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Les Bâtisseurs du Sacré   et
Le Grand Triangle de la Déesse de Lyon








Présenté par
Eric Charpentier










Novembre
2022



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Géométrie Mégalithique

Une difficulté vient souvent agacer l’esprit cartésien : comment en effet prêter à des hommes du néolithique – qu’on habille de peaux de bêtes – la capacité intellectuelle et les connaissances mathématiques ou géométriques nécessaires à la théorie de la géométrie mégalithique ? Mais cette difficulté ne tient plus aujourd’hui car les connaissances du milieu social dans lequel vivaient ces hommes ont considérablement évoluées ces dernières décennies, au point que les plus grands spécialistes du néolithique, n’hésitent plus à qualifier les bâtisseurs de mégalithes d’architectes ou d’ingénieurs.

« Il a donc fallu un pouvoir politique de décision pour extraire des blocs allant jusqu’à 300 tonnes, transportés parfois sur plusieurs kilomètres, ensuite dressés et organisés, donc des ingénieurs de première qualité »

(Jean L’Helgouac’h, L’art mégalithique en Europe, in Dossiers d’Archéologie n°230, février 1998, page 7)

 

« … ceci confirme que les constructions mégalithiques n’étaient pas faites au hasard mais « pensées » par de véritables architectes. »

(Jaques Briard, Les Cercles de pierres préhistoriques en Europe,

Editions Errance, 2000, page 29)

 

 

 

01 - Erection d'un menhir

Illustration Laurent Lefeuvre

©http://laurentlefeuvre.over-blog.com

 

On ignore qui étaient ces bâtisseurs de mégalithes puisque l’époque durant laquelle ils œuvraient ne nous a laissé aucune trace écrite. Les premiers individus susceptibles en Gaule de disposer de ces connaissances sont les druides. Et c’est bien là l’opinion de Jean-Louis Brunaux de proposer qu’ils puissent avoir été les descendants d’une caste d’hommes hors du commun :

 

 

 « Il est plus raisonnable de voir dans le druide le descendant ou plus exactement le dernier avatar d’une caste d’hommes hors du commun qui s’étaient détachés de leurs congénères depuis plusieurs siècles déjà. Il est évidemment difficile de se représenter une période aussi ancienne – en gros celle de l’âge du Bronze – qui dans la partie occidentale de l’Europe n’appartient même plus à la protohistoire, mais marque la fin des temps obscurs de la préhistoire…  C’est ainsi dans cet âge du Bronze, aux limites chronologiques imprécises, qu’il faut situer l’origine lointaine des druides ».

(Jean-Louis Brunaux, Les druides. Des philosophes chez les Barbares, Editions du Seuil, 2006, p. 140-143).

 

 

L’archéologue français Jean-Louis Brunaux, est spécialiste de la civilisation gauloise et chercheur au CNRS (Laboratoire d'archéologie de l'ENS). Il a dirigé de nombreuses fouilles sur les sites gaulois et a rédigé plusieurs monographies sur ses recherches archéologiques. Il s’est également intéressé après Christian-J. Guyonvarc’h et Françoise Le Roux, à la thématique des « Druides  » dans un ouvrage intitulé « Les Druides, des philosophes chez les barbares » et dans lequel il met en évidence que la religion des druides ressemblait à une école philosophique « à la grecque », fortement influencée par celle de Pythagore.

 

Dans un autre ouvrage il nous livre l’extrait suivant :

 

« Les druides – à vrai dire, quelques-uns d’entre eux – s’étaient depuis longtemps transformés en géomètres. Ils œuvraient avec des cordes étalonnées pour établir des plans quadrilatères dont les angles droits avaient été déterminés à l’aide de la règle du 3, 4, 5 pieds, soit héritée du théorème de Pythagore soit découverte par eux empiriquement. Ils se livraient aussi à des opérations de grande envergure, calculs de surface, implantation des longs chemins rectilignes sillonnant la Gaule et qu’on appellera plus tard « voies romaines ». Depuis longtemps aussi, ils avaient pu en déterminer le centre avec une précision qui stupéfie : la cité des Carnutes qui matérialise celui-ci se trouve à égale distance des limites extrêmes que donne César à la Gaule, le Finistère, le delta du Rhin, l’extrémité du plateau suisse, la mer Méditerranée et les Pyrénées. C’était un exploit qu’on ne peut mesurer qu’en le comparant à celui nécessaire pour déterminer le centre exact de la France, qui ne fut déterminé avec précision qu’au XXème siècle. »

