Dossier
Mars 2018 |
Turbet Delof |
« Le
chant du dragon » Henri Vincenot la prénomme Vouivre - Pour les chinois, c’est
le Dragon de la terre … Cela
tombe bien, nous entrons le
16 février, calendrier chinois oblige, en
année Chien de Terre - une année
où l’énergie de la Terre sera bien
présente. Profitons-en pour la sentir sous nos pieds et
crapahuter une fois de
plus sur les sentes de notre Pilat bien aimé ! Ainsi,
un grand dragon parcourt
le Pilat du Sud au Nord, ondulant, traçant une ligne de S géants, bien caractéristique de son
espèce ! Nous nous trouvons face
à
un alignement (qui ondule) de points remarquables tant par leur
histoire, leur
relief et leur qualité énergétique. Venons-en
au fait ! Ce grand
axe passe par : -le
menhir du Flat à Colombier - la
chapelle St Sabin -le pic
des 3 dents -la
chapelle de la Magdelaine -la
chartreuse de Ste Croix en
Jarez -les
roches de Marlin -le
crêt de Tourette -la
madone et la chapelle St
Christophe de Châteauneuf -le
gué de la Madeleine Je me
suis limitée à cette zone.
Il pourrait être intéressant de poursuivre cette ligne
plus au Nord (nous
quittons le Pilat) ou plus au Sud (l’Ardèche n’est pas loin)… Carte 1 : Dragon de terre Ce dragon de la terre est l’expression d’une
grande voie de circulation énergétique, parcourant le
Pilat. Deux
hypothèses : -les
anciens connaissaient ces
réseaux de la terre ; leurs lieux de cultes se situaient
sur ces réseaux
où l’énergie tellurique est
forte et
entre en résonance avec l’énergie cosmique. - c’est
la présence de ces lieux de
cultes anciens qui font qu’un réseau se crée entre eux. Je
rajouterai une 3°
hypothèse : ce grand réseau de la terre existe au
préalable, passant par les sommets
où affleurent granite et gneiss ;
la pratique de cultes et de
rituels sur ces lignes active ce réseau, le renforce et met ces
lieux en
résonance. Des recherches passionnantes ont
déjà été partagées par Patrick
Berlier et Thierry Rollat à propos des chapelles
St Christophe et de la Madeleine sur le chemin de Compostelle et
à propos de
Marie- Madeleine et ses traces laissées dans le Pilat. Je vous
invite à les
lire… Continuons
dans notre aventure de
géographie sacrée, qui se gorge de
géométrie sacrée : Le point
culminant de ce grand
dragon a attiré et intrigué de nombreux auteurs depuis
longtemps, des légendes
l’ont enrobé… Le pic des Trois Dents :
il est le centre exact d’un triangle dont les sommets sont la chapelle
de la
Magdelaine, la chapelle Saint Antoine et la chapelle Saint Sabin. D’excellents
auteurs
fournissent moult détails sur ces
chapelles.
Je les ai donc abordées sur un autre plan : celui de
l’énergétique. Carte 2 : les 3 chapelles Sur le
versant Nord-Est du pic
des 3 dents, dominant la chapelle Saint Antoine, se trouve le plateau
de
Margarat. Pour les celtes, Margarat était la divinité des
sources, celle qui
guérissait et maîtrisait le dragon des eaux. Les
chrétiens l’ont nommé par la
suite Sainte Marguerite. Une fresque merveilleuse se trouve dans la
chapelle de
la source Sainte-Marguerite (Puy de Dôme), près de
laquelle un geyser jaillit toutes les 20
minutes. Dragon d’eau Pour
confirmer cela, nombre de
sources remarquables, voire de réputation guérisseuses,
ont été recensées
autour des Trois Dents et des chapelles, près de ce lieu
Margarat (je vous
renvoie volontiers aux écrits de Patrick Berlier à propos
des sources et
fontaines). Notons celles qui concernent
notre triangle : - la
grotte aux fées sur le flanc
sud du pic des Trois Dents : cette source de résurgence
sans doute
utilisée au cours de rituels à l’époque
(pré)-celte. -
près de la chapelle de la
Magdelaine, puis la fontaine des Communaux de la Magdelaine (bien
connue des
cyclistes !) - la
source Saint Sabin, dont le
niveau remontait au fur et à mesure que le bétail venait
y boire. On
retrouve une analogie avec la
légende des 3 Saints autour de Sainte Catherine dans les Monts
