Le
Château de Saint-Priest-en-Jarez
|
Présenté
par
Patrick Berlier |
Avril
2021 |
SAINT-PRIEST-EN-JAREZ La commune de
Saint-Priest-en-Jarez est située au nord de
Saint-Étienne. En divers points de
la ville on aperçoit sa colline arrondie caractéristique,
le Crêt, et son vieux
bourg aux allures de village perché provençal.
Primitivement implanté au
sommet, son habitat s'est ensuite étendu d'abord sur un replat
côté sud, puis
sur la totalité des flancs sud, est et ouest du mamelon. Seul le
flanc nord a
conservé un aspect plus sauvage. Le château d'eau
installé tout en haut de la
colline est aménagé en belvédère et table
d'orientation. Il offre une vue
panoramique extraordinaire sur la ville de Saint-Étienne et les
communes
avoisinantes comme Villars, L'Étrat, La Tour-en-Jarez, ou La
Talaudière. Au
loin on découvre tout le massif du Pilat, les Monts du Jarez,
les Monts du
Forez et l'immense plaine du même nom. Par temps clair on
distingue même le
Mont Blanc. Le visiteur qui ne craint pas d'affronter la montée
un peu rude est
récompensé par ce panorama exceptionnel. Les directions
de toutes les grandes
villes de la planète sont inscrites sur la rambarde entourant la
plate-forme,
ainsi le monde entier est à ses pieds. Le
Crêt de Saint-Priest-en-Jarez vu de Saint-Étienne Comment
imaginer, à
la vue de l'image ci-dessus, ou lorsque l'on se promène dans le
vieux village
et au sommet du crêt, que s'élevait là au
Moyen-Âge un puissant château
fort ? Hormis un panneau d'information mis en place par la
commune, rien
ne permet de penser que les boursouflures du terrain alentour cachent
les dernières
ruines du manoir, de son donjon et de ses enceintes. S'il y a bien un
« château oublié », c'est celui de
Saint-Priest-en-Jarez. Même
Guillaume Revel, qui nous a laissé des vues cavalières
des villes et châteaux
de Saint-Victor, La Tour-en-Jarez, ou de l'abbaye de Valbenoîte,
lorsque vers
1450 il réalisa son célèbre armorial, a
oublié la ville et château de
Saint-Priest-en-Jarez. S'il était possible d'envoyer un drone
dans le passé,
voici probablement le cliché que nous obtiendrons : Aspect
du Crêt de Saint-Priest-en-Jarez au Moyen-Âge (restitution
infographique de Patrick Berlier) Avouez que
c'est
quand même autre chose ! Si un tel patrimoine avait
été conservé,
Saint-Priest-en-Jarez serait aujourd'hui un pôle touristique
incontestable.
Mais hélas, du donjon, du château, de ses deux lignes de
remparts, de ses
portes, de ses tours, rien ne subsiste, ou si peu. Déjà
en 1857, lorsque
Jean-Antoine de la Tour-Varan publia le second tome de ses Chroniques
des
châteaux et abbayes, il déplorait en ces termes la
pauvreté des archives
historiques, comme l'absence de vestiges sur le terrain : « Saint-Priest
se pose devant nous comme une énigme à deviner.
