Bonne Année 2016











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Thierry Rollat


     Chers Amis,
 
     Le moment est déjà venu de vous présenter nos meilleurs voeux pour la nouvelle année qui est là. 2015 aura été une année très riche, avec à la clef beaucoup de sorties sur le terrain et une franche adhésion sur le Net. Notre outil de mesure demeure les statistiques et elles sont très bonnes. Nous ne sommes pas là pour faire du triomphalisme mais tout simplement constater que notre raison d'être se perpépétue depuis maintenant plus de douze ans.

Merci à vous naturellement mais merci aussi et sans doute avant tout à l'esprit d'équipe et d'amitié qui anime les Regards du Pilat. Sans l'étroite collaboration qui entoure tout ce travail au fil des saisons, nous ne serions pas en mesure de vous présenter chaque mois des nouveautés, pour la plupart complètement inédites. Merci à mes Amis de toujours répondre présent.

Ces derniers mois, nous avons injecté plus de deux cents nouvelles photos au site. Certaines, en nombre important, proviennent de la collection Claude Bonnard, une figure disparue voici déjà des années. Ce Monsieur demeure un exemple à suivre, il reste l'image du chercheur complet, un touche à tout en faisant toujours dans la qualité. Au delà du photographe il y avait l'archéologue, le radhiesthésiste de la première heure, l'historien pilatois confirmé...

C'est important de ne pas oublier tous nos Amis qui partent au fil du temps qui passe inexorablement. Ayons une pensée en ce nouvel an, pour Tonin Chavas, Pierre Dumas et plus loin encore pour Henri Panier et son épouse, Louis Bourrin et tant d'autres. Ils furent des piliers de l'Association historique et patrimoniale Visages de notre Pilat. Très chères à notre coeur, cette dernière sert de trait d'union entre le passé et le présent ici en Pilat.

On ne peut pas parler de futur, si on ne sait pas d'où l'on vient. Chercher à mieux connaitre hier, n'est pas qu'un devoir, ce doit d'abord être une attirance, et ensuite éventuellement une passion. Le Massif du Pilat s'avère très riche, on ne le dit jamais assez et ses habitants, pour majorité, n'en n'ont pas conscience à hauteur de ce que ces terres furent et sont encore aujourd'hui pour qui sait voir ou lire là où il faut.

2016 semble promis à un bel avenir dans les domaines qui nous sont chers. Outre des recherches terrains qui continuent de plus belle, il va y avoir cette année un cycle de 4 conférences consacrées à la fabuleuse et mystérieuse Chartreuse de Sainte-Croix en Jarez. Au fil du temps, vous serez informé des dates que nous proposera Visages de notre Pilat.  Merci à cette initiative qui devrait accueillir la meilleure des réceptions.

Les Regards du Pilat ont ouvert une nouvelle rubrique, il y a deux mois, "études mégalithiques". Cela correspond à un besoin car lorsque nous proposons un sujet sur ce thème, systématiquement l'adhésion est là. Dans le même temps cela a permis de désengorger la rubrique "reportages" qui est devenue "sujets variés" avec à l'intérieur de celle-ci "reportages + contes et légendes".

Rien n'est jamais figé et lorsque le besoin s'en fait ressentir, le site évolue en fonction de vos demandes. En 2015 nous avons bien relancé les articles en direction de La Grande Affaire, comme nous vous l'avions annoncé voici une année. Les Regards du Pilat proposent un sujet tous les mois quand la Grande Affaire en propose un tous les deux mois.

Ce sont les plumes qui ont également été complétées cette année et ce sera encore le cas en 2016. En première page du site des portraits sont apparues, eh bien vous avez là nos auteurs ou futurs auteurs. Très vastes les domaines d'investigations du Massif du Pilat, mais aussi les goûts et couleurs doivent dans la mesure du possible être représentés sur Les Regards du Pilat.

Chers Amis, je vous souhaite à vous et à vos proches une très bonne santé et une très bonne année 2016. Que vos voeux les plus chers puissent voir le jour et que votre quotidien s'accompagne des joies les plus intenses. La vie n'est pas simple et parfois même très difficile ; vous savez qu'avec les Regards du Pilat vous avez un Ami qui vous permet de vous évader à tout moment, notamment quand la difficulté est là et qu'il faut se ressourcer.

Je laisse à présent la place à nos deux fidèles Amis et Conteurs des Regards du Pilat ; c'est le moment des contes de Noël et de Fêtes de fin d'Année à passer en compagnie de Patrick Berlier et Michel Barbot ; merci à tous les deux.

Thierry Rollat



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Patrick Berlier

Amis internautes,

Je vous salue en cette fin d’année Deux Mille Quinze, au moment où ce millésime bien machiste, bien impair, tout en rudesse et en angles aigus ai-je envie de dire – mais cela pour des raisons personnelles – va laisser la place à Deux Mille Seize, une année qui s’annonce féminine, paire, ronde et aimante, comme l’une de ces Madones de la Renaissance italienne dont le regard affectueux va se poser sur nous.

Deux Mille Seize va ajouter à sa rotondité naturelle le fait d’être un millésime divisible par quatre, ce qui signifie que ce sera une année bissextile. Notre bonne vieille terre va rattraper les poussières d’heures perdues dans sa course autour du soleil au cours des trois années précédentes. Le premier mars, elle sera à nouveau sur les bons rails. Alors oui, nous aurons trois cent soixante six jours pour nous régaler des sujets proposés par les Regards du Pilat et par la Grande Affaire.

Et voyez comme le hasard des mathématiques a bien fait les choses. Deux comme deux sites en un seul, Mille comme mille connexions en cinq jours – souhaitons que ce chiffre double bientôt – Seize comme seize sujets publiés annuellement – douze sur Regards du Pilat et quatre en Grande Affaire. Décidément, cette année Deux Mille Seize sera la nôtre, la vôtre.

Alors je vous souhaite une bonne, grande et heureuse année, pleine de bonheur et de joie, remplie de ces moments intenses, dont la flamme brille un peu plus fort que les autres, et qu’il faut savoir saisir et garder dans son cœur.

Je vous laisse découvrir le petit conte de Noël que j’ai eu plaisir à imaginer. Mon année a été placée sous le signe de Jules Verne comme vous le savez, alors j’ai voulu prolonger le rêve et imaginer l’auteur des Voyages extraordinaires en 1885, alors qu’il est au sommet de sa gloire, venant dans le Pilat la veille de Noël pour retrouver la maison où vécurent ses ancêtres au XVIe siècle. Nous le retrouvons au moment où il descend du train pour prendre la diligence en direction de Saint-Genest-Malifaux…


Patrick Berlier


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LE VOYAGE EXTRAORDINAIRE D’UN PÈRE NOËL

 

En ce matin du 24 décembre 1885, la diligence assurant le service régulier entre Saint-Étienne et Saint-Genest-Malifaux venait de quitter la ville et attaquait la montée de la Digonnière. Il faisait un froid sec, proche de zéro degré. Aucun passager ne s’était risqué à s’installer sur l’impériale, tous les voyageurs s’étaient serrés dans la voiture, et cette promiscuité entretenait un semblant de chaleur. La route poudreuse durcie par le frimas crissait sous les grandes roues cerclées de fer du coche. Les quatre chevaux attelés n’avaient aucune peine à le tracter. Aussi est-ce à bonne allure que l’on négocia le virage de Fissemagne. Aucun voyageur n’attendait sur le bas-côté, aux arrêts prévus par la compagnie, aucun non plus ne demanda à descendre. Avec d’aussi bonnes conditions, les premières maisons du village de Planfoy furent rapidement en vue.

« La route est bonne, ce matin, à cette allure nous serons en avance à Saint-Genest-Malifaux, fit observer, s’adressant à sa voisine, un passager tout de bleu marine vêtu, assis à l’arrière de la voiture, qui avait pris la diligence place Bellevue, en sortant de la gare du même nom.

— Attendez que nous ayons dépassé Bicêtre, et vous verrez qu’avec la neige ça ira moins vite.

— La neige ! Vous croyez ?

— Regardez les pointes des sapins, au-dessus de la Neyranche, elles sont toutes blanches, ça veut dire que la neige commence juste un peu plus haut ».

La femme parlait sans doute avec l’expérience de la nature que confère la vie à la campagne.

Le cocher fit ralentir l’allure des chevaux pour pouvoir tourner à angle droit à la sortie du hameau de Bicêtre, et prendre la route de Saint-Genest. La neige était au rendez-vous en effet, sitôt passé le petit hangar abritant ce que dans le pays on nommait un « bachat », c'est-à-dire une auge, en pierre ou en bois, dans laquelle de l’eau d’une source coulait en permanence. Cela servait à la fois de fontaine, de lavoir et d’abreuvoir pour les bestiaux. Chaque bachat avait un nom, et celui-là on le nommait « Bachat des nouveaux-nés », mais personne n’aurait vraiment su dire pourquoi.

 

Le hameau de Bicêtre. À gauche, le Bachat des nouveaux-nés

(Carte postale ancienne)

 

Dans la diligence, deux bonnes femmes conjecturaient sur l’origine de ce nom. L’une prétendait que l’on mettait à fraîchir dans le bassin le lait destiné aux biberons des nourrissons, l’autre la contredisait en faisant remarquer avec bon sens, qu’au contraire le lait pour les bébés se devait d’être tiède. Celle-là avait une autre version, à laquelle elle tenait, affirmant que c’est sous cet abri, à l’orée du village, qu’étaient déposés jadis les nouveaux-nés abandonnés par leurs mères, ce qui arrivait fréquemment à une certaine époque lorsque les familles n’avaient plus de quoi nourrir des bouches supplémentaires. Cette conversation passionnée faisait l’objet d’une écoute attentive et amusée de la part du passager en bleu.

Dans un grand bruit de freins serrés, le coche stoppa peu après à un arrêt au bord de la route marqué par un poteau indicateur. Trois paysannes emmitouflées y attendaient la diligence. « Petit Nice », annonça le cocher.

« Quel drôle de nom, vous ne trouvez pas ? dit l’homme en bleu en s’adressant à ses voisines. Vous avez certainement une idée de son origine, ajouta-t-il.

— Ben, ça doit sans doute ressembler à Nice, c’est comme la Petite Suisse, au Bessat », répondit la première femme, pour une fois approuvée par la seconde.

« Qui donc a eu l’idée saugrenue de comparer à Nice ce coin perdu de la montagne du Pilat ? La Suisse, d’accord, mais Nice…», fit encore le passager, mais pour lui-même. Le vrai Nice, lui, il connaissait, ce qui n’était sûrement pas le cas des gens du coin, qui n’avaient jamais bien dû s’éloigner de leur campagne. Les hommes, si, peut-être, à cause de la guerre. Car certains avaient dû la faire, cette désastreuse guerre de 1870. Nice, la Riviera… L’homme en bleu se souvenait de ses voyages, tout en lissant de la main son épaisse barbe blanche. Les autres passagers ne lui prêtaient pas attention. L’espace d’un instant, il s’était demandé si quelqu’un n’allait pas le reconnaître. Mais non, ces braves paysans ne savaient sans doute même pas lire, alors même s’il était possible qu’ils aient entendu parler de lui, ils n’avaient jamais vu son portrait dans les magazines ou dans les livres.

La croix du Treyve, blanche de givre, se remarquait à peine dans la neige, qui se faisait de plus en plus épaisse au fur et à mesure que la diligence montait vers Saint-Genest, se glissant entre les sapins. À la Croix-Verte, commençait la descente, assez raide, nécessitant de ralentir et de freiner au besoin. Mais le cocher semblait aguerri à cet exercice délicat. Au sortir du bois, le temps étant clair, l’inconnu put jouir du vaste paysage des prairies enneigées du plateau. « Le pays de mes ancêtres », pensa-t-il, en laissant glisser son regard depuis le Creux du Balai jusqu’au sommet du Crêt de Chaussitre. Dans le lointain on apercevait les silhouettes caractéristiques du Mont Mézenc et du Mont Gerbier des Joncs.

Enfin la diligence arriva au centre du village, soulevant un nuage de neige poudreuse sur son passage. Le cocher stoppa son attelage, en annonçant d’une voix forte :

« Saint-Genest-Malifaux, terminus, tout le monde descend ! »

 

Saint-Genest-Malifaux au début du XXe siècle

L’autobus a remplacé la diligence. (Carte postale ancienne)

 

Assis au fond de la voiture, l’inconnu à la barbe blanche fut le dernier à en sortir. Avant de descendre du véhicule il s’adressa au cocher :

« Dites-moi, mon brave, je souhaite me rendre au hameau du Sapt, pouvez-vous m’indiquer s’il est possible de louer une voiture avec son cheval ?

— Normalement oui, il y a la maison Magnoloux qui assure ce genre de service, mais en cette veille ne Noël je crains qu’ils n’aient plus rien à vous louer… Enfin, demandez quand même… » Il avait accompagné sa phrase d’un geste de la main pour désigner une porte cochère, de l’autre côté de la place, au-dessus de laquelle se détachaient en lettres dorées :

Magnoloux – Location de voitures et de fiacres

L’homme en bleu s’y dirigea donc. Mais ainsi que le pensait le cocher, plus aucun véhicule n’était à louer.

« C’est de ma faute, dit l’inconnu à l’employé de service, j’aurais dû me renseigner et réserver une voiture par courrier. Pensez-vous que je puisse trouver ici un quelconque moyen pour aller au hameau du Sapt ?

L’employé de la maison Magnoloux réfléchit un instant en soulevant sa casquette à visière vernie pour se gratter la tête, puis il fit :

« Ben… Le Sapt c’est pas si loin, en été ça vous ferait une belle balade, mais avec la neige et le froid c’est autre chose, hein ? Alors… Y’a bien le Toine Martin, il doit avoir son étal au marché, il vend de drôles de fromages de chèvre, tout noirs et pointus, c’est le seul dans le pays à les faire comme ça, vous pouvez pas le rater. Y refusera pas de vous emmener dans sa carriole, vu que le Sapt c’est sur sa route puisqu’il vient des Bruchons, le hameau à côté, et c’est un bien brave d’homme, toujours prêt à rendre service…

— Merci pour le renseignement, mon ami. Je vais faire comme vous me le conseillez et chercher ce Monsieur Martin. »

Des fromages de chèvre tout noirs et pointus… Qu’est-ce que cette expression bizarre pouvait-elle bien vouloir dire ? L’homme en bleu fit le tour du petit marché, derrière l’église, où des producteurs du cru vendaient, qui du lait et des fromages, qui des charcuteries, qui des fruits et légumes, exposés sur des étals en bois. Un paysan avait étalé sur des feuilles de châtaignier toute une kyrielle de fromages de chèvre cendrés en forme de pyramide, peu courants dans la région. Des fromages de chèvre tout noirs et pointus… Comme l’avait annoncé le cocher, le nommé Antoine Martin, dit « le » Toine Martin, selon l’habitude locale, voulut bien emmener l’inconnu dans sa carriole jusqu’au hameau du Sapt :

« Le temps de livrer mes derniers fromages au restaurant Montmartin, l’affaire de dix minutes, et on y va », lança-t-il tout joyeux, heureux semblait-il d’avoir trouvé un compagnon de route, qu’il regardait d’ailleurs d’un drôle d’air, comme s’il l’avait reconnu.

« Il ne fait pas beau temps, par chez vous, et frisquet avec ça, remarqua l’homme en bleu, histoire de parler, pendant que la carriole traînée par une vieille jument dévalait la rue principale du village.

- Oh, ma foi, c’est un temps de saison, y’a pas à se plaindre », répondit le paysan au bout d’un moment, tandis que l’on venait de dépasser la gendarmerie.

