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Rubrique
Les Sociétés Secrètes Janvier 2019
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Par
Patrick Berlier
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LA ROSE-CROIX 2e
PARTIE : PRÉCURSEURS ET SUCCESSEURS Dans la 1ère
partie de ce copieux
dossier, nous avons évoqué les trois livres fondamentaux
de la Rose-Croix,
parus en Allemagne en 1614, 1615 et 1616 : la Fama
Fraternitatis,
la Confessio Fraternitatis, et Les noces chymiques de
Christian
Rosencreutz en l'année 1459. Nous avons noté que
l'année 1604, qui a été
présentée comme étant la date de création
de la Fraternité de la Rose-Croix,
marquait la confluence de plusieurs événements : la
rédaction des Noces
chymiques par Johann Valentin Andreæ, l'ouverture du tombeau
de Christian
Rosencreutz – opération purement symbolique puisque ce
personnage semble
imaginaire – et l'apparition d'une supernova au moment de la
conjonction des
planètes Mars, Jupiter et Saturne entre les constellations du
Sagittaire, du
Serpent et d'Ophiuchus. Mais nous avons noté aussi que la
Fraternité de la
Rose-Croix tirait ses origines de cénacles ou de personnages
bien antérieurs à
1604. Maintenant évoquons les
principaux personnages présentant
des liens avec la Rose-Croix, que ce soit avant ou après
l'année 1604. Ils vont
apparaître dans l'ordre chronologique de leur année de
naissance, mais ne nous
y trompons pas, bien que leurs biographies soient retracées
séparément, des
liens subtils se tissent des uns aux autres. GUILLAUME DE LORRIS ET JEAN DE
MEUNG, OU LE ROMAN
DE LA ROSE Parmi les premiers textes
consacrés à la Rose –
entendez : l'intelligence transcendée – figure le Roman
de la Rose,
qui fut écrit par deux auteurs successifs, Guillaume de Lorris
vers 1230 et
Jean de Meung vers 1277. L'histoire se présente comme une assez
mièvre fable
d'amour courtois : l'Amant est amoureux de la Rose, mais il ne
pourra la
cueillir qu'après bien des péripéties et
après avoir déjoué les pièges tendus
par les autres personnages comme Raison, Jalousie ou Mâle Bouche.
En vérité, un
autre texte se cache derrière le premier, décrivant une
société gangrenée par
l'Église, la Noblesse et le Pouvoir royal. Illustration
en frontispice du Roman de la Rose, XIXe siècle DANTE ET LES FIDÈLES
D'AMOUR Dante Alighieri est l'un des
plus grands poètes
italiens. Il est né en 1265 à Florence, et sa jeunesse
fut marquée par les
luttes entre les deux factions rivales des Guelfes et des Gibelins.
Quelques
mots d'explication à ce sujet sont nécessaires. L’Europe
était depuis le
Moyen-Âge partagée entre deux puissances secrètes,
que la guerre de Cent Ans
avait cependant portées au grand jour sous les noms de Faction
des Bourguignons
et Faction des Armagnac. Les premiers étaient alliés des
Anglais, les seconds
soutenaient le royaume de France. Officiellement
réconciliées après la mort de
Jeanne d’Arc pour déloger les derniers Anglais, les deux
factions continuèrent
pourtant leurs luttes occultes. Elles s’affrontèrent sous les
noms de Guelfes
et Gibelins, en particulier en Italie, et sous des noms beaucoup moins
connus : parti solaire et parti lunaire, quarte et quinte, rose
rouge et
rose blanche, Beaucéant et Oriflamme, paroisse et château,
Ménestrels de Murcie
et Ménestrels de Morvan. Ces luttes conduiront indirectement au
Grand Schisme
d'Occident. Les deux factions ne formaient cependant que la partie
visible des
deux icebergs constitués par les deux grands ordres occultes
européens :
les Gouliards d'un côté, et les Forestiers Fendeurs
Charbonniers de l'autre.
Cette partition occulte de l'Europe constitue le thème central
de l'œuvre de
l'érudit Claude Sosthène Grasset d'Orcet. Lorsque se
déclencheront les guerres de religion,
la première faction, qui a toujours formé le soutien
inconditionnel de la
papauté et de l'Église de Pierre, tout en s'opposant
volontiers aux pouvoirs
temporels en place, restera farouchement catholique, et certains de ses
membres
s'enrôleront même dans la Ligue. La seconde faction au
contraire, qui se réclame
plutôt de l'Église intellectuelle de Jean, sera
séduite par les idées de la
réforme protestante, envers qui elle sera
particulièrement bienveillante, au
nom de la liberté de pensée, tout en restant
fidèle à la royauté. En Italie les
Guelfes défendaient le pape Boniface VIII, souverain pontife
despote se mêlant
trop souvent du temporel aux dépens du spirituel, et les
Gibelins étaient les
partisans de l'empereur d'Occident Frédéric II, un
souverain humaniste aux
idées progressistes, féru d'occultisme. Inutile de dire
qu'il rassemblait
autour de lui tous les intellectuels à la rose, lesquels se
reconnaissaient
dans la pensée gibeline. Portrait
de Dante Alighieri Dante fut
d'abord Guelfe, ce qui était le parti
de sa famille. Mais il fut rapidement révolté par le
zèle brutal et barbare de
cette faction ; aussi rejoignit-il le camp des Gibelins où
il retrouva son
ami Guido Cavalcanti. Le poète s'engagea dans la vie politique
et fut élu
échevin de Florence. Il tenta d'y ramener le calme. Mais les
Guelfes brûlèrent
sa maison, s'approprièrent ses biens, et le condamnèrent
à mort. Dante ne dut
le salut que dans la fuite et l'exil, d'abord à Arezzo puis
à Ravenne, où il
passa la fin de sa vie. Il y mourut en 1321, non sans avoir
voyagé en
Europe ; en particulier il était à Paris au moment
où les derniers
Templiers périrent sur le bûcher. Dante nous a
laissé une œuvre littéraire intense,
dont son chef-d'œuvre La Divine Comédie, écrit
à partir de 1306. C'est
le récit d'un voyage initiatique dans l'au-delà,
commencé un vendredi saint et
qui dure une semaine. Rédigé à la première
personne, comme si l'auteur
racontait un fait réel vécu, le voyage débute par
la traversée d'une forêt.
Puis le narrateur rencontre le poète latin Virgile, qui le guide
dans les
dédales de l'Enfer et du Purgatoire. Arrivé aux portes du
Paradis, Virgile ne
peut aller plus loin, car il est né avant Jésus-Christ.
