AOÛT 2008


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Notre ami Christian présente :



Aux origines Antiques du Catharisme

Lorsque la vérité historique se heurte à l’idéologie au pouvoir.




Christian
Doumergue









Un intervenant privilégié
dans La Grande Affaire








Le Catharisme, qui, au moyen-âge, a déclenché une des plus violentes répressions religieuses qui n’ait jamais été (1), n’a rien été d’autre qu’une résurgence, une résurrection, d’un christianisme attesté dès les premiers siècles. D’un point de vue dogmatique, il est en effet le calque parfait des mouvements gnostiques de l’Antiquité. Tout comme ceux-là, il est dualiste. Il pose le monde matériel comme mauvais et émanant d’une entité dégénérée, le Dieu de l’Ancien Testament qui est encore celui de l’Eglise de Rome, communément appelé Démiurge dans les écrits gnostiques. A ce dernier, le Catharisme oppose un Dieu véritable, inconnu des hommes jusqu’à Jésus. Pour les Cathares, comme pour les gnostiques avant eux, l’âme, prisonnière du corps, est une part de ce Dieu. Mais le Démiurge et ses archanges lui ont fait oublier cette nature divine, la condamnant à se réincarner sans cesse sur Terre. Ainsi, dans un mouvement comme dans l’autre, seule la Connaissance du divin – la résurrection ou l’éveil – permettra au croyant de briser ce cycle des réincarnations, et, enfin, de se libérer de la Création matérielle.  

Les deux mouvements, distants de plusieurs siècles dans le temps, ne sont pas unis seulement par cette ressemblance dogmatique. La structure même des deux « églises » ou certaines de leurs caractéristiques (comme l’égalité entre hommes et femmes) les rapprochent avec plus de force encore.

Ainsi, le Catharisme, loin d’être apparu ex nihilo au Moyen-Age, est l’héritier d’une forme de christianisme aussi vieille que le christianisme lui-même, mais, dès les premiers siècles, vivement combattue par l’Eglise de Rome. Cette dernière, tout au long de son histoire, n’a jamais cessé d’imposer, le plus souvent par la force, son christianisme.   

Cette filiation pose, naturellement, la question des sources du Catharisme. Cette question cherche à déterminer de quelle manière le Catharisme a pu être un calque aussi parfait d’un mouvement qui avait été, du moins sur la « place publique », exterminé aux alentours du IVe siècle par l’Eglise.

Se pose ici, pour l’historien, le « problème de la filiation ». La tendance la plus courante est d’expliquer le Catharisme par la prédication bogomile (2), un mouvement dualiste émergeant dans les Balkans vers la fin du IXe siècle avant de connaître une large diffusion évangélisatrice en Italie et en France.

Les connexions entre les deux mouvements existent. Proches, ils connaissent de nombreux échanges. Les registres inquisitoriaux de Carcassonne conservent ainsi la trace de l’apport aux Cathares du « secret des hérétiques de Concorezzo » par l’évêque Nazaire. Concorezzo était une importante communauté bogomile de Lombardie. De même, le concile « hérétique » de Saint Félix de Caraman, en Languedoc, (1167) est présidé par un diacre bogomile, Niquinta. Mais si ces connexions permettent d’établir l’existence d’échanges entre les deux mouvements, il est tout aussi certain, comme l’a notamment souligné Fernand Niel (1903-1985), que les missionnaires bogomiles ont trouvé, au moins en France, un « terrain tout préparé. » (3)








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            Ainsi, les connexions entre Cathares et Bogomiles doivent en réalité être pensées non en terme d’Histoire religieuse mais d’Histoire géopolitique et militaire (4).

L’implantation d’un christianisme hérétique en France, et plus particulièrement dans le Sud de la France, est ancienne. Au IIème siècle, Irénée de Lyon dénonce ainsi les gnostiques implantés dans la vallée du Rhône dans son traité contre les hérétiques. Puis, tout au long de l’histoire du christianisme gaulois, est attestée la survivance de petits groupes d’hérétiques, chez lesquels il est permis de reconnaître des traits caractéristiques du gnosticisme.

