DOSSIER DES REGARDS DU PILAT
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Mars 2005
Les Templiers et le Pilat


Par Patrick BERLIER

  Le département de la Loire est sans doute le plus pauvre de France en vestiges des Templiers. Le Pilat est donc à cette image : une seule commanderie authentifiée, celle de Marlhes, qui possédait quelques dépendances aux alentours. Et c’est tout : les autres possessions dont il est fait mention ici ou là, soit par tradition orale soit par une certaine littérature, relèvent de la rumeur, des croyances populaires, ou de confusions avec les Hospitaliers. Néanmoins le Pilat présente quelques singularités, par rapport à l’histoire du Temple, qui méritent que l’on s’y arrête, en sachant marquer la différence entre histoire et légende.


Nom d'une rue de la commune de Marlhes 

DE L’HISTOIRE AUX DÉRIVES DE L’HISTOIRE
    Au début du XIIe siècle, les Croisés ayant conquis Jérusalem et la Palestine, beaucoup de seigneurs chrétiens s’en retournèrent chez eux, estimant en avoir bien assez fait pour le salut de leur âme. De fait, les routes devinrent moins sûres et les cohortes de pèlerins qui se dirigeaient vers les lieux saints offrirent des proies faciles aux raids des cavaliers musulmans. Pour assurer la sécurité des chemins, vers 1119 un groupe de chevaliers français fonda une nouvelle confrérie, à la fois militaire et monastique sur le modèle des Hospitaliers. Elle s’installa à l’emplacement du temple de Salomon, d’où le nom de Templiers bien vite donné à ses membres. L’Ordre du Temple devait prendre un essor considérable, installant des commanderies en Orient et en Occident, devenant une puissance dont les rois et les papes n’allaient pas tarder à se méfier. Le coup fatal fut donné par Philippe IV le Bel, qui en 1307 avec l’aide forcée du pape Clément V décida sous un fallacieux prétexte de supprimer cet Ordre et d’en arrêter tous les membres. Cela ne fit qu’entourer d’une aura de mystère ces énigmatiques Templiers, qui continuent à nous fasciner aujourd’hui.


Constructions actuelles sur l'emplacement de la Commanderie de Marlhes

   La commanderie de Marlhes, située près du hameau de Marlhette, dépendait de la maison « chévetaine » du Puy-en-Velay. Elle était édifiée sur un tertre naturel dans la boucle d’un ruisseau. Ce lieu se nomme encore aujourd’hui « le Temple », appellation qui a traversé les siècles. Il ne reste presque plus de vestiges de l’époque des Templiers, à part quelques traces de la première enceinte et surtout du bief alimentant le moulin, qui servait également de fossé de défense. La disposition des maisons actuelles, qui ont remplacé les bâtiments médiévaux, rappelle la forme octogonale que devait offrir la commanderie, fermée vers l’extérieur mais ouverte sur une cour intérieure dont l’accès était défendu par une porte fortifiée. Située à la frontière entre Viennois et Velay, elle dut jouer un rôle d’hospitalité sur la route des pèlerinages, d’où son surnom d’Hospital du Temple. Après le départ des Templiers la maison passa aux Hospitaliers, qui y installèrent une maladrerie, et dépendit de la commanderie du Devesset, en Vivarais. 

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    Si les maisons médiévales de la commanderie ont disparu, leurs pierres taillées ont été réutilisées. On trouve dans la région un certain nombre de pierres, porteuses de croix dites Templières. Il y en a une sur place, au Temple, et d’autres dans les environs. Par exemple : au Sapt, près de Saint-Genest-Malifaux, au Monteil et à Joubert, sur la commune de Marlhes, et dans le village même de Marlhes. Mais surtout, dans le hameau du Rozey l’une des monumentales pierres du porche de la chapelle a été réemployée dans la construction d’un mur, à l’envers… Ce fragment de linteau se compose d’une accolade, ornée d’une rouelle, qui devait surmonter un portillon, et de la partie gauche d’une arcade qui coiffait le portail central.