L'obstination de nos recherches
n'a pu obtenir de l'histoire aucune réponse ; la tradition
elle-même se
tait. Cependant au sommet de la montagne de Saint-Priest on entend par
la
pensée des bruits confus qui circulent le long des murs de
l'antique manoir. Ce
sont les rumeurs des siècles féodaux qui
s'élèvent et se croisent dans son
enceinte, si confuses qu'elles restent insaisissables […] Il ne reste
rien, si
ce n'est quelques talus formés par les décombres et
quelques assises qui
accusent l'affaissement des puissantes murailles, quelques monticules
qui
indiquent que là s'écroulèrent les plus robustes
tours. » Saint-Priest-en-Jarez,
c'est d'abord une terre de légendes. J'ai grandi dans ce
village, et toute mon
enfance a été bercée par les histoires que
racontaient les anciens. On dit que
saint Priest, qui allait devenir évêque de Clermont de 666
à 676 avant d'être
massacré par les hérétiques, aurait d'abord
vécu en ermite au sommet de la
colline, dans une grotte, ou une tanière. Puis l'un de ses
assassins, un nommé
Ursion, rongé par le remords, aurait voulu expier son crime en
édifiant une
église, dédiée au saint Auvergnat, sur les lieux
où il avait vécu. Ainsi serait
née la paroisse de Saint-Priest-en-Jarez. Ses habitants sont,
depuis toujours,
nommés les Mounards, un nom qui pourrait dériver du
patois forézien mouneiri,
désignant une cabane ou tanière : le refuge de saint
Priest. Une autre
légende prétend que le seigneur de Saint-Priest
accédait en barque à son
château, à l'époque où un immense lac
s'étendait à la place des vallées
entourant la colline. Les anciens prétendaient avoir vu, dans
leur jeunesse,
les anneaux fixés au rocher pour y amarrer les embarcations.
Avec les camarades
de mon âge, nous avons passé des journées
entières à tenter de les retrouver.
En vain bien entendu. S'il y eut un lac, ce fut en des temps
préhistoriques où
aucun homme n'était là pour en conserver le souvenir. Vision
d'artiste du château de Saint-Priest (Dessin
de Pierre Chapelon, XIXe siècle) Jean-Antoine
de la
Tour-Varan était sans doute un homme modeste, car s'il
déplorait de trouver
aussi peu de traces de l'histoire de Saint-Priest-en-Jarez, il nous a
quand
même laissé, outre une description du château et de
ses enceintes, la
généalogie soigneusement détaillée de ses
seigneurs successifs. Voici, en
résumé, ce qu'il nous apprend. Le château de
Saint-Priest-en-Jarez aurait été
bâti aux alentours de l'an mille selon la tradition, qui voit le
comte Artaud
II, décédé en 1010, en ordonner la construction.
Il est vrai que la colline
offrant un site stratégique permettant de surveiller la route de
Lyon qui
passait par L'Étrat. Mais le château date plus
vraisemblablement de l'époque
charnière entre les XIe et XIIe
siècles. C'est le traité
de la permutation de 1173, officialisant la création du
comté de Forez et
fixant les terres respectives du comte Guy II et de l'archevêque
de Lyon
Guichard de Pontigny, qui mentionna pour la première fois le
château de
Saint-Priest. Il devint alors le siège d'une seigneurie
comprenant également La
Tour-en-Jarez, Saint-Julien-en-Jarez, Saint-Paul-en-Jarez,
Saint-Romain-en-Jarez. Dans cet acte le seigneur de Saint-Priest est
désigné
comme Gaudemar de Jarez. Fils de Briant de Lavieu, Gaudemar qui
était également
seigneur de Saint-Chamond fut le premier à prendre le nom de
Jarez. Première
mention de Saint-Priest et de Gaudemar de Jarez (Détail
de la Permutation de 1173 – Archives
Départementales du Rhône) Saint-Priest
revint
à Ponce, fils de Gaudemar, qui le laissa à sa fille
Béatrix de Jarez, laquelle
l'apporta en dot en 1210 à son époux Jaucerand d'Urgel.
