LES REGARDS DU PILAT
DOSSIER SPÉCIAL 
"Hors Série - Mai 2007"

"TINTIN DANS LE PILAT"
"Du trésor de Rackham le Rouge au tableau de Saint-Sabin"














 
                                               
  Recherches inédites réalisées par deux grands amis
Michel Barbot et Patrick Berlier

 






    ...Une causerie, pas vraiment anodine...
...la mise en avant d'une première pièce d'un puzzle grandiose...

 
    Nous allons vous présenter "un Dossier Spécial - un Hors Série", qui émane de la synergie de riches et rares compétences. Vous allez donc bien effectivement découvrir les études d'un binôme, celui de deux solides amis, complémentaires et passionnants. Ces investigations inédites, extrêmement pointues, furent réalisées, avec une patience considérable. Au cours de ces nombreuses années, ils ont enregistré des progressions minutieuses sur un sujet captivant qui pourtant ne représente qu'une toute petite petite pointe de "l'iceberg titanesque".

    Ces recherches complètent aussi un chapitre pionnier par bien des aspects, exceptionnel pour d'autres démarches, proposé lui en 2005, déjà par Patrick Berlier dans son remarquable ouvrage consacré à la Société Angélique (1) ; chapitre novateur, intitulé "Tintin au pays de la Société Angélique". Cette Société Secrète, certainement dissoute (?) lorsqu'œuvrait Hergé l'aura en revanche largement inspiré au cours de la réalisation de quelques uns de ses chefs-d'oeuvre. Elle n'est apparemment pas concernée, tout au moins au premier degré, par les liens formels établis ici par mes deux amis. Ils vont développer avec brio des interactions entre le héros à la houpe, le célèbre auteur et dessinateur belge de BD et un tableau religieux du Pilat. Il est bien connu que Tintin s'adresse à un public âgé de 7 à 77 ans (et plus, bien entendu)... Vous serez donc sans doute nombreux à retrouver avec beaucoup de plaisir, je l'espère en tous les cas, dans ce dossier copieux, une partie seulement ou peut-être un ensemble totalement nouveau en rapport à vos lectures d'antan.

    Soyons bien conscients qu'Hergé nous a laissé de multiples et multiples indications, des messages discrets, presque invisibles parfois, dans ces ouvrages d'une qualité notoire indémodable. Subtil, cultivé, d'une finesse peu commune, en s'exprimant au travers de la BD, de scènes parfois extrêmement évocatrices, pour le regard de l'initié ou d'autres fois même aussi du novice demandeur. Il savait apposer, dessiner de multiples et délicats cryptages, codages, plus ou moins importants, parfois aussi peut-être bien discutables... Prétendre en avoir fait aujourd'hui le tour serait bien entendu plus que présomptueux et un non sens caractérisé... Doit-on pour autant parler d'ésotérisme ? Dans le contexte de ce dossier où l'on découvre une bien curieuse pièce d'un immense puzzle pilatois, vous pourrez vous forger un avis des plus construits, ne serait-ce que par la liste des détails donnés et surtout par la quantité des arguments avancés.

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Dessin P. Berlier - Le Guide du Pilat et du Jarez N. 2 - Patrick Berlier - 1985


    En 2004 et en première page de mon ouvrage "Le Vieux Secret", j'ai repris avec un intérêt que j'ai jugé de pleine circonstance, une phrase de Balzac, phrase que vous retrouvez d'ailleurs lorsque vous arrivez sur un site castelrennais bien connu, que je serais amené à évoquer à la fin de cette introduction. "Il y a deux histoires : l'histoire officielle, menteuse ; puis l'histoire secrète..." Cette citation que j'apprécie particulièrement, de plus en plus et à bien des titres, ne définit pas l'ésotérisme de dictionnaires, mais pour moi elle complète parfaitement ma vision, mon approche, lorsque l'on se retourne et que l'on souhaite humblement élucider avec le plus de justesse possible des déroulements authentiques, des vécus extraordinaires, des mystères ou encore  des énigmes... L'ésotérisme, il ne faut surtout pas en voir partout et l'on en voit sans doute beaucoup plus qu'il n'en faut, je suis entièrement d'accord sur ce constat, mais n'empêche qu'il est indissociable de bien des recherches historiques. En voulant se situer au-dessus de la mêlée en méprisant par là même ce terme et tout ce qu'il implique en coulisse, de travail, de réelle pertinence et d'initiation, on risquerait de faire fausse route.

    Avec notre équipe très diversifiée de par les membres qui la composent, nous connaissons de nombreux historiens rigoureux mais aussi lucides sur ces points sensibles et même des professionnels tolérants.  Tous unanimes face à une problématique essentielle : vouloir connaître la Vérité la plus complète possible. L'un d'eux, un stéphanois, que nous remercions encore, vient même de confier à notre bienveillance une bonne partie de ses travaux récents et inédits, avant qu'il ne les publie. Nous y reviendrons dans le futur ; ne voulant pas lui couper l'herbe sous le pied, car il apportera en cette occasion des informations nouvelles, rigoureusement prouvées, très intéressantes, notamment en ce qui concerne plusieurs grandes familles du Pilat et des environs. Les personnes de métier et aussi de nombreux chercheurs sérieux, remettent à leur juste place des éléments et des événements, avec patience infinie, un véritable travail de fourmi. J'apprécie vigoureusement les actions qui se situent, là où convergent les bonnes volontés. L'objectivité de deux regards au départ, peut-être foncièrement différents (le pôle historique et le pôle ésotérique), deux approches superposables au final, qui une fois réunies font jaillir la vérité, vérité que parfois personne ne détient entièrement, soyons réalistes...

    Je ne suis pas un spécialiste de l'ésotérisme. Au départ je suis un amateur, mais désireux de développer des connaissances reposant sur une réflexion personnelle et sur l'expérience de proches collaborateurs, de nombreux amis, déjà confirmés, voire très confirmés. En revanche, j'affirme clairement à l'appui d'innombrables exemples qu'il s'avère nécessaire de ne pas se priver de ce regard ésotérique dans maintes analyses, qui demeurent complémentaires, voire totalement inscrites dans la grande Histoire. Bref, je ne cherche ici à convaincre personne, je précise seulement à tous ceux qui nous lisent, que la Vérité, n'est à mon avis pas binaire, au sens qu'elle obéit régulièrement à un débat, un échange, une reflexion, où l'on se doit de respecter toutes les personnes s'investissant dans des travaux qui font appel à des "sciences" dites ésotériques. Pour aller plus loin et sans développer outre mesure, je reprendrais le propos d'un
proche de notre groupe, Chino Chatillon, lors de discussions engagées sur l'alchimie et la radiesthésie : "on a le droit de se tromper, mais le devoir de ne pas tromper..."

