LA BALADE DES REGARDS DU PILAT

AOUT 2005 / SECONDE ÉTAPE

LE DOLMEN DU CHAMP DES FUSTES
LA PIERRE DES TROIS ÉVÊQUES


Par PATRICK BERLIER
<Retour au Sommaire du Site>

    Situation : le Champ des Fustes est très proche du village de Saint-Régis-du-Coin. La Pierre des Trois évêques est à 4 km au nord-est de Saint-Régis-du-Coin, près de la Croix de Caille (elle est signalée sur les cartes topographiques). Accès aux sites : le Champ des Fustes est sur un terrain clos et strictement privé. La Pierre des Trois évêques est accessible à pied à partir de la tourbière de Gimel (parking). Descendre par le sentier jusqu’au gîte équestre des Écrinelles, continuer jusqu’à croiser la route. Poursuivre tout droit jusqu’au petit hameau du Bossu. Continuer toujours tout droit, sans tenir compte des balisages, par le sentier qui s’enfonce dans le bois, jusqu’à déboucher sur la pierre (500 m environ), grande roche ronde et plate.

   Le site étonnant du Champ des Fustes a beaucoup excité les imaginations. Il s’agit d’un dolmen de type « allée couverte », signalé dès le milieu du XIXe siècle. Des fouilles réalisées à l’époque mirent à jour des squelettes humains. Selon certaines sources, il s’agissait de véritables géants. On admet encore actuellement, sans plus de précisions, que les ossements appartenaient « à des hommes plus grands qu’aujourd’hui ». L’éminent préhistorien Joseph Déchelette est venu visiter les lieux, un peu rapidement peut-être, en 1910. Passant sous silence le problème des ossements, il ne vit dans le site qu’une allée entre deux maisons ! D’autres spécialistes le classèrent comme un banal épierrement, ou une fantaisie de la nature. Malgré ces avis péremptoires, des archéologues, tels le père Granger, considéraient le Champ des Fustes comme un dolmen authentique. C’est même le seul dolmen recensé dans le Pilat par l’ouvrage de référence Le mégalithisme dans la Loire, une étude réalisée par Myriam Philibert. Officiellement détruit en 1940, le Champ des Fustes fit l’objet de nouvelles fouilles... en 1968 ! En réalité le site existe toujours semble-t-il, malgré quelques dalles empruntées dans les années trente... pour
empierrer le chemin !

<Retour au Sommaire du Site>

    L’origine du nom est délicate à déterminer : « champ » pourrait être une altération de « chant » dans le sens de « placé de chant » (debout sur le coté le plus étroit), et désignerait dans ces conditions une pierre levée. Quant au mot « fuste », il existe en ancien français (sous l’orthographe fust), mais il désigne une pièce de bois travaillée, que ce soit une poutre, une porte, un manche d’outil, un tonneau, une embarcation, etc. Aucun rapport, à priori, avec un lieu de sépulture.

   La Pierre des Trois évêques, proche de la tourbière de Gimel, est bien connue, et a fait l’objet de nombreuses publications. Rappelons qu’elle doit son nom au fait qu’elle servit de limite entre les trois évêchés de Lyon, Vienne et le Puy. Auparavant, elle fut une borne qui délimitait trois provinces romaines de la Gaule : la Lyonnaise, l’Aquitaine et la Narbonnaise. Mais une évidence est frappante lorsqu’on se rend sur place : cette anodine pierre plate ne constitue nullement un point de repère, à l’inverse d’autres rochers des environs visibles de fort loin... Pourquoi les Romains, qui affectionnaient les symboles ostentatoires, furent-ils si modestes dans leur choix de cette borne comme limite commune à trois provinces ? Sans doute parce qu’elle jouait déjà, bien avant leur arrivée, un rôle capital dans les croyances gauloises.

    En 1555 le juriste lyonnais Jean du Choul voyagea dans le Pilat et en laissa une précieuse description rédigée en latin : De Monte Pylati. Dans ce livre il rappelait la notoriété dont le Pilat jouissait auprès des peuples de la Gaules, et le qualifiait d’Olympe gaulois. La Pierre des Trois Évêques fut probablement un lieu de rassemblement très discret, et aussi une sorte de « nombril du monde » tout comme l’était l’omphalos de Delphes pour les Grecs. L’annexer permettait de la « romaniser ». Mais on dit qu’à l’arrivée des Romains, les druides délaissèrent le Pilat pour leurs réunions secrètes et se replièrent vers la forêt des Carnutes, qui allait devenir Chartres... Auguste leur imposa de revenir, non pas dans les forêts du Pilat trop difficiles à surveiller, mais à Lyon dont il fit la capitale des Gaules.

   Le rôle de la Pierre des Trois Évêques était cependant loin d’être terminé ! Après avoir servi de frontière entre les Burgondes et les Wisigoths, puis les Francs, elle matérialisa la démarcation entre les parts attribuées aux descendants de Charlemagne, Charles le Chauve et Lothaire, lors du morcellement de l’empire carolingien par le traité de Verdun en 843. Elle marqua encore la limite des zones de juridiction des châteaux de Montchal, Argental et la Faye. Elle ne perdit son rôle majeur, en terme de pouvoir temporel tout au moins, qu’en 1296, lorsque le comte du Forez étendit son territoire par son mariage avec Alix de Vienne.

    Aux environs, d’autres pierres mystérieuses attendent les promeneurs au fond des bois. Par exemple au-dessus de Gimel, le point culminant (1301 m) de Saint-Régis-du-Coin est le Gnaorou (ou Gnorou), vague pierre plantée dont le nom signifierait « dans les nuages ».

EN DECEMBRE 2005

PROCHAINE ETAPE : LES MYSTERES DU GRAND BOIS.

<Imprimer la page> <Retour au Sommaire du Site> <Haut de page>