Dossier Novembre 2011


Dom Polycarpe de la Rivière



énigmatique prieur de Sainte-Croix-en-Jarez










Par
Patrick
Berlier





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    De 1618 à 1627, le prieur de la chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez était un certain Dom Polycarpe de la Rivière, un religieux Chartreux bien énigmatique. Il fut peut-être l’un des esprits les plus brillants du XVIIe siècle, auteur de plusieurs ouvrages de dévotion, qui connurent un beau succès en leur temps. Mais plutôt que de rechercher les honneurs, il préférait le calme de la vie monacale, écrivant à ce propos : « Je me contente qu’on me connaisse Religieux et Religieux solitaire ».

On ignore en réalité qui était Dom Polycarpe de la Rivière. On ne connaît de ses origines que les maigres indications qu’il a bien voulu nous laisser dans la préface de son livre le plus connu, L’adieu du monde. Il se disait natif du Velay, région formée par les actuels arrondissements du Puy-en-Velay et d’Yssingeaux, dans le département de la Haute-Loire. Il était sans doute issu d’une famille De la Rivière, dont on retrouve la trace en particulier au village de Tence, où il existe encore un lieu-dit « la Rivière ». Il semblerait que le véritable nom de notre homme ait été François de la Rivière, Polycarpe n’aurait été que son nom d’église. Il serait né fin 1585 ou début 1586, une date que l’on peut déduire de celle de sa profession à la Grande Chartreuse : 1er mars 1609. à cette date il avait alors 23 ans.

Le jeune François, ou Polycarpe, entreprit ses études à la maîtrise de la cathédrale du Puy-en-Velay. Là il eut comme professeur de chant et de musique un jeune chantre, un chanteur portant un nom prédestiné : Claude François. Un jour qu’Honoré d’Urfé, le célèbre auteur de L’Astrée, se trouvait dans la cathédrale du Puy, il fut charmé par sa voix, et lui proposa d’entrer au service de Marguerite de Valois, l’épouse du futur Henri IV, la fameuse « Reine Margot », comme maître de chapelle et secrétaire. Marguerite vivait alors recluse au château d’Usson, en Auvergne, où elle entretenait une cour très prisée, fréquentée par les plus grands esprits du temps. Claude François devint donc le secrétaire de Marguerite, mais un secrétaire… très particulier. Le jeune Polycarpe suivit son maître, puis un peu plus tard il devint en toute logique le page de la reine Margot. Il le laisse d’ailleurs comprendre clairement dans son livre L’adieu du Monde.


Marguerite de Valois



Polycarpe de la Rivière trouva à la cour de la reine Margot les bases de son érudition, grâce à tous ces maîtres savants. Dans la bibliothèque fort bien garnie on l’imagine fouinant, étudiant et prenant des notes. On sait, par l’inventaire de cette bibliothèque réalisé en 1608, que tous les auteurs que Dom Polycarpe devait citer dans ses ouvrages ultérieurs y étaient présents. Marguerite de Valois finit par trouver un arrangement avec son époux, qui avait réussi à faire annuler leur mariage en 1599, dix ans après son accession au trône. Elle quitta Usson en 1605. Polycarpe, alors, rentra sans doute chez lui. À Tence, le vieux prieuré bénédictin venait de passer aux Jésuites de Lyon. Le jeune homme, qui désirait se mettre au service de Dieu, entra en religion, précisément chez les Jésuites, où il fit un court séjour. Mais on ignore dans quelle ville. Puis il se présenta en 1608 à la Grande Chartreuse, et fut reçu religieux profès l’année suivante, sous le nom de Dom Polycarpe de la Rivière. Sa vocation religieuse n’ayant pas modéré sa fibre littéraire, il mit son talent et sa plume au service de la dévotion, entreprenant dès son arrivée à la Grande Chartreuse la rédaction de plusieurs ouvrages, qui restèrent cependant à l’état de manuscrits pendant une dizaine d’années.

