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Le Château de Saint-Priest-en-Jarez







Présenté par
Patrick Berlier








Avril
2021


SAINT-PRIEST-EN-JAREZ

 

La commune de Saint-Priest-en-Jarez est située au nord de Saint-Étienne. En divers points de la ville on aperçoit sa colline arrondie caractéristique, le Crêt, et son vieux bourg aux allures de village perché provençal. Primitivement implanté au sommet, son habitat s'est ensuite étendu d'abord sur un replat côté sud, puis sur la totalité des flancs sud, est et ouest du mamelon. Seul le flanc nord a conservé un aspect plus sauvage. Le château d'eau installé tout en haut de la colline est aménagé en belvédère et table d'orientation. Il offre une vue panoramique extraordinaire sur la ville de Saint-Étienne et les communes avoisinantes comme Villars, L'Étrat, La Tour-en-Jarez, ou La Talaudière. Au loin on découvre tout le massif du Pilat, les Monts du Jarez, les Monts du Forez et l'immense plaine du même nom. Par temps clair on distingue même le Mont Blanc. Le visiteur qui ne craint pas d'affronter la montée un peu rude est récompensé par ce panorama exceptionnel. Les directions de toutes les grandes villes de la planète sont inscrites sur la rambarde entourant la plate-forme, ainsi le monde entier est à ses pieds.

 

Le Crêt de Saint-Priest-en-Jarez vu de Saint-Étienne

 

Comment imaginer, à la vue de l'image ci-dessus, ou lorsque l'on se promène dans le vieux village et au sommet du crêt, que s'élevait là au Moyen-Âge un puissant château fort ? Hormis un panneau d'information mis en place par la commune, rien ne permet de penser que les boursouflures du terrain alentour cachent les dernières ruines du manoir, de son donjon et de ses enceintes. S'il y a bien un « château oublié », c'est celui de Saint-Priest-en-Jarez. Même Guillaume Revel, qui nous a laissé des vues cavalières des villes et châteaux de Saint-Victor, La Tour-en-Jarez, ou de l'abbaye de Valbenoîte, lorsque vers 1450 il réalisa son célèbre armorial, a oublié la ville et château de Saint-Priest-en-Jarez. S'il était possible d'envoyer un drone dans le passé, voici probablement le cliché que nous obtiendrons :

 

Aspect du Crêt de Saint-Priest-en-Jarez au Moyen-Âge

(restitution infographique de Patrick Berlier)

 

Avouez que c'est quand même autre chose ! Si un tel patrimoine avait été conservé, Saint-Priest-en-Jarez serait aujourd'hui un pôle touristique incontestable. Mais hélas, du donjon, du château, de ses deux lignes de remparts, de ses portes, de ses tours, rien ne subsiste, ou si peu. Déjà en 1857, lorsque Jean-Antoine de la Tour-Varan publia le second tome de ses Chroniques des châteaux et abbayes, il déplorait en ces termes la pauvreté des archives historiques, comme l'absence de vestiges sur le terrain :

« Saint-Priest se pose devant nous comme une énigme à deviner. L'obstination de nos recherches n'a pu obtenir de l'histoire aucune réponse ; la tradition elle-même se tait. Cependant au sommet de la montagne de Saint-Priest on entend par la pensée des bruits confus qui circulent le long des murs de l'antique manoir. Ce sont les rumeurs des siècles féodaux qui s'élèvent et se croisent dans son enceinte, si confuses qu'elles restent insaisissables […] Il ne reste rien, si ce n'est quelques talus formés par les décombres et quelques assises qui accusent l'affaissement des puissantes murailles, quelques monticules qui indiquent que là s'écroulèrent les plus robustes tours. »

Saint-Priest-en-Jarez, c'est d'abord une terre de légendes. J'ai grandi dans ce village, et toute mon enfance a été bercée par les histoires que racontaient les anciens. On dit que saint Priest, qui allait devenir évêque de Clermont de 666 à 676 avant d'être massacré par les hérétiques, aurait d'abord vécu en ermite au sommet de la colline, dans une grotte, ou une tanière. Puis l'un de ses assassins, un nommé Ursion, rongé par le remords, aurait voulu expier son crime en édifiant une église, dédiée au saint Auvergnat, sur les lieux où il avait vécu. Ainsi serait née la paroisse de Saint-Priest-en-Jarez. Ses habitants sont, depuis toujours, nommés les Mounards, un nom qui pourrait dériver du patois forézien mouneiri, désignant une cabane ou tanière : le refuge de saint Priest. Une autre légende prétend que le seigneur de Saint-Priest accédait en barque à son château, à l'époque où un immense lac s'étendait à la place des vallées entourant la colline. Les anciens prétendaient avoir vu, dans leur jeunesse, les anneaux fixés au rocher pour y amarrer les embarcations. Avec les camarades de mon âge, nous avons passé des journées entières à tenter de les retrouver. En vain bien entendu. S'il y eut un lac, ce fut en des temps préhistoriques où aucun homme n'était là pour en conserver le souvenir.

