Rubrique
Les Sociétés Secrètes

Janvier 2019










Par
Patrick Berlier


<RETOUR AU SOMMAIRE DE LA GRANDE AFFAIRE>


LA ROSE-CROIX

 

2e PARTIE : PRÉCURSEURS ET SUCCESSEURS

 

Dans la 1ère partie de ce copieux dossier, nous avons évoqué les trois livres fondamentaux de la Rose-Croix, parus en Allemagne en 1614, 1615 et 1616 : la Fama Fraternitatis, la Confessio Fraternitatis, et Les noces chymiques de Christian Rosencreutz en l'année 1459. Nous avons noté que l'année 1604, qui a été présentée comme étant la date de création de la Fraternité de la Rose-Croix, marquait la confluence de plusieurs événements : la rédaction des Noces chymiques par Johann Valentin Andreæ, l'ouverture du tombeau de Christian Rosencreutz – opération purement symbolique puisque ce personnage semble imaginaire – et l'apparition d'une supernova au moment de la conjonction des planètes Mars, Jupiter et Saturne entre les constellations du Sagittaire, du Serpent et d'Ophiuchus. Mais nous avons noté aussi que la Fraternité de la Rose-Croix tirait ses origines de cénacles ou de personnages bien antérieurs à 1604.

Maintenant évoquons les principaux personnages présentant des liens avec la Rose-Croix, que ce soit avant ou après l'année 1604. Ils vont apparaître dans l'ordre chronologique de leur année de naissance, mais ne nous y trompons pas, bien que leurs biographies soient retracées séparément, des liens subtils se tissent des uns aux autres.

 

GUILLAUME DE LORRIS ET JEAN DE MEUNG, OU LE ROMAN DE LA ROSE

Parmi les premiers textes consacrés à la Rose – entendez : l'intelligence transcendée – figure le Roman de la Rose, qui fut écrit par deux auteurs successifs, Guillaume de Lorris vers 1230 et Jean de Meung vers 1277. L'histoire se présente comme une assez mièvre fable d'amour courtois : l'Amant est amoureux de la Rose, mais il ne pourra la cueillir qu'après bien des péripéties et après avoir déjoué les pièges tendus par les autres personnages comme Raison, Jalousie ou Mâle Bouche. En vérité, un autre texte se cache derrière le premier, décrivant une société gangrenée par l'Église, la Noblesse et le Pouvoir royal.

 

Illustration en frontispice du Roman de la Rose, XIXe siècle

 

DANTE ET LES FIDÈLES D'AMOUR

Dante Alighieri est l'un des plus grands poètes italiens. Il est né en 1265 à Florence, et sa jeunesse fut marquée par les luttes entre les deux factions rivales des Guelfes et des Gibelins. Quelques mots d'explication à ce sujet sont nécessaires. L’Europe était depuis le Moyen-Âge partagée entre deux puissances secrètes, que la guerre de Cent Ans avait cependant portées au grand jour sous les noms de Faction des Bourguignons et Faction des Armagnac. Les premiers étaient alliés des Anglais, les seconds soutenaient le royaume de France. Officiellement réconciliées après la mort de Jeanne d’Arc pour déloger les derniers Anglais, les deux factions continuèrent pourtant leurs luttes occultes. Elles s’affrontèrent sous les noms de Guelfes et Gibelins, en particulier en Italie, et sous des noms beaucoup moins connus : parti solaire et parti lunaire, quarte et quinte, rose rouge et rose blanche, Beaucéant et Oriflamme, paroisse et château, Ménestrels de Murcie et Ménestrels de Morvan. Ces luttes conduiront indirectement au Grand Schisme d'Occident. Les deux factions ne formaient cependant que la partie visible des deux icebergs constitués par les deux grands ordres occultes européens : les Gouliards d'un côté, et les Forestiers Fendeurs Charbonniers de l'autre. Cette partition occulte de l'Europe constitue le thème central de l'œuvre de l'érudit Claude Sosthène Grasset d'Orcet.

Lorsque se déclencheront les guerres de religion, la première faction, qui a toujours formé le soutien inconditionnel de la papauté et de l'Église de Pierre, tout en s'opposant volontiers aux pouvoirs temporels en place, restera farouchement catholique, et certains de ses membres s'enrôleront même dans la Ligue. La seconde faction au contraire, qui se réclame plutôt de l'Église intellectuelle de Jean, sera séduite par les idées de la réforme protestante, envers qui elle sera particulièrement bienveillante, au nom de la liberté de pensée, tout en restant fidèle à la royauté. En Italie les Guelfes défendaient le pape Boniface VIII, souverain pontife despote se mêlant trop souvent du temporel aux dépens du spirituel, et les Gibelins étaient les partisans de l'empereur d'Occident Frédéric II, un souverain humaniste aux idées progressistes, féru d'occultisme. Inutile de dire qu'il rassemblait autour de lui tous les intellectuels à la rose, lesquels se reconnaissaient dans la pensée gibeline.

 

Portrait de Dante Alighieri

 

Dante fut d'abord Guelfe, ce qui était le parti de sa famille. Mais il fut rapidement révolté par le zèle brutal et barbare de cette faction ; aussi rejoignit-il le camp des Gibelins où il retrouva son ami Guido Cavalcanti. Le poète s'engagea dans la vie politique et fut élu échevin de Florence. Il tenta d'y ramener le calme. Mais les Guelfes brûlèrent sa maison, s'approprièrent ses biens, et le condamnèrent à mort. Dante ne dut le salut que dans la fuite et l'exil, d'abord à Arezzo puis à Ravenne, où il passa la fin de sa vie. Il y mourut en 1321, non sans avoir voyagé en Europe ; en particulier il était à Paris au moment où les derniers Templiers périrent sur le bûcher.

Dante nous a laissé une œuvre littéraire intense, dont son chef-d'œuvre La Divine Comédie, écrit à partir de 1306. C'est le récit d'un voyage initiatique dans l'au-delà, commencé un vendredi saint et qui dure une semaine. Rédigé à la première personne, comme si l'auteur racontait un fait réel vécu, le voyage débute par la traversée d'une forêt. Puis le narrateur rencontre le poète latin Virgile, qui le guide dans les dédales de l'Enfer et du Purgatoire. Arrivé aux portes du Paradis, Virgile ne peut aller plus loin, car il est né avant Jésus-Christ. C'est Béatrice, l'amour de jeunesse de Dante, décédée en 1290, qui prend le relais, puis saint Bernard de Clairvaux conduit le poète jusqu'à la vision béatifique de la Rose céleste, le trône de Dieu, scène magnifiquement illustrée par Gustave Doré.