Saint-Priest-en-Jarez
allait rester pendant plus de quatre siècles aux mains de la
famille d'Urgel
(ou Durgel). Après Jaucerand, le château passa à
son fils Guichard, lequel le
légua à son fils Jaucerand, deuxième du nom, qui
devint le seigneur de
Saint-Chamond par son mariage avec Matalonne ou Madeleine de Jarez,
sœur de
Jean de Jarez. Leur fils Briand d'Urgel, qui hérita des deux
seigneuries, fut
le premier à prendre le nom de Saint-Priest. Pendant ce temps,
la paroisse de
Saint-Étienne avait été fondée, et la ville
du même nom commençait à prendre de
l'importance. C'est Briand d'Urgel qui en reçut les droits de
dîme et de
pâturage, en d'autres termes il en devint le suzerain, une charge
plus nominale
que réelle, se limitant principalement à la nomination
des curés et à
l'entretien de l'église ainsi qu'à la subsistance des
prêtres. Briand d'urgel
légua ses biens à ses deux fils Guy et Guichard. Le
premier hérita de
Saint-Priest, et le second de Saint-Chamond. Jean de Saint-Priest, fils
de Guy,
légua le château à son fils Gabriel. En 1494 ce
dernier rencontra quelques difficultés
avec les habitants de Saint-Étienne qui estimaient qu'il
outrepassait les
droits qu'il avait sur eux. La querelle n'était pas nouvelle,
les seigneurs de
Saint-Priest ayant toujours eu tendance à se mêler des
affaires qui ne
dépendaient pas d'eux directement. Saint-Priest, devenu une
baronnie, continua
à passer de père en fils jusqu'à Louis de
Saint-Priest, qui en 1616 fut choisi
pour être l'un des quatre barons destinés à former
l'escorte d'Anne d'Autriche,
venue d'Espagne pour épouser le jeune roi Louis XIII. Ils
allèrent la chercher
à la frontière et l'accompagnèrent jusqu'à
Paris. C'est dire l'estime et
l'importance que l'on accordait à Louis de Saint-Priest. Il
décéda en 1641 sans
héritier. Avec lui s'éteignit la lignée directe de
la maison d'Urgel de
Saint-Priest. Le nom survécut cependant grâce à des
branches collatérales. Blason
de la famille d'Urgel Saint-Priest-en-Jarez
revint alors aux deux neveux de Louis d'Urgel, Gilbert de Chalus,
seigneur
d'Orcival en Auvergne, et son frère également
prénommé Gilbert. Les deux
Gilbert de Chalus, « deux têtes dans le même
bonnet » comme disait un
chroniqueur de l'époque, se comportèrent en
véritables tyrans, rivalisant de
férocité et de félonie. On les disait alchimistes,
en réalité plutôt faux-monnayeurs.
La légende s'en empara, ajoutant une couche de merveilleux
à une histoire
pourtant sordide. Les deux frères avaient amassé un
immense trésor, disait-on,
caché au plus profond des entrailles du château. La cache
ne s'ouvrait qu'une
fois par an à l'instant où le prêtre élevait
l'hostie et le calice, à Noël
pendant la messe de minuit selon une version, pour le dimanche de
Pâques selon
une autre histoire. Malheur à celui qui tenterait d'y
pénétrer, car l'ouverture
se refermerait aussitôt sur lui pour un an. Inutile de
préciser que personne ne
pourrait y survivre, d'autant que le trésor était
gardé par la Vouivre, ce
serpent fabuleux que l'on apercevait parfois, les nuits
d'été, volant
furtivement au-dessus du château. On dit encore
que
l'un des deux Gilbert de Chalus avait réussi à
séduire et à engrosser la fille
d'un fermier des environs. Lorsqu'elle fut sur le point d'accoucher,
chassée
par ses parents, elle s'enfuit dans la campagne, et sous un
châtaignier, près
d'une source, elle donna naissance à deux jumelles. L'une de ces
filles devint
douce et gentille comme sa mère, l'autre cruelle et perfide
comme son père.
Cette histoire est purement légendaire, mais elle semble
inspirée par un fait
réel, la liaison entre Gilbert de Chalus et une domestique du
château du Mont
d'Or à Saint-Étienne, où résidaient les
seigneurs de Saint-Priest quand leurs
affaires les appelaient dans cette ville. La servante, Catherine
Mathevon,
était née d'une liaison de sa mère avec un membre
de la riche famille
stéphanoise Cozon. Comme un conflit opposait les Cozon aux
seigneurs de
Saint-Priest, pour se venger de sa famille paternelle qui l'avait
rejetée,
Catherine devint la maîtresse de Gilbert de Chalus. Elle donna
naissance à une
fille illégitime, qui devait porter néanmoins le nom
prestigieux de
Marie-Antoinette de Saint-Priest. Blason
de la famille de Chalus C'est
à cette
époque que le château de Saint-Priest connut un premier
incendie. Il se déclara
dans la nuit du 14 au 15 janvier 1665. On dit que pendant un festin,
alors que
les convives ripaillaient dans l'une des salles à manger, une
bonbonne d'alcool
se brisa près de la cheminée, et son contenu s'enflamma
aussitôt. Le feu
s'empara rapidement du bâtiment tout entier. Il y eut sans doute
de nombreuses
victimes. Gilbert de Chalus y échappa, puisqu'il était
occupé à ce moment-là à
Paris par un procès intenté contre lui et son
frère, suite aux nombreuses
plaintes des habitants de Saint-Étienne. Rentré à
Saint-Priest, Gilbert de
Chalus fit évaluer les dégâts par des experts.
