2021
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Chers
Amis Internautes,
En 2020 les Regards
du Pilat sont restés très actifs et vous ont
proposé des sujets au même rythme que les années
passées malgré la conjoncture sanitaire. Nous avons
accueilli plusieurs nouvelles plumes et ce sera encore le cas pour
l'année à venir. La pluralité est gage de richesse
; il y a longtemps que nous l'avons compris.
Nos articles sont
très lus (depuis 6 mois, chaque mois nous dépassons les
7000 connexions) et il en est de même également pour tous
les
anciens articles. Les statistiques de Free sont précises. Elles
renseignent sur bons nombres de critères chaque mois. Par
exemple, nous connaissons les 30 articles les plus lus, le nombre de
connections journalières, les pays d'où proviennent les
internautes ...
Nous remercions
toujours et encore tous nos contributeurs et invités sans
lesquels
les Regards du Pilat
n'existeraient pas. Nous sommes bien conscients du travail et de la
patience que nécessite la réalisation d'un sujet.
Patrick Berlier demeure le fer de lance de votre site favori ; il
mérite donc une mention spéciale, des remerciements
sincères.
Thierry Rollat
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Chers amis
internautes, L'année
2020 qui
s'achève aura eu au moins pour mérite d'enrichir la
langue française de
nouveaux mots. En effet, si confiner et confinement
appartenaient
à notre langue depuis le XIIIe siècle pour le
premier mot, et le XVe
siècle pour le second, déconfiner et reconfiner
n'existaient pas
en bon français, d'ailleurs quand je les écris mon
logiciel de traitement de
texte les souligne en rouge. Ce sont des néologismes apparus
seulement cette
année. Aurons-nous droit à redéconfiner ?
L'avenir nous le
dira ! Il y a un an,
je
vous offrais des doubles vœux de bonheur en jouant sur les deux
zéros de ce
millésime 2020. Comment aurions-pu nous douter de ce qui nous
attendait ?
Certes oui, on commençait bien à nous parler, aux
informations, de cette ville
chinoise touchée par une mystérieuse
épidémie. Mais la Chine, pensions-nous,
c'est loin, la maladie ne risquait pas d'arriver jusque chez nous.
Pourtant, le
hasard malicieux avait glissé un indice – à moins que ce
ne fût un intersigne –
dans le conte de Noël de notre ami Michel Barbot consacré
à l'acteur Noël-Noël.
Pour illustrer l'évocation du film Le père tranquille,
j'avais trouvé
l'affiche correspondante. Je m'aperçois aujourd'hui, et
c'était marqué en
toutes lettres sur cette affiche, qu'il s'agissait d'une production des
films
Corona. Étrange... Ce nom aurait aujourd'hui une autre
coloration. Cette
année, chacun
de nos deux contes de Noël, celui de Michel et surtout le mien,
est marqué par
cette épidémie de la Covid-19. C'était
inévitable. Pour ce qui me concerne, et
je l'explique dans mon histoire, j'ai choisi de considérer le
mot Covid comme
un féminin. Mais la féminisation ne rend pas la maladie
plus douce pour
autant ! J'espère
de tout
cœur que cette nouvelle année nous débarrassera du
spectre de la terrible
maladie. Vaccin efficace et sans effets secondaires, traitement, tout
est
possible et tout peut arriver. Puissions-nous prochainement regarder
à nouveau
sereinement le journal télévisé, sans craindre
qu'il ne commence par des
mauvaises nouvelles concernant la pandémie. Je veux y
croire,
2021 fera à nouveau briller le soleil dans nos cœurs. C'est la
grâce que je
vous souhaite. Patrick
Berlier
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LE PARADOXE
DU PONT-EUXIN Vendredi 7
Août
202o, 11 h 57 Parti de
Bretagne
aux aurores, le TGV Rennes – Marseille filait à 300 km/h sur la
voie qui lui
était réservée. Il n'était plus qu'à
une centaine de kilomètres de Lyon, où il
s'arrêterait pendant quelques minutes. L'heure du déjeuner
approchait, et
plusieurs annonces avaient déjà signalé la
présence d'un espace proposant
boissons et collations variées en milieu du train. Quelques
voyageurs s'y
étaient dirigés. Mais l'homme qui occupait un
siège côté fenêtre, dans le wagon
pourtant attenant à celui du bar-restaurant, n'avait pas tenu
compte de ces
annonces, contrairement à ses voisins. Il conserva la tête
tournée vers
l'extérieur, regardant défiler le paysage. Il savait
qu'il descendrait bientôt
du train, puisque Lyon était sa destination. Il arriverait donc
bien à temps
pour aller prendre un vrai repas, avec son ami qui devait
déjà l'attendre.
Parti très tôt de Nantes, il avait hâte maintenant
d'arriver. D'autres
annonces
rappelaient, régulièrement, l'obligation de porter un
masque. L'homme se dit
qu'en d'autres temps il eût été nécessaire
de préciser la nature de ce masque,
tant ce mot pouvait avoir plusieurs valeurs : masque à gaz,
masque de
carnaval, masque d'escrime, masque chirurgical, etc. Mais cette
indication
était devenue inutile, tant l'épidémie du
coronavirus, qui depuis le début de
l'année empoisonnait la vie de chaque être humain sur
terre – quand il ne le
tuait pas – était plus que jamais d'actualité. Il glissa
machinalement la main
dans la poche de poitrine de sa chemisette, se rassurant au contact du
petit
flacon de gel hydro-alcoolique qu'elle contenait, et dont il devrait se
frotter
les mains en sortant de la gare, par précaution
supplémentaire. La pandémie
s'était calmée en France avec l'été, mais
on parlait déjà d'une deuxième vague
pour l'automne ou l'hiver. Le
tristement célèbre coronavirus « Non,
jamais
je n'aurais imaginé vivre une telle situation, vraiment
pas ! Une épidémie
comparable aux pestes médiévales, mais à
l'échelle planétaire, une catastrophe
que personne n'avait réussi à prévoir... Enfin,
à moins que... » Telles
étaient les
pensées qui agitaient l'esprit de cet homme, lequel
n'était autre que le
nantais Michel Barbot, répondant à l'invitation de son
ami stéphanois Patrick
Berlier à venir passer quelques jours à Lyon.
Après le confinement du
printemps, l'embellie sanitaire de l'été 2020 avait rendu
possible ce petit
séjour. Le premier ministre n'avait-il pas annoncé que
les Français pourraient
partir en vacances ? Eh bien ils étaient partis,
insouciants, persuadés
que l'épreuve était terminée. « Mais
non, il
y a deux quatrains, donc il y aura bien une deuxième
vague... » Le
ralentissement
du train mit fin aux cogitations de Michel, qui se remit à
regarder défiler le
paysage. Aux vastes étendues campagnardes avait
succédé un paysage urbain,
révélant l'approche d'une grande ville, Lyon en
l'occurrence. Le jingle
habituel de la SNCF retentit dans les hauts-parleurs et la voix
feutrée de
l'hôtesse de bord fit une nouvelle annonce : « Mesdames,
Messieurs, dans quelques instants notre TGV n° 5322 desservira la
gare de Lyon
Part-Dieu... » 12 h 25 Une fois
sorti du
train, Michel se dirigea vers les escaliers permettant de descendre
dans le
grand hall de la gare, situé sous les voies. C'était la
première fois de sa vie
qu'il venait à Lyon, il fut un peu surpris par
l'immensité des lieux et le
nombre incroyable de voyageurs qui s'y entrecroisaient en tous sens.
Mais aussi
grande fut-elle, cette gare ressemblait à toutes les autres
gares, et si on
prenait la peine de bien lire les informations on ne risquait pas de
s'égarer.
Et puis il lui suffisait de suivre la foule. Michel essaya de garder
ses
distances avec les autres voyageurs, mais ce n'était
guère possible. Malgré les
marquages au sol, la distanciation sociale, prônée par les
autorités, n'était
qu'une illusion dans une gare bondée, qui plus est en cette
période estivale. Patrick avait
dit à
Michel qu'il l'attendrait dans le hall, au pied des escaliers, et il
était là
en effet, fidèle au rendez-vous. Dès qu'il aperçut
Michel, il lui fit un geste.
Les deux amis se reconnurent malgré leurs masques, et Michel
répondit au salut
de Patrick. Ils évitèrent de se serrer les mains pour
respecter les fameux
gestes-barrière. « –
Salut
Michel ! Tu as fait bon voyage ? – Excellent,
le TGV
est confortable, bien climatisé, mais j'ai dû me lever
tôt pour partir de
Nantes à 6 heures ! – Sortons
vite de
la gare, dehors il y aura un peu moins de monde, mais gardons nos
masques car
nous allons devoir prendre le métro pour aller dans le Vieux
Lyon. Quelle
peste, cette Covid-19 ! – Tu ne crois
pas
si bien dire, peste est le mot juste, en effet. Mais je constate que tu
fais
partie de ceux qui pensent que le mot Covid est féminin ? – Oui, disons
que
je me range à l'avis de l'Académie Française. Le
mot est l'acronyme de
l'anglais COrona VIrus Disease, ce qui veut dire Maladie, ou
affection,
à Coronavirus, donc c'est féminin. En conséquence
l'Académie recommande de dire la Covid, comme on dit la
CIA, ou la NASA.
Quant au
chiffre 19, c'est évidemment celui du millésime 2019,
année où fut découvert ce
coronavirus. – Ben...
Merci pour
la leçon d'orthographe ! OK, je dirai la Covid-19.
Mais ils
auraient pu choisir un nom à consonance féminine, comme
Covidie, ce serait plus
facile... - Oh, ce n'est
pas grave si tu
continues à dire le Covid, vu que presque tout le monde,
hommes
politiques, journalistes, médecins, emploie le masculin. Je
disais ça juste
pour l'anecdote ! » 13 h 15 Michel et
Patrick,
heureux de se retrouver, étaient attablés en terrasse
d'un petit restaurant du
Vieux Lyon, un de ces « bouchons » typiques
proposant les différentes
spécialités de la gastronomie lyonnaise. Enfin
débarrassés de leurs masques,
ils purent converser sur les sujets qui leur tenaient à cœur. Un
coin du Vieux Lyon « –
J'ai hâte
de visiter la basilique de Fourvière, dont tu m'as parlé
longuement dans tes
courriers. Nous y allons cet après-midi ? demanda Michel. –
Après le repas
nous y monterons directement. Je t'aurais bien proposé de
prendre le
funiculaire, que les Lyonnais nomment familièrement la Ficelle,
mais puisque tu
es devenu un grand marcheur nous ferons le trajet à pied,
même si la rue du
Gourguillon qui est assez raide à
monter
te changera sûrement des rues de Nantes ! – OK pour
marcher,
on ira doucement si ça grimpe trop fort... – Pas de
souci.
D'ailleurs nous ferons quelques haltes au niveau des maisons
Renaissance, du
théâtre antique, du carrefour du bimillénaire, et
ainsi nous arriverons
tranquillement à Fourvière. Après avoir
admiré la vue, visité la basilique,
nous descendrons à pied par le versant nord jusque dans le
quartier Saint-Paul.
Nous aurons même le temps de flâner ensuite dans quelques
boutiques – dont
celles des bouquinistes et des libraires, je te connais ! Demain
nous
consacrerons la matinée à la visite du Vieux Lyon avec
ses traboules et ses
miraboules, la plupart ne sont ouvertes que le matin. – Les
traboules,
j'en ai entendu parler, je sais que ce sont des passages traversant les
immeubles pour aller d'une rue à une autre. Mais l'autre mot
m'est
inconnu. » Patrick
expliqua : « –
Le mot
traboule, que tu as parfaitement défini, vient du latin trans
ambulare,
qui signifie passer à travers. Miraboule est un
néologisme lyonnais, construit
sur le modèle de traboule, pour désigner un lieu qu'il
faut simplement
« mirer », autrement dit regarder et admirer. Ce
sont les cours
Renaissance qui sont ainsi désignées. Il y en a qui sont
particulièrement
belles, comme la galerie de Philibert Delorme, rue Juiverie. Et puis
dans cette
rue il y a aussi le souvenir de tous les hommes illustres qui y
séjournèrent,
plusieurs rois de France, Rabelais, sans oublier Nostradamus. – Ce cher
Michel de
Nostre-Dame ! C'est vrai que c'est à Lyon qu'il a
publié en 1555 ses
prophéties pour les siècles à venir, les fameuses Centuries,
dont
certaines se sont bel et bien réalisées. Première
édition des prophéties de Nostradamus, Lyon 1555 – Et à
ton avis,
avait-il prévu l'épidémie de coronavirus ? Un
tel événement mondial, il ne
pouvait pas ne pas l'avoir pressenti, qu'est-ce que tu en penses ?
Je t'en
parle, parce que je me suis posé la question. J'ai
regardé sur Internet, mais
on y trouve tout et n'importe quoi, y compris des fausses
prophéties inventées
exprès ! – Je me suis
posé
la question moi aussi, répondit Michel. Et j'ai peut-être
la réponse. Enfin...
Un début de réponse, parce que je t'avoue que je ne
comprends pas tout. Il
faudra que je t'en parle en détails un de ces soirs. – Volontiers,
si je
peux t'aider... – Oh... Oui,
bien sûr
tu pourras peut-être. Mais c'est tellement complexe, que je crois
que le seul
qui pourrait vraiment m'aider, c'est Nostradamus lui-même !
Si seulement
nous disposions d'une machine à explorer le temps, comme celle
imaginée par
l'auteur anglais H. G. Wells, nous pourrions sans quitter Lyon aller
l'interroger pendant l'un de ses séjours. – J'ai lu le
roman
de Wells moi aussi... Mais ne rêvons pas trop ! – Oh, c'est
juste
mon imagination fertile qui s'enflamme... Tu as raison, gardons les
pieds sur
terre. Et à ce propos, il serait peut-être temps de se
mettre en marche,
non ? » Patrick
regarda sa
montre. Il était près de 15 heures, et il était
temps en effet d'entreprendre
l'ascension de la colline de Fourvière. Samedi 8
août 2020,
11 h 40 La
journée du vendredi
s'était terminée comme annoncé par Patrick.
Après la longue descente depuis
Fourvière jusqu'au quartier Saint-Paul, les deux amis avaient
flâné en rue
Saint-Jean, s'attardant dans la librairie bien connue des amateurs de
curiosités. Vitrine
de la librairie En ce samedi
matin,
après une nuit de repos bien méritée, suivie d'un
copieux petit-déjeuner, ils
avaient entrepris la visite du Vieux Lyon avec ses fameuses traboules
et
miraboules. C'était un véritable labyrinthe, dans lequel
Patrick entraînait son
ami avec amusement, car le parcours était
particulièrement fait pour
désorienter celui qui le découvrait. Michel allait de
surprise en surprise,
émerveillé par les cours Renaissance dont rien ne
laissait deviner la
magnificence depuis la rue. Ils se trouvaient en cet instant place
Saint-Paul,
dans le quartier du même nom, formant la partie nord du Vieux
Lyon. Sur cette
petite place tranquille, rien ne laissait imaginer qu'une nouvelle
traboule les
attendait, dans l'immeuble occupant le numéro 3. Ce passage
offrait la
particularité de s'étendre sur deux niveaux, puisqu'il
fallait gravir une volée
de marches pour accéder au couloir ouvrant finalement sur le
numéro 5 de la rue
Juiverie. La
rue Juiverie C'est
après avoir
monté ce court escalier, alors que Patrick s'affairait à
trouver le bouton
commandant l'ouverture de la porte de sortie, que Michel aperçut
quelque chose
luisant faiblement au sol, dans l'obscurité du couloir. Il se
baissa pour
ramasser l'objet. « –
Ah ben
ça... fit-il. C'est une montre, de femme apparemment si j'en
juge par sa taille
et son bracelet décoré de motifs floraux, on dirait bien
que c'est de l'or.
Elle a des aiguilles mais c'est un mouvement à quartz, et ce qui
est très
curieux c'est que le cadran est gradué en 24 heures. Je n'ai
jamais vu
ça ! Il y a aussi un affichage digital qui indique le jour
de la semaine
et la date, jour – mois - année. Tout le pourtour du cadran est
formé par une
sorte de cristal annulaire légèrement lumineux. C'est
ça qui brillait dans le
noir. – Un bel
objet en
effet, dit Patrick, un instrument de mesure du temps complet et
vraiment pas
ordinaire. Si personne ne l'a vu avant nous, c'est qu'il ne devait pas
être là
depuis longtemps. Celle qui a perdu cette montre n'est peut-être
pas
loin ? » Mais
l'immeuble
était désert, de même que la place Saint-Paul, sur
laquelle Michel était
retourné. La rue Juiverie, où Patrick jetait un coup
d'œil, était vide elle
aussi de toute présence humaine. Un peu normal en cette heure
proche de midi,
les touristes étant davantage occupés à chercher
un restaurant, or les
« bouchons » étaient plutôt
concentrés dans le quartier Saint-Jean,
dans le cœur du Vieux Lyon. Michel rejoignit Patrick, qui lui
demanda : « –
Il n'y a
pas de nom gravé au dos de la montre ? – Non, enfin
seulement
celui du magasin d'où elle provient : L'horloger de
Saint-Paul, 20 rue
Juiverie, 69005 Lyon. Apparemment c'est un peu plus loin dans cette
rue,
non ? – Oui, c'est
à deux
pas d'ici, on va y aller. L'horloger saura sûrement à qui
il a vendu cette
montre. – L'horloger
de
Saint-Paul, c'est pas le titre d'un film ? Je me souviens de
l'avoir
vu à la télé, il y a longtemps. C'était
avec Philippe Noiret dans le rôle
principal, non ? – Exact,
c'est un
film de Bertrand Tavernier, il doit dater de 1974. Les
extérieurs ont été
tournés à Lyon, c'est une boutique d'antiquités
rue de la Loge qui a servi pour
le film. Les cinéastes avaient redécoré la
devanture pour en faire celle d'une
boutique d'horlogerie. Ensuite le maître-horloger Zacharie s'est
installé à
proximité, rue Juiverie, et il a eu l'idée de reprendre
le titre du film comme
enseigne de sa boutique. C'est un personnage un peu particulier, qui me
fait
penser, à la fois par son nom et par ses manières,
à Maître Zacharius,
l'horloger imaginé par Jules Verne dans le roman du même
nom. Et à vrai dire,
Zacharie, j'ignore si c'est son patronyme, son prénom, ou un
surnom, on ne le
connaît que sous ce nom-là. Il doit avoir une soixantaine
d'années, il a
sûrement dépassé l'âge de la retraite, mais
il continue à tenir sa boutique, à
son rythme, assurant vente et réparation. » Affiche
du film Michel et
Patrick
se pressèrent pour parcourir la rue Juiverie, pas très
longue à vrai-dire. Il
était presque midi mais la boutique d'horlogerie était
encore ouverte. Ils
poussèrent la porte, ce qui actionna un carillon
mécanique, et le
maître-horloger sortit de son atelier pour accueillir les
visiteurs. Il parut
curieusement consterné à la vue de la montre. « –
Oh, la
malheureuse ! fit-il. Elle est irrémédiablement
coincée maintenant,
pourtant je l'avais bien prévenue... – Mais de qui
et de
quoi parlez-vous ? demanda Michel. – Je parle de
la
personne pour qui j'ai conçu cette montre... très
particulière. Sofia Merlini
pour être précis, une amie très chère,
d'origine italienne comme son nom
l'indique. Mais j'y songe tout à coup... Peut-être
a-t-elle perdu sa montre
seulement après être revenue... Vous ne l'auriez pas
aperçue dans le
quartier ? C'est une dame qui a disons... moins de soixante ans.