Pendant ce temps, à Lyon la chartreuse du Lys-Saint-Esprit, créée en 1584 et baptisée par Henri III, périclitait en raison d’un cruel manque de moyens financiers. La situation semblait désespérée, et seuls deux ou trois religieux tentaient de maintenir un semblant d’âme à la grande maison. Mais en 1616, quelques notables de la ville de Lyon décidèrent de mettre la main à la poche, et en avertirent l’ordre des Chartreux. Afin que la chartreuse de Lyon puisse enfin démarrer une activité normale, le Révérend Père général de l’Ordre, Dom Bruno d’Affringues, décida d’y envoyer dix-neuf religieux : trois frères convers et seize pères. Parmi ceux-ci se trouvait Dom Polycarpe de la Rivière, avec le titre de procureur. Le procureur est le religieux en charge de la vie matérielle d’une chartreuse, c’est un poste de gestionnaire et d’intendant, qui l’autorise à de nombreux contacts avec le monde extérieur.

Cette fonction allait permettre à Dom Polycarpe de rencontrer l’un des bienfaiteurs de la chartreuse, Balthazar de Villars. L’homme était aussi un fin lettré, gendre de Nicolas de Langes, le fondateur ou l’organisateur d’une étrange société secrète d’érudits, la Société Angélique, née en 1552 sur les pentes de Fourvière. Il se lia d’amitié avec Dom Polycarpe, et sut l’encourager dans ses travaux d’écriture, dont il favorisa la publication. C’est ainsi qu’en 1617 parut Récréation spirituelle sur l’Amour Divin et le bien des âmes, un recueil de conseils destinés à la conversion des grandes âmes de la cour. Pour aller plus vite, ce livre qui s’adressait plus à des gens du monde qu’à des religieux parut de manière anonyme. En réalité la signature de l’auteur y apparaissait sous une anagramme astucieuse.


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Ce premier livre ayant connu un beau succès, Balthazar de Villars sollicita lui-même auprès du Révérend Père Général l’autorisation de publier sous le nom de l’auteur les autres ouvrages de Dom Polycarpe, écrits depuis longtemps, dont son Adieu du monde auquel il avait commencé à travailler dès le lendemain de son admission à la Grande Chartreuse. La réponse favorable arriva fin 1617. Au cours de l’année 1618 parurent donc L’âme pénitente auprès de la Croix et L’éloquent Amoureux ou Pensées sur le Cantique de Salomon. Ce dernier titre est parfois considéré comme mythique, car c’est un livre réputé introuvable, connu seulement par une citation qu’en fit Dom Polycarpe lui-même dans un ouvrage ultérieur. Puis ce fut le tour du célèbre L’Adieu du monde ou le mépris de ses vaines grandeurs, un véritable « best-seller » de près de 900 pages qui devait connaître pas moins de quatre rééditions successives.

Durant cette même année 1618, Dom Polycarpe de la Rivière était nommé prieur de la chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez. La charge de prieur étant moins prenante que la fonction de procureur, Dom Polycarpe en profita pour mettre en chantier une œuvre littéraire plus importante, Le mystère sacré de notre Rédemption, trois volumes dont la publication s’échelonna entre 1621 et 1623, et qui ont été entièrement écrits à Sainte-Croix. En 1626 Dom Polycarpe de la Rivière publia son ouvrage considéré comme le plus littéraire et le plus abouti sur le plan de la maîtrise de la langue française et de l’élégance d’écriture : Angélique. Des excellences et perfections de l’immortalité de l’âme. Ce livre est une longue méditation, appartenant au genre littéraire alors très en vogue du « miroir », où l’auteur se livre à une sorte de dialogue avec son âme, qu’il avait nommée Angélique.

L’année suivante Dom Polycarpe quittait Sainte-Croix en laissant la chartreuse dans une parfaite santé financière et économique, grâce à l’excellence de sa gestion, qui allait permettre aux Chartreux de poursuivre tout au long du siècle les grands travaux de restauration qu’il avait commencés. Dans la force de l’âge Dom Polycarpe était nommé prieur de la chartreuse Sainte-Marie à Bordeaux. Sa nomination s’accompagna d’une autre « promotion », puisqu’il devint à cette occasion covisiteur de la province d’Aquitaine. Le visiteur, comme son nom l’indique, va vérifier sur place la bonne marche de chaque maison. Les chartreuses sont regroupées en « provinces », qui ne correspondent pas forcément avec les provinces administratives. L’Aquitaine par exemple, englobe toute la moitié sud de la France entre l’océan Atlantique et le Rhône. Même si cette vaste région ne comprenait qu’une douzaine de maisons en activité à l’époque, l’étendue considérable du territoire et la difficulté des voyages rendaient certainement la charge assez prenante.


