LES REGARDS DU PILAT ET L'ÉNIGME DE TRÈVES
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Octobre 2006

L'Ombre du Temple

        Dans les deux derniers sujets consacrés à l'énigme de Trèves et notamment grâce au pertinent travail de mes amis Patrick Berlier et Michel Barbot, nous vous avons proposé diverses pistes précises, dans le nécessaire et très délicat décryptage du fronton de Trèves au hameau du Fay. Il demeure avant tout exceptionnellement unique et pourtant nous ne pouvons malgré tout rester affirmatifs sur une précise et indiscutable explication le concernant. Replaçons nous dans le contexte de la notice référence sur le village de Trèves et soyons bien conscients que l'abbé Chavannes  au milieu du dix-neuvième siècle donc, a eu pleinement connaissance de ce fronton, daté si l'on en croit l'inscription portée à notre vue, de 1757. Rappelons nous que ce hameau l'a intrigué, au même titre que le versant nord, dont le Fay, demeure une constituante incontournable dans la présence du souterrain. Ce dernier annoncé d'une longueur d'un kilomètre passe par conséquent forcément quelque part dans ce gros domaine. Est-ce que les bâtisses sont directement concernées, nous pensons que oui. En revanche, ces dernières ont considérablement évolué au fil des siècles, par conséquent impossible de connaître leur disposition au treizième siècle.

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       En écrivant "le Vieux Secret", j'ai proposé les résultats d'une longue et minutieuse enquête, sur lesquels nous aurons l'occasion de nous attarder au fil des dossiers. Sans la complicité d'une solide équipe; ces travaux n'auraient pas été ce qu'ils sont. J'ai entre autres apporté un développement précis aux mots "troubles" et "épreuves" employés par l'abbé Chavannes toujours dans cette même notice référence sur la commune de Trèves. En 1862, le prêtre historien parlait d'objets précieux cachés lors de jours d'épreuves ; en 1871 dans son livret affiné il évoquait toujours des objets précieux cachés dans le souterrain mais là il écrivait lors de jours de troubles. On peut indiscutablement s'interroger sur le besoin de changer un mot ! Le religieux avait obligatoirement une bonne raison pour porter cette subtile modification. En toute logique, un souterrain, présumé d'un kilomètre, ne s'est pas improvisé au pied levé, ceci en terme de "construction" ; non il a été minutieusement réalisé dans un but important, voire impérieux. Une discrétion de tous les instants devait aussi accompagner cette réalisation, pour une optimisation maximum et future de l'utilisation de cette longue galerie. Les moines Chartreux de Ste-Croix en Jarez ont occupé le versant nord de Trèves de 1281 à 1791, bien sûr par l'intermédiaire et la présence sur place de leurs métayers. Ces derniers n'étaient pas forcément tenus dans la confidence. Aucun risque inutile ne pouvait être couru. C'est pourquoi cette longue période de 500 années permet raisonnablement d'écarter la réalisation du souterrain. De simples paysans n'avaient pas légitimement d'objets précieux à cacher, qui plus est dans un souterrain d'une telle longueur et par-dessus le marché conçu spécialement pour une cause inexistante. Il faut donc trouver les "troubles" et les "épreuves" avant car nous écartons totalement l'événement majeur "révolution de 1789" tant il a été spontané et imprévisible. De plus en 1789, on ne construisait plus de souterrains, qui eux appartiennent évidement à l'époque féodale, en principe en lien étroit avec un château. Nous l'avons déjà bien noté, ici même à Trèves, aucun château ne vit jamais le jour. Cette curiosité impose une réflexion autre. En tous les cas, notre enquête avait été bouleversée, mais également bien éclairée, grâce à une rencontre, que nous mentionnons dans "le Vieux Secret" comme "celui qui ne veut en dire plus".