Ceux-ci estimèrent que le
montant de la reconstruction s'élèverait au moins
à 90 000 livres. Le seigneur
de Saint-Priest ne disposait pas d'une telle somme, aussi se
contenta-t-il de
consolider, pour éviter qu'elle ne s'effondre, la seule partie
encore habitable.
Et puis le procès était toujours en cours. En 1667, la
Cour se transporta à
Saint-Étienne pour prononcer la sentence. Les deux Gilbert de
Chalus furent
condamnés à mort par le Parlement. Certains disent qu'ils
furent exécutés
réellement, pour d'autres ce fut seulement en effigie, d'autres
encore
affirment qu'ils furent graciés. Le 2 novembre 1680 un nouvel
incendie
détruisit ce qu'il restait du château de Saint-Priest. Comme les
deux
frères n'avaient aucun enfant légitime,
Saint-Priest-en-Jarez revint à leur
troisième frère François de Chalus, bien plus
jeune qu'eux. Élevé à Paris,
soigneusement éduqué, c'est précédé
par sa bonne réputation qu'il arriva à
Saint-Étienne le 9 juin 1682, quelques jours après le
décès de son frère
dit-on, ce qui laisse supposer que l'un des deux Gilbert au moins avait
survécu
jusqu'à cette date. Le château de Saint-Priest,
après deux incendies, était
inhabitable, aussi François de Chalus s'installa-t-il à
Saint-Étienne, dans une
maison sur le Pré de la Foire (maison située aujourd'hui
au n° 6 de la Place du
Peuple). Cette demeure devint celle des seigneurs de Saint-Priest qui
lui
succédèrent, avant qu'ils n'aillent s'installer dans leur
manoir de Tardy. Le
fils de François de Chalus, également
prénommé François, hérita de son
père.
Sans femme ni enfant, il vendit Saint-Priest à Abraham Peyrenc
de Mornas, avant
de décéder en 1726. Les successeurs du nouveau
maître de Saint-Priest vendirent
le château à Gilbert de Voisins. En 1773 un notaire dressa
un plan terrier
fixant les parcelles de chaque propriétaire pour le calcul de
l'impôt foncier.
Ce document permet de constater l'état du château et de sa
première enceinte,
dont il ne subsiste alors que la façade méridionale.