C'est Béatrice, l'amour
de jeunesse de Dante, décédée en 1290, qui prend
le relais, puis saint Bernard
de Clairvaux conduit le poète jusqu'à la vision
béatifique de la Rose céleste,
le trône de Dieu, scène magnifiquement illustrée
par Gustave Doré. La
Rose céleste (gravure de Gustave Doré pour La Divine
Comédie) Éliphas
Lévi, dans son Histoire de la Magie,
écrit à ce propos : « Son
ciel se compose d'une
série de cercles Kabbalistiques, divisés par une croix
comme le pentacle
d'Ézéchiel ; au centre de cette croix fleurit une
Rose, et nous voyons
apparaître, pour la première fois, exposé
publiquement et presque
catégoriquement expliqué, le symbole des
Rose-Croix. » Dès le
début de l'œuvre, Dante prévient ses
lecteurs : « Ô
vous qui avez la saine intelligence, Regardez
la doctrine qui se cache Sous
le voile des vers étranges. » Dante, La
Divine
Comédie - L'Enfer, IX, 61-63 Le long
poème aurait donc plusieurs sens. Sens
des nombres d'abord, car toute l'œuvre est rythmée par les
principes de la
triade et de l'ennéade. Sens des mots ensuite. Quand Dante
écrit : « Voici
la Rose en qui l'homme-Dieu voulut naître », il
faut comprendre
d'abord que cette Rose mystique est la sainte Vierge Marie, puisqu'elle
est
ainsi nommée dans les Litanies. Ensuite, dans un sens
plus fin, la Rose
symbolise la Noble Dame, la femme éthérée,
l'intelligence transcendée. Il
y aurait beaucoup à dire sur ce livre magistral
qu'est La Divine Comédie, qui inspira d'autres
récits comparables, comme Le songe de Poliphile ou Les
noces chymiques de
Christian Rosencreutz. La
Rose mystique Maintenant
nous allons nous intéresser à une
autre œuvre de Dante Alighieri, écrite vers 1292, La vita
nuova, dans
laquelle il racontait ses jeunes années, ses rencontres avec sa
Béatrice, et la
mort prématurée de la belle, à l'âge de 24
ans, qui le laissa inconsolable.
C'est dans ce livre que Dante évoque, par deux fois, ceux qui se
nommaient
entre eux « les Fidèles d'Amour ». Ils
étaient les adeptes d'une
société initiatique née au XIIIe
siècle, la Fede Santa, probablement
créée par l'empereur Frédéric II
lui-même, dans laquelle Dante avait été
introduit par son ami Guido Cavalcanti. Voici le premier passage en
question,
au début du livre : « Ce
sonnet a deux parties
principales. Dans la première, je fais un appel aux
fidèles d'Amour par ces
paroles du prophète Jérémie : O vos
ommnes qui transitis per viam, attendite
et videte si est dolor sicut dolor meus, et les prie de me
permettre de
parler. » Ainsi Dante
fait un appel aux Fidèles d'Amour et
les prie de lui permettre de parler, en d'autres termes il leur demande
l'autorisation d'aller plus loin. Pour argumenter cette supplique, il
fait
référence à la fois à la première
partie d'un sonnet qui suit, et au prophète
Jérémie dont il cite un verset en latin. Voici d'abord
les deux vers du sonnet
auquel le poète fait allusion : « Venez,
ô cœurs sensibles ! Car
la
pitié demande entendre mes soupirs. » Et le verset
du prophète, extrait des Lamentations
de Jérémie (1, 12) : « O
vous tous qui passez par le chemin, Les deux
phrases signifient à-peu-près la même
chose. Dante prend à témoin les Fidèles d'Amour en
évoquant sa douleur d'avoir
perdu Béatrice, la Dame de ses pensées. Les
spécialistes de Dante se demandent
si c'est vraiment Béatrice que pleure le poète, alors
qu'il ne l'a vue que deux
fois, ou s'il n'a pas personnifié en Béatrice la Rose
mystique des Fidèles
d'Amour, la Femme, l'Intelligence. Portrait
imaginaire de Béatrice (1895) La seconde
évocation des Fidèles d'Amour se fait
quasiment dans les mêmes termes que la première : « Je
terminai donc le sonnet
suivant, qui commence : Venite a 'intender li sospiri miei.
Ce
sonnet a deux parties. Dans la première, j'appelle les
fidèles d'amour afin
qu'ils m'écoutent ; dans la seconde, je fais le
récit de ma déplorable
situation. » Suit le
début du sonnet : « O
vous qui parcourez le chemin d'Amour ! Cette seconde
référence aux Fidèles d'Amour
paraît n'être qu'une redondance de la première, mais
puisqu'elle est placée
vers la fin du livre elle se présente en fait plutôt comme
un remerciement. Selon
René Guénon, qui consacra un livre entier à
l'ésotérisme de Dante, au musée de Vienne se
trouverait une médaille
représentant Dante et portant au revers les lettres
F.S.K.I.P.F.T. Guénon pense
que les trois premières lettres F.S.K. signifient Fidei
Sanctæ Kadosch,
soit « Kadosch de la Fede Santa ». Kadosch est un
mot hébreu
signifiant « saint - consacré », qui s'est
conservé dans les hauts
grades de la Franc-Maçonnerie. Quant aux lettres finales F.T.,
elles
signifieraient Frater Templarius. Pour René
Guénon, la Fede Santa était
un tiers-ordre de la filiation templière, et Dante en aurait
été l'un des
chefs. Laissons
encore à René Guénon, et à son livre L'ésotérisme
de Dante, le soin de conclure ce sujet : « La
Fede Santa, au temps de
Dante, présentait certaines analogies avec ce qui fut plus tard
la Fraternité
des Rose-Croix, si même celle-ci ne fut pas plus ou moins
dérivée de
celle-là. » JEAN
TRITHÈME Johannes von
Heidenberg est né en 1462 à
Trittenheim dans la région de Trèves (Allemagne),
d'où son pseudonyme de
Trithemius, devenu Trithème en français. À
l'âge de 20 ans il entra chez les
Bénédictins en l'abbaye de Sponheim, près de
Mayence. Élu abbé en 1483, il
entreprit de rénover l'abbaye et d'en faire un lieu
d'études, en enrichissant
considérablement sa bibliothèque. L'abbé
Trithème écrivit plusieurs ouvrages,
le plus connu étant sa Stéganographie, qu'il
composa à partir de 1499.
C'était en apparence un traité de cryptographie, mais on
le soupçonna d'y avoir
caché un manuel de sorcellerie et il dut s'en expliquer. En
1505, profitant de
son absence, les moines brûlèrent sa bibliothèque
qu'ils considéraient comme
magique. Jean Trithème ne revint pas dans son abbaye, acceptant
de devenir le
supérieur de l'abbaye de Würtzbourg, où il resta
jusqu'à sa mort en 1516, non
sans avoir écrit d'autres livres et tout en continuant à
s'intéresser à
l'hermétisme. Il eut comme disciple Cornelius Agrippa, et
influença grandement
Paracelse. Jean Trithème est considéré comme le
père spirituel de la Fraternité
de la Rose-Croix. Portrait
de Jean Trithème LUTHER ET LA
RÉFORME Martin Luther
est né en Allemagne en novembre
1483. Grâce aux indications de la Confessio Fraternitatis,
on peut
déduire que l'ouverture du tombeau de Christian Rosencreutz eut
lieu en 1604,
120 ans après sa mort, ce qui place son décès en
1484, soit très peu de temps
après la naissance de Luther, et c'est évidemment un
intersigne à ne pas
négliger, quand on se souvient que sa naissance en 1378
coïncidait avec le
Grand Schisme d'Occident. Robert Ambellain n'a-t-il pas
écrit : « la
réforme fut avant tout un mouvement rosicrucien »
(dans son livre Templiers
et Rose-Croix, 1955). On trouve en effet dans la Fama
Fraternitatis
plusieurs évocations d'une réforme nécessaire,
à commencer par l'avant- titre
du livre qui est Réforme du vaste monde tout entier. D'abord moine
de l'ordre des Augustins, Luther
s'opposa à la papauté en contestant la vente des
indulgences par le Vatican, le
célibat des prêtres, le culte de la Vierge et des saints.