<Cliquer sur photo pour extrapolation>
Fragment de linteau qui complet devait être vraiment majestueux 

    Les Templiers possédaient de nombreuses dépendances. On peut citer en particulier la maison de La Combe, près de La République. Cette maison, très bien restaurée, fut sans doute une ferme fortifiée, conservée en l’état par les Hospitaliers, elle a d’ailleurs gardé fière allure et un aspect très militaire. Elle est devenue aujourd’hui un lieu d’accueil pour enfants défavorisés. D’étranges graffitis ornent les murs des caves et la recherche du trésor des Templiers constitue l’une des occupations favorites des enfants... La tradition y voyait la résidence d’un initié, chapelain ou commandeur. Cette croyance semble corroborée par la découverte, lors des travaux, d’une pierre ornée d’une croix gravée dite « à perrons », symbole classique des différents degrés de l’initiation. Un souterrain semblait partir de cette ferme en direction du lieu-dit Bel-Air. Non loin de là, le lieu-dit Les Tours conserve le souvenir d’une commanderie ou maison forte, dont il ne reste rien, qui comme toutes les possessions des Templiers sur le plateau de Saint-Genest-Malifaux passa aux Hospitaliers. Un chemin presque rectiligne, dont il subsiste des traces, allait du Temple à la commanderie des Tours, en passant par La Faye et par la ferme fortifiée de La Combe. 


Ancienne ferme fortifiée ayant appartenu aux Templiers à la Combe

   C’est à Vienne, au pied du Pilat, que se déroula le dernier acte de l’histoire du Temple. En mai 1312, le concile réuni dans la cathédrale Saint-Maurice, en présence du pape Clément V et du roi de France Philippe IV le Bel, prononça l’abolition de l’Ordre. Un groupe de neuf Templiers « s’invita » au concile pour tenter d’influencer le pape. Très effrayé, Clément V les fit jeter au cachot sans même les écouter. Nul ne sait comment, et surtout où, ces chevaliers avaient survécu depuis ce matin du 13 octobre 1307 où les hommes du roi s’étaient emparés des Templiers. Il faut dire que quelques rares commanderies furent trouvées quasiment vides de tout occupant. On peut citer la célèbre et mystérieuse commanderie de Montfort-sur-Argens, dans le Var. Or Marlhes était l’une de ces maisons abandonnées par leurs Templiers. La légende prétend que les chevaliers aux blancs manteaux avaient quitté discrètement les lieux par les souterrains, emportant avec eux un fabuleux trésor. Ici l’histoire laisse place à des dérives, plus ou moins fantastiques. Par exemple diverses rumeurs font état d’une survivance de l’Ordre du Temple dans le Pilat. L’une d’elles, invérifiée à ce jour, parle d’un acte de 1339 signé au Puy-en-Velay entre Guillaume de Gaste et les Templiers de Marlhes. Il y a aussi cette Vierge dite des Templiers, dans l’église de Marlhes, statue en bois du XVe siècle… provenant en réalité de la maison des Hospitaliers.


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    Comme toute commanderie qui se respecte, celle de Marlhes possédait plusieurs souterrains, connus par tradition orale. L’un d’eux débouchait à l’Espinasse, très discrète dépendance des Templiers, toponyme typique très fréquent aux alentours des maisons de l’Ordre. C’était généralement un lieu de repli, d’où l’on pouvait gagner en toute sécurité une position de sauvegarde. Depuis ce site de l’Espinasse, il était effectivement possible de se replier par les bois en direction du Velay en traversant la Semène au Pont de Malzaure ou à Faridouay. On dit aussi que depuis l’Espinasse un autre souterrain débouchait à Saint-Romain-Lachalm. On remarque dans la maçonnerie d’un bâtiment de l’Espinasse des pierres très bien taillées qui ont dû être réemployées. Elles présentent la particularité d’être ornées de bossages, c’est à dire de saillies arrondies destinées à faire ricocher les projectiles. Cela laisse penser que ce lieu dut être une petite fortification militaire, cette technique ayant surtout été employée dans un but défensif. Une autre pierre porte l’inscription TOVT VIENT DE DIEV, qui rappelle que la vie terrestre n’est qu’un passage, mais que pour le rendre agréable Dieu a fait la terre belle. 
    Un autre souterrain menait dit-on au château de La Faye, choix étonnant puisque ce lieu n’était pas une possession des Templiers mais appartenait à la famille Pagan, sur laquelle je reviendrai. Ces deux souterrains restent certes du domaine de la croyance populaire. Il faut cependant remarquer que chacun d’eux aurait permis un repli stratégique, soit coté Velay soit coté Viennois, selon le sens d’où serait venu l’attaque. On peut donc accorder une certaine crédibilité à cette tradition. Et en vertu de la valeur que les Templiers accordaient au chiffre trois, pourquoi n’y aurait-il pas un troisième souterrain, dans une direction inconnue, aboutissant à une cache où attend peut-être toujours un prodigieux trésor ?