Trois tours y sont
dessinées : le donjon crénelé adossé
à ce qu'il reste du corps de logis,
une tour crénelée à côté de la porte
de la première enceinte, à laquelle on
accède par un escalier formant un double coude pour se faufiler
un passage
entre les rochers, et une tour coiffée d'un toit à
l'angle sud-est. Côté nord
on remarque divers terrains jardinés. Plan
terrier de Saint-Priest-en-Jarez (1773) Gilbert de
Voisins
revendit le château de Saint-Priest au roi Louis XVI. La
Révolution éclata
avant même que le roi n'ait eu le temps de régler le
montant de la transaction,
et les Voisins périrent sur l'échafaud. Saint-Priest fut
vendu comme bien
national, et son acquéreur n'acheta le château que pour en
récupérer les
matériaux. Il vendit d'abord les toitures, puis quelque temps
plus tard il fit
abattre les murs restant encore debout pour en vendre les pierres, qui
servirent à bâtir ou à consolider les maisons du
village. C'est de cette
époque, alors que les bâtiments n'avaient
déjà plus de toit, que le donjon
était déjà abattu, mais que les autres murs
étaient encore à peu près debout,
que date la peinture bien connue représentant le château. Peinture
du début du XIXe siècle Plus tard, ce
qu'il
restait des décombres, et le terrain autour, fut acquis par un
armurier nommé
Claude Gabion, qui le vendit ensuite à l'un de ses
confrères, Pierre Linossier,
lequel en conserva la propriété jusqu'à la fin du
XIXe siècle. En
1905 le comte Charles de Saint-Priest d'Urgel, issu de l'une des
branches
collatérales de la famille d'Urgel, racheta le tout. Le terrain
reste encore
aujourd'hui la propriété de ses descendants, qui en
accordent la jouissance à
la commune de Saint-Priest-en-Jarez. En 1961 un château d'eau fut
aménagé au
sommet du crêt. Le creusement de ses fondations permit de
découvrir divers
débris calcinés. Photographie
aérienne de Saint-Priest-en-Jarez (cliché
IGN 1964) Comment se
présentait le château de Saint-Priest-en-Jarez
entouré de ses enceintes ?
La restitution infographique placée plus haut permet
déjà de s'en faire une
idée. Jean-Antoine de la Tour-Varan en donnait une description
hypothétique,
puisqu'il n'a pas pu voir le château encore debout, mais
fondée sur ses
recherches et observations minutieuses, et donc certainement
fiable : « Deux
grosses tours rondes flanquaient l'entrée principale du manoir
qui s'ouvrait
sur une cour irrégulière où s'élevait,
menaçant, au centre de diverses
constructions, le donjon qui fut toujours imprenable […] Une double
enceinte
protégeait ces travaux de l'art : l'une intérieure,
l'autre extérieure. La
première reliait les deux tours du portail aux diverses
façades dont les
assises s'appuyaient partout sur le roc dont elles suivaient les
capricieux
contours, soit en s'enfonçant dans de profondes
déchirures, soit en s'élevant au
haut des dentelures naturelles. La seconde enfermait le village qui
s'abritait
sous le château. » Pour
retrouver le
tracé des murailles, il faut faire appel aux photographies
aériennes de l'IGN,
réalisées dans les années 50 et 60. On
repère alors parfaitement le tracé des
remparts, du château et de son donjon. Ensuite, et à
partir des descriptions et
de ce document, il est possible de dresser un plan des mêmes
lieux au
Moyen-Âge. Plan
du château et des enceintes de Saint-Priest-en-Jarez Tout en haut
de la
colline se dressait le donjon. Ce qu'il en reste, un pan de mur
oublié, ainsi
que les traces encore visibles sur la photographie aérienne,
permet de
constater qu'il était de plan carré, et large de 10 m
environ. Sa hauteur
devait être de 25 à 30 m. Le plan terrier et le dessin de
Pierre Chapelon le
montrent pourvu de créneaux, et semble-t-il de mâchicoulis
pour le second
document. Pan
de mur vestige du donjon Ce donjon
occupait
la partie nord d'un ensemble de bâtiments répartis autour
d'une cour intérieure.
