Rubrique
Sociétés Secrètes

Janvier 2020











Par
Michel Barbot


Michel de NOSTREDAME ou l’invitation au voyage en terre Vestalique

Première partie

 

Le voyage pluriel proposé par Michel de Nostredame, dit Nostradamus, prend naissance assurément dans son ascendance juive, tant maternelle que paternelle. Celui que l’on surnommera le Mage de Salon, naquit à Saint-Rémy-de-Provence le 14 décembre 1503 et décéda à Salon-de-Provence le 2 juillet 1566. Son père le notaire Jaume (1470-1536), époux de Reynière (ou Renée) de Saint-Rémy, est le descendant d’une très savante lignée d’Israélites, membres de la tribu d’Issakhar.

 

Médaillon Woeiriot, 1562 – Nostradamus à l'âge de 59 ans

 

Cette ascendance issakharite a pu être contestée mais elle cadre parfaitement avec le personnage. La tribu d’Issakhar arborait trois emblèmes. Si le principal est un âne, en référence à la bénédiction prophétique de Jacob (Genèse 49,14) il est aussi figuré sous la forme de livres ou par le soleil, la lune et les étoiles symbolisant ses connaissances scientifiques, principalement astrologiques, en référence au verset biblique : « Des Benéi Issaskhar, connaisseurs du discernement des temps, pour connaître ce que fera Israël » (I Chroniques, 12,33 – Traduction André Chrouraqui).

 

Emblèmes de la tribu d'Issakhar

 

Le grand-père paternel de Nostradamus nommé Crescas de Carcassonne (1430-1485), tenait pour son père une des nombreuses boutiques proposant chausses, pourpoints et autres hardes masculines ou féminines d’occasion en Avignon. Il choisit le nom de Pierre de Nostredame lors de sa conversion au catholicisme (autorisée par le cardinal Pierre de Foix en 1459). Il résidait alors à Malaucène dans le diocèse d'Orange (Vaucluse).

 

Mon voyage nantais et au cœur des quatrains de Nostradamus

Ma véritable découverte des prophéties de Nostradamus remonte au début des années 80. Mon ami Patrick Lelièvre, aujourd’hui disparu, s’était procuré le livre de Jean-Charles de Fontbrune Nostradamus, historien et prophète. Je ne puis dire que le contenu de ce livre, qu’il me fut donné de lire, me conquit littéralement, mais il me permit d’avoir une vision plus large sur les prophéties du Mage de Salon.

L’année 1983 fut très importante pour le Nantais que je suis, dans le domaine nostradamique. Féru d’histoire nantaise, depuis l’adolescence, je ne pouvais qu’être intrigué par la réédition d’un livre inconnu pour moi mais portant l’étrange signature M.A. de Nantes (Éditions Arma Artis). Cet ouvrage daté de l’année 1871 au contenu bien hermétique avait pour titre Clef des Œuvres de Saint Jean et de Michel de Nostredame.

 

Page de titre du livre de M.A. de Nantes

 

L’auteur avait daté son livre du 31 août 1871, jour ultime du huitième mois, durant lequel sont fêtés – il convient de le consigner – les saints Joseph d’Arimathie et Nicodème, disciples secrets de Jésus. Les traditions nantaises anciennes associent le premier à saint Clair, premier évêque de Nantes. L’auteur parachevait son très long développement hermétique, sur lequel je ne m’arrêtais guère à l’époque, par une analyse du  premier vers du quatrain VI, 44 (noté, sans doute par erreur, II, 44) :

« De nuict par Nantes l’iris apparaîtra. »

« L’iris hermétique paraît en même temps que le Jupiter des sages. […] Les Nantais ne peuvent manquer de recevoir bientôt celui en qui doivent revivre le caractère et les vertus d’Henri IV et de saint Louis. »

Royaliste convaincu, le nommé M.A. de Nantes fut un proche du Comte de Chambord, que ses partisans souhaitaient asseoir sur le trône de France sous le nom de Henri le Cinquième.

En 1985 Maurice Poulin publiait aux éditions Louise Courteau de Montréal, Le Grand Monarque Messager Du Verseau. L’ouvrage apparaissait comme un véritable phare dont le rayon éclairait, de façon avantageuse, la réédition du livre de l’hermétiste Nantais. Pour Maurice Poulin, les intrigantes initiales M.A. désignent le Maître Anonyme de Nantes « qui pourrait bien être Jules Verne ». Je dois reconnaître que l’hypothèse m’apparut à l’époque plus que séduisante, bien qu’il ne me semblait guère reconnaître dans le livre du nommé M. A., le style d’écriture propre à Jules Verne.

Il me fut donné de découvrir l’identité du Maître Anonyme de Nantes, au début des années 90. Mon intérêt pour l’histoire de Nantes se conjuguait avec celle du Pays de Guérande. C’est ainsi que je découvris les livres, monographies ou articles de Fernand Guériff, historien Guérandais, pilier de la Société de Mythologie Française et collaborateur de la revue Atlantis. Dans ses écrits, l’auteur se référait très souvent à un chercheur du XIXe siècle : Pierre-Aristide Monnier. Désireux de découvrir les ouvrages de ce chercheur, je me rendis à la Médiathèque Jacques-Demy de Nantes. Dans la pile de livres que l’on plaça sur la table, se trouvait – à ma grande surprise – celui de la Clef des Œuvres de Saint Jean et de Michel de Nostredame, dans son édition princeps de 1871. Cet ouvrage avait donc bien été écrit par Pierre-Aristide Monnier. C’est ainsi que je venais de découvrir l’identité de cet énigmatique hermétiste qui d’un ouvrage à l’autre passait allègrement du Pays de Guérande au Grand Monarque.

 

Pierre-Aristide Monnier, le M.A. de Nantes

 

L’identité du Maître Anonyme de Nantes fut révélée au grand public en 2011 par Nicodème dans son livre Le Maître secret de Fulcanelli. Nous y découvrons un très intéressant travail sur le Maître Breton de Fulcanelli.

Johan Dreue reviendra à son tour, le 30 novembre 2015 dans son article LES MAITRES SECRETS DE FULCANELLI : M.A. DE NANTES OU PIERRE-ARISTIDE MONNIER sur cet hermétique personnage: https://toysondor.blog/2015/11/30/les-maitres-secrets-de-fulcanelli-m-a-de-nantes-ou-pierre-aristide-monnier/

Pour cet auteur, M.A. doit s’entendre Maître Artiste. Nous retrouvons ici une lecture toute rosicrucienne de ces deux initiales. Ce monsieur était assurément le Maître Anonyme de Nantes comme il était le Maître Artiste de Nantes.