Le Toine Martin n’était pas très bavard, malgré son caractère jovial. Cela n’était pas pour déplaire à l’homme à la barbe blanche, lui-même de nature solitaire et silencieuse. La carriole filait son bonhomme de chemin ; on était maintenant devant l’auberge du Sapt, d’où s’échappait un fumet prometteur.

 

Le hameau du Sapt (carte postale ancienne)

 

« Le hameau du même nom est juste au-dessus, dit le Toine Martin en montrant à son passager un groupe de maisons sur une petite éminence dominant l’auberge. La route est à gauche, un peu plus loin. Je vous y monte, et après mon cheval n’aura qu’à se laisser glisser pour descendre aux Bruchons.

— Parfait, et puisque c’est à côté je redescendrai à pied jusqu’à l’auberge pour déjeuner, dès que j’aurais vu ce que je veux voir au Sapt.

— Tiens donc, vous allez repérer les maisons que vous visiterez cette nuit, non ?

— Visiter cette nuit ? Non, mais… Vous me prenez pour un cambrioleur ?

— Ah pour sûr, non, ça serait même le contraire, hein ? »

L’homme à la barbe blanche renonça à comprendre. Il se disait que ces paysans avaient vraiment de drôles d’idées. Le hameau était atteint maintenant : une douzaine de maisons en gros moellons de granit serrées les unes contre les autres. Le Toine Martin laissa son passager au pied d’un vieux calvaire, puis fit demi-tour et repartit. L’inconnu se dirigea vers le centre du hameau, où s’élevait une demeure paraissant plus luxueuse, à cause de ses ornements en façade, accolades au-dessus des fenêtrons du grenier, encadrement de porte mouluré, sans doute des pierres de remploi. Il y avait même, surmontant l’entrée, un fragment de voûte, dont la clé s’ornait d’un écusson avec une croix pattée, semblant d’origine templière, qui avait dû être récupéré dans quelque ancienne possession des Templiers. Une fumée bleue s’échappait de la cheminée, et de la lumière filtrait à travers les rideaux des fenêtres, la maison était donc occupée. Il frappa à la porte.

 

Maison de 1584 dans le hameau du Sapt.

En médaillon : détail de l’écusson à croix pattée au-dessus de la porte d’entrée

 

Une femme lui ouvrit, l’air soupçonneux devant cet inconnu. C’était d’abord la couleur de sa tenue qui la surprenait. Elle même, comme tout le monde à cette époque, étant en permanence habillée de noir. Puis surtout le fait qu’il fût vêtu d’un élégant costume trois pièces, sur une chemise blanche avec nœud papillon. Le genre de vêtements qu’à la campagne on ne mettait que les dimanches, et encore… les dimanches de fête, pour Pâques par exemple où il était naturel d’aller communier dans ses plus beaux atours. « Un étranger, sans doute », pensa la femme. Étranger au village, tout au moins, faut-il préciser. Il ne devait pas en passer beaucoup dans le pays, dans ce coin reculé. Le quidam se découvrit, révélant une chevelure bouclée blanche comme sa barbe, pour adresser un bonjour aussi amical que possible. Puis il se renseigna :

« Je cherche l’ancienne maison Verne, pouvez-vous me l’indiquer ?

— Mais vous y êtes, c’est ici même. Mais si vous cherchez les Verne, vous risquez pas de les trouver, les derniers sont partis depuis bien longtemps.

— Oui, je sais, je porte moi-même le nom de Verne, je m’appelle Jules Verne… »

Il avait failli dire « je suis Jules Verne », mais nul doute que son nom n’aurait éveillé aucun souvenir chez la maîtresse de maison. Il avait donc préféré une manière plus neutre de se présenter, et d’ailleurs cela ne suscita aucune réaction chez cette femme, qui n’avait jamais dû ouvrir ni journal ni livre. Jules Verne reprit :

« Alors cette maison est celle de mes ancêtres. Les Verne venus du Vivarais se sont fixés dans le Pilat au XVIe siècle. Voyez-vous, j’ai un ami notaire qui a effectué des recherches généalogiques… »

La paysanne ne parut pas comprendre le dernier mot, ce qui se traduisit par un froncement de ses sourcils broussailleux. Jules Verne prit le temps d’expliquer :

« Disons qu’il a remonté les générations de ma famille paternelle pour trouver qui étaient mes ancêtres. Il a découvert qu’un Louis Verne et son fils André étaient établis au hameau du Sapt, paroisse de Saint-Genest-Malifaux, à partir de 1589, après avoir résidé dans l’ancienne commanderie des Templiers de Marlhes.

— Oui, et paraît que c’est de là que vient cette pierre avec la croix qui nous protège », fit-elle en montrant la croix pattée. Jules Verne la remercia pour cette précision et poursuivit :

« Le fils d’André, Fleury, se maria à Lyon et s’installa dans cette ville où il fit souche. L’un de ses descendants s’établit à Nantes, où il fut rejoint par son neveu Pierre, mon père. Alors vous comprenez que cela me fait plaisir de revenir dans le pays où ont vécu mes ancêtres, sept générations avant moi. Je voulais voir de mes yeux la maison dans laquelle ils ont passé leurs jours, où ils ont travaillé, où ils ont aimé, où ils sont morts... Me permettriez-vous d’entrer, sans vouloir vous déranger ? »

La femme hésita, ne sachant que répondre :

« C’est-à-dire que… vous comprenez, mon mari n’est pas encore revenu du village, alors je ne voudrais pas… Ah ! Tiens, le voilà qui arrive par la coursière. Oh, Gaspard, viens vite voir par ici ! »

Jules Verne dut répéter toute son histoire au mari. Celle-ci eut l’air de plaire au dit Gaspard, un homme rougeaud pas mauvais bougre, semblait-il. Lui non plus ne réagit pas au nom de son visiteur. Pourtant, tout comme le père Martin, il affichait un air un peu goguenard.

Jules Verne réitéra sa demande :

« Mais oui, répondit Gaspard, ce sera un plaisir que de vous faire l’honneur de notre modeste demeure. Allez, entrez Monsieur Verne, d’ailleurs il fait pas chaud dehors, et même si vous en avez l’habitude vous serez quand même mieux dedans auprès du feu ».

La maison était meublée simplement. Pièce unique au rez-de-chaussée, servant à la fois de cuisine et de séjour. Trois enfants d’une dizaine d’années jouaient dans un coin, au pied de l’étroit escalier qui devait conduire à l’étage. Dans l’âtre une grosse volaille rôtissait à la broche, laquelle tournait en étant mue par un complexe mécanisme d’horlogerie. Jules Verne admira le système, identifiant en connaisseur les différents rouages. Penché sur le tournebroche, il ne put s’empêcher de renifler l’odeur alléchante de la poularde dorée.

« Ah Monsieur Jules, claironna Gaspard, on peut dire que vous êtes ici chez vous. Allez, vous mangerez bien avec nous ? Ma femme a préparé un gratin de cardons, pour accompagner la poule ».

Des cardons… Un légume bien local, cousin du chardon sauvage, qui ne se cultive guère que dans le sud-est de la France. C’est une plante ressemblant aux côtes de bettes, dont elle a la texture, mais appartenant à la famille des artichauts, dont elle a le goût délicat. Le secret est de serrer et ficeler chaque plant de cardon dans un épais papier opaque, à l’automne venu, afin que les tiges blanchissent, s’attendrissent et perdent leur amertume. Légume d’hiver par excellence, en Provence le cardon – là-bas on dit carde et on le prépare à la crème et à l’huile d’olive – fait traditionnellement partie du souper de Noël. Jules Verne se souvenait d’en avoir goûté, il y a longtemps, lorsqu’il faisait le voyage à Antibes pour travailler avec le dramaturge Adolphe d’Ennery à l’adaptation de ses romans au théâtre. Un bien long trajet en chemin de fer depuis Amiens, alors il faisait halte à Lyon, discrètement, et allait déjeuner à la célèbre brasserie Georges, près de la gare de Perrache. C’est là qu’on lui avait servi des cardons à la moelle, une spécialité de la gastronomie lyonnaise.

 

Gratin de cardons

 

« Nous avons des fromages aussi, reprit le fermier, et puis… Hein, Valentine, si tu nous fouettais une jatte de crème fraîche avec du sucre pour le dessert ? »

Le repas s’était déroulé dans la simplicité. Jules Verne se régalait de ces plats rustiques mais goûteux. Il n’aurait sûrement pas trouvé mieux à l’auberge. Mais Gaspard, décidément, le regardait de plus en plus bizarrement, tout en se préparant une pipe. Il s’approcha de lui, et lui souffla à mi-voix :

« Hé ! Je vous ai reconnu, vous savez…

— Vraiment ? Et comment est-ce possible ?

— Ben… Y’a une affiche qui vous représente, au bureau de tabac du village.

— Une affiche ? Dans le bureau de tabac ?

— Oui, une réclame si vous aimez mieux, pour des cigarettes je crois bien… »

Jules Verne était dubitatif. Même si le tabac tenait une place certaine dans son œuvre, en particulier dans Kéraban le Têtu, Il était certain de n’avoir autorisé aucun fabricant de cigarettes à utiliser son image pour de la publicité. Il se dit qu’il irait voir de plus près, avant de reprendre la diligence pour Saint-Étienne. Et si c’était vrai, il rapporterait l’affiche pour la montrer à son épouse Honorine, une fois rentré à Amiens. Et puis ils décideraient, avec l’éditeur Hetzel, s’il y avait lieu d’envisager une action en justice. Il en était à ce point dans ses réflexions lorsque Gaspard l’interrompit :

« Allez… Vous avez beau vous habiller en bleu marine, votre bonne tête reste la même. Sacré Père Noël !

— Père Noël ! Vous croyez encore au Père Noël ?

— Pour Dieu, oui, puisque je l’ai devant moi…

Jules Verne ne comprit pas tout de suite. Puis il rit de bon cœur. C’est vrai qu’avec sa chevelure et sa barbe blanches, il ressemblait un peu au Père Noël. Il eut une pensée émue pour sa grande amie George Sand, décédée neuf ans plus tôt, qui avait inventé ce nom pour son livre de souvenirs autobiographique, Histoire de ma vie, paru en 1855. Jules Verne se remémorait le passage en question :

« Ce que je me rappelle parfaitement, c’est la croyance absolue que j’avais à la descente par le tuyau de la cheminée du petit père Noël, bon vieillard à barbe blanche qui, à l’heure de minuit, devait venir déposer dans mon petit soulier un cadeau que j’y trouverais à mon réveil. Quelle émotion me causait l’enveloppe de papier blanc ! car le père Noël était d’une propreté extrême… »

Depuis, le nom Père Noël imaginé par la romancière était passé dans le langage courant. Avant on disait plutôt « Bonhomme Noël ». Mais qui se souvenait encore du rôle de George Sand dans l’introduction du nom dans la langue française ?

« Par saint Jonathan ! » s’exclama Jules Verne, en sortant de sa rêverie. C’était bien la première fois qu’on le prenait pour le Père Noël. Il comprenait maintenant les curieuses remarques du Toine Martin. ça alors, quand il raconterait cette histoire à Honorine… Il n’eut pas le cœur de détromper le brave Gaspard. Il entra même dans son jeu, n’hésitant pas à enfoncer le clou, avec son habituel sens de l’humour et de la répartie, lui assurant que le Père Noël était ravi d’avoir été démasqué, et qu’il n’en voulait pas le moins du monde à Gaspard. D’ailleurs il lui garantit qu’il n’oublierait pas ses enfants, la nuit prochaine :

« Savent-ils lire, au moins, demanda-t-il.

— Oui, ils vont à l’école, et ce sont de bons élèves. On en fera autre chose que des paysans. L’éducation c’est important pour réussir dans la vie.

— Une bonne parole, mon ami. »

Alors, il sortit une grosse montre du gousset de son gilet, et, faisant mine de regarder l’heure :

« Ce n’est pas que votre compagnie me déplaise, mais vous comprenez, en ce 24 décembre le Père Noël a encore bien du chemin à faire. Il faut que je retourne au pôle Nord, où la Mère Noël a dû charger les cadeaux dans le traîneau volant, qui sera tracté par les rennes enchantés. Tenez ! Je vais vous confier un secret : tout le monde croit que j’ai huit rennes, mais en réalité il n’y en a que deux, mes fidèles Éclair et Tonnerre. Et croyez-moi, comme ce sont des rennes magiques, ils suffisent bien pour me faire faire le tour de la terre en une nuit, et déposer mes cadeaux partout à minuit précises. N’est-ce pas merveilleux ? Tout cela grâce à mes rennes… Oui mon ami, souvenez-vous de ceci : tout le mystère du Père Noël tient dans ses deux rennes. Hein, vous entendez ? Le mystère des deux Rennes, avec une majuscule s’il vous plaît… »

 

Qui est Jules Verne ? Qui est le Père Noël ?

 

Jules Verne s’éloignait du Sapt en pensant à son aventure. « Après tout, se disait-il, je suis bien une sorte de Père Noël, chaque année pour les fêtes je publie un nouveau roman pour la jeunesse, c’est un beau cadeau, qui doit se retrouver dans des milliers de souliers ». Puis il disparut dans la neige et le brouillard. Gaspard, qui le suivait du regard depuis le pas de sa porte, croyait dur comme fer que le Père Noël avait déjà retrouvé son pôle Nord, sa Mère Noël, ses rennes, et qu’il devait être en train d’atteler son traîneau chargé de présents.

« Mais qu’a-t-il voulu dire, en parlant du mystère des deux Rennes, avec une majuscule ? » demanda-t-il à sa femme. La brave Valentine ne sut que répondre. Il faut dire qu’elle ignorait jusqu’au sens du mot majuscule.

Le lendemain matin, jour de Noël, les trois enfants de Gaspard trouvèrent dans leurs souliers, qu’ils avaient déposé devant la cheminée, dans une enveloppe de papier blanc, chacun un gros livre cartonné de couleur rouge : Mathias Sandorf, Kéraban le Têtu, Le Rayon-Vert, des romans récemment parus dans la collection des Voyages extraordinaires.

Mais alors, cela voulait dire que Jules Verne était bien le vrai, l’unique Père Noël, sinon comment aurait-il fait pour déposer ces cadeaux ?

Patrick Berlier









Michel Barbot

Chers Amis Internautes,

L’année 2015 se retire et voici qu’une année – 2016 – prend son envol. Tels les passagers d’un avion, nous attachons nos ceintures et nous voyageons dans un temps nouveau. Le commandant de bord d’un avion entraîne les passagers vers une destination connue. Le vol que nous prenons pour cette année 2016 reste quant à lui un vol vers l’inconnu. Dire que le mystère sera au rendez-vous ? Non ! Dire que notre vie va changer du tout au tout ? Oui pour certains, mais majoritairement, non ! Et bien malgré tout il nous faut prendre ce vol, il nous faut le prendre avec l’espoir et le désir d’arriver au bout de ce voyage. Chaque fin d’année apparait comme une étape. Un col du Tourmalet pour les uns…


… la route qui trace la Riviera italienne pour les autres.


Je vous souhaite, Amis Internautes, un beau voyage 2016, le plus beau des voyages ! À chacun sa Riviera, certains d’entre vous la nommeront Irlande et d’autres Tahiti mais puisse-t-elle, je vous le souhaite, être tout simplement et véritablement, une bonne et heureuse année 2016.

Personnellement je continuerai à rédiger en 2016 mes habituels Dossiers que vous découvrirez tout au long de l’année sur ce site. Je tiens à vous remercier tout particulièrement pour vos régulières visites.

Je vous invite à découvrir, à présent, ce nouveau conte de Noël qui se veut une suite, voir même une préquelle du précédent conte de Noël… Au XVIème siècle, époque choisie pour ce conte, Noël s’écrivait sans tréma. Cette orthographe sera respectée tout au long de ce récit.