Le pape Léon X
riposta en le frappant d'excommunication. Luther répondit en
brûlant en place
publique la bulle papale, en 1520. Puis il entreprit de prêcher
la réforme de
l'Église à travers toute l'Allemagne, et jeta les bases
de la religion
protestante, ce qui devait être à l'origine des guerres de
religion en France
de 1562 à 1598. Il mourut en 1546. L'emblème
de Luther, ornant ses écrits, était une
croix noire sur un cœur au naturel, c'est-à-dire rouge, le tout
posé au centre
d'une rose blanche à 5 pétales. Rappelons que rose
blanche et quinte (les 5
pétales) sont d'autres manières de désigner le
parti des Gibelins, favorables à
la Réforme, ou tout au moins bienveillants à son
égard. Emblème
de Luther PARACELSE, LE
MAGE REBELLE Philippe
Théophraste Bombast von Hohenheim, dit
Paracelse, est né en 1493 en Suisse. Humaniste non-conformiste,
il fut à la
fois médecin, géologue, alchimiste, astrologue, devin,
grand voyageur et grand
découvreur. On lui doit de nombreuses avancées
scientifiques toujours
d'actualité, comme les bases de l'homéopathie. Il est
décédé en 1541. Ce fut
surtout un rebelle, prônant le panthéisme d'un esprit
universel, rejetant
catholicisme et réforme, en renvoyant dos à dos Luther et
le pape, qu'il
considérait comme « deux putains qui se disputent la
même chemise ».
Tout cela lui valut évidemment quelques solides
inimitiés. Portrait
considéré comme étant celui de Paracelse Lorsque la Fama
Fraternitatis raconte la
vie imaginaire de Christian Rosencreutz, elle y intègre un seul
personnage
réel, et il s'agit de Paracelse : « Plus
tard, par sa vocation, Theophrastus ( Paracelse) lut
le livre M et en tira des connaissances qui le rendirent
célèbre en Europe par
ses guérisons. » Puis dans
l'épisode de la découverte du tombeau de Christian
Rosencreutz : « Chaque
côté du tombeau possédait une porte qui donnait
accès à un coffre contenant des choses diverses et
variées, particulièrement
tous les livres que nous possédions déjà dont le Vocabulaire
de
Théophraste Bombast de Honhenheim... » Il faut
cependant remarquer que Christian Rosencreutz étant
décédé
en 1484, et Paracelse étant né en 1493, le tombeau ne
pouvait donc pas contenir
ses livres. L'anachronisme confirme que l'histoire de Christian
Rosencreutz
n'est qu'une allégorie, et que les événements
qu'elle raconte concernent en
réalité la période fin XVIe –
début XVIIe siècles. Les
Rose-Croix considéraient implicitement Paracelse comme un des
leurs, même s'il
a vécu avant la création de la Fraternité, si tant
est que celle-ci soit bien
née en 1604. Disons que Paracelse fut certainement un de ceux
qui posèrent les
premières pierres de la Rose-Croix. C'est d'ailleurs ce qui
transparaît de l'un
de ses livres les plus étonnants, Pronostication,
dans lequel il prophétise la vie future avec une certaine
clairvoyance. On y
trouve ce passage : « Triste
époque que la nôtre où tout se fait à
contre-temps.
Mais toi qui a bâti sur la bonne pierre, il ne t'arrivera que du
bien et tous
les hommes crieront au prodige. Qui donc doit venir ainsi ? C'est
lui,
l'Esprit radiant de la Rose-Croix, c'est Élie
Artiste. » Ces mots ont
été écrits vers 1530, presque un siècle
avant la
parution des trois manifestes de la Rose-Croix. Mais la plus grande
interrogation des spécialistes, c'est au sujet de cet
Élie Artiste (Elias
Artista en latin) qui doit venir. Qui est Élie Artiste ?
Pour les uns,
c'est le prophète Élie, dont le retour est
prophétisé par la Bible. Pour
d'autres Élie Artiste est un concept, qu'ils font dériver
de mots hébreux ou
grecs. La question divise encore et n'est pas prête d'être
résolue. JOHN
DEE, LES ANGES ET LE CALENDRIER Ce
célèbre savant anglais est né en 1527. Ce fut un
scientifique de renom, à une
époque où l'on commençait juste à
séparer les sciences de la magie. Mais en
réalité John Dee s'intéressa aux deux. Sur la fin
de sa vie, entre 1581 et
1607, il entreprit de communiquer avec les anges, en employant un
médium
réputé, Edward Kelley. Celui-ci fixait une boule de
cristal et dictait ce qu'il
percevait à John Dee, qui le transcrivait. Les anges lui
auraient en
particulier transmis un alphabet occulte, que John Dee nomma
« écriture
des anges », et qui plus tard reçut l'appellation
« alphabet
énochien ». Pendant cette période John Dee
voyagea en Europe continentale,
et rencontra diverses personnalités, qu'il tenta de
convaincre : entre
autres l'empereur germanique Rodolphe II, à qui il fit don du
célèbre et
étrange « Manuscrit Voynich ». John Dee
aurait alors été approché par
des membres de la Rose-Croix. Il fit partie, avec son ami et disciple
Francis
Bacon, de ceux qui introduisirent le rosicrucianisme en Angleterre. Portrait de
John Dee Parallèlement,
dès 1560 John Dee s'intéressa au problème
posé par le calendrier julien.
Celui-ci avait été établi par Jules César
en 45 avant Jésus-Christ. C'était une
première ébauche de notre calendrier actuel, puisqu' il
comptait 365 jours
répartis en 12 mois. Comme l’année solaire était
de 365 jours et 6 heures, pour
compenser on rajoutait un jour à l’année tous les quatre
ans, les fameuses
années bissextiles. Mais en réalité l’année
solaire dure quelques minutes de
moins. En plus de quinze siècles, ces minutes s’étaient
transformées en jours.
Pour remédier à ce problème, il fallait gommer le
retard accumulé en supprimant
une dizaine de jours. John Dee multiplia les interventions sur ce
thème ;
son but annexe était aussi de mettre en difficulté la
papauté, et à une époque
où les guerres de religion faisaient rage en France. Il fit si
bien que le
Vatican se saisit du problème. Il faut dire que le
Saint-Siège avait déjà à
gérer la décision française de faire commencer
l'année au 1er
janvier (Édit de Roussillon, 1564), problème qui n'avait
pas encore été réglé
et qui de fait fut renvoyé sine die (il faudra attendre
1622 pour que
l'édit soit étendu à l'ensemble du monde
catholique). Il
revient au pape Grégoire XIII d’avoir pris la décision
officielle, par la bulle Inter gravissimas
délivrée en 1582,
d’adopter le nouveau calendrier, dit
grégorien. Bulle et calendrier
furent
diffusés dans tous les pays d’Europe, des émissaires
ayant la charge de les
présenter aux souverains. On pense que, partout en Europe, des
Rose-Croix
agirent pour que le calendrier grégorien fût
adopté. En France, alors que le
roi Henri III ne se pressait pas pour appliquer la bulle papale, le
nouveau
calendrier fut néanmoins imprimé par Jacques Kerver, qui
presque 40 ans plus
tôt, en 1546, avait imprimé la version française du
Songe de Poliphile.
Comme Henri III traînait toujours des pieds pour
décréter l'application du
calendrier, il fallut l'intervention d'un certain Paul de Foix (1528 –
1584),
archevêque de Toulouse et ambassadeur du roi de France
auprès du pape. C’est un
personnage qui fut à plusieurs reprises suspecté de
bienveillance, pour ne pas
dire plus, envers la religion réformée.