Vous
savez, les femmes coquettes ne disent jamais leur âge, elle ne me
pardonnerait
pas si je vous le donnais. Et d'ailleurs elle en paraît
facilement dix de
moins. Elle est à la fois très élégante et
très excentrique, elle porte une
robe imitation peau de panthère. – Pas
très
courant... En effet nous l'aurions remarquée ! Mais nous
n'avons vu aucune
personne ainsi vêtue. À quel endroit pensez-vous qu'elle
est restée
coincée ? – Il serait
plus
correct de dire « à quelle
époque ». Voyez-vous, cette montre ne
donne pas seulement l'heure et la date, elle ne fait pas que mesurer le
temps,
elle est aussi capable de s'y déplacer. – Vous voulez
dire... Se déplacer dans le temps ? firent en chœur Michel
et
Patrick. » L'horloger
réfléchit un moment, avant de répondre : « –
Je
comprends que vous ayez du mal à me croire. D'ailleurs je ne
sais même pas
pourquoi je vous fais cette confidence. Disons que, instinctivement,
j'ai le
sentiment que je peux vous faire confiance. Vous savez, cela fait des
décennies
que je me consacre à la mesure du temps, alors c'est une
dimension que j'ai
appris à connaître, et finalement à
maîtriser. À tel point qu'aujourd'hui je
suis probablement en avance sur mon temps. Cette montre est
couplée à un IST,
comprenez un Inducteur de Saut Temporel, de mon invention. Elle associe
un
mouvement d'horlogerie à quartz à une technologie
électronique d'avant-garde.
Elle est capable de faire voyager dans le temps toute personne qui la
porte à
son poignet. » Patrick, qui
s'efforçait de rester rationnel, eut un peu de mal à
croire une telle affirmation.
Il s'en ouvrit l'horloger : « –
J'ai
toujours adoré les histoires de voyages dans le temps, que ce
soit des romans,
ou des films comme la trilogie Retour vers le futur, que je
revois
toujours avec plaisir quand elle est diffusée à la
télé. Mais tout ça c'est de
la science-fiction. Dans le monde réel, les scientifiques
n'ont-ils pas déclaré
qu'il était impossibles de se déplacer dans le
temps ? – Vous savez,
il y
a toujours eu des savants pour présenter comme impossible ce que
des
visionnaires avaient imaginé... Pourtant, « les
hommes de science savent
parfaitement que le Temps n'est qu'une sorte d'Espace »,
comme le disait
fort justement Herbert George Wells dans son roman magistral La
machine à
explorer le temps. Cet auteur faisait aussi remarquer qu'il ne peut
pas
exister un objet instantané, tout corps possède non
seulement trois dimensions
spatiales mais aussi une durée, en d'autres termes : une
dimension
temporelle. Malheureusement, notre esprit est comme
étriqué, il n'arrive pas à
imaginer qu'un déplacement libre dans le temps soit possible,
parce qu'il
raisonne en trois dimensions, sans intégrer la quatrième.
Considérez ce
problème simple : pour vous déplacer vers l'avant,
vers l'arrière, à
gauche ou à droite, autrement dit en deux dimensions, vous
n'avez besoin que de
vos deux jambes. Un véhicule vous permettra juste d'aller plus
vite. Mais pour
vous mouvoir de bas en haut, et de haut en bas, vous ajoutez une
dimension à
votre plan de déplacement, et donc vous augmentez la
difficulté d'un cran. Vous
êtes obligé d'utiliser un appareil : une
montgolfière, un parapente, un
hélicoptère, un avion, etc. C'est un peu plus
compliqué, mais pas infaisable du
tout. Eh bien pour vous déplacer dans le temps, la dimension
supplémentaire
augmente la difficulté d'un nouveau cran, mais cela reste tout
aussi possible.
Il vous faut simplement l'appareil adéquat, un IST, et si
à l'époque de Wells
le voyageur du temps devait prendre place à l'intérieur
de sa machine, avec les
progrès de l'électronique et de la miniaturisation, cet
IST peut aujourd'hui se
loger dans une simple montre. – Ce que je
comprends pas, dit Michel, c'est comment votre compagne est
restée bloquée dans
une autre époque, alors que c'est bien dans notre présent
que nous avons trouvé
sa montre. – D'abord
Sofia
n'est pas ma compagne, juste une amie, disons plutôt comme une
sœur. Quant à la
montre, elle est programmée pour revenir automatiquement dans
son temps
d'origine au bout de 24 heures, ce qui est la limite de durée de
chaque voyage
temporel. Passé ce délai, la montre revient avec son
possesseur, s'il l'a
toujours au poignet, mais sans lui hélas s'il ne l'a plus. Bien
entendu, il est
possible de revenir avant l'expiration du délai, mais c'est une
sécurité
supplémentaire. Vous comprenez, les intégrations dans le
passé doivent être les
plus courtes possibles, pour éviter d'interférer avec la
trame événementielle.
Il vaut mieux éviter les paradoxes temporels. – Alors si
j'ai
bien suivi, votre amie a dû quitter sa montre bien imprudemment,
ou alors elle
s'en est fait déposséder d'une manière ou d'une
autre, et seule la montre est
revenue dans le temps présent au bout de 24 heures. Ce qui
signifie que cette
dame est restée bloquée dans son temps de destination. – Oui, c'est
exactement ce qui a dû se passer. – Et puisque
vous
avez mis au point l'inducteur de saut temporel, ne pourriez-vous pas
vous servir de cette technologie pour aller récupérer votre amie ? – Il faudrait
pour
cela que je connaisse la date précise de son intégration.
Or Sofia a oublié de
me préciser ce détail... Elle est si étourdie
parfois, si désinvolte... Tout ce
que je sais, c'est qu'elle voulait rencontrer Nostradamus lors de l'un
de ses
séjours à Lyon, pour le questionner au sujet de quelques
unes de ses
prophéties... Or le célèbre astrologue y est venu
de nombreuses fois au cours
du XVIe siècle. » Portrait
de Nostradamus en rue Juiverie Michel ne put
retenir une exclamation de surprise : « –
Nostradamus ? Ça alors ! Nous qui rêvions de
remonter le temps pour
les mêmes raisons ! – Ah ?
Vous
vous seriez bien entendu avec Sofia Merlini dans ce cas. Mais elle
n'est plus
de ce monde... Ou plutôt, elle n'est plus de ce temps. – Vous n'avez
vraiment aucune idée de la date à laquelle elle voulait
aller ? – La seule
précision qu'elle m'a donnée, c'est qu'elle avait choisi
de retrouver le mage
huit jours avant sa querelle avec un Sarrasin. Et c'est
tout ! » Patrick
intervint : « –
Attendez... Sans vous offenser, je crois que vous avez dû mal
comprendre, elle
voulait sûrement parler du docteur Sarrazin, de
l'Hôtel-Dieu de Lyon, qu'un
différent opposa à Nostradamus lors de la peste de 1547,
alors que le mage
était venu offrir aux Lyonnais le secours de ses remèdes,
qui avaient fait
leurs preuves en Provence. –
Peut-être... Vous
paraissez bien connaître l'histoire de Lyon, mieux que moi en
tous cas. Mais je
ne vois pas en quoi cela nous avance, à part de connaître
l'année. – Cela nous
avance
énormément, au contraire ! Parce que la date de cet
événement est
parfaitement connue, c'était le 25 avril 1547. Huit jours avant,
ça donne donc
le 17 avril. Disposeriez-vous par hasard d'un calendrier de l'an 1547,
pour
savoir à quel jour de la semaine cela correspondait ? – Un
calendrier,
non... Mais il suffit de regarder sur Internet et nous allons trouver
ça en
deux minutes. » L'horloger
passa
derrière son comptoir pour accéder à son
ordinateur. On l'entendit pianoter sur
le clavier, puis il revint vers les visiteurs. « –
Voilà,
dit-il, le 25 avril 1547 était un lundi, et donc le 17 avril un
dimanche, le
dimanche après Pâques pour être précis. – Eh bien
nous
savons tout, dit Michel. Maintenant, vous n'avez plus qu'à
mettre la montre à
votre poignet pour voyager jusqu'à cette date et retrouver votre
amie. – Oui, je
pourrais... Mais je considère que le destin en a
décidé autrement. Le hasard,
auquel dans l'absolu je ne crois pas, a décidé que ce
soit vous deux qui
retrouviez la montre. Elle possède une sorte de vie propre, vous
savez, et je
pense que, d'une certaine façon, elle vous a
« choisis ». C'est vous,
et pas moi, qui avez réussi à situer la date de
l'intégration de Sofia au XVIe
siècle. Et il se trouve que vous rêvez de rencontrer
Nostradamus. Eh bien je
vais rendre ce rêve possible ! C'est vous qui retournerez en
1547... Vous
obtiendrez les réponses à vos questions. Et vous
reviendrez avec Sofia
Merlini ! » Ainsi avait
décidé
l'horloger de Saint-Paul. Et il n'était pas homme à
revenir sur ses
décisions ! À chacun des deux amis il remit une
montre temporelle, modèle
homme. L'horloger leur en expliqua le fonctionnement, à vrai
dire très simple.
Il suffisait de sélectionner la date de destination à
l'aide de deux boutons
latéraux, puis de faire mouvoir les aiguilles jusqu'à
l'heure souhaitée, et
ensuite pousser simultanément deux autres boutons pendant 5
secondes pour
effectuer le saut dans le temps. « –
Je
précise, ajouta l'horloger, que votre déplacement sera
seulement temporel, vous
pourrez aller dans la période de votre choix – passé ou
avenir – mais vous
resterez à l'endroit précis où vous aurez
actionné l'IST. Une seule montre est
nécessaire pour lancer l'impulsion, les deux sont
interconnectées, ainsi les
deux sauts seront parfaitement synchronisés, à la
nanoseconde près. – Quelque
chose me
tarabuste, fit Michel, songeur. Nous allons débarquer en 1547
avec nos
vêtements de 2020, de plus si le moyen français
parlé à l'époque n'est pas si
différent du français actuel, sa prononciation
n'était sûrement pas la même.
Enfin, nous allons nous retrouver à Lyon en plein pendant
l'épidémie de peste,
il y a déjà bien assez du coronavirus, je n'ai vraiment
pas envie de risquer de
choper la peste ! » L'horloger
fit un
geste d'apaisement. Puis il expliqua : « –
Vos
montres vont remédier à tous ces problèmes, soyez
sans crainte. Pour votre
apparence, elles vont générer autour de vous une sorte
d'hologramme
vestimentaire, vous ressemblerez à des hommes de 1547 et
personne ne pourra
discerner votre véritable aspect. Ah ! Pensez quand
même à vous habiller
un peu plus chaudement, le mois d'avril risque d'être plus frais.
Mettez les
montres à vos poignets environ une heure avant le saut temporel.
Dès que vous
aurez serré le bracelet, vous ressentirez une très
légère piqûre. En fait ce
bracelet est spécial lui aussi, il va vous faire plusieurs
micro-injections
successives, espacées de cinq minutes. La première sera
une petite anesthésie
locale, ainsi vous ne sentirez pas les suivantes. La deuxième
piqûre vous
injectera des nano-robots qui remonteront jusqu'à vos cerveaux.
Ils pallieront
à votre méconnaissance et vous comprendrez et parlerez le
français du XVIe
siècle, ainsi que le latin, le grec, et quelques rudiments
d'hébreu. Vous
pourrez soutenir une conversation même dans les milieux les plus
savants. La
troisième piqûre vous immunisera contre toutes les
maladies connues à l'époque,
peste compris. Pas le Covid-19 hélas. Enfin l'ultime injection
sera celle d'un
anti-fatigue, pour pallier au décalage horaire et au manque de
sommeil, car
partis en milieu d'après-midi vous allez vous retrouver à
l'aube du 17 avril
pour être sûrs de ne pas rater Sofia. –
Chouette !
fit Michel en s'adressant à Patrick. Je vais enfin comprendre le
latin, je
n'aurai plus besoin de faire appel à tes services pour les
traductions ! – Ne vous
réjouissez pas trop vite, répondit l'horloger. Cette
faculté sera fugace
malheureusement, elle ne durera guère plus d'une journée,
parce que les
nano-robots ont une durée de vie limitée, d'autant qu'ils
risquent d'être
malmenés par votre système immunitaire. C'est une des
raisons pour lesquelles
votre montre reviendra automatiquement dans son temps de départ
au bout de 24
heures. Si vous l'avez au poignet, vous reviendrez avec. Je dis bien,
au
poignet, pas dans la poche, ça ne marcherait pas. En
conséquence, gardez bien
la montre à votre bras, ne vous en séparez pas, sous
aucun prétexte, prenez
garde à ne pas vous la faire voler ! Je vous conseille
d'ailleurs
d'actionner la commande de retour dès que vous aurez eu les
réponses à vos
questions, et dès que vous aurez retrouvé Sofia. Enfin,
le plus important peut-être,
par rapport au Covid-19, vous allez devoir impérativement vous
faire tester,
car il serait catastrophique d'emporter cette maladie en 1547, vous
devez bien
l'imaginer. – Vu les
files
d'attente dans les laboratoires, et le temps d'obtenir le
résultat, ça risque
d'être compliqué, et de prendre du temps. – Non, parce
que
c'est mon voisin et ami le docteur Bertrand, mon frère
même pourrais-je dire,
qui va s'en charger, et nous aurons la réponse en dix minutes.
Il est dans la
confidence, pour les voyages temporels. De plus c'est un test
absolument fiable
qu'il pratiquera, aucun risque de faux négatif. Et oui, je
devine votre
étonnement, ce test-là n'est pas encore disponible sur le
marché. Vous
comprendrez plus tard, je ne peux rien vous dire pour le moment. » Dimanche 17
avril
1547, 7 h 50 La Grand-rue
de
Lyon, qui n'était pas encore nommée rue Saint-Jean,
était quasiment déserte.
Vers l'extrémité de la voie, côté
cathédrale, la porte d'un immeuble s'ouvrit
en grinçant. Deux personnages en sortirent avec
précautions, jetant d'abord un
coup d'œil avant de s'engager franchement dans la rue. Ces deux hommes
étaient
Michel et Patrick, visiblement émus et troublés de se
retrouver ainsi propulsés
en l'an de grâce 1547. Le dépistage du coronavirus
s'étant avéré heureusement
négatif, ils avaient pu entreprendre leur fantastique voyage.
Ils avaient
choisi la traboule située aujourd'hui au 68 rue Saint-Jean pour
effectuer leur
saut temporel vers le passé. L'endroit était peu
fréquenté, ainsi personne ne
put remarquer leur disparition, lorsqu'ils s'effacèrent du 8
août 2020 à 15 h
30 pour reparaître le 17 avril 1547 à 7 h 45. Patrick
avait laissé à Michel
l'honneur de lancer l'impulsion à partir de sa montre, et le
saut temporel
s'était déroulé sans anicroche. À tel point
que Michel s'était demandé si cela
avait vraiment marché. Le couloir de l'immeuble avait toujours
à peu près le
même aspect, si ce n'est que l'ampoule électrique qui
l'éclairait chichement
n'était plus là, signe évident que l'époque
avait changé. Patrick
expliqua
qu'en ce 17 avril l'année 1547 venait juste de commencer,
puisqu'à Lyon le
changement de millésime était fixé au jour de
Pâques, qui tombait cette
année-là le 10 avril. Donc au 9 avril 1546 avait
succédé le 10 avril 1547.
Cette façon de passer d'une année à l'autre
était vraiment très étrange, de
plus elle variait selon les régions. Les rois de France
n'allaient pas tarder à
s'en inquiéter, mais ce n'est qu'en 1564 que serait
décidé de fixer pour tout
le monde le début de l'année au 1er janvier.
Patrick expliqua aussi
qu'en ce début du mois d'avril 1547 les Lyonnais venaient
d'apprendre la mort
du roi François Ier, décédé
le 31 mars. C'est son fils
Henri qui allait lui succéder, le futur Henri II. La Grand-rue
était
déserte. La crainte de la peste, sans doute, amenait les gens
à rester chez
eux. Pourtant on commençait à entendre divers petits
bruits, révélant une
certaine activité derrière les volets encore clos. Les
deux amis remontèrent la
rue vers le nord, dans le but de rejoindre la rue Juiverie où
ils auraient le
plus de chances de rencontrer Nostradamus. C'est alors qu'un groupe
d'une
dizaine de personnes, hommes et femmes, l'air grave, déboucha
d'une rue
transversale. « –
Eh bien
les amis, où allez-vous de ce pas ? fit l'un des hommes,
celui qui
paraissait être l'aîné du groupe. La
cathédrale, c'est dans l'autre sens,
l'auriez-vous oublié ? Allons, dépêchez-vous,
les cloches ne vont pas
tarder à sonner. » Michel et
Patrick
réalisèrent qu'ils avaient parfaitement compris ces
paroles, pourtant prononcées
dans un moyen français émaillé de quelques mots en
latin. Michel fut même
étonné de s'entendre répondre dans le même
langage : « –
Pardonnez-nous, Messire, nous ne sommes point de Lyon, et vous nous
trouvez à
vrai dire un peu désorientés. – Qu'à
cela ne
tienne ! Vous n'avez qu'à nous suivre, ainsi vous ne
manquerez pas la
messe célébrée à 9 heures en la
cathédrale Saint-Jean pour le salut de l'âme de
notre bon roi François Ier. Tout Lyon y sera, mais
les premiers
arrivés seront les mieux placés. Même le grand
médecin et apothicaire Michel de
Nostre-Dame, qui réside ces jours-ci en nos murs, sera
présent. On dit qu'il a
apporté de sa belle Provence des remèdes souverains
contre la male-peste qui
nous afflige. » Michel et
Patrick
se regardèrent. C'était l'occasion rêvée
pour rencontrer Nostradamus, ils
n'auraient pas besoin de le chercher, ni d'aller toquer à la
porte de sa
résidence, rue Juiverie. Ils emboîtèrent donc le
pas au groupe, et se
dirigèrent vers la cathédrale. Intérieur
de la cathédrale Saint-Jean Arrivés
très en
avance, ils purent s'installer près du chœur, aux
premières loges si l'on peut
dire. Petit à petit, des centaines de personnes
affluèrent, et bientôt toute la
population de la ville fut réunie dans la cathédrale.