 

La Rose céleste (gravure de Gustave Doré pour La Divine Comédie)

 

Éliphas Lévi, dans son Histoire de la Magie, écrit à ce propos :

« Son ciel se compose d'une série de cercles Kabbalistiques, divisés par une croix comme le pentacle d'Ézéchiel ; au centre de cette croix fleurit une Rose, et nous voyons apparaître, pour la première fois, exposé publiquement et presque catégoriquement expliqué, le symbole des Rose-Croix. »

 

Dès le début de l'œuvre, Dante prévient ses lecteurs :

« Ô vous qui avez la saine intelligence,

Regardez la doctrine qui se cache

Sous le voile des vers étranges. »

Dante, La Divine Comédie - L'Enfer, IX, 61-63

Le long poème aurait donc plusieurs sens. Sens des nombres d'abord, car toute l'œuvre est rythmée par les principes de la triade et de l'ennéade. Sens des mots ensuite. Quand Dante écrit : « Voici la Rose en qui l'homme-Dieu voulut naître », il faut comprendre d'abord que cette Rose mystique est la sainte Vierge Marie, puisqu'elle est ainsi nommée dans les Litanies. Ensuite, dans un sens plus fin, la Rose symbolise la Noble Dame, la femme éthérée, l'intelligence transcendée. Il y aurait beaucoup à dire sur ce livre magistral qu'est La Divine Comédie, qui inspira d'autres récits comparables, comme Le songe de Poliphile ou Les noces chymiques de Christian Rosencreutz.

 

La Rose mystique
(vitrail de l'église de Valfleury)

 

Maintenant nous allons nous intéresser à une autre œuvre de Dante Alighieri, écrite vers 1292, La vita nuova, dans laquelle il racontait ses jeunes années, ses rencontres avec sa Béatrice, et la mort prématurée de la belle, à l'âge de 24 ans, qui le laissa inconsolable. C'est dans ce livre que Dante évoque, par deux fois, ceux qui se nommaient entre eux « les Fidèles d'Amour ». Ils étaient les adeptes d'une société initiatique née au XIIIe siècle, la Fede Santa, probablement créée par l'empereur Frédéric II lui-même, dans laquelle Dante avait été introduit par son ami Guido Cavalcanti. Voici le premier passage en question, au début du livre :

« Ce sonnet a deux parties principales. Dans la première, je fais un appel aux fidèles d'Amour par ces paroles du prophète Jérémie : O vos ommnes qui transitis per viam, attendite et videte si est dolor sicut dolor meus, et les prie de me permettre de parler. »

Ainsi Dante fait un appel aux Fidèles d'Amour et les prie de lui permettre de parler, en d'autres termes il leur demande l'autorisation d'aller plus loin. Pour argumenter cette supplique, il fait référence à la fois à la première partie d'un sonnet qui suit, et au prophète Jérémie dont il cite un verset en latin. Voici d'abord les deux vers du sonnet auquel le poète fait allusion :

« Venez, ô cœurs sensibles !

Car la pitié demande entendre mes soupirs. »

Et le verset du prophète, extrait des Lamentations de Jérémie (1, 12) :

« O vous tous qui passez par le chemin,
regardez et voyez
s'il est une douleur pareille à ma douleur »

Les deux phrases signifient à-peu-près la même chose. Dante prend à témoin les Fidèles d'Amour en évoquant sa douleur d'avoir perdu Béatrice, la Dame de ses pensées. Les spécialistes de Dante se demandent si c'est vraiment Béatrice que pleure le poète, alors qu'il ne l'a vue que deux fois, ou s'il n'a pas personnifié en Béatrice la Rose mystique des Fidèles d'Amour, la Femme, l'Intelligence.

 

Portrait imaginaire de Béatrice (1895)
Remarquer les roses (en haut à droite) et les pensées (en bas à gauche)

 

La seconde évocation des Fidèles d'Amour se fait quasiment dans les mêmes termes que la première :

« Je terminai donc le sonnet suivant, qui commence : Venite a 'intender li sospiri miei. Ce sonnet a deux parties. Dans la première, j'appelle les fidèles d'amour afin qu'ils m'écoutent ; dans la seconde, je fais le récit de ma déplorable situation. »

Suit le début du sonnet :

« O vous qui parcourez le chemin d'Amour !
Attendez et voyez s'il peut y avoir une douleur plus grande que la mienne. »

Cette seconde référence aux Fidèles d'Amour paraît n'être qu'une redondance de la première, mais puisqu'elle est placée vers la fin du livre elle se présente en fait plutôt comme un remerciement.

Selon René Guénon, qui consacra un livre entier à l'ésotérisme de Dante, au musée de Vienne se trouverait une médaille représentant Dante et portant au revers les lettres F.S.K.I.P.F.T. Guénon pense que les trois premières lettres F.S.K. signifient Fidei Sanctæ Kadosch, soit « Kadosch de la Fede Santa ». Kadosch est un mot hébreu signifiant « saint - consacré », qui s'est conservé dans les hauts grades de la Franc-Maçonnerie. Quant aux lettres finales F.T., elles signifieraient Frater Templarius. Pour René Guénon, la Fede Santa était un tiers-ordre de la filiation templière, et Dante en aurait été l'un des chefs.

Laissons encore à René Guénon, et à son livre L'ésotérisme de Dante, le soin de conclure ce sujet :

« La Fede Santa, au temps de Dante, présentait certaines analogies avec ce qui fut plus tard la Fraternité des Rose-Croix, si même celle-ci ne fut pas plus ou moins dérivée de celle-là. »

 

JEAN TRITHÈME

Johannes von Heidenberg est né en 1462 à Trittenheim dans la région de Trèves (Allemagne), d'où son pseudonyme de Trithemius, devenu Trithème en français. À l'âge de 20 ans il entra chez les Bénédictins en l'abbaye de Sponheim, près de Mayence. Élu abbé en 1483, il entreprit de rénover l'abbaye et d'en faire un lieu d'études, en enrichissant considérablement sa bibliothèque. L'abbé Trithème écrivit plusieurs ouvrages, le plus connu étant sa Stéganographie, qu'il composa à partir de 1499. C'était en apparence un traité de cryptographie, mais on le soupçonna d'y avoir caché un manuel de sorcellerie et il dut s'en expliquer. En 1505, profitant de son absence, les moines brûlèrent sa bibliothèque qu'ils considéraient comme magique. Jean Trithème ne revint pas dans son abbaye, acceptant de devenir le supérieur de l'abbaye de Würtzbourg, où il resta jusqu'à sa mort en 1516, non sans avoir écrit d'autres livres et tout en continuant à s'intéresser à l'hermétisme. Il eut comme disciple Cornelius Agrippa, et influença grandement Paracelse. Jean Trithème est considéré comme le père spirituel de la Fraternité de la Rose-Croix.

 

Portrait de Jean Trithème

 

LUTHER ET LA RÉFORME

Martin Luther est né en Allemagne en novembre 1483. Grâce aux indications de la Confessio Fraternitatis, on peut déduire que l'ouverture du tombeau de Christian Rosencreutz eut lieu en 1604, 120 ans après sa mort, ce qui place son décès en 1484, soit très peu de temps après la naissance de Luther, et c'est évidemment un intersigne à ne pas négliger, quand on se souvient que sa naissance en 1378 coïncidait avec le Grand Schisme d'Occident. Robert Ambellain n'a-t-il pas écrit : « la réforme fut avant tout un mouvement rosicrucien » (dans son livre Templiers et Rose-Croix, 1955). On trouve en effet dans la Fama Fraternitatis plusieurs évocations d'une réforme nécessaire, à commencer par l'avant- titre du livre qui est Réforme du vaste monde tout entier.

