LA BALADE DES REGARDS DU PILAT
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Par PATRICK BERLIER

"SUR L’ÉCHINE DU SERPENT, D’UNE CURIOSITÉ À L’AUTRE"

    On a souvent comparé la ligne de crêtes du Pilat à un long reptile, lézard pétrifié ou Vouivre minérale, rampant en direction du soleil levant au solstice d’été. Divers sites remarquables ou surprenants, de toutes natures et de toutes époques, ponctuent cette « échine du serpent », ultime arête dorsale du massif des Cévennes. De vieux chemins muletiers permettent aux marcheurs peu pressés de découvrir ces curiosités, selon un cheminement de l’ombre vers la lumière entre ses deux points extrêmes que sont le Tracol et la Croix-Régis. Suivez le guide pour une balade en forme de chronique aux multiples étapes.

 


MARS-AVRIL 2005

LA PREMIERE ETAPE

AUTOUR DU COL DU TRACOL

Situation : sur la D. 503, entre Saint-Sauveur-en-Rue et Dunières.
Accès aux sites décrits : uniquement à pied. Consulter les cartes topographiques.

Point de passage ancestral entre le Forez et le Velay, le Tracol n’était jadis qu’un étroit goulet, à plus de mille mètres d’altitude, emprunté entre autres par les pèlerins de Compostelle. Il fallait le franchir « en se tracoulant », c’est-à-dire en se coulant entre les deux parois resserrées. Coté sud s’étend l’immense forêt de Taillard. Il est dit souvent qu’elle servit jadis de lieu

de rassemblement des druides. Peut-être était-ce en ce lieu escarpé et humide nommé Groselarey, qui semble devoir son nom au dieu celte Groselos, une sorte d’esprit de l’eau dont on retrouve la trace en maints endroits. La toponymie est particulièrement instructive, concernant les noms de lieux de cette forêt. Par exemple le Grand Garaix était une terre laissée en jachère pour servir de réserve de gibier au seigneur, au temps où la forêt était un bien seigneurial. Chavojou semble avoir été un autre lieu de culte, à l’époque gallo-romaine : son nom dériverait du latin cava, vallée creuse, et jovis, autre façon de nommer Jupiter.Quand au nom de la forêt, il serait une déformation de « fayard », le nom local du hêtre. Il est vrai qu’elle fut d’abord une hêtraie avant de devenir une sapinière. Cependant le nom d’origine en français comme en patois, Tailla, s’est toujours écrit avec un T et paraît plus désigner un taillis, ou un bois qui repousse après une taille.Après avoir été bien seigneurial puis ecclésiastique, la forêt de Taillard présente aujourd’hui la particularité d’être un 

bien sectionnal, c’est à dire qu’elle est la propriété indivise des « ayant-droits » habitant les communes de Saint-Sauveur-en-Rue et Saint-Régis-du-Coin. Ceux-ci possèdent un « droit d’affouage », vieux terme médiéval désignant le privilège de pouvoir prélever du bois pour le chauffage et les constructions. Ce droit est actuellement contesté par la municipalité de Saint-Régis-du-Coin et risque de faire l’objet d’un recours en justice.
Le point culminant de la Forêt est une montagne arrondie et peu marquée, le Pyfara (1381 m). C’était autrefois un joli point de vue, avant que la forêt ne l’envahisse, et surtout un signal. L’étymologie du nom Pyfara paraît confirmer cette tradition : py est la variante locale de puy pour montagne, hauteur, et fara signifie phare, lieu de signalisation, de l’ancien provençal far. À deux kilomètres au nord, mais trois cents mètres plus bas, le Rocher de la Garde indique aussi par son nom un lieu de surveillance. Au sud de Pyfara, la Croix de Cellarier est dite aussi Croix des Pèlerins, ou encore Croix des Trois Mitres : elle marque la limite commune des diocèses de Saint-Étienne, du Puy-en-Velay et de Viviers.

Coté nord du col commence le chemin muletier ancestral qui parcourt toute la ligne de crête. Il grimpe vers les Cortinots, un nom qui s’orthographie également Courtinaux. Autrefois lorsqu’on y envoyait les enfants garder les vaches, on leur disait de les mener « au château ». C’est aujourd’hui une colline couverte de lande, qui culmine à 1172 m. Il ne reste plus une trace, sur le terrain, d’un éventuel « château », mais le nom confirme la légende : Cortinot est à rapprocher du mot français « courtine », son origine est le latin cortem au sens de « lieu fortifié ». Le pluriel indique qu’il dut y avoir un ensemble de « fortifications » (un terme sans doute très relatif !), à une période indéterminée. Lieu de passage très fréquenté à toutes les époques, le Tracol fut aussi une frontière qu’il devait être nécessaire de contrôler.
Face à la forêt de Taillard, la Roche Chaléas constitue un point de vue magnifique sur l’ensemble de la vallée de la Déôme. Son nom vient du bas-latin cala, grotte ou abri. Au pied de la petite falaise, au niveau d’une terrasse herbeuse, un abri sous roche est en effet bien visible. Ses parois noircies de fumée attestent qu’il dut être occupé par l’homme à diverses époques. Un auvent de branches entrelacées devait protéger l’espace habitable : on trouve encore sur le pourtour de la cavité la trace des petits trous creusés dans le roc, destinés à faciliter la mise en place des branchages.

EN JUILLET-AOUT 2005

PROCHAINE ETAPE : LE DOLMEN DU CHAMP DES FUSTES
ET LA PIERRE DES TROIS EVEQUES.

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