(Jean-Louis Brunaux, « L’univers des Gaulois. Art, Religion et Philosophie. », Archéologie Nouvelle, 2015, p. 45)

 

Jean-Louis Brunaux confirme ainsi que les druides étaient non seulement des géomètres, mais qu’ils possédaient en outre des compétences qu’il n’hésite pas à qualifier de « stupéfiantes », en étant capables de mesurer la Gaule sur des milliers de kilomètres avec une précision que l’homme moderne n’a atteinte qu’au XXème siècle. L’auteur s’inspire sans doute ici des propos que tenait déjà Bernard Robreau une vingtaine d’années auparavant :

 

« Les druides connaissaient très probablement un art de la géographie sacrée qui leur a permis non seulement de spéculer « sur les dimensions du monde et celles de la terre(*) », mais aussi de déterminer de manière pré-scientifique les sites des villes gallo-romaines. (*) : CESAR, La Guerre des Gaules, VI, 14. ». 

 

 

 

 

 

02 - Astérix et les Goths

©René Goscinny et Albert Uderzo

©Dargaud

 

 

Et lorsque son prédécesseur s’interroge sur la position relative de la Butte de Rochefort avec les extrémités de la Gaule, il nous déclare :

 

« la précision nous paraît absolument stupéfiante et nous aide à nous convaincre que les Gaulois étaient réellement capables de calculer où était le centre de leur nation. »

 

(Bernard Robreau, Les Carnutes et le centre de la Gaule, Société archéologique d’Eure-et-

Loir, 1997)

Bernard Robreau est Docteur d’Histoire (Université de Tours), spécialiste des mythologies celtes et de l’hagiographie latine de la Gaule ; Directeur des publications de la société Dunoise Archéologie, Histoire, Sciences et Arts (1989-1998 et depuis 2006) et Directeur des publications de la Société de mythologie française (depuis 2014).

 

Il rappelle d’ailleurs à cet effet, que cette capacité à mesurer un pays en long et en large est précisément décrite dans l’histoire de Lludd et Llevelys,  texte gallois faisant partie des Mabinogion :

 

 « Ce document nous entraîne à revenir du mythe à l’histoire. Ne constituerait-il pas le souvenir mythifié des connaissances des druides sur la dimension des pays ? On remarquera de plus que la révélation est faite par le roi de France au roi de Bretagne, comme s’il y avait là le vestige de l’idée qu’un tel savoir était né en Gaule et avait été ultérieurement importé en Bretagne. » ;

« Les gaulois sont susceptibles d’avoir construit mathématiquement l’espace. Nos études hagiographiques nous l’avait fait suspecter plusieurs fois. C. Jullian l’admet implicitement, le texte gallois de Lludd et Llevelys semble l’avoir mémorisé et César (les crieurs) comme Raoul de Presles (les feux et sans doute la fumée), nous indiquent deux moyens par lesquels ils transmettaient des informations. L’arpentage ne leur était pas inconnu non plus, comme l’a montré le travail de B. Liger(*) sur les parcellaires carnutes. L’emprunt des noms de la lieue et de l’arpent par les Romains milite également en faveur de leur science en cette matière. (*) : Les parcellaires et réseaux routiers en Beauce de Mer à Patay, 1974. » ;

« Ainsi nous découvrons qu’en Gaule du Nord, beaucoup de capitales de cités ne se localisent pas au hasard, mais selon des emplacements strictement calculés qui ont probablement fait l’objet d’une détermination entrant dans le cadre d’une géographie sacrée et tendant à les implanter en des lieux chargés d’une puissance bénéfique. » ;

