OCTOBRE
2024 |
Par
Notre Ami
Patrick
BERLIER
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LES COTEAUX DU
DORLAY
Cela fait plusieurs années que les Regards du
Pilat ont pris l'habitude de convier leurs amis à une balade estivale, pour
leur faire découvrir chaque fois un nouveau versant de la région qui nous est
chère, le tout dans une ambiance conviviale. Pour 2024, nous avons choisi les
coteaux surplombant la vallée du Dorlay, Saint-Paul-en-Jarez côté ouest,
Vergelas et Farnay côté est.
Nous sommes une vingtaine à nous retrouver devant
l'église de Saint-Paul-en-Jarez. Après quelques mots de bienvenue, Rémy nous
convie à un petit tour du village, dont les habitants sont nommés les
Sampoutaires, nom dérivé de Saint-Paul en patois local. Le nom du café voisin
nous rappelle que jadis ils étaient surnommés « les Dindons ». Ce nom
venait de l'habitude de sacrifier une dinde pour le repas de Noël. Sauf qu'ici
on considère que le volatile est du genre masculin, alors on dit « un »
dinde, d'où les dindons. Pour prouver que l'on avait bien respecté la
tradition, on clouait quelques plumes de la bête sur la porte de la maison.
Pour celui qui n'avait pas les moyens de s'offrir « un » dinde, il ne
restait plus qu'à aller chiper quelques plumes chez son voisin pour les exposer
sur sa porte. Ainsi l'honneur était sauf, au prix d'un petit larcin que l'on
irait confesser au curé à la première occasion.
Retrouvailles
devant le Café les Dindons
Les traditions ont la vie dure dans le Jarez.
Ainsi le souvenir de la « Dame du Jarez », que l'on considérait comme
une ogresse, s'est-il perpétué jusqu'à nous. En réalité cette dame, Béatrix de
Roussillon, demi-sœur du célèbre Guillaume de Roussillon, était au contraire
une personne fort vertueuse et généreuse. Mais lorsqu'elle se retrouva veuve de
Gaudemar de Jarez, seigneur de Saint-Chamond, un acte notarié officialisa le
fait qu'elle devenait désormais la tutrice dévouée de ses enfants. Mais cet
acte fut rédigé dans un latin mêlé de patois, si bien que les générations
suivantes comprirent « tueuse et dévoreuse des enfants ». Ainsi
naissent les légendes... Le regretté Noël Gardon en avait magnifiquement fait
la démonstration dans son livre Mon Pilat, étymologies, rêves, légendes
et... réalités.
Notre tour du village commence par un magnifique
portail ancien en bois. Du peuplier, précise Patrice, qui s'y connaît puisque
c'est son métier. Les deux vantaux, et la petite porte qui s'ouvre dans celui
de gauche, sont garnis d'au moins trois cents clous censés assurer la solidité
de l'œuvre.
Le
vieux portail
Nous continuons par la cour de la mairie et son
puits à balancier. On en devine le fonctionnement. Comme le balancier d'une
pendule suffit à entraîner le mécanisme d'horlogerie, le mouvement du lourd
balancier entraîne le dispositif pompant l'eau, qui jaillit dans une vasque,
ici fermée par une porte.
Le
groupe devant le puits à balancier de Saint-Paul-en-Jarez
Ce genre de puits est assez rare, il en subsiste
cependant deux autres semblables dans la région, l'un à Lyon rue des Macchabées
dans le quartier Saint-Just et l'autre à Saint-Étienne au fond d'une cour
privée, place Jean-Jaurès.
Les
autres puits à balancier, à Lyon et à Saint-Étienne
En parlant de puits, il y en a un autre célèbre
dans notre village, et nous poursuivrons par là. C'est le puits Renaissance,
datant de 1669, bien élégant avec son dôme à écailles.
Le
puits Renaissance
Il est temps de démarrer la balade proprement
dite, après un dernier regard à ce monument vénérable, en songeant à l'époque
où les puits constituaient la seule alimentation en eau d'un village comme
Saint-Paul-en-Jarez. C'était bien avant nos temps modernes où chaque foyer
dispose de l'eau courante...
Thierry,
Guy et Rémy, attentifs autour du puits
Nous marquons un dernier arrêt, à l'embranchement
de la route descendant dans la vallée du Dorlay, devant la croix élevée en 1605
par Artaud Harenc de la Condamine. Elle possède une particularité, celle de
représenter sur l'arrière du croisillon la Vierge tenant le Christ mort sur ses
genoux. Le cas n'est pas unique, mais suffisamment rare pour être signalé.
Face
arrière de la croix
Après une courte descente, nous voici au fond de
la vallée, jadis parcouru par la « Galoche », nom donné à la
locomotive à vapeur tractant le petit train qui remontait la vallée jusqu'à la
Tessasse-sur-Dorlay. C'est le bruit produit par la loco, comme des galoches sur
le pavé, qui l'avait fait surnommer ainsi. Le train transportait les ouvriers
travaillant dans les nombreuses usines profitant de la force motrice de la
rivière. On se souvient en particulier de l'usine Marquise, produisant les crayons
de couleurs qui assuraient sa célébrité. Tout cela n'est plus que souvenirs.
Nous n'avons pas le temps de les évoquer plus longuement, même si les plus
anciens parmi nous se souviennent d'avoir utilisé des crayons Marquise à
l'école primaire.Voici que se présente la route montant au hameau de Vergelas.