Michel s'adressa au doyen
du groupe qu'ils avaient suivi : « –
Le roi
François Ier était vraiment populaire à
Lyon, si j'en juge par la
foule qui se presse pour assister à la messe. Pourtant on dit
qu'il avait pris
la ville en dégoût, après que son fils
aîné y eut trouvé une mort suspecte. – C'est vrai,
mais
onze ans après nous ne pouvons plus lui en tenir rigueur.
D'autant qu'avant de
quitter Lyon pour toujours, il nous a accordé le
privilège de tisser la soie.
Grâce à lui notre ville est en train de connaître un
essor économique sans
précédent, il va y avoir du travail pour tout le monde,
il n'y aura plus ni
famine ni révoltes. – Dieu vous
entende, Messire ! Et, dites-moi, toute la population étant
présente dans
la cathédrale, personne ne craint d'attraper la peste, en se
mêlant ainsi à une
foule entassée dans un espace restreint et clos ? – La
cathédrale est
un sanctuaire, la maison de Dieu, Satan n'y pénétrera pas
pour y répandre son
mauvais mal ! » Michel admira
la
confiance aveugle de cet homme. Lui venait d'un autre temps,
marqué au fer
rouge par la pandémie du coronavirus, et où un pareil
rassemblement, sans aucun
respect des règles d'hygiène élémentaires,
aurait irrémédiablement conduit à
une réaction en chaîne catastrophique. 8 h 50 Dans la
foule,
chacun parlant avec son voisin, même à voix basse,
l'ensemble de ces centaines
de conversations roulait sous les voûtes tel un grondement de
tonnerre
lointain. L'entrée de l'archevêque mit fin au brouhaha, et
la messe put
commencer. Michel et Patrick cherchaient Nostradamus des yeux, puis ils
finirent par le localiser, assis parmi les chanoines dans le chœur de
la
cathédrale, à la place d'honneur. Les portraits existants
de lui, dont celui
réalisé par son fils César, étaient
suffisamment fidèles pour que l'on puisse
l'identifier, même si présentement il avait quitté
son célèbre chapeau de
médecin et restait tête nue. Portrait
de Nostradamus par son fils César « –
On ne le
quitte pas des yeux, chuchota Michel à Patrick. Dès que
la messe est finie, on
lui met le grappin dessus. » Patrick
opina, mais
l'office religieux dura plus de deux heures. Chacun voulant recevoir la
communion, la procession, même parfaitement réglée,
des fidèles devant la
balustrade séparant la nef du chœur, où les hosties
consacrées étaient
distribuées par une kyrielle de prêtres, prolongea
considérablement la durée de
la messe. Ne voulant pas se faire remarquer, nos deux voyageurs du
temps firent
comme tout le monde, et quand leur tour arriva ils se
déplacèrent pour aller
communier. Mais quand ils revinrent à leurs places, Nostradamus
n'était plus à
la sienne... La messe reprit son cours, et l'archevêque
prononça finalement la
fameuse formule Ite missa est (allez, la messe est dite). Mais
le
célèbre astrologue n'avait pas reparu. Entrés
parmi les premiers, Michel et
Patrick sortirent de la cathédrale parmi les derniers. Ils
s'immobilisèrent un
moment sous la voûte de la porte centrale, inspectant la foule du
regard, mais
en vain. Alors qu'ils se demandaient comment ils allaient
procéder pour
retrouver celui qu'ils étaient venu rencontrer, ils furent
rejoints par un
homme qui se tenait emmitouflé dans une ample robe de bure
sombre, la capuche
sur la tête. « –
Venez avec
moi, nobles voyageurs du temps, leur lança-t-il d'une voix
feutrée, nous serons
plus à l'aise dans ma demeure. » Tout en leur
tenant
ces propos, il avait légèrement relevé sa capuche,
suffisamment pour être
reconnu par ses deux interlocuteurs. C'était Nostradamus en
personne ! Il
avait dû profiter de l'agitation provoquée par la
communion pour emprunter
l'habit d'un chanoine, s'en couvrir et sortir discrètement de la
cathédrale.
Mais comment avait-il pu repérer les voyageurs du temps, et
surtout les
identifier comme tels ? Ces questions trouveraient sans doute
leurs
réponses très prochainement. Quittant la foule toujours
rassemblée sur la
grande place devant la cathédrale Saint-Jean, Michel et Patrick
suivirent
Nostradamus jusqu'en rue Juiverie, où ils
pénétrèrent dans un immeuble dont la
façade était percée de nombreuses fenêtres
à meneaux. Patrick précisa à Michel
qu'il s'agissait de l'Hôtel Paterin, connu aujourd'hui sous le
nom de Maison
Henri IV, suite au séjour qu'y fit ce roi en décembre
1600 lorsqu'il vint à la
rencontre de Marie de Médicis, qu'il allait
précisément épouser à Lyon. Au terme
d'un long couloir éclairé par des torches
accrochées aux murs, ils montèrent
par un escalier en vis et entrèrent dans un appartement
situé au premier étage
sur cour. Dans une première pièce Nostradamus se
débarrassa de son froc, puis
il fit signe à ses invités d'entrer dans une seconde
pièce, une grande salle au
centre de laquelle était dressée une longue table,
entourée de chaises et de
fauteuils. Dans l'un d'eux était assise une femme, vêtue
d'un chandail jaune
passé sur une robe imitation peau de panthère. « –
Sofia
Merlini ! S'écrièrent d'une seule voix Michel et
Patrick. » C'était
bien elle,
fidèle à la description qu'en avait faite l'horloger de
Saint-Paul. Mais il
avait oublié de leur dire à quel point Sofia était
aussi une très belle femme,
ne paraissant pas son âge effectivement. Une plastique
irréprochable, une
chevelure mi-longue d'un noir de jais aux reflets auburn, encadrant un
visage à
l'ovale parfait, au teint halé, magnifié par des yeux
d'un bleu intense, au
fond desquels brillait une lueur à la fois malicieuse et pleine
de promesses
informulées... Ce regard fascinant avait dû faire tourner
la tête de plus d'un
homme. Michel en était d'ailleurs tout remué ! Sofia
Merlini « –
Je gardais
au fond de moi l'espoir que quelqu'un vienne me chercher, dit Sofia en
se
levant pour venir saluer les nouveaux arrivants, qui se
présentèrent. – Nous avons
mille
questions à vous poser, vous vous en doutez, ainsi qu'à
notre hôte... » C'est Patrick
qui
s'était exprimé ainsi, Michel, troublé par le
regard de Sofia, ne parvenant
plus à prononcer un mot. Nostradamus intervint : « –
Il est
près de midi, nous allons d'abord nous restaurer, pendant le
repas nous aurons
tout le temps pour conférer. » 12 h 15 Des
serviteurs
venaient de déposer sur la table les mets, chauds ou froids,
constituant la
collation. Chacun se servait sans façon, et selon son
goût, pour composer son
assiette. Nostradamus et ses hôtes reprirent leur conversation.
Sofia
expliqua : « –
Jeune
retraitée de l'enseignement – j'étais professeure
d'histoire – étant
célibataire j'ai décidé de consacrer tout mon
temps aux passions qui
m'habitaient depuis mon plus jeune âge, mais que je n'avais
jamais eu la
possibilité d'approfondir. Je m'intéresse à
l'histoire bien sûr, surtout quand
elle est mystérieuse, teintée d'ésotérisme
ou de symbolisme. Les prophéties en
particulier m'ont toujours fascinée. L'alchimie
également, ou encore la
kabbale, qu'elle soit hébraïque ou chrétienne, mais
j'avoue que j'ai quelques
lacunes dans ce domaine. – Vous avez
là un
spécialiste en la matière, dit Patrick en
désignant Michel. Zacharie avait
raison, tous les deux vous êtes bien faits pour vous entendre.
Mais
racontez-nous comment vous êtes restée bloquée ici,
ou plutôt à cette époque. – Grâce
à
l'appareil inventé par mon ami Zacharie, l'horloger de
Saint-Paul, j'ai voyagé
dans le temps, pour rencontrer Nostradamus et l'interroger au sujet de
quelques
unes de ses centuries. Partie le 8 août 2020 un peu avant midi,
je suis arrivée
– mais il serait plus correct de dire j'arriverai – demain lundi 18
avril 1547. – Pourtant
vous
avez dit à Zacharie que vous vouliez vous intégrer huit
jours avant la querelle
qui doit opposer Nostradamus au docteur Sarrazin, donc aujourd'hui
dimanche 17
avril, fit observer Patrick. – Oui, bon,
huit jours
ou une semaine, c'est la même chose, non ? » Sofia Merlini
était
bien la personne désinvolte décrite par l'horloger. Elle
poursuivit son
récit : « –
Arrivée
donc lundi 18 avril à 9 h du matin, je n'ai pas réussi
à trouver Nostradamus.
Pourtant j'y ai consacré une bonne partie de la journée. – Demain, je
compte
aller visiter mes malades et leur administrer mon traitement,
précisa le
médecin. Je vais parcourir la ville en tous sens, et à
moins de me rencontrer
par hasard vous ne risquerez pas de me trouver. – C'est bien
ce que
j'ai pensé, reprit Sofia. Je savais que mon temps m'était
compté, et qu'au bout
de 24 heures la montre me ramènerait en 2020. J'avais appris que
le dimanche
matin il y aurait une grande messe à la cathédrale, et
que Nostradamus y assisterait.
Je savais qu'il quitterait sa demeure de très bonne heure, pour
arriver avant
tout le monde. Aussi j'ai décidé de faire un nouveau saut
dans le temps, et
pour ne pas le déranger aux aurores j'ai remonté
jusqu'à la soirée du samedi 16
avril, hier soir donc. J'avais ainsi plus de chances de le trouver chez
lui.
Sauf qu'en émergeant dans la traboule entre la place Saint-Paul
et la rue
Juiverie, juste en face de l'Hôtel Paterin, je me suis
trouvée nez à nez avec
trois individus passablement éméchés. En me voyant
surgir de nulle part, ils
s'en sont pris à moi, me traitant de sorcière, m'ont
malmenée, à tel point que
l'hologramme vestimentaire s'est interrompu et je suis apparue telle
que vous
me voyez. Cela n'a fait que redoubler la fureur de mes agresseurs, et
l'un
d'eux a alors remarqué la montre, bien visible sur mon bras. Il
s'en est emparé
et les autres ont voulu la lui reprendre. Ils se sont querellés
et j'en ai
profité pour m'éclipser. Je n'ai eu qu'à traverser
la rue pour me réfugier chez
maître Michel de Nostre-Dame, à qui je me suis
présentée sans rien cacher de
mon origine, et notre hôte – qui d'ailleurs ne parut pas
spécialement étonné de
ma visite – m'a fort aimablement recueillie et
protégée. » Michel, qui
avait
retrouvé ses esprits, proposa une explication : « –
Il est
probable que pendant l'altercation vos assaillants ont
échappé la montre,
qu'ils avaient dû prendre pour un bijou, et qu'elle est
restée dans le couloir.
C'est là que nous l'avons trouvée, quelques minutes sans
doute après qu'elle
fût revenue automatiquement dans son temps d'origine, le 8
août 2020 un peu
avant midi. Nous l'avons rapportée à l'horloger de
Saint-Paul, qui nous a
fourni le moyen de voyager dans le temps à notre tour, dans
l'espoir de vous
retrouver. Et nous voici ! – Et puisque
vous
êtes là, fit Sofia sur le même ton enjoué,
cela signifie que nous allons
pouvoir tous les trois retourner en 2020. Mais comme nous avons un peu
de temps
devant nous, le moment est sans doute venu d'exposer à notre
hôte les raisons
qui nous ont fait ainsi remonter les siècles pour le rencontrer.
Quelque chose
me dit que vos motivations sont précisément les
mêmes que les miennes. Le
coronavirus, non ? Le quatrain XCI de la IXe
centurie ? – Quand
j'étais
encore en activité, répondit Michel, j'avais coutume de
dire, lorsqu'on me
posait une colle : « je travaille dans le vin mais je
ne suis pas
devin ». Vous pourtant vous êtes une vraie
devineresse ! – Je voudrais
bien... Mais c'est juste un peu de jugeote. Qu'est-ce qui peut motiver
un homme
de 2020 à rencontrer Nostradamus, sinon ce fichu virus ?
Allez Michel, je
vous laisse la parole, Nostradamus est impatient de vous
écouter, et entre deux
Michel, le courant devrait passer ! » Toujours
troublé
par la personnalité de Sofia, autant que par la présence
de Nostradamus, Michel
dut se concentrer, rassembler ses idées, mais il parvint tout de
même à
commencer son exposé. « –
J'ai
remarqué deux de vos quatrains, Maître, qui paraissent
évoquer la terrible
épidémie qui frappe la terre entière à
l'époque d'où nous venons. Mais j'ai du
mal à les interpréter, surtout le second. Mon imagination
ayant toujours été
très féconde, je me voyais remonter les siècles
pour venir vous en parler, mais
bien évidemment je ne pensais pas que cela pût devenir une
réalité. Me voici
pourtant devant vous, et bien impressionné, croyez-le. – Je le
conçois
aisément, consentit à répondre Nostradamus.
L'épidémie à laquelle vous faites
allusion, il y a longtemps que je la pressentais. Puis d'autres
visiteurs du
temps me l'ont confirmé. Oui, si je ne suis pas surpris par
votre arrivée,
c'est que des frères venus d'un lointain futur viennent
régulièrement me
visiter, et qu'ils m'ont donné le moyen de reconnaître les
voyageurs temporels.
Mais poursuivez, je vous en prie... – Le premier
texte
que j'ai relevé, tout comme Sofia, est le quatrain XCI de la IXe
centurie : « L'horrible
peste Perynte & Nicopolle, Le Chersonnez
tiendra & Marceloyne, La Thessalie
vastera l'Amphipolle, Mal incogneu,
& le refus d'Anthoine » – Je vous
arrête tout
de suite, dit Nostradamus. Ce quatrain-là, je n'en suis pas
l'auteur. Ou
plutôt, je ne l'ai pas encore écrit ! Voyez-vous, mes
Centuries, si
j'y travaille depuis longtemps, sont loin d'être terminées
et ne seront pas
éditées avant plusieurs années. En
conséquence ces vers me sont totalement
inconnus, même si certains termes me sont familiers. Vous
comprendrez que dans
ces conditions il me sera bien difficile de vous dire si
l'interprétation que
vous en ferez sera juste, ou pas. – Je
comprends,
Maître, et j'en suis navré. Moi qui espérais tant
de ce voyage temporel... Si
je puis tout de même résumer la teneur de ce quatrain, il
est question d'une
horrible peste, qualifiée de mal inconnu, ce qui pourrait
être une manière de
désigner la pandémie. La Thessalie, c'est une
région de Grèce. Nicopolle et
Amphipolle, je suppose que ce sont des noms de villes, peut-être
dans la même
région, si l'on admet que les deux L ne sont que l'une de ces
fantaisies que
vous affectionnez. » Nostradamus
restant
silencieux, c'est Sofia Merlini qui exposa ses propres recherches
concernant le
quatrain. « –
Vous avez
raison, Michel. Enfin... presque ! En fait, ce que le Maître
nomme
Perynte, Nicopolle et Chersonnez, avec cette orthographe approximative
qui lui
est chère, sont des villes qui sont toutes situées en
périphérie de la Mer
Noire. La Thessalie, il ne faut pas seulement voir derrière ce
nom celui d'une
région de Grèce, mais plutôt ce qu'il
représente, son symbolisme. Or la
Thessalie c'était le pays des sorciers et des magiciens, donc ce
nom doit ce
comprendre comme l'évocation d'un véritable
ensorcellement, ou maléfice, qui
vastera – dévastera en moyen français – l'Amphipolle.
Pour ce nom, je soupçonne
une nouvelle fantaisie du Maître... – En effet,
observa
Michel, on peut y voir le grec amphi, « des deux
côtés,
autour », suivi de pole, qui en apparence vient du grec polis
« ville ».
L'Amphipolle paraît donc désigner une ville qui
s'étend sur deux côtés. Mais
pole peut aussi venir du grec polos,
« pôle ». L'amphipolle
désigne alors les deux pôles, et par extension la terre
entière, d'un pôle à
l'autre, les deux hémisphères. J'y vois une confirmation
avec Marceloyne, une
autre fantaisie, qui doit se comprendre Macédoine. Comme pour la
Thessalie, il
ne faut pas rester sur le nom géographique mais sur ce qu'il
évoque, or la
Macédoine, c'était le nom donné à l'empire
d'Alexandre composé de pays très
divers. – C'est pour
cette
raison qu'au XVIIIe siècle on a nommé
« macédoine » le
mets composé d'un mélange de légumes divers et
variés, précisa Sofia. En résumé
le maléfice – la pandémie – touchera divers pays et
circulera sur les deux
hémisphères. – Quant
à Anthoine,
reprit Michel, je pense qu'il s'agit de saint Antoine, le Grand pour
être
précis, qui refusa de prendre la tête de la
communauté d'ermites qui s'était
formée autour de lui, et s'enfonça encore plus
profondément dans la Thébaïde
pour y vivre en solitaire. J'y vois une allusion au confinement, seule
parade
trouvée pour enrayer la pandémie. Enfin on peut noter que
si l'on ajoute tous
les chiffres des nombres associés à la prophétie,
le 9 numéro de la centurie et
le 91 numéro du quatrain, on obtient 9+9+1 = 19, le
millésime de la Covid. – Si j'ai
bien
compris les explications données par chacun de vous, intervint
Patrick, ce quatrain
doit s'interpréter ainsi : « L'horrible
peste tiendra Perynte, Nicopole, Chersonnez et divers
pays dans le monde, le
maléfice dévastera la terre entière d'un
pôle à l'autre, imiter le
refus d'Antoine et se confiner sera le seul
moyen de se protéger de ce mal inconnu » – Oui, je
suis
d'accord, dit Michel, ton interprétation rejoint
tout-à-fait la mienne.