Balthazar de Villars
Crédit photographique Bibliothèque Municipale de Lyon


La chartreuse de Bordeaux était nouvellement créée, puisqu’elle avait été fondée en 1605 par François d’Escoubleau, cardinal de Sourdis, qui devait mourir en 1628. Dom Polycarpe y connut quelques soucis de santé, sous la forme d’une fièvre paludéenne qui l’affecta durant plus de six mois. Il ne put même pas se rendre au Chapitre général de 1629. Le successeur du cardinal de Sourdis n’était autre que son frère, Henri d’Escoubleau, « homme d’église et homme d’épée tout à la fois ». Dom Polycarpe se trouva rapidement en butte à ce personnage irascible, qui remplissait « du bruit de ses querelles, Bordeaux, le royaume, l’église et la cour ». Ce « turbulent prélat », comme l’ont nommé ses biographes, avait ses aises et ses habitudes dans la chartreuse dont il appréciait la fraîcheur, et notre prieur eut fort à faire à la fois pour ménager sa susceptibilité et préserver la tranquillité de ses moines. Pour éviter un affrontement qui paraissait inexorable, en 1631 on rappela Dom Polycarpe à la Grande Chartreuse. Autant dire que durant les quelques années qu’il passa à Bordeaux, il n’eut pas le loisir de poursuivre son œuvre littéraire. Mais sa carrière était loin d’être terminée...

Dom Polycarpe de la Rivière ne resta que peu de temps à la Grande Chartreuse. La même année le Chapitre général le nommait prieur de la chartreuse Notre-Dame à Bonpas, près d’Avignon, une charge qu’il allait cumuler avec celle de covisiteur de la Provence. Bonpas, ce fut d’abord pour notre prieur un changement radical de paysage et d’environnement. Après les montagnes de l’Auvergne de son enfance, ou le Pilat, et leurs rudes climats continentaux, après les deux fleuves de Lyon et leurs brumes, après les marécages du Bordelais et leurs moustiques qui lui avaient donné la fièvre, voici que se présentaient la Provence et ses douceurs. Bien que proche d’Avignon et de ses fastes, la chartreuse fortifiée jouissait d’une position privilégiée et tranquille au bord de la Durance, mais sur un talus qui la mettait à l’abri de ses colères, et adossée à une colline qui la protégeait du Mistral. Tout cela, Dom Polycarpe pouvait le découvrir depuis l’ermitage du prieur, qui est un véritable petit château Renaissance.

Dès son arrivée, il se lia avec les nombreux érudits que comptait la région, et entreprit avec eux une correspondance suivie. On peut citer le célèbre et fameux Peiresc, un personnage assez étonnant lui aussi, Gassendi, ou encore Honoré Bouche. Dom Polycarpe sut employer de manière intelligente les dons conséquents d’un illustre bienfaiteur, François de Seytres, seigneur de Vaucluse. Son épouse Lyonne de Sade eut toute sa vie le privilège exceptionnel d’entrer dans le monastère, ainsi que sa servante. Théoriquement, seule la reine de France possédait ce droit ; normalement, les femmes accompagnant les visiteurs devaient attendre impérativement dans une petite pièce près de la conciergerie. Dom Polycarpe construisit un nouveau cloître avec six cellules, une nouvelle salle du chapitre, et décora somptueusement l’église. Ses successeurs trouvèrent les finances dans un état remarquable, et ne purent que poursuivre son œuvre.




