LUMIÈRE MESSIANIQUE
SUR LE MARIAGE DE LA VIERGE




Par Michel BARBOT

SEPTEMBRE 2014

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En 2008, Patrick Berlier présente dans les Regards du Pilat un article titré : UN BIEN CURIEUX VITRAIL À VÉRANNE. Ce curieux vitrail de l’église de Véranne représente le mariage de la Vierge. Sorti des ateliers Mauvernay en 1877, ce vitrail ainsi que le note Patrick :

 « (…) se remarque par la présence de plusieurs éléments rappelant la religion judaïque, en particulier le chandelier à sept branches, la Ménorah, détail peu courant dans une église catholique. »

 

Le mariage de la Vierge

Vitrail de Mauvernay, église de Véranne

 

Ces éléments rappelant précisément la religion judaïque et principalement le chandelier à sept branches, peu courant dans une église ainsi que le mentionne Patrick, semblent cacher un message considérable. Au sommet du vitrail, la blanche fleur aux six pétales reformule le Sceau de Salomon dit aussi Étoile de David. Cette fleur/étoile argentée à six branches apparaît au grand jour : par un effet du vitrailliste elle semble sortie d’une coquille brisée en deux, comme d’un écrin en forme d’œuf/reliquaire d’argent. Dans la tradition juive, un œuf dur était présenté pour rappeler la destruction du temple de Jérusalem… L’Étoile suivant le Zohar, grand livre de la tradition hébraïque, annonce la venue du Messie.

 

La fleur à six pétales semble sortir d’une coquille d’œuf brisée

 

Du Grand Prêtre au Grand Pontife

De tradition, ainsi qu’indiqué dans le Protévangile de Jacques, frère de Jésus, ce fut le Grand Prêtre Zacharie qui bénit l’union de Joseph et de Marie. Quelques visionnaires contredisent cette tradition affirmant que Zacharie était l’un des Prêtres assistant le Grand Prêtre.

Le verrier Mauvernay, peut-être à la demande de l’abbé TORGUE dont le nom apparait dans l’écusson d’argent au bas du vitrail, a représenté un Grand Prêtre dont la tête couronnée semble par perspective de superposition, prendre appui sur les deux Tables de la Loi, elles-mêmes en appui sur la Menora * ou chandelier à sept branches.

 

* : On utilise indifféremment les orthographes Ménorah ou Menora, cette dernière étant préférée des puristes.

 

Détail tête du Grand Prêtre – Tables - Menora

 

Le Grand Prêtre Zacharie dont le nom hébreu Zékharia signifie « Dieu s’est souvenu », prend appui sur deux tablettes de pierre et un chandelier à sept branches, soit : le minéral associé à la lumière… une lumière née du végétal, en l’occurrence l’olivier (bois ayant servi à sculpter le chandelier).

Bien que le Grand Prêtre apparaisse ici comme le garant de la Tradition, il n’en reste pas moins que dans son appui se glisse une erreur. Les Tables de la Loi ne sont historiquement plus présentes au temps de Zacharie dans la Lumière du Temple de Jérusalem, seul subsiste le chandelier. Le Grand Prêtre par sa seule présence peut-il combler sur un plan symbolique, cette carence ? Zacharie, époux d’Élisabeth est le père de Jean-Baptiste le dernier prophète de l’Ancienne Alliance bien que prophète du Nouveau Testament.

Jean dit le Précurseur, que d’aucuns ont voulu reconnaître comme étant le Maître des Esséniens, eut quelques disciples parmi lesquels émergeait Jean l’Évangéliste qui devint l’un des 12 apôtres de Jésus. L’apôtre Jean dit le Postcurseur, transmet dans le prologue de son évangile le message messianique du Logos, de la Lumière créatrice des origines. Contrairement aux trois autres évangélistes canoniques qui optent pour un évangile de l’enfance en guise de prologue, l’apôtre Jean annonce d’emblée un Messie non plus enfermé dans la matière mais incarnation de la Lumière.

Les Tables de la Loi sont muettes. L’absence d’écriture sur les deux écritoires servant d’appui à Zacharie pourrait donner à penser que la Loi ancienne n’a plus lieu d’être en tant que telle. Une telle idée a été suivie bien qu’elle se voie contredite par les versets 17 et 18 du chapitre 5 de l’Évangile de Matthieu où Jésus proclame :

« Ne pensez pas que je sois venu détruire la Tora ou les inspirés. Je suis venu non pas détruire, mais accomplir. Amén, oui, je vous dis : tant que les ciels et la terre ne seront pas passés, pas un yod, pas un signe de la Tora ne passera que tout n’advienne. » - Traduction André Chouraqui.