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Dessin P. Berlier - Le Guide du Pilat et du Jarez N. 2 - Patrick Berlier - 1985


    Un autre exemple concret peut corroborer mon analyse sur "l'ésotérisme" au sens large. C'est la Kabbale hébraïque, sur laquelle nous reviendrons assez longuement en juillet, en aparté d'un gros dossier à véritable connotation ésotérique... Disons déjà pour résumer que la Kabbale dite hébraïque (car il y en a une autre) est la tradition secrète, l'aspect "ésotérique" du judaïsme et qu'elle est partie intégrante du Christianisme et de certains de ces courants de pensée. Les religieux médiévaux ont usé et abusé dans le bon sens du terme, les premiers ; si je puis dire, de ce langage, de ces cryptages, oui, d'un ésotérisme authentique et caractérisé... Je m'éloigne, certes apparemment de Tintin, d'Hergé et du Pilat, mais pas complètement en réalité et je souhaite, avant d'y revenir pleinement, que vous, amis internautes, ayez une vision limpide d'un ressenti des plus sincères, le mien, celui aussi de très proches et de biens d'autres. L'Histoire seule, celle des livres classiques, des encyclopédies traditionnelles, qui détiennent et diffusent des vérités remplies de certitudes parfois contradictoires, nécessitent de regarder au-delà, plus loin, voire beaucoup plus loin...

    La BD n'échappe nullement à tous mes commentaires, développements et opinions, bien au contraire même... Je vous surprends peut-être ? Et pourtant... J'ajoute que ce ne sont pas toutes les BD évidemment qui obéissent à ces cryptages "malicieux" pourtant répandus. Néanmoins, on trouve dans cette spécialité qui repose essentiellement sur l'image, mais pas seulement, des exemples extrêmement variés... J'ai personnellement beaucoup à apprendre de Michel Barbot et de Patrick Berlier dans ces vastes domaines et j'ai la chance de les côtoyer toute l'année... Dans cette causerie introductive j'ai abordé en substance l'ésotérisme, un sujet complexe avec des variantes nombreuses qui englobent des sous familles, comme le symbolisme par exemple, mais qui s'avère finalement méconnu du grand public. L'ésotérisme, c'est l'hermétisme, la face cachée, celle de l'ombre, une bonne partie de l'Histoire secrète...

    Maintenant, je repositionne Les Regards du Pilat, notre site, votre site, celui d'une vitrine, la nôtre, qui explique, informe en divulgant des recherches et des découvertes, en enregistrant en retour et au fil du temps, la richesse d'échanges et de nombreux contacts. Non, nous ne sommes pas des pourvoyeurs d'ésotérisme ; pour certains d'entre nous seulement de "petits" défenseurs, de cette science utile. Il vous suffit de consulter notre rubrique archives, pour y retrouver tous les articles que nous vous avons proposés depuis novembre 2003, pour vous permettre le recentrage de nos vastes domaines d'interventions, avec pour cœur central évidemment le Pilat, son Histoire, son Patrimoine et ses Énigmes. Néanmoins, je revendique fort la nécessité d'accorder sa juste place à cette approche précieuse qu'est l'ésotérisme, lorsque l'on s'implique, à quelque échelle que ce soit, dans la recherche historique, patrimoniale ou archéologique ...

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Visages de notre Pilat - Livre sur Le Patrimoine du Canton de Pélussin
2004 -
Tableau de Saint Sabin au fond de la Chapelle

    Indépendamment, les Regards du Pilat ouvriront prochainement de nouvelles rubriques majeures, assez interdépendantes les unes des autres "exceptionnelles autant qu'extraordinaires". En ces occasions, nous allons élargir des liens géographiques, historiques et énigmatiques souvent novateurs et inédits, entre le massif du Pilat et d'autres régions, nationales et même internationales. Plusieurs correspondants, avec lesquels nous entretenons des rapports de confiance ou d'amitié, vont rejoindre notre équipe rédactionnelle. Mon ami Michel Barbot l'intègre officiellement dès à présent, pour notre très grand plaisir à tous. Pour mieux le connaître, sachez qu'il sera notre prochain invité au mois de juillet. Maintenant, je félicite vivement, Patrick et Michel, des hommes de coeur, pour le brillant travail que vous allez bientôt découvrir, une incroyable recherche que Patrick a commencé voici plus de 25 ans, en l'approfondissant scrupuleusement, discrètement, rigoureusement, comme à son habitude et de surcroît longtemps seul...

    Pour presque finir cette introduction, je remercie autant que je félicite à nouveau Michel, car il vient de faire prendre un tournant significatif, peut-être déterminant à l'une de nos recherches principales qui m'est très chère, comme à d'autres également, et pour laquelle il s'implique lui aussi, ardemment et depuis trois ans. Cette découverte, glanée grâce à  beaucoup de bon sens, j'aurai  l'occasion de vous la présenter, dans un contexte qui n'est pas sans lien avec ce dossier et que vous ne pouvez pas imaginer aujourd'hui, puisque je ne vous donne pas d'indice, préférant vous laisser la surprise. Franchement d'ailleurs, à l'heure qu'il est, nous n'avons pas encore mesuré toute la portée de la découverte, du recoupement audacieux de Michel, qui d'ores et déjà s'avère sûrement très important ? J'ai été long ? Oui, veuillez alors, m'en excuser. Je vais vous laisser prendre tranquillement connaissance de ce dossier peu ordinaire et évidemment entièrement inédit...

    Maintenant, bienvenue, ou plutôt bon retour, amis internautes, au pays de Tintin, le vieux et éternellement jeune compagnon de l'enfance de nombreux d'entre nous...
Bonne(s) lecture(s)... Prenez le temps nécessaire, de lire chacun, à votre rythme respectif et surtout jusqu'au bout ce "Dossier Spécial".  Nous mènerons  avec  beaucoup de vigueur et de perspicacité, non pas à terme, mais au delà de l'inattendue, cette investigation unique, hors de toute norme. Nous tenons toutes nos promesses, en nous en donnant les moyens, la patience....

