Les Templiers et le Pilat
DE L’HISTOIRE AUX DÉRIVES DE L’HISTOIRE
Comme toute commanderie qui se respecte, celle de Marlhes possédait plusieurs souterrains, connus par tradition orale. L’un d’eux débouchait à l’Espinasse, très discrète dépendance des Templiers, toponyme typique très fréquent aux alentours des maisons de l’Ordre. C’était généralement un lieu de repli, d’où l’on pouvait gagner en toute sécurité une position de sauvegarde. Depuis ce site de l’Espinasse, il était effectivement possible de se replier par les bois en direction du Velay en traversant la Semène au Pont de Malzaure ou à Faridouay. On dit aussi que depuis l’Espinasse un autre souterrain débouchait à Saint-Romain-Lachalm. On remarque dans la maçonnerie d’un bâtiment de l’Espinasse des pierres très bien taillées qui ont dû être réemployées. Elles présentent la particularité d’être ornées de bossages, c’est à dire de saillies arrondies destinées à faire ricocher les projectiles. Cela laisse penser que ce lieu dut être une petite fortification militaire, cette technique ayant surtout été employée dans un but défensif. Une autre pierre porte l’inscription TOVT VIENT DE DIEV, qui rappelle que la vie terrestre n’est qu’un passage, mais que pour le rendre agréable Dieu a fait la terre belle.
DES DÉRIVES DE L’HISTOIRE AUX LÉGENDES
Autre dérive comportant de nombreuses parts de légende, le fameux trésor des Templiers. Lorsque Philippe le Bel décida de détruire l’Ordre du Temple, son but inavoué était assurément de s’approprier les fabuleuses richesses de ceux qui étaient devenus les banquiers des empereurs, des rois, et des papes. Mais les hommes du roi ne purent pas mettre la main sur l’ensemble du magot escompté. Ainsi naquit le mythe du trésor des Templiers, largement répandu et amplifié par toute une littérature souvent fantaisiste... On a recensé en France une bonne quarantaine de sites susceptibles d’abriter le légendaire trésor. En vain semble-t-il, à ce jour aucun chercheur ne s’est vanté de l’avoir découvert. « De toute façon, nous sommes déjà passés avant vous... », préviennent les auteurs de ce recensement, Jean-Luc Aubarbier et Michel Binet, dans leur livre Les sites Templiers de France. Le Pilat pourrait-il s’ajouter à la liste ? HYPOTHÈSES ET FANTASMES Les Templiers du Pilat furent-ils les dépositaires du trésor, ou d’une partie du trésor ? Nous plongeons cette fois dans la fantasmagorie… Mais il n’est pas interdit de rêver ! La commanderie de Marlhes était une bien petite maison templière, comparée à d’autres ô combien plus importantes et plus puissantes. Cette possession modeste, nichée au cœur d’une région montagneuse, constituait-elle un lieu de dépôt discret pour l’Ordre du Temple ? Comment expliquer la disparition de ses chevaliers, si ce n’est par l’absolue nécessité de sauver soit les hommes, soit les biens, ou les deux... La rumeur précise encore que les Templiers de Marlhes auraient trouvé refuge à la chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez, ce qui évidemment laisse la porte ouverte à toutes les interprétations ! Nos bons pères Chartreux virent-ils un soir d’octobre 1307 une escouade de Templiers lourdement chargés débarquer dans leur monastère et y demander asile ? Cela reste du domaine du conte, ou de la rêverie ésotérique... Que des Templiers trouvent refuge pour la nuit dans une chartreuse, le fait est envisageable en raison des coutumes hospitalières d’une telle maison ; qu’ils s’y établissent quelque temps, c’est totalement impensable. D’ailleurs les relations entre Chartreux et Templiers étaient assez tendues, les premiers reprochant aux seconds leur manque de respect des règles monastiques. La chartreuse de Sainte-Croix pouvait tout au plus fournir un camp de base très provisoire, le temps de mettre en lieu sûr aux environs les biens dont les Templiers étaient les dépositaires. Cet hypothétique endroit reste à ce jour indéterminé... Un détail important est à souligner : Sainte-Croix était en 1307 dans le Lyonnais, comté qui n’était pas encore rattaché au royaume de France, et la chartreuse pouvait offrir un lieu d’étape sécurisé sur la route du Saint Empire romain germanique. Lorsque la légende affirme que les Templiers se dirigèrent sur Sainte-Croix, peut-être faut-il comprendre qu’il prirent la route du Lyonnais, tout comme leurs quelques homologues du Puy qui réussirent dit-on à s’échapper dans cette direction...