Par ces paroles, Jésus affirme la teneur de son ministère. Il est venu non pour abolir la Loi mais au contraire pour l’accomplir.

Le Christianisme utilisera le terme « Nouvelle Loi », comme il optera pour un Ancien et un Nouveau Testament… Si le terme « Nouvelle Loi » n’est peut-être pas adéquat, il convient sans doute de le retenir pour cette étude.

La Menora, ainsi que mentionné par Jean dans son Apocalypse fut déplacée. Les soldats Romains aux ordres de Titus, la conduisent à Rome où elle restera jusqu’au jour où les Wisigoths la déplacent en Gaule dans un territoire que certains chercheurs localisent dans le Razès. Maurice Leblanc quant à lui dans son roman « La Comtesse de Cagliostro » établit un parallèle entre l’énigme du chandelier à sept branches et les sept abbayes normandes du Pays de Caux positionnées au sol telles les sept étoiles de la Grande Ourse. Ces sept abbayes furent érigées à l’origine par les moines Celtes de saint Colomban à l’emplacement d’anciens mégalithes.

 

Arc de Titus à Rome : les soldats Romains s’emparent de la Menora

 

Le chandelier à sept branches devint très tôt, pour les Pères de l’Église, un symbole christique. Le chandelier symbolise tout à la fois, pour les Chrétiens, le Christ mort sur la croix et rayonnant sur le monde, ainsi que l’Église à la tête de laquelle trône le Christ ou Logos.

Le déplacement de la Menora dans la cité de Rome devient pour les premiers Chrétiens symbolique de l’Église naissante dans la cité de Rome.

Derrière l’image du Grand Prêtre apparait celle du premier Pontife Romain : l’apôtre Pierre, le « Prince des Apôtres » considéré comme le « Moïse de la Nouvelle Loi ». Ainsi n’est-il pas surprenant de trouver de rares reproductions du Gardien des clefs, représenté tenant une, voir deux Tables de la Loi.

Qui dit Rome, dit aussi le Vatican et son pape. L’apôtre Pierre apparait de tradition comme le premier Pontife – en Occident – de la nouvelle religion. Le Christianisme primitif va rayonner en Gaule depuis Rome. Les Scotti, moines Celtes venus d’Irlande vont eux aussi, à l’aube du Moyen Âge, essaimer en Gaule pour y diffuser un Christianisme teinté de Druidisme.

Le contemporain et ami de saint Bernard, saint Malachie, un Scotti membre de l’Église Kuldéenne, est présenté comme l’auteur de la fameuse Prophétie des Papes. La liste blasonnée des pontifes romains fait place à un ultime pontife : Pierre Romain, le Grand Pontife de la tradition prophétique.

 

Cherchez l’erreur …

Historiquement les Tables de la Loi, qui avaient été placées à l’intérieur de l’Arche d’Alliance, ne peuvent trouver leur place dans le Second Temple ou Temple de Zorobabel. Le coffre disparut au moment de la destruction du Premier Temple. Ce furent semble-t-il les prêtres de Sanctuaire qui cachèrent le saint coffre en un lieu que nul ne connaissait…

Le verrier a pris soin de représenter le rideau du Temple. Il s’agit assurément du rideau donnant accès au Saint des Saints réservé à l’Arche d’Alliance. L’absence du palladium de la religion juive, donne à penser que le Saint des Saints était vide. La présence des Tables de la Loi à l’extérieur du lieu le plus sacré du Temple le démontre.

La représentation des deux tables aux côtés de la Vierge, de Joseph et de Zacharie, trois personnages clefs du Christianisme, apparait comme un signe de piste.

Nous avons insisté dans nos précédents articles sur Ésaü/Édom, le frère rival de Jacob/Israël. Ésaü (hébreu Éssav) ou Édom, apparaît dans la tradition judaïque comme l’ancêtre de Rome. Cette tradition reconnaîtra également dans la rivalité Israël/Édom, la rivalité Judaïsme/Christianisme mais un Christianisme Romain. Bien qu’il ne faille surtout pas confondre l’Église/Édom avec Amalek il faut néanmoins reconnaître que l’Église de Rome a une histoire très entachée en ce qui concerne la communauté juive.