D'abord moine de l'ordre des Augustins, Luther s'opposa à la papauté en contestant la vente des indulgences par le Vatican, le célibat des prêtres, le culte de la Vierge et des saints. Le pape Léon X riposta en le frappant d'excommunication. Luther répondit en brûlant en place publique la bulle papale, en 1520. Puis il entreprit de prêcher la réforme de l'Église à travers toute l'Allemagne, et jeta les bases de la religion protestante, ce qui devait être à l'origine des guerres de religion en France de 1562 à 1598. Il mourut en 1546.

L'emblème de Luther, ornant ses écrits, était une croix noire sur un cœur au naturel, c'est-à-dire rouge, le tout posé au centre d'une rose blanche à 5 pétales. Rappelons que rose blanche et quinte (les 5 pétales) sont d'autres manières de désigner le parti des Gibelins, favorables à la Réforme, ou tout au moins bienveillants à son égard.

 

Emblème de Luther

 

PARACELSE, LE MAGE REBELLE

Philippe Théophraste Bombast von Hohenheim, dit Paracelse, est né en 1493 en Suisse. Humaniste non-conformiste, il fut à la fois médecin, géologue, alchimiste, astrologue, devin, grand voyageur et grand découvreur. On lui doit de nombreuses avancées scientifiques toujours d'actualité, comme les bases de l'homéopathie. Il est décédé en 1541. Ce fut surtout un rebelle, prônant le panthéisme d'un esprit universel, rejetant catholicisme et réforme, en renvoyant dos à dos Luther et le pape, qu'il considérait comme « deux putains qui se disputent la même chemise ». Tout cela lui valut évidemment quelques solides inimitiés.

 

Portrait considéré comme étant celui de Paracelse

 

Lorsque la Fama Fraternitatis raconte la vie imaginaire de Christian Rosencreutz, elle y intègre un seul personnage réel, et il s'agit de Paracelse :

« Plus tard, par sa vocation, Theophrastus ( Paracelse) lut le livre M et en tira des connaissances qui le rendirent célèbre en Europe par ses guérisons. »

Puis dans l'épisode de la découverte du tombeau de Christian Rosencreutz :

« Chaque côté du tombeau possédait une porte qui donnait accès à un coffre contenant des choses diverses et variées, particulièrement tous les livres que nous possédions déjà dont le Vocabulaire de Théophraste Bombast de Honhenheim... »

Il faut cependant remarquer que Christian Rosencreutz étant décédé en 1484, et Paracelse étant né en 1493, le tombeau ne pouvait donc pas contenir ses livres. L'anachronisme confirme que l'histoire de Christian Rosencreutz n'est qu'une allégorie, et que les événements qu'elle raconte concernent en réalité la période fin XVIe – début XVIIe siècles. Les Rose-Croix considéraient implicitement Paracelse comme un des leurs, même s'il a vécu avant la création de la Fraternité, si tant est que celle-ci soit bien née en 1604. Disons que Paracelse fut certainement un de ceux qui posèrent les premières pierres de la Rose-Croix. C'est d'ailleurs ce qui transparaît de l'un de ses livres les plus étonnants,  Pronostication, dans lequel il prophétise la vie future avec une certaine clairvoyance. On y trouve ce passage :

« Triste époque que la nôtre où tout se fait à contre-temps. Mais toi qui a bâti sur la bonne pierre, il ne t'arrivera que du bien et tous les hommes crieront au prodige. Qui donc doit venir ainsi ? C'est lui, l'Esprit radiant de la Rose-Croix, c'est Élie Artiste. »

Ces mots ont été écrits vers 1530, presque un siècle avant la parution des trois manifestes de la Rose-Croix. Mais la plus grande interrogation des spécialistes, c'est au sujet de cet Élie Artiste (Elias Artista en latin) qui doit venir. Qui est Élie Artiste ? Pour les uns, c'est le prophète Élie, dont le retour est prophétisé par la Bible. Pour d'autres Élie Artiste est un concept, qu'ils font dériver de mots hébreux ou grecs. La question divise encore et n'est pas prête d'être résolue.

 

JOHN DEE, LES ANGES ET LE CALENDRIER

Ce célèbre savant anglais est né en 1527. Ce fut un scientifique de renom, à une époque où l'on commençait juste à séparer les sciences de la magie. Mais en réalité John Dee s'intéressa aux deux. Sur la fin de sa vie, entre 1581 et 1607, il entreprit de communiquer avec les anges, en employant un médium réputé, Edward Kelley. Celui-ci fixait une boule de cristal et dictait ce qu'il percevait à John Dee, qui le transcrivait. Les anges lui auraient en particulier transmis un alphabet occulte, que John Dee nomma « écriture des anges », et qui plus tard reçut l'appellation « alphabet énochien ». Pendant cette période John Dee voyagea en Europe continentale, et rencontra diverses personnalités, qu'il tenta de convaincre : entre autres l'empereur germanique Rodolphe II, à qui il fit don du célèbre et étrange « Manuscrit Voynich ». John Dee aurait alors été approché par des membres de la Rose-Croix. Il fit partie, avec son ami et disciple Francis Bacon, de ceux qui introduisirent le rosicrucianisme en Angleterre.

 

Portrait de John Dee

 

Parallèlement, dès 1560 John Dee s'intéressa au problème posé par le calendrier julien. Celui-ci avait été établi par Jules César en 45 avant Jésus-Christ. C'était une première ébauche de notre calendrier actuel, puisqu' il comptait 365 jours répartis en 12 mois. Comme l’année solaire était de 365 jours et 6 heures, pour compenser on rajoutait un jour à l’année tous les quatre ans, les fameuses années bissextiles. Mais en réalité l’année solaire dure quelques minutes de moins. En plus de quinze siècles, ces minutes s’étaient transformées en jours. Pour remédier à ce problème, il fallait gommer le retard accumulé en supprimant une dizaine de jours. John Dee multiplia les interventions sur ce thème ; son but annexe était aussi de mettre en difficulté la papauté, et à une époque où les guerres de religion faisaient rage en France. Il fit si bien que le Vatican se saisit du problème. Il faut dire que le Saint-Siège avait déjà à gérer la décision française de faire commencer l'année au 1er janvier (Édit de Roussillon, 1564), problème qui n'avait pas encore été réglé et qui de fait fut renvoyé sine die (il faudra attendre 1622 pour que l'édit soit étendu à l'ensemble du monde catholique).

Il revient au pape Grégoire XIII d’avoir pris la décision officielle, par la bulle Inter gravissimas délivrée en 1582, d’adopter le nouveau calendrier, dit grégorien. Bulle et  calendrier furent diffusés dans tous les pays d’Europe, des émissaires ayant la charge de les présenter aux souverains. On pense que, partout en Europe, des Rose-Croix agirent pour que le calendrier grégorien fût adopté. En France, alors que le roi Henri III ne se pressait pas pour appliquer la bulle papale, le nouveau calendrier fut néanmoins imprimé par Jacques Kerver, qui presque 40 ans plus tôt, en 1546, avait imprimé la version française du Songe de Poliphile. Comme Henri III traînait toujours des pieds pour décréter l'application du calendrier, il fallut l'intervention d'un certain Paul de Foix (1528 – 1584), archevêque de Toulouse et ambassadeur du roi de France auprès du pape. C’est un personnage qui fut à plusieurs reprises suspecté de bienveillance, pour ne pas dire plus, envers la religion réformée. Protégé par la reine mère Catherine de Médicis, il avait été lavé de tout soupçon. Paul de Foix écrivit plusieurs lettres au roi Henri III, tellement convaincantes que le calendrier grégorien fut adopté en France à la fin de l'année 1583.