Johan Dreue dans ce même article évoque la lecture baphométique du nom de Batz-sur-Mer (ancienne île de Batz) présentée par Pierre-Aristide Monnier. J’avais, en ce qui me concerne, évoqué cette lecture baphométique avancée par l’hermétiste Breton (Le Pouliguen et ses environs –1890) dans la première partie de mon article CLISSON : ET IN ARCADIA EGO OU LES DEUX NEFS DU SECRET (novembre 2013). http://regardsdupilat.free.fr/Clissonnefs.html

 

Des Armonici montes aux monts Pyrenées

Il se trouva peut-être quelques Nantais qui, plongés dans les prophéties de Nostradamus, ont pu, s’ils en possédaient les clefs, associer le quatrain IV-95 à l’ancienne capitale de la Bretagne :

Le règne à deux laissé bien peu tiendront,

Trois ans sept mois passés feront guerre

Les deux Vestales contre rebelleront

Victor puisnay en Armonique terre.

Certains commentateurs, non sans raison, ont voulu discerner dans ce quatrain quelque épisode ayant trait à la Réforme. Les troisième et quatrième vers se rapportent, bien que cela puisse surprendre, à la Bretagne et plus précisément à la cité de Nantes. Les deux Vestales ont été rapprochées par plusieurs commentateurs du Grand Monarque et du Grand Pape. J.-P. Clébert (Prophéties de Nostradamus – Dervy) qui ne retient pas (il convient de le noter) la piste Monarque / Pontife, note au sujet des deux Vestales :

« On a vu que ces vestales ( II.17) sont d’abord des vierges gardiennes du foyer domestique, puis, au XVIe siècle, des religieuses catholiques. Mais leur rôle demeure obscur. »

Le quatrain II-17 auquel il est fait allusion, assurément complémentaire, démontre d’après cet exégète qu’il existait (existe ou existera…) « un couvent (ou […] une abbaye) » avec « son environnement (camp, latin campus, territoire) » occupé par des vestales catholiques, « non éloigné des Pyrénées et d’Ethne. » :

Le camp du temple de la vierge vestale,

Non esloigné d’Ethne & monts Pyrenées,

Le grand conduict est caché dans la male :

North getés fluves et vignes mastinées.

Ce temple de la vierge vestale (Gardienne du Feu perpétuel) est associé aux Pyrénées. Diodore de Sicile dans le Livre V, chapitre XXXV, explique le nom de cette chaîne montagneuse, à partir du grec ancien « pŷr », feu, à cause d'un immense incendie  provoqué par les bergers.

Bien que J.-P. Clébert rapproche Ethne du nom de l’Etna, volcan sicilien, il convient plus sûrement d’y reconnaître la cité d’Elne, ville des Pyrénées-Orientales, ainsi que le fit Brind’Amour. Cette hypothèse déjà avancée au XIXe siècle, se voit confirmée par la double substitution de lettres – un T pour un L – effectuée par Nostradamus dans ce quatrain. Cet substitution permet de lire « Ethne » pour « Elne » et « getés » pour « gelés ».

 

Panorama depuis la tour de la Massane (Argelès-sur-Mer) situant Elne

 

Nous pouvons reconnaître encore dans ce nom d’Ethne, celui de la déesse irlandaise Etne ou Etaine, autre nom de la déesse Brigitte dont la symbolique cultuelle s’est prolongée dans le Christianisme Celtique avec sainte Brigitte de Kildare, abbesse de Kildare-Cilldara, l’Eglise (ou Ermitage) du Chêne. Dans cet ancien sanctuaire, les religieuses, telles les vierges vestales de la Rome antique, entretenaient un feu perpétuel...

Les troisième et quatrième vers du quatrain II-17 évoquent les vignes dessinant les reliefs des Pyrénées-Orientales :

Le grand conduict est caché dans la male :

North getés fluves et vignes mastinées.

Hypothèse que notre ami Patrick Berlier valide pleinement : « D'autant que « fluves et vignes mastinées » semble désigner ce secteur des basses Corbières entre Perpignan et Narbonne où fleuves, rivières et vignes constituent l'essentiel du paysage. »

Quelque chose, assurément d’importance, « le grand conduict » fut caché, à une époque indéterminée, sans doute en période hivernale, dans une malle dont la destination serait « Le camp du temple de la vierge vestale ».

Ces « vignes mâtinées » (mêlées, entrecroisées), malmenées par les frimas de l’hiver, apparaissent, jeu de mots aidant, comme des « vignes matinières » ou matinales (ex. : messes matinières), sachant que ce mot avait aussi le sens de… « orientales ».

Nous découvrons sur le Net, une intéressante lecture de ce quatrain dans l’article Extension de la vigne en Languedoc.

http://www.nostradamus-centuries.com/base.php

chapitre=Centurie+II&fichier=0102017

Pour l’auteur, le « grand conduict » du troisième vers, lié aux « vignes mâtinées » du quatrième vers, se rapporte à ce que les vignerons nomment la « conduite de la vigne ». Liane forestière à l’état sauvage, la vigne doit être domestiquée. Ce long travail dit « conduite de la vigne » détermine, outre l’aspect de la vigne, la qualité du vin et la densité de plantation : nombre de pieds à l’hectare, avec les écartements entre les rangs et la hauteur du cep.

L’auteur s’appuie essentiellement, sur le chapitre VIGNES MASTINÉES du livre de l’abbé Henri Torné-Chavigny paru en  1860 L'Histoire prédite et jugée par Nostradamus. Cet abbé voulait reconnaître dans ce quatrain l’annonce de l’apparition mariale de la Salette. L’idée reste très intéressante, mais l’apparition qu’il conviendrait de retenir, s’appliquerait plus certainement, devons-nous le penser, à un autre personnage proche de la Vierge Marie.

En partant de l’étymologie grecque des « Pyrenées », cet abbé envisageait, avec logique, une pareille étymologie grecque pour Ethne, qu’il rapprochait du mot Ethnos, « peuple, nation », tout en rappelant que dans l’Évangile, le mot désigne le païen, le gentil et que ce mot « ne peut s’écrire autrement, en français, que ETHNE ».

Il ajoutait : « ET MONTS PYRENNÉS. – Dans les environs d’Elne, à toucher cette ville, se trouvait le temple de la Vénus pyrénéenne (Carte de Strabo, Mag. Pill. 1840 140…) ». Ce temple de Vénus ou Aphrodite n’a pas été localisé bien que la station balnéaire de Port-Vendres en garderait le souvenir, mais il est certain qu’il ne fut guère éloigné de la cité d’Elne. Au temple de Vénus, aurait pu succéder, peut-être en un lieu proche, le temple de la Vestale où fut placée (peut-être un temps) une malle contenant « Le grand conduict ».

 

La région de Port-Vendres vue de la tour de Massane

 

L’abbé Henri Torné-Chavigny, appuyant son analyse du quatrain II, 17 sur une étude antérieure de Mgr. Villecourt, évêque de La Rochelle, rapprochait ce « grand conduict » de la Boîte de Pandore…

Si l’idée d’une correspondance entre la Vénus pyrénéenne et la Vierge, mère de Jésus, est intéressante, un rapprochement avec Marie-Madeleine le serait tout autant… Marie de Magdala fut avec raison rapprochée de la déesse grecque de l’amour. Différents auteurs spécialisés dans l’énigme de Rennes-le-Château, ont évoqué l’aspect vénusien de cette ô combien mystérieuse Apôtresse du Christ.