 

Vision d'artiste du château de Saint-Priest

(Dessin de Pierre Chapelon, XIXe siècle)

 

Jean-Antoine de la Tour-Varan était sans doute un homme modeste, car s'il déplorait de trouver aussi peu de traces de l'histoire de Saint-Priest-en-Jarez, il nous a quand même laissé, outre une description du château et de ses enceintes, la généalogie soigneusement détaillée de ses seigneurs successifs. Voici, en résumé, ce qu'il nous apprend. Le château de Saint-Priest-en-Jarez aurait été bâti aux alentours de l'an mille selon la tradition, qui voit le comte Artaud II, décédé en 1010, en ordonner la construction. Il est vrai que la colline offrant un site stratégique permettant de surveiller la route de Lyon qui passait par L'Étrat. Mais le château date plus vraisemblablement de l'époque charnière entre les XIe et XIIe siècles. C'est le traité de la permutation de 1173, officialisant la création du comté de Forez et fixant les terres respectives du comte Guy II et de l'archevêque de Lyon Guichard de Pontigny, qui mentionna pour la première fois le château de Saint-Priest. Il devint alors le siège d'une seigneurie comprenant également La Tour-en-Jarez, Saint-Julien-en-Jarez, Saint-Paul-en-Jarez, Saint-Romain-en-Jarez. Dans cet acte le seigneur de Saint-Priest est désigné comme Gaudemar de Jarez. Fils de Briant de Lavieu, Gaudemar qui était également seigneur de Saint-Chamond fut le premier à prendre le nom de Jarez.

 

Première mention de Saint-Priest et de Gaudemar de Jarez

(Détail de la Permutation de 1173 – Archives Départementales du Rhône)

 

Saint-Priest revint à Ponce, fils de Gaudemar, qui le laissa à sa fille Béatrix de Jarez, laquelle l'apporta en dot en 1210 à son époux Jaucerand d'Urgel. Saint-Priest-en-Jarez allait rester pendant plus de quatre siècles aux mains de la famille d'Urgel (ou Durgel). Après Jaucerand, le château passa à son fils Guichard, lequel le légua à son fils Jaucerand, deuxième du nom, qui devint le seigneur de Saint-Chamond par son mariage avec Matalonne ou Madeleine de Jarez, sœur de Jean de Jarez. Leur fils Briand d'Urgel, qui hérita des deux seigneuries, fut le premier à prendre le nom de Saint-Priest. Pendant ce temps, la paroisse de Saint-Étienne avait été fondée, et la ville du même nom commençait à prendre de l'importance. C'est Briand d'Urgel qui en reçut les droits de dîme et de pâturage, en d'autres termes il en devint le suzerain, une charge plus nominale que réelle, se limitant principalement à la nomination des curés et à l'entretien de l'église ainsi qu'à la subsistance des prêtres. Briand d'urgel légua ses biens à ses deux fils Guy et Guichard. Le premier hérita de Saint-Priest, et le second de Saint-Chamond. Jean de Saint-Priest, fils de Guy, légua le château à son fils Gabriel. En 1494 ce dernier rencontra quelques difficultés avec les habitants de Saint-Étienne qui estimaient qu'il outrepassait les droits qu'il avait sur eux. La querelle n'était pas nouvelle, les seigneurs de Saint-Priest ayant toujours eu tendance à se mêler des affaires qui ne dépendaient pas d'eux directement. Saint-Priest, devenu une baronnie, continua à passer de père en fils jusqu'à Louis de Saint-Priest, qui en 1616 fut choisi pour être l'un des quatre barons destinés à former l'escorte d'Anne d'Autriche, venue d'Espagne pour épouser le jeune roi Louis XIII. Ils allèrent la chercher à la frontière et l'accompagnèrent jusqu'à Paris. C'est dire l'estime et l'importance que l'on accordait à Louis de Saint-Priest. Il décéda en 1641 sans héritier. Avec lui s'éteignit la lignée directe de la maison d'Urgel de Saint-Priest. Le nom survécut cependant grâce à des branches collatérales.