 

…Trouvez le +1 de l’usurpation

De quelle façon l’Église/Édom de Rome, telle que présentée par la tradition juive, peut-elle trouver sa place dans le vitrail ? La réponse apparait, semble-t-il, avec la présence usurpée des Tables de la Loi. Usurpée, tout au moins si l’on se place dans une perspective judaïque.

Où se trouvait l’Arche d’Alliance à l’époque où Joseph prit Marie pour épouse ? La réponse reste à ce jour encore méconnue. Ce qui bien sûr ne veut pas dire que nul ne la connaissait. Il semble bien que les Neuf Premiers Templiers, quelques onze siècles plus tard, détenaient la réponse. Une tradition évoque la rencontre de Godefroy de Bouillon avec le Rabbi Rashi de Troyes. Nous ne connaissons pas la nature des propos échangés entre le chef de la première croisade et la mémoire vivante du judaïsme. Certains auteurs affirment que Chrétien de Troyes fut un Juif converti au Christianisme mais gardant peut-être au fond de lui-même sa judaïté. Certains auteurs aiment à penser qu’il ait pu rencontrer le Rabbi mais ceci est assurément impossible car ce n’est qu’en 1185, soit 80 années après la mort de Rashi qu’il rédige, sans pouvoir l’achever en raison de son décès, le Conte du Graal que d’aucuns considèrent comme son testament…  Une hypothèse intéressante est évoquée notamment par Clément Weill Raynal, ancien journaliste de France 3, dans un roman à clefs : « LE TOMBEAU DE RACHI » (éditions du Cerf). L’auteur fait dire à les des personnages de son livre :

« Chrétien est un juif. Il peut briller à la cour avec sa double érudition latine et populaire, mais on lui a fait bien comprendre que son judaïsme n’était pas trop au goût du jour. (…) Or Chrétien n’a pas oublié sa troisième culture, l’hébraïque. Des rabbins de Troyes ont certainement dû rester en contact avec ce juif de cour qui peut s’avérer utile en cas de flambée de violence. Peut-être, dans l’urgence, ces vieux sages décident-ils de lui confier un des secrets qu’ils détiennent eux-mêmes de Rachi et qui ne doit pas disparaître. »

Apparait ensuite l’hypothèse suivante :

« Comme il est un brin facétieux, on peut imaginer qu’il va écrire son secret en hébreu en le codant en vieux français. Caché, quelque part, dans le texte. Personne, sauf quelques initiés, ne pourra s’y retrouver. Rachi, de son vivant, avait fait exactement l’inverse. Il écrivait des mots de vieux français en caractère hébraïque. Les fameux laazim, le Talmud en est truffé. C’est d’ailleurs la seule trace que l’on conserve de ces vocables. Grâce à Rachi, les médiévistes peuvent retrouver aujourd’hui la prononciation exacte du français du onzième siècle. »

Une hypothèse bien établie aujourd’hui, affirme que les Francs venus dans l’École de Rashi, auraient discouru sur le lieu tenu secret renfermant l’Arche d’Alliance. Si Rashi accepta de rencontrer et donc de communiquer… c’est donc qu’il pensait que cet ordre de moines chevaliers appelé à voir le jour à Jérusalem, pourrait récupérer, assurément pour un temps, l’Arche d’Alliance.

Si l’on s’en tient à la lecture première du vitrail, les Tables de la Loi sont dans le Temple l’année de la bénédiction nuptiale de Joseph et de Marie. Ce qui bien sûr est impossible. Nous entrons ici dans ce qui apparait pour certains tenants du Judaïsme, comme le « +1 » d’Édom. Évoquer Édom c’est bien sûr évoquer Ésaü frère de Jacob. Mais c’est aussi évoquer toute une symbolique hébraïque liée à l’espace et au temps.

La tradition juive s’appuyant sur le Livre de la Genèse, insiste sur les deux nombres associés à Édom. Il s’agit des nombres 8 et 11 ou plus exactement : 7+1 et 10+1. Avant d’expliciter ces nombres, il convient de montrer en quoi ces nombres peuvent s’appliquer ou se retrouver dans le vitrail. L’idée du « +1 » usurpé dans le vitrail nous est proposée avec les Tables de la Loi qui brillent par leur présence, bien que raisonnablement absentes. Le nombre associé aux Tables de la Loi est bien sûr le nombre 10 du Décalogue, les 10 Commandements. Si l’on ajoute le « +1 » usurpé au nombre 10, on obtient le nombre 11 d’Édom. Le second objet hautement symbolique figuré dans le vitrail est la Menora. Bien que le Chandelier à 7 branches soit secrètement associé aux nombres 5 (4+1) et 39, c’est bien le nombre symbolique des branches qu’il convient de retenir dans le présent cas. Si l’on ajoute pareillement au nombre 7, le « +1 » usurpé d’Édom, voici qu’apparait le nombre 8 d’Édom.