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À Bonpas, Dom Polycarpe put à nouveau s’adonner à sa passion de l’écriture, mais ses textes changèrent curieusement de teneur : après s’être consacré à la dévotion et au mysticisme, Dom Polycarpe entreprit de faire œuvre d’historien. Cependant, alors que ses premiers ouvrages avaient été unanimement salués, ses recherches historiques ne soulevèrent que vives critiques et interrogations, à tel point qu’aucune d’elles ne fut publiée de son vivant ! Dans les Annales de la chartreuse de Bonpas, Dom Polycarpe était présenté comme un « rat de bibliothèque », allant faire des recherches dans « toutes les villes où l’on voulait bien le lui permettre ». Honoré Bouche ne le dépeignait pas autrement, affirmant : « il avoit eu autrefois l’entrée des meilleures bibliothèques de France, & la rencontre des plus curieux manuscrits qui s’y pouvoient trouver ». Il ne faut pas oublier non plus que Dom Polycarpe était un religieux, et donc adhérait forcément à des croyances sans doute peu plausibles mais jugées merveilleuses, voire miraculeuses, par l’Église.

Notre prieur se fit également remarquer pour ses affirmations concernant l’histoire d’Avignon. En réalité, lorsque les critiques commencèrent à s’élever, son ouvrage n’était encore qu’un assemblage de notes, de citations et d’informations les plus diverses, qu’il lui restait à mettre en forme. Nul doute que le livre final aurait eu un aspect plus apuré. Vexé peut-être, Dom Polycarpe en resta là et ne l’acheva pas. Il entreprit alors d’écrire l’histoire de l’Ordre des Chartreux, un ouvrage qu’il ne termina pas lui non plus, le Révérend Père Général refusant de l’approuver. Tout ce travail n’avait sans doute pas été vain, puisque Dom Polycarpe de la Rivière se lança ensuite dans une entreprise autrement plus ambitieuse, qui devait être l’œuvre de sa vie : l’histoire des évêchés, chapitres, monastères et communautés de France, en dix-sept gros volumes. Trois tomes étaient terminés en 1636, mais il dut les retravailler pour y apporter des corrections, suivant la recommandation du Révérend Père Général qui pour le soulager lui attacha les services d’un jeune religieux.

À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, plusieurs historiens lancèrent leurs foudres contre Dom Polycarpe, l’accusant d’avoir falsifié des textes. Ces détracteurs qui n’ont surtout pas cherché à retrouver ses sources de documentation, certains de leur non-existence, étaient Émile Duprat, Canron et l’abbé André. Il a fallu toute la fougue d’un Joseph Hyacinthe Albanès pour tenter de disculper Dom Polycarpe en assénant aux accusateurs la référence de l’une de ses sources, preuve matérielle de sa bonne foi. Elle figure dans l’ouvrage d’Albanès Gallia christiana novissima.Hélas c’est l’opinion des détracteurs qui a prévalu.



Bonpas ; hermitage du Prieur
 

En 1638, malade, Dom Polycarpe de la Rivière souffrait des jambes et ne marchait plus qu’avec difficulté. Sur sa demande, le Chapitre général le releva de ses fonctions et le dispensa de suivre toutes les règles de l’Ordre. À cette occasion il eut droit à des éloges solennels. L’année suivante, la maladie avait empiré. Dom Polycarpe souffrait assurément de rhumatismes : dans une lettre datée de 1634, adressée à Peiresc, il se plaignait déjà des douleurs que son « mal de jambe » lui causait. À l’époque, la seule façon de soulager ces douleurs était d’aller « aux eaux ». On lui permit de se retirer pour se soigner dans la chartreuse Saint-Joseph à Moulins (Allier). Il quitta Bonpas, laissant ses manuscrits à un confident et ami. Mais pourquoi Dom Polycarpe a-t-il choisi une destination si lointaine pour se soigner ? Plusieurs stations thermales plus proches traitaient les douleurs et les rhumatismes, on peut citer Gréoux-les-Bains ou Balaruc.