Thierry Rollat


Visages de notre Pilat - Livre sur Le Patrimoine du Canton de Pélussin - 2004
La Chapelle de Saint Sabin en 2004 - 1120 mètres d'altitude - Commune de Véranne


(1) La Société Angélique : Cette œuvre qualifiée de magistrale par des érudits et écrite par Patrick Berlier, reconnu en cette occasion comme un virtuose par des pairs (pour moi, comme l'un des plus grands chercheurs pilatois actuels, sous plusieurs points), est présentée en deux volumes, distribuée sous la forme d'un coffret comprenant les deux Tomes. Vous pouvez, pour ceux qui ne la possèdent déjà et qui seraient intéressés, vous la procurer en cliquant plus bas, dans ce dossier, sur les librairies : Rennes-le-Château.com (La Librairie Atelier Empreinte) ou soit Thot (Éditions ARQA - Éditeur de Patrick Berlier)

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"TINTIN DANS LE PILAT"
"Du trésor de Rackham le Rouge au tableau de Saint-Sabin"

   

    Le titre de cet article doit sans doute surprendre ! Tintin, le reporter bien connu, serait venu dans notre Pilat ? Pourtant aucun des albums contant ses aventures ne s’en fait l’écho, semble-t-il. En apparence du moins… Mais c’est une idée qui a été lancée récemment sur un certain forum, peut-être comme un hameçon muni d’un appât que l’on lance à l’eau au bout d’une ligne, avec l’espoir de ferrer une belle proie. Eh bien je n’hésite pas à y accrocher un poisson, d’une espèce qui est peut-être inconnue des pêcheurs. Mais ce n’est sans doute que l’une des pièces du puzzle. Je sais bien qu’il est facile de faire dire n’importe quoi à une œuvre, et surtout ce que l’on veut y trouver. Baste ! Ceux qui jugeront ce poisson non comestible n’auront qu’à le rejeter à la mer
.

Hergé, allias Georges Rémi, le dessinateur belge créateur de Tintin, a malicieusement placé dans son œuvre des jalons sibyllins qu’il faut savoir retrouver. Ainsi derrière ces bandes dessinées à priori destinées à la jeunesse se cachent de multiples messages, parfois de simple clins d’œil, parfois des calembours usant d’un dialecte bruxellois, parfois des propos d’ordre astrologique, mythologique, voire ésotérique. Plusieurs auteurs déjà ont relevé ces particularités (voir bibliographie). Je citerai en particulier Bertrand Portevin qui le premier a noté les liens entre l’œuvre d’Hergé et la Société Angélique, ce cénacle secret d’érudits né à Lyon au XVIe siècle. J’étais donc très à l’aise, en quelque sorte couvert par l’antériorité d’un autre auteur, pour consacrer un chapitre du tome II de mon livre « La Société Angélique » (voir en rubrique librairie) à ce thème. Si le créateur de Tintin est venu à Lyon sur les traces de ladite société, on peut raisonnablement penser qu’en suivant ses adeptes du XVIe siècle, dont Jean du Choul, Rabelais ou Philibert Delorme, il est venu aussi dans le Pilat et plus précisément jusqu’à la chapelle Saint-Sabin. C’est tout au moins ce que laissent fortement imaginer certains détails de l’album « Le trésor de Rackham le Rouge », qui fait suite au « Secret de la Licorne ».

Malheureusement, il n’est pas possible, pour des problèmes de copyright, de reprendre ici les illustrations d’Hergé. Je ne peux que renvoyer les internautes curieux vers les albums cités, en donnant lorsque c’est nécessaire les références précises des vignettes où chacun pourra vérifier mes dires. J’emploie pour cela la méthode de notation classique. Chaque page se compose de quatre bandes horizontales ou « strips », elles-mêmes composées d’un certain nombre de vignettes. Les bandes sont identifiées selon leur position de haut en bas par une lettre de A à D, et les vignettes sont numérotées selon leur ordre de gauche à droite. Ainsi « C2 » signifie : troisième bande, deuxième vignette.

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SUR LA PISTE DU TRÉSOR

    Il n’est sans doute pas inutile de résumer l’histoire. Tintin découvre sur un marché aux puces une maquette d’un navire ancien, la Licorne. Il décide de l’acheter pour l’offrir à son ami le capitaine Haddock. Mais la maquette est très convoitée, par un collectionneur d’abord, et surtout par deux antiquaires véreux et redoutables, les frères Loiseau. C’est que la maquette a un secret : elle existe en fait en trois exemplaires, et chacun contient un parchemin. Les trois parchemins réunis révéleront l’emplacement d’un trésor, celui du pirate Rackham le Rouge, tué en 1698 par le chevalier François de Hadoque, un ancêtre du capitaine, fidèle sujet du roi Louis XIV, capitaine du vaisseau la Licorne. C’est un trésor fabuleux, provenant de l’attaque d’un vaisseau espagnol, « de quoi payer dix fois la rançon d’un roi ». Le chevalier a réussi à faire sauter la Licorne, dont les pirates s’étaient rendus maîtres. Il a légué son secret à ses trois fils, sous la forme d’une énigme en trois parties contenues dans chacune des trois maquettes de la Licorne, qu’il a fait réaliser pour chacun des « trois frères unys ». Mais les trois enfants du chevalier n’ont sans doute pas suivi la volonté de leur père, et les trois maquettes ont gardé leur secret. Le capitaine ne conserve guère de son ancêtre que son journal de bord, dans lequel il a consigné son histoire, et un tableau, son portrait avec en arrière-plan le vaisseau la Licorne. Après de nombreuses péripéties, qui prennent fin au château de Moulinsart, propriété des frères Loiseau, Tintin et le capitaine réussissent à retrouver les trois parchemins et à percer leur secret : en les superposant et en les regardant par transparence, apparaissent les coordonnées d’une île des CaraÏbes près de laquelle gît encore l’épave de la Licorne, et où sans doute les attend le trésor.