J'espère seulement que nous avons bien compris le quatrain du
Maître. – Ne comptez
pas
sur moi pour vous le confirmer, répondit Nostradamus. Je le
répète, ces vers ne
signifient rien pour moi. Mais continuez, approfondissez, vous allez
trouver
d'autres pistes. En attendant, dites moi ce qu'est exactement ce virus
que vous
redoutez. Pour moi, virus est un mot latin, c'est un poison, le
le suc
venimeux de certaines plantes. Et coronavirus, ce serait donc un virus
en forme
de couronne ? » Comme Michel
et
Sofia, perdus dans leurs pensées, ne répondaient pas,
Patrick le fit à leur
place. Mais il s'aperçut très vite qu'il n'arrivait pas
à exprimer en moyen français
certains mots propres à son époque. Microbe, microscope,
électronique, étaient
évidemment des termes inconnus en 1547. Il dut les remplacer par
les mots grec
qui constituaient leurs étymologies. « –
Dans
l'époque d'où nous venons, commença-t-il, le mot
virus désigne un... un mikrobios
infiniment petit provoquant diverses maladies infectieuses. – Mikrobios... petit et
vie, en grec. Je comprends que c'est un organisme plus
petit que le plus petit des insectes. On ne peut donc pas le
voir ?
Peut-être avec des verres de loupe très grossissants ? – Cela serait
bien
insuffisant, il faut un instrument nommé, heu... mikros
skopeîn, dont le
pouvoir grossissant est fourni par des éléments, que je
pourrais exprimer par
le grec êlektron, et que seul notre siècle
connaît. Il m'est très
difficile de vous l'expliquer avec les mots de votre époque.
Mais avec cet
appareil, il est possible de voir cet organisme qui appartient à
ce que nous
nommons les coronavirus. Oui, c'est du latin, un virus ressemblant
à une couronne. – Quelle
chose très
étrange ! Vous pourriez m'en faire un
dessin ? » Nostradamus
invita
Patrick à utiliser le nécessaire pour l'écriture,
feuilles de papier, encrier
et plumes, déjà disposé sur la table. Patrick prit
une feuille, une plume qu'il
trempa dans l'encre, et il commença à tracer l'aspect
aujourd'hui bien connu du
coronavirus, une boule entourée de sortes de tiges
terminées par des petites
billes, comme des antennes. Mais en 1547 si le papier existait
déjà, il était
moins lisse et glissant que celui que nous connaissons aujourd'hui, et
Patrick
n'avait pas l'habitude de dessiner avec une plume d'oie. Il
commença à tracer
un cercle, mais la plume buta à plusieurs reprises sur des
aspérités du papier,
puis dérapa, et Patrick finit par tracer un ovale improbable,
ressemblant
plutôt à une pomme de terre, autour duquel il
répartit, tant bien que mal,
quelques unes seulement des tiges avec les billes à leurs
extrémités. Le
dessin de Patrick « –
Voilà,
dit-il, c'est loin d'être un chef-d'œuvre, et je n'ai
tracé qu'une partie des
antennes, mais le virus ressemble à peu près à
cela, en plus rond bien sûr. –
Intéressant,
marmonna Nostradamus dans sa barbe, on dirait le pont... » La fin de sa
phrase
resta inaudible. Pendant ce temps, Sofia et Michel avaient
conversé à voix
basse, les yeux dans les yeux, la main de Sofia effleurant souvent
l'épaule de
Michel. Ces deux-là s'étaient vraiment bien
trouvés. Michel était sur un petit
nuage, le célibataire, bien que non endurci qu'il
était
commençait à fondre littéralement au contact
de Sofia. Patrick les houspilla, en leur rappelant que Maître
Nostradamus leur
avait demandé de développer d'autres idées. Michel
reprit la parole : « –
Eh bien
justement nous étions en train d'envisager diverses
hypothèses, je pense qu'il
doit être possible d'affiner l'interprétation, d'y trouver
des sens
secondaires, des associations d'idées. Par exemple, la
Macédoine est remplacée
par ce Marceloyne, nom dans lequel nous retrouvons le prénom
Marcel. Pour les
Hermétistes, Marcel évoque MARS SCEL ou SCEL DE MARS, le
SCEAU DE MARS !
Soit le FEU INCARNÉ ou FEU DIVIN. Et par cette modification,
Nostradamus fait
rimer Marceloyne avec Anthoine, autrement dit saint Marcel et saint
Antoine. » Sofia Merlini
rebondit aussitôt sur cette hypothèse : « –
Le prénom
Antoine, tout comme celui de Marcel, n’est pas étranger à
l’univers des
hermétistes. Antoine, ceci est bien connu, évoque
l’Antimoine. Le refus
d'Antoine, c'est le refus du moine, donc l'antimoine. Quelque part
l’antimoine
a créé une véritable fracture dans le monde
très fermé des alchimistes.
Nostradamus et son contemporain Rabelais seront les témoins
vivants de cette
« querelle de l'antimoine ». Elle vit s’opposer
d’un côté la Faculté
de Paris, qui défendait les idées traditionnelles, et de
l’autre l’Université
de Montpellier qui, en faisant valoir sa plus grande ancienneté,
était
favorable aux idées nouvelles amenées par les chimistes
arabes et les médecins
juifs chassés d’Espagne. » Michel buvait
les
paroles de Sofia et les approuvait en hochant la tête. Il
enchaîna : « –
Et moi je
vois dans ce « refus d'Antoine » une autre
solution encore. Au XIVe
siècle, en route pour Jérusalem un groupe de chevaliers
venus du Hainaut,
autrement dit de Belgique, se trouva encerclé par les Turcs. Ils
implorèrent
saint Antoine, lui promettant de se vouer à lui si jamais ils
parvenaient à
s'échapper, ce qui arriva en effet. Une fois rentrés chez
eux, ces chevaliers
décidèrent de fonder l'ordre de
Saint-Antoine-en-Barbefosse. Le pape Clément
VII, quand ils lui demandèrent son accord, leur imposa de
d'obtenir d'abord
l'aval de l'ordre de Saint-Antoine en Viennois. Or les Antonins
refusèrent...
Nouveau refus d'Antoine ! Les chevaliers décidèrent
quand même de
consacrer leur vie à soigner les malheureux atteints du
« mal des ardents »,
tout comme les Antonins du Viennois. Au final c'est une issue heureuse,
et un
espoir de guérison. D'ailleurs on peut noter aussi que Nicopole
c'est,
étymologiquement parlant, la « ville de la
victoire », en
l'occurrence peut-être la victoire sur le coronavirus, donc
là encore un
espoir. – Puisses-tu
dire
vrai ! fit Patrick. – Maintenant,
il y
a un autre quatrain qui a attiré mon attention, reprit Michel.
Il fait partie
des Présages qui forment le suite des centuries
proprement dites. Chacun
de ces présages est associé à un mois de
l'année. Voici ce que dit le Présage
LXXXIII Avril : « En
debats Princes & Chrestienté esmeuë. Gentils
estranges, siege à Christ molesté. Venu tresmal,
prou bien, mortelle veuë. Mort Orient
peste, faim, mal traité. » Nostradamus
prit un
air désolé, et expliqua que ce quatrain-là aussi
lui était inconnu. Les
voyageurs du temps commençaient d'ailleurs à se demander
s'il était sincère, ou
s'il avait adopté cette version pour éviter de leur
donner les éclaircissement
qui leur faisaient cruellement défaut, surtout pour ce nouveau
passage. Michel
reprit la parole : « –
Ce
quatrain-là me paraît moins évident à
interpréter que le premier. Néanmoins il
parle bien d'une peste mortelle venue d'Orient, suscitant des
débats entre les chefs
d'états. Pour le reste, ce n'est
vraiment pas simple. Il y a trop de mots qui peuvent avoir des sens
multiples.
Je le retiens quand même à cause du mois d'avril qui lui
est associé, c'est le
mois du pic de l'épidémie, qui eut lieu le 8 avril
précisément. Le numéro du
présage, 83, nous l'indique peut-être, si on multiplie les
chiffres qui le
composent : 8 x 3 = 24 et 2 x 4 = 8. Ou alors il faut comprendre 8
+ 3 =
11, le 11 avril correspondant au moment où la courbe a
commencé à s'inverser.
Et le 11 avril, c'est la date de mon anniversaire ! Mais
trêve de
plaisanterie, il y a quelque chose qui m'interpelle dans ce quatrain,
c'est
l'expression gentils estranges. À mon avis ça
peut se comprendre de deux
façons au moins, parce qu'il y a bien souvent chez Nostradamus
une lecture à
tiroirs. En moyen français, le mot gentil désigne un
noble, et estrange ou
estranger des personnes n'appartenant pas à l'église
catholique romaine. Donc
ces nobles non-chrétiens seraient eux aussi en discussion avec
les responsables
des pays du monde chrétien, autrement dit ce sont les chefs de
tous les états
de la terre qui sont concernés. Mais le mot
« gentil » peut aussi
désigner des Compagnons membres du Devoir. Or en
découvrant à la suite ce mot
« estrange », j’ai de suite pensé à
autre chose, disons un autre
tiroir. Je veux parler du Rite Estrange
des mystérieux Compagnons, les Estrangers, placés sous la
sainte protection des
Quatre Couronnés soit en latin Quatuor Coronatorum ! – Bien
vu !
s'exclama Sofia. Et de coronatorum à coronavirus, il n'y
a qu'un
peut-être qu'un petit pas... Mais vous avez piqué ma
curiosité. Vous pouvez
m'en dire plus sur ces Compagnons Estrangers ? – Oui, j'ai
lu il y
a quelque temps un livre qui en parlait, Les tours inachevées
de Raoul
Vergez. D'après cet auteur, Compagnon lui-même, des
« estrangers » du
Saint-Devoir furent entraînés par les Templiers dans les
déserts de Syrie. Les
Compagnons de cette corporation oubliée furent les maçons
employés par le
Temple pour construire des forteresses. Il existe un curieux chant
compagnonnique, l’Alléluia des
tailleurs de pierres, dont je me souviens de quelques vers : « Dans
la barque de Saint Pierre Buvons le vin
de Noé. Le vin des
tailleurs de pierre Du
Saint-Devoir estranger. » « On
reconnaît
dans ce chant une étrange proximité entre les Estrangers
et le Barque de
Pierre, l’Église de Rome. Par ailleurs, les dictionnaires du
compagnonnage nous
apprennent que le mot gentil fut un qualificatif longtemps
attribué aux
Compagnons membres du Devoir. – Les gentils
estranges
de Nostradamus seraient donc peut-être des Compagnons, observa
Sofia en
conclusion aux explications de Michel. – Ils sont
associés
au siege à Christ molesté. J'ai d'abord
pensé que cela désignait le
Saint-Siège, le Vatican, molesté c'est-à-dire
tourmenté, choqué, par cette
pandémie. L'Italie est l'un des pays qui a été le
plus touché au printemps
2020. Mais le qualificatif « molesté »
s'applique peut-être au Christ
plutôt qu'au siège... Il y a un poème de
Clément Marot, assez connu, qui parle
du « Christ qui souffrit moleste ». Il dit que le
Christ
« laissa jadis le haut trône céleste, et habita
cette basse vallée, pour
retirer nature maculée de la prison infernale et
obscure », autrement dit
pour sauver l'humanité. Nous serons donc peut-être
sauvés une nouvelle fois,
non plus de nos péchés mais de la terrible
pandémie. – Oui, le
quatrain
se termine par mal traité, il faut comprendre que le mal
sera traité, on
trouvera un vaccin, ou un traitement efficace. » C'est sur ces
mots
optimistes que se termina l'entrevue avec Nostradamus, rencontre
extraordinaire
par delà les siècles. Il était temps pour les
voyageurs temporels de regagner
leur époque. Michel et Patrick avaient naturellement
emporté avec eux la montre
de Sofia, que Zacharie avait synchronisée avec les leurs. C'est
dans le couloir
de l'Hôtel Paterin, où résidait le médecin
et astrologue, que s'opéra la
translation temporelle. Mercredi 25
décembre 2080, 11 h 45 Après
être revenus
à leur époque d'origine, à la date du 8 août
2020, Sofia, Michel et Patrick
étaient d'abord allés jusqu'à la boutique de
Zacharie, afin de le rassurer sur
leur sort. L'horloger, particulièrement soulagé de revoir
son amie Sofia, leur
avait immédiatement proposé un nouveau voyage temporel,
mais vers le futur
cette fois. Après être montés d'un étage
dans l'immeuble, ils s'étaient
retrouvés au même endroit, mais 60 ans plus tard. Les
lieux n'avaient pas
changé. Le Vieux Lyon, protégé par son inscription
au patrimoine mondial de
l'UNESCO, était resté identique à ce qu'il
était, tout au moins le morceau de
la rue Juiverie que l'on pouvait voir par les fenêtres, mais il
en était
sûrement de même pour tout le reste du quartier. En
revanche, si les amis à
nouveau réunis avaient pu monter à Fourvière, nul
doute que la vue qu'ils auraient
eu sur Lyon eut été bien différente de celle
qu'ils connaissaient. « –
Il est
temps que je vous fasse certaines révélations,
annonça Zacharie. Sofia et moi,
ainsi que le docteur Bertrand, et vous deux aussi bientôt
j'espère, nous
appartenons à une Fraternité qui est née en 2020
pendant la terrible épreuve du
coronavirus. Des hommes et des femmes ont voulu se rassembler pour
lutter
contre l'adversité et conduire l'humanité vers un monde
meilleur. Cet
appartement où nous nous trouvons était le mien à
l'époque, c'est ici que le
cénacle se réunissait, et aujourd'hui il appartient
toujours à cette
fraternité. Cet après-midi nous procéderons
à la cérémonie de votre
intronisation, Michel et Patrick. « Grâce
à
l'Inducteur de Saut Temporel que j'ai mis au point, j'ai pu visiter
quelques
unes des périodes du passé. J'aurais pu aussi aller vers
le futur, mais
découvrir l'avenir me paraissait dangereux. Mes incursions ont
été timides au
début, et très brèves. Il faut dire que ma
première montre IST était loin d'offrir
les mêmes perfectionnements que celles que nous portons
actuellement.
Toutefois, mes voyages ne sont pas passés inaperçus,
parce que les sauts
temporels laissent des traces dans la structure même du Temps,
traces que les
hommes seront capables de détecter dans l'avenir. Alors un jour
j'ai fini par
recevoir la visite de visiteurs venus du futur. Pour eux j'étais
un précurseur,
et ils n'ont pas hésité à m'inviter à
découvrir leur époque. C'est de ce temps
que j'ai rapporté les technologies qui m'ont permis
d'améliorer les
possibilités de ma montre, en particulier le système de
micro-injections géré
par le bracelet. Les nano-robots, les vaccins à effet
instantané, vous vous en
doutiez peut-être, viennent directement du futur. Il en est de
même pour les tests
réalisés par le docteur Bertrand. « Et
à propos
du Covid-19, je vous ai un peu menti, les montres vous ont
également immunisés
contre cette maladie. Vous êtes désormais
protégés, mais vous comprendrez que
cette mesure est exceptionnelle. J'aimerais faire
bénéficier la terre entière
de ce vaccin, mais comment expliquerais-je son origine ? Nos
semblables
devront hélas attendre la suite naturelle des
événements, qui verront le vaccin
arriver sans doute en 2021. Pour ce qui vous concerne, vous pourrez
retourner
dans votre présent de 2020 sans avoir à vous soucier des
gestes barrière et de
la distanciation sociale. Mais continuez quand même à
porter un masque pour ne
pas vous faire remarquer, il serait trop bête qu'un policier
zélé vienne vous
verbaliser. » L'annonce fut
évidemment accueillie avec joie. Sofia et Michel furent
particulièrement ravis
par cette nouvelle. Ils ne purent résister au plaisir de se
prendre par la
main, en attendant mieux... beaucoup mieux... lorsqu'ils seraient enfin
seuls. « –
Avant de
fêter dignement Noël et de faire honneur au repas, dit
Sofia, je voudrais
revenir sur notre rencontre avec Nostradamus. Je vois que la
bibliothèque de
cette salle possède un bel atlas, à la fois
géographique et historique, alors
je voudrais vous montrer la carte de la Mer Noire avec les villes en
périphérie
correspondant à celles citées par le fameux quatrain 91
de la 9e
centurie. » Michel,
Patrick et
Zacharie purent alors situer les cités de Perynte, Nicopolle et
Chersonnez
évoquées par la prophétie. Certains noms
étaient d'ailleurs communs à plusieurs
villes différentes, avec des variantes légères
dans l'orthographe, selon les
pays. Carte
de la Mer Noire Patrick
étudia
longuement la carte, puis il fit observer : « –
Ce qui est
curieux, c'est que Nostradamus ait choisi cette région du monde
pour évoquer la
pandémie, alors qu'elle n'est pas, et de loin, celle qui a
été le plus touchée.
De plus le coronavirus est apparu en Chine, un pays que rien
n'évoque dans la
prophétie. – Oui, tu as
raison, répondit Michel, mais à vrai dire je n'ai pas
trouvé d'explication à ce
choix curieux de la Mer Noire pour évoquer, semble-t-il, la
Covid-19. – Tu finiras
sûrement par trouver la solution, assura Patrick. Tiens, puisque
cet atlas est
également historique, voyons à quoi ressemblait la
même région du monde à
l'époque de Nostradamus. » Patrick
tourna
quelques pages pour remonter à la carte du XVIe
siècle. « –
Ah,
curieux ! la Mer Noire n'avait pas le même nom, observa
Michel. – Bien
sûr, précisa
Sofia, autrefois on la nommait le Pont-Euxin. » Le visage de
Patrick s'éclaira soudain, et il s'écria, heureux comme
un gamin à qui on
aurait donné une sucette : « –
Le
Pont-Euxin ! Le Pont-Euxin ! Mais oui, c'est ça le
pont ! – Tu peux
être plus
clair ? Quand
Nostradamus m'a demandé de lui dessiner
le coronavirus, j'ai fait un croquis bien médiocre, parce que ma
plume a dérapé
sur le papier, et mon virus avait plus l'air d'une patate
entourée de ses
germes que d'un coronavirus. Nostradamus n'a pas pu faire la même
comparaison,
puisque la pomme de terre n'existait pas à son époque.