« Jusqu’aux IVe-Ve siècles, la tradition a fort bien pu se transmettre à travers l’enseignement d’un corps de prêtres païens encore rompus aux techniques de mémorisation de ces druides de l’époque césarienne qui refusaient de confier leur science traditionnelle à l’écrit et qui communiquaient sans doute encore leur savoir d’une manière initiatique, c’est-à-dire de maître à disciple. »

 

Dans le massif du Pilat, la Pierre des Trois Evêques pourraient avoir conservé quelques traces de cette antique science de l’arpentage. Plusieurs gravures sont visibles sur la face supérieure de la Pierre : les fameuses croix qui caractérisent cette pierre borne, les patronymes d’individus ayant vécus dans les environs, et en définitive, trois cupules. Or deux de ces cupules indiquent clairement une orientation nord/sud exacte.

 
 

03 - Orientation Nord/Sud des cupules de la Pierre des Trois Evêques

©Eric Charpentier, 2020.

 

En poussant plus loin la démarche, on s’aperçoit que le centre de ces deux cupules sont distants de 97,4 cm (la précision au 1/10ième de millimètre ne peut être obtenue avec notre matériel de mesure).

Or une mesure de 97,44 cm correspondrait à celle de 3 pieds gaulois de 32,48 cm :

 

3 x 32,48 cm = 97,44 cm

 

Il s’agit aussi de la mesure de 1 verge gauloise (ou 1 yard), laquelle en métrologie vaut 3 pieds.

 

 
 

04 - Une mesure remarquable sépare le centre des deux cupules

©Eric Charpentier, 2020.

 

Une telle inscription sur la dalle de la Pierre des Trois Evêques, évoquant à la fois l’orientation cardinale et à la fois une mesure utilisée à deux reprises dans l’organisation lithique de ce site pourrait aussi être la trace d’une antique base d’arpentage, dont le matériel de mesure aurait nécessité ces marquages sur la pierre. De tels procédés ont été montrés par Jacques Laversanne quant à l’utilisation de la groma romaine.

 
 

05 - La groma romaine, outil d’arpentage antique.

©Yvon Legall.

La Déesse des Allobroges à Vienne

 

Dans le premier tome des Bâtisseurs du Sacré, nous avions montré que la Déesse Mère de Mornant était reliée à la Pierre des Trois Evêques par une géométrie extrêmement subtile : 15 lieues druidiques (soit 37 500 mètres) séparent ces deux mégalithes alors qu’une mesure de 15 lieues anglaises (soit 37500 yards) est exprimée sur l’axe cardinal nord/sud.

 


 

06 - Relation géométrique entre la Pierre des Trois Evêques du Pilat

et le menhir Déesse de Mornant

©Eric Charpentier, 2019.

 

On peut relever une géométrie tout aussi subtile mais plus complexe encore, entre la Pierre des Trois Evêques et « la Déesse de Vienne » en Isère, ancienne capitale gauloise du peuple Allobroge. La Déesse de Vienne n’existe plus. Les romains l’ont remplacée à la fin du premier siècle av. J.-C. par le sanctuaire connu sous le nom de Temple d’Auguste et de Livie.

On peut d’ailleurs relever que la dédicace à Livie, épouse de l’empereur, est unique pour les temples dédiés à Auguste. Est-ce là le souvenir d’un lointain culte à la féminité et plus particulièrement à la Déesse des Allobroges ?

 
 

07 - ©Tourisme Vienne - sites touristiques – ViaMichelin

 

Cet édifice sut traverser les siècles d’occupation romaine et fut épargné par les premiers chrétiens qui transformèrent le temple en une église dès la fin du Vè siècle. Ce faisant, ils placèrent l’édifice sous le patronage de Notre Dame la Vieille, souvenir manifeste de la Déesse Mère des Allobroges : devenue par la suite Notre Dame de la Vieille et enfin Notre Dame de la Vie.

Il n’est pas dans l’idée de détailler ici cette relation qui unit la Pierre des Trois Evêques à la porte d’entrée de la cella du temple viennois. Elle nécessite en effet des notions que nous n’avons pas encore abordées ici et permettant de transposer une géométrie plane sur une géométrie courbe comme la surface de la Terre.