    Tintin et le capitaine Haddock montent une expédition. Il faut noter que la bande dessinée diptyque paraît au cours des années 1942 – 1943. La Belgique est occupée. Les déplacements y sont contrôlés. Monter une expédition maritime pour traverser l’Atlantique est une pure utopie. L’histoire se déroule donc dans une sorte d’univers parallèle où la guerre n’existe pas. À bord du chalutier le Sirius, aidés par le professeur Tournesol et les Dupond-Dupont, Tintin et Haddock partent à la pêche au trésor. Ils se rendent sur les coordonnées : n’importe quel atlas un peu détaillé permet de voir que le point est situé dans la Mer des Caraïbes, au nord de Saint-Domingue (d’où est partie la Licorne), tout près des Îles Caïcos. Nos héros n’y voient rien d’autre que la mer couleur d’émeraude, avant de réaliser leur erreur : « Capitaine, nous sommes des ânes ! », s’exclame Tintin. Il fallait bien sûr compter les degrés de longitude en fonction du méridien de Paris, en usage à l’époque. Rebroussant chemin, ils découvrent l’île, toujours au large de Saint-Domingue mais plus à l’est. Puis ils trouvent l’épave, ils en rapportent divers souvenirs, mais pas le trésor, hélas, qui demeure introuvable…

Grâce aux indications fournies par le texte, on sait que l’île est découverte le soir du 20 juin, et nos héros y débarquent au matin du 21 juin. À ces dates, le soleil, quittant le signe des Gémeaux, entre dans le signe du Cancer. Précisément, les Gémeaux de l’histoire, les Dupond-Dupont, se font pincer par un crabe (le Cancer) en débarquant sur l’île ! Quant à Tintin et Haddock, oui ce sont vraiment des ânes, puisque deux des étoiles de la constellation du Cancer se nomment Asellus borealis et Asellus australis, soit « le petit âne du nord » et « le petit âne du sud ». La recherche du trésor est abandonnée le 15 juillet, jour du lever héliaque du Petit Chien. Le Sirius rentre à son port d’attache le 23 juillet. Toute l’aventure est donc placée sous le signe du Cancer. Dans le ciel, sous l’espace attribué à ce signe zodiacal se superposent les constellations du Petit Chien (Milou…), de la Licorne et du Grand Chien, dont l’étoile principale est Sirius. Quand on vous dit que l’œuvre d’Hergé est à double lecture !

Mais l’aventure n’est pas terminée. Grâce à des parchemins patiemment reconstitués par le professeur Tournesol, on apprend que le chevalier de Hadoque avait reçu de Louis XIV, en remerciement, le château de Moulinsart. Or, suite à l’arrestation des frères Loiseau, ce château est à vendre. Le capitaine rachète la demeure de son ancêtre. En visitant ses caves, Tintin et Haddock aperçoivent dans une niche, à moitié masquée par un grand tableau retourné, appuyé contre un mur, le haut d’une statue d’un personnage âgé et barbu, tenant une croix dans la main gauche. Son auréole légendée (Sanctus Johannes) permet de l’identifier comme saint Jean, et le livre qu’il tient dans l’autre main comme l’Évangéliste. « Nous sommes sûrement dans une ancienne chapelle », remarque Tintin, qui soudain a une illumination : « et resplendira la croix de l’Aigle », disaient les parchemins donnant la clé du trésor. L’aigle, réalise Tintin, c’est justement l’emblème de saint Jean l’Évangéliste. La statue est dégagée de ce tableau (aussi haut que Tintin) qui la dissimule en partie, et apparaît alors aux pieds du saint, outre un aigle aux ailes déployées, un globe terrestre quadrillé par les lignes des longitudes et des latitudes. L’île où nos héros sont allés à la pêche au trésor y est portée, c’est en fait un bouton commandant l’éjection d’une calotte. Le globe est creux, il contient le trésor de Rackham le Rouge, que le chevalier de Hadoque avait tout simplement rapporté chez lui… Tout est bien qui finit bien !

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DE MOULINSART AU PILAT

    Pour la plupart des lecteurs, ce passage des pages 60 et 61 du « Trésor de Rackham le Rouge », où apparaît la statue de saint Jean, n’a rien de plus mystérieux. Mais le fait que cette statue soit masquée par un grand tableau retourné est un signe. L’aventure est partie de la maquette d’un vaisseau que l’on retrouve sur un tableau, elle se termine sur une statue masquée par un tableau. C’est un double effet miroir, la statue est peut-être elle aussi le reflet d’un tableau, et ce tableau, qui doit exister quelque part, représente sans doute aussi une statue… Pour les lecteurs pilatois et attentifs, connaisseurs de leur patrimoine, de nombreux détails présents dans ces pages renvoient à la chapelle Saint-Sabin et au tableau qui l’orne : on y voit un semblable saint personnage âgé et barbu, dont le bas du corps est lui aussi masqué, en l’occurrence par le tabernacle de l’autel ; un sol quadrillé de lignes tout comme le globe terrestre ; un aigle en tous points identiques ; et une statue ! On pourrait même y ajouter la croix dorée surmontant le tabernacle de la chapelle Saint-Sabin, qui semble trouver son reflet dans les caves de Moulinsart (page 60, B3 et C3), mais il convient de laisser quand même une certaine part au hasard. Certes nous avons d’un côté saint Jean l’évangéliste et d’un autre saint Sabin. Ce ne sont pas les mêmes personnages, mais en apparence seulement, car nous verrons que saint Jean se cache astucieusement dans le tableau de Saint-Sabin. Et il y a d’autres liens tout aussi subtils, d’autres vignettes qui renvoient à des détails de cette toile, bien trop sans doute pour que tout ne soit qu’un hasard… Tout en développant ces liens, il nous faut assurer l’étude détaillée de notre tableau, qui lui aussi peut délivrer un enseignement bien caché.




L’autel et le tableau, avant restauration


    Saint-Sabin est une chapelle rurale, perchée sur une crête du Pilat, dominant la commune de Véranne. Elle a été construite en 1683, sous le règne de Louis XIV, mais a remplacé un édifice plus ancien, déjà cité en 1317. Le Sabin honoré ici est un saint local et inconnu de l’Église, un ermite qui aurait évangélisé le Pilat, et à qui la tradition populaire donne une paire de bœufs pour compagnons. Le tableau qui décore la chapelle remonte sans doute lui aussi à la fin du XVIIe siècle. Cette toile de grande taille représente en revanche l’un des seuls saints nommés Sabin que connaisse l’Église, bien que ce personnage ne soit jamais venu dans le Pilat. Évêque d’Assise en Italie au IIIe siècle, Sabin fut invité par l’empereur Maximien à vénérer une statue de Jupiter. L’évêque la prit entre les mains et aussitôt la statue tomba en morceaux. Sabin eut les mains coupées et fut jeté en prison où il mourut, non sans avoir accompli plusieurs miracles. Selon une autre version, Sabin était évêque de Spolète, et son tortionnaire était un certain Vénustien, mais l’histoire reste globalement la même. C’est l’épisode représenté par le tableau. Sabin est en habits d’évêque, il tient sa crosse de la main gauche, et de la main droite il montre le piédestal sur lequel était placée la statue de Jupiter. C’est une sorte de courte colonne cylindrique, décorée de têtes de béliers reliées par des guirlandes végétales. À l’époque où le tableau était placé derrière l’autel, qui le masquait en partie, il fallait agir comme Tintin : le dégager des objets qui l’encombraient pour découvrir le bas de la toile. Aujourd’hui, le tableau restauré a changé de place et est exposé contre le mur du fond de la chapelle, où il est mieux visible.