Marie-Madeleine, ainsi qu’indiqué dans de vieilles chroniques, est venue en Gaule. Il est communément admis qu’elle aurait débarqué aux Saintes-Maries-de-la-Mer mais une autre tradition moins connue affirme que la sainte débarqua en Languedoc-Roussillon. André Douzet dans son livre Nouvelles lumières sur Rennes-le-Château (Éditions Aquarius) écrit : « On peut imaginer Marie-Madeleine débarquant en Roussillon, en un lieu toujours  surnommé ‘’Mas de la Madeleine’’, à l’est de Perpignan, près de la tour dite ‘’Château-Roussillon’’, qui est en fait le seul vestige d’une ville ancienne, Ruscino, jadis au bord de la mer mais ruinée par le recul des eaux. »

 

Château-Roussillon (carte postale ancienne)

 

Maguelone, entre Marie-Madeleine, Jean et Janus

La tradition roussillonnaise présente Marie-Madeleine accompagnée notamment de Joseph d’Arimathie et de Simon le Lépreux. Ce dernier désireux d’évangéliser l’Espagne, décida d’entamer sa marche évangélisatrice dans l’île de Maguelone (hébreu Magdala : Madeleine – Magalona désigne Vénus en occitan). Si la sainte pénétra dans cette île qui portera son nom, elle n’y aurait pas résidé, préférant le calme d’une grotte à proximité. L’île renfermait un temple desservi par des vestales. Les vierges de l’antique religion refusèrent le message évangélique. Simon fut précipité dans les eaux profondes du lac. Ces faits assurément plus légendaires qu’historiques permettent, semble-t-il, de localiser « le temple des Vestales » évoqué par Nostradamus.

« La vierge vestale » du « camp du temple », révélée par Nostradamus, pourrait-elle évoquer Marie-Madeleine ? Une réponse allant en ce sens peut apparaître dans  l’étude de Veronica Ortenberg Le culte de sainte Marie Madeleine dans l'Angleterre anglo-saxonne. Cette historienne médiévale nous présente dans le culte anglais, une MARIE MADELEINE PÉNITENTE, APÔTRE ET VIERGE.

https://www.persee.fr/doc/mefr_1123-9883_1992_num_104_1_3218

Nous ne savons à quelle époque disparut le temple des Vestales, il est d’ailleurs possible qu’il perdura un temps, aux côtés de la cathédrale Saint-Pierre de Maguelone étrangement édifiée dans cet îlot à l’écart de la Voie Domitienne. Étonnante cathédrale assurément qui perpétua, semble-t-il, tout en le christianisant, l’antique culte du dieu Janus. Lors de sa visite en 1096, le pape Urbain II déclarera la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul « seconde après celle de Rome », et lui accordera le port des armes pontificales : les clés de Saint Pierre. Ces deux clés, la clé d’argent et la clé d’or, reformulent les deux clés du dieu Janus. Nous découvrons sur le Net un texte enseignant sur Maguelone, la seconde partie d’un article titré Les secrets de la cathédrale signé Le Celte. https://cchambor.wordpress.com/2010/02/01/les-secrets-de-la-cathedrale-ii/

Un mystérieux sarcophage, caché et enterré sur l’île de Maguelone fut découvert en 1912. L’inscription latine de cette pierre tombale indique que dans le tombeau repose sous la lumière de « IAO », un certain « IONNIS ». L’association de ces deux noms apparaît assurément lourde de signification. L’auteur de l’article indique à juste titre que IONNIS « peut se traduire soit par Jean ou Janus, Joannis, Johannès … »

Intrigué par le texte latin de l’inscription et la traduction présentées dans l’article, je contactais Patrick Berlier qui étudia à son tour cette épigraphe (principalement la face avant du sarcophage), confirmant tout en l’affinant, la traduction :

 

Face avant du sarcophage

et transcription d'après la photo

 

« En réalité le texte est composé de trois segments, séparés par des traits verticaux, qu'il convient de lire séparément. Les mots sont abrégés par des tildes placés au-dessus des caractères précédant les lettres éludés, ou autres signes d'abréviation, et certaines lettres sont placées en exposant ou en indice. Dans le premier segment, /AW est transcrit par IAO, manière grecque d'abréger le nom Yaweh (Dieu) en Yaw soit Iota Alpha Oméga (cette dernière lettre s'écrivant w en minuscule et W soit O en majuscule). Dans le deuxième segment, SCI est l'abréviation de sancti. Dans le troisième segment, 7 n'est pas le chiffre sept mais un signe abrégeant la conjonction ET. La transcription officielle contenant d'autres mots, on peut supposer que ceux-ci se trouvent sur la face latérale du sarcophage (photo non publiée). Ils constituent la suite du troisième segment :

 

Inscription supposée sur la face latérale du sarcophage

 

« Ils sont sans doute abrégés eux aussi, mais sans la photo il est impossible de retranscrire ces abréviations. La transcription officielle ne tient pas compte de la séparation en trois segments, de ce fait la traduction proposée est assez décousue, bien qu'elle soit à peu près correcte mot à mot. Mais elle redevient claire si le texte est bien séparé en trois parties. Voici le texte latin tel qu'il convient de le lire, et sa traduction :

In hoc vase Ionnis Iao lux semper clarescat perennis

Dans ce tombeau (repose) Ionnis, que la lumière éternelle de Dieu resplendisse toujours (pour lui)

Qui spiritus sancti donis pauperes introduxit in scolis

Qui dans les écoles ouvrit les pauvres aux dons de l'Esprit Saint

Et cujus nobis effusus est sanguis illius purget crimina carnis

Et que celui dont le sang fut versé pour nous lave les fautes charnelles. »

Je ne puis que remercier Patrick Berlier pour cet excellent travail. Ce texte latin au contenu ésotérique, m’interpelle dans le cadre de cet article, pour les noms IONNIS et IAO. L’Association ATLANTIS qui se présentait dès sa fondation en 1926 comme un prolongement du mystérieux Hiéron du Val d’Or, faisait grand cas de ces deux noms. Jacques d’Arès, successeur de Paul Le Cour fondateur d’ATLANTIS, s’attarde longuement dans le Tome III de son Encyclopédie de l’ésotérisme (Éditions Jean-Pierre Delarge) sur l’Évangile de saint Jean. Tout en rappelant l’importance du nom hébreu de Jean (Johhânân : « remplir de grâce »), il écrit :

« […] il faut constater que les noms grec et hébreu ont une caractéristique : ils comportent les trois voyelles I.O.A. auxquelles les gnostiques, dans les premiers siècles attachent une grande importance, considérant qu’elles représentent le nom même de la divinité. »

J. d’Arès insiste ensuite sur l’importance du nombre 17, valeur des lettres I.O.A. et poursuit :

« Mais le nom de Jean appelle encore plusieurs remarques. En grec, la racine ion, à laquelle il se rattache, est commune à de nombreux mots. Ion signifie tout d’abord violet ; or, cette couleur symbolise depuis des millénaires et bien avant le christianisme, la spiritualité. Ion est également (selon l’accentuation) le participe neutre ou l’imparfait du verbe eini, être. C’est le même mot qui, à travers l’anglais, se retrouve en français pour désigner un atome ou un groupement d’atomes portant une charge électrique, donc dynamique.   