Alors il a trouvé que
cela ressemblait au pont. Je n'ai pas saisi ce qu'il avait voulu dire,
mais en
voyant cette carte je comprends tout ! Mon dessin ressemblait en
effet à
la carte du Pont-Euxin, et les villes de Périnthe, Nicopole (ou
Nikopol) et
Chersonèse, avec les fleuves qui les relient à la mer,
figurent les antennes
qui couronnent le virus. Oh bon sang ! C'est moi qui suis à
l'origine du
quatrain ! Un beau paradoxe temporel... Comparaison
de la carte de la Mer Noire et du dessin de
Patrick Michel
réalisa à
quoi son ami faisait allusion : « –
Tu veux
dire que... Oui, tu as raison, pour décrire à mots
couverts l'aspect du
coronavirus, Nostradamus n'a pas trouvé mieux que
d'évoquer la Mer Noire, ou
Pont-Euxin, entourée des villes dont les noms se
répètent, toutes situées sur
des fleuves qui les relient à la mer. Une patate avec ses
germes ! L'image
est parlante. Comme la Thessalie et la Macédoine ne sont pas
loin, il a utilisé
ces noms pour les symboles qu'ils véhiculent. Et c'est bien de
ton dessin dont
il s'est servi. – Je
réalise tout
d'un coup une évidence, ajouta Sofia. Par
« tiendra » il faut
comprendre « tiendra de », autrement dit
« ressemblera à ».
Oui, le coronavirus ressemble aux différentes villes de
Périnthe, Nicopole et
Chersonnèse entourant la Mer Noire ou Pont-Euxin. Tout au moins
c'est ce qu'a
cru Nostradamus en voyant le dessin raté de Patrick. » Tout en
devisant
sur ce paradoxe, les quatre amis firent honneur au repas de Noël,
et aux vins
qui l'accompagnaient. Plus tard, quand vint l'heure de retourner dans
leur
présent de l'été 2020, Michel et Sofia avaient le
cœur un peu serré. « –
Nous
allons devoir revenir chacun à nos vies respectives, dit Sofia,
mais c'est
momentané. Nous resterons en contact, et nous retrouverons,
n'est-ce pas
Michel. Et c'est ensemble que nous affronterons la deuxième
vague de la
pandémie, que l'on nous annonce pour l'automne. » Naturellement,
cette histoire se passe dans un univers, ou plutôt dans une ligne
de temps,
parallèle. Sinon, comment aurais-pu pu parler de moi à la
troisième
personne ? Dans notre ligne de temps, l'horloger de Saint-Paul ne
se nomme
pas Zacharie. La photo de Sofia Merlini a été
composée à partir d'images de
plusieurs personnes différentes (qui ont toutes aux alentours de
60 ans mais en
paraissent beaucoup moins!) pour créer un personnage semblant
réel mais qui ne
l'est pas. Quant à l'interprétation des quatrains de
Nostradamus, peut-être
est-elle la bonne, mais peut-être pas. Aussi ai-je choisi la
forme d'un conte,
d'une histoire imaginaire, pour en parler. Et comme il n'y a pas de
conte sans
une fin heureuse, j'ai voulu qu'il en soit de même pour mon
histoire. |
Vœux
2021
aux Internautes Amis
Internautes, l’heure est venue pour nous de quitter l’année 2020
pour l’année
2021. Cette année 21 pourrait s’annoncer comme les 21 coups de
canons
présidentiels. Non les artilleurs de l’esplanade des Invalides
à Paris ne
devraient pas effectuer un tir en salve de 21 coups de canon pour
saluer cette
nouvelle année, ainsi qu’ils ont coutume de le faire pour
l’élection du nouveau
président de la France depuis que le général de
Gaulle réduisit les 101 coups
de canon à 21. Le
général n’était pas étranger à
l’ésotérisme politique, voir même maçonnique
et
il se dit qu’il aurait choisi ce nombre de coups de canons, d’une part,
par
souci d’économie de temps et d’argent mais d’autre part, parce
que le nombre 21
développe le 7, symbole de la création dans son ensemble,
transcendée par le 3,
symbole de l’esprit sans lequel le monde ne peut subsister. Puisse
cette nouvelle année, après un baptême dans le vin
ou vingt, devenir pour
homme, une nouvelle création transcendée par l’esprit
vivifiant. Bonne
et
heureuse année 2021 à vous, Chers Amis Internautes.
Artilleurs des Regards du
Pilat nous continuerons cette année encore à tirer les 21
coups du canon
fraternels jaillissant des 7 Arts Libéraux que sont le
Quadrivium et le
Trivium. Bonne
année à tous. Michel Barbot |
Voyage
vers le futur entre la Ténèbre et la Lumière La lumière naissante du
jour se devinait à
travers les volets mi-clos de la chambre à coucher. L’homme
allongé dans le lit
différa quelque peu son lever. Rentré tard dans la
soirée, après un voyage en Provence,
il se dit – une fois n’est pas coutume – qu’il pouvait prolonger encore
de
quelques minutes cette nuit de repos salutaire. Mais soudain la porte
d'entrée de l'appartement
s’ouvrit et la lumière illumina la pièce. Un homme d’une
quarantaine d’années
fit irruption dans la chambre. Une voix, tout à la fois chaude
et
impressionnante, brisa le silence : « - Eh l’ami !
Que fais-tu dans ma
chambre, et qui plus est dans mon lit ? » Curieusement l’occupant du lit
n’eut pas peur. Il
en fut lui-même surpris, surtout lorsqu’il s’entendit
rétorquer du tac au tac : « - Et toi que
fais-tu chez moi ? Là,
dans ma chambre ? » Et l’intrus de
répondre : « - L’appartement
où tu es entré
illégalement est le mien, depuis la mort de mon père en
2150, il y a dix ans déjà.
Mon nom est Ange Berlier et je puis t’assurer que je suis bien ici chez
moi,
contrairement à toi. À présent sors de mon lit et
raconte-moi ce que tu fais
ici, où je t’emmène voir la
maréchaussée ! » L’occupant du lit ne se fit
pas prier deux fois
pour sortir du lit. « - Je… Je m’excuse, mais ce qui m’arrive est
extraordinaire… ! Je suis
moi-même un Berlier… Patrick Berlier.
Si, si ! Crois-moi ! - Je voudrais te croire mais
j’ai du mal !
Personne dans la famille ne se prénomme Patrick. Mais c’est
vrai, maintenant
que je te regarde, que tu ressembles comme deux gouttes d’eau à
un lointain
cousin, l’ancêtre érudit de notre parentèle.
Raconte-moi. Mais attention, j’ai
l’habitude de par ma profession, de reconnaître un homme qui me
ment… ou
pas ! Parle, je t’écoute ! - Mon nom est donc – ainsi que
je viens de te le
dire – Patrick Berlier. Je suis rentré hier soir d’un voyage en
train qui
m’avait emmené en Provence, précisément à
Lamanon, entre Alpilles et Luberon.
Je… » Celui qui affirmait se nommer
Ange Berlier,
l’interrompit net : « - Tu quoi… !
Viens, suis-moi dans la
salle de séjour ! » Les deux hommes sortirent de
la chambre pour
passer dans la grande salle de séjour de l'appartement. Ils se
dirigèrent vers
le coin bureau, où se trouvaient les ordinateurs, et dont tout
le mur était
décoré d'une grande carte en relief. « - Regarde cette
carte. Il s’agit de la
carte de la France – oui de la France – mais la France du XXIIe
siècle. Non plus Hexagone Extrême-Occidental du continent
européen mais un
archipel formé par les anciens reliefs du pays. À la
belle saison, les
Stéphanois se baignent dans les eaux de la Mer Forézienne
qui dessine de nos
jours la belle île dont la cité stéphanoise est le
port principal.
Autrement-dit, la Provence où tu te trouvais, soi-disant hier…
est bel et bien
rayée de la carte… et ce depuis 55 ans ! Seuls
émergent encore les anciens
sommets des Alpilles, du Luberon, de la Montagne Sainte-Victoire et
celle de la
Sainte-Baume, qui sont devenus autant d'îles nouvelles de la mer
Méditerranée.
Mais entre ces îles, toutes les villes qui s'étendaient
dans les plaines, comme
Avignon, Cavaillon, Arles, Aix-en-Provence, Marseille, et bien
d'autres, sont
noyées depuis longtemps, et avec elles toute la basse Provence.
Alors, avec ton
voyage à Lamanon, tu repasseras ! N’est-ce pas bizarre
mon cher
cousin ? » Patrick Berlier n’attendit pas
que son cousin,
fusse-t-il du XXIIe siècle, poursuive son
réquisitoire : « - Tu as dit
bizarre, mon cher cousin,
comme c’est bizarre effectivement ! Non non, je ne me moque pas de
toi –
je ne me permettrais pas, oh non ! – mais je n’ai pu
m’empêcher de citer
approximativement une célèbre réplique d’un
très vieux film de cinéma. Enfin,
passons… Je suis bien ce Patrick Berlier du XXIe
siècle. Un instant
j’ai eu l’impression que tu me croyais et l’instant d’après j’ai
vu que ce
n’était pas vraiment le cas. Quelque part je comprends, comme
j’ai moi-même
vraiment du mal à croire que j’ai pu faire un bond dans le
temps. Cet
appartement est bien mon appartement, même si je reconnais qu’il
y a quelques
petites différences principalement au niveau de la déco.
Il est certain, par
exemple, que cette carte n’était pas là hier au soir.
J’ai presque envie de
dire que, mon appartement, cette salle précisément,
ressemble plus à un
musée... un musée qui me serait
consacré ! » Ange Berlier reprit la
parole : « - Tu dis juste,
mon cher cousin, car oui,
il me paraît raisonnable de penser que tu es mon cousin, un
cousin venu du
passé et pas n’importe lequel… J’ai été
marié pendant plus de dix ans, mais ma
femme ne supportait pas la vie que j’avais choisie. Je suis
détective privé à
mes heures et il m’arrive très souvent, comme aujourd’hui, de
passer mes nuits
dehors. À la mort de mon père j’ai poursuivi son œuvre
qui visait à transformer
en musée l’appartement où vécut l’érudit de
la famille… Mais à la vérité, après
mon divorce il m’a fallu trouver un logement et le musée est
devenu privé… Non,
les questions seront pour plus tard. À présent nous
allons descendre dans la
rue. Oui enfin… il serait bien avant de descendre que je te trouve des
habits
convenables. Le pyjama risquerait de faire jaser ! » Quelques minutes plus tard les
deux cousins se
trouvaient sur la chaussée. Patrick put constater qu’elle avait
quelque peu
changé… Ange invita Patrick à s’attarder sur la plaque
indiquant le nom de la
rue. « - Que
lis-tu ? » Et Patrick de
répondre : « - Rue Patrick
Berlier… Wah ! Je ne
suis pas peu fier, c’est vrai, mais le pauvre *** ***, ainsi
dépossédé de sa
rue, mériterait sans nul doute sa propre rue. Ami de Victor
Hugo, de Nerval, de
Théophile Gautier ou de Baudelaire, il fut peut-être un
membre de la Société
Angélique parisienne. » Cousin Ange reprit la
parole : « - Rassure-toi,
une importante artère du
centre-ville porte aujourd’hui ce nom et ce n’est que justice !
Quant à la
Société Angélique, initialement lyonnaise, elle
n’est pas étrangère à mon
prénom. Ce fut mon père qui choisit mon beau
prénom Ange, en hommage à ladite
société. Regarde bien à présent l’Auberge
devant laquelle tu passais et
passeras encore, quasi quotidiennement… « - Mais c’est
vrai, s’écria Patrick, je n’avais pas
remarqué, et pourtant je suis juste
devant ! L’Auberge *** est devenue la Taverne Berlier. Là,
par contre, je
n’en demandais peut-être pas tant ! « - En fait, reprit Ange, je suis copropriétaire de la Taverne
avec mon frère.
Nous y organisons régulièrement des
repas-conférences sur les sujets qui te se
sont chers, qui nous sont chers. » Patrick était quelque
peu troublé par ce futur
qu’il découvrait, bien que ce futur lui apparaissait, somme
toute, proche à
bien des niveaux… « - Rentrons dans
la Taverne, nous serons
plus tranquilles pour discuter. » Un homme veillait à la
bonne préparation du repas
du midi. Les clients du restaurant n’étaient pas encore
arrivés. L’homme qui
les accueillit n’était autre que Séraphin, le
frère d’Ange. Patrick osa cette
question : « - Je suppose que
là aussi, la Société
Angélique et votre père, ne sont pas étrangers
à l’attribution du
prénom ? » La réponse était
bien sûr affirmative. Séraphin
entraîna son frère et Cousin Patrick, dans son bureau.
Ange se trouva dans
l’obligation de résumer l’étrange découverte faite
le matin même dans sa
chambre, découverte qui avait nom… Patrick Berlier. Ange dut
déployer toute sa
persuasion avant que Séraphin n’accepte l’incroyable
vérité. L’heure du déjeuner se
précisait. Ange invita
Patrick et son frère à partager son repas qu’il prenait
dans une salle privée à
l’arrière de la Taverne. Il ne fallait surtout pas que les
clients reconnaissent
l’hôte des deux frères, dont le visage n’était pas
inconnu des habitués de la
Taverne… Le repas fut, on ne peut plus
succulent !
Patrick dégusta un savoureux poisson, le loup de mer,
pêché la nuit même dans
la Mer Forézienne au large du Phare de Saint-Étienne. « - Ce poisson, foi
de Patrick Berlier,
n’avait rien à envier à celui pêché dans
l’Atlantique au XXIe
siècle ! » Ange et Séraphin
Berlier affirmèrent à Patrick
qu’ils n’avaient aucune idée, du comment, en l’espace
d’une nuit, il
avait fait un saut – depuis son lit !? – de plus d’un
siècle ! Mais
par contre, il se pourrait qu’ils aient une idée du pourquoi,
il avait
effectué ce saut. Mais avant d’évoquer ce pourquoi, ils
lui demandèrent ce
qu’il éprouvait en découvrant que la ville de
Saint-Étienne était à présent
devenue une cité maritime. Patrick répondit : « - À la
vérité, je ne suis guère surpris,
de vielles légendes évoquent en un passé
antérieur aux Romains, la ‘’MARE
NOSTRUM’’, Notre Mer, non pas la Méditerranée
mais la mer forézienne popularisée
par Honoré d’Urfé. Lorsque j’étais enfant, mon
père me racontait cette
histoire. J’aurais aimé découvrir les anneaux où
les marins des temps jadis
amarraient leurs navires. Je ne crois plus depuis longtemps à
cette histoire,
mais j’ai idée qu’aujourd’hui je pourrais les découvrir,
bien que je doute que l’on m’ait fait venir pour
cela ! Cette tradition se retrouvait à la Tour-en-Jarez
dans les écrits de
Jean-Marie de la Mure. Il évoquait l'existence d'une tour
marquée de figures
solaires au sommet de laquelle était érigée une
pyramide. Un feu servant
à guider les nautes foréziens y était
entretenu. Un phare, s'il vous
plaît, pour guider la barque des seigneurs de Saint-Priest
vers leur
château. « Cette mer
transposée dans le futur, a fait
l’objet à mon époque d’une très curieuse BD, Les
îles d’Auvergne, ainsi
que d’un film cinématographique, Lost City Raiders, dans
lequel il est
mentionné que le Secret du Monde Englouti se trouverait non loin
de
Saint-Étienne ! Donc non, cette nouvelle géographie
de la France ne me
surprend guère. » Ange et Séraphin
orientèrent à nouveau la
conversation vers l’affaire qui était, semble-t-il, à
l’origine de la venue de
Patrick. Ange reprit la parole : « - Il y quelques
semaines, j’ai été
approché par un homme plutôt mystérieux. Il
réside dans un manoir de la Côte
Sauvage qui borde la calanque d'Aurec. Cet homme m’apparut tel un
Puritain
Anglais du XVIe siècle, habillé d'une grande
cape noire et coiffé
d'un immense chapeau tout aussi noir. Si le port des armes n’eut
été prohibé,
je l’aurais bien vu portant rapière au côté ainsi
qu’un long pistolet sur les
hanches. Rien ne me dit d’ailleurs que, dans ses recherches
archéologiques
secrètes, il ne se protège ainsi. « Il se
présenta sous le nom Robert Kane,
descendant d’un certain Solomon Kane, personnage qui inspira en fait
une
création du romancier Américain Robert Erwin Howard.
Cette ascendante
romantique, cadre parfaitement avec le personnage que j’ai pu
rencontrer. Il
avait fait, ainsi qu’il me l’apprit, une énigmatique
découverte, au fond de la
Calanque d'Aurec, à la hauteur de Saint-Paul-en-Cornillon. Voici
ce qu’il me le
raconta : « - Au fil des
années, de nombreuses
tempêtes ont régulièrement poussé les eaux
de la calanque au pied des collines
qui succèdent à l'ouest aux Monts du Pilat. C’est ainsi
que dans ce périmètre,
le terrain est devenu très instable. En octobre dernier, un
glissement de
terrain avait fait resurgir les ruines d’une vieille bâtisse.