du
lyonnais : ils communiquaient entre eux depuis 3 chapelles (Saint
Subrin,
Saint Apollinaire et Saint Pierre) disposées en triangle dont le
centre est le
lieu-dit Margarat. De ce Margarat naît la rivière Coise,
véritable dragon d’eau
des Monts du Lyonnais. Des
pèlerinages se sont faits ou
se pratiquent encore dans ces 3 chapelles aux dates correspondant
à la fête de
leur Saint patron et/ou au jour du calendrier solaire où la
chapelle s’active. -
chapelle St Antoine :
pèlerinage à l’équinoxe de printemps le 21 mars -
chapelle de la
Magdelaine : pèlerinage 22 juillet (Sainte Marie-Madeleine)
et le 16 août
(Saint Roch) -
chapelle St Sabin :
pèlerinage lundi de pentecôte (proche du 20 mai), 24 juin
(proche du solstice
d’été) et 16 août (Saint Roch). A noter
que la Sainte Marguerite
est fêtée le 20 juillet tout près de la Sainte
Marie-Madeleine. Les
lieux dédiés à Saint Roch
sont généralement des lieux de guérison anciens,
« Saint Roch ayant été
guéri de la peste par les anges ». On
remarquera dans nombre d’église que le culte à Sainte
Marguerite est très
souvent associée à celui de Saint Roch. On peut
donc supposer que ces
sites (Saint Sabin, Saint Antoine, la Magdelaine) étaient dits
« guérisseurs » de par leur situation
géographique, de par la qualité
de leur eau, de par le tellurisme émergeant de la terre, de par
les roches
associées, de par le lien qu’ils avaient entre eux et avec le
pic des Trois
Dents. Ces
lieux de pèlerinage étaient
parcourus alternativement sur 6 mois
- du printemps jusqu’au milieu de l’été - aux
dates
correspondant à leur activation, pour fêter l’ascension du
soleil jusqu’à la
Saint Roch. Le
dragon de terre fécondait le
dragon des eaux, pour devenir guérisseuses… Les chapelles en
sont les
amplificateurs. La frontière
entre l’imaginaire et la légende est mince, le sensible vient
les
compléter : le dessin sensible d’une chapelle ou d’un lieu
dans la nature
révèle ce que l’on appelle le Déva
ou l’esprit du lieu. Il permet d’avoir
une lecture différente, une lecture énergétique -
la lecture de l’intuition. Les couleurs
utilisées sont celles des 7 chakras, correspondant à
celles de l’arc en ciel. Pour obtenir ce
type de dessin, ce sont les crayons qui tracent eux-mêmes, qui
guident la main.
Chaque couleur représente donc une couche
énergétique allant de la fréquence
vibratoire la plus basse - le rouge - à
la plus élevée - le violet. (Pour le pic
des Trois Dents, les couleurs ne sont pas les mêmes : elles
correspondent
à celles de chakras supérieurs. On aurait pu utiliser le
doré, le blanc, le
nacré). Chapelle
St
Antoine Chapelle
St Sabin Chacune des
chapelles entre en résonance les 2 autres et avec le pic. La concomitance
des 3 chapelles lui permet de s’ouvrir, énergétiquement
parlant. Ce pic est-il
la résultante de la somme des 3 chapelles ? Chapelle
de la
Magdelaine Y avait-il un
parcours déterminé avant d’accéder au pic des 3
dents ou seuls les initiés
y avaient-ils accès ? Pic
des Trois
Dents L’interprétation est libre, laissons parler notre cœur face à la magie et au rayonnement de ces lieux, face aux chants des dragons… |
A
présent nous allons retrouver non pas un mais deux
invités et ce pour notre plus grand plaisir. Eric Charpentier et
Thomas de Charentenay nous font l'honneur d'être ceux-ci. Notez
pour la petite histoire mais la belle histoire que ces deux amis ce
sont rencontrés pas moins que grâce aux Regards du Pilat ;
comme quoi.
|
Eric Charpentier a rejoint
l'équipe des Regards du Pilat depuis nos débuts, en 2004
exactement. Rigoureux, studieux et entreprenant, ce chercheur apporte
toujours une dynamique touche personnelle dans toutes les recherches
lancées avec lui. A son compte en architecture il n'en demeure
pas moins aussi un homme de chiffres. La Chartreuse de Sainte-Croix en
Jarez et les mégalithes, associés ou non du reste,
s'avèrent ses premiers terrains de prédilection.