Protégé par la reine mère Catherine de
Médicis, il avait été lavé de tout
soupçon. Paul de Foix écrivit plusieurs
lettres au roi Henri III, tellement convaincantes que le calendrier
grégorien
fut adopté en France à la fin de l'année 1583. Page de titre
de l'ouvrage
regroupant toutes les lettres de Paul de Foix John
Dee devait mourir en 1609. Son glyphe était un dessin
réunissant plusieurs
symboles astronomiques. De haut en bas : le croissant de lune, un
cercle
(le disque du soleil), une croix qui avec le cercle forme le signe de
Vénus –
la superposition des trois symboles formant le signe de Mercure – et
les cornes
du signe du Bélier. C'est ce même dessin qui figure dans Les
noces chymiques,
où il est présenté comme le signe fermant la
lettre reçue par Christian
Rosencreutz. Johann Valentin Andreæ s'étant inspiré
de sa propre vie pour
écrire ce livre, il devait se référer pour ce
détail à un courrier qu'il dut
recevoir, émanant de John Dee. Ce qui voudrait dire que ces
deux-là étaient en
relation. À moins qu'il n'y ait eu, dans l'ombre de
« l'homme du
silence » Johann Valentin Andreæ, et peut-être
même à sa place, un autre
personnage proche de John Dee ? Le glyphe de
John Dee (à gauche) LA NAOMÉTRIE DE
SIMON STUDION En
1604, année désignée comme date de fondation de la
Fraternité de la Rose-Croix,
parut en Allemagne un étrange livre titré Naométrie,
néologisme pouvant
signifier : « l'art de mesurer le temple ».
C'est un ouvrage de
calculs cycliques, dont le manuscrit original est conservé par
la bibliothèque
de Stuttgart. Sa page de garde s'orne de la formule In
cruciferæ MILITIÆ
Evangelicæ gratiam, ce que l'on peut traduire par
« pour complaire à
la Milice Évangélique crucifère ».
L'auteur Simon Studion est né en 1543 à
Urach. Il fit ses études à l'université de
Tübingen, véritable pépinière
ésotérique, où l'on retrouvera un peu plus tard
Johann Valentin Andreæ,
l'auteur des trois manifestes Rose-Croix. Alors que celui-ci venait au
monde,
en 1586, une importante réunion secrète se tenait
à Lünebourg, rassemblant plusieurs
princes protestants allemands, des représentants d'Henri de
Navarre, futur
Henri IV mais pour l'heure encore protestant, du roi du Danemark et de
la reine
d'Angleterre Élisabeth Ière, qui avait
imposé à son pays le protestantisme comme religion
officielle. Cette
assemblée avait pour objectif de créer une union
destinée à contrecarrer les
impérialismes catholiques, sous le nom de « Milice
évangélique
crucifère ». La « ville de la
Lune » fut bien choisie pour la
création de ce cénacle ultra protestant, tout droit issu
du Parti Lunaire. Page de garde
du manuscrit de la
Naométrie de Simon Studion La
Milice aimant les enseignements occultes, se préoccupant du
retour du Christ et
du troisième Élie, le fameux Élie artiste
prédit par Paracelse. Pourquoi
« troisième »
Élie ? En fait le prophète Élie, qui fut
enlevé dans un char de feu, est
déjà revenu une fois en la personne de Jean Baptiste, et
l'on attendait – on
l'attend toujours – sa troisième apparition, annoncée par
la Bible. La Milice
Évangélique crucifère peut être
considérée comme l'une des prémices de la
Rose-Croix. Lorsque la Naométrie de Simon Studion fit
son entrée dans la
bibliothèque de l'université de Tübingen, cela eut
pour effet la création
d'une «Société Naometrica», composée
de
Tobias Hess, spécialiste de la Bible et de la Kabbale, et de
Johann Valentin
Andreæ. Il n'est pas impossible que ce soit ce cénacle qui
ait donné naissance
à la Rose-Croix. FRANCIS
BACON, L'HOMME DE L'OMBRE Ce
scientifique et philosophe est né
à Londres en 1561. Après de brillantes études
à Cambridge, dans sa jeunesse il
accompagna l'ambassadeur d'Angleterre en France et fut reçu
à la cour de Henri
III. Il y rencontra Marguerite de Valois, la sulfureuse épouse
d'Henri de
Navarre futur Henri IV. On dit qu'il en tomba amoureux et qu'il la
suivit
jusqu'à Nérac en Navarre lorsqu'elle y rejoignit un temps
son époux protestant.
Francis Bacon rentra en Angleterre à la mort de son père.
Il se fit avocat,
puis devint membre de la Chambre des Communes en 1592. Après la
mort de la
reine Élisabeth Ière en 1603, le nouveau roi
Jacques Ier
nomma Bacon à plusieurs postes successifs, jusqu'à en
faire le Grand Chancelier
d'Angleterre en 1617. Il le nomma également baron de Verulam et
vicomte de
Saint Albans, localité où il avait sa demeure familiale,
et dont l'auberge
était le siège d'une loge rosicrucienne. Francis Bacon
consacra la fin de sa
vie à la philosophie. On lui doit de nombreux ouvrages
scientifiques et
philosophiques. Il décéda en 1626. Portrait
de Francis Bacon De
nombreuses zones d'ombre
persistent dans la vie et la personnalité de Francis Bacon,
à commencer par ses
origines. Il était officiellement le fils du garde des sceaux
Nicolas Bacon,
appartenant à la branche anglaise de la famille française
Bascoin de Molay, des
descendants de Jacques de Molay le dernier grand-maître des
Templiers. Le
blason des Bacon, de gueules au chef d'argent chargé de deux
molettes de
sable, reprend les pièces parlantes des Molay (molettes =
Molay). Blason
des Bacon Cependant,
une rumeur affirme que
Francis n'était que le fils adoptif de Nicolas Bacon. Il serait
en réalité un
enfant naturel de la reine Élisateth Ière, qui
aimait se faire
surnommer « la reine vierge », mais qui menait en
réalité une vie
dissolue et avait de nombreux amants. C'est sa dame d'honneur,
épouse de
Nicolas Bacon, qui, venant d'accoucher d'un bébé
mort-né, aurait débarrassé la
reine de cet enfant malvenu, et l'aurait fait passer pour le sien. Francis
Bacon fut initié à la
cryptographie, lors de son séjour en France, par Blaise de
Vigenère, digne
successeur de l'abbé Trithème. Bacon mit au point un
procédé cryptographique
fort complexe, cachant dans ses ouvrages tout un message secret, qui
délivrerait une véritable confession. Ces messages bien
cachés révéleraient que
Francis Bacon était l'auteur véritable des pièces
de Shakespeare, rien de
moins. Cette théorie a ses partisans et ses détracteurs. Un
étrange ouvrage, publié en 1624 en
Allemagne, semble cependant le confirmer. Il s'agit du livre
titré Cryptomenytice,
écrit par un certain Gustavus Selenus. Sous ce pseudonyme se
cachait en réalité
Auguste II de Lünebourg (1579 – 1666), duc de Brunswick,
créateur de la
bibliothèque de Wolfenbüttel (1644). Il avait pris ce nom,
composé de Gustavus
anagramme d'Augustus (Auguste) et de Selenus variante grecque de
Lünebourg
(Séléné déesse de la Lune). Cet ouvrage de
cryptographie était dédié à Jean
Trithème auteur de la Stéganographie. Le
frontispice du livre est
composé de vignettes, dont l'une montre Francis Bacon,
reconnaissable à son
célèbre et haut chapeau, échangeant un manuscrit
avec un homme brandissant une
lance. Or en anglais, to shake (agiter) et spear
(lance) donnent
le nom Shakespeare, famille dont le blason s'ornait
précisément d'une lance en
pièce parlante. Gravure
en frontispice du livre de Gustavus Selenus Francis
Bacon aurait pris une part
importante dans la préparation, voire l'écriture, du
livre curieux de Gustavus
Selenus alias Auguste de Lünebourg. Lünebourg, la
« ville de la
Lune », faut-il le rappeler, fut en 1586 le siège de
la réunion fondant la
Milice Évangélique crucifère à qui Simon
Studion dédia sa Naométrie.