Bonne lecture et surtout bon et heureux voyage 2016.





Noel Ourifique pour

Maître Uiéronymus Berlier et Anselme Rollat

 

« NOEL ! Ce nom reste pour moi, Anselme Rollat, un nom magique. Seule la langue française connaît ce mot sublime et donc unique. Les grands moments de ma vie, mirifiques moments, sont placés sous le sceau de ce jour anniversaire de la naissance du Christ. Aujourd’hui c’est Noel, ce 25 décembre sera pour moi, je le sais, mon dernier Noel. Mes forces me quittent et le froid de l’hiver pénètre mes os. Mon corps s’affaiblit mais mon esprit toujours vif entretient la flamme qui brûle en moi. J’ai souhaité que cet ultime Noel ait pour cadre la maison ancestrale du hameau de Soyère en Pélussin où mon regretté père aimait tant à nous raconter, mon frère, ma sœur et moi, l’histoire méconnue et oubliée des Roullat. Car oui, je l’avoue bien volontiers, si j’ai imposé pour mon travail d’imprimeur-éditeur, la forme plus moderne, me semblait-il dans ma jeunesse, de Rollat, je reste, ainsi que mes enfant, un Roullat…

« J’ai tenu à faire mes adieux à cette maison de Soyère que j’ai aimée depuis ma prime enfance. Dans la salle de séjour les rires de mes enfants et petits-enfants égaient l’antique demeure. Combien de temps encore vivra cette maison ? À l’écart dans la chambre, confortablement installé dans le vieux fauteuil de mon père, je me replonge une dernière fois dans la *CHRONIQUE À L’OURE RELIÉ.

*Pour plus d’information sur cet ouvrage, lire le conte de Noël 2014 « ET MELCHIOR CHANTA ».

Demain, serrés dans la malle-poste, nous rentrerons à Saint-Étienne. Le manuscrit sera imprimé par Marc mon fils aîné et successeur, dans l’imprimerie familiale de l’Hostel AU ROLLAT D’OR. Le livre demeure inachevé, il incombera à mon vieil ami Hiéronymus Berlier d’achever notre quête en un temps lointain… Le livre sera caché dans une crypte hermétique du vieux Saint-Étienne. Seuls Hiéronymus et le Rabbi Shlomoh pourront, l’heure venue, pénétrer dans ce lieu fermé où se trouvent déjà deux coffres au mystérieux contenu… J’aurais aimé partir une dernière fois avec mon vieil ami, mais contrairement à lui, mon corps subit les assauts des années…

« Dans l’âtre de la grande cheminée, crépite un feu de bois chantant. De lumineuses couleurs bleues et vertes me rappellent un autre feu si lointain et pourtant si présent…

Par une belle matinée automnale, en cet été de la Saint-Martin de l’An de grâce 1588, Maître Hiéronymus Berlier, Anselme Rollat et André Verne, descendent la rivière Loire à bord d’une nave habillée d’argent de la Compagnie des Nautoniers de Nantes. Cette antique corporation, dite aussi Communauté des Nautes, ainsi qu’indiqué dans un acte officiel de 1344, sous Philippe le Bel, est un prolongement du Collège des Nautes romains. Toujours puissante en cette année 1588, la compagnie n’en a pas moins perdu depuis 1563, ses droits de police et de surveillance de la Loire, passés au Maître des Eaux et des Forêts.

Voici qu’apparaît le château des Ducs de Bretagne dominant la Loire fleuve royal.

 

Plan du château figurant dans l’étude de M. Elder

« Le château des ducs de Bretagne vers 1923 ».

 

Dans sa navigation, la nave nautonière longe les fortifications de la cité de Nantes. Bientôt se profile le Râteau d’Erdre, ouvrage fortifié, dont la herse se lève afin de permettre le passage de la nave dans la cité. Le Maistre Nautonier manœuvre le vaisseau avec habileté puis remonte le cours de la rivière Erdre. Sur la rive Ouest de l’Erdre, apparaît l’ancienne Commanderie Sainte-Catherine des Templiers, aujourd’hui afféagée par les Chevaliers de Malte à la Communauté de ville de Nantes. Les trois voyageurs venus du Mont Pila ont rendez-vous sur la rive Est avec le Commandeur des Chevaliers de Malte, Hospitaliers de Saint-Jean de Nantes. Accueillis par des hommes d’armes du Commandeur au Port Communeau, les voyageurs sont conduits au Petit Manoir Saint-Jean.

André Verne est greffier au baillage de Saint-Ferréol depuis 1584, et ce, encore pour deux années, lorsqu’en en 1585 il s’établit fermier de la Commanderie du Temple à Marlhes dans le Haut-Pila. *

*Lire sur le sujet le livre d’Antoine Herrgott Le Château de la Faÿe.

N’est pas fermier, autrement-dit locataire qui veut, dans la commanderie de Marlhes ! Et puis, il y a cette rumeur persistante suivant laquelle André Verne serait, dans le secret des murs de la commanderie, un fermier ou formier, d’une autre nature. Il créerait des fourmes ou formes, soit des statues, ou des portraits… C’est en qualité de membre dépendant du Temple de Marlhes que le fermier fait son entrée dans la Commanderie Saint-Jean-des-Abretims proche des CordeliersLes trois amis sont chaleureusement accueillis par le Maître des lieux ainsi que par deux gentilshommes fraichement débarqués à l’aube d’un bateau en provenance de Plymouth en Angleterre. Il s’agit de Christopher FitzRolling l’Écossais des Highlands et de Rob McBerling l’Irlandais, cousins respectifs, bien qu’éloignés, d’Anselme Rollat et du Maître Iéronymus Berlier.

Le commandeur présente à ses hôtes un homme jeune, il s’agit de Pierre Biré, sieur de la Doucinière, jeune avocat du roi au présidial de Nantes. Ce Nantais intrigue, âgé de 23 ans pour les uns ou de 26 ans pour les autres, il est connu et reconnu, ainsi que l’indique le commandeur, comme un féru d’Histoire de Nantes. Malgré son jeune âge, il a commis sur le sujet quelques écrits qui déclenchent des discussions passionnées. Son in-4° « Basylique Voliane » est qualifié par les uns, de curieux et savant et par les autres, de savant mais extravagant ! Le jeune Nantais affirme sa passion pour les Antiquités Nantaises depuis la découverte en 1580 dans les fossés de la Porte Saint-Pierre, d’une dalle gallo-romaine offrant une inscription évoquant le dieu Volianus ou Volkanus patron des Nautonniers Nantais.

 

L’inscription du dieu Volianus

 

Les présentations faites, le commandeur de Nantes entraîne les hôtes dans une visite commentée de la Commanderie Saint-Jean-des-Abretims proche des Cordeliers

« Le nom Abretims est né, affirme le commandeur, d’un long processus cabalistique porté par les oiseaux. Il trouve son origine dans le mot Arreptins ou Arétins, ceux qui tombaient du haut mal, ou mal caduc, autrement mal de Saint-Jean. La forme définitive – Abretims – quelque peu modifiée, évoque la Montagne des Abarim ou Abraïn*, thème, je le sais, bien connu de votre famille, Mon Cher André Verne…

*La Droitière 15 Octobre 1867, poème de Pierre Verne in Les Annales de Nantes et du Pays Nantais N° 187-188 Spécial Jules Verne. Pierre Verne, le père du romancier Nantais Jules Verne, évoque les sommets d’Abraïn nantais et ce, de façon bien hermétique. Nous reviendrons sur le sujet dans un prochain article.

Du haut de cette montagne de Canaan, Moïse contempla la Terre promise. C’est au cœur de cette montagne que se trouve le Tombeau du Libérateur du peuple hébreu… Mais sachez aussi, que la cité de Nantes et sa périphérie, considérée par certains prêtres comme la Galilée de l’Atlantique, présente également ses propres sommets d’Abraïn… Certains Nantais connaissent aujourd’hui encore l’énigme du Tombeau Nantais des sommets d’Abraïn. Vous aurez assurément l’opportunité dans l’avenir d’approfondir le sujet. »  

Le commandeur cède ensuite la parole au sieur de la Doucinière. Le jeune homme s’approche d’une table où est posé un dessin représentant la dalle des Nautes gallo-romains de Nantes découverte en 1580 dans le fossé de la Porte Saint-Pierre. Il explique aux invités du commandeur que, suivant quelques érudits locaux dont il partage les idées, et même les certitudes, l’inscription révèle et confirme l’existence de l’ancien Temple druidique de Volianus. De tradition les évêques Eumérius et Saint Félix auraient édifié la première cathédrale au dessus du temple.

« Les historiens Nantais estiment que Félix le Biturige aurait détruit le sanctuaire primitif mais nous pensons, mes amis et moi, que le Temple fut détruit par les Vikings le jour de la saint Jean-Baptiste de l’an 843. En ce triste jour, les Hommes du Nord décapitèrent sur l’autel Saint Gohard l’évêque de Nantes.

« Je suis, vous le savez, membre de la fille nantaise de la Société Angélique Lyonnaise, société discrète créée par notre Maître Nicolas de Lange. Notre Maison se situe dans la rue de la Juiverie où plane encore l’ombre des Juifs de Nantes avec lesquels nous travaillons mais dans le plus grand secret sur certains mystères liés à notre cité.

« Le livre princeps de la Société Angélique, vous le savez, est le mystérieux Songe de Poliphile. Nos adversaires, car oui nous avons quelques adversaires… affirment que notre lecture de l’inscription gallo-romaine trouvée lors de la démolition de la Porte Saint-Pierre en 1580, se veut de notre part, une volonté démesurée d’affirmer comme vérité les messages cryptés du Songe de Poliphile. Ils ont à la fois raison et à la fois tort ! Ils ont tort en ce sens que les messages du Songe sont bien VÉRITÉ mais cette vérité ne peut être approchée que si l’on en détient les clefs, ce qui n’est assurément pas le cas de nos contradicteurs ! Et Dieu sait si ces contradicteurs donneraient beaucoup pour détenir ces clefs !

« Nous savons de tradition, que Nantes était et est encore le Miroir de Lyon, tout comme Lyon était et est encore le Miroir de Nantes. Le Songe de Poliphile, évoque ainsi que nous le pensons – mais pas uniquement – ces deux cités. Les liens unissant les deux cités remontent au IIème siècle et même au-delà, période durant laquelle le Vénète L. Tauricius Florens, patron du collège lyonnais des Nautes de la Saône et de la Loire, était également trésorier (agrégé) de la Caisse des Gaules au sanctuaire fédéral du Confluent, à Lugdunum-Lyon* ».

* Nantes antique Jacques Santrot – Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest. 

Se tournant vers le commandeur des Chevaliers de Malte de Nantes, Pierre Biré ajoute : « Notre honorable hôte, Maître des Hospitaliers de Nantes conserve précieusement dans sa bibliothèque, la première traduction en français du Songe, datée de 1546 faite par un Chevalier de Malte. »

Le commandeur de Nantes confirme les propos du sieur de la Doucinière en présentant l’exemplaire de cette édition, détenu pareillement par la Société Angélique de Lyon.

Le jeune avocat du roi au présidial de Nantes reprend la parole :

« Le Songe de Poliphile fut inspiré par les amours de Laurent de Médicis dit le Magnifique avec la belle Lucrézia Donati. Dans le Songe plane l’ombre de l’humaniste Léon-Baptiste Alberti qui était l’une des têtes pensantes d’un cénacle dont les membres furent persécutés en 1466 par la papauté. L’humaniste trouva refuge à Florence chez les Médicis et ainsi perdura ce que l’on appelle parfois " l’Église des Lumières " ou " l’Église du Brouillard* ".

*Michel Lamy JULES VERNE initié et initiateur Payot Éditions.

« L’humaniste Niccolo Machiavelli, dit Machiavel (1469-1527), humaniste appartenant à cette mouvance, fut en 1498, secrétaire de la seconde chancellerie de Florence. C’est officiellement en qualité d’ambassadeur de la République de Florence, qu’il obtint cette même année une rencontre diplomatique au château des Ducs de Bretagne à Nantes, au sujet de l’annulation du mariage de Louis XII puis de son remariage qui devait se dérouler l’année suivante. Officieusement, nous savons que Machiavel qui s’en vint à plusieurs reprises à Nantes, séjourna dans la cité, en qualité de Maître de ce mystérieux cénacle de Florence.*

*Il vécut dans une petite maison au coin de la rue Sainte-Croix et de la rue de la Juiverie. Son hôte était un barbier-chirugien. Stéphane Pajot Nantes insolite et secrète 3Machiavel séjournait au Bouffay Journal Presse-Océan Jeudi 21 août 2008.

« Notre Maison de Nantes, filiale nantaise du cénacle de Florence, se plaça récemment dans le giron de l’Angélique de Lyon, elle-même proche de Florence…

« Je reviens à présent à l’inscription gallo-romaine des Nautes Ligériens de Nantes et ainsi au Songe de Poliphile. Cette inscription évoque l’ancien Temple druidique de Nantes. Nous travaillons au sein de notre groupe nantais sur la nature hermétique de cette " Basylique Voliane ". Ce travail de longue haleine, nous en sommes conscients, se prolongera sur plusieurs années. Nous avons nommé cette quête philosophale : l’Épisemasie ou Gazette d’Aletin le Martyr Sieur de Creance * Chaque mot est important. L’épisemasie, terme de médecine, s’applique à l'invasion d'une maladie, le premier moment où elle fait son apparition. Aletin le Martyr : Il suffit de remplacer le L par un R pour obtenir Arétin…

*Titre d’un livre de Pierre Biré. Dans son Dictionnaire biographique universel et pittoresque, Paul Ackermann (Paris, Aimé André libraire-éditeur – 1834) reprend l’idée, semble-t-il erronée, d’une première édition de ce livre en 1580, connu surtout pour son édition de 1637 en in-4° ou in-quarto. L’édition dite de 1580 ne fut peut-être, en fait, que l’édition du Basylique Voliane

 

Page de titre du livre de Pierre Biré

 

« Quant au mot " Gazette " nous l’avons choisi pour son origine. La gazette nous vient d’Italie. Il s’agit initialement d’une feuille d’information. À Venise est née au milieu de notre siècle, la Gazeta de le novite. Une fois par semaine, les gouvernants de Venise montaient ce journal avec des informations sur les voyages des bateaux qui se trouvaient un peu partout dans le monde. Ils y publiaient aussi les nouvelles réglementations et les décisions prises par le Doge et ses conseillers. Ce journal coûtait une gazeta, pièce de monnaie valant environ trois liards ou deux sous. Elle fut frappée à Venise en 1538 par le Doge Andréa Gritti. 

« Notre mot français gaze avec le sens de " trésor " reprend la signification des mots latin, grec et araméen gaza. Pour nous, membres de l’Angélique de Nantes, la gazette évoque notamment la gaza de Marnas, c’est-à-dire le trésor du Temple de Marnas, divinité de la cité biblique de Gaza. Le Rabbinat de Nantes, avec qui nous travaillons, nous a appris que le nom biblique de cette cité est Aza : la Cité Forte ou la Fortifiée. Nous attachons pareillement une grande importance au vénitien gaza " pie " que d’aucuns affirment avoir influencé la création du mot gazeta et surtout contribué à la création du mot geai. Nous sommes assurément ici dans le jeu de mot mais ce jeu de mot nous parle profondément pour les Nantais que nous sommes. Nous pratiquons à Nantes comme dans beaucoup d’autres cités du royaume, le jeu du papegault (nom ancien du perroquet) ou papegeay. Nous savons que derrière l’oiseau perché sur un mât se cache une lutte ancienne opposant le Roy au Pape Gault ou Pape Gaulois. À Nantes l’actuel Roy des Abatteurs de Pape-Gaults est Quentin de la Tour, archer de la commanderie. Nous y voyons tout un symbole propre à dérouter nos véritables ennemis. Vainqueur trois années consécutives, il est le premier Abatteur dans la cité de Nantes à porter le titre suprême d’Empereur. Symbole d’autant plus fort, nous sommes dans la cité même du Pape secret ou Pape Gault ! Car oui, le Pape Gaulois demeure dans la Nantes intra-muros ».