 

Page de titre de l'ouvrage regroupant toutes les lettres de Paul de Foix
à Henri III, dont celles préconisant l'adoption du calendrier grégorien

 

John Dee devait mourir en 1609. Son glyphe était un dessin réunissant plusieurs symboles astronomiques. De haut en bas : le croissant de lune, un cercle (le disque du soleil), une croix qui avec le cercle forme le signe de Vénus – la superposition des trois symboles formant le signe de Mercure – et les cornes du signe du Bélier. C'est ce même dessin qui figure dans Les noces chymiques, où il est présenté comme le signe fermant la lettre reçue par Christian Rosencreutz. Johann Valentin Andreæ s'étant inspiré de sa propre vie pour écrire ce livre, il devait se référer pour ce détail à un courrier qu'il dut recevoir, émanant de John Dee. Ce qui voudrait dire que ces deux-là étaient en relation. À moins qu'il n'y ait eu, dans l'ombre de « l'homme du silence » Johann Valentin Andreæ, et peut-être même à sa place, un autre personnage proche de John Dee ?

 

Le glyphe de John Dee (à gauche)
et le symbole apparaissant dans Les Noces chymiques (à droite)

 

LA NAOMÉTRIE DE SIMON STUDION

En 1604, année désignée comme date de fondation de la Fraternité de la Rose-Croix, parut en Allemagne un étrange livre titré Naométrie, néologisme pouvant signifier : « l'art de mesurer le temple ». C'est un ouvrage de calculs cycliques, dont le manuscrit original est conservé par la bibliothèque de Stuttgart. Sa page de garde s'orne de la formule In cruciferæ MILITIÆ Evangelicæ gratiam, ce que l'on peut traduire par « pour complaire à la Milice Évangélique crucifère ». L'auteur Simon Studion est né en 1543 à Urach. Il fit ses études à l'université de Tübingen, véritable pépinière ésotérique, où l'on retrouvera un peu plus tard Johann Valentin Andreæ, l'auteur des trois manifestes Rose-Croix. Alors que celui-ci venait au monde, en 1586, une importante réunion secrète se tenait à Lünebourg, rassemblant plusieurs princes protestants allemands, des représentants d'Henri de Navarre, futur Henri IV mais pour l'heure encore protestant, du roi du Danemark et de la reine d'Angleterre Élisabeth Ière, qui avait imposé à son pays le protestantisme comme religion officielle. Cette assemblée avait pour objectif de créer une union destinée à contrecarrer les impérialismes catholiques, sous le nom de « Milice évangélique crucifère ». La « ville de la Lune » fut bien choisie pour la création de ce cénacle ultra protestant, tout droit issu du Parti Lunaire.

 

Page de garde du manuscrit de la Naométrie de Simon Studion

 

La Milice aimant les enseignements occultes, se préoccupant du retour du Christ et du troisième Élie, le fameux Élie artiste prédit par Paracelse. Pourquoi « troisième » Élie ? En fait le prophète Élie, qui fut enlevé dans un char de feu, est déjà revenu une fois en la personne de Jean Baptiste, et l'on attendait – on l'attend toujours – sa troisième apparition, annoncée par la Bible. La Milice Évangélique crucifère peut être considérée comme l'une des prémices de la Rose-Croix. Lorsque la Naométrie de Simon Studion fit son entrée dans la bibliothèque de l'université de Tübingen, cela eut pour effet la création d'une «Société Naometrica», composée de Tobias Hess, spécialiste de la Bible et de la Kabbale, et de Johann Valentin Andreæ. Il n'est pas impossible que ce soit ce cénacle qui ait donné naissance à la Rose-Croix.

 

FRANCIS BACON, L'HOMME DE L'OMBRE

Ce scientifique et philosophe est né à Londres en 1561. Après de brillantes études à Cambridge, dans sa jeunesse il accompagna l'ambassadeur d'Angleterre en France et fut reçu à la cour de Henri III. Il y rencontra Marguerite de Valois, la sulfureuse épouse d'Henri de Navarre futur Henri IV. On dit qu'il en tomba amoureux et qu'il la suivit jusqu'à Nérac en Navarre lorsqu'elle y rejoignit un temps son époux protestant. Francis Bacon rentra en Angleterre à la mort de son père. Il se fit avocat, puis devint membre de la Chambre des Communes en 1592. Après la mort de la reine Élisabeth Ière en 1603, le nouveau roi Jacques Ier nomma Bacon à plusieurs postes successifs, jusqu'à en faire le Grand Chancelier d'Angleterre en 1617. Il le nomma également baron de Verulam et vicomte de Saint Albans, localité où il avait sa demeure familiale, et dont l'auberge était le siège d'une loge rosicrucienne. Francis Bacon consacra la fin de sa vie à la philosophie. On lui doit de nombreux ouvrages scientifiques et philosophiques. Il décéda en 1626.

 

Portrait de Francis Bacon

 

De nombreuses zones d'ombre persistent dans la vie et la personnalité de Francis Bacon, à commencer par ses origines. Il était officiellement le fils du garde des sceaux Nicolas Bacon, appartenant à la branche anglaise de la famille française Bascoin de Molay, des descendants de Jacques de Molay le dernier grand-maître des Templiers. Le blason des Bacon, de gueules au chef d'argent chargé de deux molettes de sable, reprend les pièces parlantes des Molay (molettes = Molay).

 

Blason des Bacon

 

Cependant, une rumeur affirme que Francis n'était que le fils adoptif de Nicolas Bacon. Il serait en réalité un enfant naturel de la reine Élisateth Ière, qui aimait se faire surnommer « la reine vierge », mais qui menait en réalité une vie dissolue et avait de nombreux amants. C'est sa dame d'honneur, épouse de Nicolas Bacon, qui, venant d'accoucher d'un bébé mort-né, aurait débarrassé la reine de cet enfant malvenu, et l'aurait fait passer pour le sien.

Francis Bacon fut initié à la cryptographie, lors de son séjour en France, par Blaise de Vigenère, digne successeur de l'abbé Trithème. Bacon mit au point un procédé cryptographique fort complexe, cachant dans ses ouvrages tout un message secret, qui délivrerait une véritable confession. Ces messages bien cachés révéleraient que Francis Bacon était l'auteur véritable des pièces de Shakespeare, rien de moins. Cette théorie a ses partisans et ses détracteurs.

Un étrange ouvrage, publié en 1624 en Allemagne, semble cependant le confirmer. Il s'agit du livre titré Cryptomenytice, écrit par un certain Gustavus Selenus. Sous ce pseudonyme se cachait en réalité Auguste II de Lünebourg (1579 – 1666), duc de Brunswick, créateur de la bibliothèque de Wolfenbüttel (1644). Il avait pris ce nom, composé de Gustavus anagramme d'Augustus (Auguste) et de Selenus variante grecque de Lünebourg (Séléné déesse de la Lune). Cet ouvrage de cryptographie était dédié à Jean Trithème auteur de la Stéganographie. Le frontispice du livre est composé de vignettes, dont l'une montre Francis Bacon, reconnaissable à son célèbre et haut chapeau, échangeant un manuscrit avec un homme brandissant une lance. Or en anglais, to shake (agiter) et spear (lance) donnent le nom Shakespeare, famille dont le blason s'ornait précisément d'une lance en pièce parlante.