Il ne fait guère de doute que ces groupes, qui, grâce à un contexte favorable (5), ont pu sortir de leur clandestinité, ont été le maillon reliant le Catharisme au gnosticisme antique. Ils expliquent que les Cathares ont eu, entre leurs mains, des évangiles remontant à la plus haute Antiquité.

Le fait est attesté par quelques citations de textes données par les Inquisiteurs. Accusant les Cathares de fabriquer des faux, ceux-là en viennent à donner quelques extraits de ces prétendus faux pour mettre en relief leur non-conformité aux évangiles canoniques. Or, les citations données ont pu être identifiées à des extraits d’apocryphes remontant aux premiers siècles chrétiens, comme l’Evangile de Thomas (6).

Cette source Antique est généralement négligée par les « historiens officiels », pour une raison semble-t-il idéologique. Cette éviction permet notamment d’éluder la question du « trésor » des Cathares, qu’il est moins « problématique » pour l’ « ordre établi » d’identifier à un trésor monétaire qu’à des écrits sacrés remontant au premier christianisme. Elle évite aussi de remettre en question les schémas établis concernant la christianisation de la Gaule. 

Or, c’est ce à quoi aboutit l’étude du Catharisme dès lors que l’on relie celui-ci aux premiers siècles chrétiens.

La destruction massive des textes qui ont été en possession des Cathares (et notamment de l’ensemble des évangiles apocryphes circulant dans les communautés hérétiques) empêche d’avoir une connaissance exacte de la teneur de ceux-ci. Pourtant, il semble incontestable que certains de ces textes aient accordé une place particulière à Marie-Madeleine. Cela est décelable dans les écrits de leurs opposants. Un de ceux-là, Pierre des Vaux de Cernay (c. 1215 – mort après 1248), dans son Histoire Albigeoise, affirme que les Cathares blasphémaient contre Marie-Madeleine. On reconnaît dans l’accusation qu’il leur porte de faire de la sainte la « concubine » du Christ, un écho à l’Evangile de Philippe (IVe siècle), où Marie-Madeleine est présentée comme la « compagne », au sens spirituel, de Jésus. L’allusion de Pierre des Vaux de Cernay témoigne donc de l’importance que Marie-Madeleine a pu avoir pour les Cathares. Plus troublant, l’invention des reliques de la sainte à Saint-Maximin, en Provence, peut être considérée comme un épisode à part entière de la Croisade. Non seulement, cette invention intervient alors que les répressions contre les hérétiques sont plus violentes que jamais, mais les Dominicains, dont la seule fonction est alors de lutter contre l’hérésie, y prennent une part active.

      Ces différents éléments permettent de conjecturer que les Cathares ont eu accès à des textes relatifs à Marie-Madeleine remontant probablement à la plus haute antiquité – et, osons le dire, à la venue de Marie-Madeleine en Gaule. Contestée par les historiens, cette venue peut pourtant être considérée comme un événement historiquement advenu (7). Or, les traditions médiévales qui s’y référent évoquent bien la possession, par Marie-Madeleine et les siens, d’écrits (soit ramenés d’Orient, soit rédigés en Gaule), dont la description sommaire, ne correspond à aucun texte canonique. Par définition, cela fait de ces textes des écrits apocryphes. Leur contenu n’est pas donné par les auteurs du Moyen-Age, qui, au fil du temps, se sont efforcés d’en minimiser le caractère non canonique. Par contre, leur milieu rédactionnel, celui des premiers chrétiens gaulois rassemblés autour de Marie-Madeleine, pousse à les rattacher à la mouvance gnostique. Les traditions médiévales ont en effet gardé traces d’indices rattachant le groupe rassemblé autour de Marie-Madeleine à un christianisme gnostique (8).








Une partie du corpus de textes hérétiques constitué autour de ces premiers groupuscules chrétiens a pu parvenir jusqu’aux Cathares et faire de certains de ceux-là les détenteurs d’éléments liés de près au périple gaulois de Marie-Madeleine. Ceci expliquerait la connexion évoquée entre l’invention des reliques de Marie-Madeleine à Saint Maximin et la Croisade contre les Albigeois.