Le jeune Pierre Biré s’arrête un instant. Il semble vouloir reprendre son souffle après une telle révélation. Peut-être s’attend-il à quelque réaction de la part des hôtes particuliers du commandeur. Les quelques confidences faites par le commandeur, ainsi que par la tête supérieure de la Maison de l’Angélique de Nantes au sujet de la mission de ces hôtes très spéciaux, donne à penser que le sujet ne leur est pas étranger. C’est Maître Hiéronymus Berlier qui prend la parole :

« Le Pape Gaulois de tradition serait le gardien des sommets d’Abraïn de cette Galilée de l’Atlantique. Ce " Libérateur " ou " Vainqueur ", ainsi que le formulait Michel de Notre-Dame dans certains de ses quatrains et ainsi que le révèlent quelques documents secrets détenus par André Verne ici présent, est connu sous le nom de… Victor ! J’ai personnellement eu l’insigne honneur de rencontrer dans la capitale historique des Souverains Bretons, ce Prince de l’Église. La mission que nous préparons est placée sous la haute autorité de ce haut personnage dont il ne m’appartient pas de parler plus.  »

Pierre Biré s’est vu quant à lui gratifié de quelque accréditation pour parler ce jour dans le secret de la commanderie, de ce haut personnage, aussi prolonge-t-il son exposé en s’appuyant sur la dalle gallo-romaine :  

« … ce mot Volianus n’est aucunement Latin, ni Grec, ni Barbare, non pas même simple, mais purement Hébreu, composé d’une diction Hébraïque, Vol pour Bala qui signifie vieil & ancien, et du mot Hébraïque Iana qui désigne le vin… Sachant que l’Hébreu Vol/Bol* désigne tout d’abord une production (un fruit), un morceau de bois ou une branche d’arbre, nous affirmons que dans la cité de Nantes se trouve aujourd’hui encore la " Branche de Vigne ", le " Cep de Vigne " planté par Noé qui n’est autre que Volianus. Les Templiers Nantais ont appelé ce Cep : le Bois Tortu. Michel de Notre-Dame, bien connu dans la cité de Lyon, évoque ce mystérieux Bois Tortu dans l’un de ses quatrains. L’ancienne chapelle des Blancs Manteaux Nantais était ce que les Gouliards ou Gaults appelaient un Four. N’entraient pas qui veut dans le Four Sainte-Catherine du Bois Tortu. Le mot de passe propre aux Gaults était : "Croix signe ouvre gueule, sache est vrai ".

*Les Gouliards – Grasset d’Orcet, in la Revue Britannique, décembre 1880.

« Cette croix de Gueules détenue par de très rares initiés ouvre la gueule du Séplucre des Fils de Golia... Nous savons par le Rabbinat Nantais que Bala est aussi une cité biblique de la tribu de Siméon. Cette " Vieille Cité " ouvre le 29ème verset du chapitre 4 du premier Livre des Chroniques : " Bala, Etsèm, Tolad ", soit mot à mot : " Dans le Vielle Cité, est l’Os (voir la substance, la quintessence), de la Génération. " Cette génération (Tolad) ainsi qu’indiqué dans le Livre de Josué au chapitre 15, verset 30 est El-Tolad : Génération de Dieu…

« Le docte Rouillard, en notre cité de Nantes, nous a dit que le Volianus, Ianus le vieil, c’est-à-dire Noé, fut le fondateur du Collège et des Druides de Nantes.

Pierre Biré affirme que le « Patriarche a été le vray type & la très véritable figure non seulement de notre Sauveur Iesus-Christ & de son Eglise… il a été la figure tant de S. Pierre, que des papes ses successeurs… ayant en outre ce saint Père ou le tiltre de portier, & de Clauiger cœli, comme Noé l’avait eu… » Le jeune avocat affirme que Noé par ses différents noms, notamment Hile et Cahos, formulait la matière de la pierre philosophale dont il fut l’inventeur.

« Douze Druides officiaient dans la Basylique Voliane, qui était tout à la fois un Temple comparable par son aura au Temple de Jérusalem, un Palais, un Collège et même une Bourse où se réunissaient les Nautes Ligériens. Le Saint des Saints de ce Temple Druidique était bien sûr la crypte où trônait le Tricéphale Volianus. Trois lettres sont associées à la divinité nantoise : l’Alpha – le Ni (Nu) – l’Oméga, soit le passé, le présent et l’avenir. Vous retrouverez ces trois lettres dès demain lorsque vos pas vous mèneront dans les pas de l’illustre Saint Martin de Vertou. Mais ces trois lettres dont le Saint œuvra à la remise en ordre, furent anarchiquement placée : Alpha – Oméga – Ni… »

Pierre Biré achève son long discours par cette phrase bien énigmatique :

« Nantes fut, Nantes reste et Nantes restera, je vous l’affirme la Cité du… Clauiger cœli. »

La journée s’avance. Le commandeur propose à ses invités de le suivre dans le réfectoire où le repas du soir est servi. Puis vient l’heure du repos.

Au petit jour, les cinq amis se lèvent d’un bon pied. Ce jour ils vont quitter la bonne ville de Nantes pour l’abbaye Saint-Martin-de-Vertou. Le commandeur accorde un ultime entretien à ses hôtes sur un sujet que ces derniers connaissaient déjà plutôt bien. Il s’agit de la secrète mission de saint Martin de Vertou à Jérusalem. Cette mission fut racontée par un Chevalier Hospitalier de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem venu de Jérusalem à Nantes au XIIème siècle et dont le livre occupe les rayons de la bibliothèque. Mais l’heure s’avance, les illustres hôtes du commandeur sont attendus à Vertou, où ils pourront tout à loisir prolonger cette conversation avec le Père-abbé du lieu saint, aussi prend-il congé de ses amis.

C’est une fois encore par une belle matinée de l’été de la Saint Martin, bien qu’un peu fraiche que les quatre cousins en compagnie d’André Verne, juchés sur un destrier de la commanderie, quittent la cité de Nantes sous la protection de deux hommes d’armes. L’un des d’eux n’est autre que Quentin de la Tour, le célèbre archer Nantais, Roy et même Empereur des Abatteurs du Pape-Gault. La petite troupe tourne le dos aux fortifications et franchit un à un les ponts enjambant les boires ligériennes de la Venise de l’Ouest.

 

Plan de Nantes, par Nicolas de Fer, 1716, détail. (cl. Archives municipales de Nantes)

 

Bientôt, sur la rive opposée de la Loire, apparaissent les eaux calmes de le Sèvre. Le Maître Nantais de la commanderie leur avait indiqué : « Vous remonterez sous la conduite de mes hommes, le cours de la rivière sur deux lieues jusqu’à Vertou. » Le voyage est agréable, les amis traversent des paysages bucoliques alternant entre boccages, clos de vignes et forêt. Le jaune et le rouge, sublimes couleurs végétales de l’automne, jalonnent la route enchanteresse des cavaliers. Voici qu’au loin émerge dans le bleu du ciel, le clocher de l’église vertavienne. Déjà se révèle l’Abbaye bretonne de Saint-Martin. La chevauchée plutôt tranquille s’est passée sans encombre. Les deux hommes d’armes saluent les cinq amis puis s’en retournent dans la cité de Nantes. Les voyageurs franchissent le porche d’entrée de cette abbaye bretonne fondée par le bienheureux Saint Martin. L’évangélisateur du Pays de Retz et du Bas-Poitou, est né en 527 et serait mort en 601, bien que certains auteurs, non sans raison, pensent qu’il vécut encore quelques années. Les voyageurs s’intéressent de très près à la vie de ce Saint que l’abbaye tourangelle de Marmoutier ainsi que l’Église Métropolitaine de Tours dont dépend le diocèse de Nantes, s’évertuent à méconnaître l’existence. C’est ainsi que plusieurs églises du Sud-Loire, placées sous le patronage de l’archidiacre Martin ordonné et missionné par l’évêque de Nantes Saint Félix le Biturige, voient leur saint patronage supplanté par celui de Saint Martin de Tours. Rapidement certains clercs acquis à Tours, iront jusqu’à affirmer dans leurs écrits que Martin le Nantais natif de Rezé, n’aurait en fait jamais existé ! Toute autre est bien sûr la vérité.

Les pèlerins venus de Saint-Étienne et d’au-delà de la Mer de Bretagne, sont reçus par le vénérable Père-abbé de Vertou informé depuis déjà plusieurs semaines de leur venue en ce Saint Lieu où repose le bienheureux Martin. Aux côtés de l’abbé apparait un personnage tout aussi énigmatique que nos pérégrins. Il s’agit de Noel de Barbïa… Membre de la petite noblesse du Poitou, Noel évolue avec adresse au sein d’obscures Maisons Closestranspirent les plus insolites pots aux roses. La Maison de ses ancêtres prend souche dans les marais gaulois de Borvo le dieu des eaux mais cette souche s’enracine, à l’instar de celle de son ami Hiéronymus Berlier, dans la cité fuégienne d’Our-Kasdim. Son nom à l’apparence aqueuse et gauloise révèle tout en la cachant une origine chaldéenne, soit Bar Biah : le Fils de l’Entrée…

 

Le bourg de Vertou et la Sèvre (carte postale ancienne)

 

Après de chaleureuses salutations, le Père-abbé conduit les trois amis au réfectoire où les attendent de nourrissantes agapes. Après leur avoir souhaité un bon appétit, il prend momentanément congé, tout en s’excusant, prétextant qu’il lui faut vaquer aux tâches que lui imposent la fonction d’abbé de Saint-Martin de Vertou.

Le bon coup de fourchette d’Anselme Rollat et de Cousin Christopher FitzRolling ne se dément pas. Le Stéphanois ose même au milieu du repas s’exclamer : « Pour sûr, les bons moines de Vertou ont dans leur poulailler des volailles bien élevées… » Ce que bien sûr, Cousin Chris ne dément point. Hiéronymus Berlier et son cousin Irlandais s’imposent quant à eux, une certaine limite, habitués aux frugaux repas que leur imposent, pensent-ils, les disciplines secrètes dans lesquelles ils évoluent. Maître Iiéronymus Berlier, la quarantaine portée de belle façon, garde encore une forme d’athlète, qualité qu’il partage avec Cousin Rob, son cadet d’une année. Noel de Barbïa, plus jeune de trois années, l’Enfant des Marais, prône pour une saine existence, des repas à base de poissons et de gibiers d’eau. Anselme Rollat le fin gourmet, quant à lui, du haut de ses quarante-deux ans, a tendance à prendre de l’embonpoint. Il faut dire que Dame Alix, sa tendre épouse, est une cuisinière hors-pair.

Le repas terminé ils retrouvent dans la cour de l’abbaye le Père-abbé. Ils le remercient pour ce repas qu’Anselme, au nom de ses amis, qualifie de royal ! Le bon père les dirige vers le centre du jardin clos où se trouve l’if millénaire.

« Chers Amis vous contemplez un arbre séculaire. Suivant la légende, saint Martin planta au centre de la cour de l’abbaye qu’il venait de fonder – c’était en 575 voire 576 – son bâton. Celui-ci prit racine et devint ce magnifique if… à la vérité, mais ne le répétez pas, mes prédécesseurs l’on remplacé environ une fois par siècle. Alain le Grand Roy des Bretons était attendri par cet arbre. Souvent, il " le baisoit & l’embrassoit " est-il dit dans la Chronique. Cet arbre apparait sur le Sceau de la prévôté de Vertou et sur celui du Chapitre Saint-Martin. Pénétrons à présent si vous le voulez bien dans la bibliothèque de l’abbaye où nous pourrons ainsi discuter dans le plus grand secret. »

Le Père-abbé invite ses hôtes à prendre place autour d’une table de bois de chêne, avant de leur tenir ce discours : « L’if est un symbole celtique de vie. Mes propos concerneront en fait l’if premier, ou plus précisément le bâton de saint Martin dont Noel Barbïa, je n’en doute pas, a déjà dû vous entretenir au cours de précédentes rencontres. Le bâton de notre Père fondateur avait des pouvoirs. Mais avant d’évoquer ses pouvoirs, laissez-moi vous raconter cette histoire : Saint Martin, au soir de sa vie bien remplie, réunit ses frères dans le cloître de l’abbaye. " Durant la nuit, leur dit-il, un ange m’a visité. Le Messager divin m’annoncé ma mort prochaine. " Évoquant son bâton planté au centre du jardin clos, il parla aux moines en ces termes : " Je vous laisse le signe de ma juridiction sur vous. Vous le regarderez comme une preuve que j’ai aimé ce lieu de préférence car il sera dans les siècles à venir d’un grand secours à certains. " Le grand secours évoqué dans la légende apparait avec l’if dont les moines utiliseront des branches comme remède. Lorsque les envahisseurs Normands, puis les Anglais durant la guerre de Cent ans, occupèrent l’abbaye, ils osèrent profaner le Saint Arbre mais celui-ci se défendit ! L’un des envahisseurs Anglais perdit les yeux par un éclat de bois, un autre se brisa le cou tandis qu’un troisième se cassa la jambe.

« Saint Martin, bien qu’averti de sa mort prochaine, poursuit l’abbé, devait, ainsi que prévu, se rendre ce jour à Durin, actuel Saint-Georges-de-Montaigu, où il avait installé deux monastères de moines et de religieuses, ainsi qu’une église qui servait aux deux couvents, moyennant séparation. Martin subitement atteint d’une grosse fièvre ainsi que d’une pleurésie, mourut à Durin. Les moines de Vertou réclamèrent son corps aux frères de Durin, mais ceux-ci refusèrent. Les Vertaviens récupérèrent clandestinement le corps du Saint homme. Ne trouvant aucun bateau à Portillon pour passer la rivière, ils posèrent le corps sur les eaux qui s’ouvrirent et ainsi ils purent passer à pied sec. Les eaux refermées arrêtèrent l’avancée des moines de Durin qui s’inclinèrent devant la volonté divine. Cet épisode rappelle naturellement le Passage de la Mer Rouge. Moïse brandit son bâton et commanda aux eaux de se retirer pour ouvrir un chemin dans la mer.  La tradition juive affirme que le bâton de Moïse fut utilisé en cette circonstance, conjointement avec le cercueil de Joseph que Moïse ramenait à Chanaan. Le bâton de Saint Martin et son cercueil que les moines posèrent sur les eaux, avaient-ils les mêmes pouvoirs ? Personnellement j’aimerais répondre que oui, même s’il n’est pas certain que les eaux de la Sèvre se soient écartées. Toujours est-il, depuis ce jour, la rivière s’est appelée Separa, ce que nous traduisons par " Sèvre ". Moïse utilisait son bâton pour que jaillisse l’eau du rocher, ainsi le fera notre bon Maître Martin. Mais je pense, dit le Père-abbé, en posant précisément son regard sur les trois pèlerins venus de Saint-Étienne, que vous connaissez cette histoire ou plutôt ses tenants et aboutissants que l’on retrouve dans le Mont Pila… ? »

La réponse des voyageurs venus de Saint-Étienne est en effet positive. Maître Hiéronymus Berlier prenant la parole, demande au Père-abbé de leur parler à présent du possible voyage à Jérusalem de saint Martin.