 

Blason de la famille d'Urgel

 

Saint-Priest-en-Jarez revint alors aux deux neveux de Louis d'Urgel, Gilbert de Chalus, seigneur d'Orcival en Auvergne, et son frère également prénommé Gilbert. Les deux Gilbert de Chalus, « deux têtes dans le même bonnet » comme disait un chroniqueur de l'époque, se comportèrent en véritables tyrans, rivalisant de férocité et de félonie. On les disait alchimistes, en réalité plutôt faux-monnayeurs. La légende s'en empara, ajoutant une couche de merveilleux à une histoire pourtant sordide. Les deux frères avaient amassé un immense trésor, disait-on, caché au plus profond des entrailles du château. La cache ne s'ouvrait qu'une fois par an à l'instant où le prêtre élevait l'hostie et le calice, à Noël pendant la messe de minuit selon une version, pour le dimanche de Pâques selon une autre histoire. Malheur à celui qui tenterait d'y pénétrer, car l'ouverture se refermerait aussitôt sur lui pour un an. Inutile de préciser que personne ne pourrait y survivre, d'autant que le trésor était gardé par la Vouivre, ce serpent fabuleux que l'on apercevait parfois, les nuits d'été, volant furtivement au-dessus du château.

On dit encore que l'un des deux Gilbert de Chalus avait réussi à séduire et à engrosser la fille d'un fermier des environs. Lorsqu'elle fut sur le point d'accoucher, chassée par ses parents, elle s'enfuit dans la campagne, et sous un châtaignier, près d'une source, elle donna naissance à deux jumelles. L'une de ces filles devint douce et gentille comme sa mère, l'autre cruelle et perfide comme son père. Cette histoire est purement légendaire, mais elle semble inspirée par un fait réel, la liaison entre Gilbert de Chalus et une domestique du château du Mont d'Or à Saint-Étienne, où résidaient les seigneurs de Saint-Priest quand leurs affaires les appelaient dans cette ville. La servante, Catherine Mathevon, était née d'une liaison de sa mère avec un membre de la riche famille stéphanoise Cozon. Comme un conflit opposait les Cozon aux seigneurs de Saint-Priest, pour se venger de sa famille paternelle qui l'avait rejetée, Catherine devint la maîtresse de Gilbert de Chalus. Elle donna naissance à une fille illégitime, qui devait porter néanmoins le nom prestigieux de Marie-Antoinette de Saint-Priest.

 

Blason de la famille de Chalus

 

C'est à cette époque que le château de Saint-Priest connut un premier incendie. Il se déclara dans la nuit du 14 au 15 janvier 1665. On dit que pendant un festin, alors que les convives ripaillaient dans l'une des salles à manger, une bonbonne d'alcool se brisa près de la cheminée, et son contenu s'enflamma aussitôt. Le feu s'empara rapidement du bâtiment tout entier. Il y eut sans doute de nombreuses victimes. Gilbert de Chalus y échappa, puisqu'il était occupé à ce moment-là à Paris par un procès intenté contre lui et son frère, suite aux nombreuses plaintes des habitants de Saint-Étienne. Rentré à Saint-Priest, Gilbert de Chalus fit évaluer les dégâts par des experts. Ceux-ci estimèrent que le montant de la reconstruction s'élèverait au moins à 90 000 livres. Le seigneur de Saint-Priest ne disposait pas d'une telle somme, aussi se contenta-t-il de consolider, pour éviter qu'elle ne s'effondre, la seule partie encore habitable. Et puis le procès était toujours en cours. En 1667, la Cour se transporta à Saint-Étienne pour prononcer la sentence. Les deux Gilbert de Chalus furent condamnés à mort par le Parlement. Certains disent qu'ils furent exécutés réellement, pour d'autres ce fut seulement en effigie, d'autres encore affirment qu'ils furent graciés. Le 2 novembre 1680 un nouvel incendie détruisit ce qu'il restait du château de Saint-Priest.