La négation, ou la tendance à minimiser cet aspect de l’origine des évangiles cathares, de la part des historiens, n’est probablement pas neutre. S’inscrivant dans la continuité du discours de l’Eglise de Rome, elle procède, aussi, du mouvement de « démystification » mené par nombre d’historiens contre les égarements de l’ « histoire rêvée » du Catharisme. Officiellement destinée à palier les contre-vérités, cette « démystification » est, aussi, une formidable machine idéologique, destinée à contenir le Catharisme et son étude dans un cadre bien précis et à lui enlever une grande part de son pouvoir « contestataire » à l’égard de l’histoire officielle, et donc du pouvoir établi.

         Forte des grilles de lecture de la sociologie, l’Histoire officielle se propose ainsi d’expliquer l’idée d’un secret en possession des Cathares par la seule propension au merveilleux inhérente à tout homme, et encouragée par le contexte socioculturel qui caractérise l’aube du XXIe siècle. Elle est ici, comme ailleurs, le vecteur de l’idéologie dominante, le matérialisme. Mais le matérialisme ne pourra longtemps contenir la force de l’Esprit. Celle qui s’est exprimée au moyen-âge à travers le Catharisme avant d’être étouffée. Et qui attend aujourd’hui son Réveil. Qui a commencé à se réveiller… (9)



Un nouveau Merci à Christian Doumergue





(1) Quoique la répression religieuse n’a été ici, pour ses acteurs, que le prétexte à une odieuse guerre de conquête durant laquelle les « barons du nord » ont annexé les terres des seigneurs du Sud.

(2) Les bogomiles tireraient leur nom d’un certain Bogomil (« Ami de Dieu » en slave), dont l’existence n’est pas certaine.

(3) NIEL Fernand, Albigeois et Cathares, coll. Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, Paris, 1967, p.44.

(4) Nous entendons par là que le Catharisme ne saurait être pensé comme dérivant, théologiquement parlant, du Bogomilisme. Le rapprochement entre les deux mouvements s’explique par les ressemblances théologiques qui les unissent, et qui proviennent d’une source plus ou moins commune, mais aussi par une sorte de « solidarité » naturellement émergée entre deux groupes persécutés pour hérésie.

(5) Celui de l’« esprit de tolérance inconnu partout ailleurs » (l’expression est de Fernand Niel) qui caractérisait alors le pays Occitan et que devait briser l’invasion française.

(6) C’est en 1957 que Charles Puech (1902-1986), le grand spécialiste français des études gnostiques et manichéennes, a identifié l’usage de certains passages de l’Evangile de Thomas chez des cathares méridionaux du début du XIVe siècle. (PUECH Henri-Charles, En quête de la Gnose t. II : sur l’Evangile selon Thomas, coll. Bibliothèque des Sciences Humaines, NRF-Gallimard, Paris, 1978, p. 51.) L’idée que les Cathares aient eu en leur possession des textes remontant à l’Antiquité a été émise pour la première fois en 1913 par F. P. Badham et Frederick Cornwallis Conybeare (1856-1924), professeur de Théologie à l’Université d’Oxford, à propos des Cathares d’Albi.

(7)Voir mes ouvrages sur le sujet pour la démonstration.

(8) La place qui y est donnée à Marie-Madeleine, qui enseigne l’Evangile dès son arrivée à Marseille, si elle ne correspond pas au rôle alloué à la femme dans le christianisme romain (qui défend à la femme de parler en public) cadre par contre avec le statut de la femme dans les milieux gnostiques… Notons encore que ce caractère gnostique de Marie-Madeleine dans le légendaire provençal trouve un écho dans les textes gnostiques retrouvés en Egypte, lesquels font de Marie-Madeleine l’héritière légitime du Christ et attestent de son importance dans les milieux gnostiques.

(9) L’intérêt actuel pour les origines du christianisme et le « vrai » Jésus va dans ce sens. Loin d’être nouveau, ce phénomène a commencé au XIXe siècle au travers de mouvement tel que l’Eglise Gnostique. Il a notamment été porté par Déodat Roché (1877-1978), un de ses plus importants représentants. Lequel a toujours pensé l’étude du Catharisme au-delà de l’étude historique du phénomène…


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