Les Templiers du Pilat n’ont pas fini de nous faire rêver… POUR EN SAVOIR PLUS Sur les Templiers : Sur les Templiers du Pilat : |
Menuisier ébéniste de métier, c'est sûrement grâce à son amour pour le travail bien fait, que l'on retrouve chez l'artisan, renforcé par une ténacité qu'il met au prenant service de ses enrichissantes investigations de terrain, que Patrice s'intéresse à l'histoire au sens large. Mais dès qu'on lui parle du Pilat, toutes ses sensibilités se mettent en éveil, tant le passé sur le sol de cette montagne le passionne. Accaparé par son activité professionnelle, il trouve malgré tout, le temps de s'adonner à son passe temps favori : les "expéditions" dans le Pilat. Les sites mégalithiques, les vielles bâtisses, sans oublier l'époque médiévale qui lui tient particulièrement à coeur, Patrice s'intéresse au bout du compte à toutes les merveilles d'hier. Toujours partant, franc et déterminé, il se donne les moyens de réussir dans ses multiples entreprises, car il sait pertinemment que c'est loin d'être évident de faire parler avec justesse une vieille pierre ou encore de dater un morceau de tuile cassée. Patiemment, il prend la peine de rassembler chaque élément qui compose bien souvent des puzzles complexes ; Patrice en action, demeure une belle définition de la recherche historique ! |
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PM : Si je fais un lointain retour en arrière, je me souviens très jeune m'être intéressé à l'histoire du château de la Valette, à vol d'oiseau tout proche de mon domicile. Les légendes, notamment de souterrains, qui entourent encore ce château, démoli et revendu en deux lots de pierres à la révolution, me passionnaient littéralement. J'avais pris l'habitude, pendant des week ends ou les vacances, de me rendre dans le bois qui entoure le lieu où prenait place le château, ce sont sans doute là les premiers germes de ma passion.
RDP: Justement, une rumeur prétend qu'un souterrain, reliait jadis ce château à celui de Virieu, qu'en est-il selon vous ?
PM : Même si moi le premier, j'ai pu être un modeste maillon isolé et enthousiaste de cette belle légende, je pense que raisonnablement il y a presque aucune chance que ce souterrain puisse avoir un jour existé. D'abord, parce que le granit du Pilat ne se "travaille" pas si facilement que cela ; comment imaginer alors sérieusement que sur plus d'un kilomètre, ceci si ce souterrain avait été tracé en ligne droite, des hommes puissent avoir efficacement creusé dans le rocher, jusqu'à se dégager un passage suffisamment large et haut pour avancer sur une telle longueur ! J'ajouterai une deuxième raison ; au vu du relief, composé entre autres de vallons à pics, entre la Valette et Virieu, en traversant de plus deux ruisseaux, je pense qu'il s'avère impossible au vu des moyens à la disposition des hommes qui nous ont précédés il y a de cela quelques centaines d'années, d'avoir pu réaliser un tel souterrain : évidemment, je n'ai pas de preuve...
RDP: Même si vous restez discret autant que modeste sur vos excursions actuelles, en quoi consistent ces dernières ?
PM : Le
Pilat est riche, de par la diversité des excursions qu'il propose.
Je me suis beaucoup investi ces dernières années dans la
"visite" de sites mégalithiques. Tous plus intrigants les uns que
les autres, ils
incitent
à une profonde réflexion, tant on ne sait que peu de choses
sur ces réalisations. Ces mystères nous poussent à
faire preuve d'une imagination que l'on ne soupçonnerait pas au
premier abord. Je pense néanmoins qu'une grande partie de ces sites,
même si l'homme les a peut-être "apprivoisés", demeurent
avant tout l'oeuvre de la nature.