La distance directe reliant nos deux monuments est l’exacte expression de 16 lieues gauloises corrigées par le rapport 441/440 :

 

39 060,81 / 0,3248 / (441/440) / 7500= 15,998 lieues gauloises

Soit 16 lieues gauloises

(Précision de 99,99 %)

 


 

 
 
 
 
 
 
 
08 - Relation géométrique entre la Pierre des Trois Evêques du Pilat

et le Temple d’Auguste et Livie - Déesse de Vienne

©Eric Charpentier, 2020.

 

 

C’est une relation semblable que l’on observe ici entre le menhir Déesse de Mornant et le centre de l’entrée à la Cella du Temple d’Auguste et Livie. La mesure de 17 558 mètres obtenue, se transforme après corrections en celle de :

 

17 558 m è 7 Lieues Druidiques

 

 
 
 
 
 
 
 
 

09 - Relation géométrique entre le menhir Déesse de Mornant

et le Temple d’Auguste et Livie - Déesse de Vienne

©Eric Charpentier, 2021.

La Déesse des Ségusiaves à Lyon

 

A Lyon, la basilique Notre-Dame de Fourvière a été bâtie à la fin du 19e siècle, en un lieu sacré et probablement dédié à la féminité.

 

Le nom même de Fourvière dériverait de « forum Veneris », c‘est-à-dire le forum de Vénus. Quelques artéfacts dédiés à la Déesse orientale Isis y ont également été retrouvés. En 1168, le chanoine Olivier de Chavannes fait édifier une chapelle en l’honneur de la Vierge Marie sur les ruines de l’ancien forum romain. Ici la relation observée entre le menhir Déesse de Mornant et la Déesse de Lyon se fait précisément sur le centre clocher de cette vieille chapelle où prône d’ailleurs cette gigantesque statue dorée de Notre-Dame.

 

La distance est sans ambiguïté : 20 000,00 mètres tout rond ! Une telle mesure trouve une expression entière dans plusieurs unités métrologiques anciennes : 500 actus, 96 stades, 12 milles et … 8 lieues.

 

20 000 m è 8 Lieues Druidiques

 

 
 
 
 
 
 
10 - La Basilique de Fourvière et la Chapelle Notre-Dame de nos jours, à gauche

La Chapelle Notre-Dame au début du 19e siècle, à droite

©Illustrations ci-dessus et page suivante: https://vicedi.com

 

 

 

11 - Relation géométrique entre le menhir Déesse de Mornant

et la Chapelle Notre-Dame de Fourvière - Déesse de Lyon

©Eric Charpentier, 2021.

 

 

Les trois déesses

 

Nous aurions pu nous arrêter à ces quelques relations entre « déesses » pour montrer finalement que celle de Mornant rayonnait bien au-delà de son territoire communal et occupait ainsi dans ce paysage d’envergure régionale une place des plus importantes. Mais une réflexion plus poussée sur les deux dernières relations présentées précédemment, avec la Déesse de Vienne et celle de Lyon, nous amène encore à une découverte exceptionnelle !

 

En y regardant de plus près, il s’avère que les Déesses de Vienne, Mornant et Lyon s’organisent ni plus ni moins sous la forme d’un triangle rectangle de Pythagore dont Mornant occupe la position clé de l’angle rectangle, assumant par là-même ce rôle pivot de « pierre angulaire » !

 

 
 
 
 
 
 
 
12 - Organisation géométrique entre le menhir Déesse de Mornant

le Temple d’Auguste et Livie - Déesse de Vienne

et la Chapelle Notre-Dame de Fourvière - Déesse de Lyon

©Eric Charpentier, 2021.

Il n’existe aucune preuve historique et archéologique qui permettrait de valider l’existence de sanctuaires sacrés dédiés à la Déesse Mère avant l’occupation romaine à Vienne et à Lyon. Pour Vienne, nous avions simplement conjecturé que l’ancienne dédicace chrétienne à Notre-Dame la Vieille pouvait traduire cette filiation et que le temple dédié à Auguste et Livie par les romains pouvait avoir été implanté précisément sur ce sanctuaire celtique. L’intérêt ici étant que le temple de Vienne existe toujours pour marquer ce Haut Lieu Sacré.