Comme les deux frères n'avaient aucun enfant légitime, Saint-Priest-en-Jarez revint à leur troisième frère François de Chalus, bien plus jeune qu'eux. Élevé à Paris, soigneusement éduqué, c'est précédé par sa bonne réputation qu'il arriva à Saint-Étienne le 9 juin 1682, quelques jours après le décès de son frère dit-on, ce qui laisse supposer que l'un des deux Gilbert au moins avait survécu jusqu'à cette date. Le château de Saint-Priest, après deux incendies, était inhabitable, aussi François de Chalus s'installa-t-il à Saint-Étienne, dans une maison sur le Pré de la Foire (maison située aujourd'hui au n° 6 de la Place du Peuple). Cette demeure devint celle des seigneurs de Saint-Priest qui lui succédèrent, avant qu'ils n'aillent s'installer dans leur manoir de Tardy. Le fils de François de Chalus, également prénommé François, hérita de son père. Sans femme ni enfant, il vendit Saint-Priest à Abraham Peyrenc de Mornas, avant de décéder en 1726. Les successeurs du nouveau maître de Saint-Priest vendirent le château à Gilbert de Voisins. En 1773 un notaire dressa un plan terrier fixant les parcelles de chaque propriétaire pour le calcul de l'impôt foncier. Ce document permet de constater l'état du château et de sa première enceinte, dont il ne subsiste alors que la façade méridionale. Trois tours y sont dessinées : le donjon crénelé adossé à ce qu'il reste du corps de logis, une tour crénelée à côté de la porte de la première enceinte, à laquelle on accède par un escalier formant un double coude pour se faufiler un passage entre les rochers, et une tour coiffée d'un toit à l'angle sud-est. Côté nord on remarque divers terrains jardinés.

 

Plan terrier de Saint-Priest-en-Jarez (1773)

 

Gilbert de Voisins revendit le château de Saint-Priest au roi Louis XVI. La Révolution éclata avant même que le roi n'ait eu le temps de régler le montant de la transaction, et les Voisins périrent sur l'échafaud. Saint-Priest fut vendu comme bien national, et son acquéreur n'acheta le château que pour en récupérer les matériaux. Il vendit d'abord les toitures, puis quelque temps plus tard il fit abattre les murs restant encore debout pour en vendre les pierres, qui servirent à bâtir ou à consolider les maisons du village. C'est de cette époque, alors que les bâtiments n'avaient déjà plus de toit, que le donjon était déjà abattu, mais que les autres murs étaient encore à peu près debout, que date la peinture bien connue représentant le château.

 

Peinture du début du XIXe siècle
représentant le château de Saint-Priest-en-Jarez

 

Plus tard, ce qu'il restait des décombres, et le terrain autour, fut acquis par un armurier nommé Claude Gabion, qui le vendit ensuite à l'un de ses confrères, Pierre Linossier, lequel en conserva la propriété jusqu'à la fin du XIXe siècle. En 1905 le comte Charles de Saint-Priest d'Urgel, issu de l'une des branches collatérales de la famille d'Urgel, racheta le tout. Le terrain reste encore aujourd'hui la propriété de ses descendants, qui en accordent la jouissance à la commune de Saint-Priest-en-Jarez. En 1961 un château d'eau fut aménagé au sommet du crêt. Le creusement de ses fondations permit de découvrir divers débris calcinés.

 

Photographie aérienne de Saint-Priest-en-Jarez (cliché IGN 1964)

 

Comment se présentait le château de Saint-Priest-en-Jarez entouré de ses enceintes ? La restitution infographique placée plus haut permet déjà de s'en faire une idée. Jean-Antoine de la Tour-Varan en donnait une description hypothétique, puisqu'il n'a pas pu voir le château encore debout, mais fondée sur ses recherches et observations minutieuses, et donc certainement fiable :

« Deux grosses tours rondes flanquaient l'entrée principale du manoir qui s'ouvrait sur une cour irrégulière où s'élevait, menaçant, au centre de diverses constructions, le donjon qui fut toujours imprenable […] Une double enceinte protégeait ces travaux de l'art : l'une intérieure, l'autre extérieure. La première reliait les deux tours du portail aux diverses façades dont les assises s'appuyaient partout sur le roc dont elles suivaient les capricieux contours, soit en s'enfonçant dans de profondes déchirures, soit en s'élevant au haut des dentelures naturelles. La seconde enfermait le village qui s'abritait sous le château. »

Pour retrouver le tracé des murailles, il faut faire appel aux photographies aériennes de l'IGN, réalisées dans les années 50 et 60. On repère alors parfaitement le tracé des remparts, du château et de son donjon. Ensuite, et à partir des descriptions et de ce document, il est possible de dresser un plan des mêmes lieux au Moyen-Âge.