« Or, il n’y a pas de meilleure définition à la fois de la Vie et de la Lumière, dont le disciple préféré révèle que ce sont les deux aspects du Christ.

« Sur une autre plan, il est remarquable que saint Jean l’évangéliste soit venu terminer sa vie terrestre à Éphèse, capitale de l’Ionie, dont il porte le nom et dont il est le premier évêque. »

Plus loin dans ce chapitre, l’auteur s’intéresse aux noms « JOANNES ET JANUS » :

« En outre, le nom de Jean est le même que celui du dieu latin Janus, énigmatique personnage à deux visages […].

« Schématiquement, ce Janus à deux visages, n’est autre chose que la préfiguration des deux Jean et du rôle qu’ils ont à tenir, le barbu représentant le précurseur, l’année ancienne, et l’imberbe le disciple qui préside à l’année nouvelle. »

L’auteur de l’article, consacré à l’inscription latine du sarcophage de l’île de Maguelone, nous oriente de belle façon sur une lecture parallèle et complémentaire du mystère janusien de l’île de Maguelone : « Cette ancienne île de Maguelone qui est aujourd’hui rattachée au cordon du littoral se trouve près de la presqu’île du Mont Saint-Clair à Sète (qui vient du Latin « Sanctus Clarus », Sainte Clarté). Cette Cathédrale, jadis la deuxième après la Cathédrale St Pierre de Rome, où les papes venaient se réfugier finira par tomber dans l’oubli. » 

 

De la Bretagne à l'Occitanie

La cité de Sète (ancienne « Cette »), intéressa semble-t-il un habitant d’Herbignac commune du diocèse de Nantes. En 1933 dans l’ALMANACH PAROISSIAL DE HERBIGNAC, les habitants de cette commune découvrirent un conte au titre bien mystérieux : L’ORACLE de la Fleur Merveilleuse. Signé LE MAGE, ce conte évoque la découverte des manuscrits d’un alchimiste du Moyen-Âge nommé Jehan Sérien (1350-1394), dans les souterrains secrets du château de Pierre-de-Lune en Terre-Inférieure, dont le nom rappelle celui du département de la Loire-Inférieure (44 comme l’âge de l’alchimiste…). Bien que le nom et le prénom de l’alchimiste ne le donne à penser… il savait… le passé (les signes de l’alphabet ostrogoth ou alphabet gothique) mais aussi le futur. LE MAGE, auteur de ce conte, homme vivant dans la première partie du XXe siècle, se projette dans l’alchimiste du XIVe siècle, insufflant ainsi à l’Oracle, un parfum d’entre-deux-guerres. Nous y retrouvons notamment, une évocation du jeu de cartes LE 21, ainsi que le démontre la 21e réponse à l’Oracle, sous le signe du Pique.

Dans les RÉPONSES A L’ORACLE, « Sous le signe ♦ de Carreau »… nous découvrons pour le même nombre, une réponse à la fois logique, d’apparence naïve et pourtant subtile : « 21, Vous verrez Troyes, Foix, Cette.נ »  Lorsque je pris connaissance de ce conte, si je pouvais comprendre la présence des cités occitanes de Foix et de Sète (orthographiée à l’époque Cette) je m’étonnais quelque peu sur la présence de Troyes, cité champenoise... Et puis un jour, je découvris qu’il existait à quelques 35 km de Foix, une petite cité nommée Troye(s), puis Troye-d’Ariège depuis le 8 mai 1938. De plus, ces trois villes sont quasiment alignées, à quelques centaines de mètres près, écart négligeable qui disparaît sur une carte à grande échelle. Bien que géographiquement, Troye(s) se trouve avant Foix pour un voyageur s’en venant de Sète, LE MAGE, pour valider sa multiplication géographique, n’avait d’autre choix que d’afficher son 3×7 ou 37. Le signe de la multiplication (croix de saint André) à remplacé un vieux signe typographique bien connu des mathématiciens, apparaissant déjà dans le grec ancien, héritage des alphabets phénicien et hébreu. Ce point mathématique est nommé point médian ou point milieu.

 

L'alignement des villes Troye – Foix – Sète

 

Ce point médian très important dans la Kabbale hébraïque, se trouve au centre de la Matrice. Betty Rojtman de l’Université Hébraïque de Jérusalem, dans l’ouvrage collectif Jabès le Livre Lu en Israël (Éditions Erès), s’appuyant principalement sur les enseignements du Rav Kabbaliste Chaoul Beuman (livre « Maphtehei Hohmat Haemet » - Jérusalem) évoque différents aspects de ce point créateur :

« La création est donc rupture, discontinuité, incisant la plénitude première d’ ‘’avant le point’’. Car le signe de ce rétrécissement d’être, – qui sera en même temps multiplication d’être, appel d’avenir –, est porté par le point :

« ‘’Lorsque se contracta, dans Sa volonté le désir de donner l’être à la créature, alors La Lumière se rétracta au milieu d’elle-même, au point médian central’’ […] De ce centre, La Lumière s’arrache et irradie vers la périphérie, laissant derrière elle à la fois un espace vide, le lieu des mondes à venir, qu’elle entoure ‘’comme les lèvres’’ d’une bouche… »

Par cette multiplication géographique LE MAGE, nous dessinait, avant l’heure, ce que les Offices du Tourisme nous présentent aujourd’hui comme l’emblématique Sentier Cathare, aujourd’hui délimité d’Est en Ouest par les cités de Port-la-Nouvelle et de Foix. Le conteur associe cet axe au signe du Carreau qu’il nous présente comme « le signe des voyages ! ».

Le Jeu 21 évoqué dans l’Oracle, se joue avec trois jeux de cinquante-deux cartes, desquels ont été retirés les rois, les dames, les sept et les huit, ce qui représente 108 cartes.

À supposer que l’auteur du conte, ait voulu localiser quelque lieu énigmatique de l’Occitanie, et que ces deux nombres aient une certaine importance, le nombre 21 (ou 2.1), est celui des trois tables qui de tradition compagnonnique, ont porté le Graal : la table ronde, la table carrée et la table rectangulaire. Le nombre 108 correspond au cycle rosicrucien, de l’ouverture ou fermeture d’une tombe. Ce nombre et ce qu’il évoque, apparaît dans l’histoire du fameux trésor de Rennes-le-Château.

Le nombre 7, renvoyant à la ville de Sète, est ainsi évoqué par le MAGE dans la Réponse à l’Oracle sous le signe du Cœur : « Quelle fatuité ! Vous savez bien qu’il n’y a que sept merveilles au monde ! ». La vérité est que l’on a toujours voulu ajouter une 8e merveille !

