LES REGARDS DU PILAT ET L'ÉNIGME DE TRÈVES
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Octobre 2005

Le versant nord

    Le petit village de Trèves a une superficie de 756 hectares ; territoire principalement réparti sur une vaste étendue en forme de plateau, autrefois réservée à l'agriculture. Il n'est pas inintéressant d'évoquer qu'au recensement de 1999, on comptait 563 habitants ; dans un plus lointain passé, en 1851 par exemple, ils étaient 436 ; ils n'étaient plus que 377 Triviens en 1872. Ce dernier chiffre nous replace directement dans le contexte des écrits de l'abbé Chavannes, précisément juste un an après la sortie de sa seconde notice. Cette commune a la particularité d'être délimitée de toutes ses voisines par des ruisseaux et une grosse rivière. Dans le cadre de notre enquête, nous ne nous intéresserons qu'à une seule de ses frontières, à savoir celle où coule le Gier, cours d'eau aujourd'hui amoindri, séparant Trèves, presque en un même point, de cinq autres communes : Châteauneuf(42), Saint-Maurice sur Dargoire(69), Tartaras(42), Dargoire(42) et Saint-Romain en Gier(69). Ainsi, nous venons de délimiter avec exactitude le versant nord, qui se trouve être un coteau escarpé, tout étiré en largeur ; le village proprement dit prenant place sur la colline qui domine cette petite vallée. Ce versant nord s'avère donc être à la base un terrain difficile d'accès, nous venons de le voir en pente sévère sur toute sa surface, mais qui possède néanmoins quelques hameaux qui ont pu y prendre forme. Voilà la présentation terminée, reste cependant à mentionner la difficulté de retrouver avec justesse le tracé du mystérieux souterrain d'un kilomètre, qui se dissimulerait ici même, en tous les cas d'après les prenants et précieux écrits du prêtre trivien.

PLAN INDICATIF ET SCHÉMATIQUE REPRÉSENTANT LE VERSANT NORD EN 1862.
Il faut retenir les figures noires, matérialisant les groupes de maisons, pour visualiser correctement les hameaux constituant ce versant nord, car pour une question de lisibilité, ces derniers ont été inscrits en gros caractères.

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    Dans ses deux notices successives, celles de 1862 et 1871, le religieux nous indique "au nord de la commune". Rappelons nous que Théodore Ogier, qui possédait des notes transmises directement par l'abbé Chavannes, donna plus de détails, puisqu'il déclara "au nord de Trèves, dans le domaine dit de la Bouchardière". On s'aperçoit au premier coup d'oeil, que ce hameau, sur notre petit plan, se retrouve au beau milieu de ce versant nord. Son propriétaire était donc le maire de la commune de Trèves, fonction qu'il occupait depuis la création de cette dernière en 1849. Ajoutons pour détail, que l'abbé Chavannes, mentionne 'maire', aussi bien en 1862, qu'en 1871 et Théodore Ogier 'adjoint' et ce à juste titre, puisqu'il l'était jusqu'en 1849, mais pour ce dernier cas, c'était de la commune de Longes Trèves. En fait, après vérification, monsieur Bret n'était plus maire en 1871, et ce depuis 1868, où monsieur André Burel l'avait remplacé. Ceci demeure une petite anecdote, que l'abbé n'avait pas cru bon de réactualiser lors de la sortie de la seconde édition, lui faisant ainsi faire virtuellement 3 ans de plus à son poste. Monsieur Bret possédait effectivement le groupe de maisons qui composait la Bouchardière, pourtant ces dernières ne nous seront pas d'une grande utilité, puisqu'aujourd'hui il n'y a plus aucune bâtisse en ce lieu et place ; nous ne sommes plus qu'en présence d'un lieu-dit, ou seul un vieux puits isolé reste le dernier témoin de cette époque révolue.

    Le prêtre trivien écrit 'domaine' de la Bouchardière. Il devient opportun d'en dire un peu plus. Monsieur Bret avait épousé une demoiselle Bonifat, fille unique résidant au hameau du Fay. Vous pouvez visualiser, toujours sur notre petit plan, que le Fay se trouve être également territoire du versant nord ; mieux, c'est dans ce hameau que résidait monsieur Bret, cela aussi bien en 1862, qu'en 1871. Par conséquent, le domaine auquel il fait allusion peut aisément et par déduction, englober un ensemble comprenant la Bouchardière et le Fay. Ce couple était propriétaire de tous les terrains intermédiaires entre les deux hameaux. Soulignons aussi la distance évoquée du souterrain, à savoir un kilomètre. Toujours au vu de notre modeste carte schématique, la Bouchardière dans ce mystérieux tracé ne doit être qu'une étape de ce tracé. La distance d'un kilomètre fait que la galerie dérobée englobe automatiquement le Fay, à partir du moment où l'on commence à mesurer une distance du hameau le plus éloigné, à savoir Les Pères. 'Le domaine de monsieur Bret' est bien obligatoirement compris dans ce tracé, c'est pourquoi l'abbé Chavannes a eu à notre avis raison dans les deux versions de sa notice, de supprimer la mention 'Bouchardière', comme c'était le cas au préalable dans la France par cantons de Théodore Ogier. Il est pleinement nécessaire d'accorder de l'importance à chaque mot, car si l'abbé en a changé certains, ce n'est pas pour se faire plaisir, c'est évident. La version de 1871 doit être considérée à ce titre comme la plus mûre en terme de crédit à y porter et également de certitudes à prendre en compte.