RDP: En ce qui concerne la nature, une de ses principales "composantes" reste l'eau, apparemment vous vous êtes passionné sur le sujet ?
PM : C'est parfaitement exact. D'abord des sources importantes existent dans le Pilat, plusieurs possèdent des débits qui dépassent 50m3 par jour, ce qui est relativement conséquent. Ensuite, même en période de sécheresse, comme l'été 2003, ces mêmes sources, ainsi que des plus modestes, n'ont pas diminué la puissance de leurs écoulements. Même si d'autres ont clairement ralenti la puissance de ce même écoulement, on était en droit de se poser des questions.
RDP: Non sans jeu de mots, qu'a t-il découlé de votre réflexion ?
PM : Nombreux d'entre nous sont très mal informés sur la provenance de cette eau ; on retient souvent à tort, en raison d'une tenace rumeur, que l'eau du Pilat viendrait des Alpes, par une magique aspiration. Je me suis rapproché de plusieurs spécialistes qui m'ont clairement expliqué que ceci n'était que pure fantaisie. L'eau du Pilat, vient du Pilat. Lorsqu'il pleut, à certaines époques abondamment, l'eau est stockée dans les failles des rochers ; le sol devient comme une grande éponge naturelle. Cette dernière restitue alors l'eau progressivement, avec un débit plus ou moins régulé selon la texture du terrain. C'est pourquoi, même si des fois on observe un petit écoulement apparemment en haut d'un rocher, donc mystérieux par le fait que l'on ne voit rien juste au dessus qui permette à première vue de l'alimenter ; il faut encore regarder plus haut, voir beaucoup plus haut, 'une éponge naturelle' permet la restitution de l'eau stockée. A l 'extrême et selon ce raisonnement, seul le plus haut point du Crêt de la Perdrix ne peut servir de réservoir digne de ce nom.
RDP: Si on vous comprend bien, le Pilat dispose de réservoirs tels, qu'ils ne sont jamais totalement épuisés dans leurs réserves, que vous qualifiez alors à juste titre de naturelles ?
PM : C'est presque ça, mais notons tout de même que pendant l'été 2003, nombreuses sources commençaient à montrer de réels signes de faiblesses.
RDP: En changeant de sujet, et en revenant à celui des "Templiers et le Pilat", que vous inspire t-il ?
PM : Les Templiers sont un sujet qui fait beaucoup rêver, voire fantasmer, pour reprendre le vocabulaire de Patrick Berlier. Tellement il existe d'écrits sur ce thème, que l'on arrive plus toujours à trier le vrai du faux. Pour ce qui est par exemple de l'origine du premier grand maître, certains, notamment dans le Pilat, voudrait le voir être originaire de Mahun, près d'Annonay ; moi je pense que les légendes de ce type ont de beaux jours devant elles tant que des preuves indiscutables ne seront pas apporter, dans un sens ou dans l'autre, car pour la piste de Mahun, on ne peut pas l'écarter...
RDP: Que pensez-vous des légendes qui entourent l'ancienne Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez et certains mystères Templiers ?
PM : Là encore, tout repose sur du "peut être que", il est "possible que". La Chartreuse de Sainte-Croix a été fondée à une date charnière, si l'on se replace dans le contexte historique. Les Croisades étaient perdues et presque complètement terminées ; le rôle des Templiers était en train de se modifier, leur retour sur le sol de France commençait à sonner : ils devaient gérer leurs innombrables richesses. Maintenant, prétendre qu'ils aient pu se replier sur Sainte-Croix à cette époque ou un peu plus tard au moment de la rafle de 1307 par exemple, ceci ne reste qu'une éventualité, même si toutes ces dates s'imbriqueraient assez bien avec des faits historiques.
En Juillet
prochain notre dossier s'intitulera :
La Chartreuse
de Ste Croix-en-Jarez
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