 

Le 8 et le 11 ou l’au-dessus de la nature

Ces deux nombres associés, traditionnellement reconnus comme étant ceux d’Édom, nous parlent des 8 Rois et des 11 Alouphim ou Gouverneurs d’Édom… avant même qu’Israël ait un roi.

La liste des 8 Rois précède dans le Livre de la Genèse au chapitre 36, versets 31 à 39, les 11 Alouphim (v. 40 à 43). La liste des rois présente plus justement 7+1 Rois. Il en va de même pour celle des Alouphim que le Rabbinat explicite en 10+1…

Toute une lecture alchimique développée par la Kabbale tourne autour des Rois d’Édom. La tradition ésotérique évoque aussi les 7 Rois d’Édom comme les 7 Rois ayant vécu avant Adam. La race adamique apparait dans ce cas comme la 8e race ou 8e Roi.

Viennent ensuite les Alouphim d’Édom au nombre de 11 ou 10+1. André Chouraqui dans son commentaire de la Genèse indique :

« alouphîms : mot rare en dehors du contexte présent. Au singulier, l’alouph, ‘’ meneur ‘’, est un bovin de qualité qui marche en tête du troupeau (Ps 144,14). On compare les taureaux d’Édôm aux béliers de Moab (Ex 15,15). Le terme doit aussi être rapproché d’élèph, unité militaire d’un millier d’hommes. »

Le 10e Alouph de la liste a pour nom Magdiel. Rashi de Troyes indique : « Magdiel C’est Rome. ». Cette affirmation est considérée par les Rabbins comme très importante. L’un d’entre eux le célèbre Maharal de Prague – le Rabbi qui donna vie au Golem - rédigea au XVIe siècle Le Gour Aryeh (le jeune lion), commentaire sur Rashi, dans lequel il explicite ainsi le mot Magdiel :

« Magdiel est le dixième nom de la liste, l'Empire romain est le summum de la puissance d'Essav (…) le mot ‘’rom‘’ en hébreu signifie exalté, la hauteur ‘’hitromémout‘’.

Le Maharal prolonge sa réflexion sur le 11e nom, le 11e Alouph : « Alouph Iram, le nom qui suit Magdiel, est aussi Rome. Pourquoi deux noms ? Magdiel tire son origine du mot ‘’ migdal ‘’ (tour), ce qui indique l'ascension vers les hauteurs, vers le ciel, tandis que Iram provient du mot ‘’ ir ‘’ (ville), l'aspect terrestre, la descente vers l'immoralité. Rome aurait essayé en quelque sorte de recréer la mentalité de la génération de la Tour de Babel... »

Il est effectivement considéré que le nom Iram joue sur le nom Rome, bien qu’Iram doive son nom à « Ir », la ville et plus encore la Ville du M (Mem) des Eaux. Il s’agit d’Ir Magdiel, la Ville de la Tour. Un jeu de mot, non retenu par les exégètes juifs, parce qu’en fait, trompeur, évoque la Ville de la Tour de Dieu (El). En ce sens, Magdiel (la Tour de Dieu) plonge ses racines – ses fondations – dans la Tour de Babel dont le nom évoque par jeu de mot la « confusion » des langues mais signifie : Porte de Dieu (El).

Magdiel et Iram sont depuis Rashi reconnus par les Rabbins comme un seul et même prince. Rome correspond dans la tradition hébraïque au dernier exil des Juifs. Cet exil romain est composé suivant les commentaires rabbiniques contemporains, de deux périodes. La première, longue de 19 siècles d’adversité (Magdiel), et la seconde (Iram), période ainsi présentée par certains Rabbins :

« – notre période actuelle de Iram où l'on amasse des trésors pour Machiah' » (http://www.habadnice.com/media/pdf/615/dtkU6154889.pdf)

 

Aleph – 111 – et le +1 de la tribulation annoncée

Le Messie est représenté dans la tradition juive, assis à la Porte de Rome. L’exil du peuple Juif sera considéré comme achevé lorsque viendra le Messie. L’Empire Romain et la Religion Romaine disparaitront…

Faut-il rappeler présentement l’ultime augure de la Prophétie de saint Malachie qui annonce ? :

