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Ponce Pilate

Avril

2008 



Par
Thierry
Rollat




Le Grand Romain,
 Pontius Pilatus














      Ponce Pilate, devrait-il à la "seule" condamnation à mort de Jésus qu'il aura dû prononcer, que son nom ne soit pas oublié pour l'éternel, autant par le Christianisme que par la Grande Histoire, celle portée par la mémoire collective, l'humanité toute entière ? Oui probablement, si on ne s'en tenait qu'aux faits, des données tenacement colportées et parvenues jusqu'à nous. Mais voilà, transformées, bien souvent erronnées, près de 2000 ans après le passage sur terre de ce sombre et à la fois toujours célèbre dignitaire Romain.

     Il serait trop simpliste de résumer l'existence peu commune de ce puissant préfet au seul trop malheureux hasard d'avoir croisé le destin du messie, celui que des populations en souffrances espéraient, attendaient comme un sauveur, celui qui pouvait les délivrer, les libérer notamment de l'écrasante occupation romaine en Judée. Ponce Pilate se serait donc retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment ? Quelque part, on pourrait certainement répondre spontanément, et là encore par l'affirmative. Il n'aurait vraiment pas eu de chance, le bougre ?

   Cette synthèse, un bref raccourci qui nous est régulièrement encore proposé, venant à l'esprit spontanément si l'on évoque Pilate, reflète-t-il une réalité antique acceptée depuis toujours, par la chrétienté elle-même pour commencer ? Non, on se doit bien de répondre non. Les discours ont changé au sujet de vérités jadis en vigueur, ou plutôt en rigueur impérieuses. Les responsabilités du fautif impardonnable Ponce Pilate ont été revues et nuancées, à propos du sévère jugement dernier qu'il aurait seul dû assumer en direction du Christ qu'il abandonna.

     Pourquoi des revirements dans les opinions justes ou justifiés, ont-ils été depuis des époques lointaines jugés nécessaires ? Pilate tient un rôle primordial, pour ne pas écrire ici crucial, dans le fondement même du Christianisme. Historiquement parlant tout d'abord puisqu'il est indubitablement associé aux genèses, aux premiers périples et adversités rencontrés par cette religion née à la fois dans l'enthousiasme et la douleur, accompagnée dès les premiers siècles par ces martyrs livrés aux lions romains, pour prendre seulement ici un symbole fort.



    Le titre de cet article n'est bien entendu pas innocent. Pour autant, il n'est point question de pouvoir traiter ici, indépendamment ou non, en de trop rapides développements cette curieuse notion DU Grand Romain. Oui j'entends apposée par Nostradamus, mais très incertaine sur le QUI se retrouvait derrière le personnage évoqué sous ce patronyme finalement très vague et évoquant très probablement dans le même temps un puissant dignitaire. Certes les hypothèses ne manquent pas, alors pourquoi écarterions-nous si vite et dès à présent Pilate de celles-ci  ?

    Ponce Pilate, son existence historique est avérée indiscutable, seulement officiellement depuis 1961, pourrait-on croire un peu, ou même beaucoup trop naïvement, suite à la découverte d'une gravure retrouvée à Césarée, la seule et unique connue à ce jour portant jusqu'à son nom ? Ce point renforce paradoxalement sa présence extremement sérieuse et la crédibilité assez criante qui l'accompagne dans les Évangiles, où là, il fut évoqué dans des textes, depuis les presques débuts de l'ère chrétienne, pour être clair et même catégorique ?

     On lui prête une destinée connue, comme un dernier point fixe, qui pousse jusqu'à la fin 36, date à laquelle il sera relevé de ses fonctions suite à des exactions, des abus répétés sur le peuple juif qu'il administrait avec mépris en Judée. C'est à Rome qu'il se sera rendu pour être entendu par Tibère et c'est Caligula qui l'accueillera ! Rien que ce point aura produit et sème du reste toujours, des troubles, des doutes, un flou parfois fantasmagorique, des désaccords interprétatifs et aussi chroniquement bien trop audacieux, à travers le temps, les époques et leurs érudits.

    Les historiens, les écrivains, à l'origine et durablement souvent religieux, ne se mettront pas d'accord sur le cheminement qu'aura suivi Pilate se rendant auprès de tel ou tel empereur, entre Tibère qui était déjà en poste lorsque survint la condamnation suivie de la mort de Jésus ou Caligula qui lui succéda entre la fin 36 et mars 37, très vraisemblablement. Ces dates somme toute, ne resteraient qu'approximatives ? Non, car la période s'avère suffisamment affinée pour retenir avec justesse l'arrivée de Pilate à Rome, devant le nouvel empereur, un tyran !



   Malgré des écrits crédibles, comme ceux des Dictionnaires, des Encyclopédies, on peut admettre prudemment que l'ancien préfet entre concrètement dans La Légende et officiellement dès son retour en la capitale de l'Empire. Effectivement, il s'écrira tellement de contre-vérités, qu'il ne resta pas simple pour nous, pour moi, d'y faire quelques lumières, si tant est, que volonté il y eu jadis d'éclairer cette situation si confuse ? Son passé, les responsabilités exercées, où et comment auparavant, avant que n'approche l'an 33, n'ont jamais été sérieusement tranchées !