   



Détails du tableau : le piédestal, l’aigle, la statue brisée

Photo (avant restauration) et interprétation au trait

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    On remarque donc dans la partie basse, comme le fait le capitaine Haddock pour la statue de saint Jean, un aigle aux ailes déployées. Puis une statue gisant à terre, brisée en plusieurs morceaux : celle de Jupiter, un dieu toujours accompagné d’un aigle, comme saint Jean... On observe en particulier la tête et les mains, éparpillées sur le sol carrelé. Sabin a remplacé la statue, sur le piédestal, par un livre qui est sûrement la Bible, ou l’Évangile : la religion chrétienne supplante ainsi les anciens dieux. La partie droite du tableau est occupée par une colonne cylindrique, dont on ne voit pas le haut, posée sur un socle parallélépipédique. En arrière-plan on devine des tentures, et un curieux cordon terminé par un pompon, pendant au milieu de l’espace. À droite une ouverture laisse apercevoir le ciel nuageux. On remarque également ce sol carrelé. Mais curieusement les carreaux des deux côtés du tableau sont de tailles différentes, petits à gauche et plus grands à droite, et même leur coloration paraît légèrement varier : la couleur chaude à gauche, dans les ocres, laisse place à un ton pierre à droite, dans les gris. Il y a des défauts de perspective évidents, les lignes de fuite formées par le quadrillage du carrelage et par le socle de la colonne ne convergent visiblement pas vers un même point. Revenons dans la cave du château de Moulinsart (voir la page 60 de l’album) : elle présente des murs successivement en briques et en pierres. Soit des carreaux de différentes tailles, les petits de couleur ocre, les grands de couleur pierre… Comme sur le tableau de Saint-Sabin !



 

La partie basse du tableau (après restauration) :
remarquer les différences de carrelages

    Le tableau de Saint-Sabin, tout comme l’aventure de Tintin, évoque fortement le ciel : le bélier et l’aigle sont des constellations, Jupiter est une planète. L’aventure de Tintin est placée sous le signe du Cancer, dont l’étoile alpha est Acubens, un nom qui veut dire « l’homme couché ». N’est-ce pas un homme couché que dessine la statue de Jupiter jetée à terre ? « Et resplendira la croix de l’Aigle » : cette phrase, et la majuscule au mot Aigle, laisse imaginer que c’est de la constellation du même nom que l’on parle, laquelle forme une croix en effet. Son étoile alpha est Altaïr, ce qui veut dire « l’aigle en vol », le symbole de Zeus/Jupiter. 

Maintenant, allons au-delà des simples apparences. Je dois remercier ici Michel Barbot qui, dans une étude consacrée au tableau de Saint-Sabin, a mis en évidence un certain nombre de curiosités. Il n’est pas possible de reprendre ici en intégralité cette étude très fouillée, j’en résume les points essentiels en espérant ne pas trahir la pensée de notre ami, féru de kabbale et de symbolisme.

LE BAIN DE LA PURIFICATION

Les restes disloqués de Jupiter, posés sur le sol plat, évoquent l’image de deux nageurs aux styles différents. Le corps semble exécuter un mouvement de crawl, nage certes moderne mais qui n’a fait que perfectionner une méthode déjà ancienne. Le second baigneur, dont ne semblent émerger de l’eau que la tête et les mains, paraît nager la brasse. On dirait qu’il a terminé sa course ou sa danse aquatique, il arbore le sourire du vainqueur.

Dans la langue hébraïque, la main et la tête se disent Yad et Rosh. Ces deux mots sont à l’origine de deux lettres : le Yod et le Resh. L’alternance main – tête – main forme une véritable équation kabbalistique. Les lettres Yod – Resh – Yod ainsi évoquées écrivent le mot Yêri, « tir », dont la racine est Yéra, « tirer, jeter (à terre, à la mer) », mais aussi « indiquer, instruire, jeter les fondements, ériger ». Ainsi la chute de la statue de Jupiter peut s’interpréter de bien des façons assurément complémentaires les unes des autres. Chaque lettre hébraïque ayant une valeur numérique, l’équation Yod – Resh – Yod (10 + 200 + 10) génère le nombre 220. Par une gymnastique intellectuelle chère aux kabbalistes, on peut ainsi associer Yêri à Brih’éi (verrouillage) et à Tihour (purification), tous deux de valeur 220. Ce « tir » qui est aussi un « verrouillage » et une « purification » rappelle le chapitre 2, verset 7, du Livre de Jonas : « Jusqu’aux extrémités des montagnes, je suis descendu, la terre me verrouillait pour toujours. Mais, de la fosse, tu as fait remonter ma vie, Yhwh, mon Dieu ». Pour les kabbalistes, Jonas « tiré » par Dieu remonte un à un tous les éléments sur lesquels repose la terre selon les enseignements du Talmud : la tempête, le vent, les montagnes, les eaux, les colonnes qui la soutiennent. Nos « nageurs » du tableau évoquent tout cela, à la fois par l’équation kabbalistique Yod – Resh - Yod et par les eaux dans lesquelles ils semblent immergés. Ils en sont à la quatrième phase de la remontée : baignant dans les eaux purificatrices, sur lesquelles sont posées les colonnes.

    Il y a deux autres vignettes dans l’album « Le trésor de Rackham le Rouge » qui rappellent le tableau de Saint-Sabin. La première est la case C2 de la page 43. Le capitaine Haddock est dans l’eau, on ne voit de lui que la tête (barbue) et les deux mains. Formant lui aussi l’équation Yod – Resh – Yod, Il « tire » sur un cordage pour s’accrocher. Par rapport au tableau, on dirait que le second nageur, formé par la tête et les mains de Jupiter, a saisi le cordon qui pend au-dessus de saint Sabin pour le tirer. Que va-t-il en faire ? Rien sans doute, il ne lui est pas destiné… La seconde vignette est à la fin de l’album, nous y reviendrons plus tard.
  