« 112. In persecutione extrema S.R.E. sedebit. Petrus Romanus, qui pascet oues in multis tribulationibus : / quibus transactis ciuitas septicollis diruetur,/ & Iudex tremendus iudicabit populum suum. Finis : traduction : « Dans la dernière persécution de la sainte Église romaine siégera Pierre le Romain qui fera paître ses brebis à travers de nombreuses tribulations. Celles-ci terminées, la cité aux sept collines sera détruite, et le Juge redoutable jugera son peuple. »

La Prophétie de saint Malachie se compose de 111 devises correspondant à 111 papes et antipapes. Les noms des pontifes se sont superposés aux devises lorsque le pontife correspondant fut connu et surtout reconnu. La 111e devise : De gloria oliae : « De la gloire de l’olivier » dont le contenu peut avoir influé sur le contenu du vitrail de Véranne, est suivi par une ultime prédiction associée non plus à une devise mais à un nom : Petrus Romanus. Cet ultime pontife – de la prophétie – est comparé par certains exégètes au Grand Celtique ou Grand Pontife, thème sur lequel les avis sont très partagés. Nous pouvons quoiqu’il en soit, retrouver chez saint Malachie l’idée du plus +1 déjà rencontrée avec Édom ou l’Église d’Édom…

Dans la Kabbale hébraïque le nombre 111 est retenu comme étant la guématrie ou valeur numérique du nom de la lettre Aleph. La signification de cette lettre est « taureau » et ce taureau prononcé Alouph signifie « ami », « gouverneur » ou « général ».

 

« Alouph Magdiel, Aloup Iram : éleh Aloupheï Édom »

« Dux Magdiel, Dux Hiram : hi duces Edom. »

« Le Duc Magdiel et le Duc Iram. Iceux sont les Duc d’Édom »*

* Traduction Pierre-Robert Olivetan – 1535.

Le texte latin de la Bible traduit le mot hébreu Alouph de Genèse 36-43 par le mot Dux. Ce mot comporte en latin toutes les caractéristiques hébraïques.

éleh Aloupheï Édom : « Iceux », « Ceux-ci », « sont les Ducs d’Édom ». Le mot hébreu « éleh » prononcé « Alah » signifie notamment « Alliance », « Serment », « Chêne », « Térébinthe ». Dans la Bible Alah, le « Chêne » symbolise l’Alliance (Berih) avec Dieu (Josué 24-26) et la Royauté (Juges 9-6). C’est peut-être pour cet aspect royal que le mot fut aussi traduit « orme »…

Nous trouvons au travers de ces lectures, un nouveau message, une nouvelle lecture…

 

Le mot hébreu « éleh », et l’église de Véranne

La flèche indique le vitrail du mariage de la Vierge

 

Retour dans les Monts du Pilat

Sur le site Bible StudyTools.com, nous découvrons que suivant saint Jérôme, le Duc Magdiel vivait dans le pays de Gabalena, anciennement possédé par les chefs d'Edom. Nous apprenons aussi que suivant le Targum (traduction de la Bible hébraïque en araméen) de Jonathan, ce duc a été appelé Magdiel du nom de sa ville, qui était un ‘’ Migdal ‘’ : une Tour. Le site évoque ensuite la note de Rachi : « Magdiel C’est Rome ». Cette note inspira considérablement les commentateurs juifs qui affirmèrent que Ésaü avait une centaine de provinces de Seir (la Montagne d’Ésaü/Édom) à Magdiel ; comme il est dit, « Duc Magdiel, Duc Iram, c'est Rome ».

 

Antoine Courte de Gébelin

 

Antoine Courte de Gébelin au XVIIIe siècle dans son « Monde primitif, analyse et composé avec le monde moderne » indique que le nom de Gabalène est le même que celui des Gabali de Gaule ou Gabali-Dan qui donna son nom au Gévau-dan… « & qui signifie Pays de Montagnes ». La Gabalène renfermait les Monts Horéens et les Monts de Séir.

Les propos de Courte de Gébelin repris dans plusieurs dictionnaires et peut-être antérieurs à l’auteur protestant, peuvent intriguer sachant que le Pays de Gabalena biblique n’a que peu de rapport avec le Gévaudan. Le fils du célèbre pasteur Antoine Courte qui prêcha longtemps l’Évangile dans les Cévennes avant de s’exiler à Zurich, écrit clairement : « le nom de Gabalène est le même que celui des Gabali de Gaule ou Gabali-Dan… ». Les Gabales de la Gaule chevelue étaient des Celtes de langue gauloise mais les érudits du XVIIIe siècle, après ceux de la Renaissance, évoquaient une Ligne hébraïque de Rois Gaulois dont la langue aurait été l’hébreu. La réalité est bien sûr différente mais pour bien comprendre le mystère des origines il convient peut-être de s’y rapprocher.