Restes de pierres du bief qui permettait de retenir l'eau pour alimenter la roue du moulin des Templiers

DES DÉRIVES DE L’HISTOIRE AUX LÉGENDES
    Parmi les dérives de l’histoire, il y a celle concernant l’origine du chef et fondateur de l’Ordre du Temple, un certain Hugues de Payns ou de Payens (en latin : Hugoni de Paganis). À vrai dire il faudrait parler plutôt de la récupération d’un personnage historique célèbre au profit de l’histoire locale, manœuvre à laquelle se prêtèrent nombre d’auteurs régionalistes, certains en toute bonne foi d’ailleurs. À noter que la même dérive existe pour la région du Verdon, en Haute-Provence. Tous les historiens attribuent à Hugues de Payens une origine champenoise, le voyant seigneur de la ville de Payns près de Troyes. Cependant, la bibliothèque municipale de Carpentras conserve un acte de donation d’un évêque d’Avignon, daté du 29 Janvier 1130, dans lequel Hugues de Payens est qualifié de vivariensi, c’est à dire natif du Vivarais. Le fait est signalé entre autres par Laurent Dailliez dans son ouvrage de référence Les Templiers ces inconnus (page 60). Selon les historiens, à la fondation du Temple vers 1119 Hugues de Payens devait avoir dans les 50 ans, et il mourut en 1136. Toutes ces caractéristiques coïncident avec un Hugues de Pagan, né dans le Vivarais à deux pas du Pilat, à Saint-Symphorien-de-Mahun en 1070, décédé en 1136. Il n’en fallut pas plus pour que certains historiens locaux en fassent le véritable fondateur du Temple.Par exemple le très sérieux Félix Thiollier, dans son remarquable ouvrage Le Forez pittoresque et monumental (tome I, page 441), le classait parmi les « Forésiens dignes de mémoire » : PAGAN (Hugues de) : fils de Willelme, seigneur de Miribel, Meys et Cuzieu, premier Grand Maître des Templiers 1118 ; mort en 1136.La famille Pagan (ou Payen, autre orthographe admise) eut de nombreuses propriétés tant dans le Vivarais que dans le Forez. En particulier elle possédait la baronnie de la Faye, dont le vaste territoire correspondait aux communes actuelles de Jonzieux, Marlhes, Saint-Genest-Malifaux, Saint-Régis-du-Coin, Saint-Romain-les-Atheux et Saint-Sauveur-en-Rue. L’Armorial général du Forez recensait trois branches dans cette famille : Payen (Beaujolais), Payen de Retourtour (Vivarais) et Payen d’Argental (Viennois). À ce propos, dans son Histoire du Mont Pilat, des Temps perdus au XVIIe siècle, Jean Combe signalait, dans son chapitre sur Argental (page 155) : Le nom d’Artaud de Pagan évoque sans doute un petit château dans les montagnes du Pilat, mais celui de son frère appartient à la grande histoire, puisque Hugues de Pagan fut le premier grand maître du célèbre ordre des Templiers dont il avait été l’un des fondateurs.