Archiviste autant qu'homme de terrain, il mène loin ses
entreprises au service du passé et les découvertes,
parfois importantes, font partie de son cheminement. C'est un plaisir
de recevoir cet ami fiable sur nos colonnes.
|
1
Regards du Pilat : Passionné d’Histoire et de Patrimoine, la
Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez est un peu l’élément
déclencheur qui vous a
amené sur les chemins de la grande Histoire du Pilat.
Pouvez-vous nous raconter
cette rencontre avec le Monument du Pilat ?
Eric Charpentier : Bonjour
Thierry, effectivement, la chartreuse de
Sainte-Croix-en-Jarez peut être considérée à
bien des égards comme LE Monument
du Pilat. Il n’est pas l’objet ici d’énumérer tous les
facteurs qui amènent à
cette définition, mais je tiens à saluer le travail
remarquable de
l’Association pour la Sauvegarde et l’Animation de la Chartreuse de
Sainte-Croix-en-Jarez, qui a permis entre autres de faire de ce
monument, ce
qu’il est aujourd’hui.
Ma passion pour les
« vieilles pierres » m’a amené
il y a plus de 25 ans à parcourir le Pilat pour y
découvrir ses vestiges du
passé et parmi eux, la chartreuse. Il existe à son sujet
une telle profusion
d’écrits qu’il est très facile d’accéder à
son histoire et c’est d’ailleurs
probablement grâce à votre « Vieux
Secret » que mon intérêt pour la
chartreuse s’est accru !
Ce qui singularise
Sainte-Croix des autres sites historiques
est sans doute l’aspect mystérieux qui règne autour de sa
fondation à la fin du
13ème siècle. Ajoutez-y de mon
côté un goût prononcé pour l’enquête
et il n’en fallait pas plus pour que la
« mayonnaise » prenne !
Comme les écrits ne font pas tout, je tiens à rendre
hommage – comme j’ai
souhaité le faire dans mon livre – à toutes les personnes
qui m’ont aidé depuis
presque 15 ans dans mes recherches sur Sainte-Croix. Sans elles, rien
n’aurait
été possible !
2 Regards
du Pilat : Beaucoup
a été dit et écrit sur Sainte-Croix.
Pensez-vous que justement le tour de la question a été
fait ?
Eric Charpentier : Il existe encore de
nombreuses pistes de recherches qui
méritent d’être explorées et la première
à mon sens consiste à aller rechercher
et étudier les documents originaux conservés aux
archives. Bien que cette
démarche paraisse inutile aux chercheurs actuels car
déjà réalisée par d’autres
avant eux il y a plusieurs décennies, elle apportera au
contraire aux plus
curieux, des informations inédites, complémentaires,
voire contradictoires de
celles faisant valeur de vérité historique aujourd’hui.
3 Regards
du Pilat : En
2016 vous avez publié un ouvrage
novateur : « de Sainte Croix aux Roches de Marlin, sur
les traces
d’une géométrie mégalithique ».
Pouvez-vous nous résumer ce travail qui a
apporté des pistes complètement inédites ?
Eric Charpentier : Ce que j’expose dans ce
livre consiste là aussi à ouvrir
d’autres pistes de recherche et en soit cela confirme bien que le tour
de la
question n’a pas été fait ! Il y a deux
thématiques à prendre en
considération dans le livre : la première est celle
qui porte sur le tracé
régulateur de l’édifice religieux et la seconde celle qui
traite de l’origine
mégalithique du site. La première est totalement
inédite alors qu’au contraire,
de par la proximité du site néolithique des Roches de
Marlin, plusieurs auteurs
ont déjà tenté d’aborder la seconde. Cependant,
les méthodes que j’utilise sont
quant à elles tout à fait inédites.
Concernant la
première thématique liée au tracé
régulateur de
l’édifice religieux, j’ai montré dans le livre comment
cette étude pouvait
apporter des réponses à l’organisation structurelle de la
chartreuse, mais
aussi à sa chronologie constructive.
Concernant l’origine
néolithique du site, j’ai montré dans le
livre comment certains principes géométriques
permettaient là aussi d’apporter
des éléments concrets de réponse. Mais qu’il
s’agisse du tracé médiéval ou du
tracé mégalithique, un gros travail reste à faire
dans ces deux directions.