La côte est rude, mais nous voici dans ce hameau, dont les maisons semblent
dater d'un autre âge. Vergelas est connu depuis la fin du XIIIe
siècle, cité dans un acte sous le nom de Valle Gelata, la vallée gelée.
On comprend que le climat devait y être rude en hiver.
Les plus courageux poursuivent la montée jusqu'à
la Pierre du Diable, tout en haut de la montagne. Le lieu était jadis nommé
Tetrette sur les cartes, ce qui en patois local désigne une mamelle, et il faut
bien admettre que vue de loin cette montagne avec la pierre au sommet offre
l'aspect d'une mamelle. Mais sur les cartes modernes le nom est devenu
Terrette, petite terre, tout change... La Pierre du Diable n'est pas autre
chose qu'une belle pierre à cupules comme il y en a tant dans ce secteur riche
en mégalithes. Quant au diable, c'est sans doute la Madone de Farnay, implantée
en 1872, qui l'a éloigné définitivement.
La
Pierre du Diable
Pendant ce temps, les moins courageux ont
entrepris de rejoindre Farnay par le chemin
passant à flanc de coteau, que les gens du coin nomment « le chemin
plat ». Après un dernier regard au hameau de Vergelas, nous arrivons à
Farnay, où nous retrouvons l'autre partie du groupe pour la pause pique-nique
de midi.
Vergelas
vu du chemin plat
Le casse-croûte a été avalé dans la bonne humeur.
Guy nous propose de visiter le petit musée installé dans les caves de l'ancien
pensionnat voisin. Il rassemble les pièces d'une collection commencée par
l'ancien curé du village. Ces pièces, en bois, en métal, en céramique,
représentent toutes des ânes. Il y a des ânes au naturel, attelés, bâtés,
montés, etc. cette collection unique méritait bien un musée, Farnay célébrant
chaque année sa Fête de l'Âne. Nous nous dirigeons ensuite vers l'église, nos
guides ayant obtenu qu'elle soit ouverte.
Parlons un peu de cette église. Farnay est un des
plus vieux villages du Jarez. Il est cité une première fois en 1173 par le
fameux acte de permutation des terres du comte de Forez et de l'archevêque de
Lyon. Farnay fait partie des terres que le comte cède à l'évêque, le village et
son église passent donc en Lyonnais. De la première église il ne reste rien.
Restaurée une première fois en 1817, elle a été transformée et agrandie en
1853-54 par l'architecte Bonnard. Le clocher date de 1899. Il est reconnaissable
de très loin par son allure fine et élancée. Entre temps, en 1856, les
religieuses de la Sainte-Famille construisirent le pensionnat de jeunes filles,
gros bâtiment flanqué de sa chapelle, lui aussi reconnaissable de loin.
Le
pensionnat avec sa chapelle (à gauche) et le haut clocher l'église
Dans l'église, tandis que certains s'aventurent à
monter dans le clocher, notre attention est attirée par les vitraux, datant
sans doute des premières années du XXe siècle. L'un d'eux en
particulier surprend. Il représente un ange nimbé, sortant d'une nuée, levant
le bras droit vers le ciel et brandissant une épée de la main gauche. Un ange
combattant donc, peut-être saint Michel Archange, qui est à la fois le pourfendeur
du dragon et l'ange conduisant les âmes vers leur jugement.
Le vitrail
En bas du vitrail
l'artiste a représenté un village étirant ses maisons sous un ciel partagé
entre du bleu et le gris des nuages. On identifie sans peine le village de
Farnay, même s'il est vu sous un angle inhabituel. Au centre on reconnaît
l'église avec deux clochers, le nouveau à gauche, et l'ancien, plus petit à
droite, disparu aujourd'hui. Vers la droite on reconnaît le bâtiment du
pensionnat avec sa chapelle attenante. Il suffit de comparer avec les photos
ci-dessus et ci-dessous, même si les angles de vue sont différents.
Vue
générale de Farnay, le pensionnat et sa chapelle, l'église et son clocher
Voici un agrandissement de ce détail du vitrail,
à comparer là aussi avec la vue ci-dessus. On remarque au premier plan des
terres labourées, des pâturages et deux petites parcelles closes de murettes.
Détail
du vitrail, le village de Farnay
Mais ce qui nous intrigue est ce qui ressemble à
un gros rocher, à droite et en face du pensionnat, contre la murette d'un
enclos, à l'emplacement de la mairie aujourd'hui. On lui verrait presque la
forme d'un pied, tant on distingue ce qui ressemble à des orteils. Mais
s'agit-il seulement d'un rocher, ou d'autre chose ? Bien difficile de
décider, ce sera à chacun de se faire une idée. Voici le détail de la chose...
Détail
de cette partie du vitrail : est-ce un rocher ?
De retour à Saint-Paul-en-Jarez, attablés au café
des Dindons, chacun y va de sa théorie. Il y a ceux qui pensent qu'il s'agit
d'une pierre mégalithique en forme de pied. On en connaît quelques unes ayant
cette forme, que l'on n'explique pas vraiment d'ailleurs. Il y a aussi ceux qui
sont tenants d'une explication plus terre à terre, celle de la meule de foin ou
de paille, même s'ils lui reconnaissent un aspect très minéral. La seule
certitude est que cette chose n'existe plus de nos jours, puisque la mairie
s'élève à sa place. Les enclos aussi ont disparu. Ce vitrail conservera donc sa
part de mystère.
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