« En effet, confirme le Père-abbé, une tradition secrète – c’est bien le mot qui convient – révèle que notre Père-fondateur après avoir cheminé à Rome vers 589 où il rencontra le pape Pelage II puis s’être présenté à l’abbaye du mont Cassin fondée par le grand Benoît de Nurcie, poursuivit son pèlerinage jusqu’à Jérusalem*. Les Perses occupaient la région. Jérusalem avait été mise à sac, il convenait d’agir dans l’urgence afin de mettre en lieu sûr la Sainte Relique, ou Très Saint Texte, loin de la Terre Sainte, en Occident.

*L’hypothèse séduisante du voyage de saint Martin à Jérusalem, et de son rôle majeur dans la protection de la Sainte Relique, est présentée par Ludovic Braco dans son magnifique roman 1124 D’un monde à l’autre - Éditions PDM – 2014.

« Martin, homme pieux, mais aussi homme d’action, capable de défendre au prix de sa vie le Très Saint Texte, fut jugé digne pour cette mission. Les Chrétiens Arméniens de l’OSBM – l’Ordo Sancti Basili Magni, l’ordre de Basile de Césaré – lui remirent la Relique sacrée. Bohémond de Couebouc* Chevalier Hospitalier de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, également acteur au XIIème siècle de cette incroyable épopée, relate avec force détails dans le LB ou Liber Basili que vous avez pu admirer ce matin dans la bibliothèque de la Commanderie Saint-Jean de Nantes, la très secrète mission de Saint Martin de Vertou qui devint, comme le sera plus tard Bohémond, un Passeur ou Gardien du Monde. Ce titre hautement honorifique leur fut conféré car ils sont les détenteurs et les transmetteurs du Très Saint Texte, le Livre écrit de la main même de Notre Seigneur Jésus, en hébreu ! »

*Bohémond de Couebouc, chevalier Breton, est avec saint Martin de Vertou, l’autre héros de cet étonnant roman de Ludovic Braco. Les initiales de cet auteur, LB, deviennent pour ce conte, celles du Liber Basili. Nous découvrons dans le roman, l’importance donnée par son auteur à Saint Basile au travers d’un ordre monastique du Haut Moyen Âge. Le nom de cet ordre – dans le roman – perdure à l’époque médiévale dans celui d’un ordre arménien ultrasecret de Jérusalem, dirigé par la reine Morfia Malatya, épouse du roi de Jérusalem Baudouin II. Au sein de cet ordre œuvre Bohémond de Couebouc en qualité de Chevalier Hospitalier de Saint-Jean...

Le Cousin Christopher FitzRolling l’Écossais des Highlands demande la parole. Il oriente la discussion sur la présence de Saint Martin en Angleterre.

« Dans l’église de Savenay, dit-il, se trouve un Grand Autel bien particulier. Il s’agit d’une Table de Marbre. Le " MARBRE " fut offert à saint Martin par un roi dit d’Angleterre, mais il s’agissait d’un roi Celte. Le souverain dont Martin avait délivré la fille des démons qui la possédait, voulait offrir au prêtre Nantais une grosse bourse d’or mais Notre Saint préféra la grande table de marbre qu’il avait remarquée dans la cour du palais. Le roi accéda volontiers à la demande de Saint Martin qui traversa la mer sur cette pierre consacrée. Le Marbre, à la fois navire et à la fois autel, comporte, pensons-nous, d’après ses dimensions, un message caché. Sa longueur est de 10 pieds 3 pouces, sa largeur de 4 pieds 2 pouces et elle est épaisse de 8 pouces. Nous pensons que ces nombres correspondent à des lettres hébraïques :

10    3   4    2    8

I   G    D   B   H’

« Nous obtenons de droite à gauche, les mots : H’ob – Dagei. Le mot H’ob, signifie " endroit caché " mais aussi " sein ". La racine de ce mot signifie tout à la fois " caché, aimé, amour ". Nous trouvons ou trouverions ensuite le mot Dagei, " poissons ". L’idée d’amour reste présente dans le mot hébreu Dag, " poisson " qui génère le mot Dagah " poissonner, se multiplier ".  H’ob Dagei apparait comme L’Endroit caché (le sein) – des Poissons.

« Dans le récit de Létaldus de Micy, hagiographe de Saint Martin, le lieu précis de la destination du Saint prêtre n’est pas mentionné. Le moine de Micy évoque l’Angleterre mais nous avons des raisons de penser que ce lieu se trouvait en Écosse. L’Écosse est le pays où naquit l’Église Celtique d’où émergèrent les Kuldées dont l’origine druidique est avérée. Leur nom a été interprété par le gaëlique Kéléde, Ami de Dieu, terme appliqué dans les annales irlandaises à l’apôtre Saint Jean dont se réclamait l’Église Celtique. Bien que celte, le nom des Kuldées reformulait aussi celui des Kaldes. Les Kaldes primitifs d’Écosse ou Kalédonie sont frères des Kaldéens… Saint Martin de Vertou, nous voulons le penser, a bien ramené de Terre-Sainte le Livre des Paroles du Seigneur. Son voyage dans ce qui deviendra plus tard l’Angleterre, était lié, pensons-nous à son pèlerinage Iérosalomitain. D’après une légende l’apôtre André évangélisa la Kalédonie et c’est à sa demande que Philippe lui envoya Nicodème, Joseph d’Arimathie et dix autres disciples. D’après la légende les Kuldées avaient un enseignement secret basé sur un livre envoyé du ciel. Il s’agissait de la Parole vivante de Dieu le Graduel ou Gradal écrit par Jésus.

« D’après certaines légendes orientales, les chrétiens ont perdu le Livre du Graal. Les Papas, moines Gaëls de l’ordre de Saint-Colomban établis en Islande et au Groenland, auraient apporté en Grande-Irlande sur les rives du Saint-Laurent, l’Évangile en caractères hébraïques. Le Saint-Graal, à la fois récipient et livre, fut placé dans la " Maison du Cristal " sise dans l’île de Bardsey. Merlin l’aurait retiré face à l’invasion des Saxons. L’histoire primitive du Saint-Graal fut rédigée suivant la légende au début du VIIe siècle par les moines de l’abbaye de Glassenbury ou Glastonbury sur des tablettes d’airain qui furent suspendues au mur de l’église de Glastonbury. Ces tablettes primitives étaient écrites en vieux caractères brittoniques. Elles sont aujourd’hui encore conservées dans des bibliothèques privées*. »

*Toutes ces informations relatives aux Kuldées, aux Papas et aux tablettes d’airain figurent dans le livre de Patrice Genty ÉTUDES SUR LE CELTISME Réédition 1984 aux Éditions Traditionnelles.

Rob McBerling l’Irlandais prend à son tour la parole.

« Il convient de signaler que le Glastonbury médiéval n’est aucunement l’île de Verre ou de Cristal primordial. Cette île se situait au Nord du Monde. Les Papas ou Papari mentionnés par Christopher, ont cherché dans la Mer Glacée la Maison de Cristal originelle. Ils aimaient à établir leur monastère dans les îles qui prenaient le nom de Papey. Une Papey, ou Île des Papari devenait pour ces moines " le désert sans chemin dans la mer ".

« Le Glastonsbury médiéval n’en fut pas moins dès l’origine un haut-lieu druidique puis chrétien. C’est dans cette célèbre abbaye qu’officiait Melkin, moine Papas et membre de l’Ordre de Melkitsédek. Il rédigea en 540 un livre codé connu sous le nom de Livre de Melkin. Longtemps présent dans la bibliothèque de l’abbaye, il ne reste officiellement que la Prophétie de Melkin. Cette prophétie a pour fondement la tradition qualifiée d’apocryphe par certains, narrant le voyage en Grande-Bretagne, de Jésus enfant, aux côtés de Joseph d’Arimathie, marchand d’étain. Sur cette légende que nous voulons véridique, s’établit une correspondance avec le Livre de l’Apocalypse et principalement avec la nouvelle Jérusalem (3-12 et 21-2). Il apparaît d’après la Prophétie de Melkin qu’une Tombe que d’aucuns voudraient reconnaître comme la tombe de Jésus mais ceci est une erreur (il existe plusieurs tombes dites de Jésus), donc cette tombe se trouve dans l’ancien Royaume d’Arthur. Il n’appartient pas à notre époque d’en découvrir le lieu et les secrets mais nous savons que dans cette crypte ont été déposées les Paroles de Jésus. Certains clercs Kuldéens ont affirmé que le nom BRITISH reformulait l’hébreu BRIT-ISH : " Alliance de l’homme " ou " homme de l’Alliance ". Cet homme en question serait Jacob. Sur la Pierre du Destin figure l’inscription  " le pilier de Jacob ".

« Nous pensons que Saint Martin de Vertou lors de son voyage en Angleterre, est venu à Glastonbury et étudia dans la bibliothèque le Livre de Melkin. »

Le Père-abbé de l’abbaye de Saint-Martin reprend la parole. Il connait l’intérêt de ses visiteurs pour la mission de Saint Martin dans la cité païenne d’Herbauge, aussi oriente-t-il à présent la conversation autour de la légendaire cité. Il rappelle tout d’abord que, face à l’avancée des Romains, une partie des Namnètes quitta Condivicnum, le Bourg du Confluent, nom gaulois de Nantes, l’antique cité du roi Namnes et se dirigèrent au Sud du lac de Grand-Lieu.

 

Le lac de Grand-Lieu (carte postale ancienne)

 

« Il n’est pas certain, indique le Père-abbé, que le terme de lac au moment de la venue de ces Namnètes dissidents soit le plus approprié car il semble que la région n’était en fait qu’un immense marécage. En des temps beaucoup plus anciens, suivant de vieilles traditions, les eaux de la mer, au temps de l’ancien Golfe du Grand Marais de la Brière, occupaient cet immense marais. Mais d’autres eaux venues des entrailles de la terre, ont aussi noyé à certaines époques cette région et il semble bien que ce soit ce qui se passa à l’époque du Grand Saint Martin. 

« En 552, année de ses 25 ans, Saint Félix l’évêque Biturige de Nantes, consacre Martin à la fonction de diacre. Homme bien bâti de corps et d’esprit, Martin est animé de ce véritable feu intérieur qu’il convient à un guerrier de la foi. Sa mission est importante, il doit descendre dans la cité d’Herbauge pour y convertir au Christianisme les païens qui y résident. Il trouve refuge dans la demeure de Romain, homme marié et père d’un garçon prénommé Pierre. N’était-il pas surprenant, à première vue, de trouver dans une cité totalement réfractaire à Rome et à son Église, un citadin nommé Romain ? Nous ne connaissons pas le nom de son épouse mais celui de son fils – Pierre - est, reconnaissez-le, bien étrange sachant que la cité demeurait dans cette région, comme le dernier bastion d’un druidisme décadent. Il y a bien sûr dans ce récit légendaire un message caché lié à l’Église… Martin découvre une cité admirable, mais souillée par la statue d’or de Jupiter et les temples de Mercure, Diane, Vénus ou Hercule. Encore un anachronisme… les Druides réfractaires à Rome auraient-ils donné à leurs dieux des noms vénérés par l’envahisseur romain ? Sur ce point nous pensons que les clercs qui mirent par écrit la légende du Lac, ont utilisé plutôt que les noms gaulois des divinités, leur correspondance gréco-latine. Beaucoup plus énigmatique apparait le diable d’or et cette toute aussi mystérieuse Idole Noire vénérées dans quelques obscurs temples de la cité.

« Martin n’est pas le bienvenu dans la cité et échoue dans son évangélisation. Un ange, le soir de Noel de l’année 555, le sort de sommeil et le contraint à quitter rapidement la cité. Romain, sa femme et son fils Pierre suivi dit-on de son chien, quittent la cité. Martin demande à la femme d’emporter trois tourteaux de pain. En moins d’une heure, dit la légende, la cité fut détruite, ensevelie sous les eaux et embrasée par les feux du ciel.

« Suivant la légende, du centre de l’île de Dun isolée dans les marais, près de la pointe de Pierre Aiguë, dans l’actuelle paroisse de Saint-Aignan, s’éleva un jet de flammes, de cendres et d’eau qui anéantit la cité. Dans l’île, " il y a au milieu une pierre debout, d’environ 5 pieds de hauteur et sur 2 à 3 pieds de largeur à sa base. Cette pierre paraît profondément enfoncée en terre, et est percée d’un trou rond, de 6 pouces de diamètre, à environ deux pieds du sol. Elle sert, suivant une vielle tradition, à boucher l’entrée du gouffre qui vomit l’eau du lac. Ce gouffre renferme un géant énorme, qui, par les efforts qu’il fait pour se délivrer de sa prison, excite ces tempêtes dont je viens de parler. Ce géant doit rester renfermé jusqu’à qu’une fille vierge, non cognita viro, disait un très-ancien et très-curieux manuscrit, puisse enlever cette pierre. Elle devra, pour cela, passer le bras gauche dans le trou de la pierre, et tenir de la droite, une ceinture bénie, à laquelle sera pratiqué un nœud coulant qu’elle tâchera de passer au cou du géant, qui, ainsi lié, deviendra souple, et qui plus est, un très-fervent chrétien. Alors plus de tempêtes à craindre. (...) Ce géant était l’antagoniste de Saint Martin, et détruisit tout le fruit de ses prédications dans la cité d’Herbauge. " *

*Ce commentaire apparait en 1810 dans la Notice sur le lac de Grand-Lieu et la cité d’Herbauge (in les Mémoires de l’Académie celtique), de Thomas de Saint-Mars, membre de l’Académie celtique. Le manuscrit mentionné par cet auteur a été perdu dans les troubles de la Révolution.

« Voici ce très-ancien et très curieux manuscrit. Il est daté ainsi que l’indique cette date, de l’année 1022. Cette pierre debout, ne serait-ce que par ces dimensions, est très importante. Elle bouchait l’entrée du gouffre qui vomit l’eau. Ainsi que vous le savez, Chers Amis du Pila, ce thème se retrouve dans votre région… Certains étymologistes affirment que le nom du lac : Grand-Lieu, doit s’entendre Grand-Lac. Nous sommes quelques-uns à ne pas retenir cette étymologie pourtant privilégiée. Pour nous, Grand-Lieu, en latin Grandi Locus, désigne le Grand Tombeau. Ce tombeau que l’on peut rapprocher de celui de saint Philibert qui se trouvait dans la crypte du prieuré de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu l’antique Déas, évoquait pensons-nous, plus justement, pour les Philibertins de Noirmoutier, un Grandi Locus beaucoup plus ancien remontant à l’époque gauloise, le Grand Tombeau du Géant ou Gran-Bon-Homme.*

*Cette étymologie fut proposée par l’historien du Pays de Retz, Émile Boutin.

« Nous pourrions penser qu’après la destruction d’Herbauge, la mission de Saint Martin dans la région fut terminée ? Non, elle ne l’était pas car ladite mission de l’Archi-Diacre Martin débordait amplement du cadre spécifique, bien qu’important de l’évangélisation de la cité. L’envoyé de l’évêque Saint Félix, s’établit dans la vieille forêt druidique de Dou-Men qui bordait en grande partie le lac de Grand-Lieu. La forêt acquit au fil du temps un nom plus françois, et donc plus chrétien en devenant forêt de Touffou, que Michel de Notre-Dame transforma, ainsi que vous le savez, en forêt de Touphon…*

*Lire mon article « LA FOREST DE TOUPHON ET LA PIERRE HORI » - Les Regards du Pilat.