    Laissons donc planer le mystère un instant, pour écouter la « voix de celui qui crie dans le désert », saint Jean le Baptiste. Le « verrouillage » de Jonas, qu’il faut comprendre comme une « purification », sa descente au fond des eaux situées aux extrémités des montagnes, puis sa remontée, tout cela apparaît dans une lecture chrétienne comme une préfiguration du baptême du Christ par Jean-Baptiste. Jean baptisait dans les eaux du Jourdain, fleuve sacré d’Israël, dont le nom hébreu est Yarden (qui descend), mot apparenté au Yêri généré par l’équation Yod – Resh – Yod. Le baptême du Christ est l’un des trois évènements au cours desquels Jésus fut « manifesté » aux hommes, les deux autres étant l’adoration des rois mages et les noces de Cana. L’Église a unifié ces trois évènements en une seule fête, l’Épiphanie (ce qui veut dire « manifestation »), jadis célébrée le 6 janvier. Aujourd’hui seul le souvenir des rois mages reste attaché à cette fête chrétienne, au cours de laquelle on « tire » les rois, symbolisés par une fève cachée dans une galette. La forme de la fève conduisit à la remplacer par un bébé en porcelaine, populairement nommé « baigneur », puis par divers symboles qui aujourd’hui font la joie des collectionneurs. La galette des rois traditionnelle présente des lignes entrecroisées, qui ne sont pas sans rappeler à la fois le sol carrelé du tableau, sur lequel évoluent nos « baigneurs » et saint Sabin, et le globe terrestre du trésor, au pied de la statue de saint Jean à Moulinsart. Ce quadrillage qui évoque les mailles d’un filet de pêche se dit en hébreu Rishet, mot signifiant aussi « filet, rets, grille ». La racine de ce mot est Rashat, un nom qui n’est pas sans rappeler celui du Crêt du Rachat, l’un des six sommets de la zone des crêts du Pilat, voisin de l’Œillon ou du Crêt de la Perdrix. Le rachat, en ancien français comme en patois local, désigne l’épervier… voire l’aigle !

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TROIS FRÈRES UNYS ET TROIS SAINTS JEAN

    Derrière l’image de saint Sabin brisant la statue de Jupiter, se cache en fait l’image des deux saints nommés Jean, le Baptiste et l’Évangéliste, voire d’un troisième Jean… Ainsi il va être encore plus aisé qu’on ne l’aurait pensé de passer de la statue de saint Jean de Moulinsart au tableau de saint Sabin. D’autant que la statue représente un vieillard barbu, ce qui n’est guère courant. On représente généralement saint Jean en jeune homme imberbe et parfois efféminé, on sait d’ailleurs ce que cette habitude a entraîné comme interprétations ! Le saint Jean de Moulinsart n’est pas sans offrir quelque air de famille avec le saint Sabin du tableau. Jupiter écartelé en deux baigneurs, au pied du piédestal orné de têtes de béliers, représente, dans une analyse chrétienne, les deux Jean. Chacun d’entre eux est évoqué par ses attributs : le bélier et la tête coupée pour le Baptiste, le livre et l’aigle pour l’Évangéliste. La Tradition évoque trois Églises : l’Église exotérique de Pierre, l’Église ésotérique de Jean, et l’Église alchimique de Jacques. Ce Jean serait en fait un troisième personnage, semblable à la troisième face invisible de Janus. Jean, Jonas, Janus : la structure consonantique reste la même ! Ce troisième saint Jean apparaît au Moyen-Âge sous les traits du mystérieux Prêtre Jean, souverain d’un pays invisible. Saint Sabin apparaît dans le tableau, au niveau de la symbolique, comme le troisième Jean. La toile représenterait ainsi le courant johannique véhiculant la tendance gnostique de l’Église et sa connaissance cachée. Sur la colonne marquée d’un bélier, Jean/Sabin a posé le livre de la doctrine secrète.

    Les « trois frères unys » que sont Tintin, le capitaine Haddock et le professeur Tournesol, paraissent bien semblables aux trois saints Jean discrètement évoqués par le tableau. Tintin en reporter et journaliste n’est-il pas comparable à saint Jean l’Évangéliste, auteur d’un évangile, d’épîtres et de l’Apocalypse ? Haddock, en marin pêcheur barbu, n’est-il pas comparable à saint Jean-Baptiste s’apprêtant à baptiser Jésus/Tintin dans le Jourdain (page 24, D3) ? Et le haddock étant un filet d’aiglefin fumé, cet « aigle fin » ne rappelle-t-il pas l’aigle de Jupiter et de saint Jean ? Tournesol enfin, pénètre dans l’ancienne chapelle par une porte entre deux colonnes (page 61, D2), c’est la fameuse ultime vignette évoquant le tableau de Saint-Sabin, où l’évêque se tient lui aussi entre deux colonnes. Tournesol tient dans la main gauche son parapluie, dont le manche n’est pas sans ressembler à la crosse d’un évêque… Le pendule qu’il tient dans la main droite évoque quant à lui ce bizarre « pompon » qui pend au bout d’un cordon, au-dessus de saint Sabin. C’est exactement comme s’il l’avait tiré pour s’en faire un pendule ! Car c’est à lui qu’il était destiné… Même l’arrière-plan de la vignette, avec un battant de la porte fermé et l’autre ouvert sur un fond obscur, évoque l’arrière-plan du tableau, séparé en deux parties verticales, l’une claire et l’autre sombre.


LA DANSE DE L’ILLUMINATION

Suivant la Légende Dorée, il apparaît que l’apôtre Jean, l’Évangéliste, a pour symbole l’aigle mais aussi la perdrix. En hébreu perdrix se dit qoré, c’est-à-dire « celle qui crie ». Comment ne pas penser ici à Jean-Baptiste criant dans le désert ? L’autre nom hébreu de la perdrix est ‘hogla, mot apparenté à ‘hog, « cercle », ‘hagor, « ceinture », et ‘hagag, « tourner en cercle, danser, célébrer ». Dans la Grèce antique, la perdrix était consacrée à Aphrodite, et lors des danses de printemps les danseurs imitaient la danse de la perdrix mâle simulant une claudication, rappelant celle d’Héphaïstos, l’époux d’Aphrodite. Dupont et Dupond, pincés au pied par un crabe, débarquent sur l’île au trésor en claudiquant (page 26, A1)… comme des danseurs imitant la perdrix ! Jadis les pèlerins accédaient à Saint-Sabin par un chemin traversant le Bois de la Corée : oublions la lointaine Corée pour nous souvenir plutôt que perdrix se dit en hébreu… qoré !