Rapidement
informé, je me rendis sur les lieux et effectuais de rapides
recherches qui me
démontrèrent qu’il s’agissait de l’ancienne maison de mes
aïeux. Cette
habitation n’était pas aussi ruinée que l’on me l’avait
fait entendre. Protégée
par une couche de limon, je découvris près de la porte
d’entrée, sur le mur,
une énigmatique inscription ainsi rédigée : L'inscription « -
Énigmatique inscription, en effet, répondit
Patrick Berlier, mais je ne
vois pas trop en quoi je pourrais être concerné. LE GUIDE
DE LA MONTAGNE
pourrait – éventuellement – me concerner en partant du fait que
je suis effectivement
Guide du Pilat mais pas l’unique Guide non plus ! » Les deux frères
étaient plutôt d’accord avec
Patrick pour cette première réflexion mais ce
n’était pas tout ! Une fois
l’entrée totalement dégagée de l’ancienne
bâtisse, Robert Kane avait réussi à
pénétrer à l’intérieur. La toiture plus
toute jeune, avait été volontairement
protégée ! Une terrasse avait été
bétonnée au-dessus, telle une mezzanine,
le tout recouvert de terre sur plus de deux mètres. On aurait
voulu conserver
en l’état l’habitation que l’on ne s’y serait pas pris autrement. Ange apprit à Patrick
que Robert Kane avait fait
une seconde découverte, qu’il lui avait expliqué
ainsi : « - Je
découvris, près de la grande
cheminée, son couronnement habituellement placé au-dessus
du faîtage. Il était
surprenant de le trouver à l’intérieur de la maison. Il
était obstrué d’un
bouchon que je ne tardais pas à retirer. Et, surprise, je
découvris une seconde
inscription ! La netteté de l’inscription, de ses couleurs,
me permet de
penser qu’elle devait se trouver initialement à
l’intérieur de la maison, bien
à l’abri... Lorsque le dernier de mes ancêtres quitta
cette maison, il
descendit assurément la couronne de la cheminée, afin d’y
sceller
l’inscription, bouchant ensuite le tout. « Cette inscription
apparaît d’autant plus
curieuse, qu’elle a été rédigée en deux
alphabets distincts. Le premier, très
classique correspondait à l’alphabet latin. Le second,
après recherche s’avère
correspondre à l’alphabet Braille, l’alphabet des
aveugles ! Notez que dans
la première inscription, sont évoqués les
CHEVALIERS AVEUGLES. Voici
l’inscription après reconstitution : Seconde
inscription Patrick fut soudain pris de
vertige. Il
reconnaissait, là un symbole, là une expression… des
clefs qu’il ne parvenait
pas, pour l’heure, à remettre dans l’ordre. Il se contenta
d’écouter son
cousin. « - Suivant les
explications fournies par
Robert Kane, le texte est rédigé en alphabet Braille.
Ainsi qu’il me
l’expliqua, à partir de 6 points en domino, Louis Braille
créa une écriture
pour les aveugles, mais une écriture basée sur
l’écriture utilisée par les
voyants ! Cette écriture ne comporte pas moins de 64
combinaisons donnant
toutes les lettres de l'alphabet, les voyelles accentuées, les
chiffres, la
ponctuation, la notation mathématique et la musicographie. La
somme de ce
remarquable travail fut publiée en 1829 par son créateur.
Il apparaît que ce
nombre hautement symbolique de 64 combinaisons, ne soit pas arbitraire.
Certaines de ces combinaisons – bien que peu nombreuses – se retrouvant
dans
les lettres, chiffres, voire les ponctuations, ont permis l’usage de
quelque
code à l’intérieur même de cette écriture.
Mais il ne semble pas, heureusement
pour nous, que Paul Kane, l’ancêtre de Robert Kane, soit
allé en ce sens. L’alphabet
Braille dont voici quelques lettres ou chiffres, nous permet de valider
la
lecture effectuée par Robert Kane : Alphabet
Braille Note de l’auteur : Voir : http://ophtasurf.free.fr/lebraille.htm Le 0
n’apparaît pas sur cette liste. Voir aussi https://www.lexilogos.com/clavier/braille.htm (ne pas utiliser
l’outil
« conversion » proposé…). D’autres
variantes apparaissent sur le Net
et compliquent le tout pour un débutant, créant notamment
la confusion entre
les « chiffres Braille » et les
« chiffres Antoine » qui
prennent place tout naturellement aux côtés, notamment,
des « lettres
Braille ». Après décryptage
le texte Braille de l’inscription
de Paul Kane apparaissait ainsi : Décryptage
du texte Braille Le Stéphanois tout
droit venu du XXIe siècle reconnaissait à
présent que le
« Guide de la Montagne » de la première
inscription lui correspondait
totalement, ce que confirmait la seconde inscription. « - Tout ceci est
bien curieux en
effet ! Il est vrai que l’on me surnomme le Druide du Pilat. Je
note que
seul le millésime 2160 est nommé L’AN DE DIEU. En quoi
cette année serait-elle
plus divine que l’année 2020 ? Cent quarante années
séparent ces deux
millésimes. La France, mais également le monde, sont
entrés en 2020 dans une
période noire qui durera apparemment
au moins 140 ans ? Je ne connais pas l’histoire des ces 140
années mais je
doute qu’elles furent édéniques. L’année 2020
reste l’année de la COVID-19,
année noire assurément car elle a été
marquée par la mort de dizaines de
milliers de personnes. Le Président Macron n’hésitait pas
à parler de
‘’guerre’’ ! » Les deux frères
reconnaissaient que Patrick était
dans le bon pour ses réflexions. La France avait bien
changé durant toutes ces
années. La Grande Inondation l'avait isolée et affermi le
pouvoir des Forces
Noires qui portaient le Gouvernement. Un Gouvernement dictatorial
s’était
installé à Clermont, sur les hauteurs de ce qui avait
été Clermont-Ferrand,
ville partiellement disparue, depuis que Paris était englouti
sous les eaux. Le
Pouvoir se trouvait à la solde d’une dangereuse organisation,
contre-initiatique. Ange décida qu’il
devait cet après-midi même, se
rendre en compagnie de Patrick au Manoir de Robert Kane : « - Séraphin
sera bien occupé au restaurant,
il ne pourra nous accompagner. Je sortirai la barque, nous nous
rendrons au
Manoir en longeant la Côte Sauvage que d’aucuns nomment la
Côte Royale… Il te
faudra ramer, mon Cher Cousin… Mais non ! Je plaisante ! Il y
a un
moteur dans ma barquette et plus encore ! » Patrick n’en revenait
pas ! N’était-il pas
en train de rêver et n’allait-il pas tarder à se
réveiller ? N’avait-il
jamais fait un tel rêve ? Il n’osait aborder ces questions
avec Ange. Il
allait de soi, que s’il était dans un rêve, Ange lui
répondrait que non. Et
peut-être était-ce la vérité. Mais si
c’était la vérité, pourquoi était-il
arrivé en ce siècle dans un lit !? Il y avait
certainement un côté amusant,
cocasse même dans l’idée, mais c’était tout de
même à l’insu de son plein gré !
Entrée
de la Calanque d'Aurec, sous le château d'Essalois La Côte Sauvage
était vraiment… Sauvage !
Les eaux de la Mer Forézienne remontaient jusqu'à Aurec
par les anciennes gorges
de la Loire. Au milieu du XXe siècle, elles avaient
déjà été
partiellement noyées par la mise en eau du barrage de Grangent,
mais maintenant
la mer passait largement au-dessus dudit barrage. Les gorges
étaient devenues
une calanque, ou un fjord. Les eaux avaient sculpté le rivage de
façon bien
étrange et ce, en très peu d’années ! La
cité stéphanoise s’était
considérablement agrandie ! Bien que la navigation ne
fût pas encore
terminée, Ange accosta. « - Nous sommes
loin d’être arrivés, je
voulais juste que tu touches enfin l’un de ces énormes anneaux
auxquels les
Nautes de la Mer Forézienne des premiers temps de la terre,
amarraient leurs
embarcations. Ces anneaux sont restés le plus souvent invisibles
à l’homme car
ils étaient très souvent recouverts par les
différentes strates de la
sédimentation. L’anneau que tu touches a été fondu
dans un acier inaltérable.
Il s’agirait d’après les spécialistes d’orichalque le
plus pur, connu des
Atlantes suivant Platon. » L'anneau
des Nautes de la Mer Forézienne Les deux cousins reprirent la
mer. Bientôt le
littoral de Saint-Victor fit place à une calanque profonde. Une
fois passé le
goulot du Pertuiset, moins étroit cependant que jadis, on
distinguait au
sud-ouest, dans l'échancrure formée par l'enfilade des
parois encaissées du
fjord, le Mont Fyn, devenu une île. Cette colline était
jadis réputée pour la
vue qu'elle offrait sur les gorges de la Loire, aujourd'hui
c'était pour la vue
sur la calanque. Le voyage fut pour Patrick un émerveillement.
Il lui fut difficile
de reconnaître les lieux tant ils avaient changé. Voici
que la Calanque d'Aurec
se rétrécissait, au niveau de l'ancien village de
Saint-Paul-en-Cornillon,
disparu sous les eaux. Sur une colline émargée se
dressait le vieux château de
Cornillon, désormais au bord de l'eau ce qui, Patrick le
reconnaissait
volontiers, ajoutait à son charme. La
Calanque d'Aurec au château de Cornillon Ange fit accoster la barque,
puis ils
continuèrent à pied. À peu de distance, se
dressait le manoir des Kane, bâtisse
battue par les vents, offrant une vue magnifique sur le site de
Cornillon. Robert Kane vint à leur
rencontre. Il retira son grand
chapeau noir, salua Ange Berlier, puis se tournant vers le
Stéphanois tout
droit venu du XXIe siècle, s’exclama : « - Monsieur
Patrick Berlier, je
présume ? » - Vous présumez bien
Monsieur Kane ! - Entrez je vous
attendais ! Nous allons
discuter dans la bibliothèque. » Mon Dieu, quelle
bibliothèque, Patrick n’en
revenait pas ! Il y avait là des raretés mais il
n’eut pas le loisir de
s’attarder sur ces trésors. Il était là pour une
toute autre raison, bien qu’il
eût pour l’heure du mal à la saisir, cette raison ! Le Maître des lieux fit
servir des boissons à ses
hôtes, puis entama la conversation : « - Bien ! Par
où allons-nous
commencer ? J’imagine que Messieurs Ange et Séraphin
Berlier, vous
ont fait part de mes découvertes ? » Le hochement de tête de
Patrick, accompagné d’un
oui plutôt bref, lui permit de poursuive : « - La maison que
j’ai découverte non loin
d'ici, accompagné de trois de mes employés, était
en fait celle où demeurait
mon ancêtre Paul Kane. Cet homme pour notre famille est une
légende comme vous
l’êtes également pour la famille Berlier. N’est-ce pas
Ange ? Paul Kane
est celui qui a fait entrer la famille Kane dans la légende.
Elle nous a bien
servi, je l’avoue. Tout ce que vous voyez autour de moi, je le dois
à la
légende… Ce manoir fut bâti en pierre de lave de Volvic,
ainsi que le fut au
Moyen Âge la cathédrale Notre-Dame de l’Ascension de
Clermont. La pierre
volcanique a la réputation non usurpée d’apporter force
et protection contre
les attaques des sorciers et autres magiciens noirs. « Pour ce qui est
de nos recherches dans la
maison de Paul Kane, elles ont été
réalisées dans le plus grand secret. Il ne s’agissait
pas que les sbires de notre gouvernement en soient informés.
Rien n’empêche
d’ailleurs qu’ils ne le soient pas à présent, ainsi que
je le crains
aujourd’hui. C’est pourquoi il nous faudra agir et ce, le plus
rapidement
possible. « Bien !
Monsieur Patrick Berlier vous
connaissez à présent, le contenu des deux inscriptions.
Que vous
inspirent-elles ? » Patrick revint sur ses
premières réflexions
formulées à brûle-pourpoint dans
le
restaurant de Séraphin Berlier. Le Maître des lieux
hochait la tête, se
contentant d’émettre quelques « Bien, bien,
bien ! » Puis il
conclut : « -Vos
réflexions sont très intéressantes.
Ces 140 années furent en effet, une période noire pour la
France. La période
des CHEVALIERS AVEUGLES. Mon ancêtre, et plus
précisément le groupe auquel il
appartenait, ont lutté dès l’année 2020 contre cet
ennemi maléfique. Ces
chevaliers noirs voulaient et veulent encore emprunter le CHEMIN DE
RAMON qui
mène vers la LUMIERE. Leur but était de pervertir ce
lumineux chemin… Que
pensez-vous Monsieur Patrick Berlier de l’expression CHEMIN DE
RAMON ? - Ce que j’en pense ? Eh
bien, je note tout
d’abord que votre ancêtre, ou plutôt l’un de vos
ancêtres, avant de quitter
définitivement l’ancestrale maison pour ce manoir, a su mettre
bien en évidence
la cheminée. Bien que le nom latin de la cheminée, camina, désigne l’âtre, ou le foyer, il est
reconnu que le vieux
français cheminee, a subi l’influence
du mot chemin. Le CHEMIN DE RAMON,
m’apparaît ainsi comme le CHEMIN DU RAMONeur. Il y a comme
très souvent dans la
symbolique de la cheminée, une ambivalence. Voie de
communication mystérieuse
avec l’Autre Monde, elle est empruntée dans les légendes,
par les sorcières
juchées sur leur balai, ou par le Père Noël ainsi
que les parents aiment à le
raconter aux enfants, tout au moins, à mon époque… Cet
axe reliant l’Autre
Monde apparaît comme un sujet récurrent dans les romans
fantastiques, voire
même de science-fiction. Certaines cheminées
permettraient, suivant les
romanciers, d’accéder à l’Autre Monde des Celtes. Mais
tout ceci n’est que
légende. « Je note
pareillement que votre ancêtre,
celui qui a quitté la maison ancestrale, a descendu de la
toiture, sans la
briser, la couronne de la cheminée. - Bien, très bien
même ! reprit le Maître
des lieux, Et donc qu’en déduisez-vous ? - J’en déduis
qu’il y aurait de la part de
votre ancêtre, la volonté d’orienter notre recherche vers
la Royauté. Pour
arriver chez vous nous avons longé la Côte Sauvage et Ange
m’a dit que ce
littoral est aussi nommé par certains, Côte Royale… « L’inscription que
vous avez découverte
dans cette couronne, indique que le
DRUIDE APPORTERA LA LUMIERE DU 4 MAI. Sachant que dans le siècle
qui est le
mien, je suis surnommé le Druide du Pilat, j’en déduis et
mes nom et prénom
écrits en alphabet Braille, le confirment, qu’il s’agit bien de
moi ! Ma
présence en ces lieux et temps me le confirme ! » Le Maître des lieux
interrogea une fois encore
Patrick : « - Et cette
LUMIERE DU 4 MAI que vous
apporterez, de quoi s’agit-il à votre avis ? - Dans l’ancien dialecte de
Saint-Étienne,
apparaît le mot Mouleyre et plus
précisément Lou furo de mouleyre.
Bien que le mot furo restait obscur
pour le Professeur Eugène Veÿ,
le mot mouleyre devait-être, pour ce
célèbre
linguiste, rapproché du vieux provençal molada,
« suie, noir de fumée » qu’il convient
disait-il, de rapprocher aussi
du vieux français molée, dit aussi noir de chaudière. Ce nom est aussi
donné à la poudre de pierre et de fer qui tombe de la
meule des taillandiers et
qui servait de teinture. Pour cet éminent dialectologue,
agrégé de l’université
à Saint-Étienne, Lou furo
de mouleyre devait désigner le
‘’ramoneur’’. Il avait
assurément raison. « L’inscription
relève tout à la fois du
cryptogramme et de la prophétie, sauf si bien sûr Paul
Kane, votre ancêtre,
serait tout comme moi, venu à votre époque… Cette
inscription est postérieure
de quelques 110 ans à l’étude du Professeur Eugène
Veÿ, mais elle me donne à
penser que nous aurions ici une allusion à quelque Ramoneur
de Saint-Étienne. Le centre primitif de la cité avait
nom
Sanctus Stephanus de Furano. Le Furan qui donna son nom à la
cité, est la
rivière qui descend des Monts du Pilat. Certains érudits
ont voulu reconnaître
dans son nom le latin fur, évoquant
le ‘’voleur’’ ! Georges Dumézil y a également vu,
une racine
indo-européenne désignant les sources et les puits,
attestée par le nom de Furrina, déesse des
eaux souterraines et patronne du creusement des puits. « L'orthographe
Furens, parfois usitée, est
totalement usurpée et due à la latinisation abusive du
nom Furan qui est
d'origine gauloise. Le suffixe an-on, et son féminin ane-one,
sont des hydronymes typiquement celtiques. Néanmoins l’étymologie
populaire a reconnu dans ce Furens un
mot latin, le Furieux. Bien entendu, Jules César l’aurait
d’ailleurs baptisé
ainsi ! Cette étymologie tout autant que la nature de cours
d’eau, torrent
à ses heures, a le mérite d’évoquer l’aspect
fuégien de ses eaux. Joachim Du
Bellay dans l’un de ses poèmes écrivait ‘’le feu
tournoyast furieux’’. Auguste
Callet, évoquait dans sa Légende des
Gagats, les vertus presque magiques des eaux du Furan pour la
trempe des
aciers. « Et LOU FURO DE
MOULEYRE, me direz-vous, à
quoi va-t-il correspondre dans l’inscription ? Petite
parenthèse, des
familles d’origine bretonne portent le nom de Fur, Le Fur, etc… Ce nom
que l’on
trouve en gallois et que l’on trouvait déjà en vieux
cornique signifie ‘’Sage’’
mais il s’agit en fait d’une déviation sémantique car il
est issu du latin fur signifiant…
‘’Voleur’’ ! » Robert Kane qui jusqu’à
présent écoutait
religieusement Patrick Berlier l’interrompit, non s’en s’excuser :
« - Permettez-moi,
s’il vous plaît, à ce
moment précis de votre excellent commentaire, de vous donner
quelques
explications concernant ce FURO. Il se trouve que ma famille se nomme
Kane.
Suis-je vraiment le descendant de Solomon Kane ? Il m’est
difficile de
l’affirmer, bien que j’aimerais, comme devait aimer à le penser
mon ancêtre
Paul Kane, que notre famille ait un tel ancêtre. Robert Howard
puisa dans les
vieilles légendes galloises, écossaises et irlandaises
pour rédiger son œuvre
littéraire foisonnante. Mes lointains ancêtres les Kane de
la première
génération, étaient originaires du Devonshire. Ils
ont combattu pour le roi de
France et se sont ensuite installés à
Saint-Étienne. Je ne vais pas vous
raconter leurs aventures et mésaventures, toujours est-il, Kane Ier,
tout au moins le premier à avoir quitté
définitivement la Grande-Bretagne, est
arrivé en France au XVIIIe siècle. Il
était accompagné par les deux
frères Fur, des Gallois. « L’aîné,
peu porté sur les armes, bien
qu’il trempât lui-même les rapières de notre
ancêtre, s’installa rapidement à
Furan. On venait de loin voir Maître Fur
le Sage, dit aussi
Fur de Furan. Tout près de sa forge résidait son
frère que l’on surnomma
rapidement Lou Furo de Mouleyre, car oui il était ramoneur et
son nom ou plutôt
son surnom est passé à la postérité. « Il connaissait le
chemin de la lumière.