Admettons que Dom Polycarpe ait préféré l’Auvergne ou le Bourbonnais. D’ailleurs, si notre prieur avait choisi la chartreuse de Moulins comme lieu de repos, c’est sans doute parce que cette maison était située à une trentaine de kilomètres à l’ouest de la station thermale de Bourbon-Lancy, par une bonne route. Après quelques mois passés à Moulins, il demanda l’autorisation de se rendre en cure au Mont-Dore, en Auvergne. Étrange choix, en vérité ! C’est une localité très éloignée de Moulins, près de 150 km ! De plus la station thermale du Mont-Dore a toujours soigné l’asthme et les affections respiratoires, pas les rhumatismes ! En septembre 1639 il prit la route avec un domestique et deux chevaux. Arrivé à Clermont, il renvoya son valet et les chevaux et prit seul et à pied la route du Mont-Dore. Pourquoi renvoyer domestique et chevaux alors qu’il restait près de 50 km à parcourir pour arriver à la station thermale ? Comment un homme qui souffrait des jambes et avait du mal à marcher pouvait-il s’engager à pied, et seul, sur une telle distance ? Tout cela paraît bien mystérieux, et d’ailleurs Dom Polycarpe n’arriva jamais à destination, et les Chartreux de Moulins ne le virent jamais revenir parmi eux.

Deux mois plus tard, le Révérend Père Général très préoccupé par cette disparition demanda au procureur de Moulins d’aller enquêter sur ce qu’il était advenu de Dom Polycarpe, mais on ne retrouva aucune trace. Avait-il été assassiné par un valet cupide, attiré par l’importante somme d’argent qui lui avait été confiée pour son voyage, ou avait-il renoncé à la religion comme on le prétendit ? Le Révérend Père Général diligenta une enquête qui ne put ni confirmer ni infirmer l’une ou l’autre des versions.

Plusieurs rumeurs se répandirent aussi, situant la réapparition de l’énigmatique prieur en des lieux très divers. Mais en réalité, jamais personne ne revit Dom Polycarpe de la Rivière, ni vivant ni mort. Comme devait l’écrire de manière fort sibylline son ami Honoré Bouche : « Mais par de certains secrets, à fort peu de gens connus, l’Auteur a disparu, & son ouvrage a esté condamné aux tenebres ». Comment ne pas penser à un acte réfléchi, prémédité ? Certes on ne peut pas écarter totalement l’hypothèse d’un crime crapuleux. Mais tout se présente comme si Dom Polycarpe, froissé par les refus successifs qu’il venait d’essuyer, avait soigneusement organisé, peut-être avec l’accord de ses supérieurs, une disparition qui finalement arrangeait tout le monde.

À ce jour, l’énigme n’est toujours pas résolue.
Patrick Berlier





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A présent retrouvons notre invité,
notre ami, le chaleureux Antoine Herrgott



    Humble, Antoine se présente d'abord comme victime d'une passion tardive de la recherche, celle de ses racines locales, passion qui chez lui est à l’origine, du hasard, de l’écriture et de la compilation d’archives. Cet attrait concerne plus particulièrement la partie sud du terroir du Haut Pilat. Sa carrière dans la technique et le commerce des combustibles a contribué très certainement à faire la connaissance aussi bien des ressources de la terre que de la capacité des hommes aux découvertes permanentes de l’ancien pour le bien du futur. Dynamique, Antoine, comme nous allons le voir, aime se donner les moyens de réussir dans l'entreprise de ses projets. C'est un homme concret dont la vie est bien remplie. Doté d'un sens de l'amitié inné, fourmillent autour de lui des petits groupes de proches ; c'est autant de cellules 'ouvrières' permettant de faire aboutir ces projets. Ecrivain, conférencier, archiviste, mais également marcheur et organisateur d'un salon, cet homme va toujours de l'avant, en minimisant d'avance tous les obstacles qui viendraient sur son chemin. Nous vous proposons maintenant de le découvrir afin de mieux le connaître. Nous le remercions pour cet interview.              





  
Bonjour Antoine. En 2008 vous avez sorti un livre consacré au château de La Faÿe, un monument privé et restauré situé dans le Haut Pilat, entre Marlhes et Saint-Genest Malifaux. La famille Courbon La
Faye sert de fil rouge à ce véritable travail d'historien. Quels ont été les motivations
majeures visant à vous lancer dans cette aventure où fourmillent les détails et les anecdotes ?

Bonjour Thierry.

                                 Je suis très heureux d'avoir pu sortir ce livre sur ce que j'appelle un domaine scientificoagricole emblématique pour toutes les raisons propres aux propriétaires des lieux agronomes de leur état et qui ont inventé toute leur vie. Le château date de 1783 et sa  restauration est en cours avec une nouvelle destinée : l'ouverture d'un musée archéologique privé.