 

Gravure en frontispice du livre de Gustavus Selenus

 

Francis Bacon aurait pris une part importante dans la préparation, voire l'écriture, du livre curieux de Gustavus Selenus alias Auguste de Lünebourg. Lünebourg, la « ville de la Lune », faut-il le rappeler, fut en 1586 le siège de la réunion fondant la Milice Évangélique crucifère à qui Simon Studion dédia sa Naométrie. D'aucuns ont vu en Francis Bacon le F.B.M.P.A. désigné par la Fama Fraternitatis, lettres qui signifieraient « Francis Bacon Maître de la Province d'Angleterre ». Mais la succession de Christian Rosencreutz se situant à la fin du XVe siècle, il faudrait admettre que sa désignation à ce poste ait été annoncée plus d'un siècle en avance. Ou alors, comme nous l'avons vu dans la 1ère partie de ce dossier, ce passage de la Fama Fraternitatis concernait plutôt le début du XVIIe siècle.

Le décès de Francis Bacon en 1626 fit également l'objet de diverses rumeurs. Pour certains, son enterrement dans le cimetière de Saint Albans ne fut qu'un simulacre, et d'aucuns affirment même que lorsque l'on rouvrit son tombeau on n'y trouva qu'une figurine de plomb. Bacon se serait retiré secrètement en Allemagne, et y aurait vécu jusqu'en 1668 à l'âge de 107 ans, ce qui accrédite une fois de plus le mythe de la longévité exceptionnelle des Rose-Croix.

Mieux encore : selon quelques auteurs, dont Gil Alonso-Mier, principal artisan de la  récente trilogie L'héritage de Christian Rosencreutz (éditions Arqa), Francis Bacon serait le véritable auteur des trois ouvrages fondamentaux de la Rose-Croix, attribués à Johann Valentin Andreæ. En fait, le jeune Andreæ aurait été le prête-nom de Bacon, de 25 ans son aîné, ce qui expliquerait le caractère mûr de ces écrits, et la maîtrise de l'alchimie, des traits souvent contestés pour un auteur de 18 ans, âge qu'avait Andreæ en 1604 lorsqu'il aurait rédigé Les Noces chymiques. Ainsi Francis Bacon serait le véritable père de la Fraternité de la Rose-Croix. Gil Alonso-Mier explique en préambule que, selon Sperberg, la Fama Fraternitatis aurait déjà existé 19 ans  avant sa publication en 1614, soit en 1595, et à cette date-là Andreæ n'avait que 9 ans :

« C'est donc très suspect de lui attribuer la paternité de la Fama Fraternitatis et des autres manuscrits rosicruciens ! Il faut se souvenir qu'Andreæ considérait toute l'affaire des Rose-Croix comme un ''ludibrium'' ou comme un jeu ou farce si l'on préfère. Il semble que l'on se soit servi non seulement de son identité mais aussi de son propre visage et peut-être avec son consentement de jeune lettré ! »

Puis le chercheur poursuit :

« Sur l'un des plus célèbres portraits d'Andreæ – mais représentant selon nous Bacon – exécuté vers 1650 par un graveur allemand d'Augsbourg, nommé Melchior Küssel (1626 – 1684), on peut voir plusieurs blasons dont celui de Roslin « la ligne des roses ». On trouve aussi les lettres F et B qui sont les initiales de Francis Bacon. Le nom même d'Andreæ évoque le premier Apôtre martyr, le Saint patron de l'Écosse. Nous rappellerons ici que Saint Albans, lieu de l'antique Verulamia où résidait Bacon – à Gorhambury très exactement – avait pour blason une Croix de Saint-André et que ce lieu fut le théâtre de deux guerres des deux roses, ce qui nous donne quatre roses. »

 

Portrait de Johann Valentin Andreæ par Melchior Küssel

 

CAMPANELLA ET LA CITÉ DU SOLEIL

Tommaso Campanella est né en 1568 en Sicile. Moine Dominicain, il s'est intéressé à la philosophie politique, mais les théories naturalistes de ses premiers écrits l'ont fait condamner pour hérésie en 1602. Sa détention dura 27 ans, pendant lesquels il écrivit plusieurs livres, dont son ouvrage le plus connu est une utopie décrivant une ville idéale, La Cité du Soleil, publiée en 1623. Sous ce titre qui peut paraître banal, se cache peut-être une évocation de la Fraternité de la Rose-Croix. Ses adeptes la désignaient en effet entre eux sous le nom de Cité du Soleil.

Libéré en 1629, Campanella resta quelques années en Italie en liberté surveillée, puis il finit par se réfugier en France en 1634. Il devint l'ami de Nicolas Fabri de Peiresc, avec qui il entretint une correspondance suivie, en même temps – le fait est à noter, sans en tirer de conclusions – que le prieur Chartreux Dom Polycarpe de la Rivière. Campanella mourut à Paris en 1639.

 

MICHAEL MAIER

Ce médecin allemand est né en 1569 à Kiel. Il reçut une éducation humaniste, et entreprit des études à l'université de Rostock, qu'il poursuivit à celle de Francfort-sur-l'Oder. Il obtint son doctorat de médecine en 1596, et commença à s'intéresser à l'alchimie. Entre 1612 et 1616 il résida en Angleterre, et rencontra Robert Fludd. En 1617, rentré en Allemagne, il devint le médecin du prince de Nassau, et publia l'Atalanta fugiens (L'Atalante fugitive), un livre d'emblèmes alchimiques considéré comme un modèle du genre.

 

Portrait de Michael Maier

 

Après la publication des trois manifestes de la Rose-Croix, Michael Maier devint leur ardent défenseur, publiant en 1618 Themis aurea. On peut y voir un symbole acrostiche formé d'une lettre centrale qui est à la fois un M, un V et un I, autour duquel s'accrochent des lettres AERC en haut (le A et le E étant accolés, et le C étant la continuation de la jambe du R), et CSO en bas. Avec toutes ces lettres on peut former son nom MAIER, et les mots ROSÆ CRVCIS, ce qui semble signer son appartenance à la Fraternité. Michael Maier mourut en 1622.

 

Symbole rosicrucien de Michael Maier
apparaissant dans le livre Themis aurea

 

ROBERT FLUDD

Né en 1574 dans le Kent, l'humaniste anglais Robert Fludd fut un ardent défenseur des Frères de la Rose-Croix, qu'il avait probablement fréquentés en Allemagne durant le voyage de six ans qu'il entreprit dans sa jeunesse. Médecin de profession, il fut également physicien, alchimiste et astrologue, sur le modèle de Paracelse dont il appliquait les théories. On lui doit également de nombreuses avancées dans le domaine médical, en particulier il fut le premier à pressentir la circulation du sang. Fludd comme Paracelse pratiquait les guérisons à distance, grâce à un procédé qu'il nommait « onguent de sympathie », lequel n'est sans doute pas sans rapport avec la « poudre de sympathie » décrite par le Petit Albert.