D'aucuns ont vu en Francis Bacon le F.B.M.P.A. désigné
par la Fama
Fraternitatis, lettres qui signifieraient « Francis
Bacon Maître de la
Province d'Angleterre ». Mais la succession de Christian
Rosencreutz se
situant à la fin du XVe siècle, il faudrait
admettre que sa
désignation à ce poste ait été
annoncée plus d'un siècle en avance. Ou alors,
comme nous l'avons vu dans la 1ère partie de ce
dossier, ce passage
de la Fama Fraternitatis concernait plutôt le
début du XVIIe
siècle. Le
décès de Francis Bacon en 1626 fit
également l'objet de diverses rumeurs. Pour certains, son
enterrement dans le
cimetière de Saint Albans ne fut qu'un simulacre, et d'aucuns
affirment même
que lorsque l'on rouvrit son tombeau on n'y trouva qu'une figurine de
plomb.
Bacon se serait retiré secrètement en Allemagne, et y
aurait vécu jusqu'en 1668
à l'âge de 107 ans, ce qui accrédite une fois de
plus le mythe de la longévité
exceptionnelle des Rose-Croix. Mieux
encore : selon quelques
auteurs, dont Gil Alonso-Mier, principal artisan de la
récente trilogie L'héritage de Christian
Rosencreutz (éditions Arqa), Francis Bacon serait le
véritable auteur des
trois ouvrages fondamentaux de la Rose-Croix, attribués à
Johann Valentin Andreæ.
En fait, le jeune Andreæ aurait été le
prête-nom de Bacon, de 25 ans son aîné,
ce qui expliquerait le caractère mûr de ces écrits,
et la maîtrise de
l'alchimie, des traits souvent contestés pour un auteur de 18
ans, âge qu'avait
Andreæ en 1604 lorsqu'il aurait rédigé Les
Noces chymiques. Ainsi
Francis Bacon serait le véritable père de la
Fraternité de la Rose-Croix. Gil
Alonso-Mier explique en préambule que, selon Sperberg, la Fama
Fraternitatis aurait déjà existé 19 ans avant sa
publication en 1614, soit en 1595, et à cette date-là
Andreæ n'avait que 9 ans : « C'est
donc très suspect de
lui attribuer la paternité de la Fama Fraternitatis et
des autres
manuscrits rosicruciens ! Il faut se souvenir qu'Andreæ
considérait toute
l'affaire des Rose-Croix comme un ''ludibrium'' ou comme un jeu
ou farce
si l'on préfère. Il semble que l'on se soit servi non
seulement de son identité
mais aussi de son propre visage et peut-être avec son
consentement de jeune
lettré ! » Puis
le chercheur poursuit : « Sur
l'un des plus célèbres
portraits d'Andreæ – mais représentant selon nous Bacon –
exécuté vers 1650 par
un graveur allemand d'Augsbourg, nommé Melchior Küssel
(1626 – 1684), on peut
voir plusieurs blasons dont celui de Roslin « la ligne
des roses ».
On trouve aussi les lettres F et B qui sont les
initiales de
Francis Bacon. Le nom même d'Andreæ évoque le
premier Apôtre martyr, le Saint
patron de l'Écosse. Nous rappellerons ici que Saint Albans, lieu
de l'antique Verulamia
où résidait Bacon – à Gorhambury très
exactement – avait pour blason une Croix
de Saint-André et que ce lieu fut le théâtre de
deux guerres des deux roses,
ce qui nous donne quatre roses. » Portrait de
Johann Valentin Andreæ
par Melchior Küssel CAMPANELLA ET LA
CITÉ DU SOLEIL Tommaso
Campanella est né en 1568 en Sicile. Moine Dominicain, il
s'est intéressé à la philosophie politique, mais
les théories naturalistes de
ses premiers écrits l'ont fait condamner pour
hérésie en 1602. Sa détention
dura 27 ans, pendant lesquels il écrivit plusieurs livres, dont
son ouvrage le
plus connu est une utopie décrivant une ville idéale, La
Cité du Soleil,
publiée en 1623. Sous ce titre qui peut paraître banal, se
cache peut-être une
évocation de la Fraternité de la Rose-Croix. Ses adeptes
la désignaient en
effet entre eux sous le nom de Cité du Soleil. Libéré
en 1629, Campanella resta quelques années en Italie en
liberté surveillée, puis il finit par se réfugier
en France en 1634. Il devint
l'ami de Nicolas Fabri de Peiresc, avec qui il entretint une
correspondance
suivie, en même temps – le fait est à noter, sans en tirer
de conclusions – que
le prieur Chartreux Dom Polycarpe de la Rivière. Campanella
mourut à Paris en
1639. MICHAEL MAIER Ce
médecin allemand est né en 1569 à Kiel. Il
reçut une éducation humaniste, et entreprit des
études à l'université de
Rostock, qu'il poursuivit à celle de Francfort-sur-l'Oder. Il
obtint son
doctorat de médecine en 1596, et commença à
s'intéresser à l'alchimie. Entre 1612
et 1616 il résida en Angleterre, et rencontra Robert Fludd. En
1617, rentré en
Allemagne, il devint le médecin du prince de Nassau, et publia l'Atalanta
fugiens (L'Atalante fugitive), un livre d'emblèmes
alchimiques considéré
comme un modèle du genre. Portrait
de Michael Maier Après
la publication des trois manifestes de la
Rose-Croix, Michael Maier devint leur ardent défenseur, publiant
en 1618 Themis
aurea. On peut y voir un symbole acrostiche formé d'une
lettre centrale qui
est à la fois un M, un V et un I, autour duquel s'accrochent des
lettres AERC
en haut (le A et le E étant accolés, et le C étant
la continuation de la jambe
du R), et CSO en bas. Avec toutes ces lettres on peut former son nom
MAIER, et
les mots ROSÆ CRVCIS, ce qui semble signer son appartenance
à la Fraternité.