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    Pour l'heure, il ne demeure donc pas possible de développer plus avant sur la Bouchardière, en revanche, ce n'est pas le cas pour le hameau du Fay. Ces très vieilles bâtisses, remarquablement bien rénovées par un homme de goût, s'imposent comme un héritage, sans aucun doute médiéval, qui a traversé les siècles pour arriver jusqu'à nous, nous y reviendrons dans la dernière partie de ce chapitre. Les Jarriges, toutes proches de la Bouchardière, doivent leur nom à un marquis, Dubal de la Jarrige, capitaine de régiment, gentilhomme sous les règnes de Louis XV et XVI. Il n'est pas à exclure totalement qu'il puisse y avoir eu des maisons ici même, avant l'arrivée de ces nobles, mais raisonnablement il n'en est point retenu par l'histoire de ce village. En écrivant le Vieux Secret, j'ai écarté l'éventualité que ce hameau puisse avoir un jour été concerné par le tracé du souterrain, nous maintenons aujourd'hui cette forte probabilité, pour la simple et bonne raison qu'il reste envisageable que ce hameau soit apparu seulement à l'arrivée de la famille de la Jarrige, à une époque donc où l'on ne concevait plus de souterrains. Par contre, nous avons peut-être eu tort d'oublier un peu trop vite le rôle qu'aurait pu jouer cette famille. Ce n'est sûrement pas un hasard si ces nobles sont venus finir leurs jours à Trèves, précisément sur ce versant nord, d'apparence peu accueillant et pourtant particulièrement énigmatique. L'origine du nom Jarrige nécessitera d'ailleurs, mais ultérieurement, que l'on y revienne.

   Il nous faut à présent considérer les deux hameaux positionnés en extrémité du versant nord, à savoir les Pères et le Mouillon. Ces derniers sont restés plus de 500 ans la propriété des moines Chartreux de Sainte-Croix, leurs histoires sont donc complètement imbriquées dans celle de la Chartreuse. Béatrix de Roussillon, fondatrice de ce monastère et avant tout généreuse donatrice de biens et terrains, mentionne dans la charte de fondation scellée à Taluyers en 1280, ses terres de Trèves en première position d'un ensemble conséquent de donations ; évidemment juste derrière Sainte Croix par ordre d'importance. Mais maintenant revenons au hameau des Pères, qui se nommait le domaine du Gier, du temps des religieux. En page 94 de notre notice référence, laissons donc parler l'abbé Chavannes : "au nord-ouest de la commune, au dessus du chemin de fer du Bourbonnais, sur une plate-forme entourée de vignobles en forme d'Amphithéâtre, est assise, en deux corps de bâtiment, une maison carrée que possédaient autrefois les Chartreux de Sainte-Croix ; la chapelle seule a disparu, ainsi que celle d'une autre propriété du même lieu, située au levant et distante de la première d'un kilomètre". Analysons de plus près le contenu de ses affirmations.


VUE DU HAMEAU DES PÈRES

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    Ce passage est évidemment consacré au domaine du Gier, le véritable fief chartreux sur Trèves des moines, même si pour être suffisamment clair, il faut compléter en ajoutant que c'était des fermiers qui géraient les intérêts agricoles des religieux, ces derniers se contentant de superviser l'ensemble à distance. La chapelle, dont il est fait mention, était destinée aux offices justement lors des déplacements de nos Chartreux, en principe de celui du prieur, qui se rendait sur place, tout de même assez régulièrement, pour suivre les cultures. Il était donc bien indispensable qu'il puisse s'acquitter du rituel des prières en cours de journée. Mais indépendamment et toujours à propos de chapelle, l'abbé Chavannes nous donne un indice important. Il évoque une distance d'un kilomètre avec une autre chapelle. Il nous parle alors du second domaine chartreux, celui du Mouillon, qui lui aussi possédait sa chapelle. Ce qui est ici intéressant demeure être la distance qu'il avance. Le Mouillon et les Pères, sont en réalité séparés entre un kilomètre cent et un kilomètre trois cent mètres selon que l'on prenne les extrémités ou le centre des propriétés. Nous avons donc là la preuve que le religieux se montre approximatif avec les distances, en tous les cas quelque peu imprécis. N'en tirons pas une conclusion définitive, mais il se peut très bien qu'il en soit de même sur la longueur du souterrain.