La chapelle Saint-Sabin, telle qu’elle apparaissait
aux pèlerins depuis le vieux chemin du Bois de la Corée

En 1555 le lyonnais Jean du Choul visita le Pilat et en laissa une description en latin. Ce juriste était le fils du magistrat et humaniste Guillaume du Choul, l’un des piliers des cercles érudits de la Renaissance lyonnaise, qui devaient donner naissance à la Société Angélique. On trouve dans le livre de Jean du Choul une curieuse évocation de Saint-Sabin, lieu qu’il qualifie d’oracle. L’auteur dit qu’il ne lui appartient pas de se faire l’écho de bruits incertains, puis il croit devoir ajouter cette phrase étonnante : « Je n’ignore pas que si l’on tourne sur soi-même, on croit voir les montagnes peu à peu se pencher, ridées en leur cime, puis taillées en pointe ou imbriquées les unes dans les autres comme des tuiles creuses ». Faut-il en conclure qu’ici se déroulaient des rituels consistant à tourner sur soi-même jusqu’à avoir des visions prophétiques ? Rituels en rapport avec ces valeurs de la perdrix hébraïque ou grecque, attribut des deux, ou des trois, saints Jean ? Au Moyen-Âge, certains évêques effectuaient dans leur cathédrale, en quelques occasions bien précises, des danses rituelles. Dans certaines de ces danses ils tourbillonnaient ainsi que le faisaient les Juifs dans le Temple de Salomon. Dans la cathédrale de Chartres les danses pouvaient se faire sur le labyrinthe, lequel était, selon une tradition oiselée rapportée par Robert Graffin, « le jeu de Jean que jouent les gens ». Mais très vite le clergé ignora et interdit même de telles frivolités. En 1656 des chaises furent placées sur le labyrinthe mettant fin ainsi aux cheminements, aux jeux et aux danses. La chapelle Saint-Sabin possédait un sens de circulation particulier, officiellement pour faciliter l’écoulement du flot des pèlerins. C’est ce qu’Henri Vincenot nomme un « petit labyrinthe ». Sur le tableau, on remarque le geste ample de saint Sabin. Son aube violette semble voleter au-dessus de sa chaussure, ce qui n’est pas sans suggérer un mouvement. Avec un peu d’imagination, on pourrait croire qu’il vient d’effectuer une giration rappelant une danse rituelle.

Page 61 de l’album « Le secret de la Licorne », Tintin comprend enfin le sens des parchemins, clé du trésor. « C’est de la lumière que viendra la lumière », car il faut regarder les trois parchemins en transparence. Des nombres donnent la position d’une île, que nos héros découvriront. Mais comme le remarque P.-L. Augereau, ces « nombres-île » renvoient en réalité au véritable « nombril » que forme l’île-bouton sur le globe terrestre, dans les caves du château de Moulinsart, aux pieds de la statue de saint Jean. À chaque occasion, la soudaine compréhension de l’énigme, l’illumination, amène Tintin à esquisser quelques pas de… danse. Une danse de joie exécutée page 62 (A2) du « Secret de la Licorne », et pages 50 (C2) et 60 (C3) de l’album suivant, « le trésor de Rackham le Rouge ».


SUR LE MÉRIDIEN DE RACKHAM LE ROUGE ET DES COMTES DU FOREZ

    Deux universitaires belges, Daniel Justens et Alain Préaux, se sont penchés sur la sémantique des noms des personnages d’Hergé. Il apparaît que ces noms présentent souvent une accumulation de consonnes, répétitives en terme de phonétique. Rackham doit son nom à un authentique flibustier des Caraïbes du XVIIe siècle, Jean Rackam. Hergé a rajouté un H, non sans raison sans doute. Le message est peut-être qu’il faut garder cet H mais supprimer le K inutile. Le nom peut alors valablement se simplifier en Racham. Il est trop tentant d’éliminer aussi le M pour en faire Racha, rasha, le filet, le quadrillage, le Crêt du Rachat, l’aigle… Le filet du chalutier Sirius pour aller à la pêche au trésor, le quadrillage des latitudes et longitudes sur le globe terrestre, l’aigle aux pieds de saint Jean l’Évangéliste… Autant de représentations bien visibles dans l’album « Le trésor… », en particulier page 60. Et « le rouge », comme la perdrix rouge qui selon la légende fut sacrée reine sur le plus haut sommet du Pilat, devenu le Crêt de la Perdrix, voisin du Rachat ! Dans cette optique, le trésor royal de Rackham le Rouge devient le trésor royal du Pilat ! Ou plutôt « le royal secret des six crêts » : je ne peux que renvoyer mes lecteurs vers ce chapitre ainsi titré du tome I de mon livre « La Société Angélique ».

Tintin réalise que les coordonnées données par le chevalier de Hadoque se réfèrent au méridien de Paris, pas à celui de Greenwich : il leur faut donc repartir d’environ 2° 20’ vers l’est pour trouver l’île. Ces 2° 20’ n’évoqueraient-ils pas aussi le nombre 220 généré par l’équation Yod – Resh – Yod, elle-même suggérée par l’alternance main – tête – main du tableau ? Cet écart, si on le reportait vers l’est à partir du méridien de Paris, correspondrait au méridien 4° 40’ (Greenwich) qui traverse le Pilat… Le trésor équivaut à dix fois la rançon d’un roi. Pour ne pas être accusé de cracher dans la soupe et d’en reprendre une louche, je laisserai à d’autres le soin de conclure, sur ce point-là, en signalant qu’il est encore question de méridien.

    À la fin de l’album, le capitaine Haddock s’installe donc à Moulinsart, ce château que Louis XIV avait donné à son ancêtre pour le récompenser de ses grands mérites. C’est un tournant dans la saga des aventures de Tintin : fini l'austère petit appartement bruxellois, Haddock devient désormais un châtelain. Comme nous l'apprend l'album suivant "Les sept boules de cristal", dans un premier temps seul le professeur Tournesol s'installe avec lui au château, cherchant dans les environs "un tombeau mérovingien", un détail qui n'est pas innocent ! Puis Tintin finira par venir y habiter lui aussi. Le village et le château de Moulinsart sont imaginaires. Pourtant il y a dans la région du Brabant wallon, au sud-est de Bruxelles, de nombreux toponymes terminés en « sart », laissant imaginer que Moulinsart puisse être lui aussi dans ce secteur. On peut citer le château de Moriensart, la commune de Maransart, ou celle plus importante de Rixensart. Nous sommes toujours aux alentours du méridien 4° 40’… En réalité il faut chercher Moulinsart « plus à l’ouest », comme le signale habilement le pendule du professeur Tournesol. C’est tout simplement une petite commune dont Hergé a inversé le nom : Sart-Moulin, au sud de Bruxelles, tout près de Waterloo. Pour le château, Hergé s’est inspiré de celui de Cheverny (Loir-et-Cher), en l’amputant simplement des deux pavillons carrés au bout des ailes latérales.
 