 

Plan du château et des enceintes de Saint-Priest-en-Jarez

 

Tout en haut de la colline se dressait le donjon. Ce qu'il en reste, un pan de mur oublié, ainsi que les traces encore visibles sur la photographie aérienne, permet de constater qu'il était de plan carré, et large de 10 m environ. Sa hauteur devait être de 25 à 30 m. Le plan terrier et le dessin de Pierre Chapelon le montrent pourvu de créneaux, et semble-t-il de mâchicoulis pour le second document.

 

Pan de mur vestige du donjon

 

Ce donjon occupait la partie nord d'un ensemble de bâtiments répartis autour d'une cour intérieure. Selon les chroniques de l'époque, la partie sud de ces bâtiments formait un grand corps de logis, de plan rectangulaire, s'élevant sur trois niveaux. On devait accéder à la porte d'entrée par une rampe, ou un escalier. Une fois cette porte franchie, on pénétrait dans un corridor voûté central. Dans la partie gauche de ce corps de logis se trouvaient les salles à manger et de réception, et à droite étaient les chambres, au nombre de 23. L'inventaire dressé le 21 décembre 1654 nous apprend que ces chambres rustiques ne se distinguaient que par les tapisseries tendues contre les murs. Elles étaient pourvues de solides meubles familiaux. Les autres bâtiments comprenaient les cuisines, le fournil, des réserves, ainsi qu'une grande pièce dite salle du commerce.  De tout cet ensemble de bâtiments il ne reste que les talus formés par leurs décombres, entourant un creux de terrain là où se trouvait la cour intérieure. Le château d'eau a été construit à l'emplacement du corps de logis.

 

Le sommet du crêt aujourd'hui

 

Une première enceinte courait tout autour du château, à une quarantaine de mètres côtés sud et ouest, un peu moins côté nord, et seulement à une dizaine de mètres côté est. La façade méridionale de cette enceinte était au moins en partie crénelée comme le montre la peinture du début du XIXe siècle, et elle possédait plusieurs tours. Au centre s'ouvrait la porte fortifiée, protégée par une grosse tour ronde, représentée crénelée sur le plan terrier, mais coiffée d'un toit conique sur le dessin de Pierre Chapelon. Ce même dessin représente une tour plus petite, sans toit, un peu plus à l'ouest. À l'angle sud-est, une autre tour protégeait une poterne. Le plan terrier comme le dessin de Pierre Chapelon la représentent coiffée d'un toit, mais si cette tour est ronde sur le dessin, elle est de plan quadrangulaire sur la peinture du début du XIXe siècle. Cette peinture montre également une autre tour, plus petite et moins haute, à droite de la poterne.

 

Emplacement de la porte de la première enceinte

 

À l'intérieur de l'enceinte devaient se trouver les communs, écuries, ateliers, granges, ainsi que la chapelle. Cette première enceinte suivait les escarpements rocheux, plus ou moins marqués, isolant le crêt de tous côtés, mais surtout surtout à l'ouest et à l'est où ils forment une véritable falaise. Ces murailles ont totalement disparu. La façade méridionale a probablement servi à adosser les maisons actuelles, qui en ont de ce fait conservé le tracé. L'escalier d'accès à la porte fortifiée a disparu, mais son emplacement subsiste, la ruelle en pente forme toujours un double coude caractéristique. Enfin là où se trouvait la poterne s'amorce toujours un chemin, qui passe au pied de la falaise côté est, et permet ensuite de faire le tour du crêt.

 

Emplacement de la poterne

 

Une seconde enceinte enserrait le village, constituée de deux parties, la ville haute et la ville basse. Un rempart intérieur séparait ces deux parcelles. Il était constitué de deux murailles, l'une grosso-modo orientée nord-sud, l'autre est-ouest, percée d'une poterne ouvrant sur l'escalier permettant d'accéder à la porte de la première enceinte. On imagine que cet escalier avec son double coude était sans doute facile à défendre au cas où un assaillant serait parvenu jusque là, mais il devait être bien peu pratique pour les cavaliers. Aussi était-il possible de contourner le rempart intérieur par la droite pour accéder à la porte. Une tour ronde s'élevait à l'angle des deux murailles. Elle a subsisté en partie dans les bâtiments actuels, sous la forme d'un pan de mur arrondi, encore assis sur une base de rochers.

 

Vestige de la tour d'angle du rempart intérieur

 

On remarque encore différents vestiges de l'enceinte extérieure, conservés aux endroits où la muraille servait à soutenir les terrains en terrasse. À l'entrée du vieux village on aperçoit à gauche, par-dessus un mur de clôture, un premier vestige de vieux mur, en partie cimenté. Puis en arrivant un peu plus haut sur la petite place Férréol, s'engager à gauche, aller jusqu'au bout du parking, et passer derrière la haie, permet d'apercevoir un second vestige.