 

Ce n’est malheureusement pas le cas à Lyon où les avis scientifiques en sont même aujourd’hui à remettre en question l’existence d’un forum sur l’esplanade de Fourvière, malgré les découvertes et restitutions de Amable Audin ou Jean Gruyer datant à peine de quelques décennies. (DESBAT (Armand), « La topographie historique de Lugdunum», in : Le Mer & Chomer,  2007.)

 

C’est principalement à partir des travaux de ces deux chercheurs que d’autres et nous même avions envisagé sérieusement que la colline de Fourvière aurait pu être un ancien sanctuaire dédié à la féminité (NICOLAS (Pierre-Alexandre), Les énergies de la Ville de Lyon, la colline de Fourvière, Tome 1, Alkemia éditions, Salima Boudieb, 2017), ce que n’exclut d’ailleurs pas Djamila Fellague dans son mémoire.     En effet, les substructions repérées par les lettres M et N sur ces plans pourraient d’après elle correspondre à un temple d’époque augustéenne et son inventaire des inscriptions découvertes dans les environs proches montre quelques dédicaces à la féminité : Isis, la Fortune, les Mères Augustes (les trois «déesses Mère »).

 

 
 

 

13 - Plans de restitution du forum avec les découvertes archéologiques sur l’éperon de Fourvière

par A. Audin et J. Gruyer, extrait de Dj. Fellague (2012).

FELLAGUE (Djamila), « Le “forum de Trajan” et les vestiges romains sur l’éperon de Fourvière à Lyon (Rhône) », in : Le forum en Gaule et dans les régions voisines, Mémoire 31, Ausonius Editions, Bordeaux, 2012, pages 205-255, textes réunis par Alain Bouet.

A cela il convient d’ajouter la mention en latin du forum de Vénus déjà évoquée plus haut mais les débats étymologiques autour du nom de Fourvière restent bien partagés :

 

 « Plusieurs étymologies du mot Fourvière ont été anciennement proposées, par exemple : forum vetus, forum Veneris, forum Veri, forum boarium et Corvières ou montagne des corbeaux. Les trois dernières sont peu connues et ont très vite été abandonnées par manque de fondement. Les deux premières, que l’on trouve dans des textes du Moyen Âge (IXe-XIIe s.), ont été sources de débat ou d’hésitation. On a fait dériver Fourvière  (appellation définitive à partir de la fin du XVIe s.), qui s’écrivait autrefois Forverium (XIIe s.), Forvero/Forvere (XII-XIVe s.) et Forvière (fin XIVe s.), de forum vetus, en faisant le lien avec le texte de Florus, qui fut repris par la chronique de saint Bénigne de Dijon (fin XIe s.) et la chronique de Verdun (début du XIIe s.). Une troisième chronique, la chronique de Vézelay, indique “forum Veneris Lugduni corruit”, mais elle reprend le texte des chroniques précédentes, avec des déformations, et l’on a considéré, de manière générale, qu’elle n’était pas dépourvue d’erreurs. Cependant, le plus ancien document où il est question de l’église de Marie à Fourvière, la nécrologie d’Olivier de Chavannes, doyen de Saint-Jean (XIIe s.), nomme aussi Fourvière forum Veneris . On pourrait concilier les deux hypothèses principales sur l’étymologie de Fourvière en imaginant qu’à l’époque médiévale on restituait un sanctuaire de Vénus sur le vieux forum antique. C’est néanmoins l’étymologie de forum vetus qui a été retenue. »

(FELLAGUE (Djamila), « Le “forum de Trajan” …», op. cit, p. 209.)

 

L’archéologue renvoie ici aux écrits de Colonia 1733, 283 ; Clapasson [1741] 1982, 171 ; Cahour 1838, 398 ; Allmer & Dissard 1889, 292 et rappelle que l’article le plus complet et précis sur l’étymologie de Fourvière semble être celui de Devaux 1896. Elle ajoute en sus qu’il n’est pas certain que les désignations Forviel et Forvièdre aient existé. Il nous semble au contraire de première importance de conserver le terme Forviel si vite écarté, car il existe encore dans le dialecte des Lyonnais au XVIIIe siècle :

 

 



 
14 - Almanach astronomique et historique de la Ville de Lyon pour l’année 1745.

 
 

Nous devons rappeler ici le travail monumental entrepris par Jean Fossard dans son ouvrage « La Vieille, Déesse avant Dieu » (tome 1, Montpellier, 2014), membre de la Société de Mythologie Française, au sujet de « La Vieille », évocation folklorique et mythologique de la Déesse Mère. L’auteur recense dans son ouvrage tous les toponymes évoquant le Vieille Déesse. Même s’il n’évoque pas celui de Fourvière pour le département du Rhône, il nous semble bien évident que le terme de Forviel usité encore au XVIIIe siècle à Lyon ne désigne pas moins que le forum de la Vieille. C’est d’ailleurs le même dialecte autochtone qui dédicaçait le temple christianisé d’Auguste et Livie à Vienne à Notre-Dame la Vieille.

En réhabilitant le vocable du forum de la Vieille pour désigner Fourvière, je voudrais restituer ici l’appellation d’origine, Forviel, terme qui sans doute fut mal interprété par les clercs du moyen-âge et faussement traduit en latin par le forum vetus, le Vieux Forum, alors même que d’autres chartes de la même époque traduisaient encore convenablement forum veneris, le Forum de Vénus.

 

Mais revenons maintenant au fameux triangle rectangle de Pythagore qui anime nos trois déesses de Vienne, Mornant et Lyon. Les relations entre Mornant / Vienne (7 lieues druidiques, 32,36 °N) et Mornant / Lyon (8 lieux druidiques, 302,62 °N) décrites plus haut, montrent également par leurs orientations que Mornant se situe presque à angle droit : un angle de 302,62°Nord correspond à celui de 32,62°Ouest. Or comme nous l’avions déjà évoqué dans notre tome 2 des Bâtisseurs du Sacré, une forme géométrique plane ne peut être restituée avec exactitude sur la courbure terrestre. Pour y parvenir, il convient de corriger les mesures et les orientations par des rapports correcteurs qui sont toujours les mêmes. En appliquant cette méthode aux orientations observées ici, on s’aperçoit que l’angle de 32,36° est corrigé par le rapport [1261/1260] pour être initialement celui de 32,38° :

 

32,36° x [1261/1260] = 32,38°Nord

 

Et qu’il en est de même pour celui de 302,62° :

 

302,62° / [1261/1260] = 302,38°Nord, soit 32,38° Ouest

 

En procédant de la sorte, on retrouve les orientations initiales, celles qui figurent dans l’intention de positionner un angle droit à Mornant, en lieu et place du menhir de la Déesse.

C’est en utilisant encore cette même méthode, mais cette fois avec le rapport correcteur [441/440] que l’on découvre que le segment Lyon / Vienne formant l’hypoténuse du triangle rectangle mesure avec une précision qui frôle l’hérésie (99,9999 %) :

 

12 lieues romaines odométriques

Mais la plus grande subtilité réside dans le fait que dans cette géométrie à angle droit, l’un des deux autres angles du triangle rectangle observé sur Google Earth est de 41,05°, ce qui est très proche de celui de 41,11° qui correspond à celui d’un :

 

Triplet de Pythagore : 48 – 55 – 73

 

L’idée est donc d’envisager que l’intention donnée initialement à cette composition géométrique, fut celle d’un triangle rectangle pythagoricien 48-55-73. Dans cette intention, le segment Mornant / Lyon mesurant 20 000 mètres, correspond au côté ayant 55 unités du triangle rectangle ; celui de Mornant à Vienne (17 558 mètres) vaut 48 unités ; et l’hypoténuse Lyon / Vienne (26 603 mètres) vaut 73 unités. Un calcul rapide montre que l’unité de ce triangle rectangle oscille aux alentours de 364 mètres ! Inutile de rappeler l’importance du Nombre 364 dans l’organisation mégalithique et religieuse de toute notre région…

 

Le plus troublant est qu’en appliquant cette unité exacte de 364 m entre la déesse de Mornant et celle de Lyon, la distance théorique devrait-être supérieure de 20 mètres à celle observée :

 

55 x 364 = 20 020 mètres

 

Or cette distance est exactement celle relevée non plus au centre de la chapelle médiévale (IXe siècle) où trône aujourd’hui la gigantesque statue dorée de la Vierge, mais au point qui pourrait correspondre à l’entrée de la cella du temple dédié à Vénus (bel exemple de réutilisation d’un réseau sacré mégalithique, à l’époque gallo-romaine, puis au Moyen-Âge).

Il faut pour cela accepter comme vraisemblable la restitution du temple que donnait l’architecte Berger en 1905… (en superposition sur l’image de la basilique ci-ddessous).

 

 

 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
15 - Organisation géométrique Pythagoricienne48-55-73 entre le menhir Déesse de Mornant

le Temple d’Auguste et Livie - Déesse de Vienne

et la Chapelle Notre-Dame de Fourvière - Déesse de Lyon

©Eric Charpentier, 2021.

La Déesse Terre

 

 

Mais alors, quelle intention donner à cette composition géométrique ?

En premier lieu, une simple observation vue du ciel montre que l’inclinaison de ce triangle semble suivre les orientations du fleuve Rhône (voir illustration page précédente), lequel marque précisément un angle droit à la hauteur de Givors. Ainsi, les côtés 55 et 48 du triangle semblent parallèles au cours du fleuve. La relation au fleuve n’est sans doute pas anodine dans une organisation sacrée dédiée à la Déesse !

En second lieu, cette composition géométrique pourrait être une représentation miniature de la Terre ce qui manifestement aurait du sens dans une thématique de dédicace à la Déesse Mère!

D’un point de vue géométrique, nous savons que tout triangle rectangle s’inscrit dans un cercle dont le diamètre est l’hypoténuse du triangle. Or nous avons dit plus haut que cette hypoténuse mesure 12 lieues romaines odométriques corrigées. Le pied romain odométrique vaut 29,46707.. cm et c’est celui qu’il convient d’utiliser lorsque l’on souhaite arpenter avec l’odomètre de Vitruve. Mais cette mesure est aussi en parfaite résonnance avec la dimension du quart du diamètre de la Terre puisque :

 

100 000 x 108 x 0,2946707.. = 3 182 443,72.. mètres (diamètre)

 

En utilisant le rapport (22/7) pour approximation de Pi, ce diamètre donne une circonférence de 10 001 966 mètres qui correspond au quart exact du méridien de la Terre (40 007 864 m).

Or 12 lieues romaines odométriques sont aussi l’expression de :

 

[2500/3] x 108 x 0,29467

 

Identifier ce produit sur un segment constituant le diamètre d’un cercle, revient à dire que ce cercle est une représentation de la Terre réduite à une échelle symbolique. Aussi surprenante soit-elle, cette géométrie n’est pas un cas unique puisque nous l’avons rencontrée exprimée dans un principe identique entre trois mégalithes ardéchois …
 


 
 

16 - Les Trois Déesses expriment ici les dimensions de la Terre-Mère

©Eric Charpentier, 2021.

 

Cette analyse géométrique corrobore manifestement l’existence d’un temple à l‘emplacement présumé par A. Audin et J. Gruyer, et potentiellement envisagé par Dj. Fellague. Les dédicaces à la Déesse Mère, évidente à Mornant, envisageable à Vienne et soupçonnée à Lyon, constituent aussi un corpus cohérent qui vient renforcer l’idée d’un temple dédié à la Déesse à Fourvière. L’organisation intentionnelle de ces trois sanctuaires dédiés à la féminité, sous la forme d’un triplet de Pythagore dont l’unité mesure 364 mètres et dont l’angle rectangle est figuré par le majestueux menhir de la Déesse de Mornant, relié subtilement aux deux grandes métropoles antiques régionales que sont Viennae et Lugdunum, montre à l’évidence toute l’importance de Mornant (Morn – Ante), la Vieille Déesse, à une époque très reculée de notre histoire, une époque oubliée, mais dont certains jalons subsistent au regard du curieux et qui font de Mornant un territoire bien singulier…





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Michel Pierret