4 Regards
du Pilat : A
propos du site mégalithique des Roches de
Marlin, serait-il adapté que de le qualifier de site majeur, que
ce soit à l’échelle
du Pilat ou d’un plus large rayon ?
Eric Charpentier : Tout à fait !
Ce sont d’ailleurs mes recherches qui m’ont
amené à changer d’opinion à ce sujet.
Initialement, je considérais plutôt
Sainte-Croix/Marlin comme un sanctuaire néolithique relativement
banal. Mais
que ce soit à l’échelle du Pilat ou à plus grande
échelle, les relations de ce
site avec d’autres m’ont fait changer d’avis.
J’expose notamment dans le
livre sous le nom de la
« Ligne Sacrée des Druides » la relation
très énigmatique qui relie
Sainte-Croix à des sites druidiques de première
importance comme Bryn Celli Ddu
au Pays de Galles, Avebury en Angleterre, et la Forêt des
Carnutes en France.
Cette relation « sacrée » s’articule
à partir du centre du
« Triangle » de Sainte-Croix, le Point Primordial
de la chartreuse et
est basé sur la Divine Proportion du Nombre d’Or.
Plus proche de nous, c’est
avec la Pierre des Trois Evêques
du Haut-Pilat que le site de Sainte-Croix est aussi en relation. Je
l’ai
découverte très récemment et elle est aussi
liée à la géométrie du Nombre d’Or tout
en s’articulant cette fois sur le second des points primordiaux de
Sainte-Croix,
à savoir le centre du « Carré »
matérialisé sur place par le puits
ancestral de la chartreuse.
5 Regards
du Pilat : La
Pierre dite des Trois Evêques, borne
naturelle actuelle des communes de Saint-Sauveur-en-Rue et La Versanne,
occupe
actuellement vos travaux. Pouvez-vous nous résumer là
encore le ou les rôles
successifs de cette pierre majestueuse ?
Eric Charpentier : Il existe de très
bons écrits qui nous explique pourquoi la
Pierre des Trois Evêques du Pilat est une borne située sur
une limite
territoriale vieille de plus de 2000 ans. Inutile donc d’y revenir.
Quant à
savoir si cette borne est naturelle ou non - c’est-à-dire
à savoir si elle
a pu être mise en place ou même façonnée par
l’homme dans un but précis -
là réside tout l’intérêt des recherches que
nous menons en ce moment.
Si on raisonne par
analogie avec des monuments mégalithiques bien
reconnus, comme certains dolmens par exemple, dont on sait qu’ils ont
servi de
borne territoriale à un moment de leur histoire, la question que
pose la Pierre
des Trois Evêques serait plutôt de savoir quel était
son rôle avant de devenir
une borne territoriale ?
6 Regards
du Pilat : Indéniablement
mal connue, elle mérite
pourtant largement le détour historique. N’êtes-vous pas
en train peut-être pas
de révolutionner cette même histoire mais tout au moins de
progresser de
manière significative ?
Eric Charpentier : La progression est
certaine : d’une part nous avons pu
identifier un certain nombre d’orientations solsticiales depuis la
Pierre des
Trois Evêques et d’autre part nous avons pu confirmer
l’organisation
géométrique des mégalithes. L’ensemble de ces
premiers constats laissent
supposer qu’il s’agit bien d’un site mégalithique. Mais la
révolution
n’interviendra que lorsque les autorités en auront pris
conscience et que ce
site sera pris en considération par le milieu scientifique.
7 Regards
du Pilat : A
près d’un kilomètre de la Pierre des Trois Evêques
vous avez découvert avec Thomas de Charentenay un, voire
plusieurs Cromlechs.
Qu’est-ce qu’un Cromlech ?
Eric Charpentier : Un cromlech est une
enceinte de pierres. Les pierres en
question peuvent être jointives ou espacées. L’enceinte
quant à elle peut être
circulaire, ovoïde, rectangulaire ou même
trapézoïdale. Dans la deuxième moitié
du 20ème siècle, le Professeur Alexander Thom
avait mis en évidence
que les cromlechs britanniques étaient conçus selon des
principes reposant sur
la géométrie pythagoricienne. Ce sont la plupart du temps
des espaces cultuels,
mais comme bien souvent en matière de mégalithisme, il
faut avouer qu’en fait,
nous ne savons pas grand-chose à leur sujet.