 

Photo de Christian Lelièvre : la forêt de Touffou

 

« Jeune moine de l’abbaye Saint-Martin de Vertou, je me souviens très bien de la visite du célèbre mage en ces murs… Michel de Notre-Dame s’intéressait tout particulièrement au mystère druidique de la forêt de Dou-Men dont le nom celte signifie la Pierre Noire. Un nom qui fit frémir de peur, n’en doutez pas, les premiers moines évangélisateurs de la contrée. Martin quant à lui avançait sans trembler devant cette pierre et ce quelle représentait. Les Druides Noirs de la forêt se rangèrent comme un seul homme derrière l’Archi-Druide de la Pierre Noire, s’inclinant face à la puissance divine émanant du Saint Archi-Diacre. Les Namnètes d’Herbauge auraient prolongé le Culte Noir de la Pierre au travers de cette mystérieuse Idole Noire qu’ils vénéraient dans leur cité impie. Les rivières qui se jettent dans le lac de Grand-Lieu ont la particularité de se terminer par le suffixe " ogne ".  Il s’agit du terme gaulois ONA désignant une source ou une rivière. Hier dans la Commanderie Saint-Jean de Nantes vous avez entendu parler de la Basilique du dieu Volianus. Ce dieu aurait été associé aux lettres A, N et O. Le terme gaulois comporte les mêmes lettres mais disposées différemment. Une bataille fait rage, vous le savez, dans la cité de Nantes, entre les pour et les contre Volianus. Les contre, évoquent pour le terme ONA la signification de Noir… les eaux noires d’où naît la Bête immonde… La principale rivière se jetant dans le lac de Grand-Lieu est la Boulogne.  Pour les contre, la Boul-ONA devient synonyme de Vol-ONA, soit Volianus le Noir ! Les lettres A, N et O marquaient la Route de Volianus, sa Royauté dans la Droiture du Temps. Retrouver ces trois lettres, ainsi disposée : O, N et A, révèlerait que les Druides Namnètes dissidents, établis dans la cité d’Herbauge, auraient tenté d’inverser la Route de Volianus, de retourner à la Ténèbre ou Nox des origines. Les contre, s’appuyant sur cette lecture ont crié avec force combien l’idée d’un Volianus Nantais était démoniaque. Nous sommes bien entendu, ici dans l’excès. Bien sûr, tout n’est pas clair dans cette énigme à laquelle les Templiers se sont intéressés, ainsi que le révéla Michel de Notre-Dame lorsqu’il évoquait la forest de Touphon et ce, tout particulièrement dans ces deux vers qui ne vous sont pas inconnus, j’en suis certain :

Par la forest de Touphon essartee,

Par hermitage sera posé le temple,

« L’hermitage évoqué est l’Hermitage de Saint Martin situé dans la forêt de Dou-men. Ce vers démontre que l’Ordre du Temple posait ses recherches en forêt de Touffou/Dou-men sur la mission de Saint Martin. »

Le Père-abbé, à cours de souffle, s’octroie une pose en versant l’eau de la cruche dans un gobelet afin de se désaltérer. Joignant le geste à la parole, il invite ses hôtes à faire de même. Ces derniers ne se font pas prier. Reprenant son discours il s’exclame :

« Permettez-moi à présent d’effectuer un petit retour sur cette mystérieuse île Dun. Cette île ou presqu’île, suivant les époques, doit son nom à l’ancienne forteresse gauloise, le Dunon, dont les ruines sont toujours visibles… mais pour combien de temps encore ? Des cabalistes adeptes de la langue des oiseaux, opérant dans la mouvance de la Société Angélique Nantaise, et s’appuyant en cela sur l’utilisation de l’apostrophus dans l’imprimerie, utilisation préconisée – ainsi que vous le savez – par le malheureux Étienne Dolet, jadis membre de la Société Angélique Lyonnaise. Ainsi, le DUN insulaire de Saint-Aignan se voit depuis peu et de façon confidentielle, écrit avec une apostrophus entre le D initial et les lettres U et N.  Cette écriture, à première vue, reconnaissons-le, guère licite, permet de reformuler pour cette île, une réalité tenue secrète bien que réelle, le légendaire celtique du Hun, Sommeil. Cette tradition celtique se retrouve dans le nom de l’île de Sein qui est véritablement Seizun, soit les Sept Sommeils ou les Sept Dormans. Le Géant du lac de Grand-Lieu apparait ainsi formulé comme l’un des Sept Dormans. La tradition secrète révèle une géographie sacrée matérialisée par les Sept Lieux de Dormition des Sept Dormans Celtiques disséminés sur le sol de l’ancienne Gaule. Si l’un des Tombeaux des Sept Dormans est situé dans l’île Dun, un autre se trouve, vous le savez, dans le Pilat… Les Sept Dormans dans l’ancienne Terre Gauloise localisent sept lieux où sont maîtrisées les eaux souterraines. Le Bâton de Saint-Martin, et surtout le Bâton de Moïse permettent de contrôler ces eaux. Dans la tradition occidentale les Sept Dormans correspondent à la rosée céleste des sept Pléiades. Les Sept Lieux de Dormition marqueraient sur l’ancienne Terre Gauloise la projection des sept étoiles des Pléiades. »

Maître Hiéronymus Berlier sollicite la parole :

« Je souhaiterais revenir un instant sur cette Pierre Noire et sur cette Idole Noire effectivement très mystérieuses. Mes propres recherches tentent à démontrer que derrière ce culte ancien, plane l’ombre des Kaldéens ou Kasdim pas toujours bien compris car il faut le reconnaître, souvent orientés vers la Ténèbre ou les Ténèbres, le Noir que vous venez d’évoquer. Le Grand-prêtre de cette Ténèbre, fut, suivant la tradition, le roi Nemrod, le bâtisseur de la Tour de Babel. Le Patriarche Abraham sortit d’Our-Kasdim, le Feu des Magiciens, afin de fuir ce roi de la Nuit qu’il combattra plus tard dans la vallée de Sidim où se dressaient les cités de Sodome et de Gomorrhe dont nous retrouvons le profil dans la cité d’Herbauge… »

Le Père-abbé reprend la parole avec l’intention de conclure ce long entretien :

« Je sais votre temps compté. Vous quitterez demain l’abbaye, sous la conduite de notre Ami Noel Barbïa, afin de vous rendre dans les pas du Grand Saint Martin en forêt de Touffou puis sur les bords du lac de Grand-Lieu, où peut-être, entendrez-vous sonner les cloches d’Herbauge, ainsi que les entendent les pêcheurs debout dans leur barque… Je vous retrouverai demain matin avant votre départ afin de vous saluer… »

L’été de la Saint Martin toujours clément sur le Pays de Grand-Lieu en cette année 1588 permet à Noel Barbïa d’entraîner de belle façon ses amis dans les pas du Géant. La Pierre de l’île Dun n’est plus visible mais elle existe toujours, cachée dans quelque lieu souterrain où se trouve aussi la Pierre Noire. Les Chevaliers de l’Ordre du Temple auraient eux-mêmes caché ces trésors antiques. Ils pensaient qu’un jour en des temps lointains, il conviendrait de les réutiliser… Les Gardiens du Lieu, du Grand-Lieu, leur ouvrent la Porte… Officiellement l’Ordre n’est plus là. Le Temple du Pont-Saint-Martin n’est manifestement plus occupé par les Chevaliers Templiers. Les paysans du Pays de Retz n’observent plus ces moines-chevaliers faire route vers la Maison du Bignon, paroisse fondée jadis par Saint Martin. Seuls des ombres, hanteraient encore la Templerie de Château-Thébaud dont les souterrains recèlent affirme-t-on un important trésor. 

 

Photos de Christian Lelièvre : La Templerie de Château-Thébaud

 

Noel Barbïa et ses amis terminent leur journée dans l’abbaye cistercienne de Villeneuve où fut inhumé Olivier de Braine (Monsieur Olivier de Machecoul 1231-1279), fils du Duc de Bretagne Pierre de Dreux, dit Pierre Mauclerc ou Chevalier Pierre de Braine, prince capétien affilié à l’Ordre du Temple. Noel Barbïa donne à ses amis la lecture de la pierre tombale d’Olivier de Braine. En ces lieux plane encore l’ombre de Saint Martin et des Templiers.

Le lendemain, les six amis : Maître Iéronymus Berlier, Anselme Rollat, André Verne, Christopher FitzRolling, Rob McBerling et Noel Barbïa quittent le Comté de Nantes. Ils remontent la Loire jusqu’à Roanne avant de monter dans la malle-poste qui les mènera à Saint-Étienne. Il convient à présent de préparer la phase finale de cette mission contre le Temps ou plus justement avec le Temps que Maître Hiéronymus Berlier prépare de longue date. Quelques quatre semaines séparent les six hommes de la Nuit de Noel, temps durant lequel doit être accomplie et menée à bien cette mission. Les six hommes, tels les six points du Bouclier de David, vont mener un combat au Pays des Ténèbres. Le Bouclier à six branches ou Sceau de Salomon comporte un point central, le 7ème Point... « Au Rollat d’Or », l’Hostel des Rollat dans la bonne ville de Saint-Étienne, non pas six mais sept hommes sont réunis autour de la grande et belle table de chêne de la grand-salle. Ils achèvent dans le plus grand secret les préparatifs du grand voyage au Pays des Ténèbres qui doit s’effectuer pendant la douce et longue nuit que l’érudit Anselme nommera plus tard le Noël Ourifique 

André Verne en qualité de membre de la Commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Marlhes, récupère dans l’armurerie les armes les plus récentes et performantes de cette fin de XVIème siècle. Mais en auront-ils vraiment besoin ?

Hiéronymus Berlier observe par la fenêtre entre-ouverte, le Mont Pila d’où il entreprendra, lui et ses amis le long voyage. La neige couvre de son blanc manteau les ancestrales montagnes. Le Maître relit une fois encore à haute voix le texte inscrit sur le vieux parchemin. Chaque détail compte. En oublier ne serait-ce qu’un seul pourrait être fatal ! Il le connait bien ce texte, conservé par sa famille de génération en génération :

 

Le vieux parchemin

 

« Au matin du premier jour de la semaine de Noel, dit-il aux six personnages réunis dans la grande salle, nous nous rendrons dans ma gentilhommière de Doizieux sur mes terres de la Berlière. C’est là-bas que Ber-Léor ou Bar-LéOur : le Fils de la Lumière, le Fils d’Our, fit souche lors de sa venue. C’est le pays de Plantevelu et de Blanche la Belle dont le sang coule aussi dans mes veines... Ber-Léor, vous le savez, sorti d’Our-Kasdim, le Feu des Magiciens avec Abram le fils de Térah. Mon lointain ancêtre qui est aussi ton ancêtre Cousin Rob McBerling, était un Kasdim ou Kaldéen, un Magicien au sens de Savant. Dans la " Montagne des Gradins ", la grande Ziggurat d’Our, Ber-Léor avait caché le Téraph des Téraphim. Un téraph était un relief animé, une tête " vivante ". C’est cette tête que les Berlier ont posée en buste au sommet de leur blason que vous pourrez admirer dans quelques jours au-dessus de la grande cheminée de la Berlière. Les Templiers, vous le savez, possédaient quelques-unes de ces têtes. Gerbert d’Aurillac, le pape de l’An Mil, qui étudia chez les Arabes et chez les Kabbalistes Juifs en avait créée une. Le Téraph de Ber-Léor était convoité par le roi Nemrod, le " Diseur de Ténèbres ". Ber-Léor cacha dans le Temple le Téraph en un lieu totalement inaccessible au roi Nemrod et à ses Mages Noirs. En s’appropriant le Téraph, le roi Nemrod aurait rapidement dominé le monde en instaurant sur la Terre, les Ténèbres. Lorsque Ber-Léor est arrivé sur le site du futur Doizieux, il travailla des années durant assisté du Kabbaliste Kaldéen, Bar-Biah : le Fils de l’Entrée… Raconte-nous, Mon Cher Noel, ce que fit ton illustre ancêtre. »

Noel Barbïa prend la parole et se met à raconter ce que lui avait transmis son père et le père de son père :

« Les Ligures, maîtres de la région informèrent Bar-Biah de l’étrange phénomène de la Roche du Suaire qu’ils nommaient : la Roche de Belissama, la déesse lunaire. Peu de temps après le solstice d’hiver, à méné tous les cents ans, durant la Nuit des Mères, connu aujourd’hui sous le nom de Nuit de Noel, la pierre s’entrouvre sous les rayons bleutés de l’astre lunaire et voici qu’étincellent des richesses méconnues des humbles mortels montant la route du Collet. Au-dessus de la Roche, apparaissait dit-on en cette Reine des Nuits, le Château d’Argent. Descendre le long de la Roche, l’Escalier d’Argent extérieur au château, permettait d’accéder dans l’immense caverne éclairée disait-on par le Vril mystérieux des habitants de l’Intérieur, les Tuatha Dé Danann. L’Église exorcisa la Roche de Belissama en la recouvrant du Linceul de Lumière, écran talismanique tissé par les moines assyro-chaldéens du monastère de Raz-Salam. La Vierge des Chrétiens, promue gardienne de la Roche du Suaire fut dressée au sommet.

« Duatus chef Gaulois résident dans la vallée, aurait nommé le village : Du-Weiz, ce qui signifie " Bois Noir ". Pour parvenir au sommet de la Roche du Suaire, il fallait traverser la forêt des pins sylvestres et des cèdres… Les cèdres, oui les cèdres ! Le nom donné au village ne pouvait que dissuader les curieux soucieux de découvrir ce lieu étrange. Pour les nôtres, ce nom rappelait les travaux faits par le Kabbaliste Kaldéen, Bar-Biah et son ami le Kasdim Ber-Léor. La chance voulut que l’ouverture de la Porte se fit peut de temps après leur arrivée dans le pays. Mais cette porte, me direz-vous, ne s’ouvre qu’une fois tous les cent ans à minuit et ce pour peu de temps ! Alors comment nos ancêtres ont-il pu aménager la caverne et ce, sans que nul n’en remarque le trafic ? S’il est une personne ici présente qui pourrait nous révéler ce mystère, c’est bien la 7e personne ici présente. Mais je ne pense pas que ceci soit le plus important dans cette affaire.

« Le Bois Noir fut un des noms que nous donnons à la caverne. Relisons si vous le voulez bien la seconde partie du verset 9 du chapitre 8 du Cantique des Cantiques de Salomon : " Si Porte elle est, nous l’entourerons d’un panneau de cèdres. ". Il est de tradition considéré que cette Porte évoquée par le roi Salomon est ouverte et qu’elle sera fermée par un Louah. Certains traducteurs ont traduit Natsour (entourerons, structurerons, riverons) par serrerons, dans le sens de fermer une serrure. La 7e personne ici présente parlerait mieux encore de cette Porte et surtout de sa serrure… Le madrier, la planche, voir l’ais qui la ferme et qui l’ouvre est donc un Louah, mot qui désigne également les Tables de la Loi que Dieu donna à Moïse. Mais le Louah, c’est aussi, un programme, un calendrier. La porte du verset et donc la porte de la caverne de la Roche du Suaire s’ouvre et se ferme avec un calendrier. Cette porte, vous le savez est une porte du Temps. »

Hiéronymus Berlier reprend la parole : « La 7ème personne ici présente, vous le savez, est le Rabbi Kabbaliste Shlomoh Olam de Lunès. Le Louah du calendrier hébraïque n’a pas de secret pour lui. J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte lorsque nous avons, par deux fois, expérimenté la Porte et son Calendrier. Ces deux voyages très courts dans le temps ont été couronnés d’un franc succès. Je vais à présent donner la parole au Rabbi Shlomoh Olam. »

Ce dernier se présente ainsi : « Certains d’entre vous ne me connaissent pas encore. Mon nom, Olam, signifie " temps " ou " monde ". Il m’a été donné par mon Maître, un illustre Maître du Temps, descendant d’un célèbre Kabbaliste de la grande École de Lunel, la Cité de la Lune… Le calendrier de la Porte, le Louah, a été conçu avec une précision incroyable sur le calendrier dit hébraïque. Il est si précis qu’il pourrait se suffire à lui-même mais il a été associé à une Menorah, un Chandelier à sept branches. Il ne s’agit aucunement de la Menorah du Temple de Jérusalem. Cette dernière avait également sept branches correspondant aux sept principales planètes du système solaire. Les sept branches de la Menorah de la Roche du Suaire correspondent aux sept planètes habitées suivant le Sepher-haZohar ou Livre de la Splendeur. Il est écrit dans ce livre : " De même qu’il y a sept firmaments l’un au-dessus de l’autre, de même il y a sept terres l’une au-dessus de l’autre. Les noms des sept terres sont : Eretz, Adama, Ghé, Neschia, Tzia, Arqa, Thebel. "

« Thebel est le nom de notre terre, la seule terre où l’on mange le pain. Notre terre est unique aussi possède-t-elle également les six autres noms.