    Remarquons en partant de ce raisonnement que les deux hameaux, extrémités du versant nord seraient justement ainsi séparées par la distance d'un kilomètre. Si le souterrain était entièrement conçu sur le sol de la commune de Trèves, nous commençons à nous rapprocher par ces déductions de son tracé hypothétique. Restons dans les chiffres et revenons l'espace d'un instant à la Bouchardière. Prenons ce hameau simplement pour extrapoler, comme extrémité du souterrain, tirons parallèlement au versant nord, une ligne théorique d'un kilomètre ; et bien de part et d'autre, nous nous retrouvons en pleine nature. Rien n'empêche de penser que le souterrain ne sorte pas en pleine nature, mais ce serait alors déjà beaucoup plus délicat pour dissimuler une sortie, par conséquent cette supposition reste peu envisageable. Rappelons nous que Trèves n'a jamais possédé de Château, il nous faudra plus tard nous poser les bonnes questions sur le pourquoi de ce souterrain, mais pour l'instant ce n'est pas le propos. Non, il s'agit de mettre en valeur une logique qui démontre que c'est dans des habitations, tout du moins dans l'environnement direct de constructions que le souterrain a pris forme, c'est pourquoi les hameaux du versant nord revêtent tous une importance capitale. Un dernier mot, à propos de 'la plate-forme' évoquée. On peut constater sur place qu'effectivement le hameau des Pères se  positionne sur une plate-forme, à première vue non naturelle. Des spécialistes de 'l'énigme de Trèves' s'accordent pour affirmer que nous nous trouvons là en présence des remblais d'évacuation du souterrain. Si l'on retient comme mesures, 1 kilomètre de long X 1 mètre 70 de hauteur X 0,80 mètre de large, il est facile d'imaginer la somme colossale de mètres cubes qu'il a jadis fallu retirer, surtout si on précise encore que les remblais doubles et parfois même triples de volume une fois enlevés. Nous devrions nous trouver en présence, au minimum, de 2700 m3, soit environ 90 camions de 30 m3 ! Par conséquent, il a bien fallu évacuer tout ceci quelque part, retenons pour le moment que la plate-forme des Pères pourrait bien être en partie ce résultat.

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    Dans l'immédiat nous n'irons pas plus dans le détail en ce qui concerne, les Pères et le Mouillon, dans les prochaines interventions nous aurons très largement l'occasion d'y revenir. Nous allons terminer avec le Hameau du Fay et principalement avec la maison qui en demeure la composante principale. Lorsque j'ai écrit le Vieux Secret, on se posait une multitude de questions sur les anciens propriétaires de cette maison. La carte de Cassini nous précisait le Fay ou les Chartreux. Ce n'était à l'époque qu'un indice, car les archives départementales ne nous le confirmaient pas. Aujourd'hui, nous avons progressé et sommes en possession de cette preuve. En 1791, le Fay, propriété chartreuse, fu vendu comme bien national ; il y avait une astuce. Effectivement, nous devons cette avancée à un couple de lecteurs qui a retrouvé dans mon ouvrage la trace de leur ancêtre monsieur Guérin alors maire de St Chamond et acquéreur du domaine du Gier. Et bien ce même monsieur Guérin a dans le même lot acquis le domaine du Fay, c'est justement pourquoi les archives départementales ne pouvaient nous donner cette information. Les personnes qui nous ont communiqué ces informations possèdent un exemplaire d'un livre diffusé à échelle familiale, avec tout de même 1200 exemplaires édités, ceci en 1995. Un exceptionnel arbre généalogique reconstitué par trois passionnés en retraite, membres de cette même famille, a permis d'écouler l'ensemble des ouvrages, correspondant à une réédition d'un livre de 1830. Tout est très bien expliqué ; nous avons à présent une copie de ces éléments très importants, originaux datant d'une période relativement rapprochée dans le temps de l'année de vente des deux domaines chartreux de Trèves, à savoir 1791 ; par conséquent d'autant plus fiables.

   Les Chartreux avaient donc incontestablement une importante mainmise sur l'ensemble de ce versant nord. Nous avons à présent terminé la présentation, qui reste certes générale. Plus tard, nous reviendrons en détail sur des éléments plus précis concernant les vieilles bâtisses de ce versant nord.

Thierry Rollat

   En février prochain, nous nous attarderons sur 'Un fronton d'un autre temps'

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