Le roi Louis XIV désignait le chevalier de Hadoque par l’expression « notre cher et aimé François ». Pour Serge Tisseron, ces mots ne peuvent que signaler un fils bâtard et non reconnu. C’est un clin d’œil d’Hergé, dont le père était le fils illégitime du roi des Belges Léopold II. Ce roi amateur de gaudriole et d’amours ancillaires ne trouvait pas grâce aux yeux du créateur de Tintin, qui eût sans doute préféré descendre de Lycaon, le roi mythique de l’Arcadie, devenu la constellation du Loup. Mais n’est-ce pas son fils bâtard, un animal mi-chien « mi-loup », qui est devenu le fidèle compagnon de Tintin ? Et ne serait-ce pas en suivant une certaine « piste du loup » qu’Hergé serait venu dans le Pilat forézien ? Car voici un autre clin d’œil révélateur : le blason qui orne la porte d’entrée du château de Moulinsart, et que l’on peut voir nettement dans l’album « Les sept boules de cristal », représente un dauphin surmonté d’une couronne, autant de symboles d’une filiation royale. Mais le dauphin est aussi — et surtout ! — l’emblème héraldique du Forez, un nom qui s’écrivait jadis Forest. Et Moulinsart n’est-il pas, selon Tintin (« Le secret de la Licorne », page 48, D2), « une véritable forêt » ?

Le Forez dont les comtes, avant de se mettre sous la protection de la couronne royale française, se faisaient sacrer en secret, aux alentours de l’an mille, au sommet du Crêt de la Perdrix, le point culminant du Pilat…

Patrick Berlier et Michel Barbot

  

BIBLIOGRAPHIE

Bertrand Portevin, « Le monde inconnu d’Hergé » et « Le démon inconnu d’Hergé », Dervy, 2001 et 2004. Dans ce second livre, lire en particulier le chapitre intitulé « Hergé à Rennes-le-Château » !

Pierre Louis Augereau, « Hergé au pays des Tarots », Cheminements 1999.

Daniel Justens et Alain Préaux, « Tintin, ketje (gamin) de Bruxelles », Casterman 2004.

Serge Tisseron, « Tintin et le secret d’Hergé », Hors Collection / Presses de la Cité 1993.

Benoît Peeters, « Le monde d’Hergé », Casterman 1990.

Robert Graffin, « Chartres 3, sis et 7 et gal 13 or », éditions Robert Graffin.

Henri Vincenot, « Les étoiles de Compostelle », Denoël 1982.

Michel Barbot, « Le tableau de Saint-Sabin ou les trois frères unys », non publié.

 « Constellations - atlas illustré », Gründ.

Cédérom « Autoroute », Microsoft.




...Un engagement, pour conclusion...
...Les Regards du Pilat, des pistes aux découvertes...

   J'espère que vous aurez vraiment apprécié ce dont vous venez de prendre connaissance... Très honnêtement, il y a encore quelques semaines de cela, il n'était absolument pas prévu de vous présenter dans l'immédiat ces investigations, jusque-là discrètes et même assez secrètes. Bien sûr, ils nécessitent sans aucun doute possible, plusieurs lectures paisibles et attentives. Il s'avère fortement souhaitable de vous rapprocher au plus tôt, des BD d'Hergé, concernées par les développements exceptionnels de Patrick et de Michel, si vous souhaitez pouvoir pleinement profiter de la profonde mesure, de la plus complète compréhension, des multiples et fins recoupements, des arguments d'auteurs consciencieux que je félicite à nouveau. C'est un peu un concours de circonstances, qui a précipité la diffusion de ce dossier, le premier que nous venons, en l'occurrence de qualifier de "Dossier Spécial et Hors Série", et là par contre, ce n'est pas un hasard improvisé, soyez en intimement convaincus...  Il faut savoir s'adapter certes, c'est ici sans réelle importance, mais certains d'entre vous ont peut-être d'ailleurs suivi sur un forum, le cheminement qui mène à cette présentation maintenant.



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    Vous l'aurez déjà envisagé ou peut-être suffisamment pressenti ; nous sommes bien au beau milieu d'un puzzle, d'un incroyable puzzle, inimaginable du point de vue d'une rationalité traditionnelle et préétablie. On dépasse largement, très largement l'entendement, sachant que nous naviguons bien directement ici, avec ce "Dossier Spécial" au coeur même de la Grande Affaire. Le Pilat y occupe, une place de choix ; une des premières, presque sur la même marche, qu'une jolie région française réputée dans ce contexte : nous n'en doutons plus aujourd'hui, une seule seconde... Néanmoins, pour vous éclairer sur ces constats formels et ces découvertes accumulés par nos soins, et aussi, parce que je n'aime pas les cachoteries évitables, et bien je vais vous donner une indication, surtout plus marquante que mathématique. De notre point de vue, la "vedette" posthume, l'arbre qui masque finalement aujourd'hui la forêt, s'avère en réalité un emblème, mais parmi d'autres emblèmes nombreux, plus effacés appartenant tous à la Grande Affaire. Il ne représente par ses secrets réels et présumés, qu'une infime partie du gigantesque ensemble composant l'Histoire Secrète, celle d'une civilisation deux fois millénaires, dont le Pilat s'impose comme une scène déterminante en maintes époques, dans une continuité, volontairement hermétique.

    Ce grand puzzle, nous serions tenté de penser que nous en avons peut-être compris l'essentiel. La prudence doit néanmoins rester de mise. Pourtant sachez que nous possédons aujourd'hui de multiples pièces intimes, mais qu'il nous en manque beaucoup, beaucoup d'autres... A l'heure qu'il est, nous sommes conscients et aussi récompensés, d'être sur les bons rails, mais nous ne connaissons pas toutes les escales ni toutes les gares dans lesquelles nous allons devoir nécessairement nous arrêter, avant de repartir avec les bonnes clefs. En revanche, nous avons quelques idées assez précises et d'autres encore plus certaines. Tout est un travail d'équipe, de confiance, de patience et d'honnêteté....

    Merci de l'attention que vous aurez portée à ce "Dossier" pointu. Dans le futur, et pour reprendre une belle phrase de mon ami Patrick Berlier, il faudra peut-être bien effectivement que "vous vous caliez confortablement dans votre meilleur fauteuil...."


Thierry Rollat
LES REGARDS DU PILAT


...Vous disent à bientôt...
"Je dirais même plus à très bientôt"

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