« Le dimanche 25 décembre 1588 correspond dans le calendrier hébraïque au 6 du mois de Tevet 5349. Le Noel chrétien suit de près, et ceci est d’importance pour notre opération, le solstice d’hiver que nous nommons Teqoufat Tevet. Le mot hébreu Tequoufat vient de Tequoufah, " révolution " (autour d’un astre, en astronomie), mais nous l’utilisons également avec le sens de " saison ". Les Teqoufoth représentent des moments précis de l’année juive, en rapport avec le cycle annuel du Soleil. Ce sont les équivalents des solstices d’été (Teqoufat Tamouz) et d’hiver (Teqoufat Tevet) et des équinoxes de printemps (Teqoufat Nissan) et d’automne (Tequoufat Tichri). Véritables repaires dans notre Calendrier, les Tequoufot portent le nom du mois où elles apparaissent. Donc si notre départ pour ce grand voyage, se situe approximativement à Teqoufat Tevet, il a pour destination Tequoufat Nissan 2023, soit l’équinoxe du printemps. Nous sommes en l’année 5349 du calendrier hébraïque et nous nous rendrons en l’année 2023 de ce même calendrier. Nous effectuerons un bon à reculons de 3326 années. Cet équinoxe du printemps de l’année hébraïque 2023* est important car ce jour Abraham à la tête des Cinq Rois de Sidim défit la Ligue ou Coalition des Quatre Rois.

*L’année 2023 du calendrier hébraïque, retenue pas les Sages pour la guerre opposant Abraham au roi Nemrod est contredite par les historiens quant à la vie d’Abraham. Pour ce conte il m’a paru plus simple de suivre les Sages du Rabbinisme. Si le mois de Nissan est bien retenu dans la tradition hébraïque pour la victoire d’Abraham, l’équinoxe du printemps n’est semble-t-il pas avancé. Il m’apparait néanmoins intéressant, au vu du solstice d’hiver de mettre en avant l’équinoxe de printemps situé précisément durant le mois de Nissan. Petite parenthèse, bien que la naissance de Jésus fut fixée le 25 décembre, il serait né – les bergers en font foi – au printemps, précisément durant le mois de Nissan, qui est aussi considéré comme celui de sa mort (le 13 Nissan suivant certaines traditions chrétiennes).

« Ce jour le roi Amraphel, c’est-à-dire Nemrod, redevient le simple mortel qu’il a toujours été. Loth, neveu d’Abraham, prisonnier de la Ligue des Quatre Rois, retrouve la liberté. Vaincu, le roi Nemrod reprendra le chemin d’Our-Kasdim. C’est donc en ce jour néfaste pour le roi Nemrod qu’il nous faut agir. Il en sera définitivement terminé de sa domination sur le monde.

« J’en reviens à présent au vieux parchemin, précisément à ce mandement : " Le Rabbi du Chandelier la branche de Thebel tournera à Iamim". Il convient donc de tourner la septième branche vers Iamin, la droite, le Midi. " Alors apparaitra la Verte Lumière ", c’est-à-dire Our-Kasdim. Suivant le Zohar lorsque les habitants de la planète Arqa visitent notre terre, ils utilisent " la fissure du rocher ", c’est précisément ce que nous ferons pour nous rendre dans la cité d’Our-Kasdim…

Dans l’Hostel Au Rollat d’Or, l’heure est aux discussions. Le jour du départ, enfin… est arrivé ! La malle-poste emmène la petite troupe à Doizieux. Malgré la neige tombée ces derniers jours, la route reste encore praticable. Une halte est prévue à l’Auberge Berlier. Hiéronymus tient à saluer Roxane, sa sœur cadette, maîtresse des lieux. Une bonne soupe vient leur réchauffer les entrailles.

C’est à la nuit tombée que la formation arrive enfin dans la gentilhommière de la Berlière. L’épouse du Maître est heureuse de retrouver son mari trop souvent parti. Car oui, il y a bien une Madame Berlier qui telle Pénélope, d’espoirs en désespoirs, attend le retour d’un mari trop longtemps parti à l’aventure. Oh, elle ne se plaint pas, le jour où elle l’a épousé, elle savait ce qui l’attendait…

Le lendemain, arrivent des hommes de la Commanderie de Marlhes. L’Escalier d’Argent depuis que l’Église a jeté sur la Roche le Linceul de Lumière, n’est plus. Il n’est pas question en cette saison de descendre jusqu’à la fissure du rocher, avec une échelle de corde. Un ingénieux système de treuil permettra aux sept personnages de descendre dans une nacelle le long de la Roche. Les hommes de Marlhes installent l’attirail.

Dernière répétition dans la gentilhommière. Maître Hiéronymus Berlier rappelle les raisons pour lesquelles il souhaite ardemment pénétrer dans la Ziggourat d’Our :   

« Il n’est pas de mon désir de posséder le Téraph des Téraphim. Si mes aïeuls l’ont placé en cimier sur leurs armoiries, c’est tout simplement parce qu’ils se considéraient comme des obligés. Lorsque que mon illustre ancêtre a quitté la Cité d’Our, il n’a pu et surtout n’a pas souhaité emporter la tête. Il a fallu qu’il la cache non dans l’espoir de revenir lui-même la récupérer mais dans l’espoir qu’un jour l’un de ses descendant viennent lui-même la récupérer. Aussi cacha-t-il dans une chambre secrète de la Ziggourat le Téraph. Noel nous donnera des explications sur ce lieu précis. Cette tête était convoitée par le roi Nemrod. Il est certain qu’après le départ précipité de Bar-Léor, le Diseur de Ténèbres, la chercha mais ne la trouva point ! Pourquoi ne la trouva-t-il point ? J’ai la volonté de penser qu’il ne pu la trouver, parce qu’elle fut placée dans une salle totalement hermétique et surtout parce que nous l’avons récupérée à temps... La période choisie pour récupérer le Téraph est, ainsi que vient de nous le rappeler Rabbi Shlomoh Olam, celle où le roi partit en guerre dans la contrée de Sidim. Cet évènement biblique est nommé la Coalition des Quatre Rois… Nous pensons, comme le pensèrent nos ancêtres, que Nemrod partit en guerre avec ses meilleurs guerriers ainsi qu’avec ses meilleurs Mages Noirs. Ainsi sera-t-il plus aisé de récupérer durant son absence dans la cité, le Téraph. Nous savons qu’aujourd’hui des hommes dangereux, membres de l’Ordre des Diseurs de Ténèbres, souhaitent posséder ce talisman. Nous avons de bonnes raisons de penser qu’ils nous attendront au moment qu’ils auront choisi après notre retour »

Hiéronymus Berlier donne la parole à Noel Barbïa :

« Mon nom, vous le savez, bien que celtisé, remonte à l’époque des Kasdim de la Cité d’Our. Mon illustre ancêtre se nommait Bar-Biah. Était-ce son nom véritable ? J’ai idée que ce nom fut un moyen mnémotechnique permettant de retrouver plus aisément le Téraph. Bar signifie " Fils ". Un fils est le fruit d’un acte conjugal, d’un coït… Pour quelle raison dois-je évoquer ceci ? La réponse apparait dans le mot araméen Biah qui signifie tout d’abord " entrée ". Sens qu’il partage avec l’hébreu Biah. Mais l’araméen possède deux autres significations : " coucher de soleil " et précisément " coït " ou " acte conjugal ".

« Ber-Léor le Savant Kasdim et Bar-Biah  le Kabbaliste Kaldéen ont créé dans la Ziggourat ce qu’ils nommèrent : l’Entrée. Il s’agit d’une pièce hermétique que le roi Nemrod et ses hommes ne pouvaient découvrir. C’est dans cette pièce secrète que furent cachés le Téraph et un autre objet fabuleux qu’Anselme Rollat souhaite ramener. Il se fera une joie, j’en suis certain, de nous révéler la nature de cet objet fabuleux. Mais avant de te laisser la parole, Mon Cher Anselme, je souhaite revenir sur le verset concerné du Cantique des Cantiques de Salomon. Dans ce verset, apparait entre les mots Natsour (appliquerons, riverons, serrerons, etc.) et Louah (panneau, barre de serrage, calendrier) donc entre ces mots, apparait le mot Aléiah. Ce mot ainsi placé entre Natsour et Louah, complique considérablement la traduction, à tel point qu’il n’est généralement pas traduit. Ce mot pourrait se lire Al-Iah : " le lieu Élevé de Dieu " mais on le traduit généralement – lorsque ceci est possible – par " chambre-haute " ou " montée, degré permettant d’accéder dans le Temple (de Salomon) ". Le roi Salomon, auteur du Cantique des Cantiques, a glissé dans ce verset le maximum de mots, rendant le texte quasiment hermétique et surtout difficile de traduction. Nous appréhendons dans cet hermétisme toute l’importance, toute l’ingéniosité de cette " chambre-haute ", de cette " entrée ". Détail d’importance, le mot Biah, en araméen joue sur le mot Ba, " futur, avenir " ! Et ce mot Ba prononcé deux fois, donne Baba c’est-à-dire " Porte " !

« Maître Iénronymus l’a bien expliqué, le roi Nemrod n’a pas eu connaissance de notre opération éclair, tout au moins jusqu’à son exécution. Car oui, il s’agit bien d’une opération éclair. Nous serons de suite, après l’ouverture de la Porte par Rabbi Shlomoh Olam, dans cette Aléiah. Il s’agit effectivement d’une pièce hermétique, mais sachez qu’au moment même où nous aurons mis le pied dans cette chambre-haute, ou cette Entrée, les quelques Mages Noirs toujours présents à Our-Kasdim, auront connaissance de notre présence et ainsi du lieu même où se trouve cette pièce. Bien qu’absent de sa cité le roi Nemrod, n’en doutez par, en sera rapidement informé.

« Nous savons qu’ils auront ou plus justement, qu’ils ont eu connaissance de notre opération éclair. Comment puis-je affirmer une telle chose ? La réponse, ou devrai-je dire, le message, nous est donné par delà les siècles, par le Prophète Ézéchiel. Au chapitre 8, verset 5 de son livre, cet homme de Dieu évoque dans la Biah du Temple de Jérusalem, la mise en place par les envahisseurs, de l’Idole de la Jalousie. Cet acte d’abomination fut commis dans le Temple en l’An 695 avant Notre Seigneur Jésus-Christ, soit précisément, suivant les Chroniques Universelles Juives, le 5 Éloul 3333, soit 1310 années après que nous ayons – ou que nous aurons – ramené le Téraph des Téraphim. Un Midrach ou commentaire de cet épisode biblique, présente cette idole comme une représentation du roi Nemrod. Les Mages Noirs de l’Ordre des Diseurs de Ténèbres, ont voulu par-delà le temps, nous envoyer un message fort ! Ils n’avaient pas le Téraph des Téraphim mais ils savaient. Le roi Nemrod savait… Ses successeurs dans la Ténèbre, nous rappelèrent, en choisissant le mois d’Éloul que ce nom  araméen signifie " rechercher, scruter ou détecter ", voire même " explorer ". Les Mages Noirs de l’Ordre des Diseurs de Ténèbres, s’affirment depuis, comme des explorateurs ; exploration qu’ils effectuent en scrutant le ciel pour découvrir la chambre-haute et ainsi son contenu. Dans la traduction araméenne du Livre des Nombres (13-21) du Targoum Onqelos, le mot " explorèrent " du verset, s’appliquant aux  explorateurs envoyés par Moïse à Chanaan, est traduit par we-élilou, dans lequel nous retrouvons ainsi, que le mentionnent les Sages, le mot éloul. Mais Dieu merci l’exploration des Diseurs de Ténèbres faite par l’utilisation de la magie noire, est restée jusqu’à ce jour infructueuse !

« J’ai beaucoup appris, vous le savez, aux côtés des Nautes de la Loire. Dans cette confrérie œuvrent les Marchand d’Eau dont certains sont passés maîtres dans la création de locaux dits inondables. Mon ancêtre de la Cité d’Our était passé maître dans cet art de la maîtrise des eaux. Nous n’aurons en tout et pour tout que trente minutes pour mener à bien notre opération éclair. Les aigues-marines du Golfe Persique qui baignait à cette époque la Cité d’Our étaient utilisées dans la Grande Ziggurat. Bar-Biah par un ingénieux système a programmé pour un temps équivalent à trente de nos minutes, une inondation complète et rapide de la chambre-haute. Le roi Nemrod et ses Mages Noirs, après notre opération comprendront – ont compris – ce qui s’est passé dans cette salle hermétique mais ne pourrons l’utiliser pour nous poursuivre jusqu’à notre époque car les fonctions de cette Aléiah auront été totalement détruites. »

Anselme Rollat est invité à préciser ses motivations, son ardent désir de se rendre dans cette Aléiah, ce qu’il fait bien volontiers :

« Ainsi que vous le savez mon véritable nom est Roulat. J’ai imposé la forme Rollat dans le cadre de mon activité professionnelle. Elle me semblait – peut-être à tort – plus moderne et donc plus attractive pour mes clients. Roulat mon véritable nom s’affirme dans le nom même du Hameau du Roule à Pélussin. Je possède encore la maison de feu mon père Étole Roulat dans le hameau de Soyère à Pélussin même. Mon nom complet dans le cadre de mes activités d’imprimerie et d’éditions est Rollat Parpaing. Si la première partie de ce pseudonyme passe très bien, la seconde, par contre, intrigue. Elle nous différencierait moi et mes enfants, suivant certaines personnes, des autres branches… Telle la branche écossaise des Highlands à laquelle tu appartiens mon Cher Christopher FitzRolling… Bon, la vérité vraie est tout de même ailleurs, ainsi que tu le sais mon Cher Cousin.

« Il parait intéressant de noter que le mot PARPAING (avec ou sans G final), est homonyme du mot masculin PAREPAIN, d’écriture très variable désignant une sorte de couteau à manche en une gaine pour parer, trancher, ou chapeler le pain. Les dictionnaires, par leurs citations, évoquent ces grans cousteaulx comme des objets royaux : " Deux paires de couteaux à trancher devant le roy, à tous les parepains garnis de viroles et de cingletes d’argent, dorees et esmaillees aux armes de France. (1352, Compt. de la Font., Douë d’Arcq, Compt. de l’argent. p. 133. "

« Le PARPAIN – PARPAING, qui prolonge mon nom, viendrait de per, au travers et de panus, pour pannus, pan de mur, comme si l’on disait d’une chose qui passe au travers du pan d’un mur.

 « Je retiens en ce qui me concerne le latin populaire perpetaneus " ininterrompu, élargissement " du latin perpes, perpetis " ininterrompu ", " continuel, perpétuel ". Je retiens également la variante parpanus présente dans un texte de 1402. Le mot est composé de per,d'outre en outre, et probablement pan, altéré en paigne. La syllabe PAN correspond au vieux français PAN ou PANNE qui avait plusieurs significations mais une origine commune. Je rappellerais dans mon métier, l’usage de la panne, " peau d’un animal ", telle la panne de porc qui recouvre des livres d’églises*.