 

Portrait de Robert Fludd

 

Après la publication des textes fondamentaux de la Rose-Croix, l'existence de la Fraternité étant mise en doute, ou accusée de tous les maux, Robert Fludd entreprit de la défendre avec fougue dans un traité en trois parties, le Tractatus Apolegeticus integritatem Societatis de Rosæ Cruce defendens. Dans cet ouvrage, Fludd explique en préambule :

« En effet celui qui feuillettera avec attention ce traité comprendra que c’est pour défendre son plein droit que cette Fraternité a dû tirer les flèches de son carquois contre les malveillantes calomnies, et contre les accusations de sédition, d’exorcismes et d’hérésie, et c’est la raison pour laquelle elle a fait éditer sa Confessio»

Puis il se lance dans un exposé de toutes les connaissances – certaines extraordinaires – acquises par les Frères, telles que les calculs astrologiques, la télépathie, les secrets de la nature, etc. Puis il conclut :

« Tout cela, nous l’avons réellement expérimenté par nous-même (bienveillant lecteur) et mis par écrit, et nous pourrions t’en laisser voir bien plus encore pour témoigner que les propositions qu’a fait connaître au monde la Fraternité R.C. méritent les plus grands éloges. Ces Frères n’ont pas hésité à observer la nature mise à nu d’un œil attentif, ils ont lu le Grand Livre universel de la Nature et ont compris ses symboles secrets. »

En 1628 à Londres, un émissaire anonyme mandaté par la Fraternité de la Rose-Croix aurait adressé un mémoire au roi Charles Ier. Ce document, dit-on, conseillait de supprimer la papauté pour établir un christianisme universel. La rumeur dit encore que ce mémoire était accompagné, pour le rendre plus crédible, d'une somme de 3 millions de livres offerte au Trésor royal par la Fraternité de la Rose-Croix. Pour certains, cet émissaire n'était autre que Robert Fludd, mais toute cette histoire reste sans doute à prouver.

Robert Fludd avait un disciple touche-à-tout nommé Élias Ashmole (1617 - 1692), Rose-Croix comme son maître. Après le décès de Fludd en 1637 à Londres, Ashmole fut « accepté » en 1646 dans une loge maçonnique. Il fut d'ailleurs l'un des tout premiers francs-maçons spéculatifs d'Angleterre. Six ans plus tard en 1652 il publia le Theatrum Chemicum Britannicum, un ouvrage regroupant plusieurs traités d'alchimie, dans lequel il se référait à la Fama Fraternitatis pour démontrer l'importance de l'alchimie en Angleterre. Élias Ashmole a participé à la création de la Royal Society. Après sa mort, on trouva dans ses papiers un exemplaire de la Fama Fraternitatis et de la Confessio Fraternitatis, ainsi que de nombreuses notes et correspondances qui ont contribué à écrire l'histoire de la Franc-Maçonnerie anglaise.

 

Portrait d'Élias Ashmole

 

ROSE-CROIX ET FRANC-MAÇONNERIE

Comme Élias Ashmole, de nombreux Rose-Croix sont entrés en Franc-Maçonnerie lorsqu'elle devint purement spéculative. Il faut rappeler que les origines de cette fraternité remontent au Moyen-Âge ; elle était alors purement opérative, c'était une corporation de métiers, regroupant sur les chantiers des grandes cathédrales les tailleurs de pierre, les maçons, libres ou « francs ». À la Renaissance, la Franc-Maçonnerie a commencé à évoluer vers une version spéculative, qui pratiqua « l'acceptation », c'est-à-dire l'admission de personnes étrangères aux métiers du bâtiment. Ce virage s'opéra principalement en Angleterre, sur un terreau préparé par l'apparition du rosicrucianisme au siècle précédent. Le 24 juin 1717, jour de la Saint-Jean Baptiste, les quatre loges existantes à Londres ont décidé de fusionner en une seule Loge d'Angleterre, qui adopta son premier règlement, les Constitutions d'Anderson, le 17 janvier 1723. Très rapidement, la Franc-Maçonnerie s'implanta en France. Dès 1747, fut attestée l'existence d'un grade de Chevalier Rose-Croix, constituant le 18e degré du Rite Écossais Ancien et Accepté, et le 7e et dernier degré du Rite Français.

 

Tablier maçonnique du grade Chevalier Rose-Croix

 

Dans son livre Ordre chapitral – nouveau grade de Rose-Croix (1860) Jean-Marie Ragon prétend que les Jésuites ont d'abord tenté d'infiltrer la Fraternité de la Rose-Croix. Puis, observant la montée en puissance de la Franc-Maçonnerie, ils auraient décidé d'orienter leurs efforts dans cette direction. L'auteur explique :

« Ils résolurent de s'en emparer, la jugeant éminemment propre à servir leur dessein secret d'arriver à la domination universelle, sous le voile de l'ordre du Temple, dont ils auraient récupéré les biens, en y intéressant les maçons initiés à leur plan […] Mais, pour atteindre ce but si désiré, il devenait indispensable de leur inculquer la même foi religieuse, et l'on imagina d'inventer le grade de Rose-Croix […] Rose-Croix ayant signifié faiseur d'or, les Jésuites, pour s'attirer des partisans, à une époque où l'alchimie était en vogue, donnèrent ce nom à leur maçonnerie chrétienne »

Chevalier Rose-Croix est en effet un grade purement chrétien. Les tabliers et bijoux propres à ce grade se déclinent en différents modèles, mais tous ont principalement pour décor la croix, et le pélican se perçant la poitrine pour nourrir ses petits, symboles universels du Christ qui se sacrifie pour sauver les hommes. Certains maçons tentèrent d'ailleurs de déchristianiser ce grade, en prônant une analyse philosophique de son symbolisme.

 

Bijou maçonnique du grade Chevalier Rose-Croix

 

MONTFAUCON DE VILLARS

Après avoir évoqué les Rose-Croix célèbres essentiellement allemands ou anglais, arrivons en France, où la Fraternité de la Rose-Croix s'était manifestée publiquement par les affiches apposées à Paris en 1623 (voir la 1ère partie de ce dossier). En 1670 parut un livre qui connut rapidement un grand succès, Le comte de Gabalis. Son auteur était Pierre-Henri de Montfaucon de Villars, un gentilhomme originaire d'Alet-les-Bains dans la haute vallée de l'Aude, où il naquit en 1635. Ce personnage curieux arriva à Paris à l'âge de 25 ans, fuyant apparemment une condamnation prononcée dans sa région natale. Il fréquenta les milieux libertaires, avant de publier anonymement l'ouvrage qui l'a rendu célèbre, car l'identité de l'auteur fut rapidement révélée.

Le comte de Gabalis est ce que l'on nommerait aujourd'hui une œuvre de fiction, rédigée par le narrateur qui rapporte les entretiens qu'il aurait eus avec son ami, ledit comte de Gabalis, personnage féru d'occultisme. Le nom Gabalis évoque la Cabale ou Kabbale, c'est aussi dans les écrits de Paracelse le nom de l'énergie fondamentale dirigeant l'univers. Gabalis tente d'initier le narrateur en lui faisant entrevoir un monde peuplé d'esprits élémentaires, gnomes, sylphes, salamandres, ondines, tout en prônant une philosophie élitiste qui n'est pas sans faire penser aux principes rosicruciens d'un collège de Supérieurs Inconnus.