Michael Maier mourut en 1622. Symbole
rosicrucien de Michael Maier ROBERT FLUDD Né en
1574 dans le Kent, l'humaniste anglais Robert Fludd fut un
ardent défenseur des Frères de la Rose-Croix, qu'il avait
probablement
fréquentés en Allemagne durant le voyage de six ans qu'il
entreprit dans sa
jeunesse. Médecin de profession, il fut également
physicien, alchimiste et
astrologue, sur le modèle de Paracelse dont il appliquait les
théories. On lui
doit également de nombreuses avancées dans le domaine
médical, en particulier
il fut le premier à pressentir la circulation du sang. Fludd
comme Paracelse
pratiquait les guérisons à distance, grâce à
un procédé qu'il nommait
« onguent de sympathie », lequel n'est sans doute
pas sans rapport
avec la « poudre de sympathie » décrite
par le Petit Albert. Portrait de
Robert Fludd Après la
publication des textes fondamentaux de la Rose-Croix,
l'existence de la Fraternité étant mise en doute, ou
accusée de tous les maux,
Robert Fludd entreprit de la défendre avec fougue dans un
traité en trois
parties, le Tractatus
Apolegeticus integritatem Societatis de Rosæ Cruce defendens. Dans
cet
ouvrage, Fludd explique en préambule : « En
effet celui qui feuillettera
avec attention ce traité comprendra que c’est pour
défendre son plein droit que
cette Fraternité a dû tirer les flèches de son
carquois contre les
malveillantes calomnies, et contre les accusations de sédition,
d’exorcismes et
d’hérésie, et c’est la raison pour laquelle elle a fait
éditer sa Confessio. » Puis
il se lance dans un exposé de
toutes les connaissances – certaines extraordinaires – acquises par les
Frères,
telles que les calculs astrologiques, la télépathie, les
secrets de la nature,
etc. Puis il conclut : « Tout
cela, nous l’avons
réellement expérimenté par nous-même
(bienveillant lecteur) et mis par écrit,
et nous pourrions t’en laisser voir bien plus encore pour
témoigner que les
propositions qu’a fait connaître au monde la Fraternité
R.C. méritent les plus
grands éloges. Ces Frères n’ont pas hésité
à observer la nature mise à nu d’un
œil attentif, ils ont lu le Grand Livre universel de la Nature et ont
compris
ses symboles secrets. » En 1628 à
Londres, un émissaire anonyme mandaté par la
Fraternité
de la Rose-Croix aurait adressé un mémoire au roi Charles
Ier. Ce
document, dit-on, conseillait de supprimer la papauté pour
établir un
christianisme universel. La rumeur dit encore que ce mémoire
était accompagné,
pour le rendre plus crédible, d'une somme de 3 millions de
livres offerte au
Trésor royal par la Fraternité de la Rose-Croix. Pour
certains, cet émissaire
n'était autre que Robert Fludd, mais toute cette histoire reste
sans doute à
prouver. Robert Fludd
avait un disciple touche-à-tout nommé Élias
Ashmole
(1617 - 1692), Rose-Croix comme son maître. Après le
décès de Fludd en 1637 à
Londres, Ashmole fut « accepté » en 1646
dans une loge maçonnique. Il
fut d'ailleurs l'un des tout premiers francs-maçons
spéculatifs d'Angleterre. Six
ans plus tard en 1652 il publia le Theatrum Chemicum Britannicum,
un
ouvrage regroupant plusieurs traités d'alchimie, dans lequel il
se référait à
la Fama Fraternitatis pour démontrer l'importance de
l'alchimie en
Angleterre. Élias Ashmole a participé à la
création de la Royal Society. Après
sa mort, on trouva dans ses papiers un exemplaire de la Fama
Fraternitatis
et de la Confessio Fraternitatis, ainsi que de nombreuses notes
et
correspondances qui ont contribué à écrire
l'histoire de la Franc-Maçonnerie
anglaise. Portrait
d'Élias Ashmole ROSE-CROIX ET
FRANC-MAÇONNERIE Comme
Élias Ashmole, de nombreux Rose-Croix sont entrés en
Franc-Maçonnerie lorsqu'elle devint purement spéculative.
Il faut rappeler que
les origines de cette fraternité remontent au
Moyen-Âge ; elle était alors
purement opérative, c'était une corporation de
métiers, regroupant sur les
chantiers des grandes cathédrales les tailleurs de pierre, les
maçons, libres
ou « francs ». À la Renaissance, la
Franc-Maçonnerie a commencé à
évoluer vers une version spéculative, qui pratiqua
« l'acceptation »,
c'est-à-dire l'admission de personnes étrangères
aux métiers du bâtiment. Ce
virage s'opéra principalement en Angleterre, sur un terreau
préparé par
l'apparition du rosicrucianisme au siècle
précédent. Le 24 juin 1717, jour de
la Saint-Jean Baptiste, les quatre loges existantes à Londres
ont décidé de
fusionner en une seule Loge d'Angleterre, qui adopta son premier
règlement, les
Constitutions d'Anderson, le 17 janvier 1723. Très rapidement,
la Franc-Maçonnerie
s'implanta en France. Dès 1747, fut attestée l'existence
d'un grade de
Chevalier Rose-Croix, constituant le 18e degré du
Rite Écossais
Ancien et Accepté, et le 7e et dernier degré
du Rite Français.
Tablier
maçonnique du grade
Chevalier Rose-Croix Dans son livre Ordre
chapitral – nouveau grade de Rose-Croix
(1860) Jean-Marie Ragon prétend que les Jésuites ont
d'abord tenté d'infiltrer
la Fraternité de la Rose-Croix. Puis, observant la montée
en puissance de la
Franc-Maçonnerie, ils auraient décidé d'orienter
leurs efforts dans cette
direction. L'auteur explique : « Ils
résolurent de s'en emparer, la jugeant éminemment
propre à servir leur dessein secret d'arriver à la
domination universelle, sous
le voile de l'ordre du Temple, dont ils auraient
récupéré les biens, en y
intéressant les maçons initiés à leur plan
[…] Mais, pour atteindre ce but si
désiré, il devenait indispensable de leur inculquer la
même foi religieuse, et
l'on imagina d'inventer le grade de Rose-Croix […] Rose-Croix
ayant
signifié faiseur d'or, les Jésuites, pour
s'attirer des partisans, à une
époque où l'alchimie était en vogue,
donnèrent ce nom à leur maçonnerie
chrétienne » Chevalier
Rose-Croix est en effet un grade purement chrétien. Les
tabliers et bijoux propres à ce grade se déclinent en
différents modèles, mais
tous ont principalement pour décor la croix, et le
pélican se perçant la
poitrine pour nourrir ses petits, symboles universels du Christ qui se
sacrifie
pour sauver les hommes. Certains maçons tentèrent
d'ailleurs de déchristianiser
ce grade, en prônant une analyse philosophique de son symbolisme.
Bijou
maçonnique du grade Chevalier
Rose-Croix MONTFAUCON DE
VILLARS Après
avoir évoqué les Rose-Croix célèbres
essentiellement
allemands ou anglais, arrivons en France, où la
Fraternité de la Rose-Croix
s'était manifestée publiquement par les affiches
apposées à Paris en 1623 (voir
la 1ère partie de ce dossier). En 1670 parut un livre
qui connut
rapidement un grand succès, Le comte de Gabalis. Son
auteur était
Pierre-Henri de Montfaucon de Villars, un gentilhomme originaire
d'Alet-les-Bains dans la haute vallée de l'Aude, où il
naquit en 1635. Ce
personnage curieux arriva à Paris à l'âge de 25
ans, fuyant apparemment une
condamnation prononcée dans sa région natale. Il
fréquenta les milieux
libertaires, avant de publier anonymement l'ouvrage qui l'a rendu
célèbre, car
l'identité de l'auteur fut rapidement
révélée. Le comte de
Gabalis est ce que l'on
nommerait aujourd'hui une œuvre de fiction, rédigée par
le narrateur qui
rapporte les entretiens qu'il aurait eus avec son ami, ledit comte de
Gabalis,
personnage féru d'occultisme. Le nom Gabalis évoque la
Cabale ou Kabbale, c'est
aussi dans les écrits de Paracelse le nom de l'énergie
fondamentale dirigeant
l'univers. Gabalis tente d'initier le narrateur en lui faisant
entrevoir un
monde peuplé d'esprits élémentaires, gnomes,
sylphes, salamandres, ondines,
tout en prônant une philosophie élitiste qui n'est pas
sans faire penser aux
principes rosicruciens d'un collège de Supérieurs
Inconnus. Vraisemblablement,
Montfaucon de Villars avait approché les
Rose-Croix lorsqu'il fréquentait les milieux où l'on
professait la liberté de
pensée, ce qui était aussi la philosophie rosicrucienne.