*Dictionnaire Godefroy de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe et du XVe siècle et le « Dictionnaire Etymologique de la Langue Françoise » de B. de Roquefort 1829 ainsi que le site http://www.dicocitations.com/definition_littre/31314/Parpaing.php

« Nous utilisons couramment dans le métier du livre – du rollat – la peau de vélin : ou peau de veau mort-né (ou d'un autre animal, comme l'agneau ou le chevreau). Préparée pour l'écriture, l'illustration, l'imprimerie ou la reliure, la peau de vélin s’affirme plus lisse, plus blanche et plus fine que le parchemin ordinaire. Dans le beau métier pratiqué de père en fils par les Roulat, il est bien connu que " Le vélin le plus beau et le plus recherché, est celui qui est fait de la peau du fœtus, lorsqu’à la boucherie on a tué une vache pleine. " *

*« Essai sur l’histoire du parchemin et du vélin – Gabriel Peignot 1813 »

« Au travers de ces diverses étymologies je retrouve l’idée d’un Livre Perpétuel… Pourquoi avons-nous appelé notre Hostel, Au Rollat d’Or ? De génération en génération, dans notre famille, nous racontons cette belle histoire. Au commencement Adam vivait dans le Jardin d’Éden. L’Ange Raziel, l’Ange des régions sacrées et Maître des Mystères divins, précédé de trois Messagers, descendit à Adam un livre divin. " Ce livre, est-il écrit dans le Sepher ha-Zohar ou Livre de la Splendeur, avait été révélé au premier homme ; et, aussitôt qu’il y regarda, il y reconnu la Sagesse suprême. " Ce livre divin est un livre que l’on regarde, selon la formule hébraïque : On y voit les sons Le nom du livre, suivant le Zohar est Livre de la Génération d’Adam. Ce titre apparait mentionné dans le Livre de la Genèse 5-1 : Sepher Toldot Adam. Les deux premiers mots de ce verset : Zeh Sepher : " Voici le Livre ", sont pour les Sages, une anagramme, dite mnémotechnique de Razah Saph, expression signifiant : " Le Secret de la Coupe " ou " Le Mystère du Seuil ". La cité de Tolède en Espagne, est étymologiquement la cité de la Génération d’où le rapprochement fait par certains Sages du Moyen Âge avec le Livre de la Génération, hébreu Toldot (mot pluriel). Il faut se souvenir que suivant Wolfram van Eschenbach, la cité de Tolède est mystérieusement liée à la Coupe, le Saint-Graal descendu du Ciel… Lorsque Adam eut péché dans le Jardin d’Éden, le livre s’envola. Ne le possède que celui qui le mérite. Il n’est donc pas certain que le roi Nemrod aurait pu le posséder, pas plus qu’il n’est certain qu’il restera en notre possession lorsque nous le ramènerons car il est reconnu que Jacob et plus tard le roi Salomon ont possédé le livre céleste… Ceci implique que si nous le ramenons d’Our-Kasdim dans la cité de Saint-Étienne, le livre pourrait quitter le lieu où nous le cacherions sans même que nous puissions nous en rendre compte… " Heureux, est-t-il dit dans le Zohar, les Sages à qui il est donné de lire dans ce livre ". Dieu que j’aimerais lire dans ce livre !!! La tradition juive en parle aussi sous le nom Livre de Saphir… il est supposé que ce livre n’aurait été destiné qu’à certains personnages élus, qui auraient eu pour mission de conduire l’humanité vers la lumière. *

*Ce commentaire apparait dans le livre de Gilbert Sinoué LE LIVRE DE SAPHIR Éditions Denoël.

« Mais ce livre apparait aussi comme le Livre Jaune, livre dans lequel si l’on sait l’ouvrir, on découvre les évènements futurs ayant trait à la vie des Fils de l’Adam. Le livre fut détenu par le grand Énoch qui marchait avec les Anges. Noé l’emporta dans son Arche, puis ce fut Shem son fils qui le garda caché dans la célèbre École de Mystères qu’il avait fondée. Le roi Nemrod savait que Shem détenait ce livre unique, aussi chercha-t-il à s’en emparer. Shem et Abraham décidèrent avec l’accord de Ber-Léor et de Bar-Biah, qu’il serait caché dans la chambre hermétique avec le Téraph des Téraphim. Il me tarde, vous le comprendrez aisément, de pénétrer dans la Chambre-haute.

Les discutions s’enchaînent sur le sujet. Le Kabbaliste Shlomoh Olam de Lunès apporte de précieux renseignements sur le sujet. Bien que vivant au XVIème siècle et parlant de choses vielles de plusieurs milliers d’années, il semble maîtriser une science futuriste appelée à naître dans une époque lointaine, bien qu’il affirme que cette science existait déjà dans un très lointain passé… sur Thebel, notre Terre, mais pareillement sur d’autres planètes. Il affirme que l’on trouve dans la Bible des allusions aussi brèves que précises relatives à cette science mais aussi à ces planètes habitées !? Le temps passe rapidement jusqu’à ce soir du 24 décembre 1588 qui restera gravé à jamais dans notre mémoire.

 

La Roche du Suaire dominant Doizieux

 

Le Noel Ourifique

Au sommet de la Roche du Suaire les membres de la Commanderie de Marlhes s’affairent aux derniers préparatifs. Le rayon bleuté de la Lune soudain dévoile la Porte en cette ancestrale Nuit des Mères que nous appelons aujourd’hui Nuit de Noel ! Le temps est compté. Les sept membres de la Guilde arrivent armés au sommet de la Roche mais auront-ils vraiment besoin de ces armes dernier cri, capable de donner la mort mais aussi de renvoyer dans les Enfers, le cas échéant, les serpents de Bel, monstres gigantesques aux pouvoirs démoniaques, gardiens des temples impies ? Maître Hiéronymus Berlier ne le pense pas bien qu’André Verne ait une toute autre idée. Les sept prennent place dans la nacelle prévue pour deux personnes. Les premiers à descendre le long de la Roche sont Maître Iénronymus Berlier et le Kabbaliste Shlomoh Olam de Lunès. Puis vient le tour des Cousins Anselme Rollat et Christopher Fitz-Rolling qui laissent ensuite la place à André Verne et Noel Barbïa. Enfin, le dernier à descendre – il faut bien un dernier – est Rob McBerling. Durant soixante longues minutes, le rayon bleuté de la Lune dévoilera la Porte mais lorsque que le rayon s’effacera la Porte se refermera. Il faut agir très vite. Le Rabbi Kabbaliste pourrait prolonger la durée d’ouverture de la Porte mais il convient de garder une certaine prudence. Il se pourrait, bien que cela ne semble pas être le cas, que quelques membres de l’Ordre des Diseurs de Ténèbres soient en cette nuit, présents dans le village de Doizieux.

Lorsque les Cousins Rollat/Fitz-Rolling pénètrent dans la chambre-haute toute illuminée, ils trouvent le Kabbaliste et le Maître en plein ouvrage. Shlomoh Olam de Lunès s’affaire activement sur les commandes du calendrier, tout en se faisant aider par Maître Iéronymus Berlier qui actionne la Menorah. La salle qu’ils découvrent ne ressemble à rien de connu. Elle appartient à un temps dont ils n’ont aucune connaissance mais un temps qui aurait allié la science la plus avancée à la couleur orientale des Mille et une nuits... Soudain l’un des murs disparait comme par magie – ne s’agirait-il pas, d’ailleurs d’une magie ? – et voici qu’apparait une nouvelle salle en tout point identique à celle où se trouvent les Sept. Le Kabbaliste s’écrie dans un excès de joie justifié : « Gagné ! », avant d’annoncer avec puissance : « Ne vous y trompez pas, il ne s’agit aucunement d’un miroir, notre reflet n’y apparait d’ailleurs pas... Voici la chambre-haute hermétique, l’Aléiah de la Grande Ziggourat d’Our-Kasdim, créée par vos grands ancêtres le Kasdim Ber-Léor et le Kabbaliste Kaldéen, Bar-Biah : le Fils de l’Entrée. À présent descendons sans tarder dans Our-Kadim, le Feu des Magiciens. »

La Guilde ne se fait pas prier… Mais quelle n’est pas leur surprise ! À peine posent-ils le pied dans l’Aléiah qu’ils sont accueillis et de bienveillante façon par quatre êtres mystérieux dont le rayonnement intense et les ailes déployées affirment qu’il s’agit d’êtres angéliques. Le personnage central, plus étincelant et plus grand que ses trois témoins prend la parole :

« Bienvenue à vous les Sept de la Guilde. Je suis Raziel l’Eldil du Temps. Mon nom dans la langue des Fils d’Héber qui est aussi la langue des Anges, signifie " Secret de Dieu ". Les Eldila se déplacent dans le temps mais aussi dans l’espace. Nous veillons au bon fonctionnement des planètes. Notre fonction stellaire s’effectue Olam béOlam, " d’éternité en éternité ", " de monde en monde " »

Se tournant vers Rabbi Shlomoh Olam, il dit :

 « Vous êtes Rabbi, de par votre fonction, Olam, tout comme l’illustre Milchisédech qui est l’un des nôtres. Cette fonction vous permet et vous permettra de voyager le temps et l’espace. »

Cette affirmation, doublée d’une révélation est jugée d’importance par le Rabbi mais l’heure n’est pas aux questions. L’Eldil Raziel revient à son récit sur les Eldila :

« L’abbé Jean Trithème qui vous précéda de quelques décennies sur cette Terre, évoque dans son livre " Des sept causes secondes ", la théorie cyclique de l’histoire de l’humanité. Dans ce livre un certain Clive Staples Lewis dont l’existence aura sa réalité au XXe siècle de l’Ère chrétienne, trouvera l’idée des Eldila, anges qui font fonctionner le système solaire. Dans une trilogie littéraire, la Saga de Ranson, il révèlera le combat opposant les Eldila de Lumière aux Eldila Noirs. Dans cette trilogie transpire le Secret, celui dont je suis le Détenteur. Les Eldila Noirs, ainsi que le révèlera Lewis, utilisent les noirs pouvoirs de la Tête. Cette tête, vous n’en serez pas surpris, apparait comme un double négatif du Teraph des Teraphim présent ici-même dans le coffre que voici. Nous nous reverrons et je vous enseignerai le pouvoir de ce Teraph qui utilisé à bon escient permettra de détruire dans un temps futur la Tête des Eldila Noirs.

« Quant à cet autre coffre sur lequel son gravées d’énigmatiques écritures, il contient, oui vous avez raison Anselme Rollat – je lis dans vos pensées – il contient le fameux Livre Jaune si important pour votre famille. Au commencement de l’humanité adamique – l’homme physiquement réalisé – sur cette Terre ou plus justement dans le Jardin d’Éden, assisté de mes fidèles Compagnons, j’ai remis au premier homme, le Livre de la Génération d’Adam. Il ne s’agit pas d’un livre ordinaire. Je vous enseignerai la façon de, le lire… Ce coffre, ainsi que vous pouvez le remarquer, pourrait de par les dimensions qui sont les siennes, contenir beaucoup de livres. Il est en fait accompagné d’autres objets qui lui sont complémentaires. Ce Livre n’est pas de cette Terre, tel les Eldila, il a la possibilité de voyager le Temps et l’Espace. Ainsi que vous avez pu le lire dans le Sepher ha-Zohar, après la Chute d’Adam, le Livre pourtant caché, s’est envolé. Ce livre possède une existence propre, aussi s’en tient-il au destin qui lui est tracé. Il n’est là que pour le bien mais n’en doutez pas, le ténébreux roi Nemrod aurait trouvé une noire magie pour s’en rendre maître. Ainsi que vous le savez, Jacob où le roi Salomon pour ne citer que ces deux personnages, ont possédé le Livre. Pourtant il sera sous peu dans votre XVIème siècle ?! Le Livre indépendamment du lieu et du temps où il se trouve, a la possibilité de s’envoler en un lieu et temps autre, sans même que l’on puisse s’en rendre compte, car il reviendra à l’heure même où il s’est envolé. Et ceci vous l’aviez bien compris, honorable Anselme Rollat. »   

Dirigeant ses grandes mains lumineuses vers ses trois Compagnons angéliques, l’Eldil Raziel poursuit :

« À présent mes trois Compagnons vont déposer ces deux coffres dans la chambre-haute de la Roche du Suaire en Doizieux où vous les récupèrerez dans… peu de temps… mais en attendant, consacrez-moi encore quelques instants et découvrez, telle que vous auriez pu la découvrir s’il vous eut été possible de le faire en un temps de Paix, la cité d’Our-Kasdim. Regardez ce Massakh, nom hébreu signifiant " masque " mais aussi " écran-miroir ". Ce que vous voyez n’est pas encore connu de vos contemporains. Il s’agit d’une projection relevant du principe holographique, terme de physique créé à partir de la langue grecque. Ce procédé ne verra le jour que dans un très lointain futur, bien qu’il existe depuis Olam, depuis Toujours ! Vous voyez ici les eaux du Golfe Persique qui baigne en ce temps, la cité. Voici la Ziggourat dans laquelle nous nous trouvons.

 

La Ziggourat

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ziggurat_of_ur.jpg?uselang=fr

 

Voyez ces prêtres, il s’agit des Mages Noirs du roi Nemrod qu’il convient de dissocier des Kasdim que voici, les Prêtes et Savants d’Our-Kasdim. Si certains d’entre eux sont des fidèles de Nemrod, il n’en va, Dieu merci, pas de tous les Kasdim ! Ces Prêtres travaillent nuit et jour dans la Ziggourat, véritable centre énergétique où brûle un feu perpétuel : l’OUR ! Le grand Abram, dont le nom sera changé en celui d’Abraham, fut descendu par le Noir Nemrod dans la Fournaise. Mais l’Archange Gabriel, Maître du Feu, protégea le Juste.

« Le moment est venu à présent de retourner dans votre temps. Rabbi Slohmoh, tu n’auras pas à rouvrir le Porte, mes Compagnons ont prolongé le temps d’ouverture. Mais n’attendons pas car les Mages Noirs se tiennent déjà à l’entrée de l’Aléiah qui va très rapidement être inondée par les Aigues-Marines du golfe canalisées sous le Temple. Déjà l’aigue pénètre dans la pièce. Allons-y !

La Guilde des Sept repasse la Porte qui se referme sitôt après le passage du dernier voyageur du temps. Les trois Compagnons de l’Eldil se positionnent près des deux coffres qu’ils ont transportés d’Our à Doizieux… Raziel le Grand Eldil salue les Sept membres de la Guilde avant la remontée dans la nacelle au sommet de la Roche du Suaire où les attendent les hommes du Temple de Marlhes. Raziel leur affirme qu’il les retrouvera le moment venu dans la cité de Saint-Étienne.

Moins d’une heure s’est passée depuis qu’ils ont franchi la Porte. La même Lune et les mêmes étoiles continuent à éclairer le village de Doizieux…

 

…« Noel ! Oui, ce nom reste pour moi, Anselme Rollat, un nom magique. Les rires se font plus présents dans la grande salle de la maison ancestrale du hameau de Soyère en Pélussin. Je referme LA CHRONIQUE À L’OURE RELIÉ et quitte le fauteuil de mon regretté père. Je vais rejoindre mes enfants et petits-enfants. Je suis heureux malgré l’absence de ma tendre Alix. Mais un jour proche, je le sais, je la retrouverai.

« Joyeux Noel père. Joyeux Noel grand-père… Oui joyeux Noel Mes Chers enfants ! »

Michel Barbot
 


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