Concernant les cromlechs
des Faves que vous évoquez ils sont
pour la plupart complètement ruinés et les pierres
se devinent à peine au
sol. Cependant, c’est précisément la
géométrie qui permet de confirmer leur
existence. L’un d’eux admet un diamètre de 31,83 m qui est le
même que le
cercle de Stonehenge en Angleterre.
8 Regards
du Pilat : Est-ce
réellement les premiers Cromlechs mis
à jour dans le Pilat et où les trouve t’on en
général ?
Eric Charpentier : Oui, dans le Pilat cela
semble totalement inédit. Les
cromlechs sont nombreux en Grande Bretagne mais quasiment absents
ailleurs. On
les compte sur les doigts d’une main à Carnac où bien
souvent ils ouvrent les
fameux alignements de menhirs. Plus remarquable, on trouve quelques
cercles de
pierres à Blandas dans le Gard et l’un d’entre eux, le cromlech
de Lacam de
Rogues mesure 51,84 mètres de rayon, c’est-à-dire 100
coudées mégalithiques. Or
il se trouve que des cercles de pierres de cette même dimension
de 51,84 m de
rayon ont été relevés dans les plus grands sites
mégalithiques connus et
notamment au nord de l’Ecosse sur l’archipel des Orcades dans le
cromlech de
Brodgar, ou encore dans l’un des cromlechs intérieurs du henge
de Avebury en
Angleterre ou encore dans le cercle de pierres qui entoure le tumulus
de New
Grange en Irlande.
9 Regards
du Pilat : En
restant sur une échelle géographique
vaste, comme celle de la Gaule par exemple, établissez-vous des
rapprochements
concrets entre des sites pilatois et d’autres répartis sur ce
territoire
retenu ?
Eric Charpentier : Dans mon livre, j’ai mis
en évidence les traces d’un maillage
mégalithique à l’échelle de la France à
partir des plus grands menhirs dressés
sur notre sol. Le site de Sainte-Croix, par exemple résonne avec
la Pierre des
Autels située en Suisse sur le Mont Cousimbert – cette pierre
est aussi une
borne territoriale ancestrale comparable à la Pierre des Trois
Evêques – laquelle,
résonne également avec le grand menhir de Champ Dolent en
Bretagne, qui est le
deuxième plus grand menhir encore debout en France.
Tout récemment,
c’est Howard Crowhurst qui me signalait que
la Pierre des Trois Evêques de notre Pilat était en
relation géométrique avec
le Grand Menhir Brisé Er Grah de Locmariaquer dans le Morbihan.
Là, la relation
n’est pas anodine car il s’agit de celle d’un bicarré reliant
par sa diagonale
le plus grand menhir jamais dressé en France à la Pierre
des Trois Evêques. Les
dimensions de ce bicarré sont quant à elles en pleine
relation avec les mesures
de la Terre…
De surcroît, les
deux relations que j’évoque ici pointent le
site de Saint-Benoît-sur-Loire dont Camille Jullian pensait qu’il
s’agissait de
la fameuse Forêt des Carnutes dont parle Jules César dans
ses écrits.
L’archéologue et historien de la Gaule Jean-Louis Brunaux a
quant à lui déjà
souligné avec quelle précision ce site majeur du
druidisme était positionné de
manière centrale dans toute la Gaule, saluant ici les
connaissances
géométriques des druides.
Je pense écrire un
papier sur le sujet. Il pourrait donner
suite à celui de la « Ligne Sacrée des
Druides » que les Regards du
Pilat avaient accueilli en 2015…
10 Regards
du Pilat : Votre
premier ouvrage a rencontré une bonne
adhésion auprès d’un public quelque part avisé.
Envisagez-vous de reprendre la
plume et si oui, quel en sera le sujet ?
Eric Charpentier : J’avais annoncé un
tome 2 à mon premier livre et il est
toujours d’actualité. Le sujet
portera
cette fois sur la géométrie médiévale de la
chartreuse de Sainte-Croix. Le
contenu sera toutefois quelque peu différent de celui du premier
tome car
les quatre premiers chapitres seront axés sur la partie
historique de la
fondation de la chartreuse au 13ème siècle.