Ruines du moulin des Templiers au hameau du Temple

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    Autre dérive comportant de nombreuses parts de légende, le fameux trésor des Templiers. Lorsque Philippe le Bel décida de détruire l’Ordre du Temple, son but inavoué était assurément de s’approprier les fabuleuses richesses de ceux qui étaient devenus les banquiers des empereurs, des rois, et des papes. Mais les hommes du roi ne purent pas mettre la main sur l’ensemble du magot escompté. Ainsi naquit le mythe du trésor des Templiers, largement répandu et amplifié par toute une littérature souvent fantaisiste... On a recensé en France une bonne quarantaine de sites susceptibles d’abriter le légendaire trésor. En vain semble-t-il, à ce jour aucun chercheur ne s’est vanté de l’avoir découvert. « De toute façon, nous sommes déjà passés avant vous... », préviennent les auteurs de ce recensement, Jean-Luc Aubarbier et Michel Binet, dans leur livre Les sites Templiers de France. Le Pilat pourrait-il s’ajouter à la liste ?
HYPOTHÈSES ET FANTASMES
    Les Templiers du Pilat furent-ils les dépositaires du trésor, ou d’une partie du trésor ? Nous plongeons cette fois dans la fantasmagorie… Mais il n’est pas interdit de rêver ! La commanderie de Marlhes était une bien petite maison templière, comparée à d’autres ô combien plus importantes et plus puissantes. Cette possession modeste, nichée au cœur d’une région montagneuse, constituait-elle un lieu de dépôt discret pour l’Ordre du Temple ? Comment expliquer la disparition de ses chevaliers, si ce n’est par l’absolue nécessité de sauver soit les hommes, soit les biens, ou les deux... La rumeur précise encore que les Templiers de Marlhes auraient trouvé refuge à la chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez, ce qui évidemment laisse la porte ouverte à toutes les interprétations ! Nos bons pères Chartreux virent-ils un soir d’octobre 1307 une escouade de Templiers lourdement chargés débarquer dans leur monastère et y demander asile ? Cela reste du domaine du conte, ou de la rêverie ésotérique... Que des Templiers trouvent refuge pour la nuit dans une chartreuse, le fait est envisageable en raison des coutumes hospitalières d’une telle maison ; qu’ils s’y établissent quelque temps, c’est totalement impensable. D’ailleurs les relations entre Chartreux et Templiers étaient assez tendues, les premiers reprochant aux seconds leur manque de respect des règles monastiques. La chartreuse de Sainte-Croix pouvait tout au plus fournir un camp de base très provisoire, le temps de mettre en lieu sûr aux environs les biens dont les Templiers étaient les dépositaires. Cet hypothétique endroit reste à ce jour indéterminé... Un détail important est à souligner : Sainte-Croix était en 1307 dans le Lyonnais, comté qui n’était pas encore rattaché au royaume de France, et la chartreuse pouvait offrir un lieu d’étape sécurisé sur la route du Saint Empire romain germanique. Lorsque la légende affirme que les Templiers se dirigèrent sur Sainte-Croix, peut-être faut-il comprendre qu’il prirent la route du Lyonnais, tout comme leurs quelques homologues du Puy qui réussirent dit-on à s’échapper dans cette direction...
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    Une autre rumeur situe le dépôt du trésor des Templiers au château d’Argental. Mais elle n’est sans doute que la déformation chimérique de plusieurs croyances, saupoudrées d’un soupçon de famille Pagan, et mixée avec le fait — bien réel cette fois — que la papeterie installée en ce lieu fabriqua des années durant le papier des billets de banque français.


Jacques de Molay

   Jacques de Molay, le dernier Grand Maître du Temple, n’en fut probablement que le chef visible selon l’avis de Raoul Willemenot, auteur de Le secret des Templiers (page 125). Les milieux occultistes du XIXe siècle murmuraient que  son neveu, le jeune Guichard de Beaujeu, avait pris en mains les destinées d’un ordre invisible, et discrètement récupéré les archives secrètes et les trésors du Temple, tous plus fabuleux les uns que les autres... Peut-être avaient-ils inventé cette histoire, mais il faut noter que les Beaujeu étaient originaires de la famille des comtes du Forez, dans laquelle ils finirent par se fondre. Ce fait est signalé par l’Armorial Général du Forez, article Beaujeu, et confirmé par le très rigoureux Laurent Dailliez, dans Les Templiers ces inconnus (page 74). Un Guillaume de Beaujeu fut l’avant-dernier Grand Maître du Temple, le dernier à siéger en Terre Sainte durant toute sa maîtrise. Après sa mort héroïque en 1291, Thibaud Gaudin lui succéda très provisoirement puisque dès la fin de l’année 1292 Jacques de Molay l’avait remplacé. Quatre ans plus tard en 1296, lors du mariage de Jean 1er, comte du Forez, et d’Alix de Vienne, la baronnie de la Faye qui appartenait au préalable au Viennois, avec sa commanderie de Marlhes, fut livrée sur un plateau à la famille de Forez. À cette occasion, tout le Pilat méridional passa du Viennois au Forez, ce qui offrit à ses comtes un débouché sur la vallée du Rhône. Dans l’hypothèse d’une sauvegarde des trésors templiers par Guichard de Beaujeu à la fin du XIIIe siècle, la commanderie de Marlhes, sur les terres de son parent le comte du Forez, aurait fourni un site beaucoup plus discret que les trop voyants châteaux de Beaujeu ou d’Argigny, souvent désignés comme les lieux du dépôt. Mais qu’y a-t-il de vrai dans toute cette histoire ? 