Certains ont même
affirmé, en mettant en parallèle le destin du
héros du livre et celui de son
créateur, que l'auteur du Comte de Gabalis aurait
révélé dans son livre
des rituels secrets de la Rose-Croix. L'ouvrage commence par ces
mots : « Devant
Dieu soit l'âme de M. le comte de Gabalis, que l'on
vient de m'écrire qu'il est mort... Ce genre de mort est
ordinaire à ceux qui
ménagent mal les secrets des Sages... Un ange exécuteur
n'a jamais manqué de
tordre promptement le col à tous ceux qui ont
indiscrètement révélé les
Mystères Philosophiques. » Page de garde
du Comte de Gabalis,
édition de 1671 Cinq ans plus
tard, alors que Montfaucon de Villars voyageait en
direction de Lyon, il connut le même sort que son héros,
et fut assassiné sur
la route, près de Mâcon. On ne retrouva jamais l'auteur du
coup mortel. Pour
tout le monde, cette mort fut une vengeance des Rose-Croix, ou des
sylphes dont
l'auteur avait révélé l'existence. Cependant,
quelques années plus tard, on
crut reconnaître Montfaucon de Villars parmi les moines de
l'abbaye trappiste
de Villefranche-sur-Saône. L'auteur aurait – selon une habitude
très
rosicrucienne – simulé sa mort pour revivre longtemps ailleurs. Anatole France
s'est largement inspiré du Comte de Gabalis
pour son étrange roman La rôtisserie de la reine
Pédauque, dont
l'histoire se termine par la mort de l'un des personnages,
frappé sur la route
de Lyon par un mystérieux criminel vengeur. LE
MYSTÉRIEUX COMTE DE SAINT-GERMAIN L'un des
personnages les plus célèbres du rosicrucianisme
français
fut l'énigmatique comte de Saint-Germain. Il est arrivé
en 1743, venant
d'Allemagne. Il paraissait avoir une quarantaine d'années, mais
on ignore tout
de ses origines et de sa date de naissance. Élégant,
séduisant, beau-parleur,
celui qui se faisait appeler comte de Saint-Germain brillait dans les
salons
mondains. Il parlait pas moins de sept langues à la perfection,
à tel point
qu'il était impossible de deviner sa langue natale. On le disait
savant,
magicien, thérapeute, chimiste et alchimiste. Ses dons en
société le firent
rapidement admettre à la cour de Louis XV, où il devint
l'ami du roi. Le comte de
Saint-Germain disparaissait parfois pendant plusieurs
mois. D'aucuns affirmaient l'avoir vu à Vienne, ou à
Venise, ou encore à
Londres, occupé à des projets mirifiques. Il revint
s'installer à Paris en
1750, dans un hôtel particulier avec domestiques, palefreniers et
voituriers.
Il demanda au roi s'il pouvait lui octroyer un lieu suffisamment vaste
et
commode pour qu'il pût y loger avec sa suite et y installer un
laboratoire
d'alchimie, faisant miroiter la fortune qu'il allait pouvoir mettre
bientôt à
sa disposition. Louis XV lui attribua le château de Chambord, qui
était alors
inoccupé. Portrait du
comte de Saint-Germain Le
mystérieux comte résolut un jour une vieille
énigme policière,
celle du procureur Dumas qui avait disparu cinquante ans plus
tôt.
Saint-Germain donna la localisation précise de la cave où
se trouvait le corps
du procureur. Lorsque le roi lui demanda comment il avait résolu
ce mystère,
Saint-Germain aurait répondu : « Sire,
faites-vous Rose-Croix et je
me hâterai de vous le dire ». L'amitié
entre le roi et Saint-Germain déplut au premier ministre,
le comte de Choiseul. Il résolut alors de discréditer le
comte. Il engagea un
vague comédien, un certain Gauve, qui ressemblait au comte, et
qui était doué
pour les imitations. Gauve se fit passer pour Saint-Germain, racontant
dans les
salons des histoires ahurissantes. Mais le subterfuge fut
découvert, et le
comte de Saint-Germain en sortit paré d'un éclat nouveau.
Louis XV l'envoya
secrètement négocier la paix avec l'Angleterre par
l'intermédiaire des
Pays-Bas. Choiseul eut vent de sa présence à Amsterdam,
et comme Saint-Germain
n'était pas en mission officielle, il demanda au roi de le
récuser. Le comte
quitta la France. On le vit un peu partout en Europe. Officiellement il
décéda
en 1784, mais plusieurs personnes affirmèrent l'avoir
rencontré, en divers
lieux, et cela jusqu'en 1830. Le comte de Saint-Germain y gagna une
réputation
d'immortalité. Dans les années 70, un imposteur tenta de
se faire passer pour
lui ; très médiatique, il fut plusieurs fois la
vedette de reportages
télévisés, où il réalisait ce qui
ressemblait à des transmutations alchimiques.
Il devint ensuite le compagnon de la chanteuse Dalida. LES
RÉSURGENCES DE LA ROSE-CROIX La
Fraternité de la Rose-Croix a-t-elle survécu au
Siècle des
Lumières, aux révolutions, aux guerres, au monde
moderne ?
N'existerait-elle pas encore aujourd'hui, dans l'ombre ? Autant de
questions sans réponses. Il est vrai que la Rose-Croix semble
s'être diluée
dans l'histoire avec la fin de l'Ancien Régime. Mais
c'était peut-être pour
mieux revivre ensuite... On trouve aujourd'hui plusieurs sites Internet
expliquant les différents signes permettant de reconnaître
un Rose-Croix.