Cette lumière, de tradition était symbolisée par
la ‘’bûche de Noël’’ que l’on
faisait brûler dans la cheminée. Dans le Christianisme
cette lumineuse bûche
symbolisa l’Enfant Jésus, Lumière du monde… Mais je vous
en prie Monsieur
Patrick Berlier, finalisez votre propos concernant cette LUMIERE DU 4
MAI. - Très bien
Maître. Je me rappelle enfant, que
les ramoneurs, bien qu’étroitement associés dans la
symbolique au temps de
Noël, vénéraient tout particulièrement saint
Florian (la Sainte Fleur de
l’inscription) dont la fête si je me souviens bien, se place
précisément le 4
mai. Florian, le ‘’Florissant’’, le ‘’Resplendissant’’, le
‘’Brillant’’, guide
LOU FOURO DE MOULEYRE, dont il est le saint patron. - Si je comprends bien
l’inscription, je suis
sensé apporter cette année même, LA LUMIERE DU 4
MAI. Autrement-dit, cette
‘’lumière’’ que je n’ai assurément pas emmenée
durant ce premier voyage.
J’imagine que je l’emmènerai lors de mon second voyage
qui aurait lieu,
donc, cette année même et j’ose l’espérer, cette
fois-ci non à l’insu de mon
plein gré car je ne suis pas sûr de bien
comprendre !!! J’espère
d’ailleurs que vous m’expliquerez... Car je n’en doute pas à
présent, vous
n’êtes pas étranger à ma venue. J’en
reviens donc à cette ‘’lumière’’,
elle permettra à Lou Furo de Mouleyre (le descendant actuel de
Fur le Ramoneur)
sous la houlette de la SAINTE FLEUR et de l’ANGE de parvenir AU-DELA.
La SAINTE
FLEUR correspond à saint Florian et aux différentes
corporations qu’il
patronne : les pompiers, les charbonniers ou les ramoneurs. Bien
que je ne
sois pas un spécialiste, le symbole représenté
à droite sur le document est la
croix de saint Florian. Sur cette croix apparaît très
souvent l’inscription
rédigée en différentes langues : Saint
Florian priez pour nous. « J’ai d’ailleurs
pu observer dans cette
salle une belle représentation de ce saint : Saint
Florian Certains tableaux le
représentent éteignant
l’incendie avec son seau. D’autres, tel celui-ci, représentent
l’ANGE son
compagnon, éteignant lui-même l’incendie. Il y a dans
cette représentation
quelque chose de La Melencolia § I (mais sans la
Mélancolie…) de Dürer.
Chez Dürer, le putto ou petit ange, est penché sur une
meule. Sur cette
représentation, le petit ange vide son sceau d’eau auprès
de la meule. Le feu
destructeur est éteint, bientôt l’ange fera tomber du ciel
la meule, ainsi
qu’indiqué dans l’Apocalypse de Jean. Lorsque la meule sera
jetée dans la mer,
Babylone la Grande, la grande prostituée, périra. Dans la
Bible la prostitution
représente le culte des faux dieux avec ses prostituées
sacrées. La Grande
Babylone apparaît dans la première inscription sous les
traits des Chevaliers
Aveugles. L’ANGE associé à la Sainte Fleur
représente aussi la Société
Angélique. Ce qui me permet d’affirmer que cet autre symbole
figuré sur le
document, représente l’Étoile du Matin ou Morgenstern,
arme blanche contondante
terminée par une masse… le symbole de la Société
Angélique. « L’inscription
date de l’année 2020. J’ai
des doutes sur la survivance à cette époque de la
Société Angélique. Certains
auteurs ont osé l’avancer, je ne contredis pas mais ne l’affirme
pas non plus.
De lyonnaise, la Société Angélique est devenue
parisienne. Certains auteurs
affirment même qu’elle perdura un temps en Belgique. Mais
perdura-t-elle au XXIe
siècle personnellement je n’en sais rien ! Voilà,
Maître ce que
m’inspirent les deux inscriptions. J’ai idée que les
illustrations placées au
haut et bas de l’inscription ne sont pas étrangères
à ma mission mais je vous
laisserai à présent m’éclairer sur mon rôle
dans cette histoire. - Bien, bien, bien ! Je
vais donc vous éclairer – car c’est bien de
lumière
qu’il s’agit ici. Je vais vous mettre au parfum quand au rôle qui
sera, qui est le vôtre ! Permettez-moi tout
d’abord de vous félicitez pour vos commentaires avisés –
mieux – éclairés. Vos
réflexions me montrent que vous être bien l’homme qu’il
nous faut. Je vais être
franc avec vous, nous avons besoin au sein de la Société
Angélique, d’un
Vaguemestre entre votre époque et notre époque… entre mon
ancêtre que vous
rencontrerez dès votre retour et la Société
Angélique d’aujourd’hui dont je
suis l’un des membres. Le cénacle a perduré dans l’ombre
tout au long des
siècles. Vos cousins Ange et Séraphin, tout comme leur
père et le père de leur
père, étaient et en sont membres. Vous-même l'avez
été, ou plutôt le serez
rapidement. « Mon ancêtre
s’est longuement interrogé,
bien qu’il n’en fût pas le décisionnaire, sur la personne
qui pourrait remplir
une telle mission. Il s’est avéré que vous étiez
l’homme de la situation. En ce
qui vous concerne, vous aviez déjà pratiqué. Je
connais votre rencontre avec le
grand Jules Verne… Le Jump ainsi que nous appelons le saut vers
le passé
ou vers le futur est devenu interdit depuis que le Gouvernement, suite
à la
Grande Inondation, s’est installé à Clermont… Oui, que
souhaitez-vous dire,
Monsieur Patrick Berlier ? - Vous parlez de ‘’jump’’.
Je n’ai pas
souvenir d’un jump pour ma venue en ce siècle ! Je
me suis fait
sonner le réveil dans mon lit – tout au mon je pensais
être dans mon lit – par
Ange. Tout cousin qu’il soit… je n’ai guère
apprécié le procédé. Ceci ressemble
plus à un bizutage militaire ! Encore heureux que l’on ne
m’ait pas
réveillé avec un lit en cathédrale ! Vous
auriez tout de même pu me faire
venir en ce XXIIe siècle de
façon moins
cavalière ! - Sache mon Cher Patrick, je
te le répète, je
n’étais pas au courant, se défendit Ange.
Je comprends d’ailleurs tout à fait ! De par mes fonctions
de détective
privé, il m’arrive d’avoir des réactions on ne peut plus
expéditives et
j’aurais pu réagir différemment ! » Le Maître du Manoir
reprit la parole : « - En fait,
j’avais envoyé Ange enquêter à
Clermont auprès de nos indics sur l’avancée des
Chevaliers Aveugles dans la
capitale. Notre meilleur détective ne devait rentrer que demain
mais sa mission
qu’il me relatera ultérieurement s’est avérée plus
courte que nous le pensions.
Vous retrouver dans votre lit était, pensions-nous, la
façon la plus calme de
vous accueillir en notre siècle. L’un des nôtres avait
pour mission de vous
accueillir lorsque vous auriez quitté votre lit… Que dites-vous…
De vous
cueillir… Non, de vous accueillir dans la sérénité. « Lorsque le
savoir, les connaissances
scientifiques sont devenues propriété exclusive de
l’État Français, de vives
protestations au sein des diverses échelons de la
société de sont élevées. Une
opposition, dont je suis l’un des maillons, c’est rapidement
constituée. Les
maillons clandestins de cette chaîne de résistance
existent sous le nom
de Chevaliers de la Côte du Roi. Le Manoir où vous
vous trouvez
actuellement, recouvre le Q.G. des chevaliers. » Patrick eut droit à une
visite guidée de ce
laboratoire souterrain, haut-lieu du
savoir où œuvraient des scientifiques de renom. Robert Kane
expliqua à Patrick
que depuis ce laboratoire, des scientifiques avaient
opéré son jump ou saut dans le temps. La
visite se
termina dans la Bibliothèque des Chevaliers de la Côte du
Roi, dont une partie
était réservée à l’Histoire et plus
précisément à l’Histoire secrète du Pilat. Patrick n’en croyait pas ses
yeux. Devant lui,
autour de lui, s’étalaient des dizaines de milliers de livres
parmi lesquels
ses propres livres dont certains n’étaient pas encore
rédigés, ce qui provoqua
en lui une étrange sensation de vertige. Il aurait payé
cher pour pouvoir
passer quelques heures dans cette bibliothèque mais le temps
passé en ce lieu,
était compté. Le Maître du Manoir, dit
à Patrick : « - Nous avons
dans cette bibliothèque des
livres insoupçonnés ! Des livres introuvables et
pourtant il nous manque
une pièce majeure… LE LIVRE de LOU FURO DE MOULEYRE. Le
livre de Lou Furo de Mouleyre Lou Furo de Mouleyre, le
Ramoneur, dans le secret
de la forge de son frère Maître Fur le Sage, dit aussi Fur
de Furan, rédigea en
1764, son livre d’Adepte : EAU & FEU OU LA LUMIERE. La
détention de ce livre nous permettrait – nous permettra ! –
de vaincre les
Chevaliers Aveugles de Clermont. Nous avons découvert où
se trouve ce livre, la
seconde inscription nous l’indique. Il se trouve à votre
époque dans la célèbre
bibliothèque de l’abbaye de Saint-Florian, en Haute-Autriche. Le
blason
représenté sur l’inscription est celui de la cité
de Sankt Florian où se trouve
l’abbaye. Votre mission, Cher Monsieur Berlier, si vous l’acceptez,
sera
d’aller chercher le livre et de nous le rapporter… » Patrick déglutit sa
salive : « - de vous la
rapporter… rien que cela.
Vous rigolez, je ne suis pas Sean Connery ! Cette mission
impossible n’est
pas pour moi, elle rentre plus dans les cordes d’un détective
privé, comme
Ange ! - Mais rassurez-vous, Ange
partira aussi avec
vous. - Hein ! Je pars avec
Patrick… au XXIe
siècle !? - Effectivement, vous
êtes l’homme de la
situation. Vous êtes tous deux les hommes de la situation, comme
le sont – et
je le dis respectueusement – Sherlock Holmes et le Docteur Watson. - Oui, ou comme Berlier et
Berlier, ajouta
Ange ! - Oui, ou comme Dupont et
Dupond, renchérit
Patrick. Non, laissez, il faut être de mon époque pour
connaître... et
d’ailleurs Berlier et Berlier… ça me plaît ! - Quoiqu’il en soit, reprit
le Maître des
lieux, nous sommes le 23 novembre 2160. Vous avez effectué
votre jump
ce même 23 novembre mais depuis l’année 2020. Votre
retournerez à votre époque
aujourd’hui même. Vous serez de retour le 24 décembre…
avec le livre – l’échec
est impensable. À présent l’heure est venue de
préparer votre départ. Je vous
laisse entre les mains de ces personnes que voici, elles vous
expliqueront
votre mission. » Quelques heures plus tard les
agents Berlier et
Berlier effectuèrent le jump et se retrouvèrent
dans l’appartement de
Patrick en l’année 2020. Les tenues arborées à
présent par les deux agents
correspondaient à celles portées par Monsieur
Tout-le-Monde en cette période de
l’année. Après un rapide
dîner, Patrick laissant Ange face
aux infos diffusées par une chaîne du câble, se
dirigea vers son ordinateur.
Durant la rapide formation qu’il avait eu avant son jump, l’un
des
instructeurs lui avait donné le précieux sésame
qui lui permettrait d’accéder à
de précieux renseignements. Patrick réfléchit un
instant : « -…Ah oui, c’est
ça, la lettre initiale du
prénom de mon père associée au mot latin que je
préfère… puis la lettre
initiale du prénom de ma mère, associée à
ma seconde région de cœur… Ils sont
plutôt bien renseignés ! » CF N – B.C.S. – Id. ********* C-A
********** Coffre-Fort Numérique –
Banque Crédit Stéphanois
– Identifiant… et code d’accès... Enter et le
miracle se
produisit. Patrick pensait trouver des
renseignements
ultra-secrets. Surprise, il n’y avait que (mais là devait
être le secret)
l’adresse de Monsieur Paul Kane, avec ces quelques mots : « Messieurs Patrick
et Ange BERLIER, je vous
attends mardi 24 novembre à 15 heures » … … Pile à l’heure, le
taxi déposa les deux
cousins devant la maison de l’ancêtre de Robert Kane dans la
commune de
Saint-Paul-en-Cornillon. Une petite cloche
actionnée par Ange, prévint
l’occupant des lieux, de la venue des deux cousins. Les
présentations furent
rapides. L’homme aux origines britanniques, les reçut dans son
salon au coin du
feu, ce qui était de circonstance… Les deux cousins
aperçurent dans le fond de la
pièce, les deux inscriptions retrouvées par le descendant
du Cornillanais
quelques 140 ans plus tard. La seconde inscription était
à peine terminée…
qu’importe elle le serait le moment venu. « - Votre
présence en ces lieux, me démontre
que tout s’est passé comme prévu. Je suis, vous le savez
membre de la Société
Angélique. L’affaire dans laquelle nous avons été
emportés nous dépasse de
beaucoup mais elle reste, en ce qui nous concerne, Dieu merci, à
hauteur
humaine. J’ai été contacté par les Eldila, les
membres du Cercle intérieur de
la Société. Je sais, mon Cher Patrick que ce nom ne vous
est pas inconnu...
J’ai lu vos aventures dans le récit : Noël Ourifique
pour Maître Hiéronymus
Berlier et Anselme Rollat. Les Eldila luttent depuis des
siècles contre les
Chevaliers Aveugles ou Eldila noirs, des êtres œuvrant dans la
Ténèbre. Ces
Supérieurs Inconnus s’affrontent dans l’espoir de dominer la
Terre. Il est
difficile de bien comprendre ces luttes suprahumaines mais il en va
ainsi
depuis des milliers et des milliers d’années. Mon aïeul
Solomon Kane qui
inspira à Robert Erwin Howard un cycle épique, a combattu
les Chevaliers
Aveugles. Moi-même versé dans les arcanes de cette lutte,
j’ai été contacté par
le Cercle des Eldila… Les inscriptions que voici sont celles qui vous
permettront ou qui vous ont permis, de vous déplacer dans le
temps. - Encore que, reprit
Patrick Berlier, pour
ma part, j’étais déjà là ! Et pour le
coffre-fort numérique… Votre adresse
et même notre rendez-vous, j’imagine qu’il aurait
été possible de faire plus
simple ?! - C’est vrai que vous
étiez-là mais Monsieur Ange
Berlier n’y était pas ! Et c’est vrai que le coffre-fort
numérique n’était
pas nécessaire, mais ce qui est vrai, c’est qu’il est
appelé à resservir et là,
il sera nécessaire pour nous, comme pour vous ! Pour en revenir à votre première
remarque,
bien que je n’aie pris sur ce sujet aucune décision, il
importait que vous vous
rendiez au XXIIe siècle, comme il importe que vous y
retourniez
rapidement. « Je vous ai fait
préparer une chambre pour
cette nuit. Bien entendu, ce soir nous dînons tous les trois
ensemble. Demain
nous allons à Lyon et nous ‘’montons’’ à
Fourvière dans l’ancien
Hôtel*** où se réunissent aujourd’hui les membres
de la Société Angélique. Oui,
Cher Monsieur Berlier, nous y monterons, ainsi qu’y montaient
au XVIe
siècle les adeptes. » Le lendemain matin, les trois
personnages furent
reçus dans les salons de la Société
Angélique. Ange Berlier n’était en rien
impressionné, ceci faisait partie, peut-être pas de son
quotidien, mais tout au
moins de son existence, néanmoins pas toujours angélique…
Patrick, quant à lui
savourait chaque instant, comme il savoura une fois encore l’angélique repas du midi. Menu du
déjeuner angélique L’angélique
repas terminé, Patrick Berlier fut invité à se
présenter devant le sergent-fourrier
de la Société Angélique. Patrick à sa
grande surprise fut revêtu de l’habit
d’apparat des Anges du premier grade. De belliqueux
profane, le bélistre,
il allait devenir le drôle, l’enfant de cœur dit
aussi le crapaud
ou le varlet. Son initiation au premier grade faisait de lui,
le mari
de l’aurore. Les esclops ou sabots dont il était à
présent chaussé, la
ceinture de peau qu’il portait à la taille, la trique au
côté droit, son
costume palé blanc et rouge et les deux bosses de son
chapeau troussé ou
toque, ne lui laissaient aucun doute, il deviendra aujourd’hui un Ange
du
Neuvième Cercle. Le Président
lyonnais du cénacle fit irruption dans le dressing-room. Un
instant il lui
sembla discerner l’émotion naissante du Stéphanois. « - Oui
mon Cher Ami, savourez ce jour comme l’un des plus beaux de votre vie.
Laissez
monter au-dedans de vous la fierté légitime car
aujourd’hui vous allez devenir
l’un des nôtres. Je vous invite à présent à
me suivre dans le cabinet de
réflexion où commencera votre initiation
angélique. Vous resterez ensuite seul,
face à vous-même, avant de pénétrer, lorsque
l’heure sera venue, dans la
Lumière. Sachez que votre poulie fixe, figure
légendaire de l’Angélisme,
s’est permis de déroger en ce jour de la Sainte-Catherine,
à la règle séculaire
du cénacle qui veut : ‘’Une poulie folle, une poulie
fixe’’. Nous
aurons ‘’Deux poulies folles, une poulie fixe’’. » L’heure de
la ‘’montée en loge’’ ou ‘’retour au bercail’’
était venue pour
le futur impétrant à l’initiation. L’heure n’était
plus à la parole, mais,
surprise… la seconde poulie folle n’était autre que
Thierry Rollat dont
le costume était, quant à lui, rayé blanc
et rouge ! Surprise,
Surprise ! dans les regards croisés de Patrick et de
Thierry se lisait une
certaine perplexité. Mais si surprise il y avait, elle fut de
courte durée car
soudain leur apparut la poulie fixe ! Le Stéphanois
et le
Pélussinois n’en croyaient pas leurs yeux, devant eux se
trouvait le mystérieux
Hiéronymus Berlier, grand ami en son temps d’Anselme Rollat
l’honorable
imprimeur !!! Soudain 9
coups de batterie retentissent. Les 9 lumières illuminent les 9
Cercles
Angéliques du Bercail. Pénétrer le 9e
Cercle, c’est entrer dans la
famille angélique qui est aussi la famille du novénaire.