Une des nombreuses croix templière positionnée sur des pierres de réemploi

 Les Templiers du Pilat n’ont pas fini de nous faire rêver…
POUR EN SAVOIR PLUS
Sur les Templiers :
¨ Laurent Dailliez, Les Templiers ces inconnus, Librairie Académique Perrin (cet ouvrage vient d’être réédité).
¨ Jean-Louis Aubarbier et Michel Binet, Les sites Templiers de France, éditons Ouest-France 1995. 
¨ Raoul Willemenot, Le secret des Templiers, Fernand Nathan 1970.
Sur les Templiers du Pilat :
¨ Patrick Berlier, À la découverte du Pilat, tome 1 de la collection Le guide du Pilat et du Jarez, Actes Graphiques éditeur 2000.
¨ Société d’histoire du Pays de Saint-Genest-Malifaux, Le pays de Saint-Genest, 1995.
¨ Divers articles de la revue Dan L’tan éditée par l’association Visages de notre Pilat, Pélussin.

* Nous remercions notre ami Patrick pour son bel article ; nous vous proposons de retrouver maintenant notre invité, un passionné d'archéologie qui entreprend de nombreuses recherches, en amateur, comme il aime à le préciser, le sympathique Patrice Mounier.

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Menuisier ébéniste de métier, c'est sûrement grâce à son amour pour le travail bien fait, que l'on retrouve chez l'artisan, renforcé par une ténacité qu'il met au prenant service de ses enrichissantes investigations de terrain, que Patrice s'intéresse à l'histoire au sens large. Mais dès qu'on lui parle du Pilat, toutes ses sensibilités se mettent en éveil, tant le passé sur le sol de cette montagne le passionne. Accaparé par son activité professionnelle, il trouve malgré tout, le temps de s'adonner à son passe temps favori : les "expéditions" dans le Pilat. Les sites mégalithiques, les vielles bâtisses, sans oublier l'époque médiévale qui lui tient particulièrement à coeur, Patrice s'intéresse au bout du compte à toutes les merveilles d'hier. Toujours partant, franc et déterminé, il se donne les moyens de réussir dans ses multiples entreprises, car il sait pertinemment que c'est loin d'être évident de faire parler avec justesse une vieille pierre ou encore de dater un morceau de tuile cassée. Patiemment, il prend la peine de rassembler chaque élément qui compose bien souvent des puzzles complexes ; Patrice en action, demeure une belle définition de la recherche historique ! 
RDP:  Patrice, comment définiriez-vous les principales raisons qui vous ont porté vers la recherche archéologique ?

PM : Si je fais un lointain retour en arrière, je me souviens très jeune m'être intéressé à l'histoire du château de la Valette, à vol d'oiseau tout proche de mon domicile. Les légendes, notamment de souterrains, qui entourent encore ce château, démoli et revendu en deux lots de pierres à la révolution, me passionnaient littéralement. J'avais pris l'habitude, pendant des week ends ou les vacances, de me rendre dans le bois qui entoure le lieu où prenait place le château, ce sont sans doute là les premiers germes de ma passion.

RDP:  Justement, une rumeur prétend qu'un souterrain, reliait jadis ce château à celui de Virieu, qu'en est-il selon vous ?

PM : Même si moi le premier, j'ai pu être un modeste maillon isolé et enthousiaste de cette belle légende, je pense que raisonnablement il y a presque aucune chance que ce souterrain puisse avoir un jour existé. D'abord, parce que le granit du Pilat ne se "travaille" pas si facilement que cela ; comment imaginer alors sérieusement que sur plus d'un kilomètre, ceci si ce souterrain avait été tracé en ligne droite, des hommes puissent avoir efficacement creusé dans le rocher, jusqu'à se dégager un passage suffisamment large et haut pour avancer sur une telle longueur ! J'ajouterai une deuxième raison ; au vu du relief, composé entre autres de vallons à pics, entre la Valette et Virieu, en traversant de plus deux ruisseaux, je pense qu'il s'avère impossible au vu des moyens à la disposition des hommes qui nous ont précédés il y a de cela quelques centaines d'années, d'avoir pu réaliser un tel souterrain : évidemment, je n'ai pas de preuve...

RDP: Même si vous restez discret autant que modeste sur vos excursions actuelles, en quoi consistent ces dernières ?