Durant le siècle qui précéda celui d’Antoine Courte de Gébelin, les Gabali du Gévaudan apparaissent comme une clef symbolique dans le livre rosi+crucien « le Comte de Gabalis ». Roger Facon dans son livre « L’Or de Jérusalem » (Montorgueil éditions) écrit : « à partir de Lyon, quiconque découvre les clefs de Gabalis est mis sur la voie du port de Narbonne et peut cueillir les fruits d’or des Wisigoths. »

Au-delà de la région, la Gabalis de l’abbé Montfaucon de Villars apparait pour Roger Facon comme une société hermétique étroitement concernée par les trésors juifs que sont la Table des pains d’oblation et la Menora. Bien que l’initiale soit différente, on devine une correspondance entre la Gabalis et la Kabbale hébraïque.

En hébreu le mot Gabal d’origine phénicienne désigne une colline, voire une montagne, raison pour laquelle, semble-t-il, Courte de Gébelin traduit Gabalène par « Pays de Montagnes ». En affirmant l’identité du Pays de Gabalène avec celui de Gabali, le pasteur peut ensuite présenter sur un plateau un Gabali-Dan. La langue hébraïque permet à cet auteur d’affirmer et d’affiner son message. Le mot Dan qui perdure dans le nom de la région du Gévaudan, signifie en hébreu : le « juge » mais aussi le « vase » (araméen Dana : « vase », « tonneau de grande taille »). Et voici qu’émerge un Juge mais aussi un Vase des Montagnes… le Vase de la Gabalis.

 

Un beau vase style Art Nouveau

(Vitraux « laïcs » de la Préfecture de la Loire – Saint-Étienne)

 

De Gabalène à Alus…   la porte s’ouvre

Dom Augustin Calmet (1672-1757), contemporain d’Antoine Courte de Gébelin est l’auteur d’un Dictionnaire de la Bible. Dans ce lexique biblique le bénédictin consacre un article à Alus ou Allus, lieu de campement des Hébreux durant l’Exode (Nombres 33-13,14). Il indique : 

« ALUS ou ALLUS. Les Israélites étant dans le désert de Sur, partirent de Daphca pour venir à Alus (Nu 33 : 13). De là ils allèrent à Raphidim. Dans le Livre de Judith (Jdt 1 : 9) on met Chélus ou Chalus, et Cadès comme deux lieux assez voisins. Eusèbe et saint Jérôme mettent Allus dans l'Idumée, vers la Gabalène, c'est-à-dire aux environs de Pétra, capitale de l'Arabie déserte, car Eusèbe et saint Jérôme placent la Gabalène auprès de Pétra. On donne aussi à Allus le nom d'Eluza ou Chaluza. Elle est placée par les notices, dans la troisième Palestine, et par Ptolémée, entre les villes d'Idumée. Le Targum de Jérusalem sur (Ge 25 : 18 ; Ex 16 : 22), traduit le désert de Sur par Allus. »

Si le message évangélique annoncé par le bénédictin Dom Augustin Calmet devait être d’une autre teneur que celui annoncé par le protestant Courte de Gébelin, ils pouvaient néanmoins se retrouver sur l’identification et la signification des noms bibliques. Si la lecture du ministre protestant pour Gabalène peut s’avérer surprenante, celle du bénédictin pour Alus peut s’avérer elle aussi, surprenante.

Dom Calmet situe Alus dans l’Idumée ou Pays d’Édom. « On donne aussi à Allus le nom d’Eluza ou Chaluza. » Ces dernières formes ne sont assurément pas hébraïques. L’hébreu ne connait que la forme Aloush, l’Alus de Dom Calmet et de Courte de Gébelin. Les formes Chaluza (prononcer Chalouza) et Éluza (prononcer Élouza) apparaissent plus occidentales. Se pourrait-il qu’il faille ici encore, évoquer l’Édom d’Occident dont la capitale est Rome ? Dom Calmet situe Al(l)us vers Gabalène… auprès de Pétra. L’ancien nom de Pétra est Séla, soit en hébreu : la « Roche », la « Pierre », capitale du royaume biblique d’Édom. Dans l’optique Édom d’Occident, Séla apparait comme la cité de Rome et plus précisément la Roche du Vatican, le haut-lieu de l’apôtre Pierre.

