nord/Nord-Est, compte tenu de la majorité des
pièces, les autres étant
obtenues soit pendant le trajet (Bourgogne, Lyonnais, Viennois) soit
suite à
des échanges avec d’autres pèlerins étrangers
(monnaies du Sud et du
Nord-Ouest).
En effet, outre
celles concernant
notre région et ses monarques, des monnaies venant de tous les
autres royaumes
et comtés alentours sont présentes en
quantité : au sud (archevêché
d’Arles, comtés de Toulouse et Narbonne, …) ainsi qu’au nord
(Amiens, Chartres,
Troyes, Auxerre, …) y compris le duché Viking-Normand qui venait
de passer sous
la suzeraineté du roi de Francie occidentale.
Des monnaies
étrangères sont
aussi présentes avec la Suisse, l’Angleterre ainsi,
bien sûr, que la Germanie (ou Francie orientale) avec des
Oboles du roi ou
des trois importants évêques de Metz, Toul et Verdun.
Surtout, symbole de la
transition historique en cours, les monnaies des derniers rois
carolingiens
côtoient celles des premiers empereurs du Saint-Empire
Romain Germanique et
des premiers rois de France.
Nous verrons
justement, le mois prochain, la suite de
la numismatique régionale
avec la période royale, puis les monnaies de
nécessité locales et les dernières
évolutions de l’époque moderne.
PS :
pour ceux que le sujet intéresse, ils pourront utilement
lire, aux éditions Visages de notre Pilat, l’ouvrage
« De la Gaule à l’Europe, les monnaies
dans
la région du Pilat » dont cet article est une
sorte de résumé adapté.
Une bibliographie et des références
détaillées y sont aussi présentes.