Vraisemblablement, Montfaucon de Villars avait approché les Rose-Croix lorsqu'il fréquentait les milieux où l'on professait la liberté de pensée, ce qui était aussi la philosophie rosicrucienne. Certains ont même affirmé, en mettant en parallèle le destin du héros du livre et celui de son créateur, que l'auteur du Comte de Gabalis aurait révélé dans son livre des rituels secrets de la Rose-Croix. L'ouvrage commence par ces mots :

« Devant Dieu soit l'âme de M. le comte de Gabalis, que l'on vient de m'écrire qu'il est mort... Ce genre de mort est ordinaire à ceux qui ménagent mal les secrets des Sages... Un ange exécuteur n'a jamais manqué de tordre promptement le col à tous ceux qui ont indiscrètement révélé les Mystères Philosophiques. »

 

Page de garde du Comte de Gabalis, édition de 1671

 

Cinq ans plus tard, alors que Montfaucon de Villars voyageait en direction de Lyon, il connut le même sort que son héros, et fut assassiné sur la route, près de Mâcon. On ne retrouva jamais l'auteur du coup mortel. Pour tout le monde, cette mort fut une vengeance des Rose-Croix, ou des sylphes dont l'auteur avait révélé l'existence. Cependant, quelques années plus tard, on crut reconnaître Montfaucon de Villars parmi les moines de l'abbaye trappiste de Villefranche-sur-Saône. L'auteur aurait – selon une habitude très rosicrucienne – simulé sa mort pour revivre longtemps ailleurs.

Anatole France s'est largement inspiré du Comte de Gabalis pour son étrange roman La rôtisserie de la reine Pédauque, dont l'histoire se termine par la mort de l'un des personnages, frappé sur la route de Lyon par un mystérieux criminel vengeur.

 

LE MYSTÉRIEUX COMTE DE SAINT-GERMAIN

L'un des personnages les plus célèbres du rosicrucianisme français fut l'énigmatique comte de Saint-Germain. Il est arrivé en 1743, venant d'Allemagne. Il paraissait avoir une quarantaine d'années, mais on ignore tout de ses origines et de sa date de naissance. Élégant, séduisant, beau-parleur, celui qui se faisait appeler comte de Saint-Germain brillait dans les salons mondains. Il parlait pas moins de sept langues à la perfection, à tel point qu'il était impossible de deviner sa langue natale. On le disait savant, magicien, thérapeute, chimiste et alchimiste. Ses dons en société le firent rapidement admettre à la cour de Louis XV, où il devint l'ami du roi.

Le comte de Saint-Germain disparaissait parfois pendant plusieurs mois. D'aucuns affirmaient l'avoir vu à Vienne, ou à Venise, ou encore à Londres, occupé à des projets mirifiques. Il revint s'installer à Paris en 1750, dans un hôtel particulier avec domestiques, palefreniers et voituriers. Il demanda au roi s'il pouvait lui octroyer un lieu suffisamment vaste et commode pour qu'il pût y loger avec sa suite et y installer un laboratoire d'alchimie, faisant miroiter la fortune qu'il allait pouvoir mettre bientôt à sa disposition. Louis XV lui attribua le château de Chambord, qui était alors inoccupé.

 

Portrait du comte de Saint-Germain

 

Le mystérieux comte résolut un jour une vieille énigme policière, celle du procureur Dumas qui avait disparu cinquante ans plus tôt. Saint-Germain donna la localisation précise de la cave où se trouvait le corps du procureur. Lorsque le roi lui demanda comment il avait résolu ce mystère, Saint-Germain aurait répondu : « Sire, faites-vous Rose-Croix et je me hâterai de vous le dire ».

L'amitié entre le roi et Saint-Germain déplut au premier ministre, le comte de Choiseul. Il résolut alors de discréditer le comte. Il engagea un vague comédien, un certain Gauve, qui ressemblait au comte, et qui était doué pour les imitations. Gauve se fit passer pour Saint-Germain, racontant dans les salons des histoires ahurissantes. Mais le subterfuge fut découvert, et le comte de Saint-Germain en sortit paré d'un éclat nouveau. Louis XV l'envoya secrètement négocier la paix avec l'Angleterre par l'intermédiaire des Pays-Bas. Choiseul eut vent de sa présence à Amsterdam, et comme Saint-Germain n'était pas en mission officielle, il demanda au roi de le récuser. Le comte quitta la France. On le vit un peu partout en Europe. Officiellement il décéda en 1784, mais plusieurs personnes affirmèrent l'avoir rencontré, en divers lieux, et cela jusqu'en 1830. Le comte de Saint-Germain y gagna une réputation d'immortalité. Dans les années 70, un imposteur tenta de se faire passer pour lui ; très médiatique, il fut plusieurs fois la vedette de reportages télévisés, où il réalisait ce qui ressemblait à des transmutations alchimiques. Il devint ensuite le compagnon de la chanteuse Dalida.

 

LES RÉSURGENCES DE LA ROSE-CROIX

La Fraternité de la Rose-Croix a-t-elle survécu au Siècle des Lumières, aux révolutions, aux guerres, au monde moderne ? N'existerait-elle pas encore aujourd'hui, dans l'ombre ? Autant de questions sans réponses. Il est vrai que la Rose-Croix semble s'être diluée dans l'histoire avec la fin de l'Ancien Régime. Mais c'était peut-être pour mieux revivre ensuite... On trouve aujourd'hui plusieurs sites Internet expliquant les différents signes permettant de reconnaître un Rose-Croix. Essayez, vous verrez bien si vous identifiez quelqu'un... Toujours est-il qu'à la fin du XIXe siècle et au début du XXe on vit fleurir quantité de sociétés se prévalant de la Rose-Croix, sans que l'on ait pu établir clairement une quelconque filiation directe. Faisons un tour d'horizon des principales d'entre elles.

La « Societas Rosicruciana in Anglia » fut la première à se manifester. Elle fut fondée en Angleterre en 1865 par Robert Wentworth Little. Elle recruta exclusivement des francs-maçons au grade de maître, et se limita à douze douzaines de membres, soit 144 adeptes. Little s'était porté à la tête de la société, assisté par Edward Bulwer Lytton. Ce cénacle était particulièrement compartimenté, et les membres répartis en neuf grades.

En 1884, les dirigeants de la Societas Rosicruciana eurent accès à un manuscrit crypté, qu'ils déchiffrèrent, donnant l'adresse à Berlin d'une rosicrucienne nommée Anna Sprengel. Ils entrèrent en contact avec elle, et trois ans plus tard elle les autorisa à créer une branche anglaise de l'ordre de la Rose-Croix dont elle était membre. Cette histoire reste cependant en partie légendaire. Néanmoins à partir de la Societas Rosicruciana naquit une société encore plus secrète, la « Golden Dawn in Outer », soit « l'Aube Dorée à l'Extérieur », dont Samuel Mathers devint le Grand-Maître. La Golden Dawn prétendait connaître et maîtriser l'écriture des anges de John Dee, à laquelle elle substitua le nom d'alphabet énochien, en souvenir de la Magie d'Énoch qui se pratiquait dans les milieux alchimistes du XVIe siècle. La Golden Dawn se fondait sur les théories des kabbalistes chrétiens de la Renaissance, prônant une alchimie intérieure mystique, et attira de nombreux francs-maçons, séduits par des rituels ésotériques plus approfondis que dans la maçonnerie traditionnelle. La Golden Dawn, qui possédait des loges dans divers pays d'Europe, dont la France, disparut après la première guerre mondiale.