PM : Le Pilat est riche, de par la diversité des excursions qu'il propose. Je me suis beaucoup investi ces dernières années dans la "visite" de sites mégalithiques. Tous plus intrigants les uns que les autres, ils
incitent à une profonde réflexion, tant on ne sait que peu de choses sur ces réalisations. Ces mystères nous poussent à faire preuve d'une imagination que l'on ne soupçonnerait pas au premier abord. Je pense néanmoins qu'une grande partie de ces sites, même si l'homme les a peut-être "apprivoisés", demeurent avant tout l'oeuvre de la nature.

RDP:  En ce qui concerne la nature, une de ses principales "composantes" reste l'eau, apparemment vous vous êtes passionné sur le sujet ?

PM : C'est parfaitement exact. D'abord des sources importantes existent dans le Pilat, plusieurs possèdent des débits qui dépassent 50m3 par jour, ce qui est relativement conséquent. Ensuite, même en période de sécheresse, comme l'été 2003, ces mêmes sources, ainsi que des plus modestes, n'ont pas diminué la puissance de leurs écoulements. Même si d'autres ont clairement ralenti la puissance de ce même écoulement, on était en droit de se poser des questions.

 RDP:  Non sans jeu de mots, qu'a t-il découlé de votre réflexion ?

PM : Nombreux d'entre nous sont très mal informés sur la provenance de cette eau ; on retient souvent à tort, en raison d'une tenace rumeur, que l'eau du Pilat viendrait des Alpes, par une magique aspiration. Je me suis rapproché de plusieurs spécialistes qui m'ont clairement expliqué que ceci n'était que pure fantaisie. L'eau du Pilat, vient du Pilat. Lorsqu'il pleut, à certaines époques abondamment, l'eau est stockée dans les failles des rochers ; le sol devient comme une grande éponge naturelle. Cette dernière restitue alors l'eau progressivement, avec un débit plus ou moins régulé selon la texture du terrain. C'est pourquoi, même si des fois on observe un petit écoulement apparemment en haut d'un rocher, donc mystérieux par le fait que l'on ne voit rien juste au dessus qui permette à première vue de l'alimenter ; il faut encore regarder plus haut, voir beaucoup plus haut, 'une éponge naturelle' permet la restitution de l'eau stockée. A l 'extrême et selon ce raisonnement, seul le plus haut point du Crêt de la Perdrix ne peut servir de réservoir digne de ce nom.

RDP: Si on vous comprend bien, le Pilat dispose de réservoirs tels, qu'ils ne sont jamais totalement épuisés dans leurs réserves, que vous qualifiez alors à juste titre de naturelles ?

PM : C'est presque ça, mais notons tout de même que pendant l'été 2003, nombreuses sources commençaient à montrer de réels signes de faiblesses.

RDP:  En changeant de sujet, et en revenant à celui des "Templiers et le Pilat", que vous inspire t-il ?

PM : Les Templiers sont un sujet qui fait beaucoup rêver, voire fantasmer, pour reprendre le vocabulaire de Patrick Berlier. Tellement il existe d'écrits sur ce thème, que l'on arrive plus toujours à trier le vrai du faux. Pour ce qui est par exemple de l'origine du premier grand maître, certains, notamment dans le Pilat, voudrait le voir être originaire de Mahun, près d'Annonay ; moi je pense que les légendes de ce type ont de beaux jours devant elles tant que des preuves indiscutables ne seront pas apporter, dans un sens ou dans l'autre, car pour la piste de Mahun, on ne peut pas l'écarter...

RDP:  Que pensez-vous des légendes qui entourent l'ancienne Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez et certains mystères Templiers ?

PM : Là encore, tout repose sur du "peut être que", il est "possible que". La Chartreuse de Sainte-Croix a été fondée à une date charnière, si l'on se replace dans le contexte historique. Les Croisades étaient perdues et presque complètement terminées ; le rôle des Templiers était en train de se modifier, leur retour sur le sol de France commençait à sonner : ils devaient gérer leurs innombrables richesses. Maintenant, prétendre qu'ils aient pu se replier sur Sainte-Croix à cette époque ou un peu plus tard au moment de la rafle de 1307 par exemple, ceci ne reste qu'une éventualité, même si toutes ces dates s'imbriqueraient assez bien avec des faits historiques.

RDP:  Nous aurons bientôt l'occasion de revenir à la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez, en attendant nous vous remercions Patrice, d'avoir bien voulu répondre à nos questions.

En Juillet prochain notre dossier s'intitulera :
La Chartreuse de Ste Croix-en-Jarez

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