C’est ce que j’appelle
le processus Sainte-Croix ; trois chapitres porteront ensuite sur le
tracé
régulateur de chacune des trois grandes parties de la chartreuse
et nous feront
replonger dans la géométrie.
Après la parution
du premier tome en juin 2016, j’ai dû
orienter mes recherches mégalithiques vers le plateau
mornantais. J’ai présenté
ces recherches lors d’une conférence pour l’ACEM (Association
pour la
Connaissance et l’Etude des Mégalithes) à Plouharnel,
commune voisine de Carnac
en décembre 2016. Un film a été
réalisé par l’ACEM et est disponible en
commande sur internet (www.epistemea.fr), mais là aussi,
une petite
publication est envisageable pour l’avenir. Elle viendrait d’ailleurs
compléter
une série de trois articles sur la géométrie
mégalithique d’Echalas, parus ou à
paraître dans les trois Dan l’Tan de 2017 à 2019 de
l’association Visages de
Notre Pilat.
Depuis, je travaille
essentiellement sur le secteur de la
Pierre des Trois Evêques que nous évoquions juste avant
dans le cadre du projet
du Cadran du Pilat. L’année 2018 sera riche en
évènements autour de ce site et
deux autres dossiers de presse devraient venir compléter les
deux déjà parus
d’ici la fin d’année 2018.
Ma contribution au Cadran
du Pilat n’ira sans doute pas
au-delà de l’année 2018. Il appartiendra à Thomas
de Charentenay, l’inventeur
du Cadran du Pilat, de poursuivre cette belle aventure et de la mener
à bien.
Alors avec un peu de
chance, le tome 2 de Sainte-Croix verra
peut-être le jour en 2019 …
Malgré
la grande quantité de mégalithes à disposition
dans le Pilat, les découvertes de sites majeurs ne sont pas
légion. Thomas de Charentenay s'avère un authentique
découvreur. Doté d'une remarquable intuition, il a su ces
deux dernières années s'entourer d'une équipe
compétente pour mettre à jour des alignements probants de
pierres et autres Cromlechs dans le secteur de la Pierre des Trois
Evêques sur les communes de Laversanne et Saint Sauveur en Rue.
Nous vous proposons à présent de mieux connaitre ce
personnage lancé sur les traces néolithiques de nos
lointains ancêtres. Pragmatique, il a répondu à nos
questions avec une très belle spontanéité sur des
sujets dont à la base il n'est pas un spécialiste. Nous
le remercions vivement.
|
Thomas de
Charentenay : Bonjour Thierry. Je suis arrivé
à Lyon il y a 25 ans pour faire mes études de commerce.
Je travaille dans
l’industrie de la santé, comme responsable de l’innovation. J’ai
découvert le
Pilat avec ma famille depuis une quinzaine d’années, et depuis
trois ans j’ai
commencé à m’intéresser par hasard à
l’histoire, mais surtout à la préhistoire
de la région. Lors d’une chasse aux champignons sur la commune
de Marlhes j’ai
trouvé une hache polie en jadeite. Je me suis renseigné
sur l’époque néolithique
dans cette région, ce qui m’a amené à aller
visiter la Pierre des Trois Evêques
avec mes enfants en 2016.
2/
Regards du Pilat : Vous avez jeté un dévolu
sur le secteur de Saint-Sauveur-en-Rue et plus particulièrement
sur le site historique
de la Pierre des Trois Evêques. Vous avez baptisé votre
projet « le Cadran
du Pilat ». Pouvez-vous nous donner une définition de
ce que vous entendez
en parlant de cadran ?
Thomas de Charentenay :
Vous le verrez en visitant le site
qui entoure la Pierre des Trois Evêques, les alignements de
mégalithes qui
mènent à cette pierre en font le centre d’une série d’axes qui indiquent des dates clés,
les
points cardinaux et des points remarquables du paysage. Cet ensemble ne
fonctionne donc pas sans la Pierre des Trois Evêques, mais il ne
se résume pas
à cette « cible ». En choisissant le terme
de Cadran j’ai voulu
intégrer la fonction et l’organisation du site, comme un cadran
de montre. En y
associant le mot Pilat je souligne le lien entre le Cadran et la
région
géographique : les éléments naturels comme le
pic de St Sabin font partie
intégrante du dispositif.