 

Emblème de la Golden Dawn

 

En France, les résurgences rosicruciennes s'éveillèrent avec un personnage touche-à-tout, Alphonse-Louis Constant, plus connu sous le pseudonyme d'Éliphas Levi, qui dirigea la Revue philosophique et religieuse et écrivit des ouvrages d'ésotérisme et de magie. Il avait réuni autour de lui un cercle de disciples, qui perdura après sa mort en 1875. À sa suite, de nombreux groupes occultistes se formèrent dans le Paris de la Belle Époque. On les vit fréquentés par des personnalités du monde de l'hermétisme comme Saint-Yves d'Alveydre ou Madame Blavatski. C'est alors qu'arriva dans la capitale le Docteur Gérard Encausse, plus connu sous le nom de Papus, qui fréquenta les milieux européens de l'ésotérisme. Ce Paris occulte formait alors un véritable creuset, d'où émergea en 1888 « l'Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix ».

Cette société fut fondée par un occultiste de premier plan, le marquis Stanislas de Guaïta (1861 – 1897). Venu à Paris depuis sa Lorraine natale, de Guaïta se lia d'amitié avec plusieurs écrivains, dont Maurice Barrès. L'Ordre Kabbaliste de la Rose-Croix était dirigé par un conseil de douze membres, dont six devaient rester anonymes. Les six connus étaient : Stanislas de Guaïta – Papus – l'abbé Alta, survivant du cercle d'Éliphas Levi – Paul Sédir alias Yvon Le Loup, auteur d'une Histoire des Rose-Croix – Marc Haven, un occultiste lyonnais, de son vrai nom Emmanuel Lalande, gendre de Maître Philippe le célèbre thaumaturge – Joséphin Péladan.

 

Portrait de Joséphin Péladan par Alexandre Séon

 

Mais l'Ordre fut rapidement déchiré par des querelles internes et les défections de certains de ses membres : Papus parti en Russie, et Péladan qui avait fait sécession. Il fut également englué, ainsi que son créateur, dans des faits-divers sordides.

C'est ainsi que Joséphin Péladan fonda, en 1890, « l'Ordre de la Rose-Croix, du Temple et du Graal », qui fut surtout une société spiritualiste et mondaine. Péladan se fit remarquer du Tout-Paris 1900 pour ses « Salons Rose-Croix », où exposaient des peintres symbolistes comme Jean Delville ou Alexandre Séon, qui brossa un célèbre portrait du maître.

 

Affiche d'un Salon Rose-Croix

 

Joséphin Péladan devait mourir en 1915, intoxiqué par des huîtres, et son Ordre disparut avec lui. C'est aux États-Unis que la Rose-Croix devait renaître, la même année, sous l'impulsion d'Harvey Spencer Lewis, un homme d'affaires américain passionné d'ésotérisme, qui après un voyage en France sur les traces des Templiers et du Graal, fonda « l'Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix », plus connu sous le sigle A.M.O.R.C. Affirmant une origine égyptienne de la Rose-Croix, l'A.M.O.R.C. use de décors, d'architectures et d'emblèmes inspirés de l'Égypte antique. Cette organisation, qui se défend d'être une secte, existe encore aujourd'hui et possède des loges dans le monde entier.

 

L'emblème de l'A.M.O.R.C.

 

FULCANELLI ET LA ROSE-CROIX

On ignore toujours l'identité réelle de celui qui, au lendemain de la première guerre mondiale, écrivit deux ouvrages magistraux consacrés à l'alchimie : Le Mystère des Cathédrales et Les Demeures Philosophales. Il faut observer que chacun de ces titres est constitué de 8 pieds terminés par une sonorité en L, ce qui est précisément la caractéristique d'un « langage anglé », à décrypter par l'art du Grimoire ou de la Langue des Oiseaux. Tel n'est pas notre but. Nous retiendrons simplement que chacun des deux livres fait référence à la Fraternité de la Rose-Croix. Dans Le Mystère des Cathédrales on trouve cette phrase :

« Aussi, Thomas Corneille ne nous surprend-il pas lorsqu'il assure qu'on appelait les grands maîtres de la Rose-Croix Frères de la Rosée-Cuite, signification qu'ils donnaient eux-mêmes aux initiales de leur ordre : F. R. C. »

Fulcanelli se contente de citer un autre auteur, sans plus de commentaires. Dans son second opus Les Demeures Philosophales, il donne cette fois son sentiment personnel :

« La confrérie mystique des Rose-Croix est une fable et rien de plus. »

Mais il ne s'étend pas plus sur la question, n'apportant aucun argument pour étayer cette affirmation. Faut-il comprendre qu'il y aurait une confrérie mystique des Rose-Croix (celle de Christian Rosencreutz ?), laquelle ne serait qu'une fable, et une autre confrérie, bien réelle celle-là ? C'est d'autant plus curieux, que par sa préface Eugène Canseliet nous apprend que Fulcanelli aurait appartenu aux « Frères d'Héliopolis ». Eugène Canseliet signe d'ailleurs sa préface en faisant suivre son nom des trois lettres F. C. H. qui signifient Frère Chevalier d'Héliopolis. Il se disait donc lui aussi membre de cette fraternité, à qui les ouvrages de Fulcanelli sont dédiés. Or c'est une société totalement inconnue, apparaissant seulement dans les ouvrages de Fulcanelli ou les écrits d'Eugène Canseliet, et qui elle semble vraiment être une fable inventée par ces auteurs. Mais Héliopolis est un mot grec, qui signifie « cité du soleil ». Or nous avons noté, en évoquant l'ouvrage de Campanella précisément titré ainsi, que c'était là le nom que les Frères de la Rose-Croix donnaient entre eux à leur Fraternité. Ainsi Fulcanelli, tout en affirmant qu'elle n'était qu'une fable, dédiait ses ouvrages à la Fraternité de la Rose-Croix.

 

Nous voici au terme de ce long dossier, en deux parties, consacré à la Rose-Croix. Il est incomplet sans doute, mais un thème aussi vaste et aussi complexe ne peut se résumer en quelques pages. Néanmoins nous pensons que l'essentiel a été dit. À chacun, maintenant, d'approfondir le sujet s'il le désire... Il est possible par exemple de rechercher les allusions à la Rose-Croix dans la littérature, les arts... et même la chanson ! N'oublions jamais ce refrain que tout le monde fredonnait à la fin des années 60, le poème de Louis Amade mis en musique et interprété par Gilbert Bécaud :


 

« L'important, c'est la rose crois-moi... »




<RETOUR AU SOMMAIRE DE LA GRANDE AFFAIRE>