Dom Calmet situe Élusa ou Chalusa « vers la Gabalène, c'est-à-dire aux environs de Pétra ». Nous sommes ici dans l’Édom d’Occident.

Le nom Chalusa/Chalus/Chélus apparait dans le Livre de Judith, livre rédigé en grec. Nous aurions à présent un nom hébraïque passé au filtre de la langue grecque. La géographie française connait sur la commune de Lignières dans le Cher, un ruisseau de Chelouse (Chélouse en 1533 et Challouze en 1635). Le château de Lignières appartint aux Beaujeu.

Un château de Chalouze, commune de Lalizolle dans l’Allier en Auvergne peut aussi être mentionné.

Élusa n’est pas sans rappeler la cité des Élusates dans le Sud-Ouest de la Gaule. La cité d’Éauze dans le Gers puise ses racines dans l’Élusa antique.

 

La porte s’ouvre…   sur le lieu de la Joie

Le périple initiatique suivi de Gabalène à Alus, permet l’ouverture des puissantes portes. Gabali-Dan : le « Juge des Montagnes » ou le « Vase des Montagnes » apparaît au pèlerin. Dans la Procession du Graal, le vase vient se confondre avec le symbole de la tête coupée. La Rome antique, « la Grande Tour », avait une enceinte sacrée dessinant dans ses grandes lignes, ainsi que l’indique Jean-Michel Angebert, la forme d’une tête « qui vient confirmer la légende de géant Olus, dont on retrouva le crâne en creusant les fondations du temple de Jupiter Capitolin. Le sanctuaire prit ainsi le nom de Caput Olis (la tête d’Olus) devenu Capitole. » (Les cités magiques – Éditions Albin Michel).

Olus, Olis, ce nom apparait bien proche d’Alus ? Rome, la « Cité de la Grande Tour » aussi appelée Cité des Sept Collines, à la lumière du vitrail, oriente vers une autre Cité des Sept collines : la cité de Saint-Étienne, Porte des Monts du Pilat.

La cité de Saint-Étienne trouve son origine au Moyen Âge dans la paroisse médiévale de Sanctus Stephanus de Furano. Des remparts de la cité historique, il reste encore la « grande tour du seigneur ».

 

Les remparts de la cité de Saint-Étienne au XVe siècle

Maquette de J.-A. de la Tour-Varan (carte postale ancienne)

La flèche indique l’emplacement de la grande tour du seigneur

 

Patrick Berlier, l’enfant de Saint-Étienne, me parle en ces termes de cette tour :

« Concernant la ‘’ grande tour du seigneur ‘’ de Saint-Étienne, il s’agit d’une tour qui était la propriété particulière du seigneur de Saint-Priest, dont dépendait la ville jusqu’à ce que ses habitants décident de s’affranchir de sa pesante mainmise en se plaçant directement sous la protection du roi. C’était la plus grosse tour des remparts, car elle était adossée à la colline du Mont d’Or et donc il fallait une défense plus puissante de ce côté-là. On la voit au fond, dans l’angle, sur la maquette réalisée au XIXe siècle (aujourd’hui au musée du vieux Saint-Étienne). On remarque que les remparts sont également plus hauts à ce niveau. Au XIXe siècle alors que les remparts avaient disparu, il restait cette tour adossée à un bâtiment qui était désigné ‘’ château du Mont d’Or ‘’. Il n’en reste plus une pierre aujourd’hui. »

 

Le Château du Mont d’Or en 1839

Dessin d’architecture – archives municipales de Saint-Étienne

 

Le Mont d’Or stéphanois peut renvoyer dans une symbolique Édom/Occident appliquée au Mont du Pilat, au Mont Hor de l’Édom biblique bien que la signification en soit différente.

La porte peut à présent s’ouvrir. Le pèlerin accède à l’Alus ou mieux encore à l’Élouza, qui apparait ici comme une variante des mots hébreux Alez ou Élez… l’Har Alez, l’Élysée du Pilat, l’Élysée des Druides.

Le nom hébreu de l’Alus ou Aloush désignerait le « tumulte des hommes ».  Le passage de l’Aloush à l’Élouza transforme ce « tumulte » en « exaltation de joie »… Har Alez : la Montagne de la Joie, des exaltations de joie, poussées jadis par les Druides.