La France n’a pas hésité à placer en 8e position le Mont-Saint-Michel. Gaston Bonheur dans son livre Si le Midi avait voulu… plaçait cette 8e merveille en Occitanie :

« Riquet, que les Occitans appellent ‘’notre Riquet’’, réalisa la huitième merveille du monde en creusant entre l’Atlantique amer et la Méditerranée salée une rigole d’eau douce. Cette œuvre, contemporaine de Versailles, et cent fois plus riche en perspectives aquatiques, porte le nom modeste de canal du Midi. Les poètes, plus près de la réalité, l’appellent canal des Deux-Mers. Charles Cros, natif de Fabrezan dit que l’Occitanie porte une ceinture bleue attachée à ses flancs. »

 

Le canal du Midi au pont de Gourgasse

 

Certains chercheurs dont le cœur se tourne naturellement vers Rennes-le-Château, n’ont pas hésité à affirmer que la 8e merveille du monde, occitane assurément, ne serait pas étrangère au trésor rapporté par les Wisigoths d’Alaric dans la région des Corbières. D’aucuns avancent que la sainte Marie-Madeleine serait la gardienne de cette 8e ou… 1ère merveille du monde ! 

Ce trésor, quel que soit son contenu, peut être évoqué sous le nom générique de Graal, bien que le Graal comme les tables qui l’ont porté, ne soit pas unique… L’auteur du conte L’ORACLE DE LA FLEUR MERVEILLEUSE nous entretient de la découverte, par l’alchimiste Jehan Sérien, de cette MERVEILLE, « la Sesquinetallus florus magicus Indianis ». Et ainsi que me l’apprit Patrick Berlier pour mon article L’ORACLE DE LA FLEUR MERVEILLEUSE (revue Histoire & Patrimoine N°81) :

« Sesquinetallus est un nom composé en effet, qui signifie : ‘’une branche de myrte et demie’’. Ce doit être la dose pour une potion, je suppose ? » Cette potion supposée à juste titre par Patrick, peut être rapprochée de cette « eaue d’ange » évoquée notamment par François Rabelais dans son livre « Des songes drolatiques de Pantagruel ». Les Juifs faisaient du myrte un symbole de paix, de beauté et de virginité, voire d’éternelle jeunesse…

« 21, Vous verrez Troyes, Foix, Cette.נ » Troyes, face à la 8e merveille du monde, le Graal, pourrait aussi renvoyer à Chrétien de Troyes (Perceval ou le Conte du Graal). Le verbe voir conjugué à la deuxième personne du pluriel, prend soudain une autre couleur, celle du vair ou ver héraldique qui nous ramène par voie graalique, à Glastonbury, la Maison de Verre… 

Nous pouvons à présent effectuer un retour sur le quatrain IV-95 qui nous présente, quant à lui, deux Vestales… en Terre Bretonne.

 

Le retour à Nantes, jalon graalique de la France

Le quatrain IV-95 par ses troisième et quatrième vers…

Le règne à deux laissé bien peu tiendront,

Trois ans sept mois passés feront guerre

Les deux Vestales contre rebelleront

Victor puisnay en Armonique terre.

…annonce une contre-rébellion des deux Vestales qui amènera Victor le puisnay, en Armonique terre. La Bretagne est, de tradition, la terre symbolique de l’Ermin, soit en vieux-français l’Arménien, mot qui signifiait aussi par extension : de l’Orient, soit un synonyme du mot matinier évoqué précédemment dans l’étude du quatrain II-17. La Bretagne est aussi, de tradition, la terre symbolique l’Ermine, animal originaire de l’Arménie. Il existe toute une symbolique herminée avec sainte Hermine, laquelle peut nous ramener – Patrick Ferté dans son livre Arsène Lupin Supérieur Inconnu (Éditions Guy Trédaniel) a pu le démontrer – vers cette Terre d’Occitanie.

Dans la symbolique qu’il véhicule, l’ermin breton apparaît antérieur à l’introduction en 1213 de l’hermine héraldique par le duc  de Bretagne Pierre Mauclerc, Capétien de la Maison de Dreux. Les armes des Dreux étaient : « Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules ». Second fils de Robert II de Dreux, Pierre dut briser le blason paternel, avec un franc-quartier d’hermines, alors réservé au clergé. Le premier blason d’hermine plain qui deviendra celui de la Bretagne, daté de 1251 est apparu sur l’écu de son fils, Jean Ier le Roux. Mais ce n’est qu’en 1381 que Jean IV de Montfort fit définitivement de l’hermine l’emblème du duché de Bretagne.

Devi Kervella dans son livre Emblèmes et symboles des Bretons et des Celtes (Coop Breizh éditons) indique que les mouchetures d’hermines apportées par Pierre de Dreux sur son blason apparaissent comme des armes parlantes. Elles forment un rébus « qui avait déjà cours dans l’Antiquité » : « on ne peut que constater qu’en langue bretonne l’élément brizh ‘’mouchetures’’ ressemble fort à Breizh ‘’Bretagne’’, aussi bien que bri-zhenn ‘’moucheture’’ à Brezhon ‘’Breton’’. »

Le premier Ermin venu dans la future Bretagne, serait de tradition le patriarche Noé. Après le Déluge, quittant l’Arménie pour un second voyage il aurait débarqué dans la Vallée où sera érigée la cité de Nantes… Ceci serait affirmé par un certain Conradianus dans un livre imprimé à Londres en 1167. Le vieil auteur Nantais Pierre Biré affirmait dans son livre Épisemasie ou relation d’Aletin le Martyr (1637) que cet Anglais était « Archidiacre de Salisbere ». Différents auteurs affirmaient qu’il en était l’évêque, bien qu’aucun évêque de ce nom n’apparaisse dans les Catalogues de Salisbury. Ce livre britannique dans lequel Conradianus évoquait notamment la mission de Joseph d’Arimathie en Grande et Petite Bretagne, fit l’objet de virulentes recherches.

L’archéologue Pierre-Louis Athénas (1752-1829) formé au sein de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, directeur de la Monnaie de Nantes à compter de 1795, dans une lettre adressée le 13 janvier 1821 à la commission des antiquités françaises, indiquait : « J’ai cité Conradianus d’après un passage rapporté par d’autres historiens. Son ouvrage est intitulé : Descriptio utriusque Britanniæ. Il a été imprimé à Londres. Je l’ai cherché en vain à la bibliothèque du roi. Je mettrais beaucoup de prix à pouvoir le consulter. »

L’hagiographe Breton Albert Le Grand de Morlaix, membre d’un cénacle nantais présidé à l’époque par Pierre Biré, reproduisait avec références, des extraits de cet ouvrage tant convoité, dans son livre majeur à bien des égards, Vie des saincts de la Bretaigne armorique (1637).