Selon les chroniques de l'époque, la partie sud de ces
bâtiments formait un
grand corps de logis, de plan rectangulaire, s'élevant sur trois
niveaux. On
devait accéder à la porte d'entrée par une rampe,
ou un escalier. Une fois
cette porte franchie, on pénétrait dans un corridor
voûté central. Dans la
partie gauche de ce corps de logis se trouvaient les salles à
manger et de
réception, et à droite étaient les chambres, au
nombre de 23. L'inventaire
dressé le 21 décembre 1654 nous apprend que ces chambres
rustiques ne se
distinguaient que par les tapisseries tendues contre les murs. Elles
étaient
pourvues de solides meubles familiaux. Les autres bâtiments
comprenaient les
cuisines, le fournil, des réserves, ainsi qu'une grande
pièce dite salle du commerce. De
tout cet ensemble de bâtiments il ne reste
que les talus formés par leurs décombres, entourant un
creux de terrain là où
se trouvait la cour intérieure. Le château d'eau a
été construit à
l'emplacement du corps de logis. Le
sommet du crêt aujourd'hui Une
première
enceinte courait tout autour du château, à une quarantaine
de mètres côtés sud
et ouest, un peu moins côté nord, et seulement à
une dizaine de mètres côté
est. La façade méridionale de cette enceinte était
au moins en partie crénelée
comme le montre la peinture du début du XIXe
siècle, et elle
possédait plusieurs tours. Au centre s'ouvrait la porte
fortifiée, protégée par
une grosse tour ronde, représentée crénelée
sur le plan terrier, mais coiffée
d'un toit conique sur le dessin de Pierre Chapelon. Ce même
dessin représente
une tour plus petite, sans toit, un peu plus à l'ouest. À
l'angle sud-est, une
autre tour protégeait une poterne. Le plan terrier comme le
dessin de Pierre
Chapelon la représentent coiffée d'un toit, mais si cette
tour est ronde sur le
dessin, elle est de plan quadrangulaire sur la peinture du début
du XIXe
siècle. Cette peinture montre également une autre tour,
plus petite et moins
haute, à droite de la poterne. Emplacement
de la porte de la première enceinte À
l'intérieur de
l'enceinte devaient se trouver les communs, écuries, ateliers,
granges, ainsi
que la chapelle. Cette première enceinte suivait les
escarpements rocheux, plus
ou moins marqués, isolant le crêt de tous
côtés, mais surtout surtout à l'ouest
et à l'est où ils forment une véritable falaise.
Ces murailles ont totalement
disparu. La façade méridionale a probablement servi
à adosser les maisons
actuelles, qui en ont de ce fait conservé le tracé.
L'escalier d'accès à la
porte fortifiée a disparu, mais son emplacement subsiste, la
ruelle en pente
forme toujours un double coude caractéristique. Enfin là
où se trouvait la
poterne s'amorce toujours un chemin, qui passe au pied de la falaise
côté est,
et permet ensuite de faire le tour du crêt. Emplacement
de la poterne Une seconde
enceinte enserrait le village, constituée de deux parties, la
ville haute et la
ville basse. Un rempart intérieur séparait ces deux
parcelles. Il était
constitué de deux murailles, l'une grosso-modo orientée
nord-sud, l'autre
est-ouest, percée d'une poterne ouvrant sur l'escalier
permettant d'accéder à
la porte de la première enceinte. On imagine que cet escalier
avec son double
coude était sans doute facile à défendre au cas
où un assaillant serait parvenu
jusque là, mais il devait être bien peu pratique pour les
cavaliers. Aussi
était-il possible de contourner le rempart intérieur par
la droite pour accéder
à la porte. Une tour ronde s'élevait à l'angle des
deux murailles. Elle a
subsisté en partie dans les bâtiments actuels, sous la
forme d'un pan de mur
arrondi, encore assis sur une base de rochers. Vestige
de la tour d'angle du rempart intérieur On remarque
encore
différents vestiges de l'enceinte extérieure,
conservés aux endroits où la
muraille servait à soutenir les terrains en terrasse. À
l'entrée du vieux
village on aperçoit à gauche, par-dessus un mur de
clôture, un premier vestige
de vieux mur, en partie cimenté. Puis en arrivant un peu plus
haut sur la
petite place Férréol, s'engager à gauche, aller
jusqu'au bout du parking, et
passer derrière la haie, permet d'apercevoir un second vestige. Différents
vestiges de l'enceinte extérieure Enfin il
convient
d'évoquer la porte principale percée dans cette seconde
enceinte, à son
extrémité sud, nommée « Porta
Barreri » par un document daté de 1519.