Dans la
Franc-Maçonnerie Écossaise, cette famille est dite famille
des énergies. Note de
l’auteur : Bien qu’il
ne nous soit pas permis de décrire l’initiation angélique
du 9e
Cercle, il ne nous est pas interdit d’évoquer LA MESSE
VOTIVE DES ANGES
qui ne lui est pas étrangère. En 1749 paraît L’ANNEE
CHRETIENNE CONTENANT
LES VOTIVES pour toute l’Année… (T. XIII) Nous y
découvrons d’intéressants
commentaires correspondants à cet office :
« l’église ne se contente
pas d’avoir institué deux jours pendant l’année pour
célébrer la mémoire des
bons Anges, le 29 Septembre qui est la fête de saint Michel leur
chef, & le
2 Octobre celle des saints Anges Gardiens. Mais Voici une Messe Votive
qu’elle
laisse à la dévotion des fidèles, pour les exciter
à penser de plus en plus à
cette société bienheureuse, où ils ne feront avec
les Anges qu’un même corps,
& un temple spirituel où Dieu régnera
éternellement : & la
conduite de ces Esprits bienheureux contre la malice & la force des
mauvais
Anges qui sont nos ennemis spirituels. » L’Épître ce
cette Messe Votive correspond au texte latin du Livre de
l’Apocalypse de
Jean chapitre 5, versets 11 à 14 : « En ces
jours-là, J’entendis
autour du trône, & des animaux & des vieillards, la voix
d’une
multitude d’Anges, dont le nombre alloit jusqu’à des milliers de
milliers, qui
disoient à haute voix : l’Agneau qui a été
mis à mort, est digne de
recevoir la puissance, la divinité, la sagesse, la force,
l’honneur, la gloire,
& la bénédiction… » Dans l’EXPLICATION
DE L’EPÎTRE nous découvrons : « Et autour de
tout sont les Anges comme les
Ministres de Dieu pour le salut des hommes. Ils environnent le bercail
où ils
ont aidé à reconduire les brebis égarées
pour les saluts des hommes. Ils
environnent le bercail où ils ont aidé à
reconduire les brebis égarées pour qui
J.C. le bon Pasteur est descendu du ciel. Si par ce bercail on entend
l’Église,
les Anges l’environnent, pour interdire l’entrée aux
démons & aux autres
ennemis du salut, & pour empêcher que les brebis mêmes
ne succombent aux
tentations qu’elles peuvent avoir d’en sortir. Mais si c’est le ciel
qui est
représenté par ce bercail, les Anges l’environnent pour
la grandeur & la
majesté de celui qui y est assis au milieu dans un
trône. » En 1779 dans
l’ouvrage OFFICES PROPRES DE L’ÉGLISE PAROISSIALE DE S.
LEU-S. GILLES, A
PARIS…, nous apprenons au sujet de la Messe Votive des SS. Anges
Gardiens : « Le premier Mardi de chaque mois de
l’année, on célèbre
une Messe haute des SS. Anges Gardiens, avec Exposition &
Procession du S.
Sacrement avec la Messe. » Cette messe
votive est perpétuée de nos jours par les prêtres
de Saint-Nicolas du
Chardonnet : https://www.youtube.com/watch?v=XlLJKMMeHG8 La cérémonie
d’intronisation dans le 9e Cercle de la
Société Angélique, terminée,
les deux poulies folles retrouvèrent leur poulie fixe
en
tête-à-tête dans un salon. Ce fut Hiéronymus
Berlier qui le premier rompit le silence : « - Mes
Chers enfants, comme je suis heureux de vous retrouver en ce grand
jour. Que de
questions vous devez vous posez ! Un sentiment mêlé
d’émotion et de
fierté, vous étreint. J’ai connu ça moi-même
il y a bien longtemps, mais on
n’oublie jamais ! Patrick, je te revois, hier…, et aujourd’hui tu
me
sembles avoir rajeuni. Tu dois posséder toi aussi quelques
secrets. Je
plaisante rassure-toi. Un Berlier se doit de garder son sens de
l’humour. Quant
à toi Thierry, je te regarde et je revois mon vieil ami Anselme
Rollat. Votre
ascension dans la Société Angélique va se faire
rapidement. Moi-même, je puis
vous l’avouer, bien que je ne devrais pas, j’ai enchaîné
les grades angéliques
à la vitesse grand V. Déjà membre de quelques
obédiences ou cénacles je ne
pouvais qu’aller très vite. Les varlets que vous êtes
aujourd’hui feront
rapidement place au maître parpoli, un grade que toi Patrick tu
apprécies tout
particulièrement d’après ce que l’on a pu me dire. « Rassurez-vous,
vous aurez du temps pour parler mais permettez tout d’abord que je vous
explique la situation… Je suis présentement parmi vous en 2020
pour votre
initiation mais aussi pour assister Patrick et Ange dans une mission
difficile.
Puisque les Eldila du Cercle intérieur, suite à cette
mission, requièrent ma
présente à leur côté en l’année 2160…
En ce qui te concerne Thierry, j’ai
personnellement souhaité que tu intègres la
Société Angélique. L’heure est
venue de réveiller la Confrérie de Sainte-Catherine,
puissante confrérie placée
au Moyen Âge sous la haute protection de l’Ordre du Temple. Je te
sais très en
phase avec la présence toute templière de sainte
Catherine dans le Pilat. Tu en
seras si bien sûr, tu es d’accord, le Grand Maître de la
confrérie. » Les
questions fusèrent. Patrick et Thierry brûlaient d’envie
de connaître, de
comprendre, de... Mais l’heure était comptée.
Hiéronymus et Patrick quittèrent
Thierry, l’illustre descendant d’Anselme l’imprimeur, tout juste promu
Grand
Maître de la Confrérie de Sainte-Catherine. Ange Berlier,
ainsi que Paul Kane
toujours-là, les attendaient dans un autre salon, il convenait
de finaliser
pour le lendemain un départ vers la Haute-Autriche. Le
Cornillanais leur
fournit toutes les instructions utiles pour le bon déroulement
des opérations à
Sankt-Florian. La journée supplémentaire du 26 novembre
à Fourvière, ne serait
pas de trop pour se familiariser au matériel emporté. L’Opération Saint-Florian, telle
était
son nom, devait se dérouler durant la nuit du 27 au 28 novembre.
… 14h30
précises Hiéronymus, Patrick et Ange quittaient
l’aéroport de
Lyon-Saint-Exupéry à bord d’un Pilatus PC-12, avion
d’affaires capable de se
poser en catastrophe sur des pistes sommaires et très courtes,
de terre ou
d’herbe, contrairement aux jets d’affaires. Hiéronymus
appréhendait son baptême
de l’air, mais le Mage en avait connu de pires baptêmes ! Les 915 km à
vol d’oiseau les séparant Lyon de Vienne la capitale
autrichienne, furent
effectués en un peu moins d’une heure quarante. Les trois
passagers échangèrent
sur la vie qui était la leur aux époques respectives qui
les avaient vu naître.
Hiéronymus s’octroya une petite sieste, pendant que Patrick et
Ange
s’arrêtaient une fois encore sur quelques documents. L'abbaye
Sankt-Florian Fondée en
1071 par une communauté de chanoines réguliers de Saint
Augustin, l’abbaye
Sankt-Florian se découvre aujourd’hui dans sa reconstruction en
style baroque,
effectuée de 1686 à 1751 sous la direction de Carlo
Antonio Carlone, puis de
Jakob Prandtauer. Patrick se mit à rêver lorsqu’il
découvrit que la
bibliothèque contenait plus de 150 000 volumes, dont 952
incunables et
1000 manuscrits rédigés entre le IXe et
le XVe siècle.
Hiéronymus qui venait de sortir de sa sieste apprit aux deux
cousins qu’il
connaissait déjà les lieux et qu’il avait pu par le
passé y admirer et étudier
certains de ses manuscrits originaux. Déjà l’avion
se posait à Vienne. Le chauffeur de l’Angélique
Viennoise, les invita à prendre
place dans la Volvo. Il convenait tout d’abord de passer à
l’antenne viennoise
de la Société Angélique pour d’ultimes
recommandations. Les organisateurs de
l’Opération Saint-Florian avaient estimé que les trois
membres du commando,
afin de ne pas être repérés à leur
arrivée à Sankt-Florian, devaient circuler
en voiture. Quoi de plus courant qu’une Volvo en Autriche... Via
l’autoroute
A1, le trajet long de quelques 168 km n’excéda pas 1h50. Il
faisait grand-nuit
lorsqu’ils arrivèrent à proximité de l’abbaye. Les
affaires, bien que rondement menées, n’en furent pas moins
animées. Les membres
de l’opération, faisaient plaisir à voir.
Hiéronymus qui avait troqué ses
habits fin XVIe siècle pour une tenue camouflage du
dernier cri,
avait chaussé comme ses deux comparses, des lunettes de vision
nocturne,
infrarouge et numérique, compatibles avec le port de lunettes
traditionnelles.
Non, nos trois snippers n’allaient pas à la chasse au
dahu, ni même à la
recherche de terroristes. Patrick apparaissait dans ce trio, comme le
scientifique. Armé d’un ordinateur potable, il lui incombait de
neutraliser
tous les systèmes de protection qu’ils rencontreraient dans
cette partie de
l’abbaye. Ange quant à lui, se devait de protéger leur
avancée. Ils tomberaient
sûrement sur quelques veilleurs de nuit. Il ne s’agissait pas de
les envoyer de
vie à trépas, mais de les neutraliser pour la nuit
à l’aide d’un fusil
hypodermique. Hiéronymus Berlier était lui aussi
armé mais ses armes étaient
d’une toute autre nature. Elles avaient fait leur preuve face aux
Eldila noirs. Bientôt le
trio arriva aux portes de la bibliothèque. Patrick redoubla
d’activité.
L’ordinateur chauffé déjà par les quelques
désactivations effectuées, sembla
ramer quelque peu lorsqu’il fallut désactiver toutes les alarmes
de la
bibliothèque. Il en restait une mais il lui fallait localiser
son emplacement.
Par chance elle était proche du lieu où se trouvait le
mystérieux livre de Lou
Furo de Mouleyre. Hiéronymus commençait à
ressentir les étranges vibrations
émanant du livre. Il savait qu’il allait rapidement rentrer en
action. Il se
revêtit d’une tenue imperméable au rayonnement destructeur
émanant du livre.
Cette tenue était constituée de chaussures protectrices,
d’une longue cape avec
capuchon et d’un masque assez différent de celui qu’il avait
dû porter à cause
de la Covid-19. Par une
pression manuelle bien dosée sur la paroi en bois du mur de la
bibliothèque,
Ange ouvrit un passage secret dans lequel se trouvait le livre. Pendant
que
Hieronymus s’en emparait, avec protection de rigueur et quelques gestes
secrets
dont il avait le secret, trois hommes firent irruption dans la
bibliothèque.
Ange comprit de suite qu’il s’agissait de membres de la
Société Angélique du
diacre Nicolas, au service des Eldila noirs. En moins de temps qu’il
fallait
pour le dire, il sortit sa sulfateuse, dernier cri. Le premier Ange
noir
ayant accédé à la bibliothèque, fut
rapidement renvoyé dans l’Hadès d’où il
n’aurait jamais dû sortir. Le second très rapide se
trouvait déjà face à Ange.
Le détective privé du XXIIe siècle
reconnut immédiatement l’homme
qui lui faisait face, il s’agissait d’un contemporain répondant
au nom d’Ange
noir. Non cet Ange n’était pas un frère d’Ange Berlier
mais plutôt son double
inversé, l’insaisissable ennemi. Que de fois, il fut sur le
point de le
maîtriser et toujours ce dernier parvenait à
disparaître. Hiéronymus
sortait du passage secret, son trophée à présent
enfermé dans un sac
protecteur. Mais voici que le troisième homme de la
Confrérie du diacre Nicolas
se jetait sur lui. Hiéronymus le reconnut de suite : « -
Draconus, comment n’ai-je pas pensé à toi ! Toujours
au service des Forces
Aveugles ? - Et toi
vieil hibou, toujours au service de tes Eldila blancs ? Donne-moi
le
livre ! - Jamais,
plutôt mourir ! - Si c’est
ce que tu veux et sois bien tranquille, tu ne repartiras pas vivant
d’ici ! » Perdu entre
un combat de Titans opposant deux vieux Mages pleins de ressources
et
deux guerriers du futur pétris d’hostilité l’un pour
l’autre, Patrick fut
soudain saisi de panique. Était-il vraiment à sa
place ? Que devait-il
faire ? Voici que retentit, entre deux puissants
halètements de nature
féline, la voix puissante de Hiénonymus : « -
Patrick, mon fils, prend le sac. Ne l’ouvre pas et va aussi vite que tu
le peux
vers la voiture où nous attend notre chauffeur.
Pars… » Ni une, ni
deux, le Stéphanois quitta la bibliothèque sans se
retourner. Il s’efforça
d’ignorer les cadavres des veilleurs de nuit tués par les trois
membres du
cénacle adverse. La voiture était là, le souffle
lui manquait : « -
Démarre, démarre… - Et les
deux autres on ne les attend pas ? - Non
démarre. » Patrick
raconta au chauffeur de la Société Angélique de
Vienne le combat qui faisait
rage à présent dans la bibliothèque. Arrivé
à l’antenne viennoise de
l’Angélique, Patrick remit le sac au Président du
cénacle. Puis il fut conduit
à sa chambre. Épuisé par l’émotion et par
la fatigue, mais rongé d'angoisse en
l'absence de nouvelles de ses amis, Patrick aurait bien du mal à
s'endormir si
le thé qui lui avait été offert à son
arrivée n'avait été préalablement – et
discrètement – chargé d'un somnifère naturel mais
puissant. Lorsqu’il se
réveilla le lendemain matin, encore marqué par sa Nuit
au musée, euh
non, sa Nuit à la bibliothèque – encore que – il
descendit prendre son
petit déjeuner et surprise, Hiéronymus et Ange
étaient là prenant paisiblement
le leur. « - Mes
Amis, vous êtes là, vivants ! - Oui
pourquoi, tu en doutais ? Répondit
Hiéronymus. - Je
l’espérais bien sûr ! Vous les avez vaincus ! - Il y a des
adversaires contre qui le combat n’est pas gagné d’avance et
Dieu sait que ce combat,
par foi de Hiéronymus, était dantesque ! Nous
n’avons pas vaincu mais
avons réussi à les maîtriser assez de temps pour
que tu puisses mettre à l’abri
le précieux livre. Il est des ennemis que l’on retrouve toujours
sur notre
route, c’est notre destin, mais viendra le jour où leur mort
sera au bout du
chemin. » Bien que
n’ayant peu dormi, les trois agents Berlier furent conduits en
lisère du Cercle
intérieur de la Société Angélique. Les
Eldila maîtres du temps et de l’espace,
leur donnèrent leur passeport pour un jump vers le XXIIe
siècle, au
matin du 24 décembre 2060. Ainsi le sac et son contenu furent
déposés par
Hiéronymus dans les caves du Manoir de Robert Kane. Une lutte
sans merci allait
à présent se mettre en place entre les Eldila blancs et
les Eldila noirs ou
Chevaliers aveugles, une lutte à laquelle Patrick et Ange ne
participeraient
pas. Mais pour
l’heure les trois Compagnons Berlier allaient prendre un repos bien
mérité. Le
soir les trois amis furent invités à réveillonner
à la Taverne Berlier. Autour
de la table, se trouvaient, outre les trois membres du Commando
Berlier,
le restaurateur Séraphin Berlier, le Maître du Manoir
Robert Kane et, surprise,
l’ancêtre de ce dernier, Paul Kane ! Hiéronymus,
l’homme aux mille souvenirs, leur raconta soudain la rencontre qu’il
fit au
XVIIIe siècle avec le premier des Kane en France et
ses deux
collaborateurs, les frères Fur installés à Furan… Patrick
était aux anges, il aurait aimé que Thierry
fût présent, ainsi qu’il le
fit savoir à ses amis. Hiéronymus, qui détenait
assurément quelque don de
voyance, lui affirma que Thierry, à présent Grand
Maître de la Confrérie de
Sainte-Catherine, prendrait part dans l’avenir – dans son avenir –
(voire dans
son passé) à d’autres aventures. Le repas
concocté par Séraphin Berlier fut un régal. La
Taverne Berlier n’avait
assurément pas usurpé ses trois étoiles
répertoriées au Guide Gargantua… Pour
Patrick, le retour était prévu pour demain dans
l’après-midi, mais notre
Stéphanois, sollicita une requête, un souvenir… Il
souhaitait ramener à son
époque une photo de la mer au pied des montagnes du Pilat. Les
deux frères n’y
auraient vu aucun inconvénient. Ange ou Séraphin aurait
pris la photo. Le
problème est qu’il avait neigé abondamment ces derniers
jours, la mer était
agitée et il n’était guère prudent de se rendre
sur les lieux. Patrick
paraissait quelque peu déçu lorsque soudain,
Séraphin s’écria : « -
Je possède une photo de ces montagnes
baignées par les eaux de la Mer du Forez. Les montagnes ne sont
pas enneigées
comme elles le sont en cette période de Noël, car la photo
a été prise en été,
mais si tu la veux, je te la donne. - Un peu que
je la veux… Oh merci Séraphin, elle est magnifique. Le Pic des
Trois Dents se
mirant dans l’eau… fantastique ! Tu es doué. - Eh l’ami
je ne suis pas un Berlier pour rien ! Tiens Patrick, trinquons aux
Berlier ! Vous êtes d’accord Maître
Hiéronymus ? - Oui mon
fils, je suis d’accord, à condition que nos amis Paul et Robert
Kane le soient
aussi ? … à la bonne heure ! : ‘’À la
santé des Berlier… et à la
santé des Kane’’ ! Et Joyeux Noël à tous... Le
Pic des Trois Dents se mirant dans l'eau |