                                Né sur ce terroir à moins d'un kilomètre, ma marraine est ma tante Edith Courbon La Faye dernière famille de sept enfants ayant vécu sur les lieux. Mon oncle Jean Courbon et son frère Paul ont été les derniers exploitants de cette ferme de 160 têtes bovines pour la production industrielle du lait de vaches. Electricité par turbine depuis 1894, scierie, carrière de granit, étable ultra moderne (évacuation du purin par wagonnets  sur rails centraux , une usine de velours (80 ouvrières).

                               Deux grandes motivations sont associées à ce côté familial et donc sentimental:

1- c'est au cours de mes recherches dans les archives locales et régionales que je devais découvrir que les ascendants de Jules Verne avaient été les anciens propriétaires des lieux "le château ancien" et les terres.Ils ont vendu ce domaine aux Courbon La Faye en 1742.

2- le fait de rapporter une histoire locale inédite à été moteur dans ma passion de transmettre la valeur patrimoniale de mon lieu de naissance.




Le babeurre tient une place toute particulière dans cet ouvrage. On ressent une certaine fiereté à nous mener sur les pas de l'histoire du babeurre. Pouvez-vous nous résumer cet attachement au babeurre et déjà nous le définir ?

                                    Dès la traite des vaches le lait était stérilisé (époque de Pasteur) et des manipulations de refroidissement  et de réchauffement par l'eau canalisée du ruisseau traversant le domaine, le lait était complété et mise en boîtes et en bouteilles sur place. Le nom babeurre à été donné à l'époque sur les réclames, terme approprié au cours de son exploitation entre 1894 et 1965.

                                  Ce n'est donc pas le petit lait résidu de la baratte lors de la fabrication du beurre. Une partie de la fabrication destiné aux nouveaux nés, était en appellation médicamenteuse dans le "Vidal" la bible des médecins.

Ma mère m'a rapporté avoir complété ma nourriture avec l'absorption du babeurre, couplé avec du lait de la Faye.

                                   Une production de boite sertie de 250grs à été expédiée durant deux ans en Indochine et notamment à Dien Bien Phu, la pire des batailles subie par le corps expéditionnaire français.




En restant géographiquement peu éloigné de votre ouvrage sur La Fayë, vous venez en 2011 d'en consacrer un sur Pierre de Tarentaise, le premier Dominicain à devenir Pape et ce sous le nom d'Innocent V en 1276. La rigueur et la vie exemplaire de ce religieux oublié, guide le lecteur de la première à la dernière page du livre. Comment avez-vous appréhendé ce nouvel ouvrage et surtout comment la vie de Pierre de Tarentaise est-elle devenue la source d'une telle motivation ?

                                            Effectivement le territoire de Tarentaise se trouve à quelques kilomètres de La Faye et à l'époque de la grande exploitation des terres , des bois et des bâtis faisaient partie du domaine de La Faye. Ce dernier ouvrage qui devait-être sur l'histoire de la maison forte de Prarouet, m'a fait découvrir cette légende sur la naissance de Pierre de Tarentaise.

                                     Immédiatement je me suis porté sur la recherche et le pourquoi de cette légende avec une envie démesurée d'aller trouver les éléments aux archives du Vatican dans le travail de traduction effectué par ce Révérend Père H. Laurent. Mes démarches n'ont pas abouti et c'est la raison qui m'a freinée dans l'aboutissement de ce livre.

                                     Mes recherches ont abouti à la certitude de sa naissance sur ces lieux nommés au bord du Furan près de Saint-Etienne, par cet Historien chercheur aux archives du Vatican dans les année 1937-1947. Voilà encore un Inédit de notre histoire locale.

                                     Le patronyme de Pierre de Tarentaise, Pierre Aleysson  famille de Montbrison m'a aussi conforté dans cette quête de la vérité historique.




Le choix du titre (le silence de Pierre) demeure presque énigmatique ? Quelles en sont les raisons  et y a-t'il dans ce silence une véritable notion de discrétion ?

                                   Oui il est vrai que Pierre de Tarentaise a été toute sa vie très modeste, simple et très diplomate. Il est accompagné par sa grande érudition à un niveau très en théologie, faisant référence, encore récemment, (au XIX° siècle) dans les formations catholiques.