    Oui, il se serait bien retrouvé en Judée vers l'an 26, mais comme préfet alors que la fonction le définissant fut durablement spécifiée comme ayant été celle d'un procurateur et là à tort en l'occurrence. A-t-il été nommé en ces lieux à titre disciplinaire, comme une punition qu'on lui aurait donc infligée, ou tout au contraire parce qu'une plutôt très grande confiance s'est portée sur lui à un moment donné, pour gérer un territoire délicat, le besoin d'une main ferme, voire ici impitoyable ? Les deux versions circulent ou ont circulé, la vérité étant peut-être ailleurs ?

  Ce passé plus ancien, ne serait pas capital ? Au moins au premier abord alors ? Il refait parfois surface cet avant présumé, lors d'arguments loin d'être intempestifs, portés dans des ébauches, plus ou moins fiables ou mûries. Ce puissant Romain, pourrait avoir connu Joseph d'Arimathie, lui à qui il accordera le Corps du Christ défunt. Ponce Pilate aurait un passé militaire supposé glorieux, et il pourrait avoir eu jadis sous ses ordres Joseph d'Armathie, un protagoniste notoire, difficilement cerné ou cernable, sur le fond comme sur la forme, ses rôles et ses actes...

    Sa femme, celle de Ponce Pilate, Claudia Procula, acceptée sous l'orthographe de Procla, demeure une influence à prendre en compte dans une approche globale, dès qu'est prononcé le nom de ce célèbre dignitaire romain, finalement au bout du compte fort mal connu. Oui, elle s'impose bien à plusieurs titres comme une clef précieuse et qui ouvre des voies, pas forcément toutes romaines, si vous m'acceptez ce brin d'humour. Ses origines, autant géographiques que familiales, ses interventions et écrits, la propulsent au devant de la grande scène historique.


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        Il n'est point envisageable que la condamnation de Jésus, puis sa mort, ne puisse pas avoir eu une influence, en aucun cas traumatisante pour la conscience d'un coupable, mais bien une réelle importance indiquant clairement à Pilate, qu'il vivait alors des moments historiques et qu'il enregistrait dans le même temps, une véritable impuissance sur cette triste décision finale. Beaucoup laisse à penser que Pilate ne voulait pas voir mourir Jésus à l'issue du jugement de sa vie, procès obligatoirement placé sous tensions caractérisées, attisées par une foule hystérique.

       Néanmoins si on s'efforce de comparer des textes ou des hypothèses variées, qu'on les étaye en s'invitant à les analyser dans des contextes probants, on peut retrouver des interrogations intéressantes, à défaut de recevoir de réponses fiables aux nombreuses questions, qu'il faille se poser. Ponce Pilate a forcément suivi, analysé et observé, un environnement directement concerné par la dynamique marche en avant pacifiste de Jésus, un prophète rare, qui aura bouleversé une civilisation, par ses paroles, ses messages et ses actes.

       Ponce Pilate au-delà de défauts, pour certains inqualifiables, ou de décisions répréhensibles dans le quotidien de ceux qu'il administrait depuis déjà 7 ans, sera en l'an 33, significativement dépassé par les événements qu'il dut gérer, devenu un acteur intime et particulièrement officiel de la Grande Histoire. Ce n'est pas un simple personnage historique et pas seulement un majeur non plus. Il restera un puissant et odieux dignitaire romain qui va croiser l'Histoire et influer, malgré lui, considérablement sur une Religion ; son nom restant pour toujours associé à Jésus.

      Il fut complètement impossible que Ponce Pilate, ne soit oublié des historiens, mais dans le même temps et avant tout des écrits religieux. Les Evangiles canoniques, imposent en quelque sorte, un repère historique incontournable : reconnaître un véritable rôle de tout premier plan à ce préfet. Ce Dossier a notamment pour ambition, de replacer dans un contexte assez précis, le comment est entré pour l'éternité Ponce Pilate, à la fois dans l'Histoire et dans une Religion, à présent deux fois millénaires. Il est bien là une destinée extraordinaire et à la base de son vivant.



     En l'an 33, Jésus est crucifié et Ponce Pilate restera les 3 années à venir, préfet de Judée. Ces données ne font l'objet d'aucune contestation notons le bien au passage. Fin 36, ce dignitaire romain a perdu un certain contrôle de la situation, son pouvoir se retrouve affaibli, en ayant répété des abus sur le peuple juif qu'il avait en charge et qui lui valent d'être destitué, puis convoqué devant l'empereur à Rome. Riches, orgueilleux, vaniteux, il ne s'avère pas moins fort probable que durant ce voyage retour, il dut se poser un grand nombre de questions "difficiles".

     Oui, il vient d'entrer dans la Légende, mais lui n'en a pas alors conscience, tout au moins sa priorité et ses incertitudes, résident à savoir ce que va être son devenir immédiat et aussi futur. Accompagné de Claudia, sa femme, ils deviendront un mythe, aiguisant la plume de ceux qui vont les activer, en telles ou telles scènes virtuelles et au gré, paradoxalement, de l'évolution du Christianisme. Où qu'ils se soient retrouvés, ils constateront tout à fait lucidement que les convertis chrétiens vont se développer, que les messages de Jésus-Christ lui auront survécu.