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         Un personnage central possède des informations bigrement sérieuses et capitales qui permettent de dater le souterrain d'une période très très rapprochée de l'arrivée des moines, à savoir juste avant 1281. Cet homme, très sérieux, a sans doute trop parlé et le regrette peut-être, car à présent il évite régulièrement le sujet et promet sans conviction de nous en dire plus lorsqu'il sera remonté à la source de ses informations. Cependant nous savons déjà qu'un couple, âgé, et particulièrement passionné de la Chartreuse de Ste Croix aurait récolté des informations précises et fiables. Le souterrain mesurerait 990 mètres, des objets précieux y auraient bien effectivement été cachés durant des siècles et encore mieux ce ne serait pas les Chartreux qui l'auraient creusé, mais leurs prédécesseurs immédiats. Ces infos sont très intéressantes, on pourrait les qualifier d'envisageables et parfaitement logiques, au vu de l'avancée de nos recherches. Ajoutons, point aussi important, que cet homme avance la présence d'au moins une salle souterraine, accessible du souterrain, ceci dans le pourtour direct des bâtisses du Fay. Les donateurs des terrains et domaines triviens aux Chartreux, ceci dès 1281, étaient les Roussillon, en l'occurrence Béatrix de la Tour du Pin, veuve du puissant seigneur Guillaume de Roussillon. Ce dernier fut mandaté par le roi de France Philippe III le Hardi, avec l'aval du Pape, ceci au Concile Oecuménique de 1274, tenu à Lyon pour s'embarquer pour la Terre Sainte accompagné de seulement 400 hommes. Ce Concile, nous disent les historiens fut le plus grand rassemblement jamais réalisé par la Chrétienté, c'est pourquoi nous pouvons écrire que la montagne a accouché d'une souris, lorsque l'on voit les faibles forces envoyées en renfort. On peut penser à un réel désengagement, principalement par un manque flagrant de motivation et d'intérêt à défendre, dès 1274, les croisés en perdition en Terre Sainte.  Là-bas Guillaume devait prendre le commandement des troupes françaises et se mettre en rapport direct avec l'Ordre du Temple. Ce valeureux seigneur s'est effectivement embarqué d'Aiguës Morte à l'automne 1275. Le "Vieux Secret" révèle dans le détail, que Guillaume, au moment de partir, s'impose comme le commanditaire du souterrain, extraordinaire réalisation en pleine campagne, loin de plusieurs kilomètres de tout château. Rappelons ici que le versant nord ne proposait que quelques hameaux ou groupes de maisons isolées sur ces pentes vraiment escarpées, dominant parfaitement la vallée.

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        En fait, les Croisades à proprement parlé étaient terminées en 1275 lorsque Guillaume du s'embarquer pour la Terre Sainte et ceci depuis 1270 et la mort de St Louis. Nous étions bien en revanche dans une période "troublée" entre 1270 et 1281. On pourrait même aller jusqu'à 1291 et la chute d'Âcre le dernier bastion croisé  encore en place, mais en ce qui nous concerne avec le souterrain de Trèves et les informations données précédemment, nous devons nous arrêter à 1281 et à l'arrivée des Chartreux. Les principales décisions avaient déjà été prises, il fallait sauver l'essentiel, abondamment en terme de richesses matérielles car pour les hommes, les femmes et les enfants ; ils revenaient d'eux-mêmes ou choisissaient inconsciemment une fin tragique, devenue prévisible et inéluctable. Guillaume au péril de sa vie accepta pourtant la mission. Nous reviendrons ultérieurement sur ses motivations, mais déjà nous comprenons bien que sa foi était profonde et qu'en ces époques s'ouvrir les portes du Paradis  n'était pas une vaine cause. Nous pouvons donc penser que le souterrain s'est donc construit résolument entre 1274 et 1281. Lors de prochains dossiers, nous nous attarderons sur les discrètes conditions de cette conception autant secrète que phénoménale. L'abbé Chavannes avait compris tout cela, religieusement parlant il était  tenu  par une sorte de devoir de réserve, mais historiquement parlant, il se devait dans le même temps à laisser une trace, une preuve, de ces événements historiques encore ignorés au milieu du dix-neuvième siècle, y compris par la population trivienne. Les Chartreux étaient les gardiens de ce secret et ce; durant 500 ans. La révolution a délibérément et directement stoppé cette surveillance à travers les siècles. A partir de cette date charnière, des informations ont doucement dû commencer à sortir du silence. L'abbé Chavannes choisit d'éditer sa notice, en la réactualisant par deux fois entre 1862 et 1871. Prêtre de Trèves depuis 1831, il avait patiemment mené cette enquête à travers le temps pour que ce travail passionné et ses conclusions bouleversantes demeurent pérennes. C'est une évidence: les Chartreux ont surveillé ce souterrain  et sa ou ses caches durant leur présence trivienne ; c'est même sans doute pour cette raison que Béatrix de Roussillon (de la Tour du Pin) leur a remis le domaine du Gier et celui du Mouillon, peut-être aussi le Fay qui ne se nommait pas forcément ainsi à l'époque, nous y reviendrons plus tard dans le détail, car à notre sens ce hameau reste le plus sensible dans cette stratégie d'ensemble.