Il a eut pour condisciples d'études Saint Thomas D'Aquin et Saint Bonaventure un peu plus scientifiques que lui et pour lesquels lors de l'arrivée de l'imprimerie l'accent s'est porté sur eux en omettant Pierre de Tarentaise.

                                      Il a fallu son procès en béatification, peu avant 1898, pour réunir toutes ses archives et enfin traduire ses manuscrits du latin.  Le Silence de Pierre est la pure traduction de la représentation de ce grand homme un peu trop effacé peut-être.

                                       Et puis associer l'image de la pierre, très présente dans notre région, comme gardienne de l'histoire locale et rompre justement son silence m'est apparu réconfortant et solide dans cet aboutissement de  mes recherches un peu chaotique  car lointain et peu accompagné d'écrits dans notre région.




En vous lisant attentivement, on a l'impression d'être en présence d'un homme d'exception avec ce religieux comme revenu d'un si lointain passé. Est-ce réellement ce sentiment qui a guidé votre plume si flatteuse envers cet homme et ce tout au long de votre ouvrage ?

                                      Un homme d'exception c'est indéniable, je suis très heureux d'avoir fait passer ce message, car j'ai été habité tout au long de mes lectures par sa grandeur d'âme.

                                          Il a côtoyé les grands de son époque que ce soit les Rois , les cardinaux, évêques et nombreux prêtres de son époque. Proche de la famille de Savoie, elle même très active auprès de la royauté et le Vatican, trait d'union très influent, laisse supposer cette volonté de le nommer fils de la Tarentaise un diocèse lui même un des plus important après le diocèse de Lyon.

                                          Grégoire X, son guide, lui a imposé des responsabilités immenses, et très lourdes tout au long de son activité après avoir tenu à deux reprises le professorat en théologie à Paris au cours des premiers pas de la Sorbonne.

                                           A la fois très présent au concile II de Lyon; en charge de l'Evêché, Primat des Gaules à une période extrêmement secouée et assurant en même temps sa fonction De Cardinal d'Ostie, avant d'être élu par ses pairs sur le siège Épiscopal.

                                         On image mal toutes ses interrogations lors des prises de ses fonctions éminentes.

                                   A la lecture de nombreux ouvrages sur le Haut moyen Âge (vie du peuple et vie des dignitaires) et sur les ordres religieux, (Chartreux, Dominicains, Franciscains, Oratoriens) j'ai ressenti très vite la très grande valeur de cet homme qui dans sa modestie a  grimpé avec panache et quelques fois avec contrainte toutes les marches de la hiérarchie de L'Église Romaine.





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Lors de ces trois dernières années écoulées un lieu vous est devenu très proche, le Domaine de Prarouet, une ancienne maison forte dans les temps les plus reculés (13ème siècle), puis un site de convalescence rattaché en son temps à la Chartreuse de Sainte-Croix (au 17ème siècle). Quels sont les éléments qui vous ont tant marqué en rapport à ce lieu ?

                                              Oui il est vrai que, à l'approche de ce lieu de Prarouet, j'ai tout de suite été très attiré par cette maison forte presque cachée, marquée d'une façade simple de beauté , provoquant immédiatement l'envie de pousser la porte. Mes promenades hebdomadaires avec des amis me poussent à chaque fois par la curiosité à photographier les pierres anciennes, et les maisons en pierres de taille assemblées  à l'ancienne.

                                            Une anecdote ou un exemple très contemporain, le chemin d'Exbrayat,  notre écrivain de Planfoy, village voisin, passe le long de ce lieu, et ni lui ni les adeptes et adhérents de l'association n'ont poussé le regard plus loin sur ce bout de chemin mentionné "Chemin du Prieuré".

                                           J'ai pensé pendant quelques mois avoir trouvé un inédit. Ce n'était pas tout à fait le cas et encore aujourd'hui je ne sais pas s'il est bien opportun d'écrire en détail sur ce lieu devenu propriété privée. Mais j'avais déjoué la légende au profit de l'Histoire de notre Pape Forézien. Le but est atteint.