Essayez, vous verrez bien si vous identifiez quelqu'un... Toujours
est-il qu'à
la fin du XIXe siècle et au début du XXe
on vit fleurir
quantité de sociétés se prévalant de la
Rose-Croix, sans que l'on ait pu
établir clairement une quelconque filiation directe. Faisons un
tour d'horizon
des principales d'entre elles. La « Societas
Rosicruciana in Anglia » fut la
première à se manifester. Elle fut fondée en
Angleterre en 1865 par Robert
Wentworth Little. Elle recruta exclusivement des francs-maçons
au grade de
maître, et se limita à douze douzaines de membres, soit
144 adeptes. Little
s'était porté à la tête de la
société, assisté par Edward Bulwer Lytton. Ce
cénacle était particulièrement
compartimenté, et les membres répartis en neuf
grades. En 1884, les
dirigeants de la Societas Rosicruciana eurent
accès à un manuscrit crypté, qu'ils
déchiffrèrent, donnant l'adresse à Berlin
d'une rosicrucienne nommée Anna Sprengel. Ils entrèrent
en contact avec elle,
et trois ans plus tard elle les autorisa à créer une
branche anglaise de l'ordre
de la Rose-Croix dont elle était membre. Cette histoire reste
cependant en
partie légendaire. Néanmoins à partir de la Societas
Rosicruciana naquit
une société encore plus secrète, la « Golden
Dawn in Outer »,
soit « l'Aube Dorée à
l'Extérieur », dont Samuel Mathers devint le
Grand-Maître. La Golden Dawn prétendait
connaître et maîtriser
l'écriture des anges de John Dee, à laquelle elle
substitua le nom d'alphabet
énochien, en souvenir de la Magie d'Énoch qui se
pratiquait dans les milieux
alchimistes du XVIe siècle. La Golden Dawn se
fondait sur les
théories des kabbalistes chrétiens de la Renaissance,
prônant une alchimie
intérieure mystique, et attira de nombreux francs-maçons,
séduits par des
rituels ésotériques plus approfondis que dans la
maçonnerie traditionnelle. La Golden
Dawn, qui possédait des loges dans divers pays d'Europe,
dont la France,
disparut après la première guerre mondiale. Emblème
de la Golden Dawn En France, les
résurgences rosicruciennes s'éveillèrent avec un
personnage touche-à-tout, Alphonse-Louis Constant, plus connu
sous le
pseudonyme d'Éliphas Levi, qui dirigea la Revue
philosophique et religieuse et
écrivit des ouvrages d'ésotérisme et de magie. Il
avait réuni autour de lui un
cercle de disciples, qui perdura après sa mort en 1875. À
sa suite, de nombreux
groupes occultistes se formèrent dans le Paris de la Belle
Époque. On les vit
fréquentés par des personnalités du monde de
l'hermétisme comme Saint-Yves
d'Alveydre ou Madame Blavatski. C'est alors qu'arriva dans la capitale
le
Docteur Gérard Encausse, plus connu sous le nom de Papus, qui
fréquenta les
milieux européens de l'ésotérisme. Ce Paris
occulte formait alors un véritable
creuset, d'où émergea en 1888 « l'Ordre
Kabbalistique de la
Rose-Croix ». Cette
société fut fondée par un occultiste de premier
plan, le
marquis Stanislas de Guaïta (1861 – 1897). Venu à Paris
depuis sa Lorraine
natale, de Guaïta se lia d'amitié avec plusieurs
écrivains, dont Maurice
Barrès. L'Ordre Kabbaliste de la Rose-Croix était
dirigé par un conseil de
douze membres, dont six devaient rester anonymes. Les six connus
étaient :
Stanislas de Guaïta – Papus – l'abbé Alta, survivant du
cercle d'Éliphas Levi –
Paul Sédir alias Yvon Le Loup, auteur d'une Histoire des
Rose-Croix –
Marc Haven, un occultiste lyonnais, de son vrai nom Emmanuel Lalande,
gendre de
Maître Philippe le célèbre thaumaturge –
Joséphin Péladan. Portrait de
Joséphin Péladan par
Alexandre Séon Mais l'Ordre fut
rapidement déchiré par des querelles internes et
les défections de certains de ses membres : Papus parti en
Russie, et
Péladan qui avait fait sécession. Il fut également
englué, ainsi que son
créateur, dans des faits-divers sordides. C'est ainsi que
Joséphin Péladan fonda, en 1890, « l'Ordre de
la Rose-Croix, du Temple et du Graal », qui fut surtout une
société
spiritualiste et mondaine. Péladan se fit remarquer du
Tout-Paris 1900 pour ses
« Salons Rose-Croix », où exposaient des
peintres symbolistes comme
Jean Delville ou Alexandre Séon, qui brossa un
célèbre portrait du maître. Affiche d'un
Salon Rose-Croix Joséphin
Péladan devait mourir en 1915, intoxiqué par des
huîtres,
et son Ordre disparut avec lui. C'est aux États-Unis que la
Rose-Croix devait
renaître, la même année, sous l'impulsion d'Harvey
Spencer Lewis, un homme d'affaires
américain passionné d'ésotérisme, qui
après un voyage en France sur les traces
des Templiers et du Graal, fonda « l'Ancien et Mystique
Ordre de la
Rose-Croix », plus connu sous le sigle A.M.O.R.C. Affirmant
une origine
égyptienne de la Rose-Croix, l'A.M.O.R.C. use de décors,
d'architectures et
d'emblèmes inspirés de l'Égypte antique. Cette
organisation, qui se défend
d'être une secte, existe encore aujourd'hui et possède des
loges dans le monde
entier. L'emblème
de l'A.M.O.R.C. FULCANELLI
ET LA ROSE-CROIX On
ignore toujours l'identité réelle de celui qui, au
lendemain de la première
guerre mondiale, écrivit deux ouvrages magistraux
consacrés à l'alchimie : Le Mystère des
Cathédrales et Les
Demeures Philosophales. Il faut
observer que chacun de ces titres est constitué de 8 pieds
terminés par une
sonorité en L, ce qui est précisément la
caractéristique d'un « langage
anglé », à décrypter par l'art du
Grimoire ou de la Langue des Oiseaux.
Tel n'est pas notre but. Nous retiendrons simplement que chacun des
deux livres
fait référence à la Fraternité de la
Rose-Croix. Dans Le Mystère des
Cathédrales on trouve cette phrase : « Aussi,
Thomas Corneille ne nous surprend-il pas lorsqu'il
assure qu'on appelait les grands maîtres de la Rose-Croix Frères
de la Rosée-Cuite,
signification qu'ils donnaient eux-mêmes aux initiales de leur
ordre : F.
R. C. » Fulcanelli se
contente de citer un autre auteur, sans plus de
commentaires. Dans son second opus Les Demeures Philosophales,
il donne
cette fois son sentiment personnel : « La
confrérie mystique des Rose-Croix est une fable et rien
de plus. » Mais il ne
s'étend pas plus sur la question, n'apportant aucun
argument pour étayer cette affirmation. Faut-il comprendre qu'il
y aurait une
confrérie mystique des Rose-Croix (celle de Christian
Rosencreutz ?), laquelle ne serait qu'une fable, et une autre
confrérie,
bien réelle celle-là ? C'est d'autant plus curieux,
que par sa préface
Eugène Canseliet nous apprend que Fulcanelli aurait appartenu
aux « Frères
d'Héliopolis ». Eugène Canseliet signe
d'ailleurs sa préface en faisant
suivre son nom des trois lettres F. C. H. qui signifient Frère
Chevalier
d'Héliopolis. Il se disait donc lui aussi membre de cette
fraternité, à qui les
ouvrages de Fulcanelli sont dédiés. Or c'est une
société totalement inconnue,
apparaissant seulement dans les ouvrages de Fulcanelli ou les
écrits d'Eugène
Canseliet, et qui elle semble vraiment être une fable
inventée par ces auteurs.
Mais Héliopolis est un mot grec, qui signifie
« cité du soleil ». Or
nous avons noté, en évoquant l'ouvrage de Campanella
précisément titré ainsi,
que c'était là le nom que les Frères de la
Rose-Croix donnaient entre eux à
leur Fraternité. Ainsi Fulcanelli, tout en affirmant qu'elle
n'était qu'une
fable, dédiait ses ouvrages à la Fraternité de la
Rose-Croix. Nous voici au terme de ce long dossier, en deux parties, consacré à la Rose-Croix. Il est incomplet sans doute, mais un thème aussi vaste et aussi complexe ne peut se résumer en quelques pages. Néanmoins nous pensons que l'essentiel a été dit. À chacun, maintenant, d'approfondir le sujet s'il le désire... Il est possible par exemple de rechercher les allusions à la Rose-Croix dans la littérature, les arts... et même la chanson ! N'oublions jamais ce refrain que tout le monde fredonnait à la fin des années 60, le poème de Louis Amade mis en musique et interprété par Gilbert Bécaud :
« L'important, c'est la rose crois-moi... » |
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