3/
Regards du Pilat : De longue date les
chercheurs et même les historiens s’accordent à
définir la Pierre des Trois
Evêques comme un point important des anciennes divisions
territoriales et cela
dès l’époque protohistorique. En plus de cela, vous
semblez de votre côté attribuer
à ce site un rôle cultuel qui n’avait pas encore
été envisagé. Quels éléments
vous amènent à faire cette proposition ?
Thomas de Charentenay : Je
ne suis pas moi-même historien,
géographe, sociologue des civilisations ou archéologue.
J’essaie d’en faire un
atout dans cette démarche, en prenant les choses telles qu’elles
se donnent à
voir sur le site. Nous avons relevé plus de 200 pierres
alignées selon des axes
précis. Nord – Sud par exemple, au degré près, sur
des centaines de mètres.
Nous avons de nombreux alignements où chaque pierre est
éloignée de 10 mètres
exactement de la suivant, sans aucune autre pierre entre temps. De
même nous
avons observé au moins 5 cercles d’une quinzaine de pierres
parfaitement
équidistantes d’un massif rocheux situé au centre. Il y a
enfin sur le site une
carrière où subsiste des menhirs prêts à
l’emploi. La Pierre des Trois Evêques
n’est donc pas une pierre seule. Sa fonction de borne territoriale qui
a sans
doute été constante depuis l’époque romaine n’est
pas sa seule fonction. Elle a
été aussi le centre d’un dispositif plus vaste et plus
complexe.
4/
Regards du Pilat : Le Crêt des Faves fait
donc partie de ces sites qui rayonnent autour de celui de la Pierre des
Trois
Evêques. Il y serait question d’avoir mis au jour un ou plusieurs
cromlechs.
Qu’est-ce qu’un cromlech ?
Thomas de Charentenay :
Là encore je ne suis pas du tout un
spécialiste. Ces cromlechs, cercles de pierre disposées
régulièrement ont été
mis en relation par Eric Charpentier lors de nos échanges sur le
Cadran du
Pilat. Le Crêt des Faves en propose au moins cinq, de tailles
variées, depuis
quelques mètres de circonférence jusqu’à 100
mètres. On les observe
difficilement au premier abord, mais en repérant leur centre et
à l’aide d’une
corde, on retrouve très aisément les pierres.
5/
Regards du Pilat : Pensez-vous que le site
des cromlechs des Faves puisse être lié ou même
faire partie de celui de la
Pierre des Trois Evêques ?
Thomas de Charentenay : Un
premier lien est établi avec cette
partie du site qui est en contrebas de la Pierre des Trois
Evêques et distant
de plus d’un kilomètre. C’est une très gros
mégalithe de plus de 30 tonnes, une
sphère coupée en son milieu selon un axe vertical. Cette
coupure est
parfaitement sur l’un des principaux axes du Cadran au départ
donc de la Pierre
des Trois Evêques. Il y a certainement d’autres liens, mais
beaucoup de choses
restent à explorer aux Faves : des tumulus, des
hypogées, des pierres
posées, et les cromlechs eux-même. Leurs dimensions et
leur répartition sont
source de questions et appellent l’expertise de spécialistes.
6/
Regards du Pilat : Si le cromlech se défini par
une enceinte de pierres le plus souvent disposées en cercle,
vous proposez
aussi de voir sur le secteur de la Pierre des Trois Evêques
l’existence d’alignements
mégalithiques. Qu’en est-il précisément ?
Thomas de Charentenay : Le
premier alignement est un élément
naturel : le pic de St Sabin, situé à une dizaine de
kilomètres. Au lever
du soleil au solstice d’été (21 juin) le premier rayon du
soleil passe par St
Sabin, où il y a des ruines néolithiques établies,
et la Pierre des Trois
Evêques. De la même façon, lorsque le soleil se
couche le 21 décembre (solstice
d’hiver) il passe par le menhir bien connu de Gnaorou. Ce sont des
éléments
apportés par Eric Charpentier suite à nos
échanges.
Mais ce qui m’a
entrainé dans cette histoire c’est que tout
près de la Pierre des Trois Evêques en se promenant dans
les bois et en
marchant en ligne droite selon différents axes on rencontre des
mégalithes espacés
régulièrement. En avançant vers l’Est, comme je
l’ai fait avec mes enfants en
2016, on observe ces alignement vers le sommet des Ecrins (et on
descendrait
comme ça jusqu’aux Faves), vers le sommet de la Meije, et vers
des horizons
plus proches comme vers la pierre posée des Patureaux. D’autres
alignements
n’ont à ce stade pas été expliqués par une
destination précise, mais ils
partent en étoile depuis la Pierre des Trois Evêques.