     De l'an 37, je dirai arbitrairement jusqu'à 50, et concernant Ponce Pilate, nous ne possédons aucun écrit se rapportant à lui. Les Evangiles seraient, pour le premier selon saint Marc daté au plus tôt de l'an 60. Flavius Joseph, historien juif notoire dont le nom et la réputation ont traversé l'ère chrétienne demeure aussi le plus vieil auteur à mentionner dans des textes le préfet de Judée ici étudié, il serait né, lui, vers l'an 37. Par conséquent, on devrait établir le constat antique qui viserait justement à reconnaître l'abscence de données d'époque ?

     Tous ceux qui vont s'exprimer en laissant des traces écrites et sans jamais réussir à ancrer la moindre tradition, vont en fait gratuitement évoluer dans le domaine de l'arbitraire historique, durant les siècles immédiats qui vont suivre. L'Église catholique deviendra romaine au 4ème siècle. On peut raisonnablement admettre, que les discours se rapportant à Ponce Pilate, vont dès lors être réorientés. Les raisons sont plurielles, elles ne seront pas traitées ici, mais il change de rôle, on lui affine des responsabilités à plusieurs titres et qu'il n'assuma évidemment jamais. 



      Qu'est réellement devenu Ponce Pilate après la fin 36, ou en dernier ressort mars 37 ? Voilà une bonne question, celle que se posa plus d'un citoyen, qu'il soit de plus, romain ou pas. On ne pourra jamais suffisamment revenir en arrière et connaître les vraies réponses que donnaient les initiés, si initiés ils étaient toujours et sérieusement ? L'interminable millénaire médieval va ardemment lancer et activer des certitudes auprès de populations, en grande partie crédules, si elles acceptaient et surtout croyaient vraiment,  aux fonds et à la forme des discours officiels.

      Ponce Pilate aurait connu une fin sordide, vacillant entre une condamnation à mort et un suicide provoqué par une conscience devenue trop lourde à porter devant sa culpabilité pleine et entière ayant entraîné la crucifixion de Jésus ! Le puissant Romain qu'il fut, devint un sombre meurtrier isolé qui a ignominieusement fait mourir Jésus le fils de Dieu. C'est là l'image qui doit être portée en avant, si on veut succinctement indiquer l'orientation prise alors par la vérité, à savoir celle admissible pour les autorités religieuses, devant être admise surtout par les fidèles.

         Puis, les explications vont radicalement s'agrémenter de détails géographiques, accréditer et véhiculer par l'Église, par l'un de ses membres ; quand même pourrait-on dire, à la fin du 9ème siècle ! L'archevêque de Vienne, Adon (860/875), fixe pour la première fois dans l'Histoire du Christianisme la région qui aura vu mourir Ponce Pilate, au travers de développements et de beaucoup de certitudes, en les mettant ainsi en avant. Il complète en mentionnant que son corps aura à jamais été absorbé par une montagne dont le descriptif indique : LE PILAT.

   Ce serait en Gaule que Ponce Pilate aurait terminé ses jours, soi disant exilé, puis arrive dans cette continuité, l'inévitable scénario sordide, avec sa mort très rapide. Aux temps modernes, la mémoire collective, lui verra avoir rendu la justice à Vienne, par conséquent avoir occupé une fonction dans un organigramme ? L'Église cautionna en son temps les dires d'Adon, avant qu'au début du 12ème siècle un ancien archevêque de Vienne, encore, et qui le resta 31 années, en ne remettant jamais en cause la version de son vieux prédécesseur, décide devenu Pape sous le nom de Calixte II, d'adjoindre un rebondissement. Ponce Pilate aurait fini ses jours en Suisse !


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     Non les pistes et les indices, n'ont pas tous été définitivement brouillés, gommés et rendus sans intérêt. Ponce Pilate représenta des siècles durant un enjeu. Il est certain que de son vivant il n'aura jamais pu mesurer ce que deviendrait beaucoup plus tard sa marionnette. A ce stade des présentations il convient bien d'être sans réserve. Le hasard comme souvent dans la recherche, n'a que peu de place en ce qui concerne la vie, ou les vies successivement accordées à Ponce Pilate durant près de deux mille ans. C'est une Légende, nous glisse-t-on au creux de l'oreille ?
 
   Oui, mais pas n'importe laquelle. Celle-là, et sur des siècles, il fut nécessaire de la contrôler, à un moment donné elle échappa aux contrôles ou plutôt aux contrôleurs ? Vienne, Le Pilat, puis plus tard un ancien archevêque de Vienne qui occupa la fonction durant trois décennies, rien que ces données, engendrent des éléments qui livrent des explications et des reconstitutions, loin elles, d'échapper à la rigueur, entre autres, de Pourquoi ou de Comment. Ponce Pilate un Grand Romain, appartient à l'Histoire Secrète. On vous le dévoilera sans trop tarder.


Thierry Rollat