Quel était son aspect ? En l'absence de description c'est
difficile à
déterminer. Le dessin de Pierre Chapelon montre semble-t-il un
simple portail,
non fortifié. C'est bien peu vraisemblable. Il est probable que
cette porte extérieure
devait ressembler à toutes les portes du même type. Tout
en restant dans notre
région, on peut comparer avec la porte externe du château
de Montrond,
constituée d'un petit bâtiment de plan quadrangulaire,
à deux niveaux. On peut
même imaginer qu'un fossé entourait l'enceinte
extérieure, dans ce cas la porte
aurait été pourvue d'un pont-levis. Emplacement
de la porte d'entrée de l'enceinte extérieure Le
château
possédait sa chapelle, dont il ne reste plus rien. Devenue trop
petite, elle
fut remplacée au XIVe siècle par une nouvelle
chapelle, construite
hors des murs sur un replat de terrain, là où
s'élève aujourd'hui le monument
aux morts. Cet édifice était dédié à
sainte Marguerite, en l'honneur d'une
religieuse de la Séauve-Bénite (la
Séauve-sur-Semène aujourd'hui), prénommée
Marguerite, qui fut miraculeusement guérie de la peste, et dont
les seigneurs
de Saint-Priest avaient obtenu la canonisation. Cette chapelle
était de style
roman, avec un clocher-porche typique du Jarez. On y disait les messes,
mais
baptêmes, mariages et obsèques étaient
célébrés à Saint-Étienne, où
les
Mounards étaient également inhumés. Puis en 1471
le curé finit par autoriser
l'aménagement d'un cimetière autour de la chapelle. Au
milieu du XIXe
siècle, comme elle menaçait ruine, la municipalité
choisit de construire une
nouvelle église, qui fut élevée un peu plus bas.
Elle offre l'avantage d'être
plus grande, mais ne possède pas le charme de la chapelle
primitive. On y
remarque cependant de très beaux vitraux. La vieille chapelle
Sainte-Marguerite
finit par être démolie, au grand regret des habitants. Il
n'en existe plus que
quelques photographies. La
chapelle Sainte-Marguerite, peu avant sa démolition Non loin de
la
chapelle se trouvait, aménagé dans l'épaisseur
d'un mur de soutènement, une
fontaine miraculeuse, également dédiée à
sainte Marguerite. Ses eaux avaient dit-on le pouvoir de guérir
les maladies de
peau. Cette fontaine étant à sec depuis bien longtemps,
on a fini par un
obturer l'ouverture, si bien que seul un petit panneau d'information en
rappelle le souvenir. Au-dessus on voit toujours une niche abritant une
statue
de sainte Marguerite et de son dragon. Selon la légende, la
sainte fut avalée
par un dragon, mais elle parvint à en sortir en découpant
le ventre de la bête,
grâce à la petite croix en fer qu'elle portait toujours
sur elle. Sainte
Marguerite est depuis honorée par les femmes enceintes qui la
prient pour
obtenir une délivrance aussi facile. La vieille statue fut
hélas volée dans les
années soixante, et remplacée par une nouvelle statue qui
ne possède pas le
charme naïf de l'ancienne. D'ailleurs la grille de protection
placée devant la
niche ne permet guère de l'admirer. Tout en haut, au-dessus du
mur, se dresse
une croix fort ancienne dont la particularité est de montrer un
Christ imberbe. L'ancienne
fontaine Sainte-Marguerite – détail du
crucifix Le vieux
village de
Saint-Priest-en-Jarez, jadis serré entre les deux enceintes du
château, trop
escarpé, difficile d'accès pour les véhicules, fut
abandonné par ses habitants
dans le courant du XIXe siècle. Ils
préférèrent s'installer sur un
replat en contrebas, autour de la nouvelle
église, où ils construisirent
également l'école et la mairie.
C'est l'actuel bourg de Saint-Priest-en-Jarez. Mais peu après la
seconde guerre
mondiale, des réfugiés espagnols rachetèrent pour
un prix modique les maisons
abandonnées du vieux village et ils les restaurèrent,
souvent avec goût. Les
noms espagnols encore visibles sur les boîtes au lettres
témoignent de cette
renaissance. Aujourd'hui cette partie haute de la commune
possède un charme
certain, et un caractère presque provençal,
souligné par les oliviers de la
place Ferréol. Allez-y, vous ne serez pas déçus. |