Notre
carte
est accessible ici : https://drive.google.com/open?id=1VU8as84DyW6voqvLFKzd-0eFdvM&usp=sharing
7/
Regards du Pilat : Inédit dans l’histoire
des recherches mégalithiques sur le Pilat, vous avez
engagé en octobre dernier
une campagne de relevés topographiques du site de la Pierre des
Trois Evêques.
Pouvez-vous nous dire quel en est le but ?
Thomas de Charentenay :
Nous avons ressenti le besoin
d’associer d’autre compétence et de fournir des données
techniques précises
pour permettre à quiconque de s’approprier le site et d’apporter
son avis.
Aussi j’ai proposé à l’Ecole SEPR (Ecole des
Métiers) qui assure une formation
de topographes à Lyon, de venir avec professeurs et
étudiants relever le site
et de nous aider à compléter le dossier technique. Ils
sont venus en octobre
2017 pendant trois jours et nous ont livré progressivement leurs
résultats,
avec une localisation précise de chaque mégalithe mais
aussi une représentation
3D de ceux-ci. En effet les pierres n’ont en générale pas
qu’une fonction
d’alignement, mais aussi l’orientation leurs faces et leurs forment
peuvent
indiquer des compléments fonctionnels. Du moins nous avons pu
intégrer ces
éléments grâce au travail des étudiants et
à l’écoute des professeurs et
experts qui les accompagnent.
8/
Regards du Pilat : Il semble que vous soyez
résolus à mettre à la portée d’un large
public ces nouvelles découvertes.
Comment espérez-vous communiquer sur le sujet et quelles en
sont vos
attentes en la matière ?
Thomas de Charentenay :
C’est vrai notre approche est
totalement ouverte. D’abord parce que le plaisir de cette
découverte augmente
avec son partage et ensuite parce qu’il est important que ce site soit
reconnu
pour qu’il puisse être préservé. Nous souhaitons
qu’un maximum de points de vue
puissent s’exprimer sur ce site. Par exemple l’aspect ludique et
pédagogique
nous permet de montrer comment à l’époque on utilisait
les règles du triangle
de Pythagore pour dessiner des cercles parfaits ou choisir la position
d’une
pierre d’angle. L’aspect patrimonial du Parc du Pilat est
également très
important et nous avons pu partager avec les responsables cette
découverte dès
que nous avons eu assez d’éléments. C’est l’axe de
communication que nous
privilégions pour apporter localement tout ce qui peut aider
à valoriser et
expliquer ce qui nous est donné. A titre personnel je suis
également actif sur
les réseaux sociaux à travers une page Facebook https://www.facebook.com/cadrandupilat/ , des fils Twitter et
Instagram et
une collection d’images sur Flickr https://www.flickr.com/gp/thomas2c/89zso3
9/
Regards du Pilat : Comment réagi la
communauté scientifique face à ces découvertes qui
semblent probantes ?
Thomas de Charentenay : La
communauté scientifique ne réagit
pas malgré nos sollicitations et notre disponibilité. Il
y a là de nombreuses
raisons, l’une d’entre elles étant que peu de chercheurs et donc
de thésards
s’intéressent à la période néolithique.
Cela ne nous empêche pas de chercher à rendre la
découverte encore plus
‘probante’. Mais au final rien ne vaut une visite sur place et la
reconnaissance des amoureux du Pilat.
10
/ Regards du Pilat : Enfin pour clore cet
entretien, qu’elle vision avez-vous, ou qu’elles seraient vos
propositions à
plus ou moins long terme pour mettre en valeur ce site remarquable ?
Thomas de Charentenay : Ma
proposition est de faire de ce
site un lieu de pédagogie, sur l’époque
néolithique et ses grandes réalisations,
sur les éléments de géométrie simples et
amusants qu’on découvre de façon très
pratique, sur la géographie du Pilat et son balcon sur les
Alpes, sur les
saisons et l’astronomie antique. J’aimerais à long terme que le
site soit connu
et préservé, et pouvoir partager longtemps le moment
où marchant dans une même
direction j’ai compté 12 pas, une pierre, 12 pas, une pierre, et
me retournant
je voyais cet alignement pour la première fois.