Noé l’Ermin aurait, suivant la mythologie nantaise transmise notamment par le Sieur Pierre Biré, fondé la cité d’Armon, nom premier de Nantes, capitale de l’Armonica ou Armonici... La première apparition connue de cette région sous ce nom, est due à la plume de Jean de Cornwall (Ioanis Cornubiensis) auteur au milieu du XIIe siècle de la traduction latine en hexamètres, avec commentaires, d’un texte en vieux-breton, la PROPHETIA MERLINI. Ce texte se présentait comme une réponse aux PROPHÉTIES DE MERLIN rédigées par Geoffroy de Monmouth en 1135. L’œuvre de Jean de Cornwall fut dédiée à l’évêque d'Exeter, Robert Warelwast décédé en 1155. Texte d’importance, il fut présenté et traduit en français, en l’année 1974, par l’éminent latiniste Pierre Flobert sous le titre La Prophetia Merlini de Jean de Cornwall, dans la revue Études Celtiques n°14. Le passage clef qui inspira principalement, pouvons-nous le penser, Nostradamus, se résume dans ce vers…

« Armonici montes equabunt uertice nubis. » (Vers 134)

…que P. Flobert traduisit ainsi :

 « Les montagnes d’Armon atteindront les nuages avec leurs cimes. »

P. Flobert notifie : « 134 armonici V : Armorici Gr. ». Soit V pour Codex Vatican Ottobonianus Latinus (1474) et Gr pour Carl Greith (1838) dans son Spicilegium.

L’Armonici ou Armonica (Armon / Armonie) de Jean de Cornwall donnera naissance au XIIIe siècle à différentes variantes. L’historien et linguiste Joseph Loth évoquant ces variantes, s’interrogera en 1897 dans l’étude La patrie de Tristan (Revue Celtique) sur les localisations à retenir :

« Dans le Tristams Saga, sa patrie est Ermenia. Gottfried a Parmenie. En version anglaise, à côté de Ermonie, donne Hermonie. Il semble bien que Parmenie soit une faute de lecture pour Hermernie, ou Hermonie, variante Ermonie. Dans les trois imitations, dit M. J. Loth (p. 24) Tristan doit quitter l’Angleterre pour aller en Parmenie. »

Cet auteur, comme ses pairs, localisait cette région en Grande-Bretagne, Est-Munster, Man, etc… La confusion apparaît déjà chez Geoffroy de Monmouth, Breton originaire d’Armorique qui n’hésitait pas, en 1135, dans ses Prophéties de Merlin, à évoquer une seule Armonici, l’Armorique continentale, alors que son rival Jean de Cornwall en reconnaissait deux : la continentale et la galloise.

L’historien Léon Fleuriot dans son étude Les romans bretons (ouvrage collectif Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne – Champion-Slatkine 1987), s’est penché sur le pays d’Hermenie ou de Parmenie que l’on découvre dans le Tristan und Isolde (1210-1245) de Gottfried de Strasbourg. Tristan indique : « Les Parméniens m’ont appris à jouer de la viole et de l’organistre… ».

L’étude de L. Fleuriot démontre que les auteurs médiévaux n’ont pas précisément suivi les deux auteurs des Prophéties de Merlin, qui voyaient dans l’Armonici la Bretagne armoricaine dans sa totalité : « Le pays de Parménie ou Hermenie placé aux confins de la Bretagne et de la Normandie, porte un nom qui résulte de la confusion entre les noms de l’Armorique et de l’Arménie ! Le n et le r étaient encore souvent très proches de forme aux XIe-XIIe siècles et c’est ainsi que l’on a Armonica pour Armorica dans le texte de la ‘’Prophétia’’ de Jean Cornwall (EC, t. 14,55). Armorica fut francisé en Armonie, ce qui explique de telles confusions. »

Les analyses de L. Fleuriot sont pertinentes et démontrent que chez les auteurs médiévaux, l’Armonica était à géographie variable, ce que cet érudit connaissait assurément bien qu’il n’en fasse pas mention. En effet, treize ans plus tôt, en 1974, conjointement à la traduction française de La Prophetia Merlini de Jean de Cornwall  (revue Études Celtiques n°14) par le latiniste Pierre Flobert, Léon Fleuriot présente dans ce même n°14, son étude Les fragments du texte brittonique de la ‘’Prophetia Merlini’’. Ses commentaires relatifs aux Armonici montes n’y apparaissent que pour confirmer que Jean de Cornwall, ainsi que Geoffroy de Monmouth, évoquent l’un et l’autre ces monts armoricains. Mais il ne contredit aucunement la géographie de l’Armonici présentée par Jean et par de Geoffroy, à savoir la totalité de la Bretagne armoricaine.

Il est certain, pour en revenir à l’étude de 1987, que le pays de Parménie, d’Hermenie ou d’Armonie, résulte d’une confusion entre les noms de l’Armorique et de l’Arménie. Nous retrouvons la symbolique de l’ermin(e) d’une part, et d’autre part, celle du Pardès ou Paradis… L’idée d’une Bretagne Parménienne continentale, se voit confirmée par l’ancien nom du royaume de Petite-Bretagne : la Letavia, Letau ou Llydaw des Bretons insulaires qui désignait la Porte de l’Autre Monde, voire l’Autre-Monde.

L’Armonique terre de Nostradamus trouve bien son origine dans les Armonici montes ou Armonica montes de la « Prophétia Merlini » de Jean Cornwall apparaissant dans le 134e vers ainsi traduit  par P. Flobert :

« Les montagnes d’Armon atteindront les nuages avec leurs cimes. »

Cette traduction n’est pas sans nous rappeler que, suivant l’hermétiste Pierre Biré, le premier nom de la cité de Nantes aurait été Armon. Patrick Berlier après connaissance du texte latin et de sa traduction française pense avec justesse, qu’une explication aurait été nécessaire :

« Dans sa traduction des prophéties de Merlin, Pierre Flobert traduit Armonici montes par ‘’montagnes d'Armon’’. Le latiniste n'a pas jugé utile d'expliquer son choix, il pensait peut-être que le lecteur serait capable de comprendre son raisonnement. Pour cela il faut maîtriser au minimum la langue et la grammaire latine, ce qui n'est quand même pas le cas pour tout le monde ! En fait, dans Armonici la terminaison par la voyelle caractéristique i indique un génitif, un complément de nom. Sauf qu'Armonici ne peut pas être le génitif d'Armonica, qui serait en bonne logique Armonicae, et donc si un Armonicae montes pourrait se traduire par ‘’montagnes d'Armonique’’, ce n'est pas le cas pour Armonici montes. Armonici semble être le génitif d'Armonicum, qui ressemblerait plus à un nom de domaine qu'à un nom de montagne. Ce serait la version contractée et abrégée de Armoni et acum, soit ‘’domaine d'Armon’’. Il faudrait donc traduire par ‘’montagnes du domaine d'Armon’’, une formule qui serait un peu lourde. Pierre Flobert a donc sans doute jugé plus élégant de traduire par ‘’montagnes d'Armon’’ ».

Force est de reconnaître que ce « domaine » alourdirait le sens mystérieux de ce vers. 