 

Différents vestiges de l'enceinte extérieure

 

Enfin il convient d'évoquer la porte principale percée dans cette seconde enceinte, à son extrémité sud, nommée « Porta Barreri » par un document daté de 1519. Quel était son aspect ? En l'absence de description c'est difficile à déterminer. Le dessin de Pierre Chapelon montre semble-t-il un simple portail, non fortifié. C'est bien peu vraisemblable. Il est probable que cette porte extérieure devait ressembler à toutes les portes du même type. Tout en restant dans notre région, on peut comparer avec la porte externe du château de Montrond, constituée d'un petit bâtiment de plan quadrangulaire, à deux niveaux. On peut même imaginer qu'un fossé entourait l'enceinte extérieure, dans ce cas la porte aurait été pourvue d'un pont-levis.

 

Emplacement de la porte d'entrée de l'enceinte extérieure

 

Le château possédait sa chapelle, dont il ne reste plus rien. Devenue trop petite, elle fut remplacée au XIVe siècle par une nouvelle chapelle, construite hors des murs sur un replat de terrain, là où s'élève aujourd'hui le monument aux morts. Cet édifice était dédié à sainte Marguerite, en l'honneur d'une religieuse de la Séauve-Bénite (la Séauve-sur-Semène aujourd'hui), prénommée Marguerite, qui fut miraculeusement guérie de la peste, et dont les seigneurs de Saint-Priest avaient obtenu la canonisation. Cette chapelle était de style roman, avec un clocher-porche typique du Jarez. On y disait les messes, mais baptêmes, mariages et obsèques étaient célébrés à Saint-Étienne, où les Mounards étaient également inhumés. Puis en 1471 le curé finit par autoriser l'aménagement d'un cimetière autour de la chapelle. Au milieu du XIXe siècle, comme elle menaçait ruine, la municipalité choisit de construire une nouvelle église, qui fut élevée un peu plus bas. Elle offre l'avantage d'être plus grande, mais ne possède pas le charme de la chapelle primitive. On y remarque cependant de très beaux vitraux. La vieille chapelle Sainte-Marguerite finit par être démolie, au grand regret des habitants. Il n'en existe plus que quelques photographies.

 

La chapelle Sainte-Marguerite, peu avant sa démolition

 

Non loin de la chapelle se trouvait, aménagé dans l'épaisseur d'un mur de soutènement,  une fontaine miraculeuse, également dédiée à sainte Marguerite. Ses eaux avaient dit-on le pouvoir de guérir les maladies de peau. Cette fontaine étant à sec depuis bien longtemps, on a fini par un obturer l'ouverture, si bien que seul un petit panneau d'information en rappelle le souvenir. Au-dessus on voit toujours une niche abritant une statue de sainte Marguerite et de son dragon. Selon la légende, la sainte fut avalée par un dragon, mais elle parvint à en sortir en découpant le ventre de la bête, grâce à la petite croix en fer qu'elle portait toujours sur elle. Sainte Marguerite est depuis honorée par les femmes enceintes qui la prient pour obtenir une délivrance aussi facile. La vieille statue fut hélas volée dans les années soixante, et remplacée par une nouvelle statue qui ne possède pas le charme naïf de l'ancienne. D'ailleurs la grille de protection placée devant la niche ne permet guère de l'admirer. Tout en haut, au-dessus du mur, se dresse une croix fort ancienne dont la particularité est de montrer un Christ imberbe.

 

L'ancienne fontaine Sainte-Marguerite – détail du crucifix

 

Le vieux village de Saint-Priest-en-Jarez, jadis serré entre les deux enceintes du château, trop escarpé, difficile d'accès pour les véhicules, fut abandonné par ses habitants dans le courant du XIXe siècle. Ils préférèrent s'installer sur un replat en contrebas, autour de la  nouvelle église, où ils construisirent également l'école et la mairie. C'est l'actuel bourg de Saint-Priest-en-Jarez. Mais peu après la seconde guerre mondiale, des réfugiés espagnols rachetèrent pour un prix modique les maisons abandonnées du vieux village et ils les restaurèrent, souvent avec goût. Les noms espagnols encore visibles sur les boîtes au lettres témoignent de cette renaissance. Aujourd'hui cette partie haute de la commune possède un charme certain, et un caractère presque provençal, souligné par les oliviers de la place Ferréol. Allez-y, vous ne serez pas déçus.




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