Ces exaltations de joie étaient-elles poussées en l’honneur du dieu Kernounos, le Bel encorné, dieu de la prospérité et des saisons ? Le voici représenté sur le chaudron de Gundrestrup coiffé de bois de cerf :

 

Le dieu Kernounos aux bois de cerf

 

Les premiers chrétiens sans doute influencés par les Scotti, moines celtes venus d’Irlande ou par les Kuldées, transposèrent l’image de Kernounos dans celle du Cerf blanc couronné d’une croix représentant l’image du Christ. La croix lumineuse se dresse sur le front entre les ramures pareillement illuminées. Cette image christianisée du Kernounos celtique se retrouve sur le vitrail de Véranne. Le Grand Prêtre va irradier de lumière lorsque la ramure à sept branches, la Menora va s’illuminer comme elle illuminait jadis le Temple.

J’abordais déjà le thème du saint cervidé dans mon article « La Croix de ST ADON ET ZENON de MACLAS Ou le Livre de la Chronique Universelle », bien qu’à l’époque je ne m’étais pas encore penché sur le vitrail de Véranne ainsi que je le fais dans cet article.

J’abordais le sujet en évoquant le Temps des Juges d’Israël, période durant laquelle régnèrent les Rois et les Alouphim d’Édom. Je m’attardais principalement sur la figure mythique du Juge Eilon que j’évoquais ainsi :

« Le premier, Eilon, gouverna Israël pendant 10 ans. Quand il mourut, il fut enterré à Ayalon dans le pays de Zabulon (Juges XII – 11,12). Le nom d’Eilon s’écrit en hébreu comme le nom de la cité d’Ayalon où il reposa. Seuls les points-voyelles permettent de vocaliser différemment ces deux noms. Les commentateurs affirment une identité étymologique entre l’homme et la cité. Ils considèrent comme probable qu’Eilon soit un clan personnifié et n’a jamais eu d’existence historique en tant que Juge. Cette cité d’Ayalon qu’il convient de ne pas confondre avec les autres Ayalon bibliques quant à elles, bien localisées, désignerait « l’endroit du cerf » et le nom d’Eilon, signifierait « chêne ». La racine commune de ces deux mots : Ayil, désigne un « bélier », un « grand homme », un « grand arbre », voire des « poteaux » et des « vestibules », ainsi que la « peau de bélier » utilisée dans le Tabernacle avant que le Temple ne fût édifié. L’association de Eilon – arbre – aux imposantes ramures et de Ayil – cerf – arborant lui aussi ses imposantes ramures, apparait comme une vision de l’Éden. Dans le Christianisme cette image édénique évoque le Christ et rappelle l’ermitage des moines solitaires vivant leur foi dans la forêt. La notion d’arbre évoquée au travers du nom d’Eilon pourrait être présente dans la croix de ST ADON ET ZENON de Maclas. »

Je me rends compte aujourd’hui combien la croix de ST ADON ET ZENON de Maclas doit être, sur un plan ésotérique, associée au vitrail de l’union de Joseph et de Marie illuminant l’église de Véranne.

À l’instar de la Menora, le Crêt de l’Aralez est aujourd’hui éteint. Il suffirait d’une étincelle, une simple étincelle, et la Lumière jaillirait comme jadis elle jaillissait sur l’Aralez… Une lumière messianique viendrait illuminer les pentes de la sainte montagne. Non ! Le crêt des anciens Druides ne deviendra pas un nouveau lieu de pèlerinage. Les pèlerins de Saint-Jacques ou de Jérusalem, ne vont pas subitement orienter leurs pas sur l’ancien lieu de rassemblement des Druides de la Gaule. Mais qui sait, cette résurrection pourrait voir passer un autre type de pèlerin, le randonneur du week-end ou le touriste des congés estivaux.

C’est ainsi que le Crêt de l’Aralez reviendra à la Lumière …

 

Le Crêt de l’Aralez (Airellier) vu du hameau de l’Arrivée près de Saint-Sabin

À droite on distingue en arrière-plan le Crêt de la Chèvre

 

 

Note des Regards du Pilat :

Nous avons signalé à Michel Barbot l’existence d’un autre vitrail du mariage de la Vierge, du même Mauvernay, dans l’église de Valfleury. Si les personnages semblent identiques à ceux du vitrail de Véranne, le décor est un peu différent, puisqu’il n’y a ni rideau, ni Menora, ni fleur libérée par une coquille. Par contre les Tables de la loi sont couvertes d’une écriture d’apparence hébraïque, ce qui n’a pu qu’attirer l’attention de notre ami. Michel nous l’expliquera peut-être une autre fois…

 

Le vitrail de Valfleury (détail)


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