Suivant Pierre Biré, lorsque Noé débarqua à Nantes, son épouse Vesta aurait institué l’Ordre des Vestales, ce qui nous ramène précisément aux deux derniers vers du quatrain IV-95 de Nostradamus :

Les deux Vestales contre rebelleront

Victor puisnay en Armonique terre.

Les vieux auteurs Nantais, Pierre Biré en tête, présentaient les Vestales Nantaises comme les prêtresses de « la Religion & l’Ordre des Vierges » instituées par Vesta (l’épouse de Noé) dans la cité de Nantes « pour garder, entretenir & conseruer vn feu perpetuel & inextinguible, pour prefigurer la conseruation inuiolable de la perpetuelle virginté de la mere de nostre Sauueur ». Ces faits n’ont assurément que peu de rapport avec le lointain passé de Nantes mais ils portaient en eux les germes prophétiques d’un avenir annoncé par les Maîtres du Brut. Pierre Biré affirmait qu’ARMON, nom premier et donc secret de Nantes avait pour origine l’hébreu Rimon, « pomme de grenade ». Cette grenade apparaît par trois fois sur le blason de cet emblématique personnage Nantais.

Oswald Wirth dans son livre La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes Tome 1 L'apprenti évoquait « Les grenades de l'amitié » représentées dans le Temple :

« La porte s'ouvrira à l'Occident, entre deux colonnes creuses, aux chapiteaux ornés de lys égyptiens et couronnés de pommes de grenade entrouvertes ; ces fruits aux grains symétriquement rangés rappellent la famille maçonnique, dont tous les membres sont harmonieusement reliés par l'esprit d'ordre et de fraternité ».

Nous retrouvons cet aspect symbolique de la grenade dans le Dictionnaire encyclopédique de la noblesse de France (Nicolas Viton de Saint-Allais – Paris, 1816) : « La GRENADE est l'hiéroglyphe de l'union d'une famille, d'une société. »

L’hébreu Rimon, « grenade », (racine Roum ou Ramam) signifie tout d’abord « élévation, majesté », d’où le nom du dieu du vent, de la pluie et de l’orage Rimon adoré par les Syriens (Temple de Rimon à Damas – IIe Livre des Rois 5-18). La racine Roum donne aussi le mot Armon : « citadelle, palais, forteresse ».

Le Sieur Biré écrit dans son livre Épisemasie ou Relation d’Aletin le martyr… (1637) : « le mot Hebraïc Armon, signifie vne pomme de grenade, laquelle hieroglifiquement signifie une pepinière, semence & fecondité ». Nantes lui apparaît comme « une seconde pepiniere, source & matrice souveraine de  villes & pays de toutes les Gaules… »

 

Page du titre du livre de Pierre Biré

 

Au travers de ces étymologies, Biré vise à démontrer que ces devanciers étaient dans le vrai lorsqu’ils affirmaient, comme le fera encore Jean Boutin, sieur de Chamballan dans Prééminence de Nantes sur Rennes (1619) : « … on ne peut dénier qu’elle ne soit la métropole, la mère des villes, la mère nourrice de la province. »

Pierre Biré fut, il convient de l’indiquer, le président d’un cénacle armonique, dirigé précédemment, avant sa mise en sommeil, par le duc de Mercœur… Ce cercle nantais réveillé par Pierre Biré et Albert Padioleau, connu comme l’Académie de Nantes, puisait ses origines dans une Académie italienne et n’était pas étrangère à l’Académie ou Société Angélique lyonnaise dont elle devint peut-être une filiale.

L’un des membres de cette académie fut l’illustre hagiographe Breton Albert Le Grand, connu pour son ouvrage Vie des Saincts de la Bretaigne armorique (1637). Ce Dominicain était un grand admirateur des moines Kuldées, Maîtres du Brut. Lors des rencontres du cénacle nantais, le Dominicain n’oubliait pas de présenter les dernières pages écrites pour son livre. Les évêchés de Bretagne, les villes ainsi que les abbayes de l’ancien duché attendaient fébrilement la sortie de ce livre. Il était important de figurer avant l’évêché voisin ou l’abbaye proche. Son intérêt pour les moines Kuldées et la façon dont ils étudiaient les textes prophétiques, devait apparaître bien précieux lorsque Pierre Biré et les membres du cénacle se penchaient notamment sur la Prophetia Merlini de Jean Cornwall car, oui ils s’y penchèrent ainsi que nous le verrons dans une prochaine étude consacrée à ce cénacle nantais.

Il nous faut néanmoins revenir sur le vers 134 de cette prophétie : « Les montagnes d’Armon atteindront les nuages avec leurs cimes. ». Il apparaît comme le centre d’un triptyque, ainsi traduit par P. Florbert :

les vallées se soulèveront et les chênes aussi verdiront ;

les montagnes d’Armon atteindront les nuages avec leurs cimes.

La postérité exaltera le diadème du grand Breton ;

Ces trois vers apparaissent comme une transposition brittonique des versets 4 et 5 du chapitre 40 du Livre d’Isaïe :

« Que toute vallée soit exhaussée, que toute montagne et colline s’abaissent, que les pentes se changent en plaines, les crêtes escarpées en vallons ! La gloire du Seigneur va se révéler, et toutes les créatures, ensemble, en seront témoins: c’est la bouche de l’Éternel qui le déclare. » Traduction Bible du Rabbinat Français Zadoc Kahn.

Le Dictionnaire hébreu biblique Sander/Trenel traduit : « Toute plaine sera élevée ». Le texte hébreu, comme la Prophetia Merlini, est bien rédigé au futur, un futur prophétique.

Le barde Taliesin dans son poème CONJURATION HOSTILE, clamait :

Ma science s’est exprimée

en hébreu, en hébraïque,

en hébraïque en hébreu,

laudatu laudate Iesu…

Les Maîtres du Brut, étudiaient les poèmes bardiques, ainsi que le faisaient les Kabbalistes

Les deux premiers mots du verset biblique « Toute vallée » : « Kal Gaï (Gui/Gué) », donnent le ton et le titre de ce verset. Pour les commentateurs juifs ce titre, évoque la venue du Messie dont les pas emprunteront l’ancienne route tortueuse, à présent devenue rectiligne : « que les pentes se changent en plaines », soit en hébreu « VéHaïa HéAqob LéMishor ». Le premier mot est le verbe « être », pris ici dans le sens de « se changer ». Les deux mots suivants (au singulier dans le texte hébreu) précédés de l’article Hé pour le premier et de la particule Lé, « en » pour le second, apparaissent très importants dans l’exégèse rabbinique. Le mot Aqob, aujourd’hui traduit par « pente, crête, coteau », et plus anciennement par « lieu (chemin) tortueux », « lieu (chemin) tortu » signifie tout d’abord « talon » et le mot Mishor, traduit par « plaine, lieu droit » est apparenté au nom Ishraël qui deviendra celui de Jacob après la lutte avec l’Ange. Les Rabbins en ont ainsi déduit que Jacob / Israël aura définitivement vaincu Ésaü / Édom lorsque le Messie apparaîtra. Cette lutte commença d’après le Livre de la Genèse dans le sein même de Rébecca leur mère. À sa naissance, Jacob tenait le talon  (Aqob) de son frère Ésaü, d’où le nom qui lui fut donné. Ésaü est présenté dans les commentaires rabbiniques du verset, comme le Rebelle.