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         Les objets précieux que mentionne l'abbé Chavannes étaient évidemment des biens matériels, à la base ceux des familles croisées. Le "à la base" a son importance car nous pouvons raisonnablement déduire que le Temple associé à cette gigantesque opération de rapatriement qui avait pour arrivée géographique le souterrain de Trèves, s'est directement impliqué avec ses propres biens dans cette stratégie de long terme. Dans cet ensemble, le rôle de la famille Roussillon demeure majeur. Nous reviendrons également plus tard sur l'importance de cette famille au treizième siècle. Pour revenir à la Terre Sainte, nous savons donc que Guillaume a collaboré avec les Templiers entre 1275 et 1277. Nous ne nous attarderons pas pour le moment sur la fin complètement énigmatique de ce valeureux et important seigneur. Personne n'est en mesure de préciser, sans même détailler, où et comment est mort ce héros. Il existe même un doute légitime sur la date d'ouverture de son testament, notre ami Jean-Claude Ducouder a longuement travaillé sur ce point, vous pouvez retrouver ses conclusions très intéressantes dans l'interview du dossier de juillet 2006. Lors de la présence de Guillaume en Terre Sainte, le Grand Maître du Temple était alors Guillaume de Beaujeu, originaire du Beaujolais et néanmoins parent avec la famille de Forez, branche maternelle de la famille de Guillaume de Roussillon. Ce lien très fort, consolidait d'autant la complicité entre les deux Guillaume. Les Templiers ne se repliaient pas en 1275, pourtant la Chrétienté avait déjà compris qu'il en était terminé de sa présence en Terre Sainte. Bien avant la Chute d'Âcre, dernier symbole tombé aux mains des forces musulmanes, fait d'armes de première importance, l'Ordre du Temple avait commencé au moins une quinzaine d'année plus tôt à rapatrier des biens matériels, des objets précieux et certainement pas seulement les leurs, mais aussi ceux des familles croisées, en fait déracinées et sans point de chute en Occident. Dépôts temporaires et provisoires, certains sont sans doute devenus durables et de plus long terme, ceci dans les décennies qui ont suivi, notamment avec la fin tragique et en apparence précipitée, de l'Ordre du Temple.

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        A Trèves, toute nuance gardée, avec le souterrain et les objets précieux, nous sommes très loin du Trésor des Templiers, celui-là même que l'on voit un peu partout dissimulé aux quatre coins d'Europe et de France, à Arginy, en Forêt d'Orient, à Chypre, à Gisors en n'oubliant pas Rennes le Château. En principe et officiellement si l'on s'en tient à l'Histoire de France traditionnelle, en 1275, les biens Templiers n'étaient pas encore en péril sur le sol de France. Pourtant le danger était déjà bien présent et ce avant  l'arrivée de Philippe IV le Bel. Son père aurait déjà soigneusement commencé à ourdir ce complot d'envergure. Alors songer à dissimuler des richesses, une partie seulement de leurs innombrables richesses au su et au vu des intendances royales, les Templiers en ont effectivement bien eu la détermination. Leurs commanderies ne pouvaient efficacement servir de dépôts sécurisés ; la royauté aurait tôt fait de s'en emparer. Il fallait trouver des alliés solides et déterminés, des alliés déçus profondément par l'abandon de la Terre Sainte par cette même royauté. Guillaume de Roussillon ne s'est point engagé au nom du Roi, sûrement un peu du Pape, mais aussi pour ses alliés les Templiers, ardents défenseurs d'une cause à laquelle Guillaume était intimement attaché. Les biens mis à l'abri dans les sous-sols de Trèves le furent pour perdurer dans le temps, bien mieux protégés que dans n'importe quel château qui pouvait changer de main et d'alliance en fonctions d'événements chroniques, tels les mariages, les conflits d'intérêts...etc La croix pattée du fronton du Fay demeure pleinement anachronique, avec cette date de 1757, apposée tout à côté. L'Ordre de Malte, héritier direct des Hospitaliers, eux-mêmes dépositaires des biens Templiers, n'ont jamais joué le moindre rôle dans notre région. Il nous faut donc revenir à une plus ancienne influence, précisément celle de l'ombre du Temple. Michel Barbot reste convaincu que cette croix pattée présente sur le fronton énigmatique n'est autre que la signature posthume de l'Ordre du Temple. Son développement dans le dernier sujet de "l'énigme de Trèves" s'attarde à le démontrer et l'expliquer. Pour conclure sur les Templiers et au vu d'éléments indiscutables, en Pilat ils n'ont jamais possédé qu'une seule et modeste commanderie, celle de Marlhes alors rattachée au Velay. C'est peut-être du reste le moment pour vous de retourner lire en rubrique "archives" et "dossiers", l'excellent article que Patrick leur a consacré. C'est pourquoi il faut bien être conscient que l'Ordre du Temple n'a jamais rien possédé à Trèves et ses environs, néanmoins, nous pouvons croire à la présence d'un éventuel dépôt en des temps oubliés. C'est là notre opinion sur la raison d'être du souterrain de Trèves, révélé par le très sérieux abbé Chavannes, à partir du milieu du dix-neuvième siècle. Nous n'apporterons pas de développement pour le moment sur le devenir des objets précieux dans le sous-sol du versant nord, mais gageons qu'ils y sont restés longtemps ; celui qui ne veut nous en dire plus le prétend et nous sommes résolument tentés de le croire.

 

     Thierry Rollat
 

   En février prochain, nous retrouverons notre ami Michel Barbot et ses pertinents commentaires.

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