Vos publications sont réalisées en amateur, naturellement. Le château de La Faÿe fut publié en auto édition et le silence de Pierre par votre toute nouvelle et modeste maison d'édition, l'A.R.T. (Auteurs des Régions et des Terroirs). Pouvez vous nous en dire plus ?

                                                  Pris par l'envie d'Indépendance totale et pour assurer la pleine responsabilité de ce que j'ai envie de publier, je n'ai pas trouver d'Éditeurs qui fasse abstraction de leur envie personnelle d'interventions sous le couvert de littérature du moment où pour faire simple de la recherche de la vente au détriment de la personnalité de l'auteur.

                                            Ma première grande expérience sur l'auto-édition remonte à la fabrication à six auteurs du livre "Marlhes au long des Siècles" ouvrages de 500 pages avec ma forte implication dans la démarche de l'édition.

                                            Il vrai que nous avons monté une structure qui nous assure cette pleine indépendance et maintenant nous la mettons au service de celui où celle qui veut s'assurer un ouvrage sous toutes ses formes.

                                          Nous pouvons assurer une partie de la diffusion par nos sorties, réseaux existants et laisser à l'auteur sa totale liberté.

Notre structure: A.R.T. Auteurs des Régions et des Terroirs est basée 43, rue Gambetta à St.Just-St.Rambert - art.loire@hotmail.fr avec très bientôt un site en construction.




Les difficultés à être distribué et connu lorsque l'on est anonyme, vous ont également et de nouveau collégialement, engagé dans une autre aventure : le salon du livre de Saint Just Saint Rambert dont vous êtes l'un des principaux organisateurs. Qu'en est-t'il exactement ?

                                                        Le besoin de sortir de chez soi pour se faire connaître a provoqué notre démarche; celle-ci dès le départ s'est appuyée sur et avec "Radio Plaine" vecteur important de communication locale jusque sur le territoire de Roanne mais sans réseau sur Saint-Etienne. Et puis les interviews en radio tout le long de l'année par mon ami Gérard Llilio et que nous avons initiées sur le salon de St.Just et au Salon du Château de Bouthéon. Nous étendons nos sorties pour la diffusion dans les salons du livre dans les alentours. Le tout prochain étant celui de St.Etienne où nous serons présent sous nos doubles casquettes.




Les marches hebdomadaires, avec un petit cercle d’amis, vous permettent de vous oxygéner. Est-ce comme cela que vous voyez les choses ?

                                              Oui le premier but est de marcher régulièrement pour environ effectuer entre 10 et 15 kms avec le pique-nique dans le sac  pour un réconfort là où nous  nous trouvons  sur le chemin en mi-journée.

En second lieu c'est aussi la découverte de notre petit patrimoine si riche lorsque l'on prend le temps de le découvrir et surtout de l'admirer.

                                           C'est comme cela et entre autre que nous avons parcouru en neuf étapes les 44 kms.du canal du Forez;  et aussi beaucoup d'intérêt de découvertes dans le Pilat.




Pour clore cet échange convivial, on a envie de vous demander quels sont vos projets, si vous avez encore une place de libre bien entendu (sourire), tellement votre vie est déjà remplie ?

                                             J'ai une chance immense, la santé, et c'est elle qui est le moteur de tout; ensuite n'est ce pas un moyen de combattre le risque du vide au lever du jour, dès lors que l'on n'est plus en activité professionnelle.

                                           Mes projets immédiats, vous allez très certainement sourire , sont la préparation d'un salon des collectionneurs où je vais exposer une petite partie des manuscrits anciens récoltés lors de mes recherches sur le domaine de La Faye et puis la mise au goût du jour la  fabrication du babeurre suivant la recette de l'époque, avec le concours d'un professionnel.

                                        Quant à l'écriture pour l'instant grâce à notre structure nous avons à faire imprimer des écrits de personnes qui nous confient leur oeuvres manuscrites.

                                           Merci beaucoup pour ce premier exercice de revue sur mes écrits; de fouineur d'archives mais certainement pas sous le titre d'écrivain que je ne suis pas.        

                                                 Encore Merci à vous.



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En Mars 2012 sous la plume de Patrick Berlier vous découvrirez le Dossier :
"Valfleury, trésors et curiosités d'un petit village entre Pilat et Lyonnais"