Pour le texte biblique l’ennemi d’Israël est Rome. Pour la prophétie de Merlin, l’ennemi ou les ennemis sont les Saxons et les Normands. Mais ces trois vers, sortis de la prophétie, annoncent une période beaucoup plus lointaine. Rome ou Édom, le Quatrième Royaume, prendra fin, suivant la tradition hébraïque, lorsque viendra le Messie, le Grand Breton de la prophétie de Jean de Cornwall.

La Prophetia Merlini, telle la prophétie biblique, évoque les vallées qui se soulèveront. Elles atteindront « les nuages avec leurs cimes, devenant ainsi « montagnes d’Armon ». La royauté suprême sera ainsi restaurée. Jean de Cornwall évoque le « diadème du grand Breton », se démarquant quelque peu (le sens est le même) de Geoffroy de Mommouth qui évoque le « diadème de Brutus » : « Les monts d’Armorique entreront en éruption et l’Armorique elle-même sera couronnée du diadème de Brutus. » (Enquêtes sur les prophéties de Merlin, Jean-Pierre Le Mat – Éditions Yoran Embanner)

Les monts d’Armorique évoqués par Geoffroy évoquent plus précisément les Monts d’Arrée et les Montagnes Noires dont le versant maritime, le Menez Horm, apparaît comme une ancienne zone volcanique.

Jean de Cornwall aux Armorici montes de Geoffroy Monmouth, préfère évoquer les Armonici montes que P. Flobert traduit par « monts d’Armon ». Cette substitution, un n pour un r, lui permet géographiquement de délocaliser « l’éruption » qui ne se situera plus sur les volcans éteints du Nord de la Bretagne où les guerriers entretiendront le feu annonciateur de la guerre, mais au Sud de l’Armorique à Nantes dont le nom signifie « Vallée » ou « Ciel », Nantos en gaulois, et dont le nom ancien ou secret serait Armon…

Les monts d’Armon, n’ont pas le prestige des monts du Nord, ils sont les contreforts de l’ancien Massif Armoricain. Ils ont pour nom Butte Sainte-Anne, Coteau de Saint-Nicolas, Coteau de Saint-Similien (Talensac), sans oublier l’énigmatique Mont Goguet.

Dans cette Vallée d’Armon, les Vestales ont entretenu au fil des siècles le feu perpétuel allumé par Vesta l’épouse de Noé…

Le Temple du dieu Volkanus ou Volianus que Pierre Biré n’hésite pas à comparer au Temple de Jérusalem, se trouvait là où sera édifiée la cathédrale Saint-Pierre. Saint Clair, premier évêque de Nantes, ne fit que passer devant le Temple de Nantes toujours actif. Il fonda sa chapelle sur le Coteau Saint-Similien dit aussi Coteau de Talensac.

Bien que Biré compare le Temple de Nantes au Temple de Jérusalem, le lieu de son édification diffère. À Jérusalem le Temple était édifié sur le Mont Moriah, tandis qu’à Nantes, il l’était dans la Vallée.

Ésaïe prophétise « Que toute vallée soit exhaussée, que toute montagne et colline s’abaissent… », tandis que Merlin prophétise : « les vallées se soulèveront […] les montagnes d’Armon atteindront les nuages avec leurs cimes ».

La prophétie de Merlin  concerne la Bretagne dans sa totalité. Pour accéder au Temple d’Armon, le pèlerin Breton entreprenait la difficile descente (à l’époque) du  Coteau de Saint-Similien ou Coteau de Talensac. Ce dernier nom bien connu des Nantais pour ses halles qui succédèrent aux anciens abattoirs nantais, nous est ainsi expliqué par Édouard Pied dans son livre Notices sur les rues… de la VILLE DE NANTES (1906) : « Parmi les Commissaires désignés en 1336 pour surveiller l’exécution de la police, sur les prix des denrées et des salaires, figurait un Jehan de Talenzac, de la paroisse de Saint-Similien, dont le nom aurait été plus tard attribué à la rue. »

Bien qu’Édouard Pied emploie le conditionnel, toujours repris depuis, l’hypothèse apparaît recevable mais il convient peut-être de retenir ici l’hypothèse longtemps affirmée quant à l’origine du nom des seigneurs de Talensac, commune de Brocéliande. Talensac viendrait de « talus » qui désignait au Moyen-Âge un terrain à forte pente. Et ce talus est, il convient de le signaler, homonyme en latin d’un mot signifiant Talon…

Jean de Cornwall dans sa Prophetia Merlini écrit : « ualles erumpent », ce que P. Flobert traduit : « les vallées se soulèveront ». La traduction latine du Livre d’Isaïe donne : « Omnis uallis exaltabitur », soit « Toute vallée sera exhaussée ». Le verbe diffère : exalto au futur pour la traduction d’Isaïe et erumpo pour J. de Cornwall. Si le premier évoque une élévation ordinaire, le second évoque une élévation violente, précipitée, tels les feux jaillissant de l’Etna (Dictionnaire latin Gaffiot).

Nous retrouvons assurément l’idée des montagnes armoricaines, anciens volcans, au sommet desquelles les druides et les guerriers entretiennent des feux perpétuels.

À Nantes ou Armon, suivant la lecture kabbalistique de la Prophetia Merlini, « les vallées se soulèveront ». Ces vallées,  pluriel de majesté, comme dans la langue hébraïque, évoquent la Vallée des Celtes Namnètes. Dans cette Vallée, les Vestales entretenaient le feu sacré et les Druides entretenaient les feux de Volkano (alias Volianus). Ces feux de Vulcain feront place à l’époque chrétienne aux feux de saint Éloi. Les vallées soulevées, deviendront les montagnes d’Armon cachés par les nuages.

Nous retrouvons ici des enseignements de nature angélique, nuageux, enseignements évoqués au sein de l’Académie de Nantes présidée par Pierre Biré mais aussi précédemment par le duc de Mercœur… l’Ange descendu du ciel … Or, nous retrouvons dans ces montagnes ou cette montagne d’Armon l’écho de l’étrange Livre d’Enoch, dans lequel il est fait mention de la descente des Anges sur le Mont Hermon ou Armon … Ces anges évoqués dans Genèse 6, 1-4, seraient descendus sur Terre, suivant les textes apocryphes, au temps de Jared, pour enseigner les hommes mais ils auraient outrepassé leur mission en s’unissant aux filles de l’Adam…

Yannick Affret dans son livre La Genèse biblique déchiffrée (Éditions Arcane) indique que le nom NEPHILIM les tombés ou descendus du ciel, est aussi « traduit par ‘’les Nuageux’’. Ce dernier terme rejoint ainsi le mot NEBILIM (vases) désignant dans le Livre de Job les ‘’vases ou nuages’’ du ciel. »

 

À suivre...

 



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