ALCHIMIE








LE PUY EN VELAY,
HAUT LIEU
ÉSOTÉRIQUE










Par

Adonis
Lejumeau












NOVEMBRE 2008


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    Nombre de pèlerins de Compostelle qui viennent à traverser notre beau Mont Pilat, par les chemins que l’ami Patrick Berlier a si bien décrit dans l’un de ses ouvrages (1), vont ensuite faire halte dans la cité du Puy-en-Velay, point de départ de la via podiensis (2). Ils empruntent immanquablement « la voie du milieu » et passent par le col du Pertuis. De là, ils ont tout loisir d’admirer le paysage ondoyant des sucs d’Yssingeaux, sortes de petits volcans en pain de sucre, parmi lesquels le Mont Mézenc et la Huche pointue, qui s’étagent jusqu’aux portes de la ville du Puy, l’antique Anicium.

    Beaucoup ignorent que cette cité de la France profonde, tranquille d’apparence, est l’un des plus hauts lieux de notre pays et de l’Occident, certains la comparant même à Chartres, Montségur, le Mont Saint-Michel ou encore Versailles. Elle tire son charme particulier de sa situation géographique : en effet, elle est comme cernée par les sucs, dans une sorte de dépression de terrain délimitée par deux rivières, le Dolaison et la Borne, affluents de la Loire. Trois énormes rochers la dominent : le Rocher Corneille, le Mont Anis et le Mont Aiguilhe.




Vue générale



     C’est une ville triple :

    Le Rocher Corneille est surmonté d’une monumentale statue Notre-Dame de France, coulée avec le bronze ocré des canons russes pris à Sébastopol le 8 septembre 1855, lors de la guerre de Crimée. C’est l’une des plus grandes statues du monde actuel, un peu à l’image des colosses de l’antiquité.



Statue ND de France



    Le Mont Anis, juste en dessous, supporte un ensemble religieux exceptionnel : la majestueuse cathédrale et son cloître.

 

Cathédrale vue générale



Cathédrale, le Cloître



    Le Mont Aiguilhe, qui est notre « coup de cœur », est chapeauté sur son faîte de l’envoûtante chapelle Saint-Michel.




Le Mont Aiguilhe


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    A quelques encablures de là, dans les faubourgs du Puy, à Saint-Marcel d’Espaly, siège des premiers évêques du Puy,  un autre rocher supporte un non moins monumental Saint Joseph.
Force est de constater qu’il s’agit-là du plus formidable ensemble dédié à la Sainte Famille, inégalé dans le monde.

    A travers la massive silhouette de la cité ponote, que l’on découvre souvent nimbée dans les brumes, on devine qu’il s’agit-là d’un centre religieux de premier plan et l’on va voir plus loin qu’il s’agit véritablement d’une ville sainte et cela depuis fort longtemps. Le plus vieux témoin qui peut en attester est le fameux dolmen qui a été dressé sur le mont Anis par le « peuple des mégalithes ». Sa table se trouve aujourd’hui dans le chœur de la cathédrale, comme nous le verrons plus loin, mais à l’époque où il fut établi, il fut placé au centre d’une immense étoile formé de mégalithes, dont les rayons partent vers des ensemble mégalithiques qui jalonnent la terre de Haute-Loire.

    Le peuple Vellave qui occupait le Velay, combattit aux côtés de Vercingétorix, il se caractérisait par un tempérament très religieux. Les druides, dépositaires de la religion gauloise, mais aussi arbitres, savants et sages, possédaient un collège au sein de la ville, selon les historiens locaux. A la suite de César, l’on a souvent dit qu’ils se réunissaient chaque année pour une assemblée générale au pays des Carnutes, dans la région de Chartres. A l’époque, il y avait en fait deux France et l’on peut penser que les druides de la France du nord se réunissaient effectivement à Chartres, alors que ceux de la région du midi, donc ceux du Pilat également, se réunissaient vraisemblablement au Puy. Les deux villes étaient consacrées et avaient, comme encore aujourd’hui des liens sacrés particuliers, notamment autour de leurs vierges noires.

    Face à la vénération que les Vellaves portaient à leur dolmen sacré, les Romains avaient même élevé un temple qui le ceinturait, un peu à l’image de la maison carrée de Nîmes. Il fallait que ce sanctuaire fût une « relique » sacrée, pour que les colonisateurs romains le vénèrent à leur tour. Dans les années 800, le grand Charlemagne lui-même vint par deux fois au Puy, preuve que sa renommée était déjà fort grande.

    Le cœur de la vieille ville actuelle porte encore la marque de cette époque, puisqu’il est structuré en forme de croix, comme toute ville d’origine gallo-romaine et médiévale.
Il s’agit du croisement des deux axes principaux de la ville, le Cardo et le Decumanus (3), ce que l’on retrouve encore dans de nombreuses villes actuelles, comme Vienne, Lyon ou Paris, entre autres. La place du Plot, le carrefour en languedocien, à proximité de l’hôtel de ville, en constitue l’épicentre, le forum romain. Au centre de cette place, se trouve une étrange fontaine, celle de la Bidoire, dominée par une boule de pierre, placée au-dessus d’une sorte de cône recouvert d’écailles, soutenant deux aigles aux ailes déployées et le buste de deux dauphins, crachant de l’eau par la bouche.





La Fontaine de la Bidoire



    Certains veulent voir dans cette fontaine une œuvre alchimique : placée au centre même de la place centrale de la vieille ville, telle un pivot autour duquel tout s’organise, elle se situe en outre sur un nœud tellurique. Quatre filets d’eau s’écoulent de la fontaine, tels les quatre fleuves du paradis. Curieusement, sept rues débouchent sur la place, or l’œuvre alchimique, le Magistère, est constituée de sept opérations. En outre une rue Saint-Jacques, empruntée naturellement par les Jacquaires, débouche sur la place. Or, ce saint est le patron des Alchimistes. Une autre, appelée rue de la Courrerie était réservée dans le temps au commerce de l’or et des valeurs ! Que de coïncidences, n’est-ce pas ?

    Pour en revenir de manière plus détaillée sur cette fontaine, la boule de pierre qui la surplombe peut être assimilée à la pierre philosophale. La sorte de cône recouverte d’écailles juste en dessous est l’évocation allégorique de la matière première utilisée au début du Grand-Œuvre. Quatre animaux se détachent du cône écaillé : deux aigles aux ailes déployés, animaux aériens. L’aigle est le roi des oiseaux, il est le symbole du mercure. Par ailleurs, deux dauphins, mammifères du milieu liquide. Le dauphin est le « poisson » royal, la monture et le messager des dieux nautiques, il est le symbole du soufre. Sur la base de la fontaine, on aperçoit une frise aux lions. Le lion est le signe de l’or et du feu secret. Placé ainsi à la base de la fontaine, cette frise peut signifier l’action du feu secret qui, placé sous les deux composants de la matière première, opère leur séparation, puis leur réunification sous une autre forme.

    On peut considérer que cette fontaine de la Bidoire est une véritable fontaine de jouvence, au sens mystique, dont l’eau procure à celui qui la boit, l’éternelle jeunesse. Je ne peux donc que vous encourager à faire le détour par cette fontaine, lors de votre prochain passage dans cette ville, boire une gorgée de cette eau lustrale vous coûtera sans doute moins cher que toutes les injections de botox ou les crèmes anti-rides disponibles sur le marché.

    A l’un des angles de la place du Plot, on peut voir une plaque ornée d’une croix pattée enserrant un coquillage. Une inscription signale qu’ici prend naissance la « Via Podiensis », grande route du pèlerinage de saint Jacques de Compostelle.





Deux pèlerins de Compostelle "en route" vers Le Puy



    Si cette première description vous a alléché et si le cœur vous en dit, je vous propose maintenant de faire une petite visite ésotérique de la ville, suivez le guide, d’autres surprises vous attendent !

    En effet, depuis cette place, pour se rendre à la cathédrale il faut s’engager sur le cardo de la ville, à savoir la rue pavée de Chênebouterie, qui se prolonge par la rue Raphaël. Quelques dizaines de mètres après s’être engagé dans la rue Raphaël, une ruelle étroite et humide au caractère médiéval attire l’attention sur la gauche. C’est la rue de Chamerlenc, l’une des plus anciennes de la ville, célèbre pour sa confrérie des « Cornards », dont le siège se trouve au mitan de la ruelle. On ne peut pas rater «  la maison des Cornards », comme l’on dit au Puy, car sa façade est ornée de deux mascarons qui dateraient du XVIème siècle. Il s’agit de deux têtes cornues grimaçantes, surmontées chacune d’une inscription : « Ah, que les cornes vont bien sur un front comme le mien » et « vois le cornard rian ». Au-delà de l’allusion directe aux « cocus », il faut préciser que l’une des deux têtes représente celle d’un homme ornée d’une épaisse moustache et le front arborant deux cornes de bouc, décorées de fruits et de fleurs (des roses !), ressemblant à des cornes d’abondance. On peut voir dans cette représentation, le dieu gaulois Cernunnos, le pourvoyeur de vie et de richesse.

    L’autre tête présente l’aspect d’un masque de feuilles et ressemble étrangement à celle qui se trouve sur le portail occidental de la cathédrale Saint-Jean de Lyon. On peut y voir l’incarnation des esprits de la végétation qui se manifestent au printemps. Beaucoup d’inconnues subsistent sur cette fameuse confrérie des Cornards : simple association des maris trompés, association bacchique ou encore association des « conards » (initiés qui possèdent la Connaissance). A chacun de s’en faire sa propre idée.

    On arrive plus haut à la place des Tables, où l’on peut admirer l’élégante fontaine, dite du choriste. Rien à voir avec le film à succès récent, ce nom est plutôt lié à une légende de la ville du Puy datant de 1325. Plusieurs échoppes mettant en valeur la célèbre dentelle du Puy encerclent la fontaine représentant un jeune choriste à genoux, les ailes déployées et prêt à s’envoler au ciel.
La rue des Tables est particulièrement escarpée, elle tire son nom de nombreux étals que disposaient les commerçants tout au long du parcours menant à la cathédrale à l’époque médiévale. Leur but évident était de vendre aux pèlerins toutes sortes d’objet de piété.





Rues des Tables


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    Le sommet de cette rue est dominé par la silhouette imposante de l’édifice religieux. Cette rue pavée de pierre de lave rougeâtre, est encadrée de trottoirs en escaliers qui longent de remarquables maisons médiévales, dont l’histoire est rappelée par de petits cartouches. Certaines arborent en façade de petites statuettes de vierge à l’enfant. Au numéro 18, une maison datée du XVème siècle, présente une façade intéressante, par son style empruntant aux périodes gothiques et à la Renaissance. Deux blasons, encadrés de deux mascarons, situés au premier étage, retiennent plus particulièrement l’attention. Le blason de gauche porte le chiffre quatre surmonté de trois étoiles. Les deux mascarons de style antique représentent, pour l’un un homme âgé et barbu, pour l’autre une jeune femme. Ces deux mascarons sont séparés par un cartouche portant l’inscription I.H.S, Iesus Hominum Salvator, « Jésus sauveur des hommes », curieusement la croix qui surmonte habituellement ce type d’inscription est remplacé par un simple trait horizontal.

    Au sommet de la rue, le pèlerin se retrouve au pied de la façade ocrée à trois niveaux, percée de trois immenses arches, de cette cathédrale d’inspiration  byzantine.


 

Façade de la Cathédrale



    Cette façade est surprenante dans sa composition et sa polychromie : Le sommet est une mosaïque de pierres volcaniques noires, blanches et rouges, trois couleurs comme les trois étapes du Grand Oeuvre alchimique. Autour de chaque porche, l’alternance de claveaux noirs et blancs, agencés sur des pierres de plus en plus larges, dessine comme des rayons lumineux qui semblent émaner de l’intérieur de l’édifice, ce qui frappe tout de suite le visiteur. « L’église du Puy est peut-être le monument du midi de la France qui présente le plus d’intérêt  »  avait dit le grand Viollet-le-duc en 1848, et c’est vrai que la première impression que l’on a est à la hauteur de cette réputation.

   Il convient ensuite de gravir les 134 marches du grand escalier qui mènent au portail occidental de la cathédrale, marches qu’empruntent dans le sens de la descente, tous les pèlerins jacquaires partant sur les chemins en direction de Compostelle. Arrivé au sommet du grand escalier, sous la nef, on peut remarquer à la hauteur des grands piliers, une série de sculptures symbolisant les quatre évangélistes.

    En avançant un peu plus sous la nef, on voit sur les côtés, deux magnifiques portes sculptées de motifs orientaux, dites « portes de cèdre », qui ferment l’accès aux anciennes chapelles Saint-Martin et Saint-Gilles. Ces portes datent du XIIème siècle, elles sont décorées de caractères arabes en écriture coufique.

    Quelques marches plus haut, on remarque une inscription latine gravée à même la marche : « Ni caveas crimen caveas contingere limen / nam regina poli vult sine sorde coli ». Cela signifie : «  Si tu ne te gardes du crime, garde-toi de franchir ce seuil, car la reine du ciel exige un culte sans tache ».

    C’est en fait le véritable seuil sacré de la cathédrale, un peu au-dessus duquel se dresse une grille, appelée la porte dorée, encadrée de deux colonnes de porphyre rouge d’origine égyptienne. De part et d’autre de la porte dorée, on peut encore admirer de magnifiques fresques, datant du XIIIème siècle. A gauche, la mère de Dieu trône sur sa cathèdre. A droite, c’est une magistrale transfiguration du Christ, ayant à ses pieds trois apôtres endormis, au milieu desquels saint Jean recroquevillé, comme l’agneau couché sur le livre aux sept sceaux.

   Juste après la porte dorée, se trouve la véritable porte, murée depuis 1781. En fait initialement, les fidèles, passés cette porte, remontaient dans l’édifice par une sorte de tunnel obscur de 17 marches et débouchaient en plein chœur de la cathédrale, face à l’autel, aux pieds de la Vierge noire, qui semblait les accueillir elle-même dans son royaume. Aujourd’hui l’on doit emprunter une dérivation sur la droite de la porte, ce qui permet, après quelques nouvelles volées de marches, d’accéder enfin au bas côté sud de l’édifice.

   En pénétrant dans le sanctuaire, l’on est toujours frappé, à la fois par la pénombre relative de l’ensemble et par l’atmosphère de quiétude qui y règne. A proximité de la porte, on aperçoit immédiatement une statue de Jeanne d’Arc, elle symbolise le fameux Grand Pardon du Puy. En effet, depuis le Moyen-Age, chaque année où le 25 Mars, jour de l’annonciation à la Vierge, correspond au vendredi saint, ce Jubilé est célébré, à travers lequel les chrétiens viennent implorer la Vierge pour le pardon de leurs fautes. Chaque siècle connaît deux Jubilés au plus et d’ailleurs, Jeanne d’Arc qui ne pouvait pas se rendre au Jubilé de l’an 1429, envoya à sa place sa mère Isabelle Romée. Pour le XXIème siècle naissant, le premier Jubilé vient d’être célébré le 25 Mars 2005, le suivant étant prévu en 2016.

    Lorsque l’on contemple l’intérieur de la cathédrale, on est frappé par sa structure singulière. Comme tout édifice de caractère byzantin, la cathédrale a deux chœurs. A l’Ouest, le chœur de saint André surmonté des grandes orgues. A l’Est, le chœur principal des chanoines, contient l’autel et derrière, la fameuse Vierge noire. Lorsque l’on entame la visite en se dirigeant tout d’abord vers le chœur de saint André, on peut voir un magnifique bois doré sculpté qui orne le mur, œuvre du sculpteur Vanneau, datant du XVIIème siècle. Elle représente le martyre de saint André à Patros, crucifié sur cette fameuse croix en X, qui depuis porte son nom.

    De chaque côté de la croix, on peut encore remarquer deux troncs d’arbres ébranchés et secs, sur l’un desquels refleurit un rameau. On ne peut être qu’ébloui par cette œuvre, qui dégage une luminosité assez intense, à la fois du fait de sa teinte or, mais également parce qu’elle se trouve à l’aplomb de grands vitraux qui laissent entrer les éclats du soleil. Pour les amateurs, je ne peux qu’encourager à la lecture des « demeures philosophales » de Fulcanelli, ouvrage dans lequel est décryptée la symbolique de la croix de saint André.

    En remontant la nef sur sa partie gauche, on peut s’arrêter dans la chapelle du saint sacrement, située un peu en contrebas de l’édifice. A l’intérieur, le mur droit de cette chapelle est occupé en bonne partie par une magnifique peinture datant du XIVème siècle. Celle-ci, d’au moins quatre mètres de long pour au moins deux mètres de haut, représente quatre dames richement vêtues assises sur des trônes, aux pieds desquelles sont également assis quatre hommes tenant à la main, qui de gros livres, qui des instruments de musique ou même un marteau et une enclume. Un éclairage spécifique met en valeur la beauté polychrome de cette peinture.





La Peinture Murale des 4 Arts Libéraux



    En fait, elle représente les sept arts libéraux et son décryptage, que je ne ferai pas ici, a une grande valeur symbolique et ésotérique, à tel point que Prosper Mérimée en son temps avait dit d’elle « qu’il s’agit de la plus remarquable peinture murale de France et la mieux appropriée à la décoration d’un monument ».

    En ressortant de cette chapelle, on peut découvrir une statue de saint Louis, située en vis-à-vis de celle de Jeanne d’Arc. Le Roi saint porte sur un coussin la couronne d’épines du Christ, la statue surmonte une inscription : «  Soyez seigneur, la sanctification et le gardien de votre peuple ».

    En remontant vers le chœur, on est immanquablement attiré vers une petite chapelle située à sa gauche, car c’est-là où les visiteurs se concentrent le plus souvent, pour admirer la fameuse « pierre des fièvres ».



La Pierre des Fièvres



    Celle-ci est pleine de mystère : de couleur bleu noir, cette pierre basaltique aurait été la table d’un dolmen, sur laquelle, d’après une légende locale, la Vierge était apparue à une matrone du Puy souffrant d’une fièvre quarte, en lui disant qu’elle était « la reine et la dame du ciel et de la terre » et, qu’ayant choisi ce lieu pour en faire sa demeure, elle y établira d’une façon spéciale la gloire de son nom. En témoignage de quoi, elle lui accorda la guérison. Depuis, cette pierre aurait guérie de nombreux fidèles de maux divers, certains n’hésitant pas à s’allonger dessus. Plusieurs expériences radiesthésiques et magnétiques ont d’ailleurs démontrées le fort pouvoir vibratoire de cette pierre. Une inscription en latin gravée sur la tranche de la pierre, qui est malheureusement masquée de la vue par un cerclage métallique, signifie :

«Ceux qui dorment sur cette pierre, d’être guéris ne tardent guère,
Si le pourquoi tu veux savoir, c’est que l’autel a ce pouvoir  »


    Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des visiteurs s’asseoir, voire même s’allonger à même la pierre, afin de « capter » l’énergie de celle-ci, comme il est possible également de le faire à la « pierre qui chante » ou qui « enchante », aux roches de Merlin, sur notre cher Pilat.

    Cette relique plongée dans une semi pénombre se trouve à quelques mètres de la Vierge noire, qui elle, trône en majesté au centre du chœur.






La Vierge Noire, vue générale et détail


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    Séparée des fidèles recueillis en prière par une barrière, la madone rayonnante porte son enfant sur elle et parait dominer son monde avec comme un léger sourire aux lèvres. Nous ne reviendrons pas ici sur la symbolique des Vierges noires (nous renvoyons l’internaute aux éclairages de Fulcanelli dans le Mystère des Cathédrales), si nombreuses en Auvergne, juste pour dire que la statuette originelle a malheureusement été brûlée sur la place du Martouret, pendant la Révolution en 1794.

    A quelques mètres en contrebas du choeur, se tient une petite statue de saint Jacques de Compostelle, au pied d’un pilier. Chaque matin à 7 h, les pèlerins en partance pour Saint-Jacques de Compostelle viennent se faire bénir ici avant de prendre la route.

    On peut ensuite ressortir de la cathédrale par une petite porte, dite la porte papale. Celle-ci débouche sur une petite place, la place du For, depuis laquelle on domine toute la ville. Cette place, qui était le forum à l’époque gallo-romaine, abritait le siège de l’évêché dont la façade était ornée de colonnes corinthiennes du XVIIème siècle. Une fois sur cette placette, en se retournant vers la cathédrale, on peut admirer le massif porche du For, aux magnifiques arcs ajourés et aux colonnes gaufrées.

    La porte papale porte ce nom d’une antique tradition datant de l’an 1095, à l’occasion de la réception du pape Urbain II venu prêcher la première croisade. En fait, lorsqu’un pape venait au Puy, il pénétrait seul dans la cathédrale par cette petite porte, qui était en temps ordinaire murée. On la débouchait pour lui et on la rebouchait aussitôt après son passage. Pour aller plus loin dans la symbolique, il faut établir des analogies avec la symbolique de la porte basse ou de la porte étroite, porte des initiés et rappeler que le pape est un « pontife », qui établit des ponts entre la terre et les cieux, ce qui semble être attesté par l’inscription latine « Papa vive deo » qui se trouve au-dessus du linteau, lui-même surmonté par une archivolte composée de formes spiralées, formant comme la répétition du mot Isis.

    Face à cette porte, au-dessus du linteau de la partie gauche du portail réservé au peuple, on peut voir émerger des motifs sculptés en feuillage, une tête de pierre, les mains posées sur le rebord, qui semble observer la porte papale. Il s’agit en fait du maître, de l’adepte, de l’Initié, le gardien du seuil, qui veille. On retrouve le même personnage à Notre Dame de Paris, que Fulcanelli, dans le Mystère des Cathédrales, évoque comme « L’alchimiste ».

    En quittant la place du For, on peut contourner la cathédrale, passer à proximité du clocher pyramidal à sept étages, dont la petite cour abrite le « puits de Diane ». Ici dans le temps coulait une source d’eau miraculeuse, qui était le complément indispensable de la pierre des fièvres pour les pèlerins, le puits est d’ailleurs encore surmonté d’une inscription latine sur le mur, dont la signification est :

« Par œuvre divine, cette fontaine est une médecine qui subvient gratuitement aux malades, là où l’art d’Hippocrate fait défaut ».

    En face du clocher, deux lions montent la garde devant le baptistère saint Jean, situé lui-même en vis-à-vis du porche saint Jean, sous lequel s’ouvre la troisième porte de la cathédrale, la porte dite des princes et des seigneurs. On peut l’emprunter pour visiter le cloître ou encore, ou après, descendre la rue Grasmanent, une petite rue pavée, voûtée en son milieu.

    Plus bas, il faut longer le massif bâtiment rénové du Conseil Général de Haute-Loire, puis obliquer à droite à l’angle de la rue Gouteyron. A cet endroit, si l’on se retourne sur sa droite, on se sent irrémédiablement dominé par l’altière Vierge rouge, perchée sur le rocher Corneille.

    Il faut prendre ensuite l’escalier, qui descend sur la gauche en direction d’Aiguilhe, dont la colline de lave, surmontée de la chapelle Sainte Michel, se dresse environ 500 mètres devant. Il faut ensuite cheminer dans l’étroite rue du Rocher pour se rendre au pied du site. Deux colonnes encadrent la porte d’entrée qui y donne accès. De là, on entame la montée vers la chapelle, à travers un cheminement qui se fait par un escalier taillé dans le roc, qui semble s’enrouler en spirale autour du dyke (4). A intervalle régulier, on dépasse des niches de la taille d’un homme, creusées également à flanc de colline. C’étaient en fait des abris utilisés par les pèlerins médiévaux, trop fatigués ou malades pour monter au sommet d’une seule traite.

    Trois oratoires se succèdent le long de la voie :

    - Le premier au bas du rocher est dédié à l’archange Gabriel dont le nom signifie « force de Dieu ».

    - Le second, un peu plus haut, est dédié à l’archange Raphaël, dont le nom signifie « guérison de Dieu ».

    - Le troisième, enfin, situé à mi-pente est dédié à saint Guignefort, assimilé à saint Guénolé, guérisseur de la stérilité féminine.

    Après avoir escaladé 268 marches, le visiteur se trouve au pied de la chapelle et avant de se rapprocher de l’entrée, on peut emprunter le chemin de ronde qui encercle littéralement l’édifice. Se faisant, l’on a une formidable vision panoramique de toute la ville et de ses alentours. Au Sud-Est de cette position, la vierge rouge dominatrice du rocher Corneille luit sous le soleil voilé, renvoyant à la cathédrale en contrebas un peu de son éclat. Il est temps maintenant de se rapprocher de la façade d’entrée. Celle-ci est pour le moins singulière :



La Façade de la Chapelle Saint-Michel



    Deux protomés d’animaux encadrent l’entrée. Ni tout à fait chien, ni tout à fait sanglier, ce sont d’étranges créatures hybrides : groin et pieds fourchus porcins, tête et dents de canidé. Ces animaux sont des dévoreurs, chargés de repousser les esprits mauvais comme les esprits faibles, ce sont en fait des gardiens du seuil. Le chien renvoie au symbole égyptien du dieu chacal Anubis, gardien des portes de l’enfer. Le cochon ou le sanglier renvoyant à l’emblème du peuple celte et surtout des druides.

    Encadrant directement la porte, deux colonnes, ornées de chapiteaux finement sculptés. Sur celui de gauche, on voit encore un aigle sur le point de s’envoler. La flore à ses pieds, en forme de feuilles de palmiers, donne à penser plutôt au phénix, symbole de l’immortalité et de la régénération. Sur le chapiteau de droite, faisant face au phénix, un homme surgissant du même type de feuillage, tient dans chaque main deux fleurs de lys à trois pétales. Ce personnage symbolise la figure de l’initié, qui a atteint l’illumination, la sagesse et la connaissance ultime, après avoir franchi les barrières de la mort.

    Le linteau de la porte est orné de deux sirènes. L’une à queue de poisson, l’autre à queue de serpent. Les deux se passent un linge dans les cheveux, un peu à l’image de Mélusine sortant du bain purificateur. Au-dessus, dans une voussure surmontant un tympan vide, deux têtes humaines, symbolisent Janus bifrons, le dieu des portes de la mythologie, ou encore les deux saints Jean.

    Juste au-dessus, trois alvéoles renferment une série de personnages. Dans chacune des deux alvéoles latérales, huit personnages agenouillés tendent une coupe à l’agneau, qui se trouve au milieu de l’alvéole centrale. Cet agneau tient une croix hastée dans sa patte droite et il est encadré d’un lion, d’un aigle et d’un bœuf. A n’en pas douter, il s’agit des quatre évangélistes, entourés par des représentants des 24 vieillards décrits dans l’Apocalypse.
Coiffant en quelque sorte ces alvéoles, une frise complexe laisse apparaître quelques oiseaux et deux personnages nus agrippés aux tiges qui jaillissent de la bouche de deux têtes humaines situées à leurs pieds. Ces deux personnages représentent à la fois l’âme humaine, ainsi que l’homme dépouillé et libéré de sa condition humaine. Les oiseaux venant souligner l’appartenance au monde éthérique du corps astral de l’homme nu. Une magnifique arche, mosaïque colorée en pierre de lave, alternativement noires, blanches et rouges surplombe cette frise, comme un véritable arc-en-ciel, dessinant comme un pont entre la terre et le ciel. Cette impression était soulignée par le fait que la limite supérieure de l’arc touche une corniche qui coupe la façade en deux parties.

    Sur la partie supérieure de l’édifice, on voit tout d’abord une marqueterie de pierres colorées, qui donne l’illusion d’un décor en relief de forme cubique, un peu à la manière du grand peintre hongrois Vasarely. Plus haut encore, un oculus central est surplombé par cinq personnages. L’oculus n’est pas strictement au centre de la façade, mais un peu décalé sur le côté gauche. On est surpris de cette asymétrie, et on peut trouver bizarre que les constructeurs de l’époque aient pu commettre une aussi grossière erreur de réalisation, mais on en comprendra mieux les raisons plus loin.

    Si l’on détaille le groupe des cinq personnages surplombant l’oculus, qui s’inscrivent dans des niches, dont les arcades sont soutenues par des sculptures en forme de mains humaines, on peut découvrir :
- Au centre, le Christ bénissant, tenait le livre de vie ouvert.
- A sa droite, la sainte Vierge qui semble brandir un vase.
- A l’extrême droite se tient saint Jean, avec le livre de la connaissance, fermé, dont la couverture est ornée d’une croix templière.
- A la gauche du Christ, l’archange saint Michel désigne de la main celui-ci et enfin, à l’extrémité gauche, saint Pierre tourné également vers le Christ, montre sa clé. On ne peut être qu’en admiration devant une façade d’une telle richesse.





Les Niches Sculptées



    Il est temps ensuite de franchir le seuil de la porte et de pénétrer dans la chapelle. En gravissant les sept marches qui succèdent à la porte, on perçoit  le son un peu étouffé de chants grégoriens, qui  proviennent du fond de la chapelle et du fond des âges. On débouche ensuite dans un déambulatoire en forme de spirale, cerné de part et d’autre d’une colonnade. Il y a de quoi être un peu surpris et décontenancé par l’exiguïté de l’édifice et la semi pénombre dans laquelle on se trouve alors. Il faut ensuite suivre le cheminement spiralé vers la droite et on se retrouve en face de la table de l’autel, d’où provient la mélopée grégorienne.

    Cette table, surmontée d’une ornementation représentant un saint Michel dominateur, est elle aussi curieusement décalée sur la partie Nord-Est de la chapelle. Encore plus curieux, l’accès au chœur est encadré de colonnes géminées présentant des motifs animaliers : un cerf et un ours menaçant, tels des gardiens du seuil, mais plus inquiétants que celui que l’on a aperçu près de la porte papale à la cathédrale. Ce chœur est orné de fresques murales, fortement dégradées, dont la seule zone située au plafond est encore bien visible.



Les Peintures Murales du Choeur



    On aperçoit le Christ un peu décentré par rapport à la voûte, entouré d’une pléiade d’anges et de séraphins, inscrits dans des petits cercles. Les quatre angles sont ornés de tétramorphes des Evangélistes et en face du Christ, un peu plus bas vers l’Ouest, saint Michel conduisant une âme dans la Jérusalem céleste. Douze personnages décorent encore la voûte, symbolisant sans doute les douze apôtres ou les douze constellations zodiacales.

    A droite du chœur, sur le mur, une petite niche à l’abri d’une vitrine contient différents objets du XIème, XIIème et XIIIème siècles, dont un magnifique Christ en croix, confectionné en bois polychrome et un très élégant coffret en ivoire. Ils ont été retrouvés sous une colonne lors de la réfection de la chapelle en 1955 par les monuments historiques. Certains voient là des objets ramenés de Constantinople par les croisés ponots après le sac de la ville en 1204. Pour d’autres, il s’agit de reliques apportées de saint Jacques de Compostelle.

    A droite du chœur, s’ouvre une petite pièce, formant tribune, qui donne accès à l’oculus de la façade.



Le Choeur de la Chapelle Saint-Michel 



    Servant de balustrade bordant la pièce, deux énormes tables dolméniques, dont on dit qu’elles appartenaient au lieu de culte celtique primitif. De là, si on jette un coup d’œil par l’oculus, qui regarde le soleil levant, on peut distinguer au lointain, à travers les vitraux colorés, le profil assez exceptionnel du Mont Mézenc, séparé du suc voisin par une large dépression. Ce type de dépression était considéré par les peuplades gauloises comme une forme magique, un « arx », lieu doté d’étranges pouvoirs et protégé par les dieux. L’oculus ne semble donc pas avoir été positionné là par hasard, ce qui explique sans doute son aspect « désaxé », sur la façade de la chapelle et qui ne doit donc rien à une erreur de conception de la part des constructeurs.

    En fait, il faut venir le 29 septembre, jour de la saint Michel, pour comprendre le pourquoi de cette orientation spéciale, les rayons du soleil vous guideront ce jour-là vers… le Graal ?... pourquoi pas ! Cette chapelle Saint-Michel est particulièrement envoûtante, au sens roman du terme, si on se laisse pénétrer par l’ambiance feutrée qui y règne.

    Rappelons d’ailleurs à l’internaute que saint Michel selon la Bible est l’ange de la lumière, qui seul peut contempler la face de Dieu dans toute sa splendeur. Il peut regarder Dieu sans être ébloui, car il est d’essence divine, étymologiquement son nom voulant dire « qui est comme Dieu ». Il est considéré comme le chef des anges, le Prévost du Paradis. Saint Michel est le passeur, qui pèse l’âme des morts, reliant l’homme à Dieu, aussi bien dans le monde des vivants, que dans celui des morts. Cette fonction médiatrice indispensable entre les hommes et la divinité suprême, inaccessible par principe, explique la position élevée des lieux de culte dédiés à saint Michel, comme celui dans lequel on se trouve en ce moment. Gardien des portes des enfers, situé symboliquement à l’occident, comme en témoigne le mont saint-Michel en Normandie à l’extrémité du continent et tourné vers le ponant, le rocher et la chapelle saint Michel étaient précisément orientés à l’Ouest du Puy, leur conférant le rôle de gardien suprême des portes de la ville sainte, à l’instar de l’homologue biblique que Dieu plaça à la porte du paradis avec une épée flamboyante, quand Adam et Eve furent chassés de l’Eden.

    En fait, la chapelle saint Michel d’Aiguilhe a été érigée par le chanoine Truannus, doyen du chapitre cathédral de Notre-Dame du Puy en 862. Il en avait eu l’autorisation par l’évêque du Puy Gothescalk, dont le nom signifiait serviteur de Dieu, premier pèlerin de l’époque à partir à Saint-Jacques de Compostelle et à initier ainsi le chemin des étoiles, faisant du Puy l’un des quatre points de départ officiels du chemin de saint Jacques.

    Le rocher d’Aiguilhe se trouve sur une ligne droite qui relie le Monte Gargano, dans les Pouilles italiennes dédié lui-même à l’archange, au Mont Saint-Michel en Normandie, en passant par Pérouse, la ville sacrée des Etrusques, ainsi que Bourges, capitale des Bituriges et le centre des Gaules. Au-delà du Mont saint Michel, le prolongement de la même ligne droite passe par saint Michaël’s Mount, à l’extrémité de la Cornouailles anglaise, pour aboutir au skellig Michael, un petit îlot rocheux abritant un petit sanctuaire dédié à l’archange saint Michel, sur la côte sud-ouest de l’Irlande. A l’Est, le prolongement de la ligne droite passe par Delphes, Athènes et enfin le Mont Carmel, en Terre Sainte.

    La disposition rectiligne de tous ces sanctuaires michaëliens, érigés au Moyen-Age et reliant la terre sainte aux contrées les plus septentrionales de l’Europe, est un phénomène tout simplement étonnant et ne doit sans doute rien au hasard. Cela dit, pour être retourné récemment visiter le Mont Saint-Michel, on ne peut qu’être frappé de l’extrême différence d’ambiance entre les deux lieux : au Mont Saint-Michel, l’accès à la « Merveille » se fait à travers une ruelle surpeuplé et envahie par les marchands du temple descendants de la mère Poulard. Tout le site sacré est caractérisé, lui, par le règne de la lumière, cela particulièrement dans la majestueuse église pourvue de larges baies vitrées et par des proportions assez démesurées. Saint-Michel d’Aiguilhe en est l’antithèse !

La géographie sacrée a sans doute des raisons que la raison ignore et après l’envoûtement que procure cette petite chapelle, on est souvent ébloui sur le seuil par la lumière du jour lorsque l’on en ressort et ressent physiquement le besoin de redescendre à pas lents les degrés de pierre de lave, comme si l’on avait besoin de respecter des paliers de décompression, avant de reprendre contact avec la terre ferme. Au bas de la descente, il est possible de rejoindre la place centrale du village d’Aiguilhe et de visiter la petite chapelle saint Clair.



La Chapelle Saint-Clair


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    Ancien temple dédié à Diane, à l’époque médiévale, cette chapelle funéraire romane de forme octogonale jouxtait l’hôpital saint Nicolas, fondé à la fin du XIème siècle. Deux entrées subsistent, dont les historiens locaux disent qu’elles permettaient, d’un côté l’accès aux gens du village, de l’autre l’accès aux malades contagieux, qui ne pouvaient pas sortir de l’hôpital. Le linteau d’une des portes est orné d’une croix attribuée aux Templiers, encadrée par un cercle ocellé, symbolisant le soleil et un croissant de lune.

    De cet hôpital ne subsiste plus qu’une grande cour intérieure, la cour du temple, dont le sol est particulièrement surprenant : il est recouvert d’un carré magique de plusieurs mètres, procédé assez courant à l’époque médiévale, composé de cinq mots de cinq lettres, pouvant se lire aussi bien de haut en bas, que de droite à gauche.



Le Carré Magique



    A l’endroit on peut lire les mots latins SATOR, AREPO, TENET, ce qui signifie littéralement le semeur tient la charrue. A l’envers, on peut lire les mots : ROTAS, OPERA, TENET, dont la signification est les roues, les travaux, ils lient. Tenet est le mot qui symbolise la croix parfaite. Si l’on ordonne les 25 lettres différemment, on peut reproduire deux fois les mots Pater Noster et il reste les deux lettres A et O, comme Alpha et Oméga.

    Toutes ces significations sont mentionnées sur un petit panneau fixé sur un angle de la cour, à proximité immédiate d’une très élégante fontaine de style néo-gothique, œuvre de l’enfant du pays Charles Crozatier. Cette fontaine était, elle, réputée pour soigner les maux d’yeux. Il est d’ailleurs assez amusant de penser que celle-ci soit placée sous le patronage de saint Clair, comme si l’on avait volontairement recherché l’analogie.

    Crozatier, un architecte réputé du dix neuvième siècle, est connu également au Puy-en-Velay par la fontaine qui porte son nom sur la place du Breuil, place centrale où ont lieu chaque année à la mi-septembre, les fêtes médiévales du Roi de l’Oiseau. Cette fontaine a, entre autres particularités,d’être une réplique de la fontaine centrale du château de Versailles, elle est ornée de personnages issus de la mythologie gréco-romaine.



La Fontaine Crozatier



    La description de cette fontaine et de toute sa richesse symbolique mériterait un autre article. Je me contenterais de préciser qu’elle est surmontée d’une statue blanche représentant la déesse Cybèle et que celle-ci regarde « dans les yeux » la monumentale statue rouge de Notre Dame de France dressé sur le rocher Corneille, que l’on assimile parfois à la Vierge rouge de l’Apocalypse de saint Jean. Et certains, trop repus de lectures enfiévrées des grimoires à multiples significations, prétendent que cette belle ville du Puy, Haut Lieu Sacré pour la religion catholique, serait en fait une ville « dédicacée » par des concepteurs férus d’Alchimie.

    Il est en effet troublant, au cours du périple que nous venons d’effectuer ensemble à travers ces lignes, d’avoir croisé tour à tour une Vierge noire dans la pénombre, contemplé ensuite une monumentale Vierge rouge exposée à la face du monde et  nous être enfin reposé sur la margelle d’une fontaine sous le regard tendre d’une Vierge blanche.

    Allez-y le vérifier par vous-mêmes !!!



Vue générale de nuit


Adonis Lejumeau


Notes :

(1) : Avec les pèlerins de Compostelle en Lyonnais, Pilat et Velay, éditions Actes graphiques, 2002, 143 pages.

(2) : Via Podensis - Quatre itinéraires (la Via Turonensis de Tours - la Via Lemovicensis de Vézelay - la Via Tolosana d’Arles et la Via Podensis du Puy en Velay) mènent les pèlerins vers saint Jacques de Compostelle en provenance de la France et convergent vers les Pyrénées pour se réunir dans un chemin unique, le camino francés.

(3) : Depuis l’antiquité, les villes importantes étaient organisées à partir d’un plan régulateur, formé d’une croix à l’intérieur d’un cercle. Le cardo étant l’axe nord-sud, le decumanus étant l’axe est-ouest. A leur intersection, considéré comme un centre sacré, un omphalos, l’axe de rotation du monde au centre de l’univers, se trouvait la tente du chef et l’autel dédié aux divinités.

(4) : un dyke volcanique est le reste d’une cheminée de volcan